- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente -
La réunion est ouverte à 11 h 00.
présidente de la commission des affaires économiques. – Tout d’abord, je veux accueillir au sein de notre commission notre nouvelle collègue Daphné Ract-Madoux, qui remplace M. Jean-Marie Janssens.
Mes chers collègues, nous avons le plaisir d’accueillir Madame Valérie Metrich-Hecquet, candidate proposée par le Président de la République à la fonction de directrice générale de l’Office national des forêts, l’ONF, organisme auquel nous sommes tous profondément attachés.
En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, cette nomination par décret du Président de la République ne peut intervenir qu’après audition par les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Cette audition est ouverte à la presse et au public et retransmise en direct sur le site du Sénat. Elle donnera lieu à un vote à bulletin secret, pour lequel les délégations de vote ne sont pas autorisées. L’Assemblée nationale ayant entendu Mme Metrich-Hecquet avant le Sénat, nous dépouillerons les bulletins à l’issue du vote. Il ne pourra être procédé à cette nomination si l’addition des votes négatifs dans les deux commissions représente au moins les trois cinquièmes des suffrages exprimés.
Madame Metrich-Hecquet, pour vous présenter brièvement, vous êtes, depuis 2018, directrice générale de la performance économique et environnementale des entreprises au ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Cette direction générale comprend notamment l’ancienne direction des forêts, devenue sous-direction, et c’est elle qui exerce en pratique la cotutelle sur l’ONF pour le ministère. Vous avez intégré ce ministère en 1993. Vous en avez été secrétaire générale ; vous avez travaillé dans nombre de ses directions, dans les directions départementales des territoires de l’Aisne et des Yvelines, mais aussi au sein du cabinet du Premier ministre et à la présidence de la République sur les questions agricoles. En résumé, en dépit de cette brillante carrière, de votre formation et de votre statut d’ingénieure générale des ponts, des eaux et des forêts, vous ne semblez pas, dans votre parcours, avoir cultivé une spécialisation sur les problématiques forestières à proprement parler. C’est pourquoi mes collègues et moi-même souhaitons que vous nous expliquiez ce qui vous a amené à accepter la proposition du Président de la République, qui vous placerait à la tête de l’ONF, poste réputé difficile.
Avant de passer la parole à notre collègue Anne-Catherine Loisier, présidente du groupe d’études forêt et filière bois et rapporteure sur cette nomination, je souhaite rappeler l’intérêt que porte la commission des affaires économiques aux sujets forestiers. Notre rapporteure avait déjà souligné les tensions du modèle économique et la dégradation du climat social que rencontrait l’ONF en 2019, dans un rapport d’information sur la situation et les perspectives de l’Office. La commission avait alors appelé à une profonde réforme de l’ONF.
Dans un contexte particulièrement marqué par les incendies qui ont éprouvé nos territoires cet été, notre commission et celle de l’aménagement du territoire et du développement durable ont appelé, à l’unisson avec les communes forestières et les maires ruraux de France, dans un nouveau rapport adopté début août, à questionner la suppression planifiée de près de 500 emplois à l’ONF entre 2021 et 2025. Pour les rapporteurs, dont Anne-Catherine Loisier et Olivier Rietmann, il faut préserver les moyens de l’ONF pour gérer davantage les espaces forestiers et diffuser les mesures de prévention au-delà de la région méditerranéenne, traditionnellement la plus à risque. Vous vous doutez que votre vision sur cette question est très attendue par l’ensemble de mes collègues.
– Madame la présidente, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très honorée de m’exprimer devant votre commission pour vous présenter ma candidature au poste de directrice générale de l’Office national des forêts et ma vision des enjeux stratégiques pour cet établissement.
Vous l’avez dit, madame la présidente, ingénieure du génie rural, des eaux et des forêts de formation, j’ai exercé au ministère de l’agriculture, puis de l’écologie, en administration centrale, deux fois en cabinet et dans les services déconcentrés de l’Aisne et des Yvelines.
Mon parcours s’est construit principalement autour de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques publiques agricoles, forestières et environnementales au niveau européen et au niveau national, avec toujours une composante partenariale forte.
Mes fonctions de secrétaire générale et de directrice m’ont également amenée à assumer la responsabilité des ressources humaines, à pratiquer le dialogue social et à conduire des projets de transformation des organisations.
Durant mon parcours, j’ai eu l’occasion de m’investir dans plusieurs dossiers importants pour la filière et la forêt : les plans d’aide au nettoyage et à la reconstitution des forêts à la suite des terribles tempêtes Lothar et Martin de décembre 1999 et Klaus de janvier 2009 ; la loi d’orientation forestière de 2001, votée à l’unanimité du Sénat et de l’Assemblée nationale et qui a inscrit le principe de multifonctionnalité dans la loi, ou, plus récemment, le volet forestier du plan de relance, qui accompagne l’adaptation de la forêt et de la filière au changement climatique, au travers notamment d’un soutien au renouvellement forestier ; enfin, les Assises de la forêt et du bois, qui ont été l’occasion d’un large débat sur les enjeux de la filière et dont les conclusions – je parle sous le contrôle de madame la rapporteure – ont été rendues en mars 2022.
Si votre commission et celle de l’Assemblée nationale donnent leur accord à ma nomination, je serais heureuse de mettre mon expérience au service de l’Office.
Gestionnaire de plus de 11 millions d’hectares de forêts en métropole et en outre-mer, l’ONF incarne pour moi les valeurs d’intérêt général de long terme au cœur des enjeux du développement durable : un enjeu économique, avec la contribution à la compétitivité d’une filière qui représente 440 000 emplois dans nos territoires ; un enjeu environnemental, qui est celui de l’adaptation de la forêt française au changement climatique pour préserver le patrimoine forestier, mais aussi les ressources naturelles et la biodiversité qui y sont associées et contribuer à l’atténuation du changement climatique ; enfin, un enjeu social d’accueil du public, puisque 700 millions de visiteurs sont accueillis chaque année dans les forêts françaises.
Au-delà des enjeux qu’il porte, l’ONF est un magnifique établissement ancré dans les territoires, entretenant des liens forts avec 11 000 communes, propriétaires de 60 % de la forêt publique. C’est une très belle maison, construite par des générations de forestiers passionnés, aux compétences reconnues dans des domaines et des métiers variés, et profondément engagés au service du bien commun.
Cet attachement des personnels au service de la forêt publique, que je partage pleinement, est un élément fort de motivation, qui engage et oblige un directeur général.
Nous avons vécu, au cours de cet été 2022, un moment particulier, dramatique par certains aspects, qui rend visibles les enjeux portés par l’établissement. Tout d’abord, de terribles incendies ont détruit plus de 60 000 hectares de forêt. Cela fait prendre conscience à tous de la fragilité de nos forêts et de leurs écosystèmes et de la nécessité de renforcer la politique de prévention, mais aussi de préparer la forêt française de demain.
Par ailleurs, le tragique conflit ukrainien montre la nécessité de réduire la dépendance aux énergies fossiles, en renforçant l’intérêt du bois comme matériau de construction ou comme source d’énergie de substitution.
Enfin, l’accord obtenu par la présidence française de l’Union européenne en juin dernier sur les principaux textes du paquet climat européen marque l’engagement de notre pays en faveur de la lutte contre le changement climatique. Ces textes se traduiront en particulier par un objectif de stockage pour notre puits carbone, rendant nécessaire d’investir dans le renouvellement forestier et le développement de l’utilisation du bois dans la construction.
Madame la Première ministre a indiqué que la forêt serait l’un des trois premiers secteurs de la planification écologique. J’ai la conviction que l’ONF peut jouer un rôle moteur dans cette transition, en œuvrant pour des forêts résilientes, puits de carbone et réservoirs de biodiversité, dont la gestion durable participera à la décarbonation de notre économie, à notre souveraineté et à la vitalité de nos territoires.
Dès lors, trois grands objectifs stratégiques se présentent, à mes yeux, pour l’établissement.
Premier objectif, faire de l’ONF un acteur central de l’adaptation des forêts au changement climatique. Avec les épisodes répétés de canicule et de sécheresse, un tiers de la forêt française est fragilisé, et avec elle tous les services environnementaux associés, ainsi que le potentiel économique des territoires et des entreprises qui vivent de la forêt.
Le puits de carbone et la stabilité à terme de l’approvisionnement de la filière sont aujourd’hui menacés par la baisse de l’accroissement naturel, la progression de la mortalité des peuplements et le risque incendie. En tant que gestionnaire de 25 % de la forêt française en métropole et en tant que gestionnaire de la forêt d’Outre-mer, l’ONF devra jouer un rôle majeur dans la stratégie d’adaptation de la forêt française, pour assurer la transmission du patrimoine forestier écologique aux générations futures.
Cette stratégie doit se décliner dans son activité de recherche et développement, en collaboration avec la recherche française, les partenaires européens et les partenaires de la forêt privée, dans son activité de surveillance des peuplements, pour élaborer des diagnostics et des solutions à partager avec l’ensemble des acteurs et, enfin, bien sûr, dans sa mission de gestionnaire, en charge des aménagements et du renouvellement forestier dans les forêts publiques, pour adapter les forêts les plus vulnérables.
Je considère que cette expertise et ce travail d’expérimentation de l’opérateur national ont vocation, comme le soulignait madame la rapporteure dans son rapport de 2019, à être partagés avec les partenaires de la forêt privée du CNPF, le Centre national de la propriété forestière, ainsi que des coopératives forestières, au bénéfice de toute la forêt française.
Deuxième objectif, accompagner la filière bois, dans une perspective de développement d’une économie verte et de création de valeur dans les territoires.
L’ONF, en tant qu’opérateur national, dispose de la capacité de mutualiser les ressources des forêts publiques sur des bassins d’approvisionnement qui dépassent les limites administratives et de garantir des clauses de vente harmonisées et une équité d’accès pour les acheteurs privés. Cela lui confère un rôle structurant et stabilisateur pour la filière, que renforcera encore le développement de la contractualisation inscrite dans le contrat État-ONF.
Le développement de la valorisation locale de la matière première brute par nos entreprises, objectif porté par la Fédération nationale du bois et l’interprofession, est un enjeu de vitalité de nos territoires ruraux. Je m’inscris complètement dans cet objectif, que je m’engage à soutenir.
Troisième objectif stratégique, conforter le rôle de l’ONF dans la prévention des risques et la gestion des crises. Les incendies de l’été ont montré que l’expertise et l’appui de l’ONF étaient reconnus et nécessaires aux partenaires comme aux acteurs de la protection civile. Les événements extrêmes de nature climatique ou sanitaire seront de plus en plus intenses et de plus en plus fréquents. Dans ce contexte, le maillage territorial de l’ONF et sa capacité à mutualiser les moyens et à mobiliser des renforts sont des atouts qu’il convient de préserver.
Les missions d’intérêt général comme celles qui sont relatives à la défense de la forêt contre les incendies, mais aussi la restauration des terrains de montagne, si importante pour les élus de montagne, ou la gestion des dunes, sont des missions prioritaires qui seront confortées. Tel était d’ailleurs le sens des recommandations du rapport d’information de votre assemblée.
Au regard de ces trois objectifs stratégiques, le régime forestier et l’ONF, qui le porte, constituent des pièces maîtresses de la gestion durable des forêts. J’observe que les événements récents et la rapidité avec laquelle nous sommes rattrapés par le changement climatique ont permis de recréer un relatif consensus autour de la pertinence du régime forestier et du statut de l’ONF. C’est aussi parce que je me retrouve dans ce consensus, que transcrit le contrat ONF, que je candidate aujourd’hui.
Dans ce cadre, j’insisterai sur quatre axes d’action, auxquels je crois, pour mettre en œuvre ces priorités stratégiques. Je les proposerai aux personnels de l’ONF, si vous m’accordez votre confiance.
Premier axe, il faut resserrer les relations avec les collectivités locales, qu’il s’agisse des collectivités propriétaires des forêts ou de celles qui, sièges de forêts, souhaitent que celles-ci participent à l’aménagement ou au développement de leur territoire. Si vous validez ma candidature, je préserverai le maillage territorial et je m’emploierai à conforter la confiance des élus, au travers d’une transparence accrue, d’une écoute de leurs attentes, d’une offre de services adaptés et d’un accès facilité des élus aux données de leurs forêts.
La mise en place de la nouvelle comptabilité analytique de l’ONF et du comité d’audit dans lequel siègent les communes forestières vise à donner aux communes des garanties de transparence sur le modèle économique de l’établissement. Je m’engage à ce qu’il dispose des données nécessaires pour mener son travail.
Madame la rapporteure, vous insistez, dans votre rapport de 2019, sur le lien de confiance, crucial, entre l’ONF et les élus, notamment des communes forestières. Ce renforcement des liens, je prends l’engagement, si vous validez ma candidature, de le porter et de le développer, tout comme je m’attacherai à amplifier les partenariats avec les collectivités régionales.
Deuxième axe, il convient de construire un dialogue transparent et confiant avec les partenaires et la société civile, dialogue avec les partenaires historiques que sont les représentants de l’aval et les représentants des chasseurs, acteurs centraux de l’équilibre forêt-gibier, mais aussi dialogue à approfondir avec les citoyens, les associations environnementales et les représentants des usagers de la forêt.
Multifonctionnelle, la forêt suscite de nombreuses attentes, qui sont diverses et parfois difficiles à concilier.
Si l’on veut optimiser la séquestration de carbone dans les sols et dans la biomasse, les orientations sylvicoles doivent être expliquées et partagées avec les citoyens, pour réussir à dégager des consensus sur la gestion durable de la forêt, adaptés à la spécificité de chaque territoire, car il n’existe pas de solution unique, prête à l’emploi.
L’urgence climatique et le risque incendie sont paradoxalement un levier pour faire émerger une vision partagée. Je suis ainsi favorable à une plus grande association des ONG et des citoyens au choix sylvicoles, sur la base d’outils et d’indicateurs rendant compte de cette gestion et dans le cadre d’une évaluation indépendante. Je suis également favorable à un renforcement des attributions et de la visibilité du comité scientifique de l’établissement.
L’accueil des jeunes publics est aussi un moyen de développer ce dialogue, tout comme le service civique en forêt est un moyen d’impliquer nos concitoyens.
À l’instar de ce qui se fait dans l’agriculture, la traçabilité du bois, de la forêt vers le consommateur, pourrait aussi être une ambition portée par l’établissement.
Troisième axe, il est nécessaire de conforter l’établissement, en le transformant. Les priorités que j’entends fixer en matière de ressources humaines visent à assurer le renouvellement des générations, en maintenant les compétences et en s’adaptant aux besoins nouveaux, à bâtir des parcours professionnels innovants et à ouvrir des perspectives pour les personnels, en particulier pour ceux dont les missions sont amenées à évoluer.
Alors que le changement climatique apporte son lot de questions, voire d’inquiétudes, ces évolutions ne pourront être menées que grâce à un dialogue social de qualité, avec les personnels et leurs représentants syndicaux, dans le respect des instances représentatives et dans le souci de renforcer la communauté de travail, dans sa diversité de statuts, de métiers et de compétences.
Je pense également à une transformation digitale, afin de faciliter la vie des personnels de l’ONF et des partenaires externes et permettre une plus grande responsabilisation des échelons de management intermédiaire.
Enfin, évidence ou défi qui s’impose à tout candidat à la direction de l’ONF, il s’agit de consolider le modèle économique de l’établissement. Si les moyens budgétaires consacrés par l’État à l’ONF sont en augmentation constante depuis vingt ans, ils n’ont pas permis d’éviter, vous le savez, l’augmentation de l’endettement de l’établissement, confronté à une baisse structurelle des prix du bois et à une augmentation des charges. À un moment où l’urgence climatique renforce les attentes à l’égard de l’ONF, la question de l’équilibre de son modèle économique est cruciale, ainsi que celle du niveau de ses effectifs pour assurer ses missions, j’en ai pleinement conscience.
Sur le plan des charges, les marges d’optimisation des processus de production et de commercialisation et la transformation numérique, pour utiles qu’elles soient, ne seront sans doute pas à la mesure de l’enjeu du redressement financier, d’autant que le changement climatique risque de rendre plus complexes les aménagements et d’augmenter les besoins en matière de recherche, prévention, surveillance et reconstitution.
Sur le plan des recettes, le changement climatique et la décarbonation de notre économie devraient en revanche se traduire par un rééquilibrage structurel au profit du bois. Les financements carbone sont également une nouvelle opportunité de ressources propres. L’établissement pourra également bénéficier des financements mis en place pour poursuivre la dynamique du plan de relance, dans le prolongement des conclusions des Assises de la forêt et du bois.
Je n’aurais pas candidaté pour le poste de directrice générale de l’ONF si je n’étais pas convaincue que cet établissement porte des missions essentielles d’intérêt général, qui justifient pleinement qu’il dispose des moyens humains et budgétaires nécessaires pour mener ses missions. Je me mobiliserai en ce sens.
En conclusion, madame la présidente, madame la rapporteure, c’est donc bien consciente des enjeux qui attendent l’établissement, de ses difficultés, mais aussi de ses atouts, que je me présente devant vous. Ma candidature est le fruit d’un engagement sincère. Si vous donnez votre accord à ma nomination, je serai heureuse de porter ce beau projet d’intérêt général, avec l’ensemble des équipes de l’ONF et, bien sûr, avec son président, dont l’expérience et la présence sont une chance pour l’établissement.
Je mènerai mon action avec enthousiasme, détermination et dans le respect des personnes, les équipes de l’établissement comme les partenaires, élus, professionnels ou associations.
Si je suis nommée, je serai toujours à la disposition du Parlement, pour échanger sur les enjeux de l’établissement et rendre compte de mon action en toute transparence.
rapporteure. – Mes chers collègues, nous voici de nouveau amenés à nous prononcer sur la nomination du directeur général de l’Office national des forêts… pour la troisième fois en sept ans ! Cette instabilité au niveau de la direction témoigne des tensions et du malaise qui règne au sein de l’EPIC, l’établissement public à caractère industriel et commercial, dont les missions sont ô combien stratégiques en ces temps d’adaptation des forêts au changement climatique.
Je rappellerai quelques éléments de contexte.
Cela fait désormais six mois que M. Olivier Rousset exerce par intérim la direction générale de l’ONF, avec succès, il faut le dire, car M. Rousset est un forestier connu et apprécié de longue date, qui a la confiance de ses collègues et des élus.
Dans le contexte d’urgence climatique actuel et alors que les Assises de la forêt et du bois ont défini dès avril la feuille de route de la filière - sans d’ailleurs évoquer la place et le rôle de l’ONF ! -, nous sommes surpris des délais que s’autorise l’exécutif pour proposer un candidat, comme si, finalement, le bon fonctionnement de l’ONF, gestionnaire des 11 millions d’hectares des forêts publiques françaises, ne constituait pas une priorité, un fer de lance dans la lutte contre le changement climatique, qu’il s’agisse de la prévention des risques naturels, de la dynamisation de la gestion forestière ou du développement des usages du bois, bref de la décarbonation de notre économie.
Vous l’avez compris, madame Metrich-Hecquet, nous serons particulièrement attentifs à l’exposé de votre vision et de vos priorités en tant que candidate à la tête du gestionnaire des forêts publiques. Et nous serons tout aussi attentifs à la manière dont vous pensez collaborer avec l’État et les 13 000 collectivités territoriales propriétaires de forêts ou sièges de forêts publiques. Nous attendons de la bienveillance, mais aussi des engagements fermes, qui devraient se traduire par la révision des conventions ou des stratégies en cours.
Il me semble que trois questions sont essentielles et urgentes.
Tout d’abord, je souhaite vous interroger sur votre positionnement à l’égard de la tutelle exercée par les administrations centrales et vis-à-vis des agents de l’ONF.
Si les commissions des deux assemblées approuvent votre nomination, vous passerez sans transition du rôle de contrôleur à la Direction générale de la performance économique et écologique des entreprises du ministère de l’agriculture à celui du contrôlé, l’ONF, soumis à la cotutelle de la DGPE, c’est-à-dire de vos collègues actuels !
Considérez-vous que ce parcours de juge puis de partie soit un atout dans l’exercice de vos fonctions et soit de nature à vous permettre de tisser des relations de confiance avec le personnel et, plus largement, avec les acteurs forestiers ?
Votre profil apparaît relativement technique ou gestionnaire. Or, la situation de l’ONF nécessite aujourd’hui un fort leadership, capable de redonner de la cohésion et de tracer un cap, des perspectives, pour ses 7 800 agents et ses 400 apprentis et contrats aidés. Pensez-vous avoir les qualités requises ?
Dans le cadre du contrat État-ONF, comment concevez-vous le rôle auquel vous candidatez ? Quelles sont, selon vous, les marges de manœuvre de l’établissement public vis-à-vis de l’État, pour revenir sur un certain nombre d’objectifs ?
Pour rappel, la commission des affaires économiques du Sénat s’était très majoritairement opposée à la nomination de votre prédécesseur, et il s’en était fallu de peu pour que le Parlement dans son ensemble ne rejette sa candidature.
Il a été fait état d’un management conflictuel, peu à l’écoute, ce qui avait conduit à la cessation des fonctions de vos deux prédécesseurs. Nous serons donc particulièrement attentifs aux méthodes que vous préconiserez pour améliorer le dialogue social et reconstruire un élan de confiance au sein de l’établissement.
J’en viens au deuxième point de vigilance, les ressources humaines et la capacité de l’établissement à s’adapter à des missions évolutives.
Ce point est déterminant pour la réussite de l’ONF et conditionne sa capacité à assumer les missions qui lui seront confiées par l’État et les collectivités qui, j’insiste, sont les propriétaires des forêts. La diminution drastique des effectifs n’est pas étrangère au malaise social au sein de l’ONF : plus de 4 000 postes ont été supprimés depuis 1999, soit l’équivalent de la moitié des effectifs actuels.
Aujourd’hui, alors que les attentes et les missions augmentent, le contrat État-ONF 2021-2025 prévoit la poursuite de cette trajectoire, avec la suppression de 95 emplois par an pendant cinq ans, soit 475 postes au total. Ainsi, dès 2021, 123 emplois ont été supprimés.
La commission des affaires économiques, dans ses avis sur le projet de loi de finances, a toujours appelé à faire preuve de sérieux budgétaire, notamment en modernisant, par les outils numériques, pour réduire les effectifs administratifs. En revanche, elle a toujours souligné les besoins de personnel sur le terrain et régulièrement rappelé les difficultés rencontrées par les communes forestières : retards dans l’élaboration des plans d’aménagement, certaines communes n’ayant tout simplement pas de plan d’aménagement, 900 000 hectares de forêts publiques à intégrer au régime forestier, etc.
Les nouvelles technologies, comme le laser imaging detection and ranging (Lidar) ou les drones, se déploient, mais ne remplaceront jamais la connaissance fine du terrain par les professionnels et leur relationnel.
Ces suppressions d’emplois portent majoritairement sur les agents forestiers de terrain et les ouvriers forestiers, aujourd’hui nécessaires : d’une part, parce que les objectifs de contractualisation et de récolte en forêt domaniale et communale ont été rehaussés, ce qui implique plus d’anticipation et de suivi des travaux forestiers ; d’autre part, le changement climatique accroît les besoins de surveillance et de réponse proactive face aux risques sanitaires et aux incendies.
Un exemple illustre l’urgence de revoir la stratégie, madame la directrice : le corps des agents de protection de la forêt méditerranéenne, qui sont au nombre de 200, avait été sanctuarisé lors des précédentes suppressions de postes. Mais, pour la première fois, à partir de 2020, il a subi une baisse. Ces agents effectuent un précieux travail de prévention des incendies dans la région méditerranéenne. Au regard de l’extension géographique du risque incendie, ils devraient pourtant être amenés à étendre leur champ d’action à d’autres territoires. Vous comprendrez donc que même les échos d’une possible révision de la trajectoire, ramenée à 80 suppressions de poste par an au lieu des 95 initialement prévus, nous font craindre le pire face à l’insuffisance déjà constatée ! Il est impératif de stabiliser les effectifs à leur niveau actuel et de redéployer les postes sur les axes stratégiques et les missions nouvelles. C’est ce que préconise le Sénat. Partagez-vous ce diagnostic et plaiderez-vous une révision du contrat État-ONF en ce sens si vous deviez en assumer la direction ?
J’ajoute que, pour répondre aux arguments de Bercy, la hausse durable des cours du bois permet d’aborder l’avenir budgétaire de l’Office avec plus de sérénité. Ainsi, en 2021, le chiffre d’affaires total de l’ONF est supérieur de 10 % à celui de 2020, dépassant les niveaux constatés de 2018 et 2019.
Mon troisième point, qui n’est pas des moindres, concerne les relations avec les communes propriétaires. Il n’est plus acceptable que ces dernières soient mises devant des choix unilatéraux, préétablis par l’État et l’ONF, comme cela a été le cas encore l’an passé, qu’il s’agisse de la menace d’une évolution des frais de garderie, de la perception des recettes par l’ONF ou des méthodes de commercialisation des bois, sans concertation avec les élus locaux. Faut-il rappeler qu’il revient aux propriétaires de définir la politique forestière et au gestionnaire d’apporter des conseils techniques et de mettre en œuvre ? Soyons clairs : ce n’est pas l’ONF qui détermine la politique et les choix de gestion forestière. Ce sont les élus !
En ce sens, comment seront utilisés les quelque 60 millions d’euros de chiffre d’affaires supplémentaires réalisés en 2021 ? Les élus souhaitent qu’ils soient mobilisés pour la lutte contre les incendies de forêt.
Or, on entend qu’ils seraient déjà affectés à un fonds de reforestation ; cela pourrait se justifier, mais si c’était décidé sans le moindre débat avec les communes forestières, ce serait un nouvel affront aux collectivités et le signe que rien ne change dans la gouvernance de l’ONF !
Une gouvernance partagée serait gage de pragmatisme, d’acceptabilité sur les territoires et de réussite durable des politiques forestières publiques.
La convention ONF-communes forestières, dont les termes sont encore en discussion, doit être avalisée à l’automne. Les élus communaux doivent être pleinement associés à la gestion de l’ONF, en toute transparence, car il s’agit de leur outil de gestion, auquel ils sont attachés, même s’ils l’ont beaucoup critiqué ces dernières années, pour les motifs évoqués. Ils doivent être informés et conseillés, aussi bien dans le cadre des prestations comprises dans le régime forestier que lorsqu’ils choisissent de confier des prestations de commercialisation ou de travaux aux entreprises privées.
Pouvez-vous vous engager à ce que cette convention marque une nouvelle étape dans les relations entre l’ONF et la Fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR), qu’elle soit fondée sur un véritable partenariat et qu’elle respecte les prérogatives des propriétaires locaux, permettant ainsi d’aborder les défis forestiers dans un climat de confiance retrouvée ?
Pour conclure, je souhaite vous poser une dernière question sur la manière dont vous concevez vos relations avec la forêt privée, la bonne gestion des espaces ne s’arrêtant pas aux limites administratives ou de propriété. Dans notre récent rapport sur la prévention des incendies, comme dans celui de 2019 sur les perspectives de l’ONF, nous rappelons que la forêt métropolitaine est privée aux trois quarts. En Gironde, c’est à plus de 90 % la forêt privée qui a brûlé et continue de brûler cette année.
Paradoxalement, le Président de la République et les médias ne parlent que de l’ONF ! Ce dernier est né en 1964 de la scission de l’administration des eaux et forêts en deux établissements publics : l’ONF pour la forêt publique et le Centre national de la propriété forestière pour la forêt privée. Face aux menaces auxquelles nos forêts sont aujourd’hui confrontées, face aux enjeux de production et de protection, je souhaiterais avoir votre point de vue sur la perspective, à long terme, d’une gestion forestière appréhendée par l’ensemble des acteurs, dans sa globalité, et déclinée au plus près du terrain, par massifs.
– Après trente-cinq années de service public, je considère que le fonctionnaire doit apporter une expertise objective et indépendante – c’est, me semble-t-il, ce qui caractérise les personnels de l’ONF –, mais que la décision appartient à l’élu, détenteur de la légitimité populaire, a fortiori quand ce sont les communes qui sont propriétaires. Je m’engage, si je suis nommée, à être à l’écoute des élus, des associations, mais également des personnels.
Le directeur par intérim et les équipes de l’ONF ont déjà beaucoup travaillé avec les communes forestières sur la convention en cours d’élaboration. Ce doit être le point de départ d’une coopération renforcée. Je m’engage à faire en sorte que la convention soit vraiment le fruit d’un travail commun.
Le nouveau comité d’audit que j’ai évoqué sera, je le crois, très utile pour donner, en s’appuyant sur la comptabilité analytique, une information fiable, objective, transparente et vérifiable aux élus. Je m’engage à faire en sorte que cette information soit fournie en toute honnêteté.
La forêt privée est un sujet de préoccupation. Les événements climatiques viennent renforcer le constat posé dans le rapport de 2019. Les incendies ne connaissent pas la limite entre forêts privées et forêts publiques. Il est tout à fait souhaitable de renforcer les partenariats avec la forêt privée. À mon sens, France Bois Forêt peut être un cadre de discussion.
Des partenariats me semblent pouvoir être développés dans deux domaines en particulier. Le premier concerne le partage des recherches et des innovations dans la stratégie d’adaptation au changement climatique : l’ONF ayant l’avantage d’être présent sur l’ensemble du territoire national, il peut faire des expérimentations à certains endroits et les porter au bénéfice de toute la forêt française. Le second concerne la gestion forestière : des initiatives telles que les chartes forestières du territoire ou les plans de développement de massifs forestiers sont très utiles, par exemple dans la lutte contre les incendies ou les crises sanitaires, la politique cynégétique ou le choix des essences.
Depuis quinze ans, l’État a constamment abondé le budget, avec une contribution supplémentaire de 80 millions d’euros. Les crédits affectés aux missions d’intérêt général (MIG) ont doublé en cinq ans. L’ONF a reçu 50 millions d’euros pour le renouvellement forestier dans le cadre du plan de relance. En outre, il est indiqué dans le contrat d’objectifs et de performance (COP) que toute mission nouvelle ou extension de mission doit être financée à coût complet par son commanditaire. En tant qu’autorité de tutelle, j’apprécie ces différents éléments comme signifiant une non-application des réductions d’effectifs sur les MIG ; j’ai bien l’intention de faire de même si je suis nommée directrice générale.
Les événements de l’été ont révélé la fragilité de la forêt française, appelant à une prise de conscience. Sans doute faut-il mettre un accent particulier sur les moyens consacrés à la gestion adaptative de la forêt française, privée comme publique. D’ailleurs, la Première ministre en a fait l’un des trois premiers enjeux de la planification écologique. C’est, me semble-t-il, un signal encourageant.
Si je suis nommée, je m’emploierai, comme les ministres de l’agriculture et de l’écologie l’ont demandé, à fournir avec les équipes de l’ONF une évaluation la plus objective possible des missions nouvelles et des moyens nécessaires. Ensuite, le politique fera son choix.
M. Laurent Somon. – Les documents qu’édite l’ONF sont toujours très positifs pour le développement des territoires. Mais il y a souvent loin de la coupe aux lèvres. Par exemple, la forêt de Crécy, qui figure parmi les plus gros massifs des Hauts-de-France, rencontre d’énormes difficultés pour que l’ONF s’associe véritablement à son projet de développement touristique. Comment allez-vous réorganiser le dialogue, en particulier avec les communes forestières, qui se sentent abandonnées ? Y aura-t-il une transparence des moyens financiers alloués ?
M. Daniel Gremillet. – L’ONF, qui est une belle entreprise, a besoin d’une patronne ou d’un patron pour donner une direction à son personnel. Pensez-vous avoir la capacité de maintenir la présence territoriale des agents de l’ONF, qui, par exemple dans les Vosges, a permis la maîtrise des incendies de forêt ? Par ailleurs, estimez-vous être en mesure de valoriser les grumes et les coproduits dans nos territoires, notamment dans le contexte actuel de tensions sur l’approvisionnement énergétique et en bois ?
Autrefois, pour les communes et les propriétaires privés, l’activité forestière, c’était des recettes ; désormais, ce sont des dépenses. Êtes-vous ouverte à des expérimentations de déconcentration, voire de décentralisation des missions et moyens de l’ONF, en lien avec les régions ?
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. – Les données statistiques des douanes publiées en 2021 montrent un record historique des exportations vers la Chine des grumes de chêne bénéficiant du label « Transformation UE ». Cela constitue une moins-value pour les scieries françaises, en plus d’être une aberration écologique. Qu’envisagez-vous pour y faire face ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne. – Vous avez vu combien les attentes sont fortes. Je me réjouis du profil qui est le vôtre ; vous êtes presque candidate « interne ». Il y a un besoin de rétablir la confiance – je suis ravi que vous ayez employé ce terme à plusieurs reprises – avec les agents et les collectivités locales.
Pouvez-vous nous certifier que si le modèle de prévention du risque incendie du Sud-Est est étendu à de nouveaux territoires, l’État mobilisera bien les moyens nécessaires – vous avez déjà plus ou moins répondu par anticipation – et que la compensation sera effective ?
M. Franck Montaugé. – Pensez-vous qu’il soit possible de faire face aux enjeux stratégiques auxquels l’ONF est confronté en réduisant les moyens et les effectifs, comme cela a pu être le cas par le passé ?
Comment appréhendez-vous les indispensables apports de l’ONF à la prévision et à la maîtrise à terme des mégafeux ? Quels moyens supplémentaires estimez-vous nécessaires ? Vos précédentes fonctions vous ont-elles permis de signaler au Gouvernement les insuffisances chroniques des moyens octroyés à l’ONF ?
Vous avez parlé d’un contrat État-ONF « consensuel ». Êtes-vous certaine que ce « consensus » prenne en compte l’avis des personnels et de leurs représentants ?
Mme Amel Gacquerre. – Les missions de l’ONF, qu’il s’agisse de gestion des forêts publiques ou de prévention des risques en milieu naturel, doivent être accomplies en partenariat avec les collectivités concernées et leurs élus. Or, d’après les remontées du terrain, les relations entre la direction de l’ONF et les collectivités sont tendues : manque d’information et de transparence, absence de communication des études d’impact, etc. Vous souhaitez remettre de l’ordre dans la gouvernance de l’ONF ? Tant mieux.
Par ailleurs, le malaise social, lié à la réduction des effectifs, perdure au sein de l’ONF. Quel est votre point de vue sur la gestion des ressources humaines ?
Mme Patricia Schillinger. – Des forêts intactes et anciennes, comme celle qui se situe aux portes de Sarrebruck, en Allemagne, ou celle de Białowieża, en Pologne, sont des réservoirs essentiels de biodiversité. Croyez-vous à ce type de projets en France face au dérèglement climatique ? Dans vos futures fonctions, vous devrez avoir des relations avec vos homologues européens. Pouvez-vous nous préciser votre vision à cet égard ?
M. Christian Redon-Sarrazy. – Nous constatons à la fois la fragilité des écosystèmes forestiers et les fortes attentes sociétales. L’équation est quelque peu difficile à résoudre. Quelles sont vos propositions en matière de recherche et développement ?
Nous entendons vos engagements sur la protection des forêts et la défense contre les incendies. Mais, encore une fois, les moyens mobilisés sur le terrain ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées.
M. Serge Babary. – Je souhaite évoquer la situation de l’ONF en Corse, où 150 000 hectares de forêt sont soumis au régime forestier, dont 50 000 pour la collectivité de Corse et 100 000 pour les communes. La direction territoriale de Corse connaît une situation tout à fait particulière. Malgré plusieurs tentatives infructueuses, et bien que le transfert des forêts soit prévu par la loi du 22 janvier 2002, aucun cadre conventionnel n’a été établi sur les relations entre la collectivité de Corse et l’ONF. La réduction globale des effectifs de l’ONF a largement impacté sa direction territoriale corse, passée de 103 agents en 2003 à 76 agents.
Des actions me paraissent prioritaires : réaffirmer le rôle de l’ONF aux côtés des propriétaires dans l’application du régime forestier et assurer une animation renforcée auprès des communes forestières et de la collectivité de Corse ; proposer des cadres opérationnels réglementaires, voire législatifs, sur les conséquences du transfert des forêts domaniales à la collectivité de Corse ; améliorer l’offre de services de l’ONF et rechercher des financements pour des actions en lien avec les enjeux nationaux et locaux particuliers.
M. Rémi Cardon. – Je souhaite vous interroger sur l’usage et l’entretien des chemins forestiers gérés par l’ONF. J’ai rencontré vos équipes gérant la forêt de Crécy dans la Somme et des maires riverains : ils semblent en désaccord.
L’ONF, avec un budget en déficit, ne peut pas entretenir les chemins forestiers pour d’autres pratiques que l’exploitation du bois. Or les forêts constituent des atouts pour les territoires ; les collectivités voisines et leurs habitants ont besoin et envie d’autres pratiques, qu’il s’agisse de tourisme ou de transit routier – ce qui peut être discutable s’agissant d’une forêt. L’accessibilité à la forêt doit faire l’objet d’un travail de collaboration avec les élus. Dans le cas de la forêt de Crécy, j’ai eu l’impression que ce n’était pas le cas. Chacun se renvoie la balle.
Quelle est votre vision de l’entretien des chemins forestiers et de leur mise à disposition ? Les collectivités territoriales ont aussi une vocation économique et d’aménagement du territoire. Comment mettrez-vous en place des espaces de dialogue avec les collectivités sur ces points essentiels ?
Sans entrer dans la caricature, on voit que, étape par étape, on ferme les accès routiers à la forêt de Crécy, ce qui est mal compris par les riverains handicapés ou vieillissants qui ont des difficultés à marcher.
M. Bernard Buis. – Gestionnaire de 11 millions d’hectares de forêts publiques, l’ONF commercialise plus de 35 % des volumes de bois sur le marché français. S’agissant de la régulation du bois et de son prix, l’ONF ne semble pas être un acteur suffisamment performant et efficace. Quels changements pensez-vous apporter pour améliorer cette régulation ?
M. Franck Menonville. – L’ONF subit de nombreuses difficultés sanitaires et climatiques dans le Grand Est, ainsi que des diminutions de postes dans les territoires. Sa gestion des ressources humaines empêche la continuité du service et l’appui aux communes. Les besoins sont colossaux pour renouveler les essences, régénérer la forêt et l’adapter. On a besoin de stabilité du personnel dans les territoires.
Depuis quelques années, les missions de l’ONF se diversifient et s’étendent et les collectivités territoriales constatent une démobilisation dans les missions régaliennes de l’ONF, au profit d’autres missions.
Je voudrais appuyer la demande formulée par Daniel Gremillet d’une expérimentation d’une politique plus régionalisée de l’ONF, en particulier dans le Grand Est.
Mme Viviane Artigalas. – Ne pensez-vous pas que l’ONF a un rôle pédagogique important à jouer envers le grand public qui fréquente la forêt ? Les moyens sont-ils suffisants sur le terrain pour remplir ce rôle ? Les parcs nationaux l’assumaient avec beaucoup de volontarisme, mais la baisse de leurs effectifs les a contraints à réduire considérablement leurs actions en ce sens.
M. Daniel Salmon. – L’ONF subit des coupes claires dans ses effectifs depuis longtemps. Madame, vous avez fait partie du cercle décisionnaire qui a conduit cette politique. Assumez-vous cette austérité ? Quelle est votre vision de l’avenir des effectifs de l’ONF ? Pensez-vous être la personne qui pourra ramener la confiance à l’ONF, ainsi qu’entre cette dernière et les communes forestières ? Comment maintenir l’équilibre entre biodiversité, puits de carbone et production de bois ?
– Beaucoup d’entre vous semblent préoccupés – légitimement – par l’évolution des effectifs de l’ONF, surtout dans les territoires. Les moyens budgétaires de l’établissement sont globalement confortés. Pour certaines missions, ils augmentent même. Cela étant, le contrat État-ONF 2021-2025 prévoit une réduction de 475 équivalents temps plein (ETP).
Nous sommes à un moment particulier où les incendies font prendre conscience de la fragilité de la forêt. Certes, les personnes éclairées en avaient pris conscience bien avant, mais l’ensemble de la société vient de le faire.
– La France a pris des engagements européens sur les puits de carbone, pour 2025 et 2030, qu’elle doit respecter sous peine de sanctions financières. Mieux vaut prévenir, et investir, que guérir ! C’est un argument de négociation.
En tant que directrice générale, contesterai-je le contrat État-ONF ? Je resterai à ma place de fonctionnaire : je respecte infiniment la décision prise par le politique. Néanmoins, il est essentiel, dans le prolongement des annonces ministérielles, de savoir ce que l’on attend de l’ONF et quels sont les moyens budgétaires et humains fournis pour y répondre. Si je suis nommée, je le demanderai. L’humain doit rester au centre du dispositif, et les dialogues doivent se multiplier.
Le politique décidera de ce qu’il est opportun de faire et je le suivrai toujours, qu’il s’agisse du pouvoir exécutif ou du Parlement. Cela ne veut pas dire que, en amont, je ne ferai pas valoir que je pilote le plus bel établissement du monde !
Le contrat État-ONF 2021-2025 est adaptable, d’année en année. J’observe que le COP 2016-2020 prévoyait la stabilité des effectifs, geste fort de nature à répondre à l’attente des élus. Or la mise en œuvre a été différente et les effectifs ont baissé. Ce qui a été fait dans un sens pourrait être fait dans l’autre.
Monsieur Montaugé, je voulais simplement dire que le régime forestier, et l’ONF qui le porte, sont une pièce maîtresse du développement durable et que l’on parvient à un relatif consensus sur ce point, et non sur l’ensemble du contrat État-ONF 2021-2025.
Si je suis nommée, je m’attellerai à faire des propositions aux décideurs sur les missions et les moyens de l’ONF.
J’observe des inflexions encourageantes sur le plan budgétaire, avec l’augmentation des moyens de l’État dans le prochain projet de loi de finances.
En ce qui concerne la valorisation du bois et l’importance de créer de la valeur dans les territoires, tous les partenaires sont parties liées et le bon fonctionnement de la filière et la rémunération de tous les acteurs sont nécessaires pour relever le défi de l’adaptation, de l’atténuation du changement climatique, ainsi que de la décarbonation de l’économie.
La valorisation du produit bois est une préoccupation constante des équipes de l’ONF qui le commercialisent. Malgré les à-coups, la tendance est structurellement à la hausse du prix du bois. Si cela ne perdure pas, on ne relèvera pas le défi de la décarbonation.
La contractualisation est aussi un moyen de sécuriser l’approvisionnement de tous les acheteurs et de mieux répartir la valeur entre l’amont et l’aval, dans le cadre d’une relation commerciale qui s’inscrit dans la durée.
L’amélioration de la valorisation du bois passe sans doute par l’optimisation de la chaîne logistique entre la forêt et les clients, à laquelle les outils numériques peuvent contribuer.
Je crois que l’ONF appartient déjà à un petit club des gestionnaires forestiers européens. En raison de mon parcours et de mon lieu de naissance, je suis tout particulièrement préoccupée par la coordination européenne.
Effectivement, en Allemagne, la forêt publique et la forêt domaniale ont été fortement protégées. Dans le cadre de la stratégie nationale pour les aires protégées (SNAP), l’effort français sera poursuivi avec notamment la création de nouvelles réserves biologiques intégrales.
L’ONF possède une compétence très précieuse en matière de recherche, qui peut être mise en synergie avec d’autres compétences, en particulier à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), mais aussi chez d’autres partenaires, telles que les gestionnaires des forêts privées, en France et en Europe.
Je connais mal la problématique de la forêt de Crécy, mais cela renvoie au choix français de la multifonctionnalité de toutes nos forêts, plus compliqué à appliquer que celui de fonctionnalités séparées pour chaque forêt, préféré par d’autres pays européens, notamment en Europe du Nord, mais qui est aussi un facteur de résilience et de robustesse que l’on doit défendre. Sans doute faut-il arbitrer, de temps en temps, des conflits d’usage.
Un regard particulier doit être porté sur les effectifs de l’ONF en Corse et dans les territoires où les spécificités de l’action de l’ONF sont importantes, comme les Outre-mer. Dans le débat sur la gouvernance territoriale, je m’engage, en fonction des moyens que l’on me donnera, à rendre compte de la situation aux partenaires, dont votre commission.
Je m’engage à ce que le dialogue soit noué, aux échelons national et local. J’espère que nous pourrons, tous ensemble, créer une nouvelle dynamique, car l’ONF est au cœur de l’intérêt général. Il accomplit des missions essentielles pour tous et mérite de pouvoir le faire au mieux.
présidente. – Que pensez-vous de l’expérimentation d’une déconcentration voire d’une décentralisation régionale évoquée par MM. Gremillet et Menonville ?
– J’attendrai peut-être d’être à l’intérieur de l’établissement pour répondre. Le partenariat avec les collectivités territoriales mérite d’être développé.
présidente. – Merci de la clarté de vos réponses.
Ce point de l’ordre du jour a fait l’objet d’une captation vidéo qui est disponible sur le site du Sénat.
présidente. – Nous avons achevé l’audition de Mme Valérie Metrich-Hecquet, candidate proposée par le Président de la République pour exercer les fonctions de directrice générale de l’Office national des forêts. Nous allons maintenant procéder au vote sur cette proposition.
Le vote se déroulera à bulletin secret, comme le prévoit l’article 19 bis de notre Règlement. En application de l’article 1er de l’ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote, les délégations de vote ne sont pas autorisées.
Je vous rappelle que le Président de la République ne pourrait procéder à cette nomination si l’addition des votes négatifs des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.
Il est procédé au vote.
présidente. – Voici le résultat du scrutin, qui sera agrégé à celui de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale :
Nombre de votants : 24
Bulletins blancs : 2
Bulletin nul : 0
Nombre de suffrages exprimés : 22
Pour : 10
Contre : 12
présidente. – La proposition de loi en faveur du développement de l’agrivoltaïsme, déposée par M. Jean-Pierre Decool et plusieurs de ses collègues du groupe Les Indépendants – République et Territoires, devrait être inscrite à l’ordre du jour du jeudi 20 octobre. Nous examinerons le texte en commission le mercredi 5 octobre prochain, avec un délai limite fixé au lundi 3 octobre à 12 heures. Je vous propose de désigner notre collègue M. Franck Menonville pour être rapporteur de ce texte.
La commission désigne M. Franck Menonville rapporteur sur la proposition de loi n° 731 (2021-2022) en faveur du développement de l’agrivoltaïsme, déposée par M. Jean-Pierre Decool et plusieurs de ses collègues.
présidente. – Le Gouvernement déposera prochainement le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables, annoncé au printemps dernier et dont les dernières consultations doivent se terminer ces prochains jours, qui comportera une vingtaine d’articles. D’après les éléments de calendrier actuels, il est envisagé un passage du texte en séance publique la première semaine de novembre, avant l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances.
Je vous propose de désigner notre collègue M. Patrick Chauvet pour être rapporteur de ce texte.
La commission désigne M. Patrick Chauvet rapporteur sur le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables, sous réserve de son dépôt.
présidente. – Dans le prolongement des travaux menés par le Sénat ces derniers mois sur le sujet, une mission de contrôle, conjointe avec la commission des lois, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et la commission des finances, va être créée très prochainement sur la mise en application des mesures relatives à l’objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) de la loi « Climat et résilience ». Elle assurera une représentation proportionnelle des différents groupes politiques de notre assemblée et des commissions concernées.
La commission des affaires économiques doit désigner cinq membres au sein de cette mission conjointe de contrôle. Je vous propose que Mme Anne-Catherine Loisier, M. Christian Redon-Sarrazy, Mme Valérie Létard, M. Jean-Marc Boyer et moi-même soyons les représentants de notre commission au sein de la mission.
La commission désigne Mme Anne-Catherine Loisier, M. Christian Redon-Sarrazy, Mme Valérie Létard, M. Jean-Marc Boyer et Mme Sophie Primas membres de la mission conjointe de contrôle sur la démarche Zéro artificialisation nette.
présidente. – Le groupe d’études « Élevage », sous la présidence de Mme Marie-Christine Chauvin, organisera un déplacement au sommet de l’élevage à Clermont-Ferrand le jeudi 6 octobre. Les modalités pratiques de cette visite seront communiquées très prochainement aux membres du groupe d’études.
La réunion est close à 12 h 30.