La commission examine le rapport de Mme Gisèle Jourda et le texte proposé par la commission sur le projet de loi n° 212 (2014-2015) autorisant l'approbation de l'amendement à la convention sur la future coopération multilatérale dans les pêches de l'Atlantique du Nord-Ouest du 24 octobre 1978.
Monsieur le Président, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant l'approbation de l'amendement à la convention sur la future coopération multilatérale dans les pêches de l'Atlantique du Nord-Ouest.
Cette convention a été signée le 24 octobre 1978 à Ottawa. Elle a créé l'OPANO, l'organisation des pêches de l'Atlantique du Nord-Ouest, dont le siège est à Dartmouth, au Canada. L'OPANO compte douze parties contractantes : quatre Etats côtiers - le Canada, les Etats-Unis, le Danemark (pour le Groenland et les îles Féroé) et la France (pour l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon) et huit autres parties dont le Japon, la Russie et l'Union européenne.
En tant qu'organisation régionale de gestion des pêches, l'OPANO a pour objectif de contribuer à la gestion durable des ressources halieutiques dans la zone de sa compétence, qui recouvre une grande partie de l'Atlantique du Nord-Ouest. Les réglementations que l'organisation adopte ne s'appliquent que dans les eaux internationales. Elles ne sont pas applicables dans les zones économiques exclusives des Etats côtiers.
La réglementation de l'OPANO couvre la plupart des espèces présentes dans la zone de la convention, à l'exception du saumon, des thonidés, des baleines et des espèces sédentaires, qui relèvent d'autres instruments juridiques. Pour chacune de ces espèces, l'OPANO alloue chaque année des quotas aux membres de l'organisation et adopte des mesures pour contrôler leur respect. Elle prend également des dispositions contre les navires qui pratiquent la pêche illicite. Enfin, l'organisation met en oeuvre des mesures de protection des écosystèmes marins, en interdisant par exemple certaines zones à la pêche profonde.
En 2005, les Etats ont décidé d'engager un processus de réforme de l'organisation en soumettant la convention de 1978 à une révision complète. Le processus de réforme, conduit sous la présidence de l'Union européenne avec une vice-présidence assurée par le Canada, s'est conclu par une réunion spéciale des parties au printemps 2007, qui a abouti à l'adoption d'un amendement à la convention de 1978. C'est cet accord que nous examinons aujourd'hui.
La France doit approuver cet accord en tant que membre de l'OPANO au titre de Saint-Pierre-et-Miquelon. En effet, Saint-Pierre-et-Miquelon fait partie des « pays et territoires d'outre-mer », ou PTOM, au sens du droit de l'Union européenne. Pour ces territoires, la compétence de l'Union en matière de pêche ne s'applique pas. Les Etats membres de l'Union peuvent ainsi adhérer à des organisations régionales de pêche au titre de leur PTOM.
L'accord qui nous est soumis contient essentiellement des dispositions techniques. Il poursuit principalement deux objectifs : moderniser la convention en intégrant les nouveaux principes de gestion des ressources halieutiques et améliorer le fonctionnement de l'OPANO en réformant sa gouvernance.
Concernant le premier objectif, l'accord modernise la convention en l'alignant sur les instruments juridiques signés depuis les années 1970, qui font référence aux principes dits « modernes » de gestion des pêches. Il s'agit en particulier de « l'approche écosystémique » et du principe de précaution. L'intégration de ces principes à la convention ne constitue pas à proprement parler une innovation, dans la mesure où l'OPANO appliquait déjà ces approches, mais elles sont ainsi consacrées explicitement. Par ailleurs, l'amendement renforce le rôle du conseil scientifique de l'organisation en posant l'exigence « d'adopter des mesures fondées sur les avis scientifiques les plus fiables ».
Concernant le second objectif, l'accord introduit plusieurs changements destinés à faciliter la prise de décision au sein de l'OPANO. Je les présenterai brièvement.
Premièrement, l'accord réforme la procédure d'objection, qui permettait aux parties contractantes de se soustraire à une mesure de gestion décidée par l'OPANO sans besoin de justifier leur décision ni de proposer une solution de remplacement à la mesure contestée. Désormais, toute partie qui présente une objection devra présenter des explications pouvant au besoin être soumises à l'examen d'un groupe d'experts indépendants.
Deuxièmement, l'accord introduit un mécanisme de règlement des différends qui faisait défaut dans la convention de 1978.
Troisièmement, l'accord modifie les règles de prise de décision au sein de l'organisation. Alors que la convention de 1978 prévoyait que les décisions étaient prises à la majorité simple, l'accord prévoit qu'elles seront désormais prises à l'unanimité, dans le but de favoriser la recherche du consensus entre les parties.
Quatrièmement, la convention simplifie la structure de gouvernance de l'organisation. Aux termes de la convention de 1978, l'OPANO était constituée, à côté de son secrétariat, de trois organes : le Conseil général, la Commission des pêches et le Conseil scientifique. Cette structure de gouvernance était critiquée parce qu'inutilement lourde. Par souci de simplification, l'amendement fusionne le Conseil général et la Commission des pêches en une seule « commission ».
En résumé, l'accord porte essentiellement sur des aspects institutionnels et sur le fonctionnement de l'organisation. Les auditions que j'ai réalisées ont confirmé qu'il n'aurait pas de conséquence économique et sociale sur la filière pêche à Saint-Pierre-et-Miquelon. Les difficultés de cette filière, décrites dans le dernier rapport annuel de la Cour des comptes, sont hélas bien réelles mais ne sont pas liées à la réglementation de l'OPANO.
L'amendement à la convention entrera en vigueur s'il est approuvé par 9 des 12 Etats membres de l'OPANO. Sept parties l'ayant déjà approuvé, l'approbation de la France contribuerait utilement à son entrée en vigueur. C'est pourquoi après un examen attentif, je recommande l'adoption de ce projet de loi. Il sera examiné en séance publique, en procédure simplifiée, le 15 mars prochain.
Quelles sont les obligations que se fixe l'OPANO pour contrôler l'exécution des mesures qu'elle décide de mettre en oeuvre ?
Les contrôles sont une préoccupation de l'organisation, dont la convention vise à améliorer le fonctionnement. Sept navires ont été appréhendés pour pêche illégale dans la zone de la convention. Leurs pavillons actuels sont pour la plupart inconnus, mais leurs précédents pavillons ont pu être identifiés.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission adopte le rapport ainsi que le projet de loi précité. Il sera examiné par le Sénat en séance publique le 15 mars, selon la procédure simplifiée.
La commission examine le rapport de Mme Gisèle Jourda et le texte proposé par la commission sur le projet de loi n° 352 (2015-2016) autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Pérou.
Monsieur le Président, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre la France et le Pérou, signée à Paris le 15 novembre 2012, à l'issue de négociations entamées en 2003, à l'initiative des autorités péruviennes. Celles-ci avaient alors proposé de mettre à jour les clauses de la convention d'extradition de 1874 et de négocier deux autres conventions bilatérales, celle que nous examinons aujourd'hui et une autre relative au transfèrement de personnes condamnées qui vient juste d'être signée.
Cette convention répond au souhait du Pérou de se doter d'instruments modernes de coopération judicaire et à celui de la France de renforcer ses liens avec ce pays d'Amérique latine. Même si la communauté française au Pérou ne compte guère plus de 4 000 personnes.
Tout d'abord, quelques précisions sur le contexte de cette convention.
Entre la France et le Pérou, il existait une coopération ancienne mais réduite qui reposait sur la convention d'extradition de 1874, déjà mentionnée et qui vient d'être remplacée, le 1er mars 2016, par un nouveau traité d'extradition.
En outre, pour certaines infractions, une coopération spécifique s'exerce, au titre de conventions multilatérales spécialisées, adoptées sous l'égide des Nations unies à laquelle la France et le Pérou sont tous deux parties, comme la convention unique sur les stupéfiants, faite à New York le 30 mars 1961.
Aucun autre dispositif bilatéral ou multilatéral ne liant la France et le Pérou, la coopération judiciaire en matière pénale s'effectuait jusqu'à présent au titre de la réciprocité dans le cadre de la courtoisie internationale, ce qui signifie concrètement que tous les mandats judiciaires sont transmis par la voie diplomatique.
Depuis 2000, 27 demandes d'entraide ont été adressées par la France au Pérou et 95 par le Pérou à la France. Il s'agit d'affaires de corruption, de stupéfiants, ainsi que d'infractions à caractère financier, à la législation sur le patrimoine culturel et de droit commun (homicides, viols, vols). Côté péruvien, s'y ajoutent des dossiers de terrorisme et de crimes contre l'humanité. Selon les services du ministère des affaires étrangères que j'ai interrogés, ces demandes d'entraide judiciaire formulées par la France et le Pérou ont un contenu classique : réalisation d'auditions, de perquisitions et de saisies, identification de titulaires de lignes téléphoniques, demandes de déplacement de magistrats ou d'enquêteurs. Le délai d'exécution moyen des demandes françaises est de 14 mois tandis que celui des demandes péruviennes est de 11 mois.
Voyons maintenant le contenu de la convention proprement dit.
Bien que rédigée sur la base d'une trame proposée par le Pérou, les stipulations de cette convention s'inspirent largement des mécanismes de coopération existant au sein de l'Union européenne et dans le cadre du Conseil de l'Europe. Le Pérou a en outre accepté toutes les demandes d'ajouts de la Partie française. Les 40 articles reprennent donc, pour l'essentiel, les dispositions de la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 et de son protocole additionnel en date du 17 mars 1978 ; de la convention du 29 mai 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l'Union européenne et de ses deux protocoles additionnels du 16 octobre 2001 et du 8 novembre 2001.
Cette convention appelle donc peu de remarques dans la mesure où les obligations internationales qu'elle contient résultent d'engagements européens et internationaux qui ont déjà été intégrés dans notre ordre juridique et qu'aucune modification des dispositions législatives ou règlementaires actuellement en vigueur n'est à prévoir.
Je signale une particularité : afin de lutter contre les opérations de blanchiment d'argent et la corruption, la convention interdit de refuser l'entraide judiciaire pour des infractions fiscales ou en opposant le secret bancaire (Article 4). Elle offre également de larges possibilités d'obtenir des informations en matière bancaire comme l'identification de comptes ouverts au nom d'une personne physique ou morale, la communication des opérations bancaires réalisées pendant une période déterminée sur des comptes spécifiés ou encore le suivi instantané de transactions bancaires (Article 25), sans oublier la saisie de comptes bancaires (Article 1).
Elle facilite aussi la lutte contre les trafics transnationaux, qu'il s'agisse de biens culturels sensibles péruviens ou de stupéfiants, en permettant la perquisition, l'immobilisation de biens et la saisie de pièces à conviction ainsi que la confiscation des produits d'une infraction criminelle. Cet ajout obtenu par la France facilite la restitution de ces biens à leur propriétaire légitime (Articles 22, 23 et 24). Comme couramment entre pays non frontaliers, les interceptions téléphoniques, les livraisons surveillées, les équipes communes d'enquête et les enquêtes discrètes ou infiltrations ne sont pas expressément prévues, même si elles pourront être mises en oeuvre, au cas par cas, au titre de « l'entraide la plus large possible » qui figure dans la convention. Enfin des techniques modernes de coopération comme des auditions de témoins ou d'experts par vidéoconférence (article 24) pourront être utilisées.
Je recommande donc l'adoption de ce projet de loi qui devrait permettre de faciliter les flux de coopération judiciaire entre la France et le Pérou, eu égard à cette nouvelle sécurité juridique apportée aux magistrats des deux pays et à l'établissement de liens directs, sans passer par le ministère des affaires étrangères. D'ailleurs, le Pérou a achevé ses formalités de ratification en juin 2015.
L'examen en séance publique est fixé au mardi 15 mars 2016. La Conférence des Présidents a proposé son examen en procédure simplifiée, décision à laquelle je souscris.
Je souhaiterais savoir quel est le volume représenté par ces demandes d'entraide judiciaire en matière pénale ?
Le volume est très faible. Depuis 2000, il y a eu 27 demandes d'entraides adressées par la France au Pérou et 95 demandes adressées en sens inverse par le Pérou à la France. Cet accord a surtout pour objet de donner un fondement juridique à l'entraide judiciaire pénale entre nos deux pays qui reposait jusque-là sur la courtoisie diplomatique.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le rapport ainsi que le projet de loi précité.
La commission examine le rapport de Mme Joëlle Garriaud-Maylam et le texte proposé par la commission sur le projet de loi n° 173 (2015-2016) autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (ensemble un règlement transférant la compétence de régulation économique ferroviaire de la Commission intergouvernementale aux organismes de contrôle nationaux, établissant les principes de la coopération entre ceux-ci et portant établissement d'un cadre de tarification pour la liaison fixe transmanche, et une annexe).
Monsieur le Président, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre la France et le Royaume-Uni sur la liaison fixe transmanche.
À titre liminaire, quelques rappels sur le tunnel sous la Manche : en février 1986, la France et le Royaume-Uni signent le traité de Cantorbéry qui autorise la construction et l'exploitation, par des sociétés privées concessionnaires, du lien fixe transmanche et interdit tout financement public. Une commission intergouvernementale (CIG) est chargée de « suivre au nom des deux Gouvernements et par délégation de ceux-ci l'ensemble des questions liées à la construction et à l'exploitation de la liaison fixe »
En mars 1986, un contrat de concession quadripartite est signé entre les gouvernements français et britanniques, France Manche S.A. et The Channel Tunnel Groupe Limited qui constituent le groupe Eurotunnel. Ce contrat de concession, qui court jusqu'en 2086, définit les droits et les obligations d'Eurotunnel au regard de la conception, du financement, de la construction et de l'exploitation de cet ouvrage transfrontalier, d'une part, ainsi que les engagements des États afin de faciliter le fonctionnement du lien fixe transmanche, d'autre part. Après sept ans de travaux pour un coût de construction total de 15 milliards d'euros, la liaison fixe transmanche est inaugurée le 6 mai 1994. C'est le plus long tunnel, en réalité 3 tunnels, jamais réalisé sous la mer avec une section sous-marine de près de 38 km.
Depuis les années 2000, l'histoire du tunnel sous la Manche a été notamment marquée par l'impact de la pression migratoire. L'aggravation du phénomène en 2015 a conduit à un renforcement considérable des clôtures et des dispositifs de surveillance largement financé par le Royaume-Uni, combiné à la présence constante et massive des forces de l'ordre françaises sur le site, en vue d'empêcher les tentatives d'intrusion de personnes cherchant à rejoindre illégalement l'Angleterre. Très récemment, lors du 34ème sommet franco-britannique du 3 mars 2016 qui s'est tenu à Amiens, la Grande-Bretagne s'est engagée à verser une aide supplémentaire de 22 millions d'euros qui sera affectée notamment à « des infrastructures prioritaires de sécurité à Calais, pour soutenir le travail des forces de l'ordre française ».
Depuis 1994, Eurotunnel a enregistré plus de 330 millions de voyageurs et près de 290 millions de tonnes de marchandises ont été transportées par navettes camions et trains de fret. Pour l'exercice 2015, Eurotunnel a annoncé un chiffre d'affaires de 1,2 milliard d'euros, soit une hausse de 5 %.
Venons-en au règlement binational de 2015 qui nous est soumis : le tunnel sous la Manche est régi à la fois par des accords bilatéraux franco-britanniques et par les normes européennes applicables au transport ferroviaire. Le règlement de 2015 vise à transposer au tunnel sous la Manche la directive 2012/34 de novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen que les États membres devaient transposer au plus tard le 16 juin 2015. Cette directive a été transposée dans le droit national notamment par la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire, l'ordonnance du 15 juillet 2015 et le décret du 20 août 2015 relatif à l'accès au réseau ferroviaire. Le règlement de 2015 abroge et remplace le règlement binational de 2009.
Le règlement de 2015 a pour objet d'intégrer les changements exigés par la directive : en premier lieu, son article 55 exigeant un régulateur ferroviaire national unique et totalement indépendant des États, les fonctions de régulation de la Commission intergouvernementale (CIG) sont expressément transférées aux organismes de contrôle nationaux : pour la France, l'Agence de régulation des activités ferroviaires (Araf), devenue, depuis la loi dite Macron d'août 2015, l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), et pour le Royaume-Uni, l'Office of Rail and Road (ORR). Chacun de ces organismes est compétent sur la partie de la liaison fixe située sur le territoire dont il relève.
En deuxième lieu, le règlement exige que l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières et l'Office of Rail and Road coopèrent étroitement et coordonnent leurs processus décisionnels pour que leurs décisions ou avis aient des effets juridiques et pratiques concordants sur l'ensemble de la liaison fixe transmanche. Ces deux organismes ont ainsi conclu, par anticipation, le 16 mars 2015, un accord de coopération en matière de régulation économique de la liaison fixe transmanche que vous trouverez à la fin de mon rapport écrit.
En troisième lieu, le règlement introduit une annexe qui définit le cadre applicable au gestionnaire d'infrastructure pour la tarification de la liaison fixe transmanche. Il reviendra ainsi au groupe Eurotunnel de calculer le montant des redevances dans le respect des principes de non-discrimination, de transparence et d'équité en tenant compte de la manière dont les coûts à recouvrer sont liés aux activités des entreprises ferroviaires concernées.
En conclusion, je recommande l'adoption de ce projet de loi. Ce règlement, auquel ne s'attache guère d'enjeu, permet simplement l'unification du régime juridique en matière de régulation économique des transports ferroviaires sur l'ensemble du réseau ferroviaire national comme exigé par la directive. Au contraire, tant que le règlement de 2009 n'est pas abrogé, la commission intergouvernementale (CIG) reste compétente pour la régulation économique du tunnel sous la Manche, ce qui entache les décisions qu'elle prend, dans ce domaine, d'une fragilité juridique au regard de la réglementation européenne et un risque de contentieux n'est pas à exclure. Il faut en outre rappeler que la France et le Royaume-Uni se sont engagés, en 2013, à transférer le rôle d'organisme de contrôle de la CIG aux deux régulateurs nationaux dans le cadre d'une procédure précontentieuse lancée par la commission européenne. Il importe donc de ratifier rapidement cet accord, d'autant que le Royaume-Uni a notifié l'achèvement de ses procédures internes de ratification le 25 septembre 2015.
L'examen en séance publique est fixé au mardi 15 mars 2016. La Conférence des Présidents a proposé son examen en procédure simplifiée, décision à laquelle je souscris.
Indépendamment du contenu même de cette convention, d'une façon plus globale, certains accords que nous avons passés avec la Grande-Bretagne ont le don de mettre en colère les élus du Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Les propos récents du Premier ministre britannique et ses arguments de campagne - à savoir que si le Royaume-Uni sort de l'Union européenne, on devra remettre en cause les accords du Touquet - nous montrent à quel point nous avons probablement été naïfs. Je sais bien que ce texte n'a pas de rapport avec les accords du Touquet mais pour montrer mon agacement, je voterai contre ce projet de loi.
Je m'abstiendrai également.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le rapport ainsi que le projet de loi précité.
La commission examine le rapport de M. Jean-Marie Bockel et le texte proposé par la commission sur le projet de loi n° 106 (2014-2015) autorisant l'approbation de l'accord relatif au site technique de l'Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d'information à grande échelle au sein de l'espace de liberté, de sécurité et de justice entre le Gouvernement de la République française et l'Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d'information à grande échelle au sein de l'espace de liberté, de sécurité et de justice.
Monsieur le Président, mes chers collègues, je suis très heureux d'avoir pu réaliser ce travail, puisque j'y ai vu d'emblée un lien avec celui que nous avions conduit en commission sur les nouveaux enjeux en matière de sécurité des systèmes d'information.
L'agence Eu-LISA a été instituée par un règlement européen adopté en 2011. Elle est chargée de la gestion des principaux systèmes d'information de l'Union européenne : le système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II), qui est un fichier de signalement à des fins policières dont chacun connaît l'importance dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, le système d'information sur les visas (VIS), qui rassemble les données liées aux demandes de visa d'entrée dans l'espace Schengen et EURODAC, qui recense les empreintes digitales des demandeurs d'asile. On est ici au coeur de l'actualité européenne.
L'accord que nous examinons est un accord de siège - il n'évoque pas les grands principes, mais c'est l'occasion d'en parler. Il a été signé en 2013 et prévoit l'installation du site technique de l'agence Eu-LISA à Strasbourg. En réalité, les nouveaux pays membres sont souvent demandeurs - et on le comprend bien - d'accueillir chez eux des agences européennes. Cela a été le cas pour l'Estonie, qui, de plus - et nous avons eu d'autres occasions d'en discuter - est à la pointe sur la dématérialisation, les systèmes d'information, la cyber-défense et la cyber-sécurité. Il y a eu donc une compétition entre la France, qui d'ailleurs accueillait depuis 1995 le site central du SIS et ce pays. Un compromis a finalement été trouvé. Le site administratif de l'agence est à Tallinn, mais le site de Strasbourg, qui préexistait, sera le lieu du développement, de la gestion technique des systèmes d'information. A partir de là, il fallait à travers cet accord définir les règles permettant de faire fonctionner ce site.
Pour vous donner un ordre de grandeur, pour 2016, le budget prévisionnel de l'agence est de 82,5 millions d'euros, dont 80,3 millions au titre de la subvention de l'Union européenne et 2,24 millions au titre de la contribution financière des pays associés. En 2014, l'agence comptait 130 employés, dont 48 à Tallinn et 82 à Strasbourg.
L'accord qui nous est soumis précise les conditions d'installation de l'agence à Strasbourg. Il prévoit notamment la cession par la France d'un terrain adjacent au site existant de Strasbourg, afin que les capacités nécessaires à l'agence Eu-LISA puissent y être développées.
L'accord précise également les privilèges et immunités qui s'appliquent au personnel de l'agence. Nous avons reçu lors des auditions des représentants du ministère de l'Intérieur, du ministère des Finances - direction des douanes en particulier - et du ministère des Affaires étrangères. Sur la question des immunités, ils sont conformes au protocole n°7 sur les privilèges et immunités de l'Union européenne et donc très classiques.
Enfin, l'accord contient également des dispositions relatives à la sécurité du site. Par les temps qui courent, vu la sensibilité des informations gérées, c'est évidemment important.
Si l'accord contient essentiellement des dispositions de nature technique, il touche indirectement à des questions essentielles dans le contexte de la montée du risque terroriste et de la crise des migrants. Ces systèmes d'information sont en effet des instruments indispensables pour garantir la sécurité à l'intérieur de l'espace Schengen et assurer un contrôle efficace des frontières extérieures de l'Union.
Dans cette perspective, les systèmes d'information existants ont vocation à être renforcés :
La France souhaite ainsi que le SIS soit renseigné et consulté par l'ensemble des Etats membres de manière systématique. C'est à la fois un enjeu pratique et de sécurité. Aujourd'hui, la France est l'un des seuls pays à utiliser pleinement toutes les potentialités du fichier en partageant notamment avec les autres pays les fameuses « fiches S » éditées par la direction générale de la sécurité intérieure. Il y a là un potentiel de développement, d'échanges, à condition que tout le monde joue le jeu. Il est également urgent que dans le cadre de la crise des migrants, les pays de première entrée dans l'Union se dotent des moyens de renseigner systématiquement le fichier EURODAC, pour permettre l'application du système de Dublin. L'enjeu est important en termes de sécurité, de traçabilité, de suivi.
Par ailleurs, de nouveaux systèmes d'information sont également en cours d'élaboration :
Le projet dit « frontières intelligentes » (« smart borders »), qui vise à enregistrer les entrées et les sorties des ressortissants des pays tiers dans l'espace Schengen, permettra d'identifier plus facilement les personnes qui séjournent illégalement sur le territoire de l'Union. C'est un enjeu politique au regard du discours ambiant selon lequel il faudrait abandonner Schengen qui est une passoire. A quoi on peut opposer que le système Schengen a des défauts, assurément, qu'il a montré ses limites dans la donne actuelle mais qu'il a le mérite d'exister, est adaptable, perfectible. Si on fait le nécessaire, on peut avoir avec Schengen une vraie capacité de contrôle, de régulation, à hauteur de ce qu'on voudra bien décider - mais cela passe évidemment par un développement des capacités techniques que j'évoquais à l'instant. Le PNR européen, dont nous avons longuement parlé dans le cadre de la loi de programmation militaire et des lois antiterroristes, devrait bientôt être mis en place - vous le savez - et permettra aux Etats d'échanger les données sur les passagers aériens pour prévenir et réprimer les infractions pénales graves. L'Union européenne pourrait également se doter d'un programme de surveillance du financement du terrorisme organisant la transmission des données de messagerie financière aux Etats membres. Cela renvoie aux nouveaux enjeux de cyberdéfense, de cybersécurité qui portent sur des questions majeures. Pour y répondre, des outils sont nécessaires et cette agence en est un.
Au vu de l'ensemble de ces évolutions, le rôle de l'agence Eu-LISA est de toute évidence appelé à croître dans les prochaines années. Le règlement européen qui a institué l'agence prévoit d'ailleurs que celle-ci peut se voir attribuer la gestion de nouveaux systèmes « sur la base d'instruments législatifs pertinents ». S'il est déjà acquis que l'agence aura la charge du système « smart borders », dont elle a testé un projet-pilote en 2015, elle pourrait également se voir confier la gestion d'autres systèmes comme le PNR européen.
Le Sénat soutient ces évolutions. Au regard de celles-ci, notre commission devrait être satisfaite de l'installation sur le territoire français du site technique de l'agence Eu-LISA. Elle permettra à la France de conserver la maîtrise de systèmes d'information dont l'importance est appelée à croître à l'avenir. C'est pourquoi je vous propose d'adopter le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord qui nous est présenté.
Il faudra communiquer ce rapport à la commission des affaires européennes, qui travaille sur le dossier Schengen.
Il intéresse aussi le groupe de travail conduit, au sein de notre commission, par MM. Gaëtan Gorce et Jacques Legendre sur la question des migrants.
Concernant les dépenses d'investissement liées à l'installation des sites, j'avais cru comprendre que l'Autriche, qui abrite le site de secours, les avait fait supporter à l'Union européenne, alors que la France et l'Estonie les avaient prises en charge. Quels ont été en définitive les coûts réels sachant qu'étaient prévus 19 millions d'euros d'investissement ?
Schengen s'applique en principe aux ressortissants des Etats européens, pas aux migrants. Quel est le droit de circulation des migrants dans Schengen ?
Concernant les dépenses de fonctionnement, je vous ai indiqué que la contribution des Etats était en 2016 de l'ordre de 2 millions d'euros. Concernant les dépenses d'investissement requises des Etats hôtes, nous ferons figurer cette information dans le rapport. Concernant les migrants, la question qui se pose n'est pas tant celle de leur circulation que celle de leur entrée dans l'espace Schengen.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le rapport ainsi que le projet de loi précité. Il sera examiné par le Sénat en séance publique le 15 mars, selon la procédure simplifiée.
La commission examine le rapport de M. Jacques Gautier et le texte proposé par la commission sur le projet de loi n° 286 (2015-2016) autorisant l'accession de la France au protocole sur le statut des quartiers généraux militaires internationaux créés en vertu du Traité de l'Atlantique Nord.
Nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant l'approbation de l'accession de la France au protocole sur le statut des quartiers généraux militaires internationaux créés en vertu du Traité de l'Atlantique Nord.
L'accession de la France à ce Protocole, dit « Protocole de Paris » signé à Paris, en août 1952, n'est que la suite logique du retour de la France dans la structure du commandement intégrée de l'OTAN à partir de 2009, comme le montre le bref rappel historique suivant.
En 1966, sous la présidence du Général de Gaulle, la France, pays co-fondateur de l'OTAN, se retire du commandement militaire intégré et dénonce le Protocole de Paris qu'elle avait ratifié en janvier 1955. Ce sont 27 000 soldats et 37 000 employés qui quittent la France, soit 30 bases aériennes, terrestres et navales. La France ne quitte que le commandement intégré et pas l'OTAN, mais le retrait du Protocole a des conséquences importantes. Ainsi le Grand quartier général des puissances alliées en Europe, le SHAPE, basé à Rocquencourt, déménage en Belgique, où il se trouve toujours. La France occupe alors une position à part. Restée membre de l'Alliance, elle ne participe pas au groupe des plans nucléaires et ne met plus de forces à la disposition de l'OTAN, même si un lien opérationnel est maintenu, par un accord passé entre le Chef de l'État-major des armées et le commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR), pour permettre un engagement si nécessaire.
Après un rapprochement progressif entamé au début des années 1990, la France réintègre le commandement intégré de l'OTAN en avril 2009 en y mettant toutefois plusieurs conditions, notamment qu'aucune force française ne soit placée en permanence sous un commandement de l'OTAN en temps de paix. Elle réaffirme également son choix de ne pas participer au groupe des plans nucléaires. Mais, symbole de sa place pleine et entière dans le commandement intégré, la France obtient l'un des deux commandements stratégiques avec le poste de Commandant suprême allié pour la transformation (SACT), situé à Norfolk en Virginie (États-Unis).
Chacun se souvient des questionnements qui ont accompagné cette réintégration. Un audit a été lancé après les élections présidentielles de 2012 sur cette décision, confié par le Président de la République à Hubert Védrine.
En novembre 2012, le rapport Védrine, sur « Les conséquences du retour de la France dans le commandement militaire intégré de l'OTAN, et sur l'avenir de la relation transatlantique et les perspectives de l'Europe de la Défense » est très réservé sur la réalité de l'avenir de la défense européenne et approuve ce retour dans le commandement intégré. Il recommande que la France exerce une influence accrue dans l'Alliance « faute de quoi les inconvénients du retour l'emporteraient finalement ». Ce retour de la France dans la structure intégrée de commandement est confirmé par le Président Hollande et le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013.
Venons-en maintenant au Protocole de Paris. Composé de 16 articles, le projet de loi autorisant l'approbation de l'accession de la France audit Protocole se présente comme un simple accord administratif et technique qui définit le cadre juridique du stationnement des quartiers généraux militaires interalliés de l'OTAN et accorde une couverture juridique à leurs personnels. L'adopter n'est que la conséquence logique de la réintégration. Cet accord administratif ne modifie en rien la position de la France au sein de l'OTAN, qui se traduit par les quatre réserves suivantes : la préservation d'une liberté d'appréciation totale pour la contribution de la France aux opérations de l'OTAN, le maintien de son indépendance nucléaire, la garantie qu'aucune force française ne sera placée en permanence sous un commandement de l'OTAN en temps de paix et, enfin, la non-participation au financement commun de certaines dépenses décidées avant notre retour dans la structure de commandement.
Pour l'essentiel, les quartiers généraux et leurs personnels se voient conférer une grande partie des droits et obligations que la convention dite « SOFA (acronyme de « Status Of Forces Agreement ») OTAN », ratifiée par la France en 1952, donne aux États d'origine et à leurs forces lorsque celles-ci séjournent en France. L'extension du champ d'application du « SOFA OTAN » a déjà été approuvée par notre commission pour d'autres pays, tels que le Lituanie et la Croatie. Cela ne signifie pas une installation massive de GI en France, comme certains l'ont prédit.
L'application de ce Protocole permettra de faciliter la vie quotidienne des personnels militaires et civils envoyés par les autres pays de l'Alliance dans les quartiers généraux situés en France, ainsi que des personnes à leur charge, en leur octroyant notamment les traditionnels privilèges diplomatiques en matière de juridictions, d'exonérations fiscales ou douanières et le bénéfice de règles protectrices concernant les dommages commis ou subis, c'est-à-dire en fait, en leur donnant les mêmes droits que ceux dont disposent réciproquement les militaires français travaillant dans les quartiers généraux de l'OTAN partout dans le monde. Pour l'instant, l'accueil de ces personnels étrangers se fait sur la base d'arrangements techniques qui offrent moins de sécurité juridique et qui ne sont pas nécessairement harmonisés. Je vous précise, mes chers collègues, que 240 militaires issus de pays membres de l'OTAN affectés actuellement en France seraient susceptibles de bénéficier de l'application du Protocole de Paris : les 210 militaires affectés dans les états-majors, les forces ou en coopération de formation et les 30 militaires élèves ou auditeurs dans les écoles.
L'accession à ce protocole simplifiera également le travail des personnels de l'OTAN appelés à venir ponctuellement sur le territoire français en dehors des exercices, qui sont, eux, déjà couverts par le « SOFA OTAN ». On m'a ainsi fait part des difficultés rencontrées pour l'organisation d'un séminaire de l'OTAN à Paris en 2014, notamment pour des questions de droits de douane et de TVA. Une facilité fiscale de moins de 10 000 euros a coûté un temps administratif exorbitant, Bercy ne pouvant respecter les engagements pris par la Défense pour l'organisation de ce séminaire, faute de support juridique.
L'application du Protocole de Paris aux quartiers généraux situés sur le territoire français améliorera aussi le fonctionnement des quartiers généraux en leur octroyant des exonérations fiscales et douanières, la possibilité de détenir des devises et d'avoir des comptes dans n'importe quelle monnaie, des règles de liquidation des acquis, de restitution du foncier et des infrastructures en cas de diminution ou de cessation d'activité ainsi que l'inviolabilité des archives. Les quartiers généraux suprêmes se voient aussi reconnaître la capacité juridique.
L'application du Protocole de Paris restera de fait limitée. En effet, actuellement, la France n'a pas de quartiers généraux qui répondraient à la définition de l'article 1er du Protocole sur son territoire national. Relèvent de l'article 1er : le Grand quartier général ou SHAPE de Mons, le quartier général du commandement allié transformation de Norfolk, le commandement des forces interarmées à Brunssum aux Pays-Bas, le commandement des forces interarmées à Naples en Italie, ainsi que les commandements alliés aérien à Ramstein en Allemagne, maritime à Northwood au Royaume-Uni et terrestre à Izmir en Turquie.
L'article 14 permet au Conseil de l'Atlantique Nord, à la demande du pays hôte et sous réserve de l'unanimité du Conseil, d'étendre le champ d'application du Protocole à tout « quartier général militaire international » ou à toute « organisation militaire internationale ». À ce titre, la France pourrait ainsi demander à bénéficier d'une décision dite « d'activation » pour le quartier général du Corps de Réaction Rapide-France de Lille, le Quartier général du corps de réaction rapide européen de Strasbourg, le Quartier général de l'état-major de la force aéromaritime française de réaction rapide de Toulon et le centre d'analyse et de simulation pour la préparation aux opérations aériennes (CASPOA) de Lyon Mont Verdun. C'est une liste maximale, il n'est pas certain que nous le demanderons pour l'ensemble de ces sites. Peut-être pourra-t-on enfin créer un centre d'excellence certifié OTAN pour valoriser l'expertise du service des essences des armées, car sur 24 centres d'excellence OTAN, il n'y en a pour l'instant qu'un seul en France. Il apparaît plus simple aux alliés constituant ces entités multinationales de s'installer dans des États qui ont adhéré au Protocole de Paris. Chaque État balte par exemple, je vous rappelle que ces Pays ont rejoint l'OTAN en 2004, a déjà le siège d'un centre d'excellence dans sa capitale.
En conclusion, je recommande l'adoption de ce projet de loi. En effet, le Protocole de Paris va simplifier la vie des personnels étrangers dans les quartiers généraux situés sur le territoire national et harmoniser leurs statuts, ce à quoi nos alliés sont très attentifs. L'attractivité de la France devrait se trouver renforcée et au-delà, son influence au sein de l'OTAN grâce à la ratification de ce Protocole. J'ajoute que la ré-adhésion à ce Protocole ne porte aucunement atteinte à la règle du contrôle politique permanent de l'emploi des forces françaises puisque le placement de quartiers généraux sous un commandement de l'OTAN ne pourra résulter que d'une décision politique française.
Enfin, l'examen en séance publique est fixé au mardi 15 mars 2016. La Conférence des Présidents a proposé son examen en procédure normale.
Mes chers collègues, l'exposé était parfaitement clair, il s'agit là de dispositions administratives. Certes on peut profiter de cette occasion pour rediscuter de la place de la France au sein de l'OTAN, mais notre groupe considère que c'est une affaire classée à la suite du rapport Védrine. La position de la France a été redéfinie, dans la continuité d'ailleurs, et nous ne la remettons pas en cause. Un examen attentif de ce texte permet de comprendre qu'il s'agit de dispositions à caractère purement administratif visant à faciliter le développement de nos quartiers généraux, qui pourraient être activés. Ils ont été conçus en respectant tous les critères permettant de garantir leur certification le cas échéant par l'OTAN en cas de nécessité. Il serait donc dommage que l'on ne puisse pas y accueillir dans des conditions normales, c'est-à-dire, celles qui s'appliquent traditionnellement aux fonctionnaires internationaux, les militaires des pays alliés. Notre groupe politique approuvera donc le retour de la France dans un protocole, qui, il faut le noter, s'appelait d'ailleurs le protocole de Paris, alors que nous étions quasiment les seuls à ne plus l'appliquer.
Il est certain qu'il s'agit d'un texte technique qui ne pose pas beaucoup de problème en soi. Toutefois, à titre personnel, je vais voter contre ce texte, alors que j'avais accepté la réintégration de la France dans les structures de commandement intégré de l'OTAN lorsque Nicolas Sarkozy, alors Président, l'avait proposée. Ma position a évolué. Alors que l'OTAN a été créée pour lutter contre le communisme et l'URSS dominante, le communisme a été vaincu. Pendant les quelques années qui ont suivi, il m'a semblé que l'OTAN s'interrogeait sur son utilité, jusqu'à la crise de l'Ukraine qui a provoqué une nouvelle tension avec la Russie. Les déclarations de cet été des dirigeants de l'OTAN sur la tension avec la Russie m'ont paru caricaturales. Pour ma part, je ne voterai donc pas ce texte. Il me semble que nous avons besoin d'une réflexion sur la place de la défense européenne et sur la place de l'OTAN au sein de l'Europe. Nous avons également besoin d'une réflexion au sein de l'OTAN parce qu'il me semble que le réseau militaro-industriel américain a parfois plus de poids que les décisions politiques américaines dans cette enceinte.
Je souhaite poser au rapporteur une question. J'aimerais qu'il m'indique qu'il ne s'agit pas là d'une normalisation pour rendre irréversible la présence de la France au sein de l'OTAN. Je ne voterai pas ce texte, en toute logique, puisque je n'étais pas favorable au retour de la France dans les structures intégrées de l'OTAN.
Ce rapport est dans le droit fil des dévolutions inscrites dans le dernier Livre blanc qui ont conforté la France sur la scène internationale. C'est donc sans hésitation que je voterai ce texte.
Je voulais donner une explication de vote. Je considère pour ma part que l'appartenance de la France à l'OTAN n'est pas une affaire classée, et mon groupe profitera du débat en séance publique pour expliquer sa position. Notre groupe votera contre ce texte.
Je voulais tout d'abord féliciter notre rapporteur qui fit preuve de beaucoup de pédagogie pour replacer les enjeux de ce texte dans leur contexte et pour présenter les grandes étapes de l'histoire des relations entre la France et l'OTAN. Je voudrais simplement dire qu'il s'agit aujourd'hui de prendre des mesures techniques qui sont dans le droit fil de l'importance prise par la France dans les instances de l'OTAN et notamment dans les structures de commandement. Il faut quand même dire que c'est la première fois depuis Lafayette qu'un général français commande des troupes américaines aux États-Unis et c'est un signe fort. Je voudrais vous dire qu'il n'était pas admissible que la France contribue financièrement de manière conséquente ainsi qu'en hommes, sans être associée ou sans participer aux décisions de l'OTAN, comme c'est le cas aujourd'hui. Je voudrais dire à ceux qui veulent ouvrir à nouveau le débat que je suis profondément européen et que j'aurais préféré une défense européenne commune. Cette affaire-là n'est pas possible. La France est la seule à la proposer. Parmi les États européens membres de l'OTAN, la plupart font davantage confiance à l'OTAN qu'à un éventuel accord sur une défense commune. Il n'y a qu'à voir l'attitude des Britanniques, des Allemands, des Polonais. On n'y arrive jamais. Je crois qu'aujourd'hui il faut être pragmatique et réaliste : si l'on est européen, il faut européaniser l'OTAN.
Un mot, Monsieur le Président, pour confirmer le positionnement stratégique de Toulon dans ce dispositif.
Merci, Monsieur le Maire ! Juste un point, mes chers collègues. On voit que dès que l'on emploie les mots de réintégration du commandement intégré de l'OTAN, cela déclenche un débat qui va au-delà de l'objet limité du texte. C'est assez légitime. La question qui est posée, notamment par Yves Pozzo di Borgo, montre que l'on ne peut pas mettre aujourd'hui sur le même plan le travail qui est fait dans l'OTAN avec une stratégie française définie par plusieurs Livres blancs - on ne peut pas dire qu'il n'y a pas de réflexion sur le sujet, quoi que l'on en pense - et une réflexion européenne très incertaine, notamment avec le risque du Brexit. Il ne peut y avoir une Europe de la défense que si l'on avance ensemble et que l'on construit notamment un partenariat avec le Royaume-Uni. On voit bien que nous sommes sur deux types d'approche qui ne sont pas tout à fait compatibles. Je pense qu'il est important d'avoir une réflexion permanente sur l'Europe de la défense, mais d'une manière générale, quand on parle de l'Europe de la défense, il faut parler de notre capacité à faire bouger les choses et à rassembler. La possibilité de faire gagner nos idées aujourd'hui en matière de défense a un pronostic plutôt négatif, même si cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas continuer le travail. Les deux sujets sont importants. La réflexion sur la stratégie de l'OTAN, comme Jean-Pierre Grand la pose, a été tranchée. Le débat sur l'Europe n'est pas tout à fait au même niveau, parce que nous sommes là dans la conquête d'une stratégie, alors que s'agissant de l'OTAN, nous sommes dans la conquête d'une influence. C'est un sujet de fond.