Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations s'est réunie au Sénat le mercredi 14 mars 2018.
Elle a tout d'abord procédé à la désignation de son bureau, constitué de M. Philippe Bas, sénateur, président, de Mme Yaël Braun-Pivet, députée, vice-présidente, de M. François Pillet, sénateur, rapporteur pour le Sénat, et de M. Sacha Houlié, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.
La commission a ensuite procédé à l'examen des dispositions restant en discussion.
Je salue la qualité des travaux menés avec le rapporteur du Sénat.
Nous sommes tous, autour de cette table, des juristes praticiens, ce qui nous permet d'avoir des discussions nettes, franches et conclusives. Il restait trois points en discussion, le premier sur la caducité de l'offre de contrat en cas de décès de son destinataire, le deuxième sur la définition des clauses abusives dans un contrat d'adhésion, sachant que la définition du contrat d'adhésion avait déjà fait l'objet d'un vote conforme à l'issue de la navette, et le troisième, enfin, sur la révision judiciaire du contrat à la demande d'une seule des parties en cas de changement de circonstances imprévisible.
À l'article 4, le Sénat a souhaité établir la caducité de l'offre en cas de décès du destinataire : nous suivrons sa position.
À l'article 7, le Sénat a souhaité limiter l'application du dispositif des clauses abusives des contrats d'adhésion aux seules clauses non négociables. L'Assemblée nationale avait une position différente, puisqu'elle souhaitait étendre cette possibilité, dans l'intérêt des parties les plus faibles, à toutes les clauses du contrat. Mais dès lors que nous sommes parvenus à un accord sur l'ensemble contractuel défini à l'article 2, nous pouvons rejoindre le Sénat sur cet article 7.
À l'article 8, qui modifie l'article 1195 du code civil et traite du régime de l'imprévision, le Sénat prévoyait de donner pouvoir de révision du contrat au juge à la demande des deux parties, alors que nous souhaitions que la demande puisse émaner de l'une seulement des parties. Le Sénat juge cette faculté contraire à la sécurité juridique, dès lors qu'elle ouvre une source de contentieux. Nous estimons, au contraire, qu'elle garantit la portée contraignante de la disposition. Je rappelle que cette disposition est supplétive, et peut donc être écartée, totalement ou partiellement, par les parties, que les pouvoirs du juge sont encadrés par la procédure civile - il ne peut procéder d'office à la révision du contrat et est tenu par les demandes des parties quant à l'objet et aux modalités de révision du contrat - et que le risque de révision du contrat constitue un puissant levier pour garantir sa renégociation, à laquelle je vous sais attaché, monsieur le rapporteur, puisque nous avions, sans succès, tenté de trouver une autre solution. Conditionner la révision à l'accord des deux parties pourrait conduire à bloquer toute tentative de renégociation, puisque la partie la plus favorisée au contrat n'aurait pas forcément intérêt à la négociation. Et le contour de la négociation demeure difficile à définir, tant par la voie des mesures mises en oeuvre pour y parvenir que par la sanction d'une absence de négociation préalable à la saisine du juge.
Au vu des difficultés à conduire cette négociation de façon loyale et dans des conditions incontestables, nous jugeons préférable que l'une des parties puisse saisir le juge d'une demande de révision pour imprévision. C'est pourquoi nous vous proposons de retenir, sur cet article, la rédaction de l'Assemblée nationale.
Nous sommes en effet parvenus à un accord sur les articles 4 et 7, mais une difficulté demeurait sur l'article 8, la position du Sénat nous paraissant plus cohérente dans le cadre de nos dispositions contractuelles habituelles. J'inviterai cependant la commission mixte paritaire à accepter la position de l'Assemblée nationale, car cet article 8 restera à mon sens, pour ce qui concerne l'intervention du juge dans la révision du contenu du contrat, sans grande application : d'une part, la disposition est supplétive et les parties qui auront la chance de pouvoir bénéficier d'un conseil juridique l'écarteront systématiquement du contrat ; d'autre part, dans le cas où une des parties souhaiterait l'intervention du juge pour réviser le contrat, l'autre partie demandera, inévitablement, une résolution par voie reconventionnelle, et les juges, si l'on en croit ce qui ressort de nos auditions, préfèreront prononcer la résolution. L'hypothèse dans laquelle le juge serait saisi par une partie de la possibilité de revoir le contrat restera donc théorique. C'est pourquoi, par pragmatisme, je suis prêt à accepter la rédaction de l'Assemblée nationale... Nous éviterons ainsi, par un désaccord, de donner une image de division sans portée politique. L'accord sera satisfaisant pour les uns, et presque rassurant pour les autres puisque cette disposition restera de l'ordre de l'hypothèse.
Quelle que soit la portée politique de ce texte, il a une grande portée juridique et aura un impact substantiel sur les relations contractuelles. C'est ainsi que l'on fait du bon travail législatif. Je me réjouis que nos rapporteurs soient arrivés à s'entendre et je crois que, sur l'examen des articles restant en discussion, nous allons pouvoir aller vite.
Article 4
L'article 4 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 7
L'article 7 est adopté dans la rédaction du Sénat.
Article 8
Vous comprendrez que, dans un souci de cohérence intellectuelle, je m'abstienne sur cet article...
En cohérence avec ce que nous avions exprimé dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, le groupe Les Républicains votera contre les dispositions de cet article 8, qui porte par trop atteinte à la force obligatoire des contrats. J'ai bien entendu l'argument de François Pillet, qui juge que ces dispositions ne trouveront pas à s'appliquer, mais il ne me convainc pas : ce que l'on écrit dans la loi doit avoir du sens, et ce sens ne nous convient pas.
On ne pouvait s'en tenir aux dispositions d'un code qui remonte à 1804 ; il fallait en passer par des évolutions. Même si François Pillet a raison de penser que le recours à ces dispositions restera exceptionnel, il existera tout de même des cas où la révision sera souhaitée par les parties. L'une saisira le juge, l'autre se ralliera, chacune ayant conscience que la résolution n'est pas la meilleure solution. Je remercie François Pillet d'avoir accepté de faire un pas en s'abstenant.
Je précise que le Sénat ne s'était pas opposé à la position de l'Assemblée nationale lorsque celle-ci entendait autoriser le juge à intervenir à la demande des deux parties pour modifier le contrat ou à la demande d'une seule partie pour prononcer uniquement sa résolution. Nous avions admis ces deux innovations de l'ordonnance.
L'article 8 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 9
L'article 9 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 15
L'article 15 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale, sous réserve de modifications rédactionnelles.
La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.
La réunion est close à 11 h 50.