Nous devons procéder, en application de l'article 13 de la Constitution, à l'audition publique de M. Jean Bassères, directeur général de Pôle emploi, dont la reconduction est proposée par le Gouvernement. Nous nous prononcerons ensuite sur cette nomination par un vote à bulletin secret.
Monsieur Bassères, vous avez été nommé directeur général de Pôle emploi en décembre 2011 par le Président de la République, Nicolas Sarkozy, puis reconduit pour trois ans par son successeur, François Hollande. C'est donc un troisième mandat de trois ans qu'il est proposé de vous confier.
Après six années à la tête de Pôle emploi, quel bilan dressez-vous vous des actions que vous avez conduites, notamment en regard des objectifs qui avaient été assignés à Pôle emploi ? Quelles perspectives envisagez-vous pour les trois prochaines années ?
Je vous passe la parole et nos collègues vous poseront ensuite leurs questions avant de procéder au vote.
Je suis naturellement très honoré de pouvoir me présenter aujourd'hui devant vous pour candidater à un troisième mandat à la tête de Pôle emploi. Je concentrerai mon intervention liminaire sur les orientations stratégiques qui m'apparaissent nécessaires pour Pôle emploi sur les trois prochaines années. J'évoquerai également les années passées, comme vous m'y invitez, monsieur le président.
Parmi ces cinq futures orientations, deux concernent l'offre de services de Pôle emploi - à l'attention des demandeurs d'emploi et des entreprises -, et trois orientations sont transversales, à savoir le numérique, l'approche partenariale territorialisée et le management interne.
S'agissant des demandeurs d'emploi, l'enjeu des trois prochaines années me paraît résider dans la capacité de Pôle emploi de renforcer son rôle de spécialiste de l'accompagnement des transitions professionnelles. Derrière cette formule, il y a en fait trois objectifs simples : le premier, c'est de concentrer nos moyens sur ceux qui en ont le plus besoin ; le deuxième, c'est d'offrir un service personnalisé à tous les demandeurs d'emploi et, enfin, le troisième est d'accroître la valeur ajoutée de notre accompagnement.
Pour relever ces trois défis, on peut s'appuyer sur les transformations qui ont été mises en oeuvre par Pôle emploi depuis 2012. Je voudrais vous en citer trois exemples. Tout d'abord, nous avons mis en place un accompagnement intensif pour les demandeurs d'emploi. C'est la concrétisation de l'engagement de faire plus pour ceux qui en ont plus besoin. Cet engagement intensif comprend trois modalités, et, aujourd'hui, 35 % de nos conseillers sont en charge de ce type d'accompagnement, qui permet de consacrer plus de temps aux demandeurs d'emploi. À l'occasion de sa montée en puissance, nous avons clarifié nos relations avec les opérateurs privés de placement, puisque nous avons réinternalisé au sein de Pôle emploi l'accompagnement des personnes les plus éloignées de l'emploi.
Ensuite, la deuxième évolution consiste en une plus grande personnalisation du service pour chaque demandeur d'emploi, qui dispose désormais d'un conseiller référent qu'il peut joindre par courriel, et, progressivement aussi, par webcam. Nous avons dématérialisé nos processus d'inscription et réorganisé l'accueil en privilégiant les rendez-vous au flux pour accélérer le traitement de l'indemnisation, qui est la question la plus importante que se pose un demandeur d'emploi quand il arrive à Pôle emploi. L'accompagnement démarre plus vite, le diagnostic est renforcé et nous consacrons par conséquent plus de temps aux entretiens.
Enfin, nous avons fortement investi dans le conseil en évolution professionnelle (CEP), notamment au travers d'un programme ambitieux de formation de nos 20 000 conseillers qui sont en charge de l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Le déploiement du CEP est allé de pair avec un renforcement du nombre de psychologues du travail dans nos agences.
Grâce à ces évolutions, nous avons maintenu la qualité de l'indemnisation, tant en fiabilité qu'en délai ; nous avons contribué à contenir le chômage de longue durée ; nous avons amélioré le taux de satisfaction en matière d'indemnisation, les trois quarts des demandeurs d'emploi indemnisés se déclarant satisfaits, soit quatre points de plus qu'en 2014. Pour ce qui est de l'accompagnement, le taux de satisfaction est de 71 %, soit sept points de plus qu'en 2014.
Bien sûr, nous devons encore progresser dans les prochaines années sur l'accompagnement des demandeurs d'emploi, principalement dans quatre domaines. Le premier, c'est de personnaliser encore le traitement de l'indemnisation. Nous avons spécialisé en 2017 des conseillers en matière d'indemnisation, ce qui, avec l'automatisation de certaines tâches, permet désormais d'être plus proactifs vis-à-vis des demandeurs d'emploi. Nous sommes en phase d'expérimentation : demain, des demandeurs d'emploi auront deux conseillers référents, l'un pour l'indemnisation et l'autre pour le placement.
S'agissant de l'accompagnement, l'enjeu principal pour Pôle emploi est de mieux différencier son offre de services. Il nous faudrait mieux distinguer les demandeurs d'emploi qui ont besoin d'être accompagnés pour définir et mettre en oeuvre leurs trajectoires professionnelles, de ceux qui sont autonomes, pour lesquels les services seront essentiellement numériques. Nous essayons donc d'expérimenter une offre de services numériques pour ces derniers. Cette offre repose notamment sur la mise en place d'un réseau social interne qui serait réservé à ces demandeurs d'emploi.
Nous devons également rapprocher l'offre et la demande en privilégiant une approche par les compétences, afin de mettre en oeuvre un des engagements du Président de la République. Cette évolution très importante est en phase d'expérimentation en région Franche-Comté depuis le mois de novembre, et elle a vocation à être généralisée à l'ensemble du territoire en début d'année prochaine. Il s'agit, dès la fin de l'inscription en ligne, de communiquer directement aux demandeurs d'emploi des offres d'emploi géolocalisées correspondant à leurs demandes, mais aussi des listes d'entreprises que nous lui suggérons de contacter, même si elles n'ont pas déposé d'offre, grâce à un algorithme qui permet de détecter le marché dit caché. Ce nouveau service s'efforce de mettre en correspondance les compétences recherchées par les entreprises dans des secteurs identifiés par le demandeur d'emploi et les compétences que le demandeur d'emploi nous déclare lui-même.
Nous souhaitons dans les prochains mois renforcer cette approche sur les compétences et également l'accompagner d'une dimension signalée par de nombreux employeurs : l'amélioration du savoir-être, au-delà des savoirs et des savoir-faire. Nous travaillons actuellement à la conception d'une prestation pour aider les jeunes, mais pas uniquement, à progresser en la matière.
L'approche par les compétences suppose d'avoir des moyens en matière de formation des demandeurs d'emploi. Nous avons, je crois, fait des progrès ces dernières années, mais, là aussi, nous sommes convaincus que nous avons des marges de progrès considérables devant nous. À cet égard, nous attendons avec impatience le plan d'investissement dans les compétences (PIC), qui a été annoncé par le Gouvernement en septembre dernier.
Il est une autre évolution stratégique que je souhaite aborder, c'est le contrôle de la recherche d'emploi. Les résultats du dispositif mis en place depuis deux ans ont été récemment rendus publics. Il est, je l'espère, de nature à pacifier un débat public que je trouve un peu caricatural parfois. Il permet de concrétiser la logique « droits et devoirs », tout en renforçant notre rôle d'accompagnement.
J'en viens maintenant aux entreprises. En l'espèce, nous sommes face à deux enjeux majeurs : contribuer à réduire les difficultés de recrutement car des tensions apparaissent sur le marché du travail et renforcer nos liens avec les TPE.
Là aussi, nous allons pouvoir nous appuyer sur ce que nous avons conduit depuis trois ans, notamment la mise en place depuis 2015 de 4 300 conseillers spécialisés dans les relations entreprises. Cette spécialisation a deux avantages majeurs. D'abord, elle a sanctuarisé la force de travail que l'on consacre aux employeurs. Ensuite, elle a favorisé le déplacement d'offre de services qui est assez modulaire, qui va de la publication des offres à la présélection de candidats, en passant par le financement de formations préalables à l'embauche.
Nous enregistrons des résultats encourageants, puisque le taux de satisfaction des entreprises à l'égard de ces services est aujourd'hui de 71 %, soit une progression de près de six points par rapport à 2014. Si l'on se projette dans l'avenir, les deux sujets majeurs concernent les TPE. C'est pour nous un sujet assez compliqué, puisque, si elles représentent un gisement d'emplois important, elles recrutent de manière irrégulière. Nous menons donc une expérimentation dans quatorze agences qui utilisent un algorithme dont l'objectif est de prévoir les secteurs où les TPE devraient recruter dans les prochaines années. Nous contactons ensuite les TPE concernées pour leur proposer non seulement des services actuels, mais également pour concevoir ensemble de nouveaux services plus adaptés à leurs besoins. Je crois beaucoup dans cette expérimentation, même s'il est encore un peu trop tôt pour en tirer des enseignements.
La réduction des tensions de recrutement constitue notre second enjeu. Nous devons faire découvrir des métiers et vaincre quelques stéréotypes encore marqués pour certains d'entre eux, en partenariat avec les branches, les entreprises, en recourant notamment à des outils innovants.
L'ancrage territorial et partenarial est une orientation stratégique cruciale pour Pôle emploi dans les prochaines années. Notre philosophie est assez simple : nous rechercherons tout partenariat source d'efficacité. Nous avons développé au cours des dernières années une stratégie un peu tous azimuts, qui va jusqu'à la réservation de places en crèche pour des demandeurs d'emploi qui ont besoin de faire garder leur enfant pour assister à un rendez-vous ou participer à un entretien ou une formation. Nous attachons une grande importance aux 1 200 maisons de services au public. Nous avons des partenariats pour faciliter l'élaboration des bilans de mobilité, sujet aujourd'hui essentiel, ou pour développer le parrainage, notamment avec une association qui s'appelle « Nos quartiers ont du talent », avec laquelle nous avons récemment créé un dispositif. Je souhaite que chaque agence puisse nouer au plan territorial le maximum de partenariats qui correspondent à ses besoins. Nous avons des partenariats naturellement très actifs avec les collectivités territoriales.
Nous travaillons également sur l'épineux sujet de la prise en charge des freins périphériques. Il s'agit d'un terme assez inélégant qui concerne les demandeurs d'emploi confrontés à des problèmes de logement, de santé, d'addictions de toute nature. Nous avons oeuvré avec la quasi-totalité des départements pour que ces personnes soient accompagnées en même temps par un travailleur social et par un conseiller de Pôle emploi. Nous avons des résultats plutôt favorables pour ce type d'accompagnement global.
Avec les régions, nous travaillons dans une approche contractuelle sur cinq secteurs : la formation naturellement, puisque c'est de leurs compétences clé ; la création d'entreprises ; la mobilité ; le numérique ; le développement économique. Nous avons onze conventions régionales déjà signées ou sur le point de l'être. Nous sommes en train de négocier avec trois autres régions. Nous disposons là aussi de marges de progrès, même si je reste très attaché au caractère national de Pôle emploi, ce qui suscite régulièrement des débats.
S'agissant des partenariats avec le service public de l'emploi, nous avons redéfini nos relations avec l'association pour l'emploi des cadres (APEC), avec laquelle nous travaillons bien, ainsi qu'avec les deux réseaux spécialisés que sont les missions locales, pour les jeunes, et Cap emploi, pour les handicapés. Nous souhaitons travailler en complémentarité avec ces acteurs et clarifier nos responsabilités respectives en renvoyant le plus possible aux discussions locales, car ce n'est qu'à ce niveau que l'on arrive à bâtir des relations de confiance. Des indicateurs de résultats ont également été introduits pour pouvoir mesurer la plus-value des uns et des autres. Là aussi, les marges de progrès sont importantes, notamment en termes de mutualisation et de partage des données.
J'aborde maintenant la transformation digitale, qui est cruciale pour nous. Nous avons beaucoup investi dans le numérique ces dernières années, en commençant par les offres d'emploi. Sur pôle emploi.fr, vous avez en moyenne 600 000 offres. C'est cinq fois plus qu'en 2012. Un tiers environ des offres sont déposées à Pôle emploi, deux tiers sur des sites publics ou privés, avec lesquels nous avons conclu des partenariats.
Cette logique de partenariat a été élargie aux services, à travers un portail de « emploi-store », qui rassemble de nombreux outils numériques au profit des demandeurs d'emploi et des entreprises. Il y a à peu près 300 services numériques développés par Pôle emploi avec 200 partenaires.
En matière d'ouverture des données, nous sommes très volontaristes. Nous souhaitons exporter le maximum de données, notamment sous la forme d'interface de programmation applicative (API).
Nous avons été en avance sur le calendrier fixé par le législateur. Désormais, toutes les offres d'emploi déposées à Pôle emploi sont transférables sous forme d'API. Nous avons aussi développé un écosystème plutôt efficace avec des start-up, auxquelles non seulement nous fournissons des données, mais que nous mettons aussi en relation avec des demandeurs d'emploi, avec nos conseillers, pour les aider à bâtir de nouveaux services. Pôle emploi joue également un rôle d'incitateur de projet. Nous souhaitons poursuivre ce développement du digital tout en restant très attentifs à la fracture numérique.
Nous testons des solutions innovantes, avec, dans nos agences, 2 200 volontaires du service civique mobilisés pour aider les demandeurs d'emploi n'ayant pas accès au digital ou qui le maîtrisent mal, à s'inscrire, à actualiser leur dossier, à accéder à l'offre de services de Pôle emploi. Nous avons également mis en place une assistance téléphonique gratuite, parce que vous savez que l'inscription à Pôle emploi se fait désormais uniquement par Internet, mais elle peut aussi se faire en agence avec ces volontaires. Le taux de satisfaction sur les services digitaux atteint 88 %, ce qui est très positif.
J'ajoute que cet investissement dans le numérique est un facteur de transformation et d'innovation interne très fort. Nous avons créé une plate-forme collaborative, qui s'appelle Innov'action, et qui reçoit 19 000 visiteurs uniques par mois. Nous avons également un réseau social interne. Nous encourageons les start-up internes reposant le plus souvent sur la collaboration d'un conseiller, d'un data scientist et d'un informaticien pour développer de nouvelles applications. Nous avons des succès assez impressionnants puisque les deux applications les plus plébiscitées sur emploi-store ont été développées par un conseiller de Pôle emploi. L'une s'appelle « la bonne formation », l'autre « la bonne boîte ». Nous veillons à mettre ces outils au service des conseillers grâce à des formations internes digitalisées, mais également grâce au télétravail, qui est un moyen de montrer aux conseillers l'intérêt même du numérique pour leur propre qualité de vie au travail.
Enfin, le dernier enjeu, c'est la transformation managériale. Je suis convaincu qu'il faut manager en faisant confiance et en pilotant par les résultats. Ce sont pour moi les deux faces de la même médaille. Je suis persuadé que la performance opérationnelle et la performance sociale sont intimement liées. Nous avons beaucoup déconcentré et territorialisé Pôle emploi. Toutes les agences ont ainsi beaucoup de marges de manoeuvre pour adapter aux particularités locales l'offre de services, en travaillant sur la base de diagnostics locaux. Elles déterminent elles-mêmes le nombre de conseillers qui doivent être consacrés à telle ou telle modalité d'accompagnement. Nous n'avons jamais défini de critères nationaux, parce que nous avons la conviction que les conseillers locaux connaissent mieux que nous les caractéristiques des bassins d'emploi sur lesquels ils travaillent.
Toutes nos dépenses d'intervention, telles que les aides à la mobilité, les prestations et les formations, sont fongibles. Il n'y a donc pas de fléchage au niveau national ; chaque direction régionale a même une réserve budgétaire de 5 % des crédits d'intervention pour déroger aux critères nationaux ou pour bâtir des prestations qui n'existent pas au niveau national.
Nous venons de lancer avec 19 agences volontaires une nouvelle étape qui est extrêmement enrichissante pour nous : il s'agit de leur laisser une carte blanche complète, aussi bien pour l'organisation des services que pour l'offre de prestations.
Cette stratégie est reconnue comme étant pertinente par nos collaborateurs : les trois quarts d'entre eux, et neuf cadres sur dix, jugent qu'elle va dans le bon sens.
La contrepartie de ce mouvement de déconcentration, c'est un pilotage par les résultats. Nous avons défini avec l'État et l'Unedic, qui sont nos deux financeurs, une quinzaine d'indicateurs qui sont uniquement centrés sur la qualité et les délais de l'indemnisation, sur le taux de satisfaction des demandeurs d'emploi et des entreprises, et sur le taux de retour à l'emploi. Ces indicateurs sont mesurés par Ipsos au niveau de chaque agence et ils sont consultables sur le site de Pôle emploi.
Nous invitons d'ailleurs chaque agence à travailler de la manière la plus efficace possible pour améliorer ses résultats, résultats que l'on analyse par groupes homogènes d'agences, afin de les comparer en fonction de leur contexte socio-économique et non pas uniquement selon un critère géographique.
Au total, cette transformation est en rupture avec beaucoup des choix qui avaient été faits à la création de Pôle emploi. Nous avons essayé de la conduire en mobilisant tous les leviers, tout en maîtrisant nos coûts. C'est d'abord la formation interne : nous faisons en moyenne sept jours de formation par agent, ce qui est important. Nous sommes convaincus qu'il faut augmenter le socle de compétences de nos agents. Nous avons mis en place des dispositifs d'accompagnement par agence, et la labellisation de nos engagements de services, qui est faite par l'Afnor, contribue à atteindre cet objectif.
Nous essayons de confronter en permanence nos collaborateurs et nos prestataires aux résultats, avec la mesure des taux de satisfaction. D'ailleurs, nous rappelons systématiquement les demandeurs d'emploi qui se sont déclarés insatisfaits lors des enquêtes de satisfaction. Nous essayons enfin d'associer au maximum les collaborateurs et les usagers à la conception des nouveaux services.
Nous avons une politique ambitieuse en matière de responsabilité sociale des entreprises (RSO) et nous essayons d'engendrer une boucle vertueuse entre expérimentation évaluation-mise en oeuvre, notamment pour les sujets les plus les plus sensibles, comme le contrôle de la recherche d'emploi. Enfin, nous concluons des accords sociaux ambitieux avec les représentants de nos agents.
Pour conclure, je dirai que je suis le premier conscient de tous les progrès que nous avons encore à accomplir. J'ai le sentiment que nous sommes dans une bonne trajectoire, mais que nous ne sommes pas capables de le faire assez savoir. Je suis toujours un peu malheureux de l'image négative de Pôle emploi, même si nous en sommes sans doute les premiers responsables. Je tiens à rendre hommage au travail difficile que font les collaborateurs. Nous devons mieux expliquer ce que nous faisons et je souhaite que vous, élus du peuple, puissiez venir le plus souvent possible en agence pour vous rendre compte de visu de ce que je vous ai décrit. Si les demandeurs d'emploi qui entrent pour la première fois à Pôle emploi en ont une image négative, nous aurons à terme un problème d'efficacité.
Monsieur le directeur général, nous nous sommes rencontrés à de nombreuses reprises depuis le 10 décembre 2014, dans le cadre de nos travaux. Rassurez-vous, mes questions ne portent pas sur la mauvaise image supposée de Pôle emploi, parce que, pour ma part, je considère que cette image s'est considérablement améliorée.
Ma première question porte sur le service public de l'emploi. Nous constatons dans nos territoires les méfaits de la multiplication des acteurs de la politique de l'emploi. Ce millefeuille institutionnel est source de complexité, d'inefficacité, de coût et d'incompréhension. Hier encore, dans l'hémicycle, nous avons débattu, avec des avis différents, de la pertinence des maisons de l'emploi, puisqu'il est envisagé de supprimer à terme leurs crédits d'État. Les seuls acteurs que vous avez cités dans votre intervention, ce sont les missions locales. Je pense que vous ne l'avez pas fait par hasard. Quelles sont les initiatives que vous avez prises ou que vous pouvez envisager de prendre pour renforcer la coordination des différents acteurs de la politique de l'emploi ?
Ma deuxième question découle de la première et concerne la place des régions. Notre commission, sous l'impulsion de notre collègue René-Paul Savary, avait voulu poser en 2014 les jalons de la décentralisation de la compétence emploi aux régions. Le Gouvernement n'avait pas voulu aller aussi loin que le Sénat. Quelles doivent être, selon vous, les relations entre les régions et Pôle emploi en matière d'emploi ?
Ensuite, quel bilan faites-vous du plan 500 000 formations supplémentaires pour les demandeurs d'emploi mis en place par la précédente majorité. Quel regard portez-vous sur le plan d'investissement dans les compétences annoncé en septembre dernier par le Gouvernement ? Certains d'entre nous ont l'impression qu'il y a eu un transfert de publics sans formations supplémentaires.
Le rapport conjoint IGF-IGAS sur la mise en oeuvre de la convention tripartite entre l'État, l'Unedic et Pôle emploi pour la période 2015-2018 vous a décerné un satisfecit général, puisque, pour douze des quatorze objectifs ont été atteints. Il n'y a que deux critères sur lesquels la réussite n'est pas totale : la satisfaction des demandeurs d'emploi sur leur suivi est de 64,1 %, pour un objectif à 67 % ; celle sur les informations liées aux allocations est de 70,8 % pour 71,5 %. Comme on le voit, c'est presque un sans-faute. En revanche, plus de 50 % des demandeurs d'emploi en accompagnement renforcé n'ont pas eu de rendez-vous avec leur conseiller référent trois mois après leur inscription. Avez-vous les moyens de faire face à vos obligations ?
Enfin, quelle est la place du site de Pôle emploi par rapport aux autres sites Internet de recherche d'emploi ?
Merci de rappeler ce satisfecit... Nous avons rétabli la situation sur les deux éléments que vous citez, puisque nous sommes parvenus respectivement à 71 % et 72,9 %. Nous souhaitons atteindre treize objectifs sur quatorze.
Bien des acteurs s'occupent d'emploi - c'est compréhensible pour une telle priorité. Mon obsession est la chasse aux doublons. Selon les territoires, nous entretenons des relations plus ou moins efficaces avec les maisons de l'emploi - qui, rappelons-le, avaient été créées au départ pour assurer le rapprochement entre les Assedic et l'ANPE qui est la raison d'être de Pôle emploi.
Nous souffrons encore d'une insuffisante complémentarité avec les missions locales. Nous avons un principe : leur envoyer les jeunes souffrant de freins périphériques. La ligne de partage doit être décidée au niveau local. Nous avons encore un sujet à traiter : les systèmes d'information. Nous développons des interfaces applicatives avec des acteurs privés, mais nous ne savons pas aujourd'hui encore si des jeunes sont suivis dans une mission locale ou dans une de nos agences. Nous devons donc progresser sur le partage des données.
Un rapport de l'IGAS a noté que nous orientions des handicapés vers Cap emploi, mais pas forcément ceux dont l'éloignement de l'emploi était dû principalement au handicap. Notre convention avec cet acteur est renouvelable en 2018 : ce sera l'occasion d'éclaircir ce point.
Je remarque au passage qu'aucun pays européen n'a adopté une organisation similaire à la nôtre, avec un opérateur généraliste, un réseau local consacré aux jeunes et un acteur spécialisé dans le handicap.
La décentralisation de la politique de l'emploi n'est pas forcément une bonne idée. Quand on évoque cette éventualité, c'est en réalité parce qu'on considère que Pôle emploi n'est pas efficace et qu'il est trop centralisé. Or, Pôle emploi est extrêmement déconcentré.
Sur le fond, il est utile d'avoir un opérateur national. Sur des problématiques nationales, comme le contrôle de la recherche d'emploi, j'imagine mal une stratégie région par région. Nous faisons des économies d'échelle sur la formation et les données. Si nous travaillons si bien avec les start-up, c'est que nous disposons de bases de données efficaces. Enfin, seul un opérateur national est à même de gérer la mobilité entre régions et à l'international ; nous avons à cet égard cinq services spécialisés par zone de destination pour faciliter l'expatriation.
Aucun pays européen n'a décentralisé la compétence emploi, sauf l'Espagne et l'Italie, qui reviennent sur cette position. Quand je leur parle de décentralisation, les Allemands me regardent avec de gros yeux.
Je reconnais sans réserve le leadership des régions sur la formation, sur l'accompagnement des demandeurs d'emploi créateurs d'entreprise, ou encore sur la mobilité. Les complémentarités sont multiples entre Pôle emploi et les régions.
Le rapport publié hier par la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) sur le plan « 500 000 formations » tire un bilan plutôt positif, constatant que nous avons tenu nos objectifs chiffrés. Les prescriptions ont été confiées à 80 % à Pôle emploi, en volume, car les régions financent des formations plus chères. Le plan d'investissement dans les compétences sera davantage ciblé sur les personnes non qualifiées. Près d'un demandeur sur trois inscrit à Pôle emploi a un niveau inférieur au CAP ou au BEP. Le chômage en France concerne surtout les non qualifiés. Le rapport nous invite à être plus présent dans l'accompagnement post-formation et préconise un contact rapide avec nos conseillers.
Une enveloppe de 13 milliards d'euros vient d'être décidée sur le quinquennat en partenariat avec les régions. C'est là qu'il faudra absolument introduire la compétence savoir-être.
Le site pole-emploi.fr, avec 600 000 offres -dont toutes ne sont pas des offres de Pôle emploi- est le principal site de recherche d'emploi en France. Nous estimons à 80 % la part des offres totales présentes sur notre site. Seules les offres d'un site n'y sont pas référencées : les 75 000 offres du Bon Coin. Contrairement aux autres, le Bon Coin n'a pas besoin de nous pour obtenir du trafic. Il est aujourd'hui aussi simple de déposer une offre sur notre site que sur le Bon Coin. Ce qui me perturbe, c'est qu'on me dise que Pôle emploi ne sert à rien parce que le Bon Coin existe. Mon travail, celui de nos 50 000 agents, ce n'est pas uniquement mettre des offres en ligne ! D'ailleurs, lorsque le Bon Coin s'est installé à Reims, il a fait appel à Pôle emploi pour trouver des collaborateurs... Je n'opposerai pas les deux sites, qui n'ont pas la même taille. Mon seul motif de satisfaction, c'est qu'en un seul clic, le demandeur d'emploi a une visibilité sur 600 000 offres.
Je sais que les liens entre Pôle emploi et les maisons de l'emploi ne sont pas uniformes. Chez moi, il y a de la concurrence entre ces deux structures ; mais c'est plus une question de personnes que d'institutions. Vous avez un discours très positif ; quand nous vous entendons, nous avons le sentiment que nous pouvons dormir sur nos deux oreilles. Sur le terrain, je n'entends pas le même discours ; même si je reconnais que les personnes qui viennent nous voir sont bien sûr celles qui ont un problème... L'Aisne compte beaucoup de chômeurs peu formés voire illettrés, qui ont besoin d'un accompagnement très approfondi. Vous parlez d'accompagnement post-formation ; on a plutôt besoin de les prendre par la main pour les amener à la formation, car ils gardent souvent un mauvais souvenir de l'école. Il y a aussi beaucoup de bénéficiaires du RSA en grande difficulté, voire inemployables. Pour les entreprises, l'embauche d'un handicapé est aussi une galère.
La dégressivité des allocations de chômage permettrait-elle un retour plus rapide vers l'emploi ? Le numérique, c'est bien, mais certaines personnes en ont peur, et pas seulement des seniors : certains jeunes n'ont pas les moyens d'avoir un ordinateur chez eux, et sont désemparés.
Merci de penser enfin aux formations sur le savoir-être : c'est un frein très important, notamment pour les jeunes.
Vous êtes directeur de Pôle emploi depuis six ans : vous connaissez le chemin parcouru. Si nous le regardons, nous voyons que l'informatique marche beaucoup mieux, que l'organisation a évolué. Mais quant à l'accompagnement, nos jeunes sont parfois découragés. Les agents de Pôle emploi nous disent qu'ils n'ont pas assez de moyens, qu'ils ne sont pas assez nombreux...
Vous parlez de coopérations ou de doublons ; il y a des départements qui ne peuvent pas se permettre de faire de l'accompagnement des jeunes dans le logement... Dans certains territoires, on peine à trouver des saisonniers et on est obligé d'aller chercher des gens à l'étranger... c'est dommage pour les allocataires du RSA. Que fait Pôle emploi dans ce domaine ?
À combien s'élève votre budget ? Combien avez-vous d'agents ? Comment fonctionne la procédure de publication des chiffres du chômage ?
Sur le plan local, je n'ai que des satisfactions avec Pôle emploi. Votre discours très volontariste me permet d'être optimiste. Chacun des acteurs a sa place. Pôle emploi a une place éminente pour le recrutement, l'accès à l'emploi pour les jeunes et les autres. D'autres opérateurs ont leur spécificité : les missions locales - j'en préside une - les structures portant un plan local pluriannuel pour l'insertion et l'emploi (PLIE), les maisons de l'emploi - j'en préside une aussi. Dans bien des situations, ils ne sont pas en concurrence. La charte des maisons de l'emploi leur interdit par exemple de faire du placement. Elles développent d'autres services, notamment aux entreprises, qui en manquaient sur mon bassin d'emploi, comme la plate-forme entreprises et mutations économiques. Il était plus qu'urgent d'apporter ces services aux entreprises, et notamment aux TPE abandonnées par les chambres de commerce et d'industrie.
Dans un département, nous avons fusionné la mission locale et le PLIE ; la maison de l'emploi regroupe dans son conseil d'administration tous les acteurs, notamment Pôle emploi. Nous avons aussi la possibilité d'échanger des informations au quotidien, avec une cellule de veille réunie tous les mois. La coordination entre ainsi naturellement dans le rôle des maisons de l'emploi. Je souhaiterais qu'on continue à expérimenter cette complémentarité, malgré les intentions du ministère.
Le Gouvernement prévoit, dans le projet de loi de finances pour 2018, une diminution de 50 millions d'euros de la subvention pour charge de service public versée à Pôle emploi, alors que des milliers de postes sont redéployés aux services aux employeurs. Quelle conséquence cela aura-t-il sur l'accompagnement des demandeurs ?
Contrairement à certaines déclarations, une étude de Pôle emploi indique que sur 269 000 personnes contrôlées, 86 % respectaient leurs obligations de recherche d'emploi, et que sur les 14 % radiés, 40 % étaient indemnisés par l'Unedic, 33 % ne touchaient rien et 23 % bénéficiaient d'un régime de solidarité. Les moyens destinés au contrôle ne seraient-ils pas mieux employés à l'accompagnement des personnes privées d'emploi ? Le Président de la République a décidé de suspendre les allocations des personnes refusant plus de deux emplois décents. L'expérience tentée lors d'un autre quinquennat n'a-t-elle pas prouvé son inefficacité ?
Quel intérêt y a-t-il à concentrer dans la même institution le placement et l'indemnisation des demandeurs d'emploi?
Vous avez mis en place une politique du tout digital. Cela met en difficulté certains publics éloignés de l'emploi, qui parfois ne maîtrisent pas bien le français.
Le recours aux volontaires du service civique m'apparaît assez fragile ; par définition, ces jeunes gens passent peu de temps dans leurs fonctions.
L'obligation d'accepter une « offre raisonnable d'emploi » a été réactivée... C'est une notion très subjective ! Votre site compte 600 000 offres d'emplois, c'est très positif. Mais le filtrage des offres ne s'opérant que par algorithme, faute de personnel, toutes les offres sont loin d'être pertinentes.
Vous avez parlé d'un partenariat de Pôle emploi avec les départements pour l'accompagnement des demandeurs d'emplois confrontés à des problématiques de logement notamment. Sera-t-il totalement à la charge des départements ?
Grâce aux maisons de l'emploi, on peut discuter avec les acteurs du territoire. Je ne suis pas sûr qu'en les supprimant, on fasse oeuvre utile.
Je suis d'une région où les entreprises recherchent de la main-d'oeuvre, même si le taux de chômage reste élevé, à 8 %. Il y a en outre une vraie difficulté sur la gestion prévisionnelle des emplois sur les bassins. C'est une des missions des maisons de l'emploi.
Vous avez évoqué vos difficultés avec Cap Emploi ; je ne suis pas sûr qu'un dialogue ait été engagé. Ces deux structures doivent mieux communiquer.
La Loire-Atlantique a la chance d'être un département dynamique et sur la grande métropole Nantes-Saint-Nazaire, tous les opérateurs en charge de l'emploi se parlent. Chaque année, votre directeur territorial réunit tous les parlementaires et leur adresse régulièrement des tableaux de bord. C'est précieux.
L'expérimentation est un outil utile. Le dispositif Chouette, qui vient de Bourgogne, nous a été présenté au printemps : vous souhaitez l'implanter en Loire-Atlantique dans nos sept agences. Ce dispositif permet de rapprocher d'un coup de clic les demandeurs des recruteurs sur une dizaine de métiers : restauration, vendange, commerce, emplois familiaux...Pensez-vous tirer des enseignements de cette expérimentation ? Allez-vous nous proposer d'autres expérimentations ?
Venant du Pas-de-Calais, j'apprécie votre discours : Pôle emploi tient compte de l'humain, ce qui le distingue du Bon Coin, pour ne pas le citer. Vous voulez humaniser les relations avec les demandeurs d'emploi mais aussi avec les chefs d'entreprise.
Vous n'avez pas abordé le volet international : j'ai mis en contact certains demandeurs d'emploi de mon département avec des employeurs belges et britanniques. La mobilité doit être nationale et même internationale. Les demandeurs acquièrent ainsi des expériences différentes : méthodes de travail, apprentissage d'une langue, culture... Lorsqu'ils reviennent en France, ils disposent de nombreux atouts valorisés par les entreprises.
Votre exposé dynamique donne une belle image de Pôle emploi. Comment comptez-vous développer les formations en lien avec les entreprises ?
Dans mon département, les demandeurs d'emplois et les employeurs sont très déprimés. Beaucoup de commerçants et d'artisans ne trouvent pas de salariés et certains envisagent même de fermer car ils ne travaillent qu'avec des intérimaires. C'est le cas pour les services à la personne, dans l'hôtellerie... Lorsque les entreprises organisent des job dating, aucun candidat ne se présente. Et que dire des femmes seules qui ne peuvent prendre un emploi faute de places de crèche pour leurs enfants ? Il faut également aider les demandeurs d'emploi à passer leur permis de conduire.
En milieu rural, les emplois qualifiés trouvent rarement preneurs. Dès qu'il faut parcourir plus de trente kilomètres, il est quasiment impossible de recruter.
La concertation locale est indispensable. J'ai rencontré les responsables de Pôle emploi avec des représentants de crèches, ce qui a permis d'améliorer la situation des femmes en recherche d'emploi.
À quel réseau social les personnes qui ne peuvent pas se déplacer et qui ne croient plus à l'emploi peuvent-elles s'adresser ?
Appliquerez-vous le principe du droit à l'erreur pour les personnes qui auront omis de se réinscrire ou qui auront oublié un rendez-vous ?
A la fracture numérique s'ajoute une fracture territoriale. Dans les départements ruraux, il n'y a plus de permanences Pôle emploi en dehors des centres-villes où se trouvent vos bureaux. Ce manque de lien sur le territoire est particulièrement préoccupant, alors que certains publics ne maîtrisent pas l'outil numérique. Pourquoi ne pas conclure des partenariats avec des associations d'insertion ?
Madame Gruny, je suis le premier conscient des marges de progrès de Pôle emploi. Avec un taux de satisfaction de 72 %, il reste du chemin à parcourir. Je demande simplement que l'on tienne compte des efforts que nous faisons, de la mobilisation des conseillers, et de la charge du travail que nous accomplissons.
Nous avons progressé en matière de personnalisation et de prise en compte du handicap. Nous avons des difficultés relationnelles avec Cap emploi. Alors que cette structure est un réseau spécialisé de qualité, nous ne lui adressons pas forcément les personnes les plus en difficulté. Comment mieux coordonner nos actions ? Comment faire évoluer notre offre de services ? Il est regrettable que les conseillers de Pôle emploi maîtrisent mal les aides proposées par l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) : ne pourrions-nous pas spécialiser nos conseillers dans certaines agences ?
Nous avons rendu obligatoire l'inscription en ligne tout en laissant la possibilité aux demandeurs d'emploi de venir en agence : 19 % des personnes inscrites se déplacent physiquement, soit parce qu'elles n'ont pas accès à Internet, soit parce qu'elles ne maitrisent pas l'outil numérique. Le dispositif du service civique marche plutôt bien : en 2018, nous devrions avoir 1 000 agents supplémentaires. Nous essayons aussi de travailler avec Emmaüs Connect pour rendre les applications plus intuitives. En outre, les demandeurs d'emploi qui rencontrent des difficultés avec Pôle emploi en rencontrent également avec d'autres services publics : mutualisons nos efforts pour une mise à niveau numérique de nos concitoyens.
Vous parliez aussi de savoir-être : comme vous, je constate que beaucoup d'employeurs évoquent des comportements inadéquats.
M. Morisset m'a interrogé sur le budget de Pôle emploi : 5,6 milliards d'euros et 50 000 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Certes, nous pourrions disposer de plus de moyens d'accompagnement, mais cela relève de choix budgétaires. L'accompagnement intensif mobilise 35 % de nos conseillers et 16 % des demandeurs d'emploi. À nous de dégager les forces internes pour nous améliorer. En ce qui concerne les statistiques mensuelles du chômage, les ministres en disposent la veille de leur publication, à 18 heures. À compter de l'année prochaine, nous publierons les chiffres trimestriellement : c'est une bonne nouvelle, car cela permettra d'avoir un peu de recul. Les chiffres mensuels resteront publiés en ligne, mais sans commentaires. En 2016, les chiffres du chômage ont augmenté huit mois sur douze et pourtant, sur l'année, le chômage a baissé.
Je suis d'accord avec vous, monsieur Vanlerenberghe : il faut éviter les doublons. Théoriquement, les maisons de l'emploi ne font plus d'accompagnement. Nous pouvons donc être parfaitement complémentaires. Nous sommes preneurs d'expérimentations. Pour moi, le grand enjeu est de territorialiser Pôle emploi : le bassin d'emploi doit être l'échelon de référence.
Certes, nous avons enregistré une baisse des crédits en projet de loi de finances pour 2017, monsieur Watrin, qui correspond à la suppression de 297 emplois : il s'agissait du volume d'emplois que nous n'avions pas consommé en 2016. La direction du budget a estimé que ces emplois pouvaient être supprimés. La prochaine convention tripartite sera déterminante, d'autant que l'actuelle arrive à échéance en 2018. Je souhaite que nous examinions les gains de productivité à Pôle emploi, notamment sur l'indemnisation. Les perspectives budgétaires pour les prochaines années sont un réel sujet de préoccupation.
Vous avez évoqué le contrôle des chercheurs d'emploi : nous l'avons mis en place il y a deux ans, notamment pour mettre fin aux caricatures de tout bord. Je souhaitais que nous objectivions la situation. Aujourd'hui, nous savons que 14 % des personnes contrôlées ont été radiées pour insuffisance de recherche d'emploi. Nous avons ainsi découvert des personnes qui ne cherchent plus car elles sont découragées. Dans ce cas, il ne faut pas radier mais accompagner. Il faut faire respecter la logique « droits et devoirs », y compris pour les personnes qui ne sont pas indemnisées. Je me félicite de constater que les commentaires, à l'occasion de cette étude, ont apaisé le débat. Ce dispositif a fait preuve de son humanité.
La territorialisation ne passe pas forcément par la décentralisation, monsieur Jomier. Aujourd'hui, pour accompagner un demandeur d'emploi, il faut maîtriser un minimum de règles sur l'indemnisation : en cas de reprise partielle d'activité, le demandeur doit savoir quelle sera son indemnisation. En outre, notre politique d'automatisation de liquidation génère des gains de productivité, ce qui nous permet de mieux personnaliser notre accompagnement et d'être proactifs. Tout ceci est possible grâce à l'informatisation. Le fait d'avoir regrouper dans une même entité les Assedic et Pôle emploi permet de redéployer vers l'accompagnement certains de nos personnels. Un retour en arrière poserait beaucoup de difficultés et présenterait peu d'intérêt.
Les règles relatives à l'offre raisonnable d'emploi existent depuis plusieurs années, madame Cohen, mais elles restent peu appliquées car il est difficile de caractériser un refus d'offre d'emploi. Ce dispositif ne doit pas être confondu avec le contrôle de la recherche d'emploi que nous venons d'évoquer.
En ce qui concerne l'accompagnement global, nous ne demandons pas aux départements des moyens supplémentaires : nous essayons de coordonner nos forces. D'ores et déjà, les départements mobilisent des assistantes sociales. Au lieu de travailler séparément, il faut travailler ensemble, ce qui permettra de diminuer le nombre de bénéficiaires du RSA. Tous les départements sont concernés, sauf deux, dont l'un est présidé par le président de l'Association des départements de France mais je ne désespère pas de convaincre sa vice-présidente de rejoindre notre dispositif.
Monsieur Mouiller, il faut parvenir à analyser les besoins de recrutement sur les territoires : cela suppose de créer un climat de confiance avec les entreprises. Je note que les régions développent des outils pour identifier les besoins des entreprises au niveau des bassins d'emploi.
Je transmettrai les félicitations de Mme Meunier au directeur départemental de Loire-Atlantique : il y sera sensible. « Chouette » est une application qui a été développée à partir de la problématique des saisonniers, puis étendue à l'hôtellerie et à la restauration. Elle permet de mettre très rapidement en contact un employeur avec un demandeur d'emploi. Cette application va être généralisée. Une autre application, dénommée « MaCigogne », offre des places de crèches aux mères qui veulent travailler et qui ont besoin de faire garder leurs enfants. Une autre application, « Mémo » aide les demandeurs d'emploi à classer les offres auxquels ils répondent. Ces applications ont du succès grâce au bouche à oreille sur Internet.
Madame Fournier, je n'ai jamais pensé qu'un algorithme pouvait remplacer un conseiller humain, qui motive, encourage, montre de l'empathie, provoque des réactions. Recevoir une information n'est pas ce qui déclenche le changement de comportement ; il faut de l'aide - sinon aucun médecin ne fumerait. C'est là le rôle du conseiller.
Pour accompagner la mobilité internationale, nous avons décidé de mettre en place cinq pôles géographiques, car il est nécessaire de connaître les pays et leurs différences. Dans ce cas, la relation avec les demandeurs d'emploi est essentiellement numérique. Nous dresserons un bilan de cette expérimentation. Je suis convaincu que l'expatriation peut être une bonne solution pour certains demandeurs d'emploi. Pôle emploi, qui gère déjà une agence commune avec l'Allemagne et travaille avec la Belgique, compte développer ce sujet.
M. Lévrier m'a posé une question sur nos liens avec les entreprises. Je suis preneur de tout ce qui favorise la prise en compte de leurs besoins. Lorsque nous les connaissons, nous pouvons monter des actions de formation, sous réserve que les délais de recrutement soient compatibles avec la durée de la formation, puisque l'on ne devient pas chaudronnier en un mois. Lorsque l'implantation d'une entreprise est connue à l'avance, nous avons le temps d'identifier les compétences demandées, de mettre en place des formations et de recruter.
J'insiste aussi beaucoup sur la connaissance des métiers et la lutte contre les stéréotypes. Par exemple, beaucoup de jeunes ont une vision du BTP qui correspond à ce qu'il était il y a soixante ans. Nous travaillons sur des kits des métiers présentant leurs réalités, y compris les savoir-être demandés. Actuellement, beaucoup d'emplois appartiennent au secteur des services, dans lequel le savoir-être compte beaucoup.
Nous réfléchissons aussi à ce que les élus aient, dans chaque région, un interlocuteur auquel ils signaleraient les entreprises qui connaissent des difficultés de recrutement.
Ce n'est pas encore opérationnel, laissez-nous quelques jours ! Nous pourrions ainsi analyser les situations. Il arrive, certes très rarement, que des entreprises prétendent ne pas pouvoir recruter du personnel par Pôle emploi, alors qu'elles ont fait, en réalité, le choix délibéré d'embaucher des travailleurs détachés -c'est minoritaire.
Certains sénateurs ont mentionné la mobilité, qui est souvent un problème pour moi et nos conseillers. Lorsque l'emploi est à 30 ou 40 kilomètres du domicile, que peut-on faire collectivement ? L'aide à l'obtention du permis de conduire n'est pas forcément la solution. Certaines plateformes telles que Wimoov dressent des bilans de mobilité. Il faut travailler davantage sur ces questions, avec les régions.
Madame Schillinger évoquait les crèches : les solutions doivent être trouvées localement.
Madame Grelet-Certenais, je crois comme vous à la concertation locale. L'offre de service de Pôle emploi est très peu normée à l'échelon national. Nous avons mené ce débat en interne. Le système antérieur, le suivi mensuel personnalisé, a été arrêté en 2013. Il n'y a aucune raison de voir chaque demandeur d'emploi chaque mois. Certains doivent être rencontrés plus souvent, d'autres moins. Nous avons décidé de définir des modalités d'accompagnement différentes, qui font varier le nombre de demandeurs d'emploi suivis par chaque conseiller. Les critères d'appartenance à telle ou telle modalité dépendent du marché local. Je suis absolument convaincu de l'importance de l'échelon local et nous oeuvrons en ce sens, sans parvenir à le faire percevoir à nos concitoyens, malheureusement.
Madame Lubin, je suis le premier à constater la fracture territoriale. Vous n'avez pas mentionné les maisons de service au public, qui sont au nombre de 1 150, dont 872 accueillent Pôle emploi. Nous ne menons aucune politique de réduction des permanences. C'est localement que cela est décidé. Nous devons utiliser tous les lieux de rencontre des demandeurs d'emploi. En zone rurale, nous développons la visioconférence. Pourquoi se déplacer lorsque c'est superflu ? La présence physique doit exister pour ceux qui en ont besoin, la visioconférence pour les autres. Rencontrer les demandeurs d'emploi est un enjeu de service public.
Merci, monsieur Bassères, pour votre intervention.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale procèdera demain à l'audition de M. Bassères. Nous devons donc différer le dépouillement jusqu'à demain afin que les résultats soient annoncés simultanément.
La commission procède au vote sur la candidature de M. Jean Bassères à la direction générale de Pôle emploi.
La réunion est close à 16 h 15.