Commission des affaires européennes

Réunion du 6 juillet 2016 à 17h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • russie
  • slovaque
  • slovaquie

La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Nous vous remercions d'avoir répondu à notre invitation. C'est un rendez-vous habituel que nous avons avec l'ambassadeur à Paris du pays qui prend la présidence de l'Union européenne.

C'est le tour de la Slovaquie et nous vous souhaitons un plein succès dans cette passionnante mais difficile mission. Votre présidence débute quelques jours après le référendum britannique. C'est un choc pour la cohésion européenne. Nous attendons la notification par le Royaume-Uni de sa décision de se retirer. Mais les signaux sont plutôt orientés vers une temporisation. On entend même que cette notification pourrait ne pas être faite avant la fin de l'année. Comment votre présidence entend-elle gérer cette situation inédite ?

Ce contexte particulier met aussi en évidence le besoin d'initiatives pour remettre le projet européen sur les rails et le rendre à nouveau compréhensible par les peuples. Un Conseil européen doit se tenir le 16 septembre. Comment votre présidence se positionnera dans ce débat très important ?

Sachez que le Sénat entend lui-même être actif à la fois pour assurer un suivi du processus de retrait du Royaume-Uni et pour être force de propositions en vue d'une relance européenne. Nous mettrons en place à cette fin dans les prochains jours un groupe de suivi commun avec la commission des affaires étrangères.

Votre présidence met par ailleurs en avant quatre priorités qui nous paraissent en phase avec les grands défis de l'heure : une Europe économiquement forte, un marché unique moderne, une politique soutenable en matière de migration et d'asile et une Europe pleinement engagée sur la scène mondiale.

Nous partageons par ailleurs votre volonté d'obtenir des résultats concrets, de prévenir la fragmentation et de mettre les citoyens au centre des préoccupations.

C'est avec un grand intérêt que nous entendrons vos explications sur tous ces points et sur la façon dont votre pays entend conduire sa présidence.

Vous avez la parole.

Debut de section - Permalien
Marek Estok, ambassadeur de Slovaquie

La Slovaquie préside pour la première fois l'Union européenne. C'est à la fois un plaisir et un honneur pour mon pays, tout entier mobilisé à cette occasion. À titre personnel, je peux ajouter que c'est aussi une chance pour ma génération qui a longtemps rêvé d'appartenir à l'Union, ce qui est maintenant le cas depuis 2004. Je sais que le président Larcher a parlé au téléphone il y a deux heures avec le président du parlement slovaque, et qu'ils se sont mis d'accord pour organiser une conférence soit à Bratislava, soit à Paris, avec les présidents de parlement de l'Union européenne sur l'état de celle-ci. Ayant moi-même travaillé plusieurs années au parlement slovaque, je connais l'importance de la diplomatie parlementaire.

Plusieurs réunions sont d'ores et déjà prévues à Bratislava dans le cadre de la présidence slovaque : la « petite » COSAC les 10 et 11 juillet prochains, une conférence sur la politique étrangère et de sécurité commune début septembre, et la COSAC plénière du 13 au 15 novembre.

Le programme de la présidence slovaque a été préparé dans le cadre de la troïka, avec les Pays-Bas et Malte. Nous sommes restés optimistes jusqu'à la dernière minute sur les résultats du référendum au Royaume-Uni, mais nous avons dû attendre le 30 juin pour publier notre programme de manière à intégrer le Brexit. Cette situation est en effet sans précédent et constitue un défi à relever pour mon pays lors de sa présidence. Un Conseil européen consacré à l'avenir de l'Europe est prévu à Bratislava le 16 septembre prochain. Nous n'en avons pas encore précisé l'ordre du jour car nous souhaitons qu'il puisse donner lieu à une réflexion libre. Je suis d'ailleurs très intéressé par vos propres réflexions sur ce sujet.

Il n'a pas été facile pour la Slovaquie d'organiser sa présidence car c'est un petit pays aux capacités administratives réduites. À ce titre, je tiens à remercier la France pour son soutien : votre pays a notamment mis un de ses experts à disposition de l'équipe présidentielle.

La présidence slovaque poursuit trois ambitions : renforcer la solidité de l'Union européenne ; accroître la confiance des citoyens dans l'Union ; et présenter des exemples positifs de la construction européenne pour les citoyens. Les Slovaques sont convaincus qu'il convient de poursuivre l'approfondissement de l'intégration européenne. Mon pays a adopté l'euro dès 2009 et contrôle les frontières extérieures de l'Union, en l'espèce avec l'Ukraine, dans le cadre de l'espace Schengen. Nous sommes très attachés à ces acquis après plusieurs décennies de régime communiste. Notre Premier ministre est venu à Paris le 22 juin dernier où il a rencontré le Président François Hollande et lui a présenté les priorités de notre pays pour l'Union européenne. Il a également discuté avec lui de la crise migratoire, des attaques terroristes, des séquelles de la crise économique et financière et de la situation du secteur laitier.

Je tiens à rappeler que les relations bilatérales sont excellentes, et cela dès la création de la République tchécoslovaque en 1918. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, 200 partisans français prisonniers de guerre se sont regroupés en Slovaquie où ils ont combattu les nazis. Le 1er janvier 1993, la France a été le premier pays européen à reconnaître le nouvel État slovaque. De même, la France a joué un rôle important dans la préparation de notre pays à l'adoption de la monnaie unique et à l'intégration dans l'espace Schengen. En décembre dernier, le groupe d'amitié de l'Assemblée nationale s'est rendu en Slovaquie. Ces différents exemples illustrent des relations franco-slovaques très amicales. Je rappelle également qu'en 2008, le Président Nicolas Sarkozy avait signé un partenariat stratégique avec la Slovaquie et que le Président François Hollande, au cours d'une visite officielle en octobre 2013, a signé le deuxième plan d'action, puis s'est de nouveau rendu dans mon pays en 2015 pendant la présidence slovaque du groupe de Viegrad. Les investissements directs français en Slovaquie s'élèvent à plus de 5 milliards d'euros et plus de 400 sociétés françaises sont présentes dans mon pays, dont Veolia, Vinci, Orange ou encore PSA-Citroën.

Je voudrais maintenant présenter chacune des quatre priorités de la présidence slovaque de l'Union européenne.

La première consiste en une Europe économiquement forte. Nous sommes persuadés que nous avons besoin de davantage d'investissements pour soutenir une croissance économique qui reste atone. C'est pourquoi nous soutenons le plan Juncker ainsi que la prolongation de la durée du Fonds européen d'investissement stratégique. Nous avons commencé les négociations avec le Parlement européen sur le budget de l'Union pour 2017. Nous devons aussi aborder le réexamen à mi-parcours du cadre financier pluriannuel 2014-2020. Nous devrons également travailler à réduire la fragmentation des marchés de capitaux, finaliser l'Union économique et monétaire, traiter le troisième pilier de l'Union bancaire, et avancer dans la lutte contre la fraude fiscale.

Notre deuxième priorité vise à moderniser le marché unique. Je rappelle que la Slovaquie dispose d'un marché extrêmement ouvert, peut-être le plus ouvert au sein de l'Union européenne. Nous allons mettre l'accent sur le numérique, favoriser la croissance et la création d'emplois. Pour ce qui concerne l'Union de l'énergie, nous considérons que trois objectifs doivent être atteints : la sécurité énergétique, l'efficacité énergétique et l'amélioration de l'approvisionnement en gaz. Je rappelle qu'au début 2009, la Slovaquie a été coupée pendant huit jours de l'approvisionnement en gaz en raison du conflit gazier entre la Russie et l'Ukraine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Pouvez-vous nous rappeler par où transitait ce gaz russe ?

Debut de section - Permalien
Marek Estok, ambassadeur de Slovaquie

Par l'Ukraine. Les sanctions contre la Russie ont indéniablement pénalisé l'économie slovaque. Pour autant, mon pays ne saurait soutenir le projet de Gazprom Nord Stream 2. Certes, nous savons que toutes les capacités de Nord Stream 1 ne sont pas encore utilisées. Mais le transit du gaz russe par l'Ukraine assure 80 % de nos besoins en gaz. Nous allons également chercher à obtenir la ratification de l'accord COP 21 d'ici la fin de l'année 2016, avant la tenue du sommet de la COP 22 au Maroc.

Notre troisième priorité a pour objectif de parvenir à une politique soutenable en matière de migration et d'asile. Dès demain, les ministres de l'intérieur de l'Union européenne, dont M. Bernard Cazeneuve, se réuniront de façon informelle à Bratislava pour en discuter. Sur ce sujet, la Slovaquie veut jouer le rôle d'« honnête intermédiaire », c'est-à-dire aider à trouver des compromis entre les positions en présence. Je tiens à saluer le premier succès de la présidence slovaque puisque le Parlement européen a adopté très récemment la décision sur la création d'un corps de garde-frontières européen. C'est une priorité forte de notre présidence et notre gouvernement a décidé que 50 policiers slovaques seront intégrés dans ce corps. Nous considérons que l'esprit de Schengen est l'une des plus grandes réussites de l'Union européenne. C'est pourquoi il est indispensable d'entreprendre des réformes nécessaires afin de conserver cet esprit. À cette fin, nous soutenons le concept de « frontières intelligentes » qui permet de mieux observer les flux migratoires, de contrôler les passeports et de disposer de données biométriques, l'objectif final étant de parvenir à une immigration contrôlée au lieu d'une immigration « sauvage ». Vous savez que le système commun d'asile européen présente des difficultés indéniables et, sur ce sujet aussi, la présidence slovaque va chercher à favoriser le dialogue et le compromis. Nous sommes favorables à une meilleure coopération avec les pays tiers, en particulier avec la Turquie que nous considérons comme un partenaire stratégique pour l'Union européenne. Pour autant, nous pensons aussi que l'adhésion de ce grand pays ne saurait être le prix de la solution à la crise migratoire. En effet, la Slovaquie a dû remplir de nombreuses conditions pour adhérer à l'Union européenne et considère que cette exigence doit s'imposer à tous les pays candidats.

Enfin, la dernière priorité de la présidence slovaque consiste à faire de l'Europe un acteur pleinement engagé sur la scène mondiale. L'Europe a besoin d'une politique étrangère et de sécurité commune qui soit active et fondée sur la stratégie globale de l'Union européenne. De même, nous attachons une grande importance à la réussite du sommet de l'OTAN qui se tiendra à Varsovie le 8 juillet prochain. Le renforcement de la politique étrangère et de sécurité commune sera fermement soutenu par mon pays qui visera également à avancer sur l'Agenda 2030 et à promouvoir le développement durable. Pour ce qui concerne le processus d'élargissement, nous considérons qu'il convient de donner une vision claire aux pays candidats ou intéressés par la perspective d'une adhésion. Nous nous réjouissons également que l'accord commercial avec le Canada, le CETA, ait reçu de la Commission européenne, qui a ainsi accepté la demande de plusieurs États membres dont la France, le statut d'accord mixte requérant une ratification à la fois par le Parlement européen et par les parlements nationaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Je tiens à rappeler la particularité de cet accord qui comporte deux parties : une première partie communautaire portant sur le cadre général des échanges commerciaux, qui est d'application directe au 1er janvier prochain et qui relève de la compétence exclusive de la Commission, et une seconde partie mixte, qui concerne des sujets importants mais de portée plus technique et sur laquelle les parlements nationaux sont invités à se prononcer, le processus de ratification pouvant toutefois durer des années. Je rappelle d'ailleurs que la ratification de l'accord commercial entre l'Union européenne et la Corée du Sud a duré quatre ans.

Debut de section - Permalien
Marek Estok, ambassadeur de Slovaquie

La Slovaquie aborde sa présidence de l'Union européenne dans un état d'esprit optimiste. Je vous présente le logo de notre présidence qui reprend les marques de l'orthographe slovaque et qui a été mis au point par un étudiant de 20 ans. La Slovaquie est un pays profondément européen qui veut laisser une marque positive au sein de l'Union européenne à l'issue de sa présidence semestrielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Ma première question aura trait aux rapports entre l'OTAN et l'Union européenne. Nous avons adopté au sein de cette commission puis au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées une proposition de résolution européenne sur l'avenir de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Nous y insistons sur la nécessité de renforcer le dialogue entre le Conseil européen et le secrétariat général de l'OTAN pour éviter les déclarations contradictoires et développer une approche commune des enjeux. Nous avons également été frappés avec certains de nos collègues, représentants du Sénat au sein de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, que plusieurs États membres, dont les pays baltes, considéraient que la Russie posait plus de difficultés que l'État islamique. J'aurais donc voulu avoir votre avis sur les relations entre l'OTAN et l'Union européenne.

Nous avons également adopté au Sénat une résolution sur les sanctions européennes contre la Russie. Elle a réuni 301 votes favorables et 16 oppositions. Nous appelons à une réévaluation de ces sanctions compte-tenu de l'application des accords de Minsk. Nous visons plus spécialement celles concernant les parlementaires, qu'il s'agisse des parlementaires russes qui ne peuvent plus se déplacer au sein de l'Union européenne ou des parlementaires issus des États membres de l'Union européenne, qui sont dans l'impossibilité de se rendre en Russie. Nous connaissons plus largement l'impact des sanctions sur l'économie de l'Union européenne : elles ont contribué à une baisse de 0,3 % du PIB en 2014 et 0,4 % en 2015 ainsi qu'à la suppression de 900 000 emplois... Je reviens de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE où j'ai relevé une même lassitude à l'égard des sanctions de la part de nos partenaires : un amendement sur le statut de la Crimée n'a pas recueilli la majorité des votants au sein d'une commission et une résolution sur la liberté de circulation des parlementaires a été adoptée en séance plénière. Il existe un véritable changement de ton que l'on a pourtant du mal à retrouver dans d'autres enceintes, à l'instar du Conseil européen. J'aurais voulu connaître, à cet égard, votre sentiment.

Ma dernière question porte sur le projet de gazoduc Nord Stream 2, d'autant que la structure actuelle ne tourne pas à plein régime. Je comprends les réserves de votre pays. Mais ne s'agit-il pas avant tout d'une question relevant des entreprises gestionnaires et non des États ?

Debut de section - Permalien
Marek Estok, ambassadeur de Slovaquie

La France a des parts dans l'entreprise ENGIE !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Je comprends votre position mais n'y a-t-il pas une prise en otage politique d'un projet avant tout économique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

S'agissant de son utilisation, les tuyaux peuvent se remplir demain...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

J'insisterai pour ma part sur la relance économique au sein de l'Union européenne, confrontée, notamment, à un manque de création d'emplois. Afin d'encourager l'investissement, un projet d'Union des marchés de capitaux a été lancé par la commission Juncker. 70 % des entreprises américaines sont financées par les marchés aux États-Unis contre 30 % au sein de l'Union européenne. Il s'agit essentiellement en Europe des grandes entreprises. Comment faire pour que les petites et moyennes entreprises accèdent à ces financements ?

Vous avez évoqué le Plan Juncker. 315 milliards d'euros doivent être dégagés sur trois ans en faveur de l'investissement. On constate cependant des difficultés dans la mise en oeuvre du Fonds européen d'investissements stratégiques, même si certains progrès ont été enregistrés en France. Je regrette cependant que les pouvoirs publics ne puissent avoir accès à ce Fonds en vue d'investir dans le numérique, en particulier en matière de fibre optique. Le Fonds semble réservé aux grosses entreprises.

Une précision sur ENGIE, Monsieur l'Ambassadeur. L'État n'est plus l'actionnaire majoritaire puisqu'il ne dispose que de 36 % de son capital.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Le Sénat s'est mobilisé pour intégrer le secteur agro-alimentaire dans la liste des cibles du Fonds européen d'investissements stratégiques. La Finlande et la Pologne ont également oeuvré en ce sens. Nous souhaitons aujourd'hui que les plateformes régionales qui ont été mises en place soient repensées afin de mieux prendre en compte les projets des petites et moyennes entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Les six mois qui viennent s'annoncent compliqués, notamment au plan financier. Il est important, à ce titre, que la présidence soit exercée par un pays membre de la zone euro afin de prendre en compte les conséquences économiques du Brexit. On voit déjà les difficultés de la Deutsche Bank ou des banques italiennes. Le Brexit devrait contribuer à approfondir l'Union économique et monétaire et l'Union bancaire.

Je suis choqué de la présentation que vous avez faite de la question migratoire. Il ne faut pas mélanger migration économique et demande d'asile politique. C'est une démarche populiste, elle est inacceptable. Il faut préciser que nous avons une obligation d'accueil des réfugiés politiques et que celle-ci répond aux valeurs fondamentales de l'Union européenne. Je suis d'autant plus choqué que je partage votre constat sur l'espace Schengen : celui-ci a explosé alors que le nombre de réfugiés présents sur le sol européen représente à peine un tiers de celui enregistré sur le seul territoire libanais.

Ce type d'amalgame risque finalement de détruire l'idée même d'élargissement, tant il confère aux pays qui le pratiquent l'image de pays ayant adhéré sans respecter totalement les valeurs de l'Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Je regrette la forme et les propos de notre collègue Leconte. Nous sommes heureux de vous accueillir ici. D'autant plus que nous nous sommes croisés à Strasbourg voici quelques années lorsque vous étiez représentant permanent de la Slovaquie auprès du Conseil de l'Europe. Vous étiez en poste entre 2002 et 2004 soit au moment de l'adhésion de votre pays à l'Union européenne, cet élargissement ayant constitué un des grands moments de l'histoire européenne.

En ce qui concerne le Brexit, il n'est pas exclu que la notification prévue à l'article 50 du Traité ne soit pas mise en oeuvre durant votre présidence. Une période d'incertitude vient de s'ouvrir, ce qui est toujours mauvais tant au plan politique qu'économique. Comment s'adapter à cette nouvelle situation ? Quelle peut-être l'action de la présidence dans ce contexte, marqué par les difficultés internes en Grande-Bretagne et ce changement de format de l'Union ? Celle-ci doit-elle raisonner à 27 ou à 28 ?

Pour en revenir à Strasbourg, celle-ci est reliée par le train à Bratislava via Vienne. L'ouverture d'un nouveau tunnel dans les Vosges va contribuer à raccourcir le temps de liaison...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Combien de temps faut-il pour relier les deux villes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Environ 6 heures. Des tronçons vont être modernisés dans les prochains mois en Allemagne et en Autriche pour réduire un peu plus cette durée.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Ma question portera sur le suivi de l'accord entre l'Union européenne et la Turquie du 18 mars dernier. Je reviens, avec une délégation de la mission commune d'information mise en place par le Sénat sur ce sujet, d'un déplacement en Turquie et en Grèce. Côté turc, les autorités attendent le versement des 3 milliards d'euros d'aide promise et sont peu satisfaits des 105 millions décaissés jusque-là. Elles souhaitent que les sommes soient versées à des associations turques, estimant que les ONG, vers qui sont orientés ces fonds, prélèvent entre 14 et 30 % au titre des frais de fonctionnement. La présidence slovaque de l'Union européenne va-t-elle demander des contrôles pour vérifier l'utilisation des fonds européens ?

Côté grec, les ONG mettent la pression sur le gouvernement afin qu'il prenne mieux en charge les réfugiés présents sur les îles. 2 500 mineurs non accompagnés y sont notamment recensés. Reste que nous connaissons tous les problèmes financiers rencontrés par la Grèce. Une aide financière européenne est-elle prévue ?

Debut de section - Permalien
Marek Estok, ambassadeur de Slovaquie

Je souhaite indiquer à M. Leconte qu'il s'agit d'un malentendu. Je n'ai jamais dit que la Slovaquie n'était pas solidaire et qu'elle ne faisait pas la distinction entre migrants économiques et réfugiés. Nous avons, de notre propre initiative, accueilli 200 chrétiens d'Orient en provenance de Syrie. Ils sont actuellement à l'Est du pays et tendent à s'intégrer, en dépit des différences linguistiques et culturelles. Nous avons également souhaité accueillir une centaine de migrants présents dans les îles grecques et considérés comme les plus vulnérables. Nous avons enfin recueilli 500 migrants réfugiés en Autriche afin de soulager la pression sur notre voisin. Ce que nous constatons c'est qu'il n'y a pas une grande volonté de la part des réfugiés de venir en Slovaquie. Nous apportons par ailleurs un soutien technique et humain en Grèce et en Italie, ainsi qu'aux frontières hongroise et macédonienne. Nous avons une grande tradition en ce qui concerne l'accueil des réfugiés politiques, puisque 10 000 Ukrainiens ont été accueillis dans notre pays depuis le début de la guerre dans leur pays. Nous mesurons plus que d'autres peuples la question de l'exil, puisque nombre de Tchécoslovaques ont choisi cette voie durant la période communiste, trouvant notamment refuge en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Je ne retrouve pas cette ambition à la lecture du document présentant les priorités de votre pays. Je réagis également aux propos de votre Premier ministre...

Debut de section - Permalien
Marek Estok, ambassadeur de Slovaquie

Je vous invite à les relire. Nous sommes parfaitement conscients des différences de statut, entre migrants économiques et réfugiés politiques pour l'avoir, je le répète, nous-mêmes expérimentées. Je souhaite que vous soyez associé au déplacement prévu en octobre du groupe d'amitié France-Slovaquie du Sénat à Bratislava. Vous saisirez peut-être mieux les efforts accomplis.

Je salue Mme Keller, que j'ai effectivement connue lorsqu'elle était maire de Strasbourg, capitale de l'Europe. La ligne à grande vitesse contribue en effet à rapprocher Paris, Strasbourg, Vienne, Bratislava et Budapest. Il faudrait l'inclure dans la liste des projets financés par le Fonds européen d'investissements stratégiques.

En ce qui concerne le Brexit, nous sommes effectivement dans l'attente. Les candidats au poste de Premier ministre ne souhaitent pas activer l'article 50 avant la fin de l'année. Le Premier ministre slovaque souhaite rencontrer les principaux acteurs de l'Union européenne dans les prochaines semaines. Une réunion à 27 sera par ailleurs organisée le 16 septembre.

Le Brexit nous incite effectivement à renforcer l'Union économique et monétaire. La Slovaquie est très attachée à la notion de gouvernement économique de la zone euro. L'euro reste un atout exceptionnel, quand bien même nous pouvons avoir un débat sur sa valeur.

Le Fonds européen d'investissements stratégiques doit être simplifié, c'est une évidence. Des crédits ne sont pas utilisés en raison de condition d'attribution trop complexes, bureaucratiques. Les entreprises slovaques rencontrent également ce type de difficultés.

Au sujet des relations OTAN-Union européenne, il ne faut pas perdre de vue que pour nombre de pays d'Europe centrale et orientale, l'OTAN est perçue comme une garantie de sécurité. Nous avons donc besoin d'une coopération approfondie entre l'OTAN et l'Union européenne.

S'agissant des sanctions à l'égard de la Russie, la Slovaquie est en première ligne puisque nous disposons d'une frontière commune avec l'Ukraine. Nous sommes solidaires de la décision prise par le Conseil au sujet des sanctions même si celles-ci ne peuvent durer éternellement. Il est indispensable que les accords dits de Minsk II soient appliqués et nous attendons beaucoup des négociations dans le cadre du format Normandie. Deux acteurs doivent oeuvrer en ce sens : la Russie et l'Ukraine.

Debut de section - Permalien
Marek Estok, ambassadeur de Slovaquie

Oui, même s'ils sont limités comme en témoignent l'utilisation d'armes lourdes sur le terrain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

En ce qui concerne l'État de droit en Ukraine, relevez-vous des améliorations ? Je pense en particulier à la lutte contre la corruption.

Debut de section - Permalien
Marek Estok, ambassadeur de Slovaquie

Notre ancien ministre des finances travaille avec le Premier ministre ukrainien sur cette question. L'Ukraine est notre plus grand voisin. Notre priorité va au rétablissement de la sécurité sur son territoire. Il convient aussi de travailler à une relance économique dans le pays. C'est le seul État issu du bloc soviétique a enregistrer une contraction continue de son PIB depuis les années quatre-vingt-dix. Le pays doit accomplir les réformes nécessaires et parfois douloureuses que nous avons nous-mêmes menées pour moderniser ses structures. Nous devons les aider en ce sens.

Au sujet de Nord Stream 2, je vous rappelle que 10 gouvernements ont manifesté leur opposition à un tel projet, qui va à l'encontre du projet d'Union de l'énergie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Permettez-moi d'avoir une approche différente. Au terme de ce projet, l'Allemagne est appelée à devenir le hub gazier du continent, à charge pour elle d'assurer la sécurité de l'approvisionnement. Passant par la mer Baltique et non plus par voie terrestre, le gaz devrait coûter moins cher qu'actuellement, les autres pays devraient donc en bénéficier. Il faut que l'Allemagne garantisse la transparence et la mutualisation des coûts.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Si l'Allemagne s'engageait en ce sens, la Slovaquie réviserait sa position ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Je constate que la Pologne, où une délégation de notre commission s'est rendue récemment, semble plus ouverte dès lors que des réponses sont apportées aux questions de sécurité de l'approvisionnement, de mutualisation et de transparence. Je reviens sur l'Union de l'énergie. Nous souhaitons qu'elle soit optimale. Le coût de l'énergie au sein de l'Union européenne est deux à trois fois plus cher qu'aux États-Unis...

Debut de section - Permalien
Marek Estok, ambassadeur de Slovaquie

La Slovaquie comme la France ont fait le choix du nucléaire. 55% de notre énergie est issue du nucléaire. Nous disposons de 4 réacteurs et en construisons deux nouveaux. Tout le système de commande est de conception franco-allemande, le coffrage étant russe.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Nous mesurons le poids de l'histoire dans les relations entre la Russie et votre pays. Nous avons connus trois guerres avec l'Allemagne. Cinq ans après la fin de la dernière, un français, Robert Schuman, a souhaité dépasser cet antagonisme et développer l'idée d'une Europe unie. Il manque peut-être un Robert Schuman à l'Est de l'Europe.

Debut de section - Permalien
Marek Estok, ambassadeur de Slovaquie

Nous n'avons pas les mêmes difficultés que la Pologne à l'égard de la Russie...

Pour répondre à Mme Jourda, nous avons comme je l'ai indiqué accueilli une centaine de migrants en provenance des îles grecques. Ce n'est qu'une réponse partielle à une situation dramatique. Je vais demander à la présidence de contrôler l'utilisation des fonds par les ONG. Si ces chiffres sont avérés, c'est inacceptable !

Pour conclure, je vous invite à ne pas hésiter à m'adresser vos demandes et me transmettre les documents que vous élaborez sur les politiques de l'Union européenne. Ils concourront à notre réflexion. Nous souhaitons, en tout état de cause, être optimistes...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Vous avez raison. Votre présidence n'en est qu'au septième jour...

La réunion est levée à 19 h 05.