Je cède immédiatement la parole au rapporteur général pour nous présenter ses conclusions sur le projet de loi de finances rectificative pour 2019.
Nous sommes réunis cet après-midi pour examiner le projet de loi de finances rectificative (PLFR) de fin d'année, qui remplace par la même occasion le traditionnel décret d'avance de fin de gestion, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.
Tout cela explique le calendrier particulièrement resserré dans lequel nous devons examiner ce texte, le lendemain même de son passage en séance à l'Assemblée nationale. En somme, nous n'avons pas davantage de temps pour examiner ce projet de loi qu'un décret d'avance !
Je n'ai pas reçu les réponses aux dix « petites » questions que j'avais posées vendredi dernier à la suite de la présentation du PLFR en conseil des ministres. Et depuis, je m'interroge sur un certain nombre d'annulation de crédits et je compte poser de nouvelles questions sur ce point. Je vous l'indique, car cela justifiera la position que je vous proposerai de prendre à la fin de mon intervention.
En tout cas, le PLFR se concentre sur les mesures ayant un impact sur l'année fiscale en cours, comme nous l'avions demandé.
Le scénario de croissance est inchangé par rapport au projet de loi de finances pour 2020. L'hypothèse de croissance reste fixée à 1,4 %. Comme je l'avais signalé la semaine dernière, cela semble un peu optimiste au regard du rythme de croissance de l'économie française au cours des derniers mois. En effet, la croissance de trimestre à trimestre varie autour de 0,3 % depuis le début de l'année. Or un tel rythme aboutirait à une croissance annuelle de 1,3 % à l'issue de l'exercice, soit un niveau inférieur de 0,1 point à la prévision du Gouvernement.
L'hypothèse gouvernementale supposerait, pour être atteinte, un rythme de croissance supérieur à 0,5 % au dernier trimestre, ce qui n'a pas été observé depuis 2017 et paraît difficilement compatible avec le contexte international.
Les enjeux restent néanmoins modestes pour les finances publiques, dans la mesure où une croissance inférieure de 0,1 point à la prévision se traduit en moyenne par une augmentation du déficit public de seulement 0,06 point de PIB. C'est l'épaisseur du trait...
Venons-en maintenant aux grands objectifs budgétaires, eux aussi inchangés.
Le Gouvernement confirme les prévisions de solde nominal et de solde structurel pour 2019 qui figuraient dans le projet de loi de finances pour 2020. Le solde structurel s'améliorerait de 0,1 point de PIB, tandis que le solde effectif se dégraderait de 0,6 point de PIB, sous l'effet du surcoût temporaire lié à la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).
La décomposition de l'ajustement structurel fait toutefois apparaître une légère évolution par rapport aux estimations données dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020. L'ajustement structurel serait porté non plus par un effort structurel de redressement des comptes publics, mais par la composante non discrétionnaire du solde structurel. Autrement dit, des recettes plus fortes qu'escompté devraient venir compenser un léger dérapage des dépenses.
Le constat d'une absence de redressement de la situation structurelle des comptes publics et de réforme de l'État confirme nos craintes.
Le déficit budgétaire serait de 97,6 milliards d'euros, ce qui fait de 2019 la pire année depuis les plans massifs de relance qui ont suivi la crise financière de 2008. L'État ne parvient pas à résorber son déficit, contrairement à d'autres États européens qui réussissent à se désendetter.
Certes, le déficit est moins élevé que celui prévu en loi de finances initiale, avec 107,7 milliards d'euros. Mais je vous ai montré la semaine dernière comment l'exécution 2019 avait bénéficié de recettes plus élevées et d'une charge de la dette plus modérée que prévu. Ce qui est nouveau, c'est que le déficit qui était estimé à 96,3 milliards d'euros en septembre est désormais de 97,6 milliards d'euros.
Les recettes sont donc toujours plus élevées, mais les dépenses augmentent.
Du côté des recettes, comme l'an dernier, l'État bénéficie d'un complément de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) s'élevant à 530 millions d'euros. Il profite ainsi du fait que la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a calculé que les besoins du compte d'affectation spéciale (CAS) « Transition énergétique » étaient moins élevés que prévu, le surplus étant dès lors reversé au budget général.
La fiscalité du patrimoine a également produit plus de recettes que ne le prévoyaient les estimations de septembre dernier.
S'agissant des dépenses, on constate un montant élevé d'ouvertures et d'annulations de crédits, de plus de 7 milliards d'euros sur les remboursements et dégrèvements.
Les politiques publiques les plus touchées en montant absolu sont celles de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », dont les dépenses consacrées à la prime d'activité connaissent l'augmentation non seulement du champ des bénéficiaires potentiels, mais aussi du taux de recours effectif de ceux qui y ont droit.
Sur la mission « Cohésion des territoires », l'ouverture était en grande partie prévisible parce que la mise en place du versement « contemporain » des aides au logement a été repoussée à janvier 2020.
S'agissant des annulations de crédit, hors remboursements et dégrèvements et charge de la dette, le montant total des annulations, hors masse salariale, est de 1,7 milliard d'euros sur des crédits mis en réserve et de 0,7 milliard d'euros sur des crédits non mis en réserve. Nous aimerions obtenir des explications plus précises sur ce point.
Il s'agit, par exemple, de projets immobiliers qui seraient devenus sans objet sur la mission « Recherche et enseignement supérieur » - Philippe Adnot pourra peut-être nous apporter des précisions - et de décalage de marchés publics sur la mission « Défense ». Les annulations sur la mission « Action et transformation publiques » témoignent du retard pris par ce programme qui doit accompagner le processus « Action publique 2022 », que je croyais enterré ! S'agissant enfin de la mission « Aide publique au développement », le Gouvernement explique que l'environnement de taux bas diminue les charges de bonification de prêts de l'Agence française de développement : cette annulation semble justifiée.
Nous n'avons pas nécessairement d'informations précises sur toutes les mesures d'annulation. Nous évoquerons le programme « Patrimoines » de la mission « Culture », qui peut nous alerter, par exemple, à l'heure où les communes ont besoin de financement pour restaurer leur patrimoine.
Il faut également souligner que le programme d'investissements d'avenir (PIA) procède à d'importants redéploiements de fonds, à hauteur de plus de 1 milliard d'euros en autorisations d'engagements et 640 millions d'euros en crédits de paiement, afin de financer des annonces sur le projet européen de batteries électriques ou le plan Nano 2022. C'est un exemple contestable de débudgétisation, car je rappelle que l'autorisation parlementaire n'a réellement porté que sur les autorisations d'engagement accordées lors du lancement du projet dans le cadre de la loi de finances pour 2017.
Enfin, les emplois de l'État, exprimés en équivalents temps plein travaillés (ETPT), restent assez proches de ce qui était présenté en loi de finances initiale. On observe toutefois quelques mouvements de titularisation de personnels des opérateurs de la mission « Culture ». Certains personnels ont également été transférés au ministère de l'agriculture pour assurer des contrôles liés à la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, ainsi que pour l'instruction de différentes aides, je préférerais pour ce dernier point que les régions s'en occupent.
Du côté des opérateurs, le nombre toujours croissant de demandeurs d'asile a nécessité de renforcer les moyens de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).
Le déficit budgétaire est moins élevé qu'on ne le craignait en loi de finances initiale, malgré les mesures prises à la suite du mouvement des « gilets jaunes », mais la cible à atteindre était bien moins ambitieuse que ce qui avait été prévu en début de quinquennat. À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. Le Gouvernement pourra se targuer d'une bonne exécution...
Globalement, le PLFR n'apparaît, à ce stade, pas trop contestable du point de vue de la sincérité budgétaire, au-delà des positions que nous avons déjà défendues lors de l'examen de la loi de finances initiale. Les mouvements opérés sont relativement importants et peut-être légitimes, mais il faudrait que le Gouvernement nous apporte des explications sur les annulations de crédits d'ici à la séance de lundi.
En conséquence et dans l'attente, je vous propose, mes chers collègues, de proposer au Sénat de ne pas adopter le projet de loi de finances rectificative pour 2019. J'espère que le Gouvernement répondra à nos questions. Cela ne préjuge pas de ma position finale lundi prochain.
le Gouvernement affiche un déficit prévisionnel de 3,1 % du PIB. Si l'on tenait compte uniquement du budget de l'État, ce taux serait plutôt de 4 %. Si je ne me trompe pas, les concours des collectivités territoriales et, peut-être, des organismes de sécurité sociale, améliorent donc le solde.
J'avais calculé que le montant des annulations s'élevait à 302 millions d'euros pour l'aide publique au développement, alors qu'il est de 85,5 millions d'euros : la différence vient peut-être de la bonification d'intérêts.
Pour la défense, le montant est de 1,4 milliard d'euros. Est-ce dû à des marchés qui n'ont pas été conclus ?
Sur les outre-mer, le montant est de 176 millions d'euros, soit près de 10 % du budget qui n'est pas exécuté. On est passé de la défiscalisation au crédit d'impôt, qui n'est pas financé. Manifestement, les opérations prennent du retard.
Sur la ligne budgétaire unique qui finance le logement dans les outre-mer, j'entends dire que les opérateurs et les collectivités ne seraient pas prêts. Mais pour avoir été ministre, je sais qu'une autorisation d'engagement se consomme sur sept ans, compte tenu des délais et des obstacles bureaucratiques mis par l'État. Que ce dernier se défausse de sa responsabilité sur les opérateurs de terrain n'est pas très satisfaisant...
La pratique des réserves de précaution me pose problème. En apparence, c'est une méthode plus sincère, mais que fait-on de ce qui a été engrangé ? Il me semble que l'on assiste là à un désengagement de l'État qui ne dit pas son nom.
J'ai du mal à comprendre qu'on gèle des crédits dans certains secteurs : l'enseignement supérieur et la recherche, alors que les étudiants sont dans la rue ; la santé, alors que le personnel hospitalier défile ; la justice, alors qu'elle va mal...
On ne voit pas très bien où veut aller le Gouvernement.
Le déficit en 2019 sera supérieur à ce qui était prévu en raison des mesures exceptionnelles prises à la suite du mouvement des « gilets jaunes ». Mais n'y aura-t-il pas d'autres mesures exceptionnelles qui seront prises en 2020 après les mouvements sociaux de cette fin d'année ? Je ne sais pas où l'on va si l'on gère le pays de cette façon !
Vous avez évoqué les « équivalents temps plein travaillés » : y a-t-il des temps « pleins » non travaillés ?
Le déficit, tout le monde s'en fiche ! J'ai beaucoup de mal à expliquer à mes interlocuteurs, même éclairés, que le déficit de notre pays est inquiétant. C'est à se demander s'il faut continuer à lutter contre...
Je suivrai la position d'attente proposée par le rapporteur général.
Ce n'est pas une position d'attente. On ne peut pas ne pas se prononcer : c'est soit oui, soit non. Pour l'instant, c'est non !
A-t-on voulu nous vendre un trop beau redressement des comptes dans la présentation du projet de loi de finances pour 2020 ? On aurait alors volontairement surestimé les prévisions de recettes et sous-estimé les dépenses de 2019. Comment avons-nous pu avoir 2 milliards d'euros de dépenses supplémentaires entre fin septembre et maintenant ?
Puisque vous m'avez interpellé sur l'enseignement supérieur, je veux vous demander s'il s'agit d'une remise en cause de la dépense ou d'un report.
Mettre en réserve des dépenses de fonctionnement ou des dépenses d'investissement, ce n'est pas la même chose !
J'ai reçu des réponses contradictoires du ministère de l'enseignement supérieur sur le gel de crédits concernant l'enseignement supérieur privé. Avez-vous des informations ?
De nombreuses annulations concernent le solde non affecté des comptes d'affectation spéciale, comme ceux du contrôle de la circulation et du stationnement routier, de la transition énergétique, de l'immobilier de l'État. Cela pose problème en termes de sincérité.
Sur l'immobilier de l'État, on décale la création de places de prison en arguant du fait que les dossiers ne sont pas prêts faute de l'accord des communes. De même, on annule 93 millions d'euros de crédits pour les cités administratives ; dans le même temps, le ministre annonce 160 millions d'euros de travaux en 2020...
En tant que rapporteur des crédits de la mission « Culture », je m'étonne du démontage de 25,5 millions d'euros de crédits pour le patrimoine, un montant qui correspond à ce qu'a rapporté le Loto du patrimoine... On n'est pas là dans l'épaisseur du trait sur ce secteur.
Les personnes qui ont joué au Loto du patrimoine ne savaient pas que le Gouvernement diminuerait d'autant les crédits du patrimoine... L'imagination de Bercy est sans limites !
Victorin Lurel, les collectivités locales et la sécurité sociale contribuent effectivement à l'amélioration du déficit budgétaire. Du côté de l'État, seuls les taux d'intérêt permettent de faire une économie de constatation.
Roger Karoutchi, je partage totalement votre analyse.
Jean-Claude Requier, un ETP dépend de la date de recrutement : une personne à temps plein recrutée en juillet équivaut à 0,5 ETPT.
Philippe Adnot, les éléments dont je dispose sur les annulations de la mission « Recherche et enseignement supérieur » sont : annulation sur réserves, sur des crédits de projets immobiliers de 40 millions d'euros, sur des crédits du CNES, et l'abandon de certaines actions de soutien à l'innovation technologique.
Thierry Carcenac, je suis d'accord s'agissant des CAS : la situation est inquiétante. Sur l'immobilier, nous avons fait ce constat depuis longtemps.
On nous répond que les annulations de crédits pour la défense correspondent à des marchés devenus sans objet. Mais lesquels ?
Avant, il existait les décrets d'avance. Il est légitime de constater davantage de besoins sur telle ou telle prestation. Il faut reconnaître que le Gouvernement a réduit le taux de crédits en réserve, lequel avait atteint 8 %.
Christine Lavarde, le plus important, c'est le renoncement à une partie des économies de dépenses. On attend toujours les 1,5 milliards d'euros annoncés pour compenser les annonces de l'État.
Mes chers collègues, je vous conseille de lire l'article des Échos d'aujourd'hui sur la France des hard discount. L'enquête des journalistes a montré que les clients n'étaient pas nécessairement les très modestes, mais des personnes appartenant à la classe moyenne, notamment soumise au coût très lourd des dépenses énergétiques. Les questions de fiscalité énergétique, qui vont nous occuper lors de l'examen du projet de loi de finances, sont essentielles.
Je le rappelle, pour que la dette n'atteigne pas 100 % du PIB, le Gouvernement a prévu que le CAS « Participations financières de l'État » participe au désendettement de l'État à hauteur de 2 milliards d'euros en 2020.
Je serai certainement amené à vous proposer des amendements lundi prochain et à revoir ma position. J'attends les réponses du Gouvernement.
La commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter le projet de loi de finances rectificative pour 2019. En conséquence, elle décide de proposer au Sénat de ne pas adopter chacun des articles du projet de loi.
- Présidence de M. Charles Guené, vice-président -
Le montant des crédits demandés pour la mission « Culture » en 2020 s'élève à 2,99 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 2,96 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit, concernant ces derniers, une augmentation de près de 1 % par rapport à 2019. La mission devrait respecter la trajectoire retenue dans la loi de programmation des finances publiques.
En y agrégeant les crédits dédiés au livre, aux industries culturelles et aux bibliothèques, le niveau atteint par les crédits budgétaires en faveur de la culture s'élève à 0,97 % du budget de l'État. Ce taux, proche de l'objectif dit du « 1 % culturel », ne saurait pour autant résumer l'action de l'État en matière culturelle.
Une appréciation plus large, incluant l'audiovisuel public, l'ensemble des taxes affectées et des dépenses fiscales ayant trait au champ culturel, permet d'estimer l'effort de l'État dans ce domaine à 14,2 milliards d'euros, soit 4,2 % du budget de l'État.
Mais revenons à la mission « Culture » et à ses spécificités. Seuls 17,2 % des crédits de la mission, hors dépenses de personnel, sont gérés au niveau central. Le taux de déconcentration des crédits de paiement de la mission devrait s'élever en 2020 à 38,5 %. Les sommes directement versées aux opérateurs atteignent 44,3 % du total.
La mission est composée de trois programmes.
Le premier, le programme 131, dédié à la création et doté de 817 millions d'euros, devrait traduire un soutien renouvelé aux oeuvres et aux artistes. J'insiste sur les artistes, car le programme devrait intégrer en 2020 les crédits dédiés au soutien à l'emploi culturel. La priorité accordée à celui-ci se traduit par une majoration des crédits de 8 millions d'euros, destinée à accompagner la réforme du Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps). Cette majoration peut apparaître prématurée, compte tenu de la sous-exécution constatée au 31 août dernier des crédits dédiés au Fonpeps. L'Assemblée nationale a d'ailleurs adopté un amendement de crédits minorant la dotation de ce fonds.
Le reste du programme ne laisse que peu de marges de manoeuvre au niveau central, l'essentiel des crédits étant déjà fléché vers les opérateurs ou les structures déconcentrées. Le projet de loi de finances table d'ailleurs sur une poursuite de la déconcentration, puisqu'en application de deux circulaires de juin 2019, 8,5 millions d'euros en AE et en CP sont transférés des crédits centraux vers les crédits déconcentrés. Nous ne pouvons que nous réjouir de cette déconcentration de la politique culturelle. Il convient cependant de laisser une certaine marge de manoeuvre au niveau central, sauf à émietter les crédits entre 19 régions.
Près de 20 millions d'euros au sein du programme 131 seront orientés vers les travaux, en particulier ceux concernant l'Opéra Bastille, le Centre national de la danse et la Cité du théâtre. La fin de la plupart de ces chantiers devrait intervenir en 2022 et 2023, sauf retards. Nous serons très vigilants sur l'évolution des coûts face au risque d'inflation des tarifs dans la perspective des Jeux olympiques de 2024.
Notre suivi sera d'autant plus exigeant au regard des montants en jeu : le coût du projet « Bastille » est évalué à 59 millions d'euros, celui de la Cité du théâtre, qui réunirait sur un même lieu le Conservatoire national supérieur d'art dramatique, la deuxième salle du théâtre national de l'Odéon et deux salles de la Comédie française, atteindrait 86 millions d'euros. Il faudra la plus grande transparence en matière de choix de la maîtrise d'oeuvre, de la maîtrise d'ouvrage et de la répartition des coûts entre acteurs publics. S'agissant de la Cité du théâtre, elle ne doit pas déboucher sur une concentration des troupes à Paris. Il faudra en effet veiller à accroître les tournées en province des pièces montées dans ces salles.
Le deuxième programme, le programme 224, recense les crédits affectés à la promotion des politiques transversales du ministère - enseignement supérieur de la culture, démocratisation de la culture, action internationale, politique linguistique - et ceux dédiés aux fonctions de soutien. Il devrait être doté de 1,27 milliard d'euros en AE et 1,17 milliard d'euros en CP en 2020.
L'étude des crédits du programme appelle deux réflexions. La première concerne le Pass culture. Le projet de loi de finances prévoit une montée en charge de ce dispositif dont les crédits seraient portés de 34 à 39 millions d'euros. Je vous rappelle que le Pass culture est une application gratuite dédiée aux jeunes de 18 ans, qui révèle et relaie les possibilités culturelles et artistiques accessibles à proximité. L'année de ses 18 ans, jusqu'à la veille de ses 19 ans, chaque jeune résidant en France pourra demander l'octroi d'une enveloppe de 500 euros à dépenser sur cette application, parmi un large choix de spectacles, visites, cours, livres, musique, services numériques...
Nous ne remettons pas en cause le bien-fondé de ce dispositif, mais comme l'an dernier, nous ne souhaitons pas qu'il résume l'objectif affiché d'irrigation culturelle du territoire. Le dispositif est encore expérimental et la communication doit être renforcée. Dans ces conditions, le Gouvernement doit poursuivre ses efforts en faveur du « 100 % Éducation artistique et culturelle » qu'il promeut par ailleurs et qui doit permettre à 100 % des élèves du premier et du second degré d'avoir accès aux arts et à la culture.
Ma deuxième remarque portera sur les programmes de modernisation du système informatique du ministère de la culture et de réduction de ses sites parisiens. Ils participent d'un effort de rationalisation de dépense publique qui est bienvenu. Ils devraient permettre de compenser les coûts liés à la nécessaire revalorisation de la grille indemnitaire des agents du ministère de la culture, qui doit permettre de renforcer son attractivité et éviter des vacances de postes prolongées.
J'ai rédigé des observations complémentaires, notamment sur le Pass culture, la taxe affectée pour les théâtres parisiens et le dispositif relatif au mécénat. Elles sont contenues dans le rapport et je les défendrai en séance.
Je concentrerai mon intervention sur le programme 175, dédié à la protection des patrimoines, qui devrait être doté de 972 millions d'euros en CP en 2020.
L'examen des crédits du programme fait apparaître une diminution de l'ordre de 5 % des subventions accordées aux collectivités territoriales et aux propriétaires privés en vue de la restauration de monuments historiques.
Les crédits de paiement sont ainsi minorés de 7 millions d'euros entre la loi de finances pour 2019 et le présent projet de loi de finances. Si 5 millions d'euros viennent financer le fonds partenarial et incitatif pour les monuments historiques des collectivités à faibles ressources, 2 millions d'euros vont, en revanche, abonder le plan de mise en sécurité des cathédrales, lancé à la suite de l'incendie de Notre-Dame de Paris. Je rappelle que les cathédrales sont des monuments historiques appartenant à l'État depuis la loi de séparation de 1905.
86 d'entre elles ainsi que 2 basiliques et 1 église appartiennent en tous cas à l'État ! La prise en compte d'un risque pesant sur l'État se retrouve de fait financée par des crédits destinés à d'autres monuments qui ne lui appartiennent pas. Une telle option traduit un manque d'ambition. C'est pourquoi je vous soumettrai un amendement majorant les crédits dédiés à la protection du patrimoine dans les territoires.
Ce manque d'ambition s'inscrit dans la continuité de la position adoptée par le Gouvernement concernant la cathédrale de Notre-Dame de Paris : ce chantier ne donnera lieu à aucun geste budgétaire spécifique de l'État mais j'y reviendrai. Si la reconstruction de l'édifice est intégralement financée par le don privé, la sécurisation des cathédrales passera, quant à elle, par les collectivités territoriales et les propriétaires privés.
S'agissant de la cathédrale Notre-Dame de Paris, je m'interroge sur l'éventuelle réaffectation des fonds avancés pour les travaux de sécurisation, de déblaiement des gravois et d'enlèvement des échafaudages : 40 millions d'euros auraient déjà été avancés avant le versement à l'État des premiers dons. Le projet annuel de performances pour 2020 n'indique pas la ligne de crédits sur laquelle cette somme a été prélevée ni les modalités de réaffectation vers d'autres projets.
Je rappelle que 922 millions d'euros de promesses de dons ont été enregistrés par les différentes fondations collectrices, 67 millions d'euros ayant déjà été versés à l'État. Le ministère de la culture nous a indiqué que l'établissement public administratif chargé de la restauration et de la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris, institué par la loi du 29 juillet 2019, devrait entrer en fonction dans les prochaines semaines. La totalité de son budget serait couverte par les dons.
Le ministre de la culture s'était engagé au Sénat sur une participation de l'État. Il avait, en effet, indiqué que « l'État [devait] prendre sa part de financement dans la restauration de Notre-Dame de Paris » et qu'« il y [aurait] quoi qu'il en soit des subventions budgétaires du ministère de la culture à l'établissement public ». Quelques mois plus tard, il ne reste rien de cette volonté dans l'actuel projet de loi de finances.
Une telle évolution rend indispensable la recherche de financements alternatifs, qu'il s'agisse du Loto du patrimoine, dont les recettes doivent être exonérées des prélèvements obligatoires, ou de dispositifs fiscaux dédiés.
La faiblesse des crédits budgétaires dédiés à la restauration des centres-villes rend ainsi indispensable une rénovation du dispositif fiscal Malraux, qui présente l'avantage d'associer objectifs de soutien au logement, de valorisation du patrimoine et de revitalisation des centres urbains et produit environ 130 millions d'euros de dépenses de travaux chaque année. Cette somme est à comparer aux 338 millions d'euros prévus dans le projet de loi de finances pour l'entretien et la restauration des monuments historiques. Nous appuyons donc les conclusions allant en ce sens de l'inspection générale des affaires culturelles et de l'inspection générale des finances, et nous invitons à proroger le mécanisme et à simplifier ses conditions d'utilisation.
La révision de ce dispositif est soutenue par le ministère de la culture. Elle pourrait constituer une première étape en vue d'une meilleure combinaison avec le plan « Action coeur de ville ».
Je suis par ailleurs inquiet du mauvais signal envoyé par la réforme du mécénat d'entreprise prévue dans le présent projet de loi de finances. Cette réforme a suscité une inquiétude légitime dans le milieu associatif, mais aussi au sein des organismes culturels, dont une partie de l'activité dépend du mécénat.
Soyons clairs, le mécénat n'est pas une véritable niche fiscale. Comme l'avaient relevé les participants au colloque que nous avions organisé en septembre dernier au Sénat, le don vient parfois compléter, voire se substituer à l'action de l'État, dans un contexte de réduction de ses marges de manoeuvre budgétaires. Le cas est particulièrement patent pour les opérateurs publics. L'État conditionne la reconduction des subventions à des résultats sur divers critères, d'ordre artistique, qualitatif, social ou sociétal, sur lesquels le soutien du mécénat est essentiel.
Les travaux d'ampleur menés pour le Grand Palais, la Cité du théâtre ou l'aménagement de l'Opéra Bastille s'appuient d'ailleurs sur mécénat, à la demande de l'État. Il existe donc une forme de schizophrénie de la part du Gouvernement à inciter les opérateurs publics à recourir au mécénat tout en limitant le plein développement de celui-ci par un rabot des dispositifs fiscaux existants.
Le seuil annoncé de 2 millions d'euros au-delà duquel le taux de réduction passerait de 60 à 40 % peut apparaître tout à la fois contournable et fragilisant. Dans tous les cas, le signal négatif envoyé par une telle réforme est bien tangible. Elle laisse en effet entendre que toute opération supérieure à 2 millions d'euros est assimilable à une forme d'optimisation fiscale. Elle pourrait donc brider les intentions des mécènes face au risque en matière d'image.
Nous savons que le Gouvernement a lancé une réflexion générale sur la philanthropie, qu'il a confiée à deux collègues députées. Il aurait sans doute fallu attendre leurs conclusions sur les contreparties ou le régime juridique des fondations avant de procéder à ce coup de rabot fiscal.
Sous réserve de ces observations, des suites qui leur seront données, et de l'amendement que je soumets à votre vote, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Culture ».
Merci aux rapporteurs pour leur présentation de ce secteur important. Je partage leurs inquiétudes concernant le très mauvais signal qui pourrait donner la réforme du mécénat. Je défendrai un amendement en séance sur ce point.
Le président de la République a confirmé l'engagement qu'il avait pris lorsqu'il était candidat de créer la Cité internationale de la langue française, dans mon département de l'Aisne. L'ouverture devrait intervenir en 2022, pour un montant estimé des travaux à 110 millions d'euros. Avez-vous des informations sur ce dossier ?
Par ailleurs, pouvez-nous nous apporter des précisions sur les conséquences du litige entre l'architecte Jean Nouvel et la Philharmonie, qui lui réclame 170 millions d'euros ?
Je remercie nos rapporteurs pour ce travail qui nous permet de voir l'importance de la culture et du patrimoine sur l'ensemble de nos territoires.
Dans les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), qui sont les interlocuteurs des élus et les acteurs de la culture, les moyens humains ont-ils été maintenus ?
Je remercie les rapporteurs pour leur présentation tonique de ce budget important pour nous tous !
Je me réjouis, moi aussi, de la création de la Cité internationale de la langue française, en espérant que ce soit l'occasion de nous conformer à l'ordonnance de Villers-Cotterêts. Je pense à l'utilisation du « ò », qui n'est pas autorisé dans les patronymes - seul un membre du Gouvernement le porte.
Des crédits sont-ils prévus pour soutenir les langues et cultures régionales ?
Dans le rapport, il est écrit que le programme 131 se caractérise par l'absence de réelle marge de manoeuvre pour l'administration centrale et que la logique de déconcentration semble trouver une certaine limite. C'est une approche extrêmement jacobine de la situation, que je ne comprends pas ! Il faut faire confiance aux territoires. Arrêtons de recentraliser les décisions et les crédits à Paris.
Le rapport indique que le coût du projet Camus serait de 36,6 millions d'euros. J'en étais resté à 43,1 millions d'euros. Pour utiliser le CAS, on anticipe des cessions futures, dont le nombre ni le prix ne sont certains. Faut-il continuer à céder de bons immeubles ? Cela renvoie à la politique immobilière de l'État. Outre l'Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (Oppic), il y a l'Agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ), qui travaille sur l'île de la Cité.
On nous avait dit que certains locaux pourraient être récupérés. Mais pour l'instant, les AE sont insuffisantes, notamment pour des ouvertures au public.
Grâce au programme « Action coeur de ville », 222 collectivités territoriales bénéficient d'une aide pour redynamiser leurs centres.
Je m'interroge sur le recours au PIA pour financer la rénovation du château de Villers-Cotterêts, pour 13,3 millions d'euros, ou celle du Grand Palais, pour 160 millions d'euros. Ces rénovations sont bienvenues, mais relèvent-elles du PIA ? D'ailleurs, pourquoi avoir choisi ces deux bâtiments ?
Les crédits du fonds de développement de la vie associative sont importants, par rapport aux montants des projets associatifs, surtout dans les territoires ruraux. Relèvent-ils de cette mission ? Le Premier ministre avait annoncé l'implantation de 200 microfolies sur ces territoires. Où figurent les moyens correspondants ?
Tous les crédits liés à la langue française ou à la francophonie disparaissent ou sont réduits, dans tous les domaines. Même les aides de l'Agence française pour le développement (AFD) sont en baisse dans les zones francophones. Est-ce le reflet d'une décision du Gouvernement, qui aurait baissé les bras ? Il y a eu un ministère de la Francophonie ! Or celle-ci devient le parent pauvre du budget de la Culture.
Jean Bizet aurait pu vous interroger, comme je vais le faire, sur le financement de la rénovation du Grand Palais par le PIA - sans parler de la deuxième opération évoquée...
C'est d'autant plus surprenant que ces crédits ne sont pas fléchés dans le PIA. Ils sont donc fictifs.
J'ai relevé comme vous dans la presse des doutes sur l'usage des dispositifs de défiscalisation par les entreprises pour des fondations qu'elles contrôlent. Le plafonnement à 2 millions d'euros du bénéfice de la déductibilité à 60 %, et sa réduction à 40 % au-delà, ne régleraient pas ce problème. Cela ne ferait que contraindre d'importants mécènes à disperser leur aide. Le milieu concerné est très inquiet.
Vous avez été plusieurs à évoquer la francophonie. Concernant Villers-Cotterêts, les crédits de restauration du château proprement dit figurent au programme « Patrimoines » de la mission. Ceux du PIA sont affectés à la Cité internationale de la langue française, qui s'installera dans les locaux. Le Centre des monuments nationaux est destinataire de 13,3 millions d'euros en CP pour la rénovation. S'ajoutent 30 millions d'euros versés dans le cadre du troisième PIA, pour la Cité internationale de la langue française - cela nous a été confirmé par le directeur du Patrimoine. Ces fonds bénéficieront aussi à tout un territoire affecté par la désindustrialisation. Ils peuvent ainsi répondre à la logique inhérente aux investissements d'avenir. Pour le Grand Palais, le président de la RMN-Grand Palais nous a confirmé que les crédits du PIA étaient bien programmés. Rien de fictif, donc !
Pour les langues régionales, il y a un transfert de crédits du programme 175 vers le programme 224. Près de 1 % des crédits de ce programme sont consacrés à la promotion de la langue française - dont plus de la moitié pour la promotion à l'étranger. Le rattachement de la délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF) au programme 224 ne s'est pas cependant accompagné d'une majoration de crédits. Ceux-ci restent au niveau de 2018, soit 3,22 millions d'euros en AE et en CP.
S'agissant du programme 131, pour répondre à Michel Canévet, il ne reste environ que 5 millions d'euros de crédits au niveau central qui ne sont pas fléchés, ce qui est peu, sur 817 millions d'euros. Je salue cet approfondissement de la déconcentration. La plupart des crédits centraux sont ainsi orientés vers des festivals ou des organismes installés dans les territoires. Nous souhaitons simplement que le ministère puisse conserver un minimum de marges de manoeuvre.
Au sujet du mécénat, certains disent qu'en dépenses fiscales, la fondation Vuitton a coûté l'équivalent de la Philharmonie ; mais quand l'État paie directement, c'est lui qui fait les choix ! Nous aurons ce débat. En tous cas, il faut tirer des leçons pour l'avenir.
Pour répondre à Thierry Carcenac, oui, il faudrait un récapitulatif de la politique immobilière. Le ministère de la Culture passe de sept sites à trois. Je rappelle que Beaubourg, c'est deux millions d'euros de loyer qui seront bientôt économisés... La vente du siège du Conservatoire national devra être suivie de près.
Le PIA prévoit 160 millions d'euros pour le Grand Palais, et 30 millions d'euros pour la Cité internationale de la langue française. N'oublions pas que le grand projet culturel du quinquennat concerne la langue française. Et il ne se situe pas à Paris...
Patrice Joly, le fonds pour le développement de la vie associative relève de la mission sport, jeunesse et vie associative.
Le ministre fait des microfolies une priorité, et 3 millions d'euros de crédits sont prévus dans le présent projet de loi de finances.
Où en est-on de la rénovation de Notre-Dame ? Il n'y a rien dans le PLF. Quid de la souscription nationale ?
La Fondation pour la mémoire de l'esclavage signera vendredi une convention à Matignon : le Gouvernement s'était engagé à aider la région Guadeloupe à transformer le musée du Mémorial ACTe en établissement public de coopération culturelle (EPCC), en prenant en charge 2,5 millions d'euros sur les 4,5 millions d'euros du budget de fonctionnement - mais il ne met que 500 000 euros en capital. Il est très réticent, aussi, sur l'achat des collections, alors qu'il avait promis 300 000 euros. Peut-on assurer un suivi de ces engagements ?
On s'est battus pendant des années pour le dispositif Malraux, mais les niches et les dépenses fiscales n'ont plus la cote...
Je vous proposerai, par un amendement, de renforcer l'attractivité du dispositif Malraux, pour redynamiser les centres-villes historiques. Sinon, ce dispositif va mourir, car il n'est plus utilisé que par des institutions, en fonction du prix d'acquisition du bien : s'il n'est pas dévalorisé, le retour sur investissement est trop faible. Je vous proposerai donc d'unifier la réduction d'impôts à 30 %, pour mettre fin aux sous-zonages. Pour accroître le taux de rendement interne, il pourrait également être envisagé une diversification des usages du bâti, afin de faciliter le retour des commerces et des services. Ainsi, la condition d'usage en résidence principale imposée au locataire pourrait être supprimée et la possibilité serait alors ouverte à la transformation de locaux d'habitation en locaux commerciaux, de services ou d'activité. L'élargissement du bénéfice du dispositif Malraux aux locations à des ascendants et des descendants ferait également sens. Il conviendrait également de réviser les conditions imposées aux sociétés communes de placements en immobilier (SCPI). La décomposition 30 % foncier - 65 % travaux apparaît en effet dirimante tant elle peut induire un coût d'acquisition important. Or un prix d'achat élevé est désincitatif. Il pourrait donc être envisagé de remplacer par un seuil minimum de 95 % de travaux et foncier, dont 65 % minimum de travaux. La date limite d'éligibilité pour les immeubles situés dans les quartiers anciens dégradés (QAD), fixée au 31 décembre 2019, pourrait également être supprimée. La condition de déclaration d'utilité publique pour certains sites patrimoniaux remarquables (SPR) peut par ailleurs, apparaître superfétatoire. Sa suppression n'exclura pas le contrôle par un architecte des bâtiments de France. Le rapport de l'IGF et de l'IGAS sur ce sujet est resté sans suite : d'où mon amendement.
Je ne vois toujours pas en quoi la rénovation du Grand Palais relève du PIA.
Sa rénovation, non, mais son affectation, si ! Celle-ci est prévue pour des évènements internationaux que nos concurrents rêvent de nous ravir... Préféreriez-vous voir le Grand Palais transformé en immeuble d'HLM ? Il faudra bien trouver quelque part les 470 millions d'euros nécessaires à sa rénovation.
Je vous propose un amendement n° 1 majorant de 5 millions d'euros les crédits de l'action « Monuments historiques et patrimoine monumental » du programme 175 « Patrimoines », dans laquelle sont inscrites les subventions pour travaux sur des monuments historiques appartenant à des collectivités territoriales ou des personnes privées. Il est gagé sur les crédits du Pass culture, qui sont sous-exécutés en 2019 - 17 millions d'euros sur 34 millions d'euros disponibles.
Par région, en tous cas. Malgré cette sous-consommation, la dotation sera augmentée de 5 millions d'euros en 2020, à 39 millions d'euros. Commençons par rattraper le retard ! Le ministère, lui, veut aussi affecter les 10 millions d'euros non-consommés en 2019 - pas sûr qu'ils restent disponibles, toutefois.
L'amendement n° 1 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat, sous réserve de l'adoption de son amendement, l'adoption des crédits de la mission « Culture ».
Présidence de M. Vincent Éblé, président -
Mon rapport, comme l'an dernier, couvre deux sujets, fort différents.
S'agissant de la mission « Médias, livres et industries culturelles », le montant global des crédits s'élève à 580 millions d'euros en AE et à 590 millions en CP. Il y a deux ou trois ans, j'avais indiqué que l'Agence France Presse (AFP) ne s'en sortait pas financièrement, parce qu'elle devait faire face à des procédures judiciaires de requalification des emplois de ses correspondants à l'étranger. Elle a fait de gros efforts pour sa numérisation, aussi. Sa dotation, cette année, est majorée de 6 millions d'euros pour atteindre environ 140 millions d'euros. Son président dit que c'est suffisant, car il compte sur les ressources des ventes et abonnements. Pour le moment, toutefois, l'AFP n'est pas totalement concurrentielle face aux grandes agences anglo-saxonnes.
S'agissant de la presse écrite, l'aide au portage diminue. C'est normal : les volumes expédiés sont de moins en moins importants. Les aides à la presse se concentrent sur la numérisation et la modernisation, notamment à travers le Fonds stratégique pour le développement de la presse et le Fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse. Quels critères devraient être retenus pour les aides à la diversité de la presse ? Ceux qu'on utilise datent de plusieurs décennies... Il faudra les repenser.
L'aide au livre est plus large que cette mission, qui se concentre sur les bibliothèques, et notamment - 210 millions d'euros sur 283 - la Bibliothèque nationale de France, dont les travaux semblent avoir été repris en main et devoir s'achever - enfin ! - dans deux ans.
Nous avons voté la création d'un centre national de la musique (CNM). Le financement complémentaire apporté par l'État dans le cadre du présent projet de loi de finances est de 7,5 millions d'euros, alors qu'il s'était engagé sur 20 millions d'euros. Le Gouvernement a promis une montée en charge progressive... Compte tenu de la faiblesse des ressources du CNM et des moyens dont il dispose pour soutenir le secteur, il paraît indispensable, à moyen terme, de conserver le crédit d'impôt pour les dépenses de production phonographique (CIPP) et le crédit d'impôt pour dépenses de production de spectacles vivants (CISV). L'Assemblée nationale a précisé dans un article additionnel les conditions d'affectation de la taxe sur les spectacles de variétés versée au CNM. Aux termes de cet amendement, la taxe devrait ainsi être, jusqu'au 31 décembre 2022, spécifiquement dédiée au financement des actions aux spectacles de chansons, de variétés et de jazz. Au 1er janvier 2023, le principe de solidarité collective de la filière tendra à s'imposer. Je vous propose de ne pas revenir sur cet article.
Abordons maintenant le cinéma. Je ne pleure pas sur les crédits du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), qui se porte bien. L'harmonisation des taux de la taxe sur les services de télévision - éditeurs (TST-E) et de la taxe sur la diffusion en vidéo physique (TSV), qui vise notamment Youtube et Netflix - fait oeuvre utile en prenant en compte les nouveaux modes de diffusion d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles, tout en garantissant des revenus constants pour le CNC. Celui-ci est demandeur d'une réforme de la fiscalité qui lui est affectée. Mais il n'est pas en crise, et aide beaucoup à la production cinématographique, grâce à des ressources conséquentes.
Venons-en aux concours financiers à l'audiovisuel public. Je vais tenter de rester plus modéré que l'année dernière ! La redevance, la contribution à l'audiovisuel public (CAP), devrait atteindre 3,79 milliards d'euros en 2020. Le Gouvernement a annoncé la baisse d'un euro de cette redevance. Je ne parviens toujours pas à comprendre le système. On attend un grand texte sur la réforme de l'audiovisuel public. Les premières annonces laissent un peu sceptique pour le moment, puisque le périmètre ne serait presque pas changé et que l'on ne revient pas sur les missions de service public de l'audiovisuel : on va en fait mettre en place une holding qui conservera les chaînes et leurs directeurs, mais qui sera une structure avec plusieurs directions. Je ne comprends pas en quoi cette structure permettrait de faire des économies. Je redoute qu'il s'agisse d'une structure chapeau supplémentaire aux directions qui ne fasse qu'ajouter des dépenses de fonctionnement. Je ne suis pas convaincu par la réforme, car je n'y vois pas de vision stratégique. Le souhait du ministre est de baisser progressivement les crédits, puis de voir ensuite, avec cette holding, comment réaliser des économies. Je pense qu'il eût été préférable de redéfinir l'ensemble préalablement.
Globalement, c'est France Télévisions qui, avec 60 millions d'euros de moins de dotation, doit faire l'effort maximum. Je défendrai un amendement pour réorienter une partie de sa subvention sur l'audiovisuel extérieur. Les économies demandées peuvent apparaître conséquentes. C'est toutefois un effort maximum à partir de peu d'efforts ! Simultanément, on demande à Radio France de faire un effort qui me semble plus important puisqu'elle a déjà restructuré et rationalisé ses programmes et réduit le service. Je rappelle que dans le PLF 2019, on parlait d'un financement ad hoc pour le chantier de Radio France, qui n'est toujours pas terminé. Le ministre m'a répondu il y a quelques jours que je verrais bien quand ce financement ad hoc arriverait... En attendant, Radio France doit poursuivre le chantier sur ses propres crédits.
J'ai axé cette année ma mission de contrôle sur l'audiovisuel extérieur. Le Gouvernement avait confié à Olivier Courson une mission sur l'audiovisuel extérieur pour établir une cartographie des activités, voir les pistes d'économie et le développement. On peut distinguer deux maillons, avec France Médias Monde (FMM), d'un côté, et TV5 Monde, de l'autre. Le caractère multilatéral de la gouvernance de TV5 Monde rend délicate toute appréciation. FMM, créée en 2008, rassemble une chaîne de télévision et deux radios : France 24, qui émet en quatre langues - le français, l'anglais, l'arabe et l'espagnol -, Radio France International (RFI), qui émet en français et en treize autres langues, et Monte Carlo Doualiya (MCD), une radio généraliste qui émet en langue arabe. L'agence Canal France International (CFI), est, par ailleurs, devenue, depuis le 27 juin 2017, une filiale de FMM. CFI reste financée dans le cadre de l'aide publique au développement afin de favoriser le développement des médias en Afrique, dans le monde arabe et en Asie du Sud-Est.
En revanche, je suis inquiet concernant le financement de France Médias Monde. Elle connaît pourtant un accroissement de spectateurs ou d'auditeurs considérable. France 24 a vu par exemple le nombre de ses contacts hebdomadaires progresser de 55 millions en 2016, à 79,8 millions en 2018. Par ailleurs, 46,3 millions de personnes - soit une progression de 8,4 % par rapport à 2017 - accèdent chaque semaine aux chaînes de FMM via Internet.
Les dépenses annuelles de la holding FMM représentent 268 millions d'euros. Le Gouvernement a diminué progressivement les crédits ces dernières années. FMM a réalisé beaucoup d'efforts en termes de réduction des coûts, en fermant certaines stations - notamment en Afrique orientale -, en réduisant ses programmes. L'année prochaine, la dotation s'établirait à 255,2 millions d'euros, en diminution de 1 million d'euros par rapport à l'exercice précédent.
Lorsque nous protestons contre cette baisse des crédits, le Gouvernement nous répond : « en proportion, FMM baisse moins ses crédits que France Télévisions ». La comparaison n'est pas valable : FMM ne peut y arriver. Je vous rappelle que FMM est en concurrence avec l'audiovisuel extérieur des États-Unis, de la Russie, de la Chine, de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne. La Chine consacre 1,3 milliard d'euros à son audiovisuel extérieur, les États-Unis 720 millions d'euros, le Royaume-Uni, 380 millions et l'Allemagne 400 millions. En France, nous sommes à 255 millions. Les Européens, les États-Unis, la Russie et la Chine mettent nettement plus de crédits sur leur audiovisuel extérieur que la France. Nous sommes très en retard et nous demandons à FMM de se débrouiller pour trouver des recettes supplémentaires, dans la publicité, les budgets locaux, etc.
L'année dernière, nous avions fait voter, au Sénat, un amendement - certes peu révolutionnaire - tendant à lui octroyer des crédits supplémentaires à hauteur de deux millions d'euros, mais le Gouvernement l'a fait supprimer à l'Assemblée nationale.
Nous ne comprenons pas : le chef de l'État dit qu'il souhaite rehausser notre ambition en matière de promotion de la langue, des contenus français, en s'appuyant sur notre puissance de feu médiatique, citant même « l'institution puissante que représente FMM » et, en parallèle, on baisse les crédits d'une structure qui a fait beaucoup d'efforts. Ce n'est pas avec 1,2 million d'euros de l'AFD pour RFI que cela peut fonctionner. Par exemple, les Britanniques versent des crédits assez conséquents de l'aide au développement à leur système audiovisuel extérieur. Pourquoi refuser de le faire en France ?
Il faut faire en sorte que dans le cadre de la réforme de l'audiovisuel, il y ait une sanctuarisation des crédits de l'audiovisuel extérieur. L'idéal, si le Gouvernement l'acceptait, serait de proposer un pourcentage constant de la CAP, qui serait consacré à l'audiovisuel public extérieur. Je vous proposerai en attendant un amendement pour France Médias Monde, visant à majorer les crédits de 9,9 millions d'euros, au détriment de France Télévisions. Les crédits de FMM sont en effet inférieurs de 9,9 millions à ce que prévoyait le contrat d'objectifs et de moyens.
La course à l'audimat n'est pas conforme à la mission de service public confiée à France Télévisions. On voit France Télévisions acheter des films américains à des prix extravagants pour battre TF1 certains soirs. Je peux comprendre que cela fasse plaisir à France 2, mais s'agit-il là d'une mission de service public ? Sur ce sujet, le ministre ne souhaite pas bouger, car il ne voit pas comment s'en sortir. Mais si l'on dit que France Télévisons a une mission de service public, que l'on revoit et définit le périmètre, faudrait-il soumettre France Télévisions à l'audimat ? Le service public ne doit pas proposer exclusivement des programmes ennuyeux, que personne ne regarde. On ne doit pas pour autant le mettre constamment en concurrence avec TF1, ce qui conduit à n'avoir comme unique repère que la bataille de l'audimat. Là, ce n'est plus du service public.
France Télévisions demande à avoir des pages publicitaires supplémentaires jusqu'à 21 h 15 ; j'y suis défavorable. Sur France Télévisions, il n'y a plus de publicités après 20 h 30, mais il y a de la promotion avec des émissions parrainées jusqu'à 21 h 10. Il faut donc redéfinir le périmètre.
Pour en revenir à cet amendement de crédits, s'il est adopté, j'émettrai un vote positif sur les crédits du compte de concours financiers à l'audiovisuel public. Je rappelle que je suis favorable à l'article rattaché 76 quaterdecies sur les conditions d'affectation de la taxe sur les spectacles de variétés au Centre national de la musique et invite à voter les crédits de la mission « Médias, livres et industrie culturelle ».
Quel est l'avenir de la CAP avec la suppression de la taxe d'habitation ? Ce sujet semblait séduire Gérald Darmanin qui avait envisagé de la supprimer. Comme l'ensemble des Jurassiens, je suis excédée par les programmes télévisés qui commencent à 21 h 15.
Connaît-on la date de parution du rapport que devait fournir le Gouvernement sur l'avenir de la CAP ?
Avec l'article 31 du PLF, le Gouvernement a décidé de déroger à la règle en vigueur d'indexation de la CAP sur l'inflation. Je trouve cela hypocrite, car le gain de pouvoir d'achat est insuffisant : il est de l'ordre de 0,25 centime d'euro par personne et par an pour une famille de quatre personnes.
Le Gouvernement souhaite imposer au secteur public une économie de 70 millions d'euros. Nous avions déjà consenti 36 millions d'euros l'année dernière et en 2017, soit 72 millions d'euros sur les deux dernières années. Le pire est à venir puisqu'à l'horizon, de 2022, l'audiovisuel public verra sa dotation publique baisser de 190 millions, dont 160 millions imputables sur la seule dotation de France Télévisions et 20 millions sur celle de Radio France. La totalité des 70 millions serait portée par France Télévisions selon l'amendement de notre collègue. C'est là que nous avons quelques divergences, car c'est le personnel qui va porter cet effort. France Télévisions doit faire des efforts de rationalisation et trouver un nouveau modèle économique bien entendu, mais là, c'est une véritable saignée pour France Télévisions !
Le Gouvernement engage France Télévisons dans une stratégie qui me paraît relever de l'idéologie. La suppression des deux chaînes France 4 et France Ô représente 25 millions d'euros d'économies, mais, en même temps, on crée France Info Tv, chaîne d'information en continu, à laquelle on octroie 50 millions d'euros. Je souhaiterais que le rapporteur m'éclaire sur le total des économies réalisées et sur ce qu'il adviendra des canaux libérés ? Seront-ils supprimés du bouquet TNT, vendus à d'autres chaînes ?
Par ailleurs, depuis 2002, France Télévisions a dû supprimer 1 000 ETP. Il faudra en supprimer autant d'ici à 2022, ce qui représente 20 % des effectifs en moins en dix ans. Pouvez-vous m'indiquer combien vont coûter à court et à moyens terme le plan de départs volontaires, les ruptures conventionnelles et les nombreux contentieux ?
Enfin, dans le CAS « Participations financières de l'État », l'État a décidé de participer à l'augmentation du capital de France Télévisions à hauteur de 115 millions d'euros libérés sur quatre ans pour permettre au groupe de s'adapter à la révolution numérique. Mis en perspective avec le plan social imposé à l'entreprise, j'ai du mal à croire à l'intérêt de ces 115 millions d'euros. Le rapporteur peut-il nous dire à quoi correspond véritablement cette somme ? Je ne crois pas à l'utilité de la holding, dont nous ignorons tout du périmètre.
Depuis 2009, on interdit aux chaînes de commercialiser des espaces publicitaires en soirée. L'interdiction a été étendue aux programmes jeunesse, y compris pendant les jeux Olympiques de 2024. Comment France Télévisions pourrait-il donc à l'avenir diversifier ses sources de financement ? Le groupe fera donc face à une baisse massive des dotations publiques sans capacité de développer ses propres ressources via la publicité ou la production interne de programmes, à l'inverse de la BBC. Parallèlement, France Télévisions sera toujours obligée de financer la production externe audiovisuelle et cinéma à hauteur de 480 millions d'euros par an. Toute l'entreprise réalise des économies massives sauf les sociétés de production privées qui continue de disposer d'une enveloppe garantie de la CAP. Je rappelle que le groupe France Télévisions ne possède que des droits limités lorsqu'il achète en externe des productions : passé le délai de sept jours, il n'a plus le droit de diffuser gratuitement les programmes qu'il a financés. L'oligopole des producteurs privés fait cofinancer ses productions par le secteur public et garde le bénéfice des droits de diffusion.
Quel est donc l'avis du rapporteur sur ce point ? Comment permettre à France Télévisions de reprendre le contrôle sur des programmes qu'elle finance avec de l'argent public et sur lesquels elle est aujourd'hui dépossédée de tous ses droits ?
Notre groupe devrait voter contre l'adoption de cette mission.
Je partage l'avis du rapporteur sur les enjeux diplomatiques, culturels, économiques et politiques que constitue l'audiovisuel extérieur. Nous avons la chance d'avoir une histoire qui a constitué ce réseau de la francophonie.
Par ailleurs, j'ai beaucoup d'inquiétudes sur la diffusion de la presse, compte tenu de la situation du groupe Presstalis. Sur mon territoire, la Nièvre, la diffusion des quotidiens n'est assurée qu'un jour sur deux. Le numérique n'est cependant pas accessible à tous et, sur les territoires ruraux, il n'apporte qu'une réponse partielle aux besoins. pourtant, il importe de ne pas négliger cet enjeu démocratique et culturel au regard de ce que l'on observe dans les sondages et les résultats électoraux.
Radio France dispose de deux orchestres : l'Orchestre national de France et l'Orchestre philharmonique de Radio France dont les dépenses de fonctionnement représentent 7,4 millions d'euros. Je ne suis pas musicien, mais, ne pourrait-on pas se contenter d'un seul orchestre ?
La CAP baisse d'un euro symbolique. Comment va-t-on la prélever à l'avenir puisqu'elle ne sera plus couplée avec la taxe d'habitation ?
Je partage le point de vue du rapporteur sur les missions du service public. Par exemple, il y a peu de sports populaires diffusés sur les chaînes publiques. Comment faire pour acheter ces prestations onéreuses quand on a peu d'argent ?
Je vous rejoins également sur la publicité et les sponsors qui me semblent excessifs.
Je m'intéresse particulièrement au programme 334, notamment à ses parties consacrées à la lecture et au livre ainsi qu'aux industries culturelles. Des crédits non négligeables sont fléchés vers trois opérateurs bien connus à Paris, mais peu en province : la Bibliothèque nationale de France, la Bibliothèque publique d'information (BPI) et le Centre national du livre. Les personnels de ces établissements ainsi que la culture sont concentrés sur Paris. Toutefois, je rappelle que la province a également des besoins importants.
Concernant l'avenir de la CAP, nous ignorons quel sera le niveau de la taxe et comment elle sera perçue avec la disparition de la taxe d'habitation. Gérald Darmanin n'a pas été suivi par le Gouvernement et le projet actuel est de l'intégrer à l'impôt sur le revenu, mais nous ne savons pas comment les choses vont se passer, notamment pour la moitié des Français qui ne paie pas cet impôt. Le Gouvernement essaie de trouver un système qui redonne environ 4 milliards d'euros. Une réflexion est engagée à Bercy. Le rapport que cite Victorin Lurel n'a toujours pas été remis.
Si elle se limite à la holding, la réforme de l'audiovisuel ne sera qu'une réforme de gouvernance qui n'abordera donc pas la publicité, le début des programmes ou la ressource. Le Gouvernement semble, pour l'heure, ne pas vouloir engager de réflexion sur le financement de l'audiovisuel avant d'avoir réformé la gouvernance. C'est peu logique. Cela signifie que nous allons avoir en mai-juin 2020 un texte sur la holding et les directions générales, mais nous ne saurons pas comment tout cela sera financé, et je doute que nous en sachions davantage à ce moment sur le prélèvement de l'audiovisuel.
Sur l'indexation de la CAP, qui était prévue sur l'inflation, la baisse d'un euro par an est inintéressante. C'est surtout symbolique et démagogique.
Concernant la baisse des crédits, j'entends régulièrement que l'on demande trop d'efforts à l'audiovisuel public. Oui et non ! Le chaînes publiques comme Radio France se sont mises d'accord il y a maintenant trois ans sur un programme sur cinq ans avec un contrat d'objectifs et de moyens qui comporte une rationalisation des services, une réduction du personnel, une révision de la grille et des programmes, etc. Radio France doit encore rationaliser, mais a fait un très gros effort. Aujourd'hui, il a d'ailleurs été annoncé que la chaîne se séparerait d'ici à 2022 à nouveau de 200 collaborateurs - 150 départs en retraite non renouvelés et 50 départs volontaires. Pour autant, les chaînes de Radio France - France Inter, France Info - sont en progression.
À France Télévisions, il y a eu des secousses en 2018 et début 2019. Les deux ministres successifs ont en effet signifié au groupe qu'il ne s'était pas pleinement engagé dans les efforts demandés depuis deux ans. En réalité, sous la présidence précédente, on avait déjà demandé à Delphine Ernotte depuis longtemps de réaliser des efforts : elle avait bloqué le système en disant que les tensions sociales étaient trop fortes et que les efforts ne pouvaient pas être aussi importants qu'à Radio France ! On ne voit pas pourquoi !
La réduction des coûts ne passe pas uniquement par la diminution des charges de personnel. Aujourd'hui, l'achat par France Télévisions de séries ou films américains représente plus de 94 millions d'euros par an. L'objectif poursuivi n'est pas le bon. En revanche, quand France Télévisions fait des efforts pour proposer des séries françaises historiques ou politiques de qualité, cela s'apparente à la mission de service public. Tous les accords signés avec les producteurs précisaient que l'aide visait à aider la production française et les PME. Il faut désormais trouver un équilibre.
France Télévisions - et ce groupe n'est pas le seul - réduit les marges des producteurs, diversifie, et a mis en place un système dit de maximum pour chaque société de production. Il y a encore cinq ans, certaines sociétés de production avaient jusqu'à 200 millions d'euros de commandes dans l'année. Pour rester à recettes constantes, il faut envisager soit une réforme du périmètre soit trouver de recettes complémentaires avec, notamment, des partenariats.
Je ne crois pas que France Télévisions soit mal traitée. Quand je vois les efforts consentis par d'autres chaînes, je constate qu'elle a encore des marges de progression. Il faudra, à un moment, redéfinir son financement. Cela sera plus difficile lorsque la CAP sera associée à l'impôt sur le revenu.
Pour répondre à Patrice Joly, le groupe Presstalis est en crise. On l'a réformé et refinancé, mais cela ne fonctionne pas. Les responsables de la Fédération nationale de la presse spécialisée que j'ai reçus il y a quelques jours ont indiqué que la grande presse nationale avait des systèmes de portage plus faciles. Des marges de progression demeurent à destination des zones rurales et de certaines zones de province.
Concernant les deux orchestres de Radio France, j'avais déjà posé la question l'an dernier. On m'a répondu : « Ce sont deux orchestres magnifiques. » L'idée de parvenir à un seul orchestre Radio France est dans toutes les têtes, mais, dans l'immédiat, Radio France nous demande de les conserver en arguant qu'ils sont excellents.
La dotation budgétaire pour les bibliothèques dans les territoires ne relève pas de la mission « Médias, livres et industrie culturelle ». Le plan « Bibliothèques » lancé par le Gouvernement donne, cela étant, d'excellents résultats.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de la mission « Médias, livres et industrie culturelle », et de l'article 76 quaterdecies qui lui est rattaché.
L'amendement n° 1, présenté par le rapporteur spécial, est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat, sous réserve de l'adoption de son amendement, l'adoption du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».
La commission soumet au Sénat la nomination de MM. Vincent Éblé, Albéric de Montgolfier, Jean-François Husson, Mmes Christine Lavarde, Nathalie Goulet, MM. Claude Raynal, Didier Rambaud comme membres titulaires ; et de MM. Philippe Dallier, Philippe Dominati, Sébastien Meurant, Bernard Delcros, Thierry Carcenac, Jean-Claude Requier, Éric Bocquet comme membres suppléants de l'éventuelle commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2019.
La réunion est close à 17 h 00.