Mes chers collègues, nous avons travaillé depuis le début de l'année sur la décentralisation. Nous avons d'ailleurs présenté un point d'étape sur nos travaux la semaine dernière. Dans ce cadre, les îles métropolitaines ont souvent le sentiment que leurs problématiques propres sont oubliées. Avant le confinement, le président du Sénat a eu l'occasion de recevoir les représentants des îles du Ponant, et il a immédiatement souhaité que nous puissions nous intéresser à leur situation en matière d'habitat, de travail et d'emploi, de gestion des ressources, et de maintien des services essentiels à la population. Nous pourrons ainsi annexer ces travaux à notre réflexion plus générale sur l'approfondissement de la décentralisation et de la déconcentration.
Pour évoquer ces questions, nous échangerons ce matin en visioconférence avec MM. Denis Palluel, président de l'association Les îles du Ponant, maire de l'île d'Ouessant, Philippe Le Bérigot, vice-président de l'association Les îles du Ponant, maire de l'île aux Moines, Bruno Noury, vice-président de l'association Les îles du Ponant, maire de l'île d'Yeu, et Denis Bredin, directeur de l'association Les îles du Ponant.
Par ailleurs, pour parler des îles françaises de la Méditerranée, nous avons convié Maxime Prodromidès, co-fondateur et président de l'ONG Small Islands Organisation (Smilo). Je vous signale enfin que le maire d'Hyères nous a fait parvenir une contribution écrite relative à la situation de l'archipel éponyme.
Je vais donner la parole à chacun d'entre vous pour un propos liminaire, puis nous engagerons un débat sur les problématiques que vous aurez soulevées.
Je vous remercie de bien vouloir nous consulter dans le cadre de la préparation du projet de loi dit « 3D », pour décentralisation, différenciation, déconcentration.
Je me suis réjoui de l'invitation du président Larcher au mois de novembre, même si une certaine appréhension a pu poindre à la suite de nos échanges. Qu'en restera-t-il ? Ce sentiment s'est vite dissipé, puisque j'ai pu constater que le président Larcher, dans la lettre de mission qu'il vous a envoyée, a tenu sa promesse de nous associer à votre réflexion collective.
Vous avez l'habitude de recevoir beaucoup d'élus locaux qui ont de la terre sous leurs semelles. Nous, on a aussi les pieds sur terre, mais c'est la mer qui nous porte, et cela change beaucoup de choses.
Pendant longtemps, les 15 îles du Ponant ont été un angle mort des politiques publiques françaises. Nous n'étions ni la métropole ni l'outre-mer. C'est vrai qu'avec 16 000 habitants et quelques communes éparpillées, nous ne sommes pas grand-chose démographiquement. C'est difficile de se faire entendre, mais je compte sur un dialogue constructif pour faire avancer notre cause.
Pour être honnête, nous ne partons pas de rien. Il y a d'abord eu la modification des critères de charges dans la dotation globale de fonctionnement sur la voirie, un peu à l'image de ce qui se fait pour les communes de montagne. Surtout, vous le savez, nous avons obtenu la dotation de solidarité insulaire, qui a été une avancée majeure. Au-delà de l'aspect financier, j'insiste, ce fut véritablement la reconnaissance de notre spécificité insulaire au niveau national.
Je pense aussi à la loi Pélissard, qui a exempté les îles monocommunales de l'obligation de s'inscrire dans une intercommunalité. C'est un choix qui leur est laissé. C'est à mon sens un très bon exemple du pragmatisme qui devrait toujours guider le législateur. Il faut sortir de la verticalité du pouvoir pour aller vers plus d'horizontalité. Faisons fi de la doctrine au profit d'une adaptation intelligente.
Le meilleur exemple est pour moi le collège des îles du Ponant. Il s'agit d'un établissement rattaché à Brest, avec des antennes sur les îles bretonnes du Finistère et du Morbihan. C'est déjà une incongruité pour l'Éducation nationale, puisqu'il est à cheval sur deux départements. Par ailleurs, il y a des classes qui comptent deux ou trois élèves. Cela peut être vu comme une hérésie, mais c'est indispensable pour maintenir des familles sur place. Cet exemple, qui date d'une cinquantaine d'années, illustre ce pragmatisme intelligent que nous souhaitons voir appliquer à d'autres sujets.
Nous ne voulons pas d'une décentralisation venue d'en haut et qui soit la même pour tout le monde. Il faut faire confiance au local. Nous ne voulons pas non plus d'une forme de recentralisation autour des métropoles. Nous sommes dans le rural profond, c'est-à-dire que nous sommes déconnectés des grands ensembles urbains, mais les îles sont des centralités à elles seules : elles ont une vie propre. Une île n'est pas un territoire avec un lotissement qui accueille des gens qui y dorment et puis vont travailler sur le continent. Les îles sont des bassins de vie avec de l'emploi, du logement et des services. C'est essentiel à comprendre.
La question que nous nous posons est la suivante : est-ce qu'il y aura toujours des habitants permanents sur les îles dans quelques années ?
Sur le plan démographique, la situation est moyenne. Certaines îles gagnent des habitants quand d'autres en perdent. La pyramide des âges est très rétrécie à la base et le nombre d'enfants au collège est en baisse. C'est donc globalement une logique de déclin.
Pour l'enrayer, au-delà des évolutions législatives ou administratives, nous avons besoin que l'État et la région nous aident encore plus à maintenir les services de base à travers une contractualisation renforcée. La dotation de solidarité insulaire est importante, mais il faut aller plus loin. Faisons attention, car il y a un risque sérieux de disparition des habitants à l'année dans certaines îles. C'est déjà le cas à Chausey, donc ce n'est pas une vue de l'esprit.
La deuxième question, c'est la possession du territoire et, au-delà, de l'identité. Aujourd'hui, il n'y a plus de transmission familiale. Certains néo-habitants viennent s'installer à l'année mais, il faut le dire, la puissance de l'argent fait exploser le prix du foncier. Dans certaines îles, plus de 70 % des habitations sont des résidences secondaires, et ce sont des gens qui, souvent, choisissent d'y voter après deux années de propriété. Cela me pose un problème que l'on puisse devenir citoyen électeur par démarche capitalistique.
Évidemment, nous sommes bien contents d'avoir ces résidences secondaires, mais nous devons prendre garde à une forme de déstabilisation sociale qui peut se produire quand elles deviennent majoritaires. Par ailleurs, se pose un problème fiscal dans le cadre de la réforme de la taxe d'habitation. Si elle est maintenue pour les résidences secondaires, nous ne pourrons pas y toucher pendant deux ans, et, ensuite, nous devrons la rattacher au foncier bâti, ce qui n'est pas très satisfaisant.
Enfin, je termine par les règles d'urbanisme, qui ne sont pas adaptées à la situation insulaire. Les projets agricoles sont très difficiles à mener, notamment à cause de la pression des propriétaires de résidences secondaires, et la notion d'espacement du rivage est une aberration pour nos petites îles.
Pour conclure, il est bon de rappeler que les îles doivent continuer à exister en tant que pôles centraux, et non pas comme des périphéries. Il faut leur conserver un pouvoir décisionnaire à l'heure de la métropolisation à outrance, même si elles doivent coopérer entre elles et avec le continent. Saint-Pierre-et-Miquelon est pour nous un exemple éclairant : 5 000 habitants et un sénateur. Il y a là des pistes à creuser.
Le président de notre association a fait une très bonne présentation de nos problématiques. Je m'attarderai pour ma part sur le logement. Pour fixer les populations, il faut qu'elles aient un logement. Or, vous l'aurez compris, c'est très compliqué à cause de la pression sur les prix du foncier.
Notre politique a été de créer du logement social mais on s'est rendu compte que les biens, à la revente, repassaient dans le public, parfois au bénéfice de non-résidents. Il faut que les collectivités investissent davantage dans le logement social et qu'elles fassent en sorte d'assurer la pérennité de ce parc.
Le problème, c'est que les critères d'accession au logement social sont les mêmes que sur le continent, alors que le coût de la vie y est 30 % plus important. Aussi, s'agissant de l'accession au parc social, il serait plus pertinent de nous appliquer une réglementation plus proche de celle de l'Île-de-France.
Enfin, je le confirme, en matière d'urbanisme, la notion d'espace proche du rivage est complètement aberrante sur l'île aux Moines, compte tenu de sa superficie. Il faut que la loi puisse intégrer nos spécificités, sinon nous serons dans une impasse pour le foncier. Aidez-nous au travers de la future loi 3 D !
Quand un bailleur social veut faire du locatif, il est contraint par des règles financières nationales assez strictes, notamment en matière de fonds propres. En ce qui nous concerne, ces règles empêchent les investissements, compte tenu des coûts fonciers que nous avons à supporter.
Je veux m'attarder sur les zones de revitalisation rurale (ZRR), dispositif censé favoriser le développement économique des territoires. Deux critères conditionnent son application. Tout d'abord, la densité de population, qui ne doit pas être supérieure à 50 habitants au kilomètre carré. Or, sur nos îles, malgré le peu d'habitants, la densité peut être forte en raison de l'exiguïté. Résultat : on ne peut pas être classé en ZRR, alors qu'il y a peu d'habitants et qu'ils sont isolés.
Le second critère est le salaire médian. Là encore, ce critère n'est pas fait pour nous, puisqu'il ne reflète pas le véritable pouvoir d'achat des habitants des îles, confrontés à des surcoûts en matière de logement, d'alimentation et de santé.
Ces règles ne sont pas opérantes en ce qui nous concerne. Ainsi, l'île de Sein, commune la plus pauvre de Bretagne, ne peut pas être classée en ZRR. C'est un frein économique pour tous nos territoires. Nous souhaitons donc être alignés sur les règles qui prévalent dans les outre-mer.
C'est intéressant, car nous voyons que vous avez besoin d'adaptations législatives. Il serait bien que vous puissiez les hiérarchiser.
Je prendrai deux exemples où des adaptations législatives ou réglementaires pourraient être rapidement envisagées.
Dans le domaine de l'eau, tout d'abord. Plus de la moitié des îles du Ponant sont en insularité hydrique, c'est-à-dire qu'elles ne sont reliées à aucun réseau. Elles doivent donc se débrouiller avec leurs ressources locales, notamment les bassins et les citernes de récupération d'eau de pluie, mais il faut savoir qu'il est juridiquement impossible d'alimenter des établissements recevant du public (ERP) avec de tels systèmes. Voilà concrètement une évolution facile à envisager.
Ensuite, dans le domaine de l'énergie, 5 îles ne sont pas raccordées au continent. Elles doivent donc produire et revendre de l'énergie au prix du tarif d'achat continental. Ce n'est pas viable économiquement en raison des surcoûts liés à l'insularité, sauf à bénéficier de subventions publiques, qui sont interdites par l'Union européenne. Jusqu'à présent, il existait des systèmes reconnus par la commission de régulation de l'énergie, avec des tarifications spéciales pour les entreprises produisant de l'énergie dans les îles lointaines, mais rien pour les îles proches du continent. Néanmoins, les choses sont en train de changer.
Nous abordons les problématiques des petites îles méditerranéennes. Smilo est une association de type loi de 1901, créée en 2016 sur l'initiative de la délégation « Europe et international » du Conservatoire du littoral. Nous regroupons à ce jour 50 îles dans le monde. Nous délivrons le label « Île durable », sur la base de 5 critères : biodiversité, paysages, traitement de l'eau, de l'énergie et des déchets. Ce label permet d'obtenir des financements que nous proposons avec le Fonds français pour l'environnement mondial, qui est notre principal bailleur.
Toutes les petites îles françaises de la Méditerranée, à l'exception de l'île des Embiez - c'est une île privée -, sont adhérentes à Smilo : les îles du Frioul, en face de Marseille ; les îles d'Hyères, c'est-à-dire Porquerolles, Port-Cros et l'île du Levant ; les îles de Lérins, Sainte-Marguerite et Saint-Honorat.
Je partage ce qui vient d'être exposé sur les services publics - nous l'avons bien vu lors du confinement en matière de santé -, l'école ou les emplois. Sur la différence de situation entre résidences principales et résidences secondaires, la limite est peut-être un peu plus floue qu'en Bretagne. À Porquerolles, nous nous sommes battus pendant trente ans, car la population manque cruellement d'eau en été du fait de la sécheresse ; nous sommes approvisionnés par une barge qui coûte 500 000 euros par an à la municipalité. Le maire d'Hyères, Jean-Pierre Giran, a décidé de faire un sealine ; nous l'attendions depuis trente ans.
Contrairement, me semble-t-il, à la majorité des îles du Ponant, aucune île française de la Méditerranée n'est une commune autonome. Les îles d'Hyères sont rattachées à la commune éponyme et, désormais, à la métropole Toulon Provence Méditerranée, qui est compétente depuis un an et demi dans plusieurs domaines intéressant notre association, comme l'eau, l'énergie et les déchets. Je ne vous le cache pas, les insulaires ont parfois du mal à s'y retrouver entre les compétences respectives de la mairie et de la métropole.
Pour chaque île qui concourt au label « Île durable », nous créons un comité insulaire pour favoriser une bonne gouvernance, sans nous substituer aux élus en place et à leurs services. Il s'agit simplement d'instituer un cadre dans lequel tout le monde peut se retrouver et partager des objectifs en matière de développement durable.
L'année dernière, à Porquerolles notamment, Smilo a invité la métropole Toulon Provence Méditerranée, la mairie et les services de l'État à établir un diagnostic, un plan stratégique, et à proposer des pistes d'action. Cela a été assez positif. Par le passé, il y a eu des velléités d'ériger les îles d'Hyères en communes autonomes. J'ai pu y être favorable, mais ce n'est plus le cas. Mais, en cas de problème, il faut souvent voir avec la métropole. Or, Toulon, c'est plus loin...
Porquerolles, Port-Cros et l'île du Levant font partie du parc national de Port-Cros, dont j'ai présidé le conseil économique, social et culturel entre 2013 et 2019. Nous avons fait la charte du parc national avec la direction, les services de l'État, les communes, la métropole et la région. C'est un vrai projet de territoire, avec une impulsion forte en matière de développement durable. C'est le maire d'Hyères, Jean-Pierre Giran, qui, en tant que parlementaire, a été à l'origine de la loi sur les parcs nationaux en 2006.
L'État nous a donné vocation à devenir des territoires pilotes en matière de développement durable. Mais nous sommes parfois confrontés à des attitudes contradictoires de la part de ses services. Ainsi, sur le port de Porquerolles, lorsque les propriétaires de toitures en amiante qui étaient à refaire ont voulu installer du photovoltaïque, l'architecte des Bâtiments de France et la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) ont refusé ; et lorsque le parc national, un peu dépité, a proposé à la place des éoliennes à axe vertical, c'est le ministère de la Transition écologique qui s'y est opposé. Nous partageons souvent les objectifs du parc national, mais d'autres services de l'État ont parfois un discours différent, sans forcément faire de contre-propositions.
Je me réjouis que vous vous atteliez à un travail législatif sur le sujet. N'étant pas élu, je suis sûrement moins informé que vous, mais j'ai vu ce qui se passait dans d'autres aires géographiques, comme les îles croates ou les Baléares. Je pense qu'il y a un manque en France et en Europe. Je ne sais pas s'il faut créer un statut d'îlien, mais il y a une spécificité des îles, notamment sur le réchauffement climatique ou les questions de biodiversité et de développement durable. Nous le voyons dans notre association, les îles de la Méditerranée et de Bretagne partagent énormément de préoccupations. Une loi française qui s'inscrirait dans un cadre européen serait à mes yeux la bienvenue.
Je vous remercie pour cette présentation très intéressante. Nous travaillons beaucoup sur l'amélioration de la déconcentration ; la verticalité freine les adaptations à la réalité du terrain.
Vous avez raison de souligner qu'il faut non pas craindre l'Europe, mais chercher à s'appuyer sur elle, par exemple en nouant des alliances avec les territoires concernés par la même dimension insulaire de proximité.
J'ai reçu un courrier détaillé du maire d'Hyères, dont vous avez rappelé l'action en tant que parlementaire. Nous allons relancer le maire de Cannes, car il serait intéressant de connaître son point de vue s'agissant des îles de Lérins.
Comment gérez-vous la scolarité des jeunes, tant en primaire qu'en secondaire ? Quelles améliorations pourraient y être apportées dans le cadre de la décentralisation et de la différenciation, qui devraient d'ailleurs concerner tout particulièrement les îles ? L'existence d'écoles et la présence de jeunes sont des facteurs de fixation de la population.
Le dispositif des ZRR correspond à des critères spécifiques de densité de population et de revenu moyen par territoire. Il devait prendre fin au 30 juin 2020 ; nous avons réussi à repousser l'échéance au 31 décembre 2020. L'isolement insulaire pourrait être un critère pour intégrer toutes les îles dans le dispositif. J'ignore quelles seront les nouvelles modalités des ZRR. Quand un système fonctionne, il faut non pas le supprimer, mais chercher à le rendre encore plus efficace.
Comment voyez-vous les choses s'agissant du numérique et de la téléphonie mobile ? Est-ce aux intercommunalités ou à des structures plus fortes, comme le département ou la région, de mettre en place le très haut débit par la fibre ? À mon sens, le rôle de l'État doit se limiter à la mise à disposition des moyens financiers.
Je suis toujours un peu sur mes gardes quand j'entends des discours très généraux sur la différenciation. Je préfère que l'on parle de choses concrètes et précises. Je perçois tout à fait la difficulté que représente l'application des dispositions du code de l'urbanisme dans le cas spécifique d'îles de faible superficie.
Mais quelle est votre demande concrète ? Renoncer au gel de la zone des 100 mètres inconstructibles ? Ou aménager les dispositions du code s'agissant de ce qui est en retrait de la zone des 100 mètres ? Là, cela me paraît surmontable : les deux enjeux en présence, la protection du littoral et le maintien de la vitalité des territoires, peuvent s'équilibrer. Encore faut-il fixer exactement l'étendue de la dérogation.
Un consensus se dégage au Sénat pour sanctuariser la clause de compétence générale des communes en l'inscrivant dans la Constitution.
Vous semblerait-il pertinent que des expérimentations menées dans certains territoires en raison de leurs spécificités ne soient pas forcément généralisées partout ailleurs, comme c'est le cas actuellement ?
Étant moi-même enseignant, je commencerai par aborder la question de la scolarité. Nous avons un système classique pour l'enseignement primaire, mais les ouvertures et fermetures de classes restent au bon vouloir de l'inspection académique, qui s'appuie essentiellement sur des critères démographiques et ne prend pas toujours en compte la situation des îles.
Ouessant se situant à 1 heure 15 de bateau de Brest, il est impossible pour une famille d'y scolariser un écolier ou un collégien sans déménager. Nous souhaitons donc que les écoles soient maintenues sur les îles, même si elles ne comptent plus que deux ou trois élèves. Il est facile de fermer une école, beaucoup plus difficile de la rouvrir, et la question de la scolarité reste l'une des premières posées par les jeunes actifs qui veulent s'installer sur l'île.
Le collège des îles du Ponant, à cheval sur plusieurs départements, bénéficie d'un statut particulier et d'une gestion originale des effectifs. Ses spécificités doivent être sanctuarisées, voire renforcées.
L'enseignement fonctionne, mais c'est un combat permanent, et l'on aimerait sans doute une reconnaissance plus officielle de nos particularités. Si le système tient, c'est aussi grâce aux communes, qui déploient d'importants moyens pour loger, parfois gratuitement, les enseignants.
Je souhaite également soulever un autre problème : la commune d'Ouessant se situe en ZRR, ce qui permet en théorie d'exonérer de fiscalité certaines catégories d'entreprises, notamment les hébergeurs touristiques. Toutefois, contrairement à d'autres zones comme la Corse ou la Guyane, ces exonérations sont très peu compensées par l'État, ce qui pose des difficultés.
En vous écoutant, je me dis qu'il serait intéressant d'établir à la suite de ces auditions un petit récapitulatif des réalités géographiques et humaines de ces îles.
Nos îles connaissent des situations différentes, mais elles se caractérisent toutes par une rupture de la continuité territoriale. Celle-ci est toutefois moindre s'agissant de l'île aux Moines, située à une encablure du continent. Nous disposons d'une école sur l'île, et l'accès au collège et au lycée se fait facilement.
Monsieur Richard, nous ne voulons surtout pas bétonner nos îles. Aucun insulaire ne revendique l'abolition de la bande des 100 mètres. La notion d'espaces proches du rivage nous pose davantage de difficultés, car les mêmes critères s'appliquent pour les communes continentales et insulaires. La loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi Élan, reconnaît comme village un hameau de vingt maisons. Or nous avons beaucoup de hameaux plus petits qui, rapportés à la surface du territoire, forment pourtant des bassins de vie. Ce sont ces éléments d'adaptation qui permettraient de mieux prendre en compte nos spécificités.
En matière d'éducation, nous rencontrons parfois des difficultés d'adaptation des directives nationales. Ainsi, on ne peut pas appliquer le savoir-nager sur nos îles, car il faudrait pour cela aller dans la piscine située sur le continent.
Nous avons sur l'île d'Yeu l'un des plus petits collèges publics de France, et il n'y a pas assez d'heures pour maintenir des titulaires dans chaque discipline. Le risque, à terme, est de n'avoir que des contractuels, ce qui pose un problème d'égalité d'éducation pour les insulaires. Ne pourrait-on pas prévoir des adaptations permettant par exemple à des titulaires de s'occuper de façon plus personnalisée des élèves en situation de handicap ? Pour l'instant, nous n'avons pas de classe « Unités localisées pour l'inclusion scolaire » (ULIS) sur l'île.
Chaque fois que l'on demande des adaptations de la loi Littoral, on crie au retour des bétonneurs. Ce n'est pas la réalité. Nous ne voulons pas remettre en cause la bande des 100 mètres, mais celle-ci ne concerne que les zones naturelles, pas les zones urbaines. Concrètement, c'est la préfecture qui tranche, carte en mains. De même, la notion d'espace proche du rivage pose un problème de définition. Il est parfois difficile d'obtenir des adaptations intelligentes des lois votées. En 1986, le législateur avait prévu les dessertes des îles en eau et en électricité, mais il avait oublié les câbles optiques.
L'île d'Yeu fut l'une des premières communes de France, dans les années 2000, à demander un droit à l'expérimentation pour créer une taxe sur les véhicules entrants permettant de financer son réseau de transport en commun. Mais le dossier s'est perdu dans les bureaux des ministères... Depuis, les lois ont évolué, on peut désormais imposer des taxes dans les îles reliées au continent par un pont, mais toujours pas dans celles qui sont reliées par bateau.
Enfin, on vient de lancer la première expérimentation d'autoconsommation collective à l'échelle d'un quartier en France. La loi de 2017 réservait cette possibilité à un seul transformateur. Le périmètre a été temporairement étendu, dans un rayon d'un kilomètre, mais nous aimerions pouvoir le faire à l'échelle de l'île.
Vos exemples nous renvoient au travail que nous avons mené, au sein de la délégation, sur l'application concrète du concept de différenciation, sans verser pour autant dans l'excès. L'équilibre est toujours un peu complexe à trouver. Trop d'adaptation, c'est se mettre en danger, mais il est bon aussi de conserver une capacité d'adaptation locale de textes souvent complexes, surtout pour des îles présentant de fortes spécificités.
Je partage ce qui a été dit au sujet de la loi Littoral. Je me souviens que Lucien Chabason estimait qu'il s'agissait aussi d'une loi de développement durable. Je lui avais fait remarquer que cette notion n'existait pas en 1986...
Il faudrait peut-être l'adapter par certains aspects. En Vendée, par exemple, des ostréiculteurs ont été sommés par la Commission européenne de mettre leurs fermes aux normes, mais la loi Littoral les en empêchait. Elle devrait aussi évoluer pour mieux intégrer les principes du développement durable, notamment en matière énergétique.
Porquerolles se situe à 15 minutes du continent mais conserve une école primaire, qui ne compte plus que 19 élèves, contre 45 cinq ans auparavant... Lorsque les jeunes deviennent pensionnaires, on observe souvent une sorte de rupture d'identité et il leur est ensuite difficile de revenir s'installer sur l'île après leurs études.
Lors de l'élaboration de la charte du parc national, nous avons beaucoup débattu du droit à l'expérimentation appliqué aux îles, toujours dans l'idée d'impulser le développement durable pour protéger la biodiversité.
Il faudrait peut-être promouvoir la différence pour se préserver. Ne devrait-on pas tenir compte de la spécificité des îles pour impulser des formations différentes, en lien avec le développement durable, la biodiversité, voire les nouvelles technologies, par exemple les biotechnologies marines?
Merci. Vous avez effectué un travail concerté de préparation de cette table ronde et proposé des pistes concrètes à approfondir. Nous publierons un rapport d'information qui pourra être un point de départ. Nous soumettrons ce travail au président Larcher, qui suit de près ces travaux. N'hésitez pas à nous transmettre quelques éléments prioritaires. Ce rapport pourra donner lieu à une proposition de loi ou nourrira les travaux du Gouvernement. On ne lâchera pas l'affaire ! Les îles ne rassemblent pas d'énormes populations ni de vastes territoires, mais c'est aussi la France. Moi qui suis alsacien, j'en suis aussi très fier. Elles font partie de nous. Le combat continue.
Corinne Féret et Rémy Pointereau nous présentent quelques constats et pistes à traiter, après avoir entendu Éric Morvan, à l'époque directeur général de la police nationale, le général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale, Frédéric Rose, secrétaire général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), et Christophe Castaner, alors ministre de l'Intérieur.
Nous avons eu le plaisir de nous rendre, avant le confinement, au siège de la gendarmerie nationale à Issy-les-Moulineaux pour assister notamment à la présentation des brigades territoriales de contact et des nouveaux outils numériques de la gendarmerie.
Nous essayons de réaliser un travail de fond, au long cours, tout en restant en prise avec l'actualité. Les affrontements de Dijon, très particuliers, ne sont pas les premiers dans notre pays. Nous avons également à l'esprit la nécessaire relation de confiance entre forces de l'ordre et citoyens, dans un contexte de conflictualité sociale, avec notamment le mouvement des gilets jaunes ou la contestation de la réforme des retraites. Dès qu'une manifestation a lieu, on anticipe des risques sécuritaires qui n'ont rien à voir avec l'expression citoyenne qui justifiait la manifestation au départ. Ces phénomènes s'intensifient. Je pense aux répercussions françaises de l'affaire George Floyd ou aux critiques parfois systématiques des forces de l'ordre. Il faut faire la part des choses, entre le rappel du rôle des forces de sécurité et la nécessité de sanctionner les écarts, sans tomber dans la généralisation.
Avant de commencer mon rapport, je souhaite remercier le président pour son travail depuis six ans et lui dire tout le plaisir que j'ai eu à travailler avec nos collègues, d'abord en tant que premier vice-président chargé de la simplification et des normes, puis en tant que membre.
Ce rapport d'étape sera complété par un rapport définitif publié d'ici la fin de l'année. Nous lancerons ensuite avec Corinne Féret un nouveau cycle d'auditions, afin d'entendre notamment le nouveau directeur général de la police nationale, les associations d'élus locaux, les syndicats de police et le ministère de la Justice. Nous envisageons des déplacements sur le terrain pour étudier les bonnes pratiques, fidèles à la tradition de notre délégation.
Lorsque nous avions commencé nos travaux, l'actualité était à la lutte contre le terrorisme. Désormais, la question des rapports entre la police et les citoyens se pose. Mais nous n'aborderons pas, à chaud, le sujet des techniques d'interpellation par exemple. Je rappelle que la commission des Lois a lancé une mission d'information sur le sujet, or nous savons travailler en bonne intelligence avec les commissions permanentes.
Que pouvons-nous dire de la sécurité sous le prisme des collectivités territoriales ? Plusieurs facteurs conditionnent l'ancrage territorial de la sécurité intérieure. D'abord, c'est la présence de nos forces sur le terrain, c'est-à-dire la police et la gendarmerie. Elles sont à la recherche d'une implantation équilibrée sur le territoire puisque la géographie de la délinquance et de la criminalité a volé en éclats. Cela impose de sortir des schémas classiques et de s'émanciper parfois des frontières administratives pour coller aux bassins de délinquance. Ensuite, l'ancrage dépend de la complémentarité et de l'enracinement de ces deux forces dans tous les territoires.
Nous devons nous attacher à préserver leur maillage territorial. La mutualisation, notamment des patrouilles, nous inquiète. Elle peut en effet se traduire par une diminution de la présence territoriale de nos forces, une plus faible connaissance du terrain et des élus locaux par les personnels, ou encore des délais d'intervention rallongés.
Il ne faut pas sous-estimer les difficultés de logement rencontrées par les agents et penser à l'attractivité de certains territoires où les forces de police ne peuvent plus se loger.
S'agissant de la formation, l'ancien ministre de l'Intérieur, M. Castaner, avait réfléchi à une réforme qui allongerait la formation des policiers à 24 mois au lieu de 16. Surtout, la répartition entre formation initiale en école et périodes de stages sur le terrain serait inversée pour privilégier la formation continue. Nous ne pouvons qu'encourager cette piste de réforme, car il est indispensable que les agents déployés soient préparés à aller sur le terrain. Nous devons sortir du syndrome, qui existe à l'Éducation nationale, consistant à affecter les jeunes recrues aux terrains les plus difficiles. Ce n'est pas forcément la meilleure formule.
Vient ensuite la question des moyens. Les agents se plaignent de locaux vétustes, d'uniformes vieillissants, d'armes obsolètes, de véhicules dépassés, alors qu'en face, les criminels sont montés en gamme, avec des armes de guerre ou des berlines ultrapuissantes, ce qui crée une dangereuse asymétrie des moyens. Même les casseurs qui infiltrent les mouvements sociaux depuis une dizaine d'années sont désormais suréquipés en casques ou protections en tous genres. Je crois qu'il y va de l'image de l'État régalien. Comment celui-ci peut-il imposer l'autorité s'il est en haillons ?
La stratégie nationale de prévention de la délinquance a su évoluer pour prendre en compte le caractère protéiforme des menaces. Nous avions auditionné le préfet Frédéric Rose, qui anime le fameux CIPDR, qui prend aussi en compte les dérives sectaires, puisqu'il a absorbé la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), la lutte contre la radicalisation et, plus récemment, la lutte contre l'islamisme et le communautarisme. Reste à s'assurer de sa mise en oeuvre, en lien avec les élus.
Nous avons un motif de satisfaction à ce stade, puisque la nouvelle stratégie 2020-2024 met l'accent sur le renforcement des actions partenariales avec les élus locaux selon quatre priorités : les jeunes, qui entrent de plus en plus tôt dans la délinquance ; les personnes vulnérables, qui nécessitent un accompagnement social ; le rapport à la population, avec des innovations telles que les Groupes de partenariat opérationnel (GPO) associant habitants des quartiers, élus et bailleurs sociaux ; la gouvernance locale, notamment le couple préfet-maire, dont on a vu qu'il était fondamental lors de la crise sanitaire.
L'ancrage territorial de la sécurité impose de nouer des relations privilégiées avec la population et les élus locaux pour être au plus près des réalités des territoires.
S'agissant des relations avec les citoyens, je n'ai pas peur de dire que la sécurité doit être l'affaire de tous. Dans un contexte budgétaire et humain contraint pour l'État, les citoyens peuvent devenir des acteurs à part entière de la sécurité : songeons aux dispositifs « Attentifs ensemble » de la RATP, « Voisins vigilants » ou « Participation citoyenne » de la gendarmerie. Ces actions offrent un cadre institutionnalisé, car il faut justement éviter que des initiatives privées ne conduisent aux milices,à l'autodéfense ou à la sauvagerie, comme nous l'avons vu à Dijon récemment.
Nouer des relations avec les citoyens c'est aussi réinvestir les quartiers et la proximité. C'est le sens même des quartiers de reconquête républicaine, dont le but est de regagner la confiance de la population. Évidemment, la police de sécurité du quotidien (PSQ) s'inscrit aussi dans cet objectif. Nous pensons tous à la police de proximité créée par Jean-Pierre Chevènement et disparue en 2003. On nous a dit que la PSQ était une police sur mesure cette fois, adaptée à chaque territoire, bénéficiant d'une déconcentration opérationnelle et plus étroitement associée aux maires. Avec Corinne Féret, nous allons le vérifier.
La gendarmerie n'est pas en reste, puisqu'elle aussi a développé des dispositifs pensés pour renforcer la proximité avec la population : Brigades territoriales de contact (BTC), déployées dans la « France périphérique » ; Brigade du numérique (BNUM), inaugurée en 2018. Ces dispositifs montrant montrent que l'ancrage territorial c'est aussi la capacité à s'adapter aux mutations de notre société
Je ne suis pas certain de comprendre le sens de ce passage ici au regard de ce qui précède.
. Elle a d'ailleurs connu un pic d'activité pendant la période de confinement. S'agissant ensuite des relations avec les élus locaux, la tendance est au partenariat opérationnel, voire à la contractualisation.
Bien sûr, le nerf de la guerre, c'est l'information : kit pour accompagner les élus ; vidéoprotection ; accès aux données et aux chiffres de la délinquance pour les élus. L'autre axe, c'est la coopération avec les services de l'État, au sein des Conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD). Sur l'information et la coopération, il faudra trancher la question de l'accès des élus locaux aux fichés S. Je rappelle que les maires peuvent déjà consulter le Fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes (FIJAIT).
On peut, à ce stade, se féliciter que les élus soient associés aux Cellules de prévention de la radicalisation et d'accompagnement des familles (CPRAF), et pour certains territoires aux Cellules de lutte contre l'islam radical et le repli communautaire (CLIR), déjà installées dans 83 départements. Enfin, il faudra pérenniser les dispositifs de formation des élus locaux.
J'ai rencontré lundi dernier le commandant du groupement de gendarmerie de mon département - Corinne Féret a fait de même. Il a évoqué l'idée d'un schéma de cohérence territoriale de la sécurité, que j'ai trouvée tout à fait intéressante.
Au-delà de la question des périmètres de l'action publique et de celle du partage des tâches entre des acteurs multiples, la qualité de l'ancrage de la sécurité dépend aussi des capacités d'anticipation et de réaction de nos forces.
D'abord, il ne peut y avoir une réactivité satisfaisante sans un renseignement territorial de qualité. Les évènements récents de Dijon l'ont prouvé. Il faut une connaissance du terrain et des acteurs locaux. Les modifications successives et incessantes de l'architecture du renseignement territorial interrogent.
Au-delà du renseignement, la capacité de déploiement de nos forces de sécurité est devenue primordiale. Elles doivent être capables de réagir immédiatement, avec la même rapidité que les délinquants eux-mêmes, ce qui exige un maillage resserré. La puissance des réseaux sociaux est telle qu'elle permet la mobilisation expresse de groupes ou d'individus dangereux. Comme les Brigades mobiles de Clemenceau en leur temps, nos forces de sécurité doivent être adaptées aux mutations de la délinquance contemporaine.
L'autre grand sujet, à cheval sur la question des périmètres et des acteurs et sur les capacités de déploiement, c'est celui des polices municipales. Les maires sont des acteurs à part entière de la politique de sécurité. La montée en puissance progressive des polices municipales illustre cette prise de conscience. Elles se sont institutionnalisées, professionnalisées et banalisées dans le paysage policier français. Se pose bien sûr la question du rapport avec les autres forces régaliennes. Aujourd'hui, la rivalité est dépassée. C'est la complémentarité qui prime, car les policiers municipaux ont su trouver leur place. L'heure est à la consolidation de ces forces au sein d'un continuum de sécurité, et à la réduction de l'hétérogénéité entre les communes, qu'il s'agisse de l'armement, des moyens humains et matériels, des véhicules, voire de l'assistance de la vidéoprotection. Il faut poursuivre leur institutionnalisation et améliorer l'articulation avec les autres forces de police.
Enfin, pour terminer cette présentation du rapport d'étape, nous devons nous arrêter sur d'autres maillons qui conditionnent la solidité du chaînage de la sécurité intérieure, et d'abord les politiques publiques et les acteurs non étatiques. Travailleurs sociaux, médiateurs, personnels de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports et de nombreux ministères et administrations participent déjà à la production de la sécurité de nos concitoyens. Tout ne dépend pas de la place Beauvau.
La sécurisation des espaces collectifs n'est plus l'apanage des seules forces de sécurité étatiques. La sécurisation de la RATP est dévolue au Groupement de protection et de sécurité des réseaux (GPSR) tout comme au service de la Sûreté ferroviaire à la SNCF. Ce sont des personnels dont nous avons pu redécouvrir le rôle-clé lors de la crise sanitaire, au moment où il fallait faire respecter les consignes de port du masque par exemple.
De façon plus générale, on peut aussi mentionner la codépendance entre les besoins en sécurité intérieure et les politiques d'urbanisme.
D'autres forces se sont imposées depuis une vingtaine d'années dans le continuum de sécurité : les acteurs de la sécurité privée. Avec la montée du terrorisme, les besoins ont augmenté et ils sont devenus indispensables dans de nombreux secteurs. Au total, près de 175 000 salariés participent aujourd'hui à la sécurité quotidienne de nos concitoyens. C'est un gisement d'emplois considérable et un secteur en pleine croissance. À ce stade, nous avons identifié le besoin de renforcer les partenariats avec les forces régaliennes ; la nécessaire montée en gamme des agents de sécurité privée par une amélioration de la formation notamment ; et la poursuite de la régulation du secteur.
Dernier maillon de la chaîne de la sécurité, qui n'est pas le moindre même si on l'oublie souvent : la justice, car sans justice pénale ni sanctions, l'ancrage territorial de sécurité est inopérant.
À ce stade, nous devons pérenniser les outils de dialogue avec l'institution judiciaire : sur le partage d'information, dans le cadre de conventions avec la justice ou encore dans le cadre des maisons de la justice et du droit. Il faudra sans doute renforcer les outils partenariaux, poser la question des moyens de la justice ainsi que celle des réponses pénales jugées insuffisantes de la part de nos forces de police.
La crise de la covid-19 a montré que la sécurité devait être appréhendée comme un sujet global, à construire avec les acteurs locaux. Ce que nous avons vécu est une preuve supplémentaire de la nécessité de poursuivre les coopérations et la territorialisation de nos politiques de sécurité. En un mot, nous avons besoin des collectivités - je sais que vous n'en doutiez pas.
Je félicite nos deux collègues pour la qualité de leur travail et je remercie le président Jean-Marie Bockel, grâce à qui les sénateurs de la majorité et de la minorité ont travaillé ensemble de façon pointue et exhaustive. Notre délégation correspond tout à fait à l'esprit de la Haute Assemblée, représentante des collectivités territoriales. Tous ces rapports d'information constituent la plus-value intellectuelle qui est la marque du Sénat.
Les mots ont un sens. Je préfère personnellement l'appellation de « gardiens de la paix » à celle de « forces de l'ordre ». Cela reflète une philosophie différente.
Je regrette la disparition de la police de proximité dans les quartiers dits difficiles. On l'a critiquée en disant qu'elle passait son temps à jouer au football, mais elle avait la connaissance du terrain et sa présence générait une facilité relationnelle avec la jeunesse.
En milieu rural, la gendarmerie assure une présence auprès des maires et de nos concitoyens. Je salue les réunions annuelles des brigades et des élus, avec un temps d'échange, des mises au point, des informations.
Je souhaite aussi rappeler l'importance des médias. Les gendarmes doivent faire connaître les affaires résolues et les arrestations dans la presse locale, sinon un sentiment d'impunité se développe dans l'esprit de nos concitoyens.
Merci. J'ai un pincement au coeur au moment de quitter le Sénat, et en particulier notre délégation.
Je dirais « gardien de la paix » au singulier et « forces de l'ordre » au pluriel.
Il est vrai qu'il est plus positif de dire « gardiens de la paix » mais ce terme s'applique plus à la police qu'à la gendarmerie.
Cette dernière a mené un effort considérable - que je salue - pour se rapprocher des élus, qui sont un relais important d'information sur les territoires. La gendarmerie a une volonté très forte de s'impliquer davantage sur le terrain.
Quant à la communication des interpellations, effectivement, il faudrait qu'elle soit faite. Il faudrait aussi que la justice donne suite aux plaintes, car nous avons peu d'informations et beaucoup de plaintes sont glissées sous le tapis.
On note un effort réel de la gendarmerie pour maintenir des liens réguliers avec les élus et assurer une présence auprès de la population, y compris dans un cadre informel. Dans mon département du Calvados, elle est très présente et très bien perçue. Elle montre son implication dans la vie du territoire.
Je suis moi aussi favorable à un retour de la police de proximité en zone urbaine.
Ce sujet m'a beaucoup tenu à coeur tout au long de ma vie politique - j'ai été maire de Mulhouse pendant 21 ans. La prévention de la délinquance, particulièrement par la police, la gendarmerie et d'autres administrations comme l'Éducation nationale et la Justice, crée un climat de confiance. Ce qui fonctionne a besoin d'être revisité dans un monde mouvant.
Nous publierons un rapport intermédiaire pour tous nos collègues et montrerons également dans un document notre travail des trois dernières années.
J'ai été très heureux de présider cette délégation.
La réunion est close à 11 h 35.