Le rapport de Catherine Morin-Desailly relatif à la gouvernance numérique sera finalement présenté le 20 mars.
Pouvons-nous lever la réserve parlementaire sur deux textes ? Je sollicite votre avis. Le premier concerne la mise en place du Système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II), base de données informatique commune aux États participant aux accords de Schengen et destinée à échanger des informations de nature policière, douanière ou judiciaire. Les difficultés techniques que nous avions soulignées semblent levées ; les tests réalisés par les États membres sont concluants. La France a participé activement à la mise en place du nouveau système, qui succédera le 9 avril 2013 à l'ancien. Les données du SIS I seront transférées dans le SIS II au cours du mois de mars. Une période de transition d'un mois est prévue, pendant laquelle le SIS I continuera à fonctionner en parallèle. En cas de difficulté, un Etat membre pourra décider de revenir temporairement au SIS I. Les délais pour nous prononcer sont très courts. Le Gouvernement nous ayant indiqué sa satisfaction de voir aboutir les travaux sur SIS II, je crois que nous pouvons lever la réserve applicable à ces textes. Qu'en pensez-vous ?
Il en est ainsi décidé.
Nous sommes également saisis de trois autres textes, qui relèvent davantage des affaires courantes. D'abord, le texte E 7738 fixe des directives de négociation à la Commission en vue de conclure avec l'Islande, la Norvège et la Suisse des accords techniques concernant les procédures liées aux litiges en matière civile et commerciale. Le texte E 8051 concerne la mise sous contrôle au niveau européen d'un stimulant dérivé de l'amphétamine, utilisé parfois dans le cadre de la recherche scientifique, mais parfois aussi comme stupéfiant. Enfin, le texte E 8108 fixe la position de l'Union européenne au sein de la Commission économique pour l'Europe des Nations unies sur la mise à jour de règlements techniques concernant le commerce des véhicules à moteur. Là aussi, je crois que nous pouvons lever la réserve.
Il en est ainsi décidé.
Il y a un an et demi, nous avons mis en place un groupe subsidiarité, commission informelle que je préside, à laquelle participe un représentant de chaque groupe de notre commission. Il se réunit deux fois par mois pour étudier, du point de vue de la subsidiarité et non sur le fond, les textes soumis à notre commission. Nous avons huit semaines pour exercer ce contrôle et adopter par exemple des avis motivés, ou « cartons jaunes », comme nous l'avons fait pour le règlement Monti II relatif au droit de grève des travailleurs détachés. Lorsque plus d'un tiers des Parlements font de même, la Commission doit revoir sa copie. Dans le cas du règlement Monti II, elle l'a tout bonnement abandonnée.
Aujourd'hui, c'est sous l'angle de la subsidiarité que nous traitons du quatrième paquet ferroviaire. Nous aurons l'occasion, plus tard, de nous prononcer sur le fond. Chacun pourra alors exprimer sa sensibilité.
Le quatrième paquet ferroviaire est un sujet sensible. Il concerne l'ensemble du réseau ferroviaire français, mais aussi européen, sa gouvernance, son statut juridique et leurs conséquences sur le personnel. Ne confondons pas les débats : il s'agit maintenant de savoir si la Commission européenne est restée dans son périmètre de compétence. Il me semble qu'elle l'outrepasse sur deux points.
Le 30 janvier dernier, la Commission européenne a suivi le projet de quatrième paquet ferroviaire du commissaire aux transports, M. Siim Kallas. Cette expression désigne trois projets de règlements, trois projets de directives, une communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, trois rapports et neuf études d'impact, pour la plupart consacrées aux transports de passagers.
Le volet technique du quatrième paquet ne pose aucun problème de subsidiarité, ni de proportionnalité. Le principe de subsidiarité peut en revanche être invoqué dans deux cas : les limites à la création de structures intégrées ; les conditions mises à l'offre de services ferroviaires aux passagers hors des frontières nationales.
Traditionnellement, des monopoles nationaux géraient les infrastructures et faisaient rouler des trains. Depuis 1991, la distinction comptable est obligatoire, mais aucune séparation organique n'avait été imposée entre gestionnaire et opérateur. Dix ans plus tard, les fonctions essentielles du gestionnaire de l'infrastructure, c'est-à-dire au minimum l'attribution des sillons et leur tarification, ont dû être organiquement séparées des activités de transport. La France a créé Réseau ferré de France (RFF) dès 1997, surtout afin de reprendre la dette de la SNCF et de la reporter, au moins partiellement, sur les entreprises concurrentes via les redevances d'utilisation.
Selon la Commission, plus de la moitié des vingt-cinq États membres concernés ont institué une séparation institutionnelle totale entre gestionnaire de l'infrastructure et opérateur historique de transports. RFF et la SNCF ont des rôles clairement distincts, mais celle-ci intervient parfois comme maître-d'oeuvre délégué ou comme maître d'ouvrage délégué. L'Allemagne, elle, a constitué à partir de 1994 une société holding avec des filiales spécialisées : dans la nébuleuse chapeautée par la holding Deutsche Bahn, la filiale DB Netz gère les infrastructures, attribue les sillons et recueille les redevances pour usage des voies ferrées, DB Station&Service gère les gares de voyageurs, DB Fernverkehr (ex-DB Reise&Touristik) transporte les voyageurs sur les grandes lignes, DB Regio intervient pour les services voyageurs locaux ou régionaux, et Railon Deutschland (l'ancienne DB Cargo) pour le fret.
Face à l'hétérogénéité des solutions nationales, la Commission européenne a engagé des actions contentieuses auprès de la Cour de justice de l'Union européenne contre les États membres n'ayant pas opté pour une scission totale, les accusant d'avoir maintenu des liens d'intérêt prohibés entre gestionnaires de l'infrastructure et opérateurs historiques de transports. Leur principal résultat est que le ministre belge des entreprises publiques a annoncé le 9 janvier une scission totale entre son gestionnaire de réseau Infrabel et la Société nationale des chemins de fer belges (SNCB), dénommée en flamand Nationale Maatschappij der Belgische Spoorwegen (NMBS). À ce jour, les poursuites engagées par la Commission européenne n'ont pas abouti à des arrêts ; l'avis de l'avocat général tend à valider le modèle allemand.
En revanche, les autorités nationales de la concurrence se sont montrées plus sourcilleuses et sévères que les instances communautaires en matière d'obstacles mis à l'arrivée de nouveaux opérateurs. En matière de fret ferroviaire, l'Autorité française de la concurrence a infligé une amende record de 60,9 millions d'euros à la SNCF, alors que seuls des comportements individuels fautifs avaient été mis en évidence. De même, l'Autorité allemande de la concurrence a incriminé le système de tarification « TPS 1998 » en vigueur outre-Rhin, car la redevance de DB Regio était de 25 % à 40 % plus faible que celle acquittée par ses concurrents. Alors que l'ouverture à la concurrence est facultative pour le transport de passagers, l'Autorité italienne a infligé une amende de 300 000 euros à la holding Ferrovie dello stato dont les filiales Rete ferroviaria italiana et Trenitalia entravaient la venue d'un nouvel opérateur sur la très rentable ligne Milan-Turin.
Cela n'a nullement dissuadé M. Siim Kallas de vouloir imposer aux États membres une séparation organique absolue entre le gestionnaire de l'infrastructure ferroviaire et tout opérateur de transport. Que la France et l'Allemagne soient énergiquement intervenues pour éviter un système incompatible avec leur organisation nationale est un secret de polichinelle.
Le quatrième paquet tolère tout juste la structure en holding, sous réserve, selon le communiqué de la Commission, que des « murailles de Chine strictes » soient dressées pour « garantir la séparation juridique, financière et opérationnelle. Ces mesures comprennent notamment la mise en place d'organes décisionnels totalement distincts, pour prévenir les pratiques discriminatoires, des flux financiers séparés, des systèmes informatiques distincts pour éviter les fuites d'informations commerciales confidentielles, enfin, de stricts délais pour le transfert des personnels, de manière à éviter les conflits de loyauté ».
La Commission européenne veut en outre interdire toute délégation par le gestionnaire de réseau à un opérateur de transport relevant de la même entreprise intégrée que le gestionnaire. Il y a bien sûr là une allusion transparente à l'activité de maître-d'oeuvre délégué et de maître d'ouvrage délégué pratiquée par la SNCF pour le compte de RFF, que la Commission européenne a toujours eue dans son collimateur. Tous ces interdits et contraintes figurent dans les articles 7 bis à 7 quater que la Commission européenne souhaite ajouter à la directive 2012/34 du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen : tout se passe comme si l'on encadrait strictement une holding dont l'existence n'était concédée que du bout des lèvres.
L'alinéa 5 de la nouvelle mouture de l'article 7 interdit implicitement de créer de nouvelles sociétés holding après l'entrée en vigueur de la nouvelle directive. Seule sa première phrase est critiquable : « Si à la date d'entrée en vigueur de la présente directive, le gestionnaire de l'infrastructure appartient à une entreprise verticalement intégrée, les États membres peuvent décider de ne pas appliquer les paragraphes 2 à 4 du présent article ». En clair, une institution historique comme la SNCF serait sur le même plan que n'importe quel opérateur qui viendrait la concurrencer. Et la Commission européenne a précisé dans sa note du 30 janvier que « la création de nouvelles structures holding dans le secteur ferroviaire ne serait plus possible ». Rien ne justifie l'interdiction définitive de créer une nouvelle structure en holding. Ce serait contraire au principe de subsidiarité, parce qu'elle excède la mesure nécessaire pour atteindre le but fixé.
Les services nationaux de transport ferroviaire de voyageurs représentent actuellement 94 % des voyages par voie ferrée au sein de l'Union européenne. Dans leur quasi-totalité, ces déplacements se déroulent dans un cadre de service public, avec 90 % des déplacements de passagers dans l'Union, mais seulement 47 % des voyageurs-kilomètres en raison de la brièveté des parcours quotidiens.
Dans ce cadre, l'ouverture à la concurrence du transport de voyageurs à l'horizon 2019 pourrait passer par la proposition de services commerciaux concurrents ou par la participation à des appels d'offres. La disposition critiquable est la suivante : « A la demande d'un État membre ou de sa propre initiative, la Commission décide si les gestionnaires de l'infrastructure qui font partie d'une entreprise verticalement intégrée répondent aux exigences des articles 7 bis et 7 ter et si la mise en oeuvre de ces exigences est suffisante pour offrir des conditions de concurrence équitables à toutes les entreprises ferroviaires et garantir l'absence de distorsions de concurrence sur le marché concerné ». L'alinéa premier de l'article 7 quater doit être rapproché de l'alinéa 5 : « L'État membre concerné peut demander à la Commission d'abroger la décision qu'elle a prise au sens du paragraphe 3 conformément à la procédure visée à l'article 62, paragraphe 2, lorsqu'il démontre, à la satisfaction de la Commission, que les motifs de la décision n'existent plus ».
La note de présentation explique : « les entreprises ferroviaires appartenant à une structure verticalement intégrée pourraient se voir interdire d'opérer dans d'autres États membres si elles n'ont pas d'abord convaincu la Commission de la mise en place des garanties appropriées assurant l'indépendance juridique, financières et opérationnelles requises pour assurer effectivement le maintien de conditions égales de concurrence et l'existence d'un accès équitable des autres opérateurs à leur marché national d'origine ». En clair, ces opérateurs de transport devront convaincre la Commission européenne que le gestionnaire de réseau national ne les protège pas. Dans le règlement OSP déjà, les entreprises in house ne peuvent aller sur les marchés extérieurs.
Ainsi, ces opérateurs seraient concurrencés de plein droit sur leur marché national, mais la réciproque ne serait pas assurée, puisque la Commission européenne pourrait leur refuser souverainement le droit d'offrir des services de transport de voyageurs hors de leur pays d'origine. Bien que la Commission ait tout le loisir de saisir la Cour de justice de l'Union européenne avant l'échéance de 2019 si le fonctionnement de la holding ne comporte pas la « muraille de Chine » exigée, l'ouverture à la concurrence des transports internes de passagers dans six ans lui ouvrirait une nouvelle fenêtre de tir, soumise à sa seule appréciation.
L'absence de tout critère d'appréciation me paraît de nature à créer une grande incertitude, tant pour les États membres que pour les opérateurs : la Commission serait investie de prérogatives qui excéderaient manifestement ce qui est nécessaire pour atteindre le but poursuivi. C'est pourquoi je vous propose d'adopter un avis motivé.
Je vous remercie d'avoir analysé ces dispositions d'apparence technique mais aux conséquences considérables. Je rappelle que nous n'examinons le texte que sous l'angle de la subsidiarité.
Roland Ries connaît ma position sur ces questions, très différente de la sienne. Vous nous demandez de ne parler que de la subsidiarité : je crains que nous soyons obligés de parler du fond. La situation de la France est bel et bien en jeu : il suffit de lire la presse pour s'en apercevoir. M. Pépy, que j'estime, semble devoir être reconduit à la tête de la SNCF, dont il a toujours défendu le caractère intégré - je n'y suis pas favorable, mais comprends cette position.
Européen convaincu, j'estime que nous avons besoin d'une politique de concurrence au niveau européen, vis-à-vis du reste des marchés mondiaux, sur lesquels je me réjouis que la SNCF soit très présente. La SNCF emploie 150 000 personnes contre 500 000 au lendemain de la dernière guerre. J'ai été membre de son conseil d'administration : je crois pouvoir dire que l'entreprise fonctionne bien - je ne critique pas sa gestion.
Créer RFF a été une facilité pour reprendre la dette de la SNCF. Cependant, nous étions déjà dans l'esprit du droit européen. L'établissement d'une Agence de régulation des activités ferroviaires a été une réponse de plus à la Commission européenne. RFF a aussi été créée pour entretenir les voies, dont 50% voient rouler 90% des trains. Le statut des cheminots n'a pas été modifié, RFF est propriétaire du réseau. Si nous étions cohérents, elle aurait également la direction des sillons ; en outre, les 45 000 agents de SNCF-INFRA, qui entretiennent les infrastructures pour son compte, en feraient partie. La loi a en outre créé une direction de la circulation ferroviaire, dont l'indépendance vis-à-vis de la SNCF fait sourire. Pour favoriser l'émergence d'un transport ferroviaire européen du XXIe siècle, il faut une séparation plus franche.
De plus, nous savons depuis le rapport remis par Fabienne Keller que les gares fonctionnent mal. Les chambres de commerce et d'industrie et les communautés d'agglomération pourraient s'impliquer dans leur gestion.
Il ne faut pas se voiler la face : nous sommes obligés de sortir de la subsidiarité pour regarder le fond du sujet et anticiper sur les évolutions à venir. A ce stade, je ne peux soutenir la proposition de Roland Ries.
En Allemagne, la gestion des gares est confiée à un organisme spécifique. A la lumière de l'expérience de l'aéroport Saint-Exupéry, je ne suis pas favorable à ce qu'elles échoient, en France, aux chambres de commerce. De plus, on sait que ce sont généralement l'Etat et les collectivités territoriales qui, en fin de compte, paient le déficit.
Au reste, comment définit-on les infrastructures ? Les gares en font-elles partie ? Les directives européennes ne les définissent pas, me semble-t-il. Mon groupe soutient en tout cas cette proposition de résolution.
Dans tous les autres modes de transport, on trouve la concurrence tout à fait naturelle, y compris dans le choix des exploitants des transports publics au sein des agglomérations.
Nous sommes tenus de séparer, d'une part, la gestion des droits de passages sur les voies, d'autre part, la circulation des trains. L'expérience nous enseigne que laisser les Etats fixer les règles est contreproductif, puisqu'ils sont décidés à empêcher cette concurrence. La liste des sanctions décidées par les autorités de concurrence prouve que cette pratique est généralisée. Si l'on entend par cette résolution faire obstacle à la concurrence, autant le dire clairement.
Depuis le traité de Rome, la Commission est l'autorité de la concurrence à l'échelle européenne. A ce titre, elle prend des décisions analogues à celles que prend notre Autorité de la concurrence, sous le contrôle du juge. Les 50 millions d'amende infligés récemment aux entreprises du bâtiment pour entente illégale en témoignent. On ne saurait découvrir ces sujets.
Le quatrième paquet ferroviaire a été adopté dans la précipitation, avant d'avoir tiré les enseignements du précédent paquet relatif au fret, qui n'a sans doute pas entraîné le report modal escompté. La question qui doit nous occuper est celle de la subsidiarité.
Sommes-nous dans l'hypothèse où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent être atteints de manière suffisante par les Etats membres, mais peuvent l'être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de l'Union ? L'alinéa 6 de la proposition de résolution le rappelle. Le rapporteur a dit clairement que deux points du quatrième paquet ferroviaire ne rentraient pas dans ce cadre d'analyse. Je soutiendrai sa proposition.
Je me reconnais dans les propos de MM. Emorine et Richard. Guillaume Pépy a toujours eu les deux pieds sur le frein face à l'ouverture à la concurrence. Cette proposition de résolution va à l'encontre de ce qu'on a fait précédemment pour ouvrir le secteur à la concurrence.
La densité du réseau ferroviaire est une caractéristique européenne. Voilà pourquoi le débat est passionné.
Au Conseil d'administration de RFF, j'ai vécu la schizophrénie dont vous parlez, notamment sur la dette. On pouvait considérer qu'elle serait remboursée par les produits générés par l'activité de l'organisme, mais sa nature permanente l'exposait à un risque de requalification en dette maastrichtienne. Elle atteint aujourd'hui...
et ne cesse de croître, ce qui fragilise RFF.
Je mesure mal toutes les conséquences de la structure. Ne devraient importer que le respect du principe, la régénération du réseau et la création de lignes nouvelles. Au contraire, nous avons une réponse rigide, en termes d'organigramme.
Enfin, nous débattons du ferroviaire alors que la Commission européenne vient d'annoncer que le financement des infrastructures allait être amputé de 10 milliards d'euros, ce qui pénalise le chemin de fer et son exploitation à long terme.
Nous essayons de voir si la Commission européenne agit dans le cadre de ses compétences. J'ai identifié deux points hors champ. Je suis là en désaccord avec Alain Richard. Les holdings anciennes peuvent être sauvées, mais pas les nouvelles : pourquoi, sinon pour protéger les Allemands ? Il s'agit d'une concession de façade, liée au rapport de force intra-européen. La crainte de Bruxelles, c'est l'axe franco-allemand, qui rassemble les réseaux les plus importants, d'où cette concession.
Au nom de quoi fixe-t-on la limite au-delà de laquelle les holdings ne sont plus acceptables ? Il faudrait se dépêcher d'en constituer une conforme au droit européen...
Je sais bien. Mais tout cela me semble relever de considérations circonstancielles.
En outre, la Commission décidera si tel ou tel opérateur de transport détenu par une holding pourra faire valoir son savoir-faire sur les marchés extérieurs. On peut, à tout le moins, s'interroger sur la légitimité du dispositif.
La concurrence a été décidée, soit. La question qui se pose est de savoir sous quelle forme elle s'applique. Les Allemands ont adopté un système non transposable tel quel, dans lequel 20% de leur marché est ouvert à la concurrence, tandis que 80% restent dévolus à la Deutsche Bahn. Faut-il adopter un principe libéral absolu ou maintenir un lien entre l'opérateur historique et le gestionnaire des infrastructures ? Quoi qu'il en soit, notre système hybride de sous-traitance n'est pas tenable. Entre ouverture débridée et ouverture maîtrisée, les autorités nationales doivent avoir leur mot à dire. Oui, on peut s'interroger sur les deux points qui figurent dans l'avis.
Si les aéroports de Paris, Lyon, Nice étaient gérés par une filiale d'Air France, tout le monde trouverait cela comique. Le volume d'activité en matière aérienne est pourtant trois à quatre fois supérieur à celui du ferroviaire. Dans nos villes, c'est la même chose : il ne viendrait à l'idée de personne de dire que la société des autobus antibois ne devrait pas avoir de concurrent sous le prétexte qu'elle existe depuis 1912. La mise en concurrence bénéficie aux finances de la collectivité et améliore la qualité du service offert aux usagers. Pourquoi une conception toute différente pour le ferroviaire ?
Les transports aérien et ferroviaire n'ont rien à voir. Air France n'a jamais géré d'aéroport, la SNCF a géré le réseau des gares. C'était même un Etat dans l'Etat, puisque l'opérateur, le gestionnaire d'infrastructures et l'autorité organisatrice étaient une seule et même entité. Les choses ont changé ; nous devrions trouver un système équilibré, car si la concurrence était l'alpha et l'oméga en matière de transport ferroviaire, cela se verrait dans le fret.
La concurrence débridée n'est pas pour demain. Aéroports de Paris est une entreprise 100% publique, qui gère les aéroports d'Orly, de Roissy et du Bourget. En province, les aéroports sont gérés par les chambres de commerce et d'industrie. L'Etat est propriétaire des ports maritimes. Or, l'esprit européen commande une concurrence ouverte. La SNCF, entreprise de plus de 150 000 salariés, ne sera pas démolie demain. Je me réjouis qu'elle soumissionne dans d'autres pays, de même que la RATP. Savez-vous seulement que la SNCF, 100% publique, est le premier transporteur routier avec ses 920 filiales ? En matière de fret, souvent invoqué depuis le Grenelle de l'environnement, nous avons besoin d'autoroutes ferroviaires pour les distances supérieurs à 500 km car en-deçà, les ruptures de charges privent le fret d'intérêt économique et écologique.
En deux ans, les conseils d'administration de la SNCF m'ont ouvert l'esprit sur ces questions : nous avons besoin d'une vision européenne pour les traiter.
Nous cherchons tous des moyens de relancer la croissance. Cela passe par des investissements, donc tout ce qui favorise l'ouverture à la concurrence va dans le bon sens. La SNCF devrait s'y plier. Voilà pourquoi je ne me retrouve pas dans la proposition de résolution.
En Allemagne, les entreprises concurrentes sont souvent des sociétés locales à capitaux locaux.
Les obstacles rencontrés en matière de fret sont moins dus à la concurrence qu'au fait que la route, dispensée de participer financièrement à la gestion de ses infrastructures, concurrence déloyalement le rail. Malgré les limites que nous connaissons, je ne vois pas d'autre levier que la concurrence pour aider à la modernisation du réseau de transport ferroviaire.
J'ai compris que vous ne souhaitiez pas amender cette proposition. Mme Morin-Desailly m'a fait savoir qu'elle se serait abstenue si elle n'avait pas dû nous quitter avant le vote. Je répète que nous aurons l'occasion de revenir sur ces questions au fond.
A l'issue du débat, la commission des affaires européennes adopte, par neuf voix contre quatre voix (deux sénateurs s'abstiennent), la proposition de résolution portant avis motivé dans le texte suivant :
La proposition de directive COM (2013) 29, qui fait partie de textes dénommés « quatrième paquet ferroviaire » par la Commission européenne, poursuit un double objectif :
- organiser l'ouverture à la concurrence des transports intérieurs de passagers au sein des états membres de l'Union européenne à l'horizon 2019 ;
- réformer la gouvernance des systèmes ferroviaires nationaux pour éliminer toute entrave à la concurrence imputable à des institutionnels entre gestionnaire de l'infrastructure ferroviaire et opérateurs historiques de transports.
Vu l'article 88-6 de la Constitution,
Le Sénat fait les observations suivantes :
- l'article 5 du traité sur l'Union européenne dispose que l'Union ne peut intervenir, en vertu du principe de subsidiarité, que « si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, mais peuvent l'être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de l'Union » ; cela implique d'examiner non seulement si l'objectif de l'action envisagée peut être mieux réalisé au niveau communautaire, mais également si l'intensité de l'action entreprise n'excède pas la mesure nécessaire pour atteindre l'objectif que cette action vise à réaliser ;
- la rédaction proposée par la Commission européenne pour le nouvel article 7 de la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 tend implicitement, en son alinéa 5, à interdire la création de toute entreprise ferroviaire verticalement intégrée après l'entrée en vigueur de la nouvelle directive ;
- la volonté d'harmoniser la gouvernance du réseau ferroviaire au sein des États membres doit certes être approuvée, mais elle devrait conduire à instaurer pour tous les États membres un cadre identique incluant la faculté de supprimer ou de créer des structures intégrées, dans le respect des obligations fixées aux articles 7 bis à 7 quater de la proposition de directive ;
- par suite, l'interdiction posée à l'article 7 alinéa 5 excède la mesure nécessaire pour atteindre l'objectif à réaliser, l'action des États membres étant suffisante ;
- l'ouverture à la concurrence des transports ferroviaires de passagers à l'horizon 2019 doit être symétrique sur les marchés des États membres, alors que l'article 7 quater proposé pour la directive 2012/34, dispose en son alinéa premier que la Commission européenne sera dotée d'un pouvoir souverain d'appréciation lui permettant d'interdire à tout opérateur membre d'une entreprise verticalement intégrée de proposer des services ferroviaires de voyageurs hors des frontières d'origine, alors même que le fonctionnement de ladite entreprise n'aurait soulevé aucune objection jusque-là ;
- un tel pouvoir d'appréciation créerait pour les opérateurs une incertitude juridique dénuée de justification, si bien que le dispositif proposé par la Commission européenne excède la mesure nécessaire pour atteindre l'objectif à réaliser.
Après la suspension des travaux parlementaires en séance publique, nous aurons le débat préalable au Conseil européen qui aura lieu en séance le 12 mars. Le cours normal de nos réunions reprendra le 20 mars. Le 2 avril, nous tiendrons une réunion commune avec la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale et les députés européens pour discuter du budget européen. Alain Lamassoure, président de la commission du budget au Parlement européen, a confirmé sa présence.