Nous examinons cet après-midi la proposition de loi relative à l'autorisation d'analyses génétiques sur personnes décédées.
Ainsi qu'il a été décidé par la conférence des présidents, avec l'accord de tous les présidents de groupe, nous légiférons selon la procédure de législation en commission prévue aux articles 47 ter et suivants du règlement du Sénat. Le droit d'amendement s'exerce donc uniquement en commission. La réunion de la commission est publique, avec une retransmission sur le site du Sénat et elle se tient en présence du Gouvernement. Je salue donc la présence de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.
Ce texte, dont je suis l'auteur avec plusieurs de nos collègues, est une adaptation des règles relatives au consentement des personnes quant à la communication des résultats des analyses génétiques dont elles ont fait l'objet, afin de permettre à leurs proches de bénéficier des mesures de surveillance ou de prévention nécessaires en cas de transmission de caractère héréditaire prédisposant à la survenue de pathologies. Je pense au cancer, mais aussi à d'autres pathologies. La génétique va prendre une part croissante dans le dépistage, comme dans la prise en charge de ces maladies.
Il s'agit, sur un aspect très ponctuel, mais très attendu par les professionnels dans l'intérêt des familles et pour une bonne prise en charge, d'adapter notre droit, dans le respect de la dignité des personnes, afin de permettre aux proches de bénéficier de ces avancées.
Le Parlement examinera une révision de la loi de bioéthique au sein de laquelle une telle disposition pourrait trouver sa place. Il s'agit cependant d'un aménagement très ponctuel, sur lequel le consensus me semble réuni, à la différence d'autres thématiques de la loi de bioéthique : nous pourrions avancer plus rapidement.
Depuis la découverte du caryotype humain en 1956, la génétique connaît des progrès considérables. Chacun peut aujourd'hui accéder à l'ensemble de son patrimoine génétique. Les examens s'effectuent dans des conditions de coût et de durée de plus en plus favorables. Le développement des technologies de séquençage du génome humain permet d'envisager l'essor d'une véritable médecine de précision. Qu'il s'agisse d'oncologie, de cardiologie ou de neurologie, la génétique améliore les conditions d'établissement d'un diagnostic, la prévention et les soins - plus ciblées.
Sur les plans éthique et juridique, cette évolution et l'apparition de techniques et de connaissances nouvelles soulèvent des questions inédites qui interpellent nos concitoyens et le législateur.
Les résultats d'un examen génétique sont définitifs et ils peuvent avoir des conséquences non seulement pour la personne testée, mais aussi pour sa famille. C'est pourquoi, depuis 2004, notre législation prend en compte l'intérêt potentiel de tiers apparentés : le code de la santé publique consacre une obligation d'information de la parentèle en cas de diagnostic d'une anomalie génétique grave susceptible de mesures préventives ou thérapeutiques. Il s'agit d'éviter les pertes de chance liées à l'absence d'accès à des informations existantes.
Ce dispositif a été complété en 2011 et se formule de la manière suivante : en cas de diagnostic positif, et sauf si elle a exprimé sa volonté d'être tenue dans l'ignorance du diagnostic, la personne doit informer les membres de sa famille potentiellement concernés. Si elle ne souhaite pas procéder à cette information elle-même, elle peut demander au médecin prescripteur de le faire à sa place. Celui-ci est alors tenu de porter à la connaissance des proches l'existence d'une information médicale à caractère familial susceptible de les concerner. Il doit les inviter à se rendre à une consultation de génétique.
Un équilibre a ainsi été trouvé entre le secret souhaité par le patient d'une part, et le devoir moral de solidarité familiale d'autre part. À défaut d'un tel dispositif, le risque existerait en effet que le principe de l'autonomie l'emporte sur celui de « bienfaisance » et que le tiers se voie refuser « un bien comparativement très important », suivant les termes employés par le Comité consultatif national d'éthique (CCNE).
La proposition de loi qui nous est soumise conforte cet équilibre. Elle s'inscrit dans le prolongement du dispositif introduit en 2004. Son objet est d'ouvrir la possibilité de réaliser un examen génétique sur les personnes décédées au bénéfice de leurs proches.
Aujourd'hui, cet examen ne peut être réalisé que dans l'intérêt de la personne, y compris, dans certains cas, « lorsqu'il est impossible de recueillir son consentement ». Lorsque la personne est décédée, qu'elle ait ou non donné son consentement, la possibilité de réaliser un tel examen au bénéfice potentiel de la parentèle n'est pas prévue. C'est précisément cette lacune que la proposition de loi entend combler.
Sur le plan scientifique, l'intérêt qu'il y aurait à faire accéder la parentèle d'une personne décédée aux informations sur les anomalies génétiques identifiées chez cette personne est bien étayé. C'est le cas dans plusieurs spécialités médicales. Par exemple, en cardiogénétique, les analyses d'ADN par les technologies de diagnostic moléculaire permettent aujourd'hui d'identifier les gènes responsables de cardiomyopathies ou d'arythmies héréditaires. Je pense notamment aux cas de mort subite chez des sujets jeunes, qui peuvent résulter d'une pathologie cardiaque susceptible de concerner également la fratrie. Dans cette hypothèse, les frères et soeurs de la personne décédée pourraient, le cas échéant, être orientés vers un conseil génétique.
La proposition de loi comporte quatre articles. Le premier élargit les conditions dans lesquelles les informations médicales concernant une personne décédée peuvent être partagées. L'objectif est de les rendre accessibles aux équipes de soins qui prennent en charge la parentèle et aux personnes ayant un lien génétique avec la personne décédée. L'article 2 permet à un patient d'autoriser le médecin prescripteur à communiquer les résultats de son examen génétique à ses proches « si elle venait à décéder » avant leur obtention. L'article 3 précise que l'examen génétique peut être réalisé dans l'intérêt de la parentèle. Enfin, l'article 4 est relatif aux modalités de prise en charge financière de l'examen.
Au cours des auditions, j'ai pu mesurer combien l'évolution proposée par ce texte est attendue par les professionnels de santé, tous soucieux d'améliorer les prises en charge. L'Agence de la biomédecine (ABM) y voit, elle aussi, un sujet d'avancée majeur ; le CCNE a confirmé l'intérêt de tout premier plan qu'il présente aux yeux des sociétés savantes. Ce texte renforce la politique de prévention dans notre pays ; son objectif est de favoriser les prises en charge à un stade précoce.
Le dispositif est également attendu par les professionnels parce qu'il apporte une clarification bienvenue. Il semble en effet que les pratiques médicales se caractérisent par une certaine hétérogénéité : si les professionnels refusent en général de pratiquer un test génétique post-mortem, l'encadrement légal étant jugé insuffisant, certains biologistes acceptent de le réaliser, même sans l'accord d'un proche. Cette situation est source à la fois d'inégalités et de pertes de chances.
La rédaction d'origine de la proposition me paraissait cependant laisser ouvertes plusieurs questions auxquelles il nous faut répondre si nous voulons poser un encadrement rigoureux. La volonté de la personne décédée est-elle suffisamment protégée ? À quelles conditions et dans quelles circonstances un examen génétique pourra-t-il être réalisé post-mortem ? Enfin, quelles sont les garanties prévues pour les familles ?
Je n'insisterai, à ce stade, que sur les précisions les plus importantes à apporter. Mes amendements visent principalement à définir deux séries de règles : sur les conditions de réalisation de l'examen ; et sur les circonstances dans lesquelles il peut y être recouru.
L'examen génétique peut être réalisé sur une personne décédée dans l'intérêt médical d'un tiers : je vous proposerai trois précisions essentielles. En premier lieu, la personne décédée ne doit pas avoir, de son vivant, exprimé son opposition à cet examen. Par parallélisme des formes, nous retenons ici le même régime légal de consentement présumé que pour le don d'organes. En deuxième lieu, l'examen est réalisé à des fins médicales dans l'intérêt des ascendants, descendants et collatéraux de la personne décédée : autrement dit, des personnes partageant un lien de sang avec la personne décédée.
En dernier lieu, l'examen est réalisé à la demande d'un membre de la famille potentiellement concerné et il est prescrit par un médecin qualifié en génétique ou membre d'une équipe pluridisciplinaire comprenant un médecin qualifié en génétique, si celui-ci juge que les conditions précédentes sont satisfaites. Le médecin prescripteur devra notamment apprécier si la condition relative à l'intérêt de la parentèle est remplie.
En ce qui concerne les circonstances médicales dans lesquelles l'examen peut être effectué, deux situations doivent être distinguées. L'examen doit être possible à partir d'éléments du corps prélevés préalablement au décès de la personne ; dans ce cas, qui se présente le plus souvent en oncologie, la personne a fait l'objet d'un prélèvement tissulaire ayant conduit au diagnostic de cancer et le prélèvement a été conservé par le laboratoire. La personne est ensuite décédée et le médecin qualifié en génétique prescrit, dans l'intérêt de la parentèle, l'examen des caractéristiques génétiques à partir du prélèvement conservé.
Il convient en outre d'autoriser l'examen post-mortem dans le cadre d'une autopsie médicale : le prélèvement est alors quasi concomitant du constat de décès. Cette possibilité vise principalement les situations de mort subite, en particulier des sujets jeunes.
Sous le bénéfice de ces précisions, le dispositif me paraît trouver un point d'équilibre qui ménage tant la volonté de la personne décédée que l'intérêt de ses proches.
Parmi les nombreuses questions soulevées en génétique dans la prochaine révision de la loi de bioéthique, ce texte concerne un sujet bien circonscrit. Le dispositif est consensuel et fortement attendu. Avançons sans attendre, afin de ne pas retarder des prises en charge qui pourraient s'avérer nécessaires.
J'invite donc la commission à adopter ce texte tel que modifié par les cinq amendements que je vous soumets.
Monsieur le Président, vous m'aviez déjà interpellée sur ce sujet lorsque je présidais l'Institut national du cancer (INCa). Vous êtes très tenace !
Par cette proposition de loi, vous souhaitez autoriser la réalisation d'examens de génétique après le décès d'une personne, ce que la loi de bioéthique, en particulier les dispositions qui encadrent le consentement à la réalisation d'un examen génétique, n'autorise pas aujourd'hui. Je partage cette préoccupation.
Vous tentez de résoudre une difficulté réelle, alors que les progrès de la génétique permettent de plus en plus souvent d'analyser les caractères héréditaires prédisposant à la survenue de certaines pathologies, notamment cancéreuses.
Votre préoccupation est également bien identifiée par les professionnels de terrain et les acteurs institutionnels ; les travaux préparatoires à la révision des lois de bioéthique la prennent en compte. Cette révision est engagée depuis le mois de janvier ; plusieurs rapports sont en cours ou vont être remis : celui de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), celui de l'Agence de la biomédecine (ABM) sur l'évaluation de la loi actuelle, celui du Conseil d'État sur les aspects juridiques, celui du CCNE, lequel pilote encore actuellement des états généraux qui associent aussi les citoyens à la réflexion.
C'est pourquoi le vecteur approprié pour la réforme que vous envisagez est, selon moi, la loi de bioéthique, dont la révision est engagée selon la méthodologie prévue par la loi précédente. Le futur projet de loi de bioéthique, qui devrait être soumis aux parlementaires au début de l'année 2019, prendra en considération l'ensemble des implications sur les questions très sensibles et très complexes que vous soulevez, madame la rapporteure, et qui font l'objet de vos amendements. En effet, le sujet n'est pas simplement technique ; il touche au consentement, à l'information des membres de la famille en cas d'anomalie génétique, surtout si cette anomalie fait persister un doute sur un risque particulier. Se pose également la question de la durée de conservation d'un certain nombre d'échantillons.
Toutes ces questions sont au coeur même de l'édifice bioéthique.
Le cadre du consentement génétique est fixé dans le code civil et il constitue un principe d'ordre public. Une modification de ce cas comme de celui de l'information de la parentèle ne peut être traitée de façon isolée, sans prendre en compte l'ensemble des problématiques de la génétique, a fortiori à l'ère de la médecine génomique.
Je suis donc a priori favorable, sur le principe, à l'ouverture encadrée de cette possibilité et à la réalisation d'examens génétiques alors que la personne est décédée. Mais il convient d'en débattre dans le cadre prévu à cette fin, la révision de la loi de bioéthique, en pesant l'ensemble des enjeux et des impacts. Je vous invite à nourrir de vos réflexions et de vos propositions légitimes le projet de loi dès lors qu'il sera déposé au Parlement. Cette question figurera bien dans la loi de bioéthique.
Ce texte que j'ai cosigné s'inscrit dans les travaux que nous menons sur la bioéthique. Lors de la révision des lois de bioéthique, les feux médiatiques seront braqués sur certains thèmes (on sait lesquels). Le débat sur les examens post-mortem sera pollué, ou du moins couvert, par d'autres questions. Les thèmes très techniques, pourtant importants sur les plans biomédical et sociétal, seront passés sous silence. Avec la génomique, nous sommes au coeur de l'évolution de la médecine prédictive de demain. Il nous appartient de prendre des dispositions dès aujourd'hui, et de nous pencher en particulier sur la durée de conservation des prélèvements. Des pratiques inconnues à ce jour pourraient émerger, au profit de la santé des descendants. Il faut avancer. Nous soutiendrons les amendements proposés et voterons ce texte, qui ne saurait attendre.
Ce texte vise à répondre à une question très ponctuelle, sans remettre en cause les principes de nos lois de bioéthique. Dans sa rédaction initiale, certaines portes restaient ouvertes. Les modifications proposées par Mme la rapporteure rendent légitime l'adoption de ce texte en dehors du cadre des lois de bioéthique.
Ce texte doit en particulier respecter certains grands principes. D'abord, un intérêt direct pour la santé des personnes concernées à ce que ces analyses soient pratiquées (capacité à mettre en oeuvre des mesures de prévention ou de soins après découverte de l'anomalie recherchée). Il faut également respecter la volonté du défunt, ce qui est le cas.
Il faut respecter le droit à l'information, mais aussi le droit à la non-information : on peut vouloir ne pas connaître des anomalies génétiques ayant des conséquences sur sa santé. Enfin, il fallait que le secret médical soit préservé en toute circonstance.
Les professionnels concernés et les familles demandent que cette lacune de la loi soit comblée sans qu'il soit touché à l'édifice des lois de bioéthique. Par exemple, aux termes de cette proposition de loi dans sa rédaction d'origine, rien ne semble interdire les exhumations destinées à des analyses génétiques (ce qui aurait été de toute façon très exceptionnel). Mme la rapporteure propose de ne procéder à ces examens qu'à partir d'éléments du corps prélevés préalablement au décès ou dans le cadre d'une autopsie réalisée immédiatement après celui-ci. Il n'y a dès lors aucune dérive possible.
De même, des associations se sont inquiétées d'une possible ouverture à des tests de recherche en paternité. La proposition de loi ne prévoit rien de tel. Sous réserve de certaines précisions, cette proposition de loi peut répondre de manière satisfaisante à la question posée en dehors du cadre des lois de bioéthique, car les discussions seront sinon « polluées », du moins centrées sur d'autres questions d'importance.
Cette proposition de loi très pragmatique sera utile à certaines familles. Les progrès de la génétique permettent d'analyser la transmission de caractères héréditaires prédisposant à certaines pathologies (les cancers, mais pas uniquement). Les oncogénéticiens essayent de préciser les risques pour le patient et les membres de sa famille ; parfois, il est nécessaire de remonter l'histoire familiale des cancers et pour conseiller les vivants, les analyses sur des personnes décédées fournissent des informations utiles. Une personne peut décéder sans connaître le diagnostic génétique de sa maladie ou ne pas avoir connaissance des résultats au moment du décès.
Les progrès scientifiques exigent une évolution législative. Lorsqu'une personne est décédée, il n'est pas possible à la parentèle de réaliser un examen, car le consentement du patient pour les analyses génétiques post-mortem n'est pas autorisé. Ce texte y pourvoit, sans porter atteinte à la dignité de la personne humaine. Je suis favorable à cette proposition de loi, ainsi qu'aux amendements de Mme la rapporteure.
L'adoption de cette proposition de loi aujourd'hui me paraît tout à fait positive. Elle ne bafoue pas du tout les principes posés par les lois de bioéthique. Surtout, les membres de mon groupe et moi-même apprécions que Mme la rapporteure ait proposé des enrichissements à ce texte de manière à le cadrer et à lever toute ambiguïté. En effet, il a suscité des inquiétudes chez certaines personnes pour lesquelles ces prélèvements posent question au regard de leurs pratiques religieuses.
Je sollicite juste une précision au sujet de l'article 4, qui dispose que l'examen « est imputé financièrement aux membres de la famille et fait l'objet d'un remboursement par l'assurance-maladie ». S'agit-il là du remboursement classique d'un acte médical ?
Nous sommes au coeur de la modernisation de l'action parlementaire : la procédure nous permet de gagner du temps dans notre travail de législateur, elle s'inscrit dans les objectifs généraux affichés par le Gouvernement. Cette proposition de loi, que j'ai cosignée sans réserve, prend en compte les progrès scientifiques qui ouvrent des possibilités nouvelles, dans l'intérêt des familles et même de l'humanité. Dans notre société, il y a ceux qui restent dans l'archaïsme vis-à-vis des progrès scientifiques et technologiques et ceux qui, au contraire, veulent s'appuyer sur ceux-ci pour les mettre au service de l'homme et des générations futures. Il faut laisser les vieux tabous et les vieux démons de côté quand on aborde ces sujets et, ensemble, construire une société tournée vers l'avenir, sans préjugé. Cette initiative doit faire école et nous devrions nous en inspirer pour l'ensemble de nos travaux.
Il n'est pas question ici des aberrations chromosomiques, mais de tout ce qui relève de la génétique. Je m'interroge sur le double consentement des parents. Par ailleurs, qu'en est-il de l'enfant mort-né ?
Dans la mesure où des prélèvements sont faits sur des personnes décédées, combien de temps sont conservés en laboratoire les différents éléments corporels ?
Je partage ce qu'a dit M. Savary : la révision des lois de bioéthique que nous engagerons dans un an ouvrira sur de nombreux sujets. Le présent texte vise simplement à ajuster un dispositif de manière à répondre à certaines situations au bénéfice des patients.
Nous nous sommes posé la question des délais de conservation. Un arrêté du 26 novembre 1999 relatif à la bonne exécution des analyses de biologie médicale fixe la règle générale en matière de conservation des prélèvements, en indiquant la durée et la température de conservation de certains prélèvements en fonction des examens demandés. Pour les prélèvements d'anatomopathologie (tissu tumoral et non tumoral), la question se pose surtout en termes d'utilité scientifique. Selon les informations qui nous ont été communiquées, les techniques permettraient aujourd'hui de conserver les tissus entre 10 et 15 ans selon les cas. En tout état de cause, il s'agit là d'une question réglementaire. Pour information, les médecins sont tenus de conserver le dossier médical du patient jusqu'à 30 ans après son décès.
Je remercie Bernard Jomier de sa présence aux auditions et de sa participation à l'élaboration de ce texte. Il était important de border le texte et prévenir toute possibilité de dérives. Les exhumations sont soumises à un régime juridique distinct et très sécurisé. La prescription de l'examen post-mortem sera toujours faite par un médecin, qui jugera de la pertinence de l'analyse. La demande de la parentèle concernée devait-elle être obligatoire ? Les professionnels de santé avec lesquels nous nous sommes entretenus ont confirmé qu'il était opportun qu'il soit demandé par un membre de la famille.
Je remercie Daniel Chasseing de son intervention.
Pour répondre à Laurence Cohen, tous les actes de biologie ou d'anatomopathologie innovants sont aujourd'hui financés par le référentiel des actes innovants hors nomenclature (RIHN), qui a besoin d'être revu. Nous en reparlerons lorsque nous vous présenterons le rapport sur l'accès précoce aux médicaments innovants. Les établissements concernés réalisent la collecte des données nécessaires à l'évaluation des actes par la Haute Autorité de santé (HAS). L'établissement effectuant l'analyse facture à l'établissement prescripteur. Les actes inscrits dans ce référentiel, ainsi que les valorisations associées, sont mis à jour annuellement. Le dispositif est géré par la Direction générale de l'offre de soins (DGOS). Cela étant dit, le RIHN n'est pas sans poser quelques difficultés au regard des délais de passage d'un acte du référentiel à la nomenclature.
Florence Lassarade, il est possible que l'on soit amené à réaliser des analyses génétiques sur des enfants très jeunes, voire sur des enfants mort-nés. Oui, ce sont les parents qui donnent leur autorisation. L'autorité parentale s'applique jusqu'à la majorité.
L'intervention de Michel Forissier est un plaidoyer pour l'importance du Sénat, dont nous ne doutons pas. Nous souhaitons que le rôle majeur du Sénat soit reconnu au plus haut niveau.
Vous avez évoqué le guide de bonne exécution des analyses. Les laboratoires accrédités se réfèrent également au manuel de prélèvement, qui détaille les conditions de prélèvement, mais également, dans la phase post-analytique, les délais et les conditions de conservation. Il faudrait faire évoluer la nomenclature pour les nouveaux cas et y faire figurer la valeur des actes.
L'article 2 prévoit que les prélèvements seront conservés conformément aux bonnes pratiques arrêtées par le ministre chargé de la santé, sur proposition de l'ABM. Pour le reste, il s'agit par définition d'actes hors nomenclature ayant vocation, à terme, à y entrer.
Je ne souhaite pas m'exprimer ici sur le fond, je m'en suis expliquée. Je suis évidemment favorable à une évolution de la loi sur ce sujet, sur lequel j'ai travaillé dans de précédentes fonctions : je serai fidèle à mes convictions. Il y a cependant un problème de forme, et de cohérence. La procédure de révision de la loi de bioéthique a été prévue dans la loi elle-même. La liste des sujets y a été établie clairement. Il s'agit de la procréation, de la génétique et de la génomique, des neurosciences, des grandes données de santé, des algorithmes décisionnels et de l'intelligence artificielle.
Les mesures concernant la génétique ne seront pas obérées par celles qui touchent à la procréation. Elles seront bien présentes dans la loi et dans le débat. Je préférerais, parce que les lois de bioéthiques sont soumises à des révisions régulières et qu'elles ont une logique et une doctrine internes, que les dispositions figurant dans votre proposition de loi soient inscrites dans le corpus des lois de bioéthique, notamment dans le chapitre consacré à la génétique.
Je laisse le Sénat décider, dans sa grande sagesse, s'il convient d'adopter ou non ce texte aujourd'hui. Quoi qu'il en soit, ces mesures figureront dans la loi, car elles font partie des sujets que nous aurons à traiter.
En 2011, lors de la révision de la loi de bioéthique, c'est le Sénat qui a imposé, contre l'avis du gouvernement de l'époque, le principe de la révision de la loi tous les sept ans, pour prendre en compte les évolutions technologiques importantes. Oui, de tels sujets doivent être traités dans le cadre de ces révisions.
Je rappelle toutefois qu'une entorse à ce principe s'est produite concernant les cellules souches embryonnaires, dans la loi de bioéthique de 2009. Le ministre de l'époque Xavier Bertrand avait demandé à l'Assemblée nationale, qui l'avait imposé au Sénat, d'écrire que « les recherches sur les cellules souches sont interdites, sauf quand elles sont autorisées ». C'est aberrant. Comme rapporteur, je proposais qu'elles soient autorisées, sous conditions. Le groupe du RDSE dans une proposition de loi a, un an après, repris ma suggestion. Elle a été votée avec l'accord de Marisol Touraine, alors ministre. J'avais à cette époque prédit que quelqu'un se servirait un jour de cette entorse à la révision périodique de loi de bioéthique. Je n'avais pas prévu que ce serait moi !
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
L'amendement COM-1 porte sur le respect du secret médical. L'objectif est de protéger la volonté de la personne décédée.
Il tend à préciser que si la personne ne s'y est pas opposée, les informations pourront être partagées entre professionnels de santé ne faisant pas partie de la même équipe de soins. Celle qui a pris en charge la personne défunte est rarement celle qui prendra en charge la personne apparentée...
Ces informations pourront être transmises aux membres de la famille potentiellement concernés, à la condition qu'elles contribuent à la mise en place de mesures de prévention ou de soins pour les apparentés ayant un lien génétique avec la personne décédée : ascendants, descendants et collatéraux. Il reviendra au médecin prescripteur d'apprécier le respect de cette condition.
L'amendement COM-1 est adopté, le Gouvernement s'en remettant à la sagesse du Sénat.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 2
L'amendement COM-2 définit les conditions cumulatives dans lesquelles un examen génétique est autorisé lorsqu'il concerne une personne décédée : celle-ci ne doit pas avoir de son vivant exprimé son opposition à cet examen ; l'examen est réalisé à des fins médicales dans l'intérêt de ses ascendants, descendants et collatéraux ; il est prescrit par un médecin qualifié en génétique ou membre d'une équipe pluridisciplinaire comprenant un médecin qualifié en génétique ; il est réalisé à la demande d'un membre de la famille potentiellement concerné.
Il tend ensuite à prévoir que l'examen peut être effectué à partir d'éléments du corps prélevés préalablement au décès de la personne ou dans le cadre d'une autopsie médicale.
Pour garantir une prise en charge de qualité pour la famille, le médecin prescripteur doit porter à la connaissance du demandeur de l'examen plusieurs séries d'informations relatives à la nature et la finalité de l'examen ; aux risques et pertes de chances qu'un silence ferait courir aux ascendants, descendants et collatéraux en cas de mise au jour d'une anomalie génétique grave ; et au droit des membres de la famille d'être tenu dans l'ignorance du diagnostic.
L'amendement précise enfin que la transmission des informations aux membres de la famille respecte les bonnes pratiques arrêtées sur proposition de l'ABM.
Dans l'intérêt de qui l'analyse peut-elle être effectuée ? Le code de la santé publique prévoyait qu'elle était réalisée dans l'intérêt de la personne, Alain Milon l'étendait à la famille, la proposition de loi mentionne les ascendants, descendants et collatéraux, ce qui signifie qu'un lien génétique est nécessaire.
Juridiquement, la formulation les « membres de la famille potentiellement concernés » me paraît un peu trop floue. Si mon beau-frère est susceptible d'être porteur d'une anomalie génétique, je suis affectivement concerné, pas génétiquement.
Le code de la santé publique retient une formulation plus précise : les « membres de la famille potentiellement concernés dès lors que des mesures de prévention ou de soins peuvent leur être proposées ». Mon amendement COM-7 retient cette formulation, qui me semble préférable, même si la formulation « ascendants, descendants et collatéraux » ne pose pas de problème particulier.
Dans votre amendement, madame la rapporteure, vous faites référence, s'agissant de la transmission des informations relatives aux caractéristiques de la personne, « aux bonnes pratiques arrêtées par la ministre chargée de la santé ». S'agit-il des bonnes pratiques arrêtées en 2013 ? Ou de nouvelles pratiques doivent-elles être définies ?
L'analyse est effectuée dans l'intérêt de toutes les personnes ayant un lien génétique avec la personne et susceptibles d'être porteuses de l'anomalie. Un conjoint, une autre personne de la famille, pourra faire la demande pour des enfants, par exemple, susceptibles de porter l'anomalie génétique.
Il y a donc, d'un côté, la personne dont c'est l'intérêt, de l'autre, la personne fondée à faire la demande. Le cas des parents d'un enfant mineur ne pose pas de problème, les parents étant juridiquement fondés à agir en son nom, mais quid des autres demandeurs ? Je souhaite que l'on cadre davantage les choses pour les demandeurs. La formulation « potentiellement concernés » me paraît trop vague.
La rédaction proposée est claire et l'adverbe « potentiellement » est presque redondant. Il pourrait être supprimé pour lever tout doute. L'analyse sera pratiquée à la demande de membres de la famille concernés : ascendants, descendants ou collatéraux.
Nous nous sommes interrogés sur ce point : la demande doit-elle émaner uniquement d'une personne ayant un lien génétique avec la personne décédée ou également d'un membre de la famille n'ayant pas un tel lien ?
Pourquoi ne pas ajouter « potentiellement concerné d'un point de vue génétique » ?
Le texte mentionne les « membres de la famille potentiellement concernés ». Nous avons souhaité écrire clairement que la demande peut être formulée par un membre de la famille sans lien génétique direct avec le défunt, mais qu'elle doit concerner une personne ayant un lien génétique avec le défunt.
L'amendement COM-2 est adopté, le Gouvernement s'en remettant à la sagesse du Sénat. L'amendement COM-7 devient sans objet.
L'amendement COM-8 est retiré.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 3
L'amendement COM-3 tend à prévoir que la personne qui fait l'objet d'un examen génétique puisse, de son vivant, autoriser le médecin à procéder à l'information des membres de sa famille dans le cas où elle décéderait avant d'avoir pu le faire elle-même.
Sagesse.
L'amendement COM-3 est adopté.
L'amendement COM-9 est retiré, ainsi que l'amendement COM-10.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article additionnel après l'article 3
L'amendement COM-6 de M. Grand vise à modifier le code civil pour renvoyer au code de la santé publique la définition des conditions dans lesquelles un examen des caractéristiques génétiques est possible sur une personne décédée. Nous prévoyons dans le code de la santé publique un régime dérogatoire à l'article 16-10 du code civil, analogue à celui qui existe déjà pour les recherches génétiques à visée scientifique. Avis défavorable.
Article 4
L'amendement COM-4 vise à gager les pertes de recettes qui résulteront de la mise en oeuvre du dispositif.
L'amendement COM-4 est adopté, le Gouvernement s'en remettant à la sagesse du Sénat.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Intitulé de la proposition de loi
L'amendement COM-5 tend à harmoniser la rédaction de l'intitulé de la proposition de loi avec les termes utilisés par le droit en vigueur.
L'amendement COM-5 est adopté, le Gouvernement s'en remettant à la sagesse du Sénat.
L'intitulé de la proposition de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
TABLEAU DES SORTS
La réunion est close à 15h45.