La réunion est ouverte à 17 h 45
La commission examine, en nouvelle lecture, le rapport de Mme Michelle Meunier et le texte qu'elle propose sur la proposition de loi n° 372 (2015-2016), adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.
Nous allons examiner la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, qui nous revient de l'Assemblée nationale en nouvelle lecture car la commission mixte paritaire (CMP), qui s'est réunie le 18 novembre dernier à l'Assemblée nationale, a échoué. L'examen de ce texte est prévu en séance le jeudi 10 mars à 10 heures 30. Notre commission se réunira la veille en début d'après-midi pour donner un avis sur les amendements de séance. Si le Sénat n'adopte pas conforme le texte voté par l'Assemblée, celle-ci l'examinera en lecture définitive, et cette proposition de loi aura ainsi terminé, près de deux ans et demi après son dépôt à l'Assemblée, son très long parcours parlementaire.
EXAMEN DU RAPPORT
Nous approchons enfin du terme de notre très long travail parlementaire consacré à la lutte contre le système prostitutionnel.
La commission mixte paritaire, que nous avons tenue le 18 novembre à l'Assemblée, a échoué. Une majorité aurait pu se dégager entre les membres présents de la CMP, mais cet accord aurait ensuite été rejeté par le Sénat, car il aurait prévu la pénalisation du client et la suppression pure et simple du délit de racolage. C'est pourquoi le président de la CMP, Guy Geoffroy, a constaté son échec. Mes regrets sont d'autant plus grands que de nombreuses dispositions du texte ont été adoptées dans des termes identiques par nos deux assemblées.
Il en est ainsi de l'article 1er bis, qui améliore la formation des professionnels engagés dans la prévention de la prostitution et l'identification des situations de prostitution ; de l'article 8, qui étend le bénéfice de l'allocation de logement temporaire aux associations agréées pour l'accompagnement des personnes engagées dans le parcours de sortie ; de l'article 9, qui étend aux victimes de la prostitution et du proxénétisme l'accueil en centre d'hébergement et de réinsertion sociale ; et de l'article 11, qui autorise les associations dont l'objet statutaire est la lutte contre la traite des êtres humains et le proxénétisme ou l'action sociale en faveur des personnes prostituées à exercer les droits reconnus à la partie civile à l'occasion d'un procès pénal.
En outre, les députés ont retenu plusieurs des apports du Sénat en première ou en deuxième lecture. Ainsi, à l'article 1er ter, nous avons amélioré le dispositif dont pourront bénéficier les victimes de la traite et du proxénétisme en précisant que ce sont les personnes dont le témoignage est utile à la manifestation de la vérité et dont la vie est gravement menacée qui pourront en bénéficier. Cette disposition essentielle devrait faciliter la coopération des personnes prostituées avec les personnels de police et de gendarmerie et avec la justice afin de démanteler les réseaux. Elle permet également de circonscrire l'utilisation de ce dispositif très lourd afin de le réserver aux personnes en danger et ainsi d'en assurer la pleine effectivité. En outre, en nouvelle lecture, la commission spéciale de l'Assemblée a adopté un amendement de sa rapporteure afin de préciser que les dispositions du code pénal relatives à l'audition des témoins, qui peut déboucher sur une retenue de quatre heures, sont applicables aux personnes prostituées. Ce texte permet donc aux forces de police et de gendarmerie de lutter contre les filières, même si nous supprimons le délit de racolage.
Les députés ont également adopté conforme l'article 1er quinquies, introduit par le président et la rapporteure de votre commission spéciale en première lecture, qui étend le champ de compétence des inspecteurs du travail à la constatation des infractions de traite des êtres humains.
Le Sénat avait considérablement modifié en première lecture l'article créant un parcours de sortie de la prostitution. Si ces dispositions avaient pour l'essentiel été préservées par l'Assemblée, nous avons adopté en deuxième lecture un amendement précisant que toutes les associations qui aident et accompagnent les personnes en difficulté pourront participer à l'élaboration du parcours de sortie de la prostitution avec la personne prostituée, et non les seules associations spécialisées dans l'accompagnement des personnes prostituées. L'Assemblée nationale a quelque peu modifié ces dispositions en nouvelle lecture mais sans en changer l'esprit.
Les députés ont confirmé les dispositions de l'article 3 bis, que nous avions introduit pour étendre aux victimes de la traite des êtres humains et du proxénétisme ainsi qu'aux personnes engagées dans le parcours de sortie de la prostitution la liste des publics prioritaires pour l'attribution de logements sociaux.
L'Assemblée a par ailleurs adopté conforme l'article 14 ter, qui fixe le cadre dans lequel doit s'inscrire la politique de réduction des risques en direction des personnes prostituées.
Enfin, l'essentiel des améliorations apportées par le Sénat aux articles 15 et 15 bis relatifs à l'éducation à la sexualité a été préservé.
En revanche, les députés sont revenus en nouvelle lecture sur certaines dispositions que le Sénat avait introduites. Ainsi, à l'article premier, ils ont supprimé à nouveau les dispositions permettant à l'autorité administrative de demander aux fournisseurs d'accès à Internet de bloquer directement l'accès aux sites utilisés par les réseaux de prostitution. Il est vrai que cette disposition, qui existe en matière d'apologie du terrorisme, est délicate à mettre en oeuvre, comme on l'a constaté ces derniers mois.
À l'article 6, l'Assemblée a substantiellement modifié le texte du Sénat en prévoyant que le titre de séjour dont peuvent bénéficier les victimes de la traite et du proxénétisme ne peut être délivré qu'à une personne ayant cessé l'activité de prostitution. Le Sénat avait, pour sa part, adopté un amendement en séance publique qui prévoyait qu'il fallait simplement être « engagé dans un processus de cessation » de cette activité. Toutefois, la suite de la phrase précise que la personne est engagée dans le parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle, ce qui est à mon sens suffisant pour signifier que la sortie de la prostitution est bien un parcours et non nécessairement un point de départ. C'est pourquoi je vous propose d'en rester là sur ce point.
Enfin, les députés ont rétabli l'article 9 bis qui prévoit une aggravation des sanctions à l'encontre des personnes qui commettent des faits de violence contre des personnes prostituées.
J'en viens à la pénalisation des clients de personnes prostituées et à l'abrogation du délit de racolage. Le texte voté par le Sénat en seconde lecture ne comportait plus la première de ces dispositions.
Conformément à sa position constante, la commission spéciale de l'Assemblée a rétabli en nouvelle lecture la pénalisation du client à l'article 16, la peine complémentaire de stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels à l'article 17 ainsi que la disposition prévoyant une évaluation de la création de l'infraction de recours à l'achat d'actes sexuels à l'article 18. Pour ma part, je reste profondément convaincue que la responsabilisation du client et l'abrogation du délit de racolage constituent deux mesures essentielles et indissociables pour que la personne prostituée cesse enfin d'être considérée comme une délinquante et pour que lui soit reconnu le statut de victime. Il s'agit également d'affirmer que - dans tous les cas - l'achat d'un acte sexuel est une violence faite aux femmes.
Je regrette que nos efforts en deuxième lecture ne nous aient pas permis d'aboutir, car le temps presse... Je pense notamment à l'article 1er ter qui permet d'assurer l'efficacité des enquêtes policières, d'autant plus que les députés ont précisé que les dispositions sur l'audition libre pouvaient s'appliquer aux personnes prostituées.
Voici donc le point auquel nous sommes parvenus au terme de ce long parcours. Je voudrais vous remercier pour votre implication dans ces travaux. Sur ce sujet complexe, qui prête parfois à la caricature - et suscite les passions -, nous avons avancé de façon constructive avec l'Assemblée. L'échec de la CMP révèle cependant que nous continuons à buter sur certains points fondamentaux. Comment responsabiliser les clients de personnes prostituées et agir efficacement en la matière ? Comment maintenir l'ordre public et lutter contre les réseaux sans pour autant rendre coupables les personnes prostituées de l'exercice de leur activité ? Les réponses apportées par l'Assemblée à ces deux questions me semblent à la fois justes et équilibrées. C'est pourquoi je ne vous proposerai aucun amendement sur le texte issu de la nouvelle lecture.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Article 3
Avis défavorable à l'amendement n° COM-3, car il est nécessaire de faire travailler ensemble la police et la gendarmerie, les collectivités territoriales, les magistrats et les représentants d'associations pour mener une action cohérente.
L'amendement n° COM-3 n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté sans modification.
Article 6
L'amendement n° COM-4 est satisfait : s'agissant de l'article L. 316-1 du code des étrangers, les mots : « peut être délivrée » ont déjà été remplacés par les mots : « est délivrée ».
L'amendement n° COM-4 n'est pas adopté.
Avis défavorable à l'amendement n° COM-5, qui porte sur la délivrance du titre de séjour pour les personnes prostituées qui portent plainte.
Ce sujet a fait l'objet de longs débats.
L'amendement n ° COM-5 n'est pas adopté.
Avis défavorable à l'amendement n° COM-6, qui porte sur les conditions de délivrance de la nouvelle autorisation provisoire de séjour.
Il reprend pourtant la formulation adoptée par le Sénat en séance publique en deuxième lecture, moins brutale que les mots : « ayant cessé l'activité ».
Cet amendement n'est-il pas satisfait ? Le texte qui nous a été transmis comporte les mots : « est engagé dans le parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle ».
Il comporte aussi les mots : « ayant cessé l'activité de prostitution ». Je préfère la rédaction proposée par Mme Benbassa.
Mme Benbassa veut supprimer les mots « ayant cessé l'activité de prostitution ». En l'état, le texte signifie que la personne devrait avoir totalement cessé de se prostituer pour pouvoir bénéficier d'une autorisation provisoire de séjour.
Il suffirait de supprimer « ayant cessé l'activité » plutôt que de demander son remplacement par « engagé dans un processus de cessation de son activité ».
Je rectifie donc mon amendement en demandant la suppression des mots : « , ayant cessé l'activité de prostitution » et leur remplacement par : « qui, engagé dans un processus de cessation de son activité, est engagé dans le parcours de sortie... ».
Il s'agit donc de l'amendement n° COM-6 rectifié. Votons !
L'amendement n ° COM-6 rectifié n'est pas adopté.
L'article 6 est adopté sans modification.
Article 16
Le débat a déjà eu lieu, mais l'exposé des motifs de l'amendement n° COM-7 m'apprend que le « caractère délictuel de la récidive peut mettre en danger la prostituée » car « le complice d'un délit peut être condamné au même titre que l'auteur ». La suppression du délit racolage avait pour but de ne pas pénaliser l'activité de prostitution. Si, en cas de récidive, la personne prostituée est considérée comme complice du client, elle peut faire l'objet de poursuites. Je m'interroge...
Les amendements identiques n° COM-1 et COM-7 sont adoptés et l'article 16 est supprimé.
Article 17
Article 18
L'amendement de coordination n° COM-9 est adopté.
L'article 18 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission spéciale.
La réunion est levée à 18 h 15