Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, nous sommes très contents de vous recevoir. Vos parcours couvrent la gamme de nos sensibilités territoriales, plus significatives sans doute que la différence des sensibilités politiques au sein de notre délégation. Je tiens à souligner que celle-ci n'a pas pour vocation de faire la même chose que les commissions permanentes. Nous nous articulons avec elles et tentons de travailler en bonne intelligence, par exemple sur la simplification des normes autour de M. Pointereau.
La situation des finances locales nous préoccupe. Nous avons constaté, Monsieur le ministre, votre capacité à taper du poing sur la table lorsque c'est nécessaire. Cela nous convient bien et nous sommes contents d'entendre votre point de vue sur ce dossier difficile.
Les modalités de mise en oeuvre des lois de décentralisation sont aussi au coeur de votre mission et de nos préoccupations. Nous sommes confrontés à une grande complexité. Il existe bien sûr des endroits où tout se passe bien, mais la complexité est bien là. On attend alors de l'État qu'il sache faire preuve d'autant de souplesse quand c'est nécessaire, que de fermeté quand c'est justifié.
J'ai plaisir à vous retrouver, toutes et tous, pour un sujet d'actualité complexe. La secrétaire d'État et moi-même avons ouvert un dialogue avec l'ensemble des associations d'élus, en bilatéral puis en multilatéral avec le président du Comité des finances locales, afin de trouver de bonnes solutions, dans la confiance, aux difficultés à venir, liées au nombre de réformes initiées depuis quatre ans.
Hier, autour du Premier ministre, nous avons reçu l'Association des régions de France pour signer une plateforme État-régions innovante. Toutes les régions l'ont acceptée, à une exception près. Le travail s'est déroulé dans un excellent esprit de consensus et de volonté de bien faire pour nos territoires et nos concitoyens. Face à l'ampleur de la révolution - le passage à treize régions -, ce n'était pas gagné.
Nous avons également rencontré les représentants des métropoles, avec lesquels le dialogue est aussi ouvert. Combien de métropoles voulons-nous ? Il en existe quatorze, bientôt quinze, et autant de demandes, pour une taille allant de 200 000 habitants à la population de Paris. À côté de métropoles comme New York, Buenos Aires ou Shanghai, nous avons des « petits poucets ». Doit-on s'en tenir à une quinzaine de métropoles ? C'est ma position. Il faudra également mettre en application la loi sur l'élection au suffrage universel des conseillers métropolitains.
Les départements rencontrent des problèmes majeurs avec le revenu de solidarité active (RSA). L'explosion des dépenses sociales les met en difficulté. Dix d'entre eux sont accompagnés cette année par un fonds d'urgence. La gestion du RSA devait-elle être décentralisée ? Il s'agit d'une politique de l'État. Faut-il la recentraliser ? Cette demande de l'Association des départements de France est en discussion. Nous ne sommes pas encore parvenus à un point d'équilibre, mais nous y travaillons. Le blocage principal porte sur le choix de 2016 comme année de référence, ce qui représente un coût de 700 millions d'euros pour l'État. Pour la décentralisation du RMI, en 2004, c'est l'année n-1 qui avait été choisie. Pour la recentralisation, nous faisons de même.
Nous sommes très attachés au retour aux sources du revenu minimum d'insertion (RMI). La politique d'insertion en est absente, or le RSA n'est pas une prestation à vie mais un accompagnement vers le retour dans le monde du travail.
Tous les schémas départementaux de coopération intercommunale doivent être rendus ce jeudi. Pas un seul département n'a rejeté son schéma, ce qui ne signifie pas qu'il ait été accepté à l'unanimité. Cinq ou six départements ont souhaité aller plus loin que la proposition du préfet, autant l'ont jugée bonne en l'état, et tous les autres ont connu un débat intense. J'ai donné aux préfets la consigne d'être compréhensifs. Reste la mise en application de cette réforme majeure, qui réduit le nombre d'intercommunalités de 2 100 à 1 100. Certaines intercommunalités vont être « XXL ». Pour autant, la situation s'est apaisée.
La réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) représente une difficulté majeure. La loi de finances pour 2016 la prévoit. Nous ferons tout pour rapprocher les points de vue et dégager un consensus. Certains souhaitaient une mise en place en deux années, mais c'est compliqué techniquement.
Par ailleurs, nous préparons l'acte II de la loi relative à la montagne, et un comité interministériel aux ruralités sera réuni au mois de mai dans l'Ardèche.
En tant que co-rapporteur de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), je salue la plateforme conclue hier entre les régions et le Premier ministre. Je voudrais que vous nous disiez comment le Gouvernement a conçu le droit à l'expérimentation des régions dans le domaine de l'emploi, sujet extrêmement cher au président du Sénat et à nombre de sénateurs.
Nous avons bien compris que vous souhaitiez adoucir les aspérités, Monsieur le ministre. Vous indiquez avoir donné des instructions aux préfets pour qu'ils tiennent davantage compte des propositions des élus quant à l'application de la loi NOTRe. C'est un progrès, car un certain nombre de préfets sont passés en force. L'objectif de la commissaire générale à l'égalité des territoires était de réduire de manière autoritaire le nombre d'intercommunalités à mille au maximum. De quelle nature sont vos instructions ? Quels sont les délais ? Contrairement à l'idée que la haute administration de l'État peut en avoir, la mise en oeuvre de la loi n'engendre pas un parfait bonheur dans les régions.
Ma question porte sur les indemnités de fonction des maires de communes rurales de moins de 1 000 habitants et l'automaticité de leur fixation au plafond. La proposition de loi Sueur-Gourault a été déposée pour faciliter l'exercice du mandat local, faisant l'unanimité des associations d'élus, dont l'Association des maires de France (AMF). Actuellement, l'AMF fait machine arrière sous la pression de quelques élus médiatisés. La loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2016. Nous y sommes très attachés et espérons qu'il n'y sera pas porté atteinte. Au cours de mes vingt-trois années de mandat de conseiller départemental de la Somme, j'ai incité les maires des communes rurales de mon canton à percevoir le plafond des indemnités. Celles-ci s'élèvent à 646 euros brut par mois dans une commune de moins de 500 habitants et 1 178 euros dans une commune de 500 à 1 000 habitants, soit moins que le Smic si l'on divise par le nombre d'heures de travail. Je rappelle qu'aux dernières élections municipales, 64 communes n'avaient aucun candidat, et que le maire endosse une responsabilité pénale. Dans le monde rural, on le dérange la nuit quand le chien du voisin aboie ! Cette loi est un facteur d'égalité. Quel est votre bilan de son application ?
Le partenariat noué par la plateforme État-régions sur l'emploi, la formation professionnelle et l'apprentissage permet l'expérimentation. Cinq régions ont signé un plan de 500 000 formations professionnelles. Nous continuerons dans cette voie, main dans la main avec Pôle emploi. Le projet de loi de Mme El Khomri prévoit aussi l'expérimentation pour deux régions. Elles auront le choix d'affectation des fonds libres de la taxe d'apprentissage.
Je n'ai pas l'ambition d'effacer toute aspérité, sachant au surplus le tempérament rugueux des élus... Les débats sont fructueux, ils se déroulent en confiance. Nous défendons les collectivités territoriales. Avec un respect réciproque, on peut avancer de manière positive.
Pour l'instant, mes instructions aux préfets portent sur la construction du schéma. Nous continuerons de la même manière pour leur application. Je m'exprimerai prochainement devant les préfets en leur demandant de faire preuve de la même compréhension. Pour ce qui est du bonheur, je ne suis pas sûr qu'il faille se lancer dans la vie publique si on le recherche...
L'Association des maires de France a demandé au Sénat de se pencher sur les indemnités des maires de communes de moins de 1 000 habitants. Celui-ci a répondu positivement en interdisant aux maires des communes de moins de 3 500 habitants de renoncer aux indemnités. L'Assemblée nationale a baissé le seuil à 1 000 habitants : ce plafond a été retenu par la commission mixte paritaire. Cette décision s'appuyait sur le fait que le renoncement n'était pas toujours le choix personnel du maire, qui pouvait y être fortement encouragé par le conseil municipal. Tout s'est bien passé jusqu'à ce qu'un maire tente d'imposer un montant contraire à la loi, ce que le préfet a refusé. La médiatisation de ce cas a fait apparaître des contestations. J'en ai parlé lors des séances de questions au Sénat et à l'Assemblée nationale, ainsi que lors du débat sur la proposition de loi de M. Bruno Sido. L'AMF a changé de position et préconise désormais le libre choix. Le dispositif en vigueur est d'origine parlementaire, non pas gouvernementale. Je respecte le Parlement. J'ai cru comprendre qu'une proposition de loi en sens inverse avait été déposée. Ma seule condition est que la réduction des indemnités corresponde à une demande du maire et non du conseil municipal. Vous en déciderez.
Des débats importants ont porté, lors de l'examen de la loi NOTRe, sur le niveau d'expérimentation confié aux régions. Pour toutes les demandes, seule la liberté d'affectation d'une partie de la taxe professionnelle nécessite une modification législative ; tout le reste peut être organisé dans le cadre de la loi NOTRe, qui est souple.
Il est possible de lisser les aspérités dans le temps, notamment en matière de compétences et d'harmonisation fiscale. Nous envisageons, avec M. Baylet, de demander l'inscription d'un lissage sur cinq ans pour le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI) ainsi que pour le versement transports, dans le projet de loi pour l'égalité et la citoyenneté. Nous sommes dans l'adaptation, en fonction des remontées du terrain.
Les quinze îles du Ponant subissent un surcoût lié à leur insularité, notamment en matière de transport maritime, évalué à 38 %.
Les écoles jouent un rôle fondamental dans les communes. Pouvez-vous défendre ces écoles rurales regroupant deux ou trois classes ? Une commune sans école manque d'âme. Nous nous battons pour les défendre.
Je souhaite aussi vous alerter sur les difficultés de constructibilité dans les dents creuses. J'interpellerai la ministre du Logement à ce sujet.
Le président du Sénat a mis en place un groupe de travail sur la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales. Les 10 000 réponses au questionnaire que nous avons adressé à tous les élus et professionnels révèlent des noeuds de complexité. Où en est votre travail sur la simplification des normes ? Nous déposerons une proposition de loi fin juin. D'ici là, pourra-t-on travailler avec vos services sur l'aspect réglementaire ?
Nous ressentons le contrecoup de la loi NOTRe. La suppression de la clause générale de compétences des départements pose des difficultés, en particulier en milieu rural. Depuis très longtemps, ils intervenaient sur les transports scolaires et les cantines. En outre, le conseil départemental ne peut plus financer les associations de maires, or il existait des partenariats essentiels.
Nous souhaitons la stabilité du contexte législatif. Les réformes se succèdent à une allure trop rapide.
L'amélioration des finances des collectivités territoriales est due à une baisse sévère des investissements, de 4,6 milliards d'euros, pesant sur l'activité économique et l'emploi.
La délégation aux collectivités territoriales et la commission des lois mènent une mission sur les communes nouvelles, qui représentent une révolution silencieuse. Les procédures administratives créent parfois des difficultés alors que les freins seraient simples à lever.
Quel est votre avis sur la proposition de loi sénatoriale instaurant un délai supplémentaire de mise en oeuvre des schémas départementaux de coopération intercommunale ?
Le président Larcher et M. Philippe Bas ont écrit à ce propos une lettre au Premier ministre.
Je suis ouvert à toutes les propositions de meilleure prise en compte des besoins particuliers des îles. Leurs difficultés sont liées à la fusion, en 2015, de l'ensemble des composantes de la dotation forfaitaire des communes.
J'ai rendez-vous aujourd'hui même avec la ministre de l'Éducation nationale pour évoquer les écoles rurales.
Pour répondre aux problèmes de dents creuses, les communes doivent se doter de documents d'urbanisme. C'est ce que j'ai toujours prôné. Le Morbihan, il est vrai, doit aussi prendre en compte la loi littoral.
Nous allons dans le sens de la simplification. Je suis prêt à accompagner vos efforts, Monsieur Pointereau, comme ceux de M. Alain Lambert, qui y travaille également.
La clause de compétence générale des départements a été supprimée à la demande du Parlement. Il leur reste cependant beaucoup de possibilités d'intervenir. Pour autant, le rôle du département n'est pas d'assurer le fonctionnement des cantines scolaires... C'est à la communauté de communes de s'en charger.
La suppression du financement des associations de maires est prévue par la loi, même si c'était une tradition dans les départements. Je ne sais pas d'où est venue cette mesure.
Dès notre arrivée au ministère, Mme Grelier et moi-même avons dit que nous n'étions pas là pour initier une nouvelle réforme institutionnelle ni attacher nos noms à une loi, mais pour appliquer les textes votés et mettre de l'huile dans les rouages.
Les collectivités territoriales sont appelées à partager l'effort de redressement des finances publiques, dans des conditions très dures. Les recettes des collectivités se sont tout de même améliorées. On évoquait tout à l'heure les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) - je reconnais que ce n'est pas une recette pérenne. L'investissement a beaucoup diminué, c'est un problème. J'ai dit ce matin au Premier ministre que Mme Grelier et moi-même lui ferions des propositions pour relancer l'investissement.
En matière de soutien à l'investissement, je rappellerai les 500 millions d'euros liés aux priorités nationales telles que la transition énergétique, les 300 millions d'euros consacrés à la rénovation des bourgs-centres et l'accroissement de 200 millions d'euros de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), très prisée. L'élargissement de l'éligibilité des dépenses au Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) est reçu positivement.
Les communes se sont très bien approprié le dispositif des communes nouvelles. Par exemple, dans le Maine-et-Loire, 37 % des communes sont concernées. Nous sommes en relation avec l'Association des maires de France à ce propos, et recevons le retour direct des communes.
Un département peut subventionner un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) dans tous les domaines.
- Présidence de M. Jacques Mézard, vice-président -
Il serait intéressant de pouvoir inscrire la proposition de loi de M. Sido avant le 30 juin à l'Assemblée nationale.
Le RSA n'est pas l'affaire des départements mais de l'État. Je suis favorable à sa recentralisation. Par ailleurs, il ne répond pas à la problématique de tous les départements. Dans le Cantal, le coût de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) est deux à trois fois supérieur à celui du RSA.
Quatre élus qui ont créé des communes nouvelles ont témoigné ce matin devant notre délégation des tracasseries quotidiennes auxquelles ils sont confrontés. Le cadre général ne répond pas à l'ensemble des difficultés. Des problèmes se posent par exemple pour la carte grise, l'adresse postale... Tout cela va à l'encontre du travail de conviction des élus auprès de leurs administrés en faveur des communes nouvelles.
Monsieur le ministre, je suis heureux de votre analyse sur le RSA. Si nous sommes demandeurs de sa nationalisation financière, nous souhaitons la relocalisation de sa mise en oeuvre. Des commissions locales d'insertion géraient le RMI. La réforme devra aller en ce sens.
Ne pouvez-vous pas envisager un moratoire sur les normes pendant la période de diminution des dotations ? Il est impossible de respecter l'échéancier des agendas d'accessibilité programmée. Des maires se retrouveront devant les tribunaux faute de capacité financière pour les mettre en oeuvre.
Enfin j'évoquerai la situation des élus auprès de l'Ircantec. Nous avions questionné la Direction générale de la sécurité sociale sur les contreparties des cotisations versées par les élus à l'Ircantec. Ceux qui sont déjà à la retraite cotisent pour rien. C'est tout juste si l'on ne considère pas le droit de garder une retraite professionnelle comme un privilège. Ne peut-on pas séparer les régimes ?
Dans le domaine économique, le partage des compétences est clair : l'aménagement du territoire aux départements, les aides aux régions. Le problème est que les financements ne sont pas sur la table et que ce sont les collectivités territoriales qui en font les frais. Celles-ci peuvent-elles commencer à travailler sur le principe du conventionnement ?
Le dépôt de la proposition de loi de M. Mézard sur le délai supplémentaire accordé aux commissions départementales de la coopération intercommunale (CDCI) doit vous exhorter à tout faire pour mettre de l'huile dans les rouages. Vous constaterez que les problèmes débuteront dès demain.
La proposition de loi de M. Mézard adoptée par la commission des lois du Sénat a suscité une proposition de loi de M. Calmette à l'Assemblée nationale. Je ne considère pas qu'ajouter du temps au temps règle le problème. On verra s'il est possible de rapprocher les points de vue. Ce soir, les schémas seront tous déposés. Pour autant, rien n'est terminé. Il faudra attendre le 1er janvier 2017, voire le 1er janvier 2018. Nous étudierons cette proposition de loi et entendrons les parlementaires avant de rendre un avis définitif.
On ne peut pas reprocher au Gouvernement de ne pas entendre les élus sur le RSA. Le Premier ministre a répondu favorablement à la demande de l'Association des départements de France de recentraliser le RSA. Si la demande n'avait pas été présentée, nous n'en aurions pas eu l'initiative. Le coût du RSA, de 700 millions d'euros par an, n'est pas une mince affaire par les temps qui courent. Sa mise en oeuvre restera bien sûr du ressort des départements. Nous parlons seulement du financement. Il n'est pas question que l'État se substitue aux services sociaux ou aux caisses d'allocations familiales.
L'APA a été créée en 2001. Elle devait être financée à parité, ce qui n'est pas le cas. Il est vrai que sa charge est lourde, mais il s'agit d'un problème moindre. Dans le cadre de son pacte de confiance et de responsabilité, M. Ayrault avait largement réglé la situation.
Le mot de « moratoire » est impossible à accepter en matière d'accessibilité. Nombre d'associations, notamment d'handicapés, entreraient en rébellion s'il en était question. En revanche, nous simplifions les normes quand cela est possible.
Monsieur Vial, nous encourageons les conventions, devenues un mode ordinaire de fonctionnement entre collectivités territoriales.
La Poste propose des solutions en ce qui concerne les adresses dans les communes nouvelles, tout comme l'Insee. Le ministère de l'intérieur travaille à la question des cartes grises.
Les conventions sont possibles dans le cadre de la loi NOTRe, qui est fluide.
Nous interrogerons la Direction de la sécurité sociale sur l'Ircantec. J'entends ce que vous dites.