Bonjour à tous, je suis Martine Filleul, sénatrice du Nord, vice-présidente de la commission qui nous rassemble aujourd'hui et je remplace à cette tribune le président, Stéphane Piednoir, qui nous rejoindra vers 16 heures 30.
Notre ordre du jour prévoit deux séquences successives sur le service civique. La première séquence va nous permettre d'écouter les témoignages de dix jeunes volontaires accompagnés de l'association Unis-Cité. La seconde séquence va nous permettre d'entendre Marie Trellu-Kane, présidente d'Unis-Cité, dont l'engagement pionnier en faveur du service civique est bien connu.
Au nom de tous nos collègues présents dans cette salle ou connectés à distance, je remercie chaleureusement nos interlocuteurs pour leur disponibilité.
Pour votre information, je précise que notre mission d'information, dédiée à la redynamisation de la culture citoyenne, s'est mise en place à l'initiative du groupe du RDSE (Rassemblement démocratique et social européen), dont fait partie notre collègue Henri Cabanel, qui est notre rapporteur.
J'indique également que notre mission est composée de vingt-et-un sénateurs issus de tous les groupes politiques, et que notre rapport, assorti de recommandations, devrait être rendu public au début du mois de juin 2022. Je précise par ailleurs que le compte rendu écrit de cette réunion sera annexé à notre rapport.
Je suis très heureuse que cette réunion nous donne l'occasion d'un échange avec des représentants de notre jeunesse engagée qui, en participant au service civique, se trouvent au coeur de notre sujet sur la redynamisation de la vie et de la culture citoyennes.
Voici l'organisation que nous nous proposons d'adopter : Mme Marie Trellu-Kane, en tant que présidente d'Unis-Cité, va faire une intervention liminaire pour situer brièvement l'action d'Unis-Cité dans le service civique.
Puis, notre rapporteur Henri Cabanel va vous poser des questions au cours de deux « tours de table » : dans un premier temps pour vous permettre de présenter votre conception de l'engagement, puis dans un second temps sur la manière dont vous vous situez dans la vie démocratique, locale et nationale, plus particulièrement par rapport au vote.
Cette séquence de nos travaux devant se terminer au plus tard à 17 heures 30, je vous invite dans vos réponses à respecter le temps de parole qui vous a été indiqué en amont de cette réunion.
Nous souhaitons que ces échanges soient aussi spontanés que possible : je vous propose donc, parmi les questions qui vous seront posées, de vous concentrer sur celles qui vous inspirent le plus.
Merci, Mesdames et Messieurs, d'avoir accepté notre invitation cet après-midi. Il nous semble essentiel, dans ce rapport qui est destiné à la jeunesse, que nous puissions écouter des jeunes. Chacun d'entre nous rencontre des jeunes dans son département, mais dans le cadre de cette mission, c'est la première fois que nous rencontrons des jeunes et c'est pour nous un plaisir immense.
Merci à vous pour cette invitation. Cela fait vingt-cinq ans que je suis engagée pour la jeunesse et pour l'engagement citoyen de la jeunesse et c'est la première fois que nous avons une délégation aussi nombreuse de jeunes ainsi accueillis au Sénat. Merci pour cette initiative. Je pense que les volontaires ici présents apprécieront votre écoute et prendront conscience du fonctionnement de la démocratie et de la capacité des élus à écouter les citoyens.
Je précise qu'Unis-Cité est l'association qui a inspiré le lancement du service civique. Unis-Cité existe depuis 1995 et a été créée par des jeunes à peu près de l'âge de ceux qui sont ici présents. Il a fallu une bonne dizaine d'année pour convaincre la société et les parlementaires de l'époque d'adopter une loi qui a fait naître le service civique tel que vous le connaissez. Aujourd'hui, Unis-Cité est l'un des gros opérateurs du service civique, avec dix mille jeunes par an. C'est un partenaire privilégié de l'État et de l'administration - l'Agence du service civique - en charge du déploiement du service civique.
Vous avez ici dix jeunes parmi les dix mille jeunes qui rejoignent les rangs d'Unis-Cité chaque année. Ils sont habillés en orange pour les rendre visibles et pour que leur engagement et leur diversité soient visibles aux yeux des citoyens, des politiques et des médias. Ils sont issus de l'Île-de-France pour certains, trois anciens volontaires ayant terminé leur service civique il y a trois ans ; d'autres viennent du Nord et d'Angers également. Je les laisse expliquer ce qu'ils font.
Je vais vous poser deux séries de questions. Les questions de ma première série concernent votre expérience du service civique et de l'engagement :
- Quelles missions exercez-vous ?
- Quelles étaient vos motivations quand vous avez rejoint le service civique ?
- Comment avez-vous été informé de l'existence du service civique ? Est-ce lors de la Journée défense citoyenneté ?
- Que vous a apporté le service civique ? Recommanderiez-vous à d'autres jeunes de faire un service civique ?
- Comment selon vous peut-on l'améliorer ?
- Étiez-vous déjà engagé auparavant, par exemple dans une association ?
- Le service civique vous a-t-il donné envie de poursuivre par la suite cet engagement ?
Merci de nous accueillir. Je viens d'Angers et je suis en service civique au titre des jeunes ambassadeurs des droits pour l'égalité (JAD). Ma mission principale est de sensibiliser les jeunes à la discrimination et au harcèlement, pour limiter les préjugés et les stéréotypes. La question qui me tient le plus à coeur concerne ce que nous pourrions faire pour améliorer le service civique. Je pense qu'il faut plus en parler, mieux le faire connaître, car il n'est pas très connu - j'en ai entendu parler grâce à une amie. Je pense qu'il faut donc sensibiliser davantage les jeunes à l'engagement.
Pour ma part je voudrais répondre à la question de l'amélioration du service civique. Je m'appelle Omar, j'ai trente ans, je suis déficient visuel et j'ai réalisé ma mission de service civique à Rueil-Malmaison.
Par rapport à l'amélioration du service civique, j'ai deux éléments à proposer. Premièrement, il est important que les missions se fassent en équipe. Nous sommes censés être recrutés pour notre motivation, et pas pour nos diplômes ou nos compétences. Une personne n'ayant pas de diplôme ou de compétence dans le domaine de sa mission et une personne ayant des compétences dans ce domaine se complètent. J'en suis l'exemple typique. Ma mission consistait à animer les débats pour favoriser l'esprit critique du public sur différents sujets de société, en nous servant du cinéma. Je n'ai pas fait d'étude de cinéma ou d'animation, mais avec les autres membres de l'équipe, nous nous complétions. Je pense qu'il est donc très important de faire que les missions se déroulent en équipe.
Deuxièmement, il faudrait que le service civique soit davantage accessible aux personnes en situation de handicap. Je suis déficient visuel et je n'ai pas eu de problème à Unis-Cité, mais avant de connaître Unis-Cité, j'ai postulé sur le site de l'Agence du service civique et j'ai été dirigé vers d'autres structures. Or si j'ai eu plusieurs entretiens, ma déficience visuelle a constitué un frein.
Je m'appelle Louise. Je suis à Unis-Cité depuis octobre dernier. Je suis volontaire au sein de la mission cinéma et citoyenneté, comme Omar avant moi. La mission consiste à projeter des films à des collégiens et des lycéens sur des thématiques sociétales comme le handicap, le racisme ou encore l'immigration. Ce sont des films proposés par le Centre national de cinématographie et d'image animée (CNC). Nous visionnons ces films entre nous, puis nous organisons des animations-débat avec les collégiens et les lycéens sur les thématiques du film. Ce que je trouve formidable avec le service civique, c'est la diversité. Dans notre promotion, il y a des personnes ayant fait des études de cinéma, et d'autres pas du tout. Or même en n'ayant pas les mêmes connaissances et compétences, nous nous complétons, nous nous apportons mutuellement plein de choses et nous apprenons sur nous-même et sur les autres. La diversité culturelle est également importante.
Pour les améliorations, peut-être faudrait-il plus d'encadrement dans les structures publiques. Une amie a fait un service civique l'année dernière et cela s'est mal passé en raison de l'ambiance. Il faudrait donc plus d'encadrement dans les services publics qui accueillent des volontaires du service civique.
J'ai connu personnellement le service civique à la mission locale. Je m'y suis engagée car j'aime beaucoup le cinéma et que j'étais contente de voir qu'une mission correspondait à cette passion. Je m'y suis également engagée pour pouvoir travailler en équipe, parce que je trouve cela très enrichissant, pour approfondir et améliorer mon argumentation et ma qualité d'écoute, et aussi pour m'occuper en attendant de pouvoir reprendre les études.
Bonjour à tous. Je suis Marine-Élisa, j'ai vingt-deux ans et je viens de Coudekerque-Branche. Je suis volontaire à Unis-Cité Dunkerque, j'interviens auprès des personnes âgées pour limiter leur isolement et j'interviens également auprès de personnes en situation de handicap pour aider à les intégrer dans la société et soulager leurs aidants. Nous intervenons à domicile.
Concernant les raisons pour lesquelles je me suis engagée en service civique, j'ai fait des études mais cela ne me plaisait pas forcément. C'était donc pour acquérir une expérience avant de valider mon choix de reconversion.
S'agissant de l'amélioration du dispositif, il faudrait peut-être rallonger le service civique, car cela passe très vite !
Je m'appelle Anthony, j'ai vingt-deux ans et j'habite à Grande-Synthe, dans le Nord. Je suis volontaire dans la structure Unis-Cité et j'agis sur deux missions, dont l'accompagnement des séniors à domicile par le biais du CCAS de Grande-Synthe. L'objectif de cette mission est d'éviter l'isolement des séniors par le biais de l'intergénérationnel, en leur proposant des activités et des sorties. Ma deuxième mission s'effectue à Grande-Synthe dans les maisons de quartiers. L'objectif y est de sensibiliser sur l'écoresponsabilité et la pollution environnementale.
Le service civique m'a apporté l'engagement. J'y ai appris qu'il s'agissait de donner son temps et de s'investir dans son travail. J'ai ensuite commencé à faire du bénévolat dans des structures sportives, ce qui est lié à mon parcours scolaire car je suis issu d'un cursus STAPS. Le service civique est un moyen de rencontrer des personnes, et d'apprendre mutuellement les uns des autres, sachant que nous venons tous de milieux et de filières différentes.
Bonjour, je m'appelle Maëva, je suis volontaire du service civique à Angers, dans le cadre d'Unis-Cité, à la mission alimentaire. Ma mission consiste à aller dans des écoles élémentaires sensibiliser les enfants à quatre thématiques, à savoir le tri sélectif, le gaspillage alimentaire, l'impact du plastique et une alimentation durable. J'ai connu le service civique via une conseillère d'orientation. J'ai arrêté mes études car j'avais besoin de faire une pause et le service civique constituait un moyen de faire quelque chose de concret et de servir à quelque chose. Comme deux de mes camarades l'ont déjà dit, le service civique m'a apporté le fait de rencontrer des personnes différentes, d'âges différents, venant de lieux différents. Cela m'a permis de reprendre confiance en moi et de faire partie d'un groupe.
S'agissant des améliorations, je suis d'accord avec la proposition de rallonger le service civique car nous n'avons pas beaucoup de temps - huit mois pour ma part.
Bonjour à tous, je m'appelle Inès, j'ai vingt-deux ans et je suis à Angers. J'interviens dans le programme ayant pour but d'accompagner les personnes en situation de handicap ayant un proche aidant. J'ai découvert le service civique un peu par hasard durant un emploi étudiant l'année dernière. N'ayant pas été admise dans le master souhaité, je cherchais quoi faire d'utile durant cette année. J'ai donc décidé de faire un service civique, ce que je ne regrette pas du tout, car c'est très formateur et enrichissant : cela mériterait d'être davantage connu auprès des jeunes.
Bonjour à tous, je m'appelle Juliette, j'ai vingt-deux ans. J'ai fait mon service civique dans le cadre d'Unis-Cité à Marseille l'année dernière d'octobre à juin, dans une double mission. Une partie de ma mission consistait à lutter contre l'isolement social des personnes âgées et des personnes en situation de handicap au travers d'ateliers numériques à domicile. L'autre partie de la mission visait à favoriser l'accueil et l'intégration des personnes réfugiées en France. L'équipe dans laquelle j'intervenais avait dix places réservées à des réfugiés, en cohérence complète avec l'une des valeurs du service civique, à savoir la diversité et la mixité sociale et culturelle.
Pour moi, le service civique a été un réel tournant dans ma vie. Je faisais une licence de droit et de sciences politiques et cela m'a permis professionnellement de concrétiser mes visions pour l'avenir en m'investissant dans le milieu associatif et social. Cela m'a aussi personnellement beaucoup apporté car j'ai acquis certaines compétences transversales de travail en équipe et d'ouverture d'esprit, et j'ai développé mon empathie envers des personnes qui mènent des vies différentes de la mienne. J'ai également fait énormément de rencontres qui peuvent à la fois relever du réseau professionnel et du réseau personnel. Avec mon binôme afghan, l'année dernière notamment, j'ai pu créer des liens très forts. Je recommande donc vivement le service civique autour de moi auprès des jeunes entre seize et vingt-cinq ans, parce que je considère qu'il s'agit d'une expérience unique qui peut être vécue de manière différente par tous, mais toujours de la meilleure manière.
Bonjour, je suis Nino et je suis en service civique à la branche d'Unis-Cité de Dunkerque. J'ai deux missions : la première s'appelle « éco-volontaires » : nous y faisons de la sensibilisation sur la protection de l'environnement, par le biais de chantiers-nature. Ainsi, nous allons par exemple planter des arbres pour aider les agriculteurs à replanter des haies. Ma seconde mission, « repas-santé », consiste à faire de la sensibilisation en matière de santé auprès d'un public âgé de six à vingt-cinq ans. Nous nous déplaçons notamment dans les collèges pour faire de la sensibilisation, que ce soit sur l'exposition aux écrans, l'alimentation et, plus particulièrement en ce qui me concerne, sur les addictions.
Je pense qu'il faudrait une revalorisation de l'indemnité de service civique, car elle est un peu juste, ne serait-ce que vu le coût d'un loyer (580 euros). Il faudrait également une revalorisation du statut de volontaire : nous cotisons pour la retraite, mais ce serait bien que cela puisse compter pour le chômage aussi.
Qu'est-ce que le service civique m'a apporté ? Je venais d'obtenir une licence en biologie et j'ai tenté de rentrer en master, mais j'ai été refusé. Je me demandais comment rebondir et des amis m'ont parlé du service civique. Cela m'a permis d'avoir une solution avant l'entrée en master, qui puisse m'apporter des compétences et me permette de rencontrer de nouvelles personnes. Je suis très content du service civique et de l'encadrement que nous avons à Unis-Cité.
Bonjour et merci de nous accueillir. Je suis Timothée, j'ai vingt-trois ans et je suis un ancien volontaire en service civique. L'année dernière, j'ai réalisé une mission qui s'appelle « rêve et réalise », fondée sur l'idée de proposer aux jeunes de 16 à 30 ans en situation de handicap de mener une mission solidaire. Nous sommes accompagnés depuis l'élaboration du diagnostic de départ jusqu'à la mise en place du projet sur le terrain. J'ai ainsi monté un projet d'éducation aux médias à destination des collégiens.
Pour répondre aux questions posées, j'ai aimé la mixité sociale que favorise le service civique. On mélange des jeunes de partout ! L'idée est que nous puissions nous apporter humainement et professionnellement les uns aux autres. Tout cela, « mélangé » à l'échelle d'une promo, pendant huit mois, est bénéfique à la société. Pourquoi ne pas élargir ce dispositif à toute la jeunesse ? Je pense que cela peut aussi aider certains jeunes - pourquoi pas ? - à aller voter et à s'engager dans d'autres devoirs du citoyen. Si je pouvais ajouter quelque chose, le fait que cette mission dure de six à douze mois permet un réel engagement et de voir un réel impact sur le terrain. Contrairement au service national universel qui est plus court, le service civique permet à chacun de réellement s'engager.
Je vous remercie. Vous avez évoqué le vote : cela me conduit à ma seconde série de questions, qui concerne votre relation à la vie démocratique :
- Vous intéressez-vous à la politique et à la vie démocratique ? Avez-vous déjà voté ?
- Êtes-vous davantage intéressé par la vie politique locale ou par la politique nationale ?
- Quelles sont selon vous les causes de l'abstention, qui a concerné une proportion importante de jeunes électeurs lors des élections de 2020-2021 ?
- Quelles sont selon vous les pistes possibles pour encourager les jeunes à voter, tant au niveau local qu'au niveau national ?
- À votre avis, qu'est-ce qui définit le mieux un citoyen : participer aux élections, s'engager dans une association, etc. ?
Je ne suis pas forcément intéressé par la politique, mais ce n'est pas pour autant que je ne vais pas voter. Je pense que le problème de l'abstention est celui de l'information. L'information se fait surtout par les tracts et la télévision. Or les jeunes utilisent surtout les réseaux sociaux et les plateformes de streaming. Il faudrait utiliser ces médias pour communiquer des informations aux jeunes. En outre, je pense que les jeunes ne se reconnaissent pas dans les candidats qui se mettent en avant. Il y a un manque d'écoute envers les jeunes.
Je m'intéresse à la vie politique indirectement ; je suis plutôt engagée dans des causes comme le féminisme, l'écologie, la cause LGBT. Je vais voter, davantage pour les présidentielles que pour les régionales et les départementales. Si moins de jeunes votent, c'est qu'ils ne se sentent pas écoutés à mon avis. Je pense qu'il faut laisser leur place aux jeunes, qui sont tout aussi légitimes que n'importe qui d'autre, et prendre sérieusement en compte leurs besoins et leurs attentes. Ce sont des citoyens comme les autres. Je m'intéresse à peu près à la politique car je pense que c'est important et que c'est la chose centrale dans la société actuelle. C'est dommage de ne pas s'y intéresser. Pour autant, ce qui pour moi définit le mieux un citoyen, ce n'est pas participer aux élections ou s'engager dans une association. Les jeunes de 12 ans par exemple ne savent pas comment s'engager dans une association ou voter et pourtant, il s'agit de citoyens comme les autres. Dès qu'une personne naît, elle est citoyenne.
Selon moi, ce qui fait que les jeunes ne se mobilisent pas tous pour la politique, c'est le fait que pour beaucoup, nous avons besoin de concret et de savoir que nos actes produisent des effets. Or beaucoup de jeunes n'ont pas l'impression d'agir pour la citoyenneté en mettant un papier dans une boîte, alors qu'à travers un service civique, nous agissons, nous sommes sur le terrain et nous avons des résultats et des retours. Le fait de voter n'est pas concret et les jeunes ont besoin de concret.
Je trouve qu'il s'agit de questions très intéressantes. Il y a deux semaines, j'ai participé à un hackathon avec le think tank Penser L'après, qui avait mis en place la mission Élysée durant deux jours, avec pour problématique « Comment intégrer les jeunes à la vie démocratique ? ». Avec mon équipe, nous en sommes rapidement venus à l'idée qu'il existe un sentiment d'illégitimité chez les jeunes. Nous ne sommes pas suffisamment éduqués politiquement, à l'école ou ailleurs. J'ai personnellement fait des études en sciences politiques et je ne peux pas vous dire exactement comment fonctionne le Sénat, l'Assemblée, etc. Alors je vous laisse imaginer pour un collégien ou un lycéen ! Or nous avons le droit de voter à dix-huit ans. Je pense qu'il y a un réel manque d'éducation politique à l'école, ce qui créée un sentiment d'illégitimité chez les jeunes. Cela peut induire un désengagement ou un désintérêt, donc encourager l'« entre soi » dans la vie politique, la verticalité du système et le manque de participation des jeunes. Or je l'ai vu par mon service civique, nous ne sommes pas du tout désintéressés ni désengagés. Les générations encore plus jeunes que la mienne vont manifester, s'engagent en service civique, montent des associations, ont des projets et des idées. Je pense qu'il existe un réel problème de discussion entre la classe politique et les jeunes, comme le disaient mes camarades précédemment, un réel problème à la fois de connaissance de la classe politique par les jeunes et d'écoute de la classe politique envers les jeunes. Le service civique fonctionne très bien car les jeunes s'engagent concrètement, ils sont écoutés, on leur fait confiance, et cela fonctionne !
Pour réussir à résoudre le problème de l'abstention des jeunes, il faudrait réussir à recréer du lien entre classe politique et jeunesse, que les promesses soient tenues et que les jeunes s'éduquent politiquement.
Il est vrai que nous avons souvent entendu dire « ici, on ne parle pas de politique ». Certes, mais où allons-nous parler de politique ? Si nous suivons l'actualité, nous pouvons être au courant de certaines choses et de certains candidats. Mais les jeunes passent la majeure partie du temps à l'école, où on ne parle pas de politique. Voter est un devoir, mais c'est également un droit. C'est gratuit, et c'est notre possibilité de choisir. Or si nous ne votons pas, d'autres le feront à notre place. Je pense vraiment qu'il faut parler de politique.
Vous parliez tout à l'heure de la vie politique par rapport aux communes et aux institutions nationales. Pour ma part, je me sens plus concernée par la politique de ma commune, car chaque commune a plus ou moins ses propres règles de vie, qui nous permettent de vivre en société. J'y suis très attachée. Pour moi, la politique nationale s'inscrit davantage dans un sens général. Par ailleurs depuis que je suis majeure, je vais voter à toutes les élections.
Je m'intéresse à la politique et je vais voter dès que j'en ai l'occasion. Concernant l'abstention, beaucoup de jeunes ne se sentent pas représentés dans le paysage politique. Nous ne croyons plus réellement aux discours. Dans la question que vous posez, il y a la question des manifestations. Je pense que beaucoup de jeunes préfèrent manifester que voter car ils ont l'impression que peu importe ce qu'ils mettent dans l'urne, il ne se passera rien, alors que la manifestation leur paraît le seul moyen de réellement représenter leurs idées. Pour renforcer la participation des jeunes, il faudrait revaloriser le vote blanc. Dans mon entourage, énormément de personnes ne se sentent pas représentées et aimeraient potentiellement voter blanc. Or comme il ne se passe rien quand ils votent blanc, ils préfèrent rester chez eux. Je pense donc qu'une partie des abstentionnistes aimeraient voter blanc.
À la question de savoir si je préfère la politique au niveau national ou local, je suis plutôt attaché à une politique plus locale car même si la ligne nationale donne une direction, parfois au niveau local, on peut en suivre une autre. Par exemple, le glyphosate a été ré-autorisé au niveau national, mais des maires se sont battus au niveau local pour continuer à l'interdire.
Je rejoins mon camarade sur le vote blanc, car quand on ne se sent pas représenté par des politiques et que l'on choisit de voter blanc, ce vote n'est pas pris en compte donc en définitive les personnes se lassent d'aller voter pour rien. Il existe d'autres formes d'engagement politique que le vote. Je ne m'intéresse pas trop la politique car je me sens un peu désabusée par rapport à tous les discours que nous entendons. J'essaie de m'informer car je trouve que c'est important, mais cela me semble difficile car nous ne sommes pas suffisamment éduqués politiquement. Encore maintenant, j'ai du mal à m'informer car je ne sais pas où chercher mes ressources et comment savoir si telle ou telle information n'est pas biaisée par une personne ou un parti politique. Personnellement, mon engagement politique se situe davantage indirectement dans les causes que je défends via des manifestations.
À ce moment des échanges, j'aimerais vous poser une autre question : l'organisation actuelle du scrutin - aller voter un dimanche dans un établissement public, prendre un bulletin, le mettre dans une enveloppe et dans une urne - vous convient-elle ou pensez-vous qu'il faut l'améliorer ?
Je pense que la technologie permettrait de l'améliorer (avec le téléphone). Peut-être aussi pourrait-on choisir un autre jour, le samedi par exemple.
Selon moi, la procédure est bonne, mais je pense qu'il faudrait trouver un autre moyen plus simple et plus rapide pour voter par procuration. Avec les nouvelles technologies, peut-être y a-t-il aussi des moyens pour voter en ligne.
Je suis d'accord sur la procuration. Mais je pense que les personnes qui s'abstiennent ne le font pas forcément par flemme d'aller voter. Je ne suis pas sûre que les technologies du numérique changeraient la donne. Le problème réside plus dans les candidats que dans la manière d'aller voter.
Je rejoins Juliette : savoir pour qui voter est important, avant de savoir comment voter. Je pense qu'il faut plutôt éduquer les jeunes à la politique plutôt que de leur dire comment voter.
Je pense aussi, à travers les discussions que j'ai pu avoir avec des jeunes de mon âge, que le manque d'information est un sujet important. Le fait de savoir comment s'inscrire sur une liste électorale et savoir si on est inscrit sur la bonne liste électorale peut faire que certains jeunes ne vont pas voter.
Merci pour tous ces témoignages. J'ai beaucoup apprécié l'intervention de Louise qui disait qu'on est citoyen dès sa naissance. C'est tout le sens de ce que nous voudrions diffuser à travers cette mission d'information. Je note un certain nombre de paradoxes. Vous ne vous sentez pas suffisamment représentés, mais vous identifiez plus facilement un candidat local dans votre commune. Je comprends que les actions locales sont plus identifiables, mais en termes de représentativité, il y a bien moins de candidats aux élections locales qu'à l'élection nationale. Je ne pense pas que la représentativité soit en cause ; la difficulté est que cela vous semble plus distant. Peut-être votre expérience au sein du service civique vous permettra-t-elle de comprendre que certes les élus locaux contribuent à la construction d'une société au niveau local, mais que cela est permis parce qu'il y a des sénateurs et des députés qui votent des lois ! Il s'agit en réalité d'un jeu de construction ; pour pouvoir identifier des actions locales, il faut aussi des élus nationaux qui, je vous rassure, sont des gens comme les autres ! Nous sommes tous issus de la société civile. S'agissant de vos remarques sur l'insuffisance de l'éducation à la politique, cela nous interpelle et c'est inquiétant car il existe un programme dans l'enseignement.
Merci, c'était très intéressant. Juliette, vous pouvez faire de la politique car votre façon de vous exprimer montre que vous êtes déjà très à l'aise ! Sachez qu'on a besoin notamment de femmes ! J'ai été très intéressée par tout ce que vous avez dit. Sur le vote blanc, j'ai eu une discussion avec des lycéens de mon département, l'Essonne, et ils disaient qu'il faudrait pouvoir prendre en compte le vote blanc. Cependant, tant que le vote blanc n'est pas comptabilisé, l'abstention est tellement forte qu'il faut voter pour « le moins pire » des candidats. Il est important d'aller voter, car les manifestations ne résolvent pas tout ! En outre, les manifestations souvent dérapent à cause de personnes qui sont là pour des causes qui ne sont absolument pas les vôtres.
Je sais qu'il n'est pas toujours facile de s'informer, mais sachez que quand vous allez sur le portail du Sénat ou de l'Assemblée nationale, vous trouvez des travaux sur les sujets qui vous intéressent, comme la condition animale par exemple, les conditions de vie des étudiants en France. Nous touchons des sujets extrêmement quotidiens car nous vivons nous-même sur le terrain !
J'ai une autre question. Vous avez tous parlé du fait que vous étiez plus en proximité avec vos élus locaux. Avez-vous les uns et les autres été sollicités pour rentrer dans des conseils municipaux de jeunes ? Ce sujet m'intéresse beaucoup car ces engagements, certes très jeunes, permettent aussi d'encourager des vocations qui peuvent se poursuivre dans le cadre du service civique, comme pour vous, ou dans des associations. Je voulais donc savoir si vous aviez déjà été sollicités ou si cela vous aurait fait plaisir de participer à la vie politique de votre commune.
Je voudrais vous remercier pour vos témoignages riches et vous dire que vous faites de la politique de par votre engagement : la politique, c'est finalement la vie dans la société. J'aurais deux questions. Vous avez beaucoup parlé d'information, regrettant qu'il n'y ait pas assez de communication sur le service civique. À quel moment pensez-vous que cette communication doit se faire et par qui pour qu'elle vous atteigne ? Vous êtes les meilleurs ambassadeurs du service civique mais vous avez tous et toutes pointé un manque d'information. À votre avis, comment doit se faire cette communication ?
En ce qui concerne vos engagements, le service civique a-t-il changé votre future trajectoire professionnelle ? Cela vous a-t-il ouvert des portes sur des métiers que vous n'appréhendiez pas et dans lesquels vous n'aviez pas envisagé de vous investir plus tard ?
Concernant nos projets d'avenir, j'avais fait des études de commerce et cela ne me plaisait pas. Le service civique m'a fait découvrir le métier de la relation avec les personnes âgées et en situation de handicap. Cela me donne envie de continuer dans ce domaine et - pourquoi pas - d'entamer une autre formation.
En ce qui concerne la communication, j'ai vu une initiative qui m'avait beaucoup plu venant du Sénat. Vous aviez diffusé des streams Twitch sur Public Sénat. Je trouve que c'est une bonne façon d'intéresser les jeunes, à travers des analystes comme Jean Massiet, qui nous permettent d'accéder aux clés pour comprendre la politique. Ce genre de démarche est intéressant et c'est personnellement par ce biais d'actions se rapprochant plus de nos codes que je me suis intéressé à la politique.
Je suis d'accord avec l'idée d'utiliser les réseaux sociaux et de parler du service civique à l'école. Je pense qu'il faut commencer à partir du moment où il est question de l'orientation, donc en troisième. Or je n'en ai jamais entendu parler.
Je pense que la communication autour du service civique peut se faire en deux temps : une partie communication dans les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d'enseignement supérieur. Mais il faut aussi une revalorisation du service civique. Il serait bon que l'employeur ne soit pas étonné de voir qu'on a fait un service civique et s'intéresse à la nature de notre mission. Il y a énormément de services civiques. Pour moi, la communication va de pair avec la revalorisation : communiquer sur le service civique sans le valoriser, cela ne changera rien. Les jeunes seront au courant mais personne n'aura envie de s'engager car il n'est pas assez revalorisé.
Je voulais revenir sur la communication à propos du service civique : je ne connaissais pas du tout le service civique et je pensais que le service civique, c'était Unis-Cité. J'assume mon ignorance. Aller voir les jeunes et leur parler du service civique et de ce qu'il permet de faire serait idéal. C'est aussi un vecteur de mixité, qui permet d'apprendre les uns des autres.
Il y a eu une question sur notre engagement dans des conseils de jeunes. Moi, personnellement, je ne l'ai pas fait. J'ai cependant déjà travaillé dans des mairies, dans la mairie d'une ville de gauche mélangeant quartiers populaires et populations plus favorisées, ce système avait été proposé et cela avait été un fiasco. Pourtant je trouve que c'est un vrai moyen de permettre aux jeunes de prendre part à la vie municipale. Il faudrait que les jeunes sachent l'impact qu'ils peuvent avoir. J'adore aller chercher l'information, mais je n'ai pas l'impression qu'on s'intéresse à moi.
Pour revenir sur les effets concrets du vote, j'entendais tout à l'heure que vous ne voyiez pas trop l'intérêt de mettre le bulletin dans l'urne. Mais peut-être devriez-vous considérer le vote comme un acte final : en réalité, c'est l'aboutissement d'une réflexion, d'un engagement. Rien n'empêche un jeune de s'engager dans un parti politique. Même si l'on ne trouve pas « chaussure à son pied » parmi les candidats, on peut en exprimant son suffrage essayer de faire porter sa voix.
Certains d'entre vous sont-ils engagés dans un parti, et pour quelles raisons ?
Ce n'est pas que cela ne m'intéresse pas, mais je me suis sentie plus à l'aise en service civique, en aidant directement les personnes et en étant en contact direct avec les gens. L'année dernière, j'ai privilégié le court terme et donc j'ai choisi de m'engager dans le service civique plutôt qu'à plus long terme, dans un parti politique. Je pense que c'est par ignorance : que fait-on dans un parti, de quoi on parle, comment cela se passe, combien il y a de personnes, qui fait quoi...
L'ignorance est la phase transitoire avant la connaissance... La meilleure manière est de pousser la porte pour aller voir ce qui s'y passe.
Je remercie tous nos interlocuteurs. J'aurais souhaité vous poser une question sur l'engagement et sa valorisation dans notre société. Vous l'avez dit - je l'ai constaté aussi - beaucoup de jeunes sont associés à la vie démocratique par certains aspects (démocratie scolaire, démocratie participative, associations), mais notre système rend assez peu justice à cet engagement, sauf de manière marginale, pour certains examens à l'université où il est tenu compte de cet engagement. Pensez-vous qu'il faudrait davantage valoriser cet engagement ou est-ce qu'au contraire, vous trouvez qu'il doit s'agir d'un geste gratuit, d'un don de vous-même à la société, qui de ce fait ne doit pas de gratification ?
C'est un geste gratuit dans le sens où rien ne nous y oblige, nous faisons don de nous-mêmes et de notre temps. Il n'empêche que c'est un acte qui doit être fortement valorisé car c'est avec tous ces différents engagements que l'on peut faire bouger les mentalités et que nous nous faisons grandir les uns les autres. Je trouve dommage que ce soit uniquement dans certains cas très précis que l'engagement est valorisé.
Merci beaucoup pour votre participation et vos témoignages.
- Présidence de M. Stéphane Piednoir, président -
Mes chers collègues, nous poursuivons nos travaux sur le service civique. Après l'échange fructueux que nous venons d'avoir avec des volontaires du service civique accompagnés par l'association Unis-Cité, qui nous a permis de partager des témoignages éclairants, nous allons entendre Marie Trellu-Kane, présidente d'Unis-Cité, dont l'engagement pionnier a contribué à la création du service civique, il y a maintenant douze ans.
Je rappelle à votre attention que cette audition donnera lieu à un compte rendu écrit qui sera annexé à notre rapport et que sa captation vidéo permet de la suivre en ce moment même sur le site Internet du Sénat. Cet enregistrement sera disponible par la suite en vidéo à la demande.
Cette audition s'inscrit dans un cycle de réunions dédiées au service civique : nous accueillerons demain Béatrice Angrand, présidente de l'Agence du service civique ainsi que David Knecht son directeur général. En mars, nous entendrons Martin Hirsch, qui fut lui aussi un acteur de la création du service civique, et qui poursuit cette implication au sein de l'Institut de l'engagement qu'il préside.
Par ailleurs, notre mission a mis en place, il y a une dizaine de jours une consultation d'élus locaux sur le site du Sénat, dont plusieurs questions portent sur le service civique. Le premier bilan des quelque mille trois cent réponses reçues à ce jour est instructif. Je dois vous signaler, Madame Trellu-Kane, que l'un des répondants nous a tout particulièrement signalé l'importance de structures de suivi comme Unis-Cité et la qualité de l'encadrement vous offrez.
Cette consultation est complétée depuis hier soir par un appel à témoignages de jeunes sur le service civique sur les réseaux sociaux, dont les résultats alimenteront notre rapport qui sera rendu en juin.
Le rapporteur Henri Cabanel va vous poser quelques questions pour vous préciser les attentes de la mission d'information, puis je vous donnerai la parole et nous aurons un temps d'échanges avec les sénateurs présents dans cette salle ou connectés à distance.
Madame la présidente, la question du service civique est centrale pour notre mission d'information, qui s'intéresse de très près aux ressorts de l'engagement citoyen, dont le service civique peut donner le goût à notre jeunesse.
J'ai donc beaucoup de questions à vous poser. Si toutes ces questions ne peuvent être abordées ce soir faute de temps, peut-être pourriez-vous nous adresser par la suite des éléments écrits pour nourrir notre réflexion.
Pouvez-vous tout d'abord nous préciser le profil des jeunes que vous accompagnez (origine géographique, niveau d'études, etc.) ?
Existe-t-il à votre connaissance un profil type du volontaire accueilli par Unis-Cité par rapport aux autres volontaires du service civique ?
Le profil des jeunes filles effectuant un service civique présente-t-il selon votre expérience des spécificités par rapport à celui de leurs homologues masculins ?
Comment Unis-Cité assure-t-elle la formation citoyenne de deux jours que doivent suivre les volontaires du service civique ? Qui est en charge de cette formation et comment se déroule-t-elle ? Quel en est le contenu ?
Comment Unis-Cité travaille-t-elle avec l'Agence du service civique, dont nous entendons la présidente demain, et avec l'Institut de l'engagement créé par Martin Hirsch, dont l'audition est prévue dans quelques semaines ?
Disposez-vous d'études sur les raisons poussant les jeunes à s'inscrire en service civique ? Sur le taux de satisfaction des volontaires après ce service ? Percevez-vous à cet égard des différences selon le territoire d'origine (grande métropole, territoire rural, etc.) ?
Un suivi des jeunes est-il assuré après le service civique par Unis-Cité ? Quel en est le bilan en termes d'insertion socio-professionnelle et d'engagement citoyen ?
Le plan de relance a prévu la création de cent mille nouvelles missions en 2020-2021, en plus des cent quarante mille missions annuelles. Quelles en ont été les conséquences pour Unis-Cité ?
Quels sont les défis que doit désormais selon vous relever le service civique ? En particulier, y a-t-il des jeunes que vous n'arrivez pas à toucher ?
Selon les réponses reçues par notre mission sur la plateforme de consultation des élus locaux, la question de la mobilité des jeunes issus des territoires ruraux est présentée à de multiples reprises comme un frein pour leur accès au service civique. Avez-vous des pistes pour évoluer sur ce point ?
De nombreuses réponses d'élus locaux font état de difficultés d'ordre administratif et de la nécessité de simplifier les démarches s'imposant aux organismes d'accueil. Qu'en pensez-vous ? Comment concilier cette exigence de simplification et la nécessité de prévoir un cadre rigoureux, dans l'intérêt des jeunes ?
Enfin quel regard portez-vous sur l'articulation entre le service civique et le service national universel (SNU) ?
Unis-Cité a été conçue comme un laboratoire de ce que pourrait être à l'époque, dans les années 1990, un nouveau service national qui soit plus civil que militaire, et qui inclurait tous les jeunes dans un même esprit de diversité. Nos objectifs étaient dont très similaires à ceux assignés aujourd'hui au service national universel (SNU), à savoir créer une étape dans la vie des jeunes qui soit une étape de mixité et de service à la collectivité, où l'on apprend en donnant de soi aux autres. Notre vision fondatrice, qui explique qu'après vingt-cinq ans je sois encore là, c'est que cette étape manque cruellement à notre éducation. Il faudrait que tous les jeunes du monde consacrent une année dans leur vie aux autres, à la société, et à apprendre par l'action citoyenne concrète sur le terrain et par l'expérience de mixité sociale. C'est notre credo et notre motivation. Unis-Cité a été construite comme un laboratoire et une vitrine de cette idée. Unis-Cité n'est pour moi qu'un outil au service d'un service civique universel, intelligent et bien construit, qui changera la société.
S'agissant du profil, je vous ai apporté une ancienne étude sur la base d'un dispositif volontaire. En effet, nous ne sommes pas en mesure, en notre qualité d'acteur associatif, de rendre le service civique obligatoire. Nous sommes partis sur l'ambition, proche de celle du SNU, de constituer une étape de mixité et donc d'aller chercher les jeunes, dans leur diversité, pour y participer. Aujourd'hui dans Unis-Cité, nous avons - et c'est notre volonté - 38 % de jeunes qui n'ont pas le bac, 40 % de jeunes qui ont le bac ou bac+2, le reste ayant fait des études supérieures. Nous avons 19 % de jeunes mineurs en décrochage scolaire ayant quitté l'école avant d'avoir le bac. Environ 20 % des jeunes sont issus de quartiers prioritaires. Nous avons 6 % de jeunes en situation de handicap. Je ne pourrais pas dire que cela vient naturellement, car si nous laissions faire, nous aurions toujours le même profil de jeunes, en l'occurrence des jeunes filles voulant travailler dans le social et des jeunes garçons au chômage - c'est une vision caricaturale, mais qui rejoint partiellement les constats que nous faisons dans la mesure où nous recevons beaucoup de candidatures féminines pour les missions à caractère social et où, parmi les candidats masculins, un nombre important d'entre eux sont au chômage et issus des quartiers prioritaires. Pour éviter ce schéma stéréotypé, nous allons chercher la diversité : nous parvenons à attirer des jeunes filles et des jeunes garçons des quartiers ; nous avons également des jeunes qui ne veulent pas du tout travailler dans le secteur social, qui sont plutôt en questionnement ou en pause dans leurs études supérieures de très haut niveau et qui s'interrogent sur leur place dans la société. La jeunesse dans sa diversité peut donc être intéressée par le service civique, si tant est que nous allions la chercher.
Les jeunes ont besoin de voir le fruit concret de leur engagement, ils ont besoin d'en voir le résultat et ils ont besoin d'un dispositif gagnant-gagnant. Le service civique fonctionne, car les jeunes qui y participent donnent une année de leur vie, mais ils gagnent 580 euros par mois (même si ce n'est pas suffisant selon certains) et une expérience de huit mois qui a de la valeur sur un CV. Ce ne sont pas des jeunes qui ont réussi scolairement qui font un service civique, mais des jeunes dans la diversité, voire majoritairement des jeunes qui ont des difficultés. Cela les amène à s'engager davantage, à voter, à s'intéresser à la chose publique, si ce n'est à la politique. Nous nous interrogeons également pour savoir, d'une part, si le service civique contribue à l'insertion professionnelle et aide les jeunes ayant décroché à rebondir, d'autre part, si ces jeunes aident la société. Nous avons mené ces deux niveaux d'évaluation : sur le premier niveau, le résultat est très convaincant puisque 82 % des jeunes se trouvent, après Unis-Cité, en emploi ou en formation qualifiante choisie, ce qui constitue un meilleur résultat que beaucoup de dispositifs d'insertion. L'année de service civique constitue dès lors une occasion de réflexion des jeunes sur leur avenir professionnel ; un service civique obligatoire après le baccalauréat pourrait également avoir des effets en matière d'amélioration de l'orientation des jeunes. Le service civique n'est pas un dispositif d'insertion mais il est très efficace en effet secondaire induit, car il met les jeunes en situation d'être fiers d'agir concrètement et de produire un service à la société. Le service civique apporte la fierté d'avoir été utile, une confiance en soi, et c'est vrai pour tous les jeunes, quels que soient les milieux et les niveaux d'études. Ceci vaut à la fois pour des jeunes ayant accompli cinq années d'études supérieures et pour des jeunes dont l'estime d'eux-mêmes a été cassée par le système éducatif. Ils développent aussi des compétences transversales, notamment quand ils travaillent en équipe, car vous aurez compris que le modèle qu'Unis-Cité essaie de promouvoir est un service civique collectif pour que ce soit vraiment une expérience de mixité, ce qui était la promesse faite par la loi. C'est aussi la promesse que nous cherchons par le service national en général. Je pense que le service civique devrait être sur deux pieds : une année d'action concrète pour la société, pour les autres, et une expérience de mixité sociale. Les compétences transversales que j'ai évoquées précédemment sont par ailleurs des compétences que les entreprises recherchent. Au-delà d'être un engagement citoyen, le service civique constitue aussi un tournant dans la vie de beaucoup de jeunes.
Le taux de satisfaction se situe à 98 % et il est également très bon dans le service civique au-delà d'Unis-Cité malgré les quelques dérives qui existent à la marge. Dans les évaluations que nous avons pu mener au-delà de l'impact sur l'emploi, il y a l'impact sur la participation citoyenne post-service civique. Nos données sont moins rigoureuses scientifiquement sur ce sujet car il s'agit surtout de déclaratif, mais un jeune sur deux (qui ne s'engageait pas du tout, ne s'intéressait pas aux acteurs associatifs et encore moins aux politiques) continue à s'engager après le service. Plus de la moitié aussi déclare vouloir s'inscrire sur les listes électorales. Les formations civiques et citoyennes que nous expérimentons chez Unis-Cité, nous n'en faisons pas deux jours, mais neuf, pour un service civique de huit mois. Nous consacrons par ailleurs environ six jours à la préparation au projet d'avenir du jeune.
Quand nous avons créé Unis-Cité, cette préparation était encore plus dense, avec un jour consacré par semaine. Nous avons dû élaguer le modèle pour qu'il soit moins exigeant. Il est prévu dans la loi que les jeunes aient le droit à une formation civique et citoyenne de deux jours au moins, à un accompagnement à un projet d'avenir (le nombre de jours n'est pas précisé par la loi) et à un tutorat et un encadrement. Unis-Cité a réduit le temps dédié à la formation citoyenne mais a conservé une formation de neuf jours, car nous considérons que deux jours ne sont pas suffisants. Nous avons quatre grands thèmes qui sont : les institutions de la République française et européennes (à quoi sert le maire, le député, etc.), avec des rencontres avec des élus, voire des simulations ; la transition écologique au quotidien avec les éco-gestes (comment je peux agir à mon niveau) ; les luttes contre les discriminations liées au handicap, au genre, etc. ; les conduites à risques en termes de santé. En parallèle, nous avons des temps dédiés à l'accompagnement au projet d'avenir qui sont des visites d'entreprise et des « tremplins », durant lesquels des acteurs du monde professionnels écoutent un jeune parler de son service civique, de ce qu'il a appris et de son projet professionnel, et lui posent des questions. Ces échanges leur permettent de développer leurs compétences en communication et de clarifier leur projet.
Concernant les missions confiées aux volontaires du service civique dans le cadre d'Unis-Cité, nous en proposons aujourd'hui deux grands types. D'une part, nous avons une partie d'Unis-Cité qui nous sert de vitrine avec tous les jeunes que vous avez vus, sur des missions conçues avec les collectivités (maires, présidents d'agglomération, départements) en fonction des besoins du territoire. Pour ces missions, le financement d'une partie de l'encadrement et des journées de formation est réalisé par l'État pour un cinquième du coût total, le reste étant financé par les collectivités locales, voire par des mécénats d'entreprise.
Certaines autres missions sont conçues sur de grands problèmes de société comme l'isolement des personnes âgées (deux millions de personnes âgées isolées), pour lesquels nous montons des partenariats avec les ministères (le ministère délégué à l'autonomie, les caisses de retraite AGIRC-ARCO, etc.). Certains de nos jeunes participent à ces missions et nous essayons d'inspirer d'autres acteurs pour qu'ils développent leurs propres capacités d'accueil. Les missions d'Unis-Cité sont donc soit construites sur du local en sur mesure, soit sur de grandes causes, avec l'espoir d'inspirer d'autres structures. Il s'agit de montrer que si les jeunes ne peuvent pas remplacer le personnel dans les EHPAD, ils y amènent de la vie, de la jeunesse, de la remise en question, un soutien, un bol d'air ! Nous le prouvons avec des jeunes que nous encadrons et les établissements osent les accueillir parce que nous les soutenons. Notre ambition serait que les établissements demandent ensuite leur agrément et accueillent les jeunes directement.
Au-delà d'être un acteur de la société civile, nous sommes un partenaire privilégié de l'administration, donc de l'Agence du service civique, ce qui constitue la seconde partie de l'activité d'Unis-Cité. Il avait été envisagé à une époque que nous en soyons membre fondateur, mais c'était trop compliqué. Nous ne sommes donc pas membre du groupement d'intérêt public (GIP). J'avais recommandé que l'agence soit un GIP et que les collectivités locales, les associations, les entreprises et les jeunes puissent y être représentés. C'est bien un GIP, mais il est géré comme une administration, sans que la société civile y soit représentée de manière adéquate. Nous sommes parvenus à la mise en place d'un conseil stratégique, qui n'est cependant que consultatif. L'administration reprend le dessus, ce qui est dommage car je pense qu'il s'agit d'un dispositif qui ne pourra se développer qu'avec les collectivités territoriales, les élus locaux, les acteurs de la société civile et les jeunes. Le dispositif est devenu trop administratif, il faut simplifier les choses. Il est vrai qu'il peut y avoir des dérives à la marge, mais parfois elles sont inconscientes, parce que certaines structures n'ont pas compris que le service civique n'est pas d'un emploi aidé et se distingue des emplois jeunes qui ont existé à une époque. L'agence, qui est un peu procédurière, a tendance à mettre du temps à délivrer les agréments car elle a besoin de contrôler les demandeurs, ce qui est légitime. Je pense qu'il faudrait cadrer davantage plutôt que contrôler. Pour être précise, il faudrait par exemple changer deux éléments dans la règle des missions collectives. Premièrement, il faudrait que ces missions soient forcément confiées à deux volontaires au moins - le collectif commence à deux. Il est plus difficile de « remplacer un emploi » avec une mission collective car il ne peut s'agir d'un emploi déguisé, les deux services civiques étant responsables de la mission. En outre, une mission collective permet d'être plus inclusif pour les jeunes en situation de handicap ou qui n'ont pas du tout confiance en eux. Enfin, les jeunes sont plus autonomes lorsqu'ils travaillent par équipe, car ils réfléchissent ensemble avant d'interroger leur responsable. Deuxièmement, il faudrait cinq ou six journées de formation citoyenne et non deux. Cela marque la différence avec un emploi aidé et pourrait contribuer à limiter le risque de dérive.
En ce qui concerne les difficultés administratives, l'agence connaît en effet des délais très longs en ce moment (cela peut aller jusqu'à huit mois), alors que nous voulions faire cent mille missions en plus en six mois. Je pense qu'une telle cible est possible car lorsque nous voyons les expériences de service civique réussi dans les écoles, les EHPAD et les hôpitaux, si nous généralisions le service civique à toute la France, nous aurions de quoi occuper une classe d'âge, j'en suis absolument persuadée. La question de la durée en revanche est majeure car les jeunes sont d'autant mieux acceptés par les structures qui les accueillent qu'ils restent longtemps. En dessous de huit mois, les structures sont plus réticentes à accueillir les jeunes car il faut le temps de les former avant qu'ils soient « efficaces ». L'expérience de toutes ces années me fait dire qu'il faut rester sur une moyenne de huit mois budgétairement, tout en permettant des durées de six à douze mois. Faute d'une telle souplesse, le service civique ne sera pas gagnant-gagnant pour les structures. En revanche, pour développer le service civique, il faut par ailleurs réduire les délais d'agrément ou d'avenant pour accueillir plus de jeunes. L'une des options que nous avons expérimentées, que je recommande vivement et qu'Unis-Cité opère, c'est l'intermédiation, à savoir qu'Unis-Cité prend sur elle juridiquement de mettre à disposition des jeunes auprès de structures n'ayant pas d'agrément (comme une petite mairie ou une collectivité qui expérimente le dispositif). Cette procédure est très efficace et elle facilite le déploiement du dispositif et sa montée en charge. Il y a une espèce de co-encadrement entre la structure accueillante et Unis-Cité. Cette intermédiation permet de massifier. J'avais suggéré que l'agence s'appuie sur quelques acteurs importants, ayant la capacité de porter le service et qui sont contrôlés, afin de démultiplier le nombre de jeunes accompagnés par le dispositif. L'agence a mis du temps à se décider (au moins six mois) et maintenant, il nous est dit que puisque nous n'avons pas atteint la cible de cent mille services civiques de plus, il n'est pas possible de le développer. Il a donc été décidé de faire appel à l'intermédiation d'une multitude d'opérateurs, ce qui était moyennement compréhensible en termes de compétences. Surtout, il reste de nombreuses contraintes administratives (par exemple, une structure agréée ne peut pas accueillir des jeunes « portés » juridiquement par une structure d'intermédiation), raison pour lesquelles nous n'avons pas atteint les cent mille services civiques en plus. Mon message n'est pas de critiquer mais de dire qu'il est possible de développer le service civique plus massivement, en simplifiant et en s'appuyant sur de gros acteurs d'intermédiation qui seront, quant à eux, contrôlés. Il faudrait par ailleurs s'inscrire dans une démarche de recommandation plutôt que d'interdiction. Enfin il faut accélérer l'instruction des demandes d'agrément.
Nous avons une relation respectueuse avec l'Agence du service civique. Unis-Cité assure avec la Ligue de l'enseignement, dans le cadre d'un marché public, la formation de tous les organismes d'accueil et des tuteurs, qui est censée être obligatoire mais qui ne l'est pas complètement. De la même manière, quand il y a eu cette annonce de cent mille services civiques supplémentaires, nous avons proposé à l'agence, si les services déconcentrés de l'État n'étaient pas en mesure de faire de la communication et de l'accompagnement de terrain, de prendre en charge cet accompagnement. Unis-Cité assure donc, en partenariat avec la Ligue de l'enseignement, l'animation territoriale des pôles d'appui au développement du service civique dans les territoires où le service civique est trop peu développé. Ce sont plusieurs exemples de relations formelles avec l'agence, avec laquelle nous travaillons toujours en bonne intelligence.
Les territoires ont été choisis en fonction du taux de pénétration (le développement du service civique par rapport à la population jeune du territoire). La question rurale est majeure. Unis-Cité a développé des programmes spéciaux avec des budgets spéciaux pour intervenir en milieu rural car il y a une très forte demande des maires ruraux - nous avons à ce titre un partenariat avec l'Association des maires ruraux, qui a de nombreux projets auxquels les jeunes pourraient participer, mais qui est confrontée à des difficultés pour trouver des jeunes. Certains jeunes en milieu rural se trouvent dans la même situation de désoeuvrement scolaire, de santé, que dans les quartiers, sauf que personne ne les voit. Nous avons donc un vrai sujet car le dispositif du service civique est monolithique. Le financement est le même pour tous les jeunes, et il n'existe pas de financement de la mobilité par exemple. Nous avons réussi à développer le service civique dans certains territoires grâce à des fonds européens. Nous sommes contraints d'aller chercher des financements au niveau privé ou au niveau européen pour mettre en place ces services civiques dans les territoires ruraux, où l'encadrement manque et où la mobilité est un vrai enjeu. Il faudrait des financements ad hoc pour développer le service civique en milieu rural, pour la mobilité des jeunes (des villes vers le milieu rural et vice-versa).
Par rapport au repérage de ces jeunes en milieu rural, l'un d'eux a dit tout à l'heure qu'il avait connu l'existence du service civique par la mission locale. Il est important de travailler avec les missions locales. Au-delà de la problématique de la mobilité dans les territoires ruraux, il y a quand même une volonté et une forte demande d'élus ruraux, qui seraient peut-être aussi en capacité d'organiser des services civiques.
Oui. Un ami a monté le dispositif InSite, qui se consacre à la mobilisation de jeunes en service civique en milieu rural, mais il est à ce jour très peu développé (dix jeunes). Les besoins en termes de mission sont énormes, et les jeunes qui pourraient sortir de leur déserrance grâce au service civique sont nombreux aussi. Il faut cependant pour cela effectuer un travail de précision avec les pôles d'appui. Nous avons mis en place avec l'Agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCT) des « kiosques » d'information dans les quartiers prioritaires pour inciter les jeunes à s'engager. Nous avons également mis en place des kiosques dans des territoires ruraux pour aller parler aux jeunes et trouver des structures pour les accueillir. Unis-Cité ne peut pas tous les accueillir ! Nous oeuvrons donc pour inciter les structures à accueillir ces jeunes et à lever les a priori. Les jeunes des quartiers prioritaires, même s'ils veulent s'engager, trouvent en effet souvent porte close. Nous effectuons donc cette médiation, par le biais souvent d'anciens volontaires du service civique qui vont vers les structures et les jeunes. Cela fonctionne très bien. Une fois que les jeunes sont sortis du quartier et se sont engagés pour faire quelque chose d'utile pendant huit mois, ils ne vont pas retourner à des comportements déviants au regard de la loi.
Ces actions sont parallèles au service civique, c'est Unis-Cité qui les monte avec d'autres financeurs (région, fond social européen, politique de la ville, etc.), mais elles ne sont pas systématiques, ce qui est regrettable.
Concernant le SNU, toutes les expériences à l'international s'appuient sur une durée de six à vingt-quatre mois. À mes yeux, un service qui dure un mois n'est pas un service national car un mois ne suffit pas pour rendre service à la nation. L'expérience de terrain me fait même dire qu'il faudrait plutôt huit mois au minimum. En deçà de cette durée, nous ne serons pas en mesure de trouver des structures souhaitant accueillir les jeunes pendant cette période. Ce qui fonctionne avec le service civique, c'est de mettre les jeunes en position d'être acteurs, de se sentir utiles à la société. Il faut le généraliser et le compléter - et cela pourrait être ça, le SNU - d'un parcours consistant, depuis la maternelle jusqu'au lycée, d'éducation à la défense, à la citoyenneté, au respect des valeurs républicaines. À cet égard, ce qui est enseigné à l'école est insuffisant et ne sera pas remplacé par une formation d'une ou deux semaines. Il faudrait faire évoluer le projet de SNU pour prévoir un temps d'éducation, mais en commençant plus tôt et en l'étalant dans le temps pour que cela ait plus d'impact en termes éducatifs. Il faudrait ensuite généraliser le service civique. Je ne dis pas de le rendre obligatoire, car cela soulève de nombreux obstacles. Une option serait de rendre le service civique universel, sans pour autant le rendre obligatoire, en le prescrivant de manière assez systématique après le bac, et en incitant tout de suite les jeunes qui décrochent avant le bac à s'engager en service civique. Certains jeunes arrêtent l'école à 16 ans. Tant qu'ils sont à l'école, le système les connaît, mais après on les perd de vue. Il faudrait donc tout de suite leur trouver une mission, une structure qui les accueille en service civique, pour leur permettre de rebondir. Nous avons mis en place un programme spécifique pour les mineurs décrocheurs, qui s'appelle booster, dans lequel l'accompagnement est plus dense, avec de la remise à niveau, éventuellement dans des lycées avec des professeurs de français et de mathématiques. Un jeune sur deux reprend le lycée par la suite. Nous avons un système qui fonctionne avec le service civique. Il faudrait peut-être l'améliorer pour éviter les dérives, puis le systématiser pour donner un second souffle à des enfants qui ne sont plus motivés par l'école. Pour les enfants qui n'ont pas de difficulté scolaire, la généralisation d'une année de service civique après le baccalauréat permettrait d'améliorer sensiblement l'orientation. Il faudrait donc généraliser le service civique ; le SNU utile serait celui qui comprendrait un parcours d'éducation renforcé dès le plus jeune âge et un service civique universalisé.
Vous avez répondu à plusieurs questions que je me posais du fait des remarques qui nous ont été adressées par des élus locaux sur la plateforme du Sénat, concernant notamment la durée, la nécessité de davantage communiquer. Plusieurs élus locaux suggèrent de rendre le service civique plus attractif avec une rémunération plus élevée, de valoriser les acquis des volontaires pour une meilleure intégration professionnelle à l'issue du service, d'autoriser la mutualisation des volontaires par les petites communes.
Merci à vous. Nous vous avons remis des éléments d'information qui répondent à certaines questions, dont notamment une étude d'impact sur le retour financier du dispositif (combien rapporte à la société chaque euro investi par l'État dans le service civique).
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.