Commission des affaires sociales

Réunion du 4 avril 2018 à 10h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • UNEDIC
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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Mes chers collègues, la commission des affaires sociales entame ses travaux sur le deuxième grand texte social du quinquennat, le projet de loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel », dont un premier avant-projet a été transmis au Conseil d'État. Nous ne disposons pas encore de ce texte, qui devrait être adopté prochainement en Conseil des ministres, mais nous en avons eu la primeur par un journal du soir.

Nous accueillons ce matin Mme Patricia Ferrand, présidente du bureau de l'Unédic (élue CFDT), M. Jean-Michel Pottier, troisième vice-président représentant la CPME, et M. Vincent Destival, directeur général de l'Unédic, pour évoquer la réforme annoncée de l'assurance chômage.

Cette audition s'articule autour de trois thématiques.

Le premier est celle du périmètre et du contenu de l'assurance chômage, après l'annonce de l'élargissement du champ de l'indemnisation du chômage des personnes démissionnaires et son extension aux travailleurs indépendants. Le Gouvernement souhaite « garantir une assurance chômage plus universelle et plus juste ». Vous pourrez nous éclairer sur le contenu des discussions et sur votre vision de l'évolution à venir des droits à indemnisation du chômage.

Dans un second temps, nous nous intéresserons au financement et à la situation financière de l'assurance chômage. Les résultats des comptes sociaux se sont révélés meilleurs que prévu. Vous nous exposerez l'impact de ces résultats sur la trajectoire du solde et de la dette de l'Unédic.

Le Gouvernement envisage par ailleurs le remplacement des cotisations salariales par l'affectation à l'assurance chômage d'une fraction de la CSG, alors que l'exonération de ces cotisations est actuellement compensée par de la TVA. Vous nous direz, si vous le souhaitez, ce que ce mode de financement vous inspire.

Enfin, des modifications substantielles sont envisagées sur la gouvernance de l'assurance chômage. Quelques rappels ne seront sans doute pas inutiles sur la place et le rôle de l'État dans le schéma actuel, où les partenaires sociaux se voient déléguer par la loi la responsabilité de déterminer les modalités d'indemnisation.

Sur tous ces sujets, vous avez la parole pour un premier temps d'exposé, avant que je ne la donne à notre rapporteure, notre collègue Frédérique Puissat, puis aux commissaires, à propos du volet relatif à l'assurance chômage.

Debut de section - Permalien
Patricia Ferrand, présidente de l'Unédic

Mesdames et messieurs, je tiens tout d'abord à vous remercier pour votre invitation. C'est une première dans ce format, même si les relations entre l'Unédic et le Sénat sont régulières, notamment lorsqu'il s'agit d'évoquer les questions financières.

Nous sommes dans un temps particulier, puisque nous n'avons pas la version définitive du projet de loi. Malgré tout, le ministère a fait quelques annonces aux partenaires sociaux il y a quinze jours. On a donc un document assez détaillé sur le contenu du projet de loi -même s'il n'est pas très précis.

Je tiens également à précise notre positionnement. Vous allez sans doute solliciter les organisations syndicales et patronales pour connaître leurs analyses sur le projet de loi. L'Unédic est un organisme paritaire. Sa gouvernance ne devrait pas être modifiée par le projet de loi. Nous sommes gestionnaires du régime d'assurance chômage. Nous jouons le rôle d'experts auprès des partenaires sociaux. Nous les éclairons techniquement et juridiquement, pour bien gérer ce régime et prévoir les conséquences des évolutions législatives proposées.

Ces évolutions touchent des sujets éminemment politiques. Nous avons eu une discussion hier en bureau. Nos positions sont extrêmement partagées quant aux évolutions proposées. Notre but sera ici de vous éclairer sur les analyses que nous partageons, mais la parole sera bien évidemment donnée en premier aux organisations syndicales et patronales s'agissant des sujets les plus politiques.

Les principes que partagent unanimement les partenaires sociaux concernent dans un premier temps le rôle de stabilisateur économique et social de l'assurance chômage, qui reste un régime qui protège le niveau de revenu des salariés lorsqu'ils perdent leur emploi, et qui permet, notamment pendant les périodes de crise, de soutenir également le niveau de consommation dans l'ensemble de l'économie française. Ce rôle de stabilisateur économique et social est donc extrêmement important.

Le deuxième principe fort que nous partageons concerne le caractère contributif et assurantiel qui est encore aujourd'hui celui du régime. Celui-ci assure un revenu de remplacement lié au niveau de salaire antérieur. C'est sur la base de ce salaire que sont calculées les cotisations. Un financement par l'impôt et les cotisations sociales change donc la nature et le sens du régime.

Le troisième principe auquel nous sommes fortement attachés est le paritarisme. La loi délègue aux partenaires sociaux la définition des règles d'indemnisation et des taux de cotisation du régime. Dans un deuxième temps, les partenaires sociaux délèguent la gestion de ce régime à l'Unédic. L'Unédic a pour mission de mettre en oeuvre l'accord des partenaires sociaux, entre-temps agréé par l'État.

L'Unédic assure la bonne gestion du régime. Dans la mesure où les règles sont décidées par la négociation entre les partenaires sociaux, la gestion paritaire est relativement apaisée.

Dans tous les cas, gestion paritaire et négociation des règles nous semblent extrêmement importantes. Les représentants des entreprises et des salariés adaptent très régulièrement, depuis soixante ans, les règles à la situation du marché du travail.

En second lieu, la situation financière de l'assurance chômage est marquée par la dizaine d'années de crise que nous avons vécues.

L'assurance chômage est très liée aux cycles conjoncturels. Dès lors que la croissance économique est bonne, on collecte plus de cotisations et on indemnise moins de personnes. Inversement, en période de crise, on collecte moins de cotisations et on doit réaliser davantage de dépenses.

Cela peut sembler une lapalissade, mais il est extrêmement important de comprendre que ce régime n'est pas comme les autres régimes de protection sociale : il est vraiment lié aux cycles conjoncturels, et l'un des objectifs des partenaires sociaux pendant la négociation est de mettre en place des mesures contracycliques, afin que le régime puisse assumer des dépenses en période de crise. Ceci explique le niveau d'endettement après dix années difficiles.

Depuis les dernières négociations de 2014 et 2017, où l'on pressentait déjà une amélioration de la situation économique, les conventions ont permis de réduire le déficit de 1,5 milliard d'euros chaque année. L'équilibre financier devrait être atteint fin 2019. Les conditions de celui-ci à moyen terme ont été complètement rétablies.

Le niveau de la dette est extrêmement élevé après dix années de crise, mais voit son coût complètement maîtrisé par le régime. La dette, fin 2019, devrait atteindre 36 milliards d'euros, soit l'équivalent de onze mois de recettes.

Les partenaires sociaux se sont attachés à comprendre l'origine de la dette. Il est important de vous alerter sur ce point : cette dette comporte deux dimensions. Elle est la conséquence pour moitié de la crise économique, qui sera résorbée très facilement dans la phase positive du cycle économique, et de décisions publiques prises bien avant 2009.

La problématique du financement des travailleurs transfrontaliers dépasse largement l'Unédic et dépend des accords de refinancement avec les États voisins. Cela peut paraître anecdotique, mais représente environ 600 millions d'euros de pertes par an, qui expliquent une grande partie de la dette sur dix ans.

Je rappelle également que l'Unédic finance les deux tiers du budget de Pôle emploi, ce qui représente environ 3,5 milliards d'euros par an, soit 10 % de nos recettes annuelles. Ce montant est beaucoup plus important que ne l'était la part des dépenses dites actives, en 2008, lors de la création de Pôle emploi.

Les charges de la dette sont complètement maîtrisées. Elles représentent aujourd'hui 1 % des recettes de l'assurance chômage. On peut donc assumer cette charge. Par ailleurs, la remontée des taux d'intérêt à venir ne présente pas de risques pour l'Unédic.

La dette est garantie chaque année par l'État, mais l'objectif des partenaires sociaux a toujours été de ne pas avoir à l'activer durant les dix années de crise.

Le troisième temps de mon intervention concernera la réforme de l'assurance chômage en cours.

Je formulerai mes remarques sur la base de l'accord que les partenaires sociaux ont signé le 22 février dernier, qui permettra d'éclairer les évolutions proposées dans le projet de loi.

Quatre thèmes ont essentiellement retenu notre attention.

L'ouverture de l'assurance chômage aux démissionnaires est un point sur lequel on a beaucoup réfléchi paritairement. Le Gouvernement reprendrait d'ailleurs la plupart de ces réflexions.

Si, dans le principe, l'assurance chômage bénéficie à ceux qui sont privés involontairement d'emploi, il existait déjà dans les règles un certain nombre de cas prévus pour prendre en charge les démissionnaires. Il s'agissait donc pour nous de réfléchir non pas à un cas supplémentaire mais de façon adaptée aux réalités du marché du travail, sans provoquer d'effets d'aubaine ni donner à penser à certaines personnes, surestimant leurs chances, qu'elles pourraient retrouver un emploi après une démission.

Cela peut évidemment être une très bonne chose dès lors qu'un projet professionnel est identifié et accompagné. C'est sur cet axe que les partenaires sociaux ont trouvé pertinent d'élargir le bénéfice de l'assurance chômage aux démissionnaires.

Il s'agit bien aujourd'hui d'ouvrir l'assurance chômage aux salariés qui démissionneraient, alors même qu'ils sont en train de construire un projet professionnel et qu'ils ont essayé de mobiliser l'ensemble des dispositifs en cours de contrat de travail. C'était une revendication forte des organisations syndicales.

Il existe toute sorte de congés pour préparer son projet professionnel. Démissionner constitue un choix très fort pour un salarié. Il est plus sécurisant pour lui de prendre un congé, de préparer son projet professionnel, qui peut échouer ou non, et de conserver son contrat de travail.

L'idée était aussi que certaines personnes, qui retrouvent facilement un emploi parce qu'elles ont moins besoin d'accompagnement, n'abusent pas du système, les finances n'étant pas extensibles. Il ne s'agit pas de faire bénéficier d'un droit davantage de personnes au détriment de celles qui perdent involontairement leur emploi.

Une fois ces principes posés, les partenaires sociaux ont estimé, notamment grâce à l'Unédic, le coût de cette mesure. Ils ont retenu une condition de sept ans de travail continu avant la démission pour pouvoir bénéficier de ce dispositif, et ont décidé de ne retenir que les projets nécessitant une formation longue.

La création d'entreprise a été exclue par les partenaires sociaux, car il existe plusieurs dispositifs de l'assurance chômage, comme l'ARCE (aide à la reprise ou à la création d'entreprise), qui permet de mobiliser une partie du capital des droits, ou encore le cumul entre allocation et revenu d'emploi, qui permet d'aider les créateurs d'entreprise.

Le Gouvernement, dans le projet de loi, pour ce qu'on en sait, retiendrait quant à lui cinq ans de travail avant la démission et prendrait en compte les projets de création d'entreprise en sus de ce que nous avons prévu.

L'Unédic a fait des estimations du coût supplémentaire qui interviendrait à la suite de ces décisions. La proposition des partenaires sociaux s'élève à une dépense comprise entre 180 millions d'euros et 330 millions d'euros. On n'a aujourd'hui que peu de détails, et ces estimations sont extrêmement délicates à réaliser, faute de référentiel.

Avec la solution du Gouvernement, le coût serait probablement supérieur d'au moins 50 %.

S'agissant des indépendants, les partenaires sociaux ont retenu deux problématiques. Ils ont pris acte du fait que le Gouvernement a saisi les partenaires sociaux en indiquant que le nouveau droit des indépendants ne devait pas conduire à mettre en place une contribution sociale supplémentaire.

Dès lors, les partenaires sociaux ont considéré, en l'absence de cotisation sociale, qu'il s'agissait d'un dispositif de solidarité qui relève de la responsabilité de l'État et non de l'assurance chômage.

Ils ont également examiné la situation des travailleurs indépendants économiquement dépendants, comme les personnes travaillant sur les plateformes, qui ont une relation de dépendance économique très forte. Les partenaires sociaux souhaitent se pencher sur ces situations de manière plus approfondie, l'idée étant de réfléchir de façon plus transversale à la protection sociale de ces travailleurs.

Troisième axe : l'emploi durable ou les contrats courts. C'est un sujet extrêmement important, qui fait partie de nos négociations depuis un certain nombre d'années. La réduction de la précarité a été une préoccupation constante.

On a d'abord établi tout un tas de diagnostics approfondis, en particulier grâce aux travaux de l'Unédic, afin d'essayer de comprendre le fort accroissement des contrats de travail de moins d'un mois. L'explosion date du début des années 2000, mais cette situation est aujourd'hui extrêmement structurelle. Elle concerne surtout quelques secteurs, comme l'hébergement-restauration, le commerce, le transport-entreposage, le médico-social.

Nombre de ces contrats courts interviennent dans le cadre d'une relation extrêmement durable, du fait d'un phénomène d'emploi chez le même employeur, entrecoupé de période de chômage.

Les partenaires sociaux ont pris acte de la volonté du Gouvernement de mettre en place un bonus-malus. Le choix qui a été arrêté a été de responsabiliser les acteurs. On s'aperçoit que les motifs de recours aux contrats très courts - CDD d'usage, CDD classiques, contrats intérimaires -différent souvent en fonction du modèle économique des branches. L'idée est de responsabiliser chaque secteur en fonction des modèles économiques afin de réduire les contrats courts et de faire d'autres propositions, d'ici la fin de l'année, pour une meilleure gestion de l'emploi dans les branches.

Enfin, les partenaires sociaux ont exprimé leur volonté forte de conserver un régime financé par les contributions des employeurs et des salariés. Il ne s'agit pas d'un régime de solidarité nationale, mais d'un régime qui organise une solidarité interprofessionnelle, et assure un revenu fondé sur des cotisations liées au salaire antérieur. Il est pour nous essentiel de lier le financement à la nature du risque, qui relève de la relation d'emploi.

Malgré tout, le Gouvernement a choisi de supprimer les cotisations salariales qui ne font l'objet que d'une exonération, celles-ci devant être financées et remboursées à l'euro-l'euro par la TVA, puis par la CSG.

On se trouve aujourd'hui dans un financement mixte qui ne qualifie pas le sens ni la philosophie du régime.

Le projet de loi prévoit le financement par l'impôt du régime pour une part non négligeable. C'est un point sur lequel nous attirons l'attention des parlementaires : il s'agit d'assurer à l'assurance chômage des ressources sécurisées et dynamiques, dont le montant ne varie pas chaque année en fonction d'autres considérations qui pourraient avoir un impact extrêmement fort sur les droits des demandeurs d'emploi.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Pottier, vice-président de l'Unédic

Cette audition est très intéressante pour les représentants paritaires de l'Unédic que nous sommes. Le sujet n'est pas simple. Il a une grande incidence sur les conditions de vie des salariés et entraine des réflexions dans le cadre de la loi qui se profile.

Les questions qu'elle soulève sont relatives à l'avenir de la gestion paritaire, du paritarisme, et du rôle des corps intermédiaires.

Il existe trois domaines où la gestion paritaire s'exerce pleinement. Ces trois domaines sont les régimes de retraite complémentaire, où les partenaires sociaux ont toujours assumé leurs responsabilités, la gestion des contributions des entreprises à la formation professionnelle, et l'assurance chômage.

Ces trois domaines sont concernés par les réformes entreprises actuellement par le Gouvernement dans lesquelles la gestion paritaire est à chaque fois questionnée. Je ne parle pas des autres régimes de sécurité sociale, où l'on ne peut parler de paritarisme, les partenaires sociaux étant présents uniquement au sein des conseils d'administration.

Après l'échec de la négociation de 2016, nous avons paramétré les conditions de fonctionnement de l'assurance chômage et de l'indemnisation en soulignant les responsabilités de chacun. On s'est notamment posé la question de savoir si c'est bien au régime assurantiel d'assumer les dépenses qui sont le fait de l'État, comme celles concernant les travailleurs transfrontaliers ou Pôle emploi.

Les partenaires sociaux, dans la perspective des élections présidentielles, puis des réformes annoncées, ont continué à mener la réflexion de manière très approfondie et partagée. Ceci est tout à fait exceptionnel. Deux communiqués de presse des huit partenaires sociaux gestionnaires du régime ont été diffusés, en juillet puis septembre 2017, ainsi qu'un document commun.

Ceci a conduit le Gouvernement à reculer la date d'ouverture des négociations. Contre toute attente, nous avons abouti le 22 février, après une négociation réussie sur la formation professionnelle et l'apprentissage.

Je voulais insister sur le nombre de points sur lesquels les partenaires sociaux sont d'accord. C'est assez exceptionnel pour être souligné.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Puissat

J'excuse tout d'abord mon collègue, Michel Forissier, rapporteur du volet apprentissage du projet de loi et coordonnateur des travaux que nous allons conduire avec notre collègue Catherine Fournier, également absente.

Seriez-vous favorable à la fixation d'objectifs chiffrés de réduction de la dette de l'Unédic dans le document de cadrage du Gouvernement ?

L'évolution de cette dette nous inquiète fortement, malgré vos propos rassurants, madame la présidente. En effet, en 2019, le taux de croissance de 1,8 % de notre économie ne suffira même pas à dégager un excédent de trésorerie. Il sera donc sans conséquence sur le fardeau de la dette, qui s'élèvera alors à plus de 36 milliards d'euros, soit onze mois de cotisations.

Quel rôle pourrait jouer le Parlement lors de l'élaboration de la convention d'assurance chômage ? Seriez-vous par exemple favorable à ce qu'il puisse s'exprimer sur le document d'orientation que le Gouvernement compte remettre aux partenaires sociaux avant l'ouverture de la négociation ?

Rien n'interdit au Parlement de contrôler en aval la mise en oeuvre de la convention tripartite 2015-2018 entre l'État, l'Unédic et Pôle emploi, qui a pour but d'améliorer l'action de l'opérateur public face à un chômage dont les contours évoluent très rapidement, par exemple à travers la création d'une mission d'information. Toutefois, le Parlement ne participe pas à l'élaboration des objectifs de ladite convention, alors qu'il est crucial de renforcer le pilotage de la performance de Pôle emploi. Seriez-vous favorable à ce que le Parlement soit davantage impliqué dans la fixation de ces objectifs ?

Pensez-vous que le mécanisme très complexe de la négociation des annexes VIII et X relatives aux intermittents du spectacle, instauré par la loi du 17 août 2015, peut être maintenu en l'état, ou doit-il évoluer pour tenir compte du document de cadrage du Gouvernement ? Avez-vous un chiffrage en la matière ?

Enfin, s'agissant de la taxation des contrats courts, estimez-vous que les règles actuelles du CDD d'usage sont satisfaisantes ou seriez-vous favorable à une réforme d'envergure, comme le propose un rapport de l'IGAS de décembre 2015 ?

Debut de section - Permalien
Patricia Ferrand, présidente de l'Unédic

Pour ce qui concerne les objectifs chiffrés de réduction de la dette de l'Unédic, je rappelle que l'équilibre financier de l'assurance chômage est extrêmement conditionné par la conjoncture.

Fin 2019, la dette s'élèvera à 36 milliards d'euros. Cependant, en 2008, le régime était bénéficiaire et la dette estimée était nulle. Aujourd'hui, le régime joue son rôle contracyclique. Il faut pouvoir assumer cette dette. En période de cycle économique favorable, elle doit pouvoir être résorbée.

Toutefois, le cadre de pilotage doit comporter deux caractéristiques. Il doit être à la fois responsabilisant - ce qui suppose que les partenaires sociaux puissent maîtriser les déterminants de l'équilibre -, et s'inscrire dans une logique de moyen terme. Ceci est essentiel. On peut avoir à notre sens des objectifs de fixation de la dette strictement annuels. Il faut que ceci s'intègre dans une perspective de moyen terme. C'est ce que les partenaires sociaux font depuis début 2000 en opérant une gestion contracyclique, tout en répondant aux besoins des demandeurs d'emploi et des entreprises.

Par ailleurs, nous avons beaucoup réfléchi au diagnostic et aux sources de la dette. Ce n'est pas à nous de dire qui, du Gouvernement ou du Parlement, doit fixer les objectifs. Il faut comprendre les sources de la dette. Les partenaires sociaux sont prêts à assumer ce qui relève de leur responsabilité. Nous demandons que l'État et les pouvoirs publics assument aussi ce qui relève de la leur. Nous tenons à faire état du fait que la discussion n'a absolument pas eu lieu.

Debut de section - Permalien
Vincent Destival, directeur général de l'Unédic

Il existe plusieurs façons de considérer la dette. La somme de 36 milliards d'euros constitue effectivement un montant élevé. Toutefois, cette dette est très particulière. Il ne s'agit pas d'une dette structurelle, mais cyclique. C'est pourquoi l'assurance chômage doit se piloter dans une logique de moyen terme.

L'équilibre sera atteint fin 2019, période à partir de laquelle les économistes estiment que l'économie française retrouvera son rythme de croissance moyen. Cela signifie que l'assurance chômage est déficitaire quand le cycle économique est dans sa partie négative, et redevient bénéficiaire quand l'économie française est dans la partie positive de son cycle. Sur la durée du cycle, l'équilibre est donc garanti.

La dette est élevée mais représente toutefois, compte tenu de ses caractéristiques, un coût extrêmement limité pour nos finances. Les intérêts annuels représentent 1 % de nos recettes. On m'interroge souvent sur la remontée des taux d'intérêt, qui constituent un danger. Je réponds aux investisseurs que nous attendons la remontée des taux d'intérêt avec impatience, car elle représente la croissance de l'économie, donc la baisse du chômage.

Nous avons réalisé des simulations. Dans les prochaines années, si la croissance se maintient un peu en dessous de 2 %, on sera en excédent à partir de 2020. Ceci réduira la dette dont la diminution compensera alors la remontée des taux d'intérêt. La charge d'intérêt payée par l'Unédic au-delà de 2020 restera relativement stable, autour de 1 % des recettes. Le risque n'existe donc pas selon nous. La situation est liée au mode de pilotage et à la nature cyclique de notre dette, qui est assez particulière.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Disposez-vous d'une trajectoire pour résorber la dette de l'assurance chômage ?

Beaucoup de politiques désirent que l'État intervienne en partie dans ce domaine. Je crois également l'avoir entendu au sein de l'Unédic. J'aimerais connaître votre avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Pourquoi augmenter le nombre de contrôleurs ? Je pense en effet que l'intérêt du financement de l'assurance chômage réside plutôt dans le fait de ramener les personnes vers l'emploi.

Il faut cesser de croire que les demandeurs d'emploi se complaisent dans le chômage. C'est vrai pour certains, mais il s'agit d'une minorité, du moins dans ma région. Si les gens abandonnent, c'est généralement parce qu'ils manquent d'accompagnement, de « coachs ».

Par ailleurs, le droit au chômage des indépendants et des démissionnaires est une promesse de campagne du Président de la République. Quand on a peu de moyens, il est dommage d'élargir la base. Les indépendants pensent qu'il s'agit d'une prise en charge totale : or très peu seront concernés. En outre, ce n'est pas le premier souhait des artisans ou des commerçants qui, lorsqu'ils perdent leur entreprise, en recréent une tout de suite.

Enfin, prenons garde aux contrats à court terme et au régime de bonus-malus. Il ne faut pas en faire une « usine à gaz » qui n'amènera rien aux entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Je m'inquiète de la capacité réelle de résorber les 36 milliards d'euros de dettes, alors qu'on envisage des droits nouveaux. Ne vont-ils pas rogner les effets d'un retour attendu de la croissance sur les résultats de l'Unédic ? Disposez-vous de scénarios en la matière ? Le Gouvernement annonce une contribution supplémentaire, et vous travaillez sur des trajectoires à moyen-long terme : comment ces éléments se rencontrent-ils ?

Pour ce qui est de la réforme concernant les indépendants et les démissionnaires, attendons d'avoir des textes plus précis. On a toutefois relevé que seuls ceux qui auront un projet professionnel et cinq ans d'ancienneté seront concernés. N'y aura-t-il pas un délai d'attente ? Comment les règles seront-elles fixées ? Quels seront les taux d'indemnisation ?

Concernant les indépendants, le sujet est renvoyé à l'État à travers la solidarité. Quel est votre sentiment à ce sujet ?

Enfin, le problème des contrats courts ne relève-t-il pas du droit du travail ? Dans le domaine médico-social, le système ne fonctionne pas et ne satisfait ni les employeurs ni les personnes concernées. Le vrai débat porte sur le bonus-malus...

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Je reviens sur le sujet des frontaliers, suisses en particulier qui, lorsqu'ils sont au chômage, coûtent très cher. La Suisse verse en effet une indemnité de trois mois lorsque la France prend quinze mois à sa charge - sachant que le revenu d'un chômeur avoisine en moyenne 5 000 euros, les revenus étant très élevés en Suisse.

Nombreux sont ceux qui souhaiteraient une participation plus importante de l'assurance chômage suisse, mais rien n'est fait. Je ne sais quelles sont vos relations avec les autorités diplomatiques transfrontalières, mais il serait important d'y travailler.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Pottier, vice-président de l'Unédic

S'agissant de la dette, il faudrait pouvoir faire des réserves en période de « vaches grasses » pour affronter la période suivante. On est en effet dans un cycle économique très heurté.

Toute la problématique des partenaires sociaux, en tant que gestionnaires du régime, consiste à savoir dans quel cadre va se situer cette réforme et comment nous allons être amenés à exercer cette gestion paritaire.

La question qui se pose est légale et réglementaire. C'est le Gouvernement qui va fixer des objectifs de réduction du déficit et de la dette, et qui va avoir la main sur les recettes de l'assurance chômage. Comment faire pour avoir une projection financière, avec un versement de l'État dans une quotité inconnue ? Nous ne savons pas à ce stade si la proportionnalité dans la réduction de la dette de l'Unédic, dont on a besoin dans le cadre d'une gestion pluriannuelle, sera garantie dans le temps. Les partenaires sociaux se posent donc beaucoup de questions.

Il appartient à chacun de faire des propositions. D'une manière générale, il est difficile d'établir des projections avec une équation à deux inconnues.

S'agissant des nouvelles dépenses engendrées par les indépendants et les démissionnaires, nous avons acté le principe que celles-ci devaient être compensées par l'augmentation des recettes. Ceux qui veulent bénéficier du système doivent être suffisamment accompagnés et avertis avant de prendre la décision de démissionner. C'est ce que retiendra apparemment le projet de loi.

Les indépendants ne peuvent selon nous relever que d'un régime de solidarité. Toutefois, comment être indemnisé par un régime auquel on n'a pas cotisé ? Même si les indépendants cotisent, ce sera sur de faibles montants, les revenus précédant généralement la liquidation judiciaire étant proches de zéro, voir inférieurs à zéro ! Il faut donc également savoir comment l'État assure le financement de cette solidarité.

Il semble que le régime paiera tout, mais on ne sait rien des recettes qui seront en face.

Debut de section - Permalien
Vincent Destival, directeur général de l'Unédic

La question des frontaliers est un sujet majeur. Ils représentent un coût annuel de 600 millions d'euros, dont les trois quarts pour la Suisse. Tout ceci résulte de règles de coordination européenne, la responsabilité en matière d'assurance chômage reposant essentiellement sur le pays de résidence et non d'activité.

Une discussion est engagée depuis un an environ par le Conseil de l'Union européenne afin de rééquilibrer le partage des responsabilités. Une première estimation, sur la base du texte présenté il y a un an permettait de réduire la charge de 400 millions d'euros chaque année.

S'agissant de la dette, nous avons commencé à travailler sur ce qu'un cycle de croissance positif pouvait générer en termes de résorption de la dette. L'an dernier, nous avions estimé que le désendettement généré par un cycle positif comme celui qui s'est achevé en 2008 serait de l'ordre de 22 milliards d'euros.

Nous intégrerons probablement dans notre prochain rapport, qui doit être publié en juin prochain, différents scénarios de cycles économiques positifs afin d'étudier les conséquences que cela peut avoir sur le niveau de désendettement.

Debut de section - Permalien
Patricia Ferrand, présidente de l'Unédic

Nous sommes arrivés à partager un certain nombre de convictions s'agissant des contrats courts grâce à des diagnostics approfondis.

On a aujourd'hui environ 20 millions de missions d'intérim par an, dont 5 millions de moins d'un jour !

Quant aux contrats à durée déterminée d'usage (CDDU), ils ne présentent aujourd'hui aucune contrainte -absence de prime de précarité, de délais, etc.

Dans le domaine médico-social, par exemple, face à des contraintes budgétaires extrêmement fortes, on assiste aujourd'hui à une gestion au jour le jour. Une même personne peut avoir 30 contrats de travail en deux mois. Les partenaires sociaux doivent pouvoir se mettre d'accord sur ces situations de précarité dans chaque branche.

L'idée est de responsabiliser les acteurs. La souplesse doit bien évidemment exister, mais on peut réfléchir à l'organisation du travail afin d'éviter ces contraintes et ces conséquences.

Quant au bonus-malus, on a eu différentes versions du dispositif. Le Gouvernement se dirigerait vers une solution plus simple, faisant dépendre l'éventuelle surcotisation du taux de rupture donnant lieu à inscription à Pôle emploi dans une année, ce qui est moins compliqué que ce qui était envisagé auparavant.

Le nombre de contrôleurs à Pôle emploi intéresse bien sûr l'Unédic, qui négocie avec l'État et Pôle emploi des objectifs pluriannuels, dans la mesure où l'Unédic finance encore deux tiers du budget de cet organisme. Les organisations syndicales sont membres du conseil d'administration et ont pu décider d'orientations propres concernant le contrôle de recherche d'emploi.

L'absence de recherche n'est qu'un des motifs de radiation. Celui qui entraîne le plus de radiation est le fait de ne pas répondre à une convocation. Le Gouvernement a décidé de revoir l'échelle des sanctions face à l'incohérence de certaines d'entre elles.

Le Gouvernement souhaite également augmenter le nombre de contrôleurs de Pôle emploi. Nous avons voulu, dans le cadre des orientations que nous avions fixées lors de la dernière convention tripartie, puis dans le cadre du conseil d'administration, mettre en place un contrôle personnalisé. Certaines personnes sont perdues dans le système. L'objectif n'est pas de les radier à tout prix mais, bien au contraire, de pouvoir les redynamiser.

Il ne s'agit d'ailleurs pas de contrôleurs, mais d'équipes dédiées, dont les membres se définissent comme « conseillers ». Ils sont très liés à l'accompagnement. Ce sont des volontaires issus pour la plupart du métier de l'accompagnement. Cette orientation a démontré qu'une faible partie des personnes ne recherchent pas activement d'emploi - 14 % selon le dernier bilan. Certaines ont toutefois été redynamisées et leur accompagnement a été relancé.

L'objectif du Gouvernement est de passer de 200 personnes dédiées uniquement au contrôle à 600 en fin d'année, et à 1 000 d'ici un an ou deux. Cela se fera-t-il au détriment de l'accompagnement ou grâce à des gains de productivité opérés sur d'autres activités de Pôle emploi ? Ce seront des choix à arrêter.

Je ne connais pas les intentions du Gouvernement. Les partenaires sociaux de l'Unédic, autant que Pôle emploi, ont rappelé que le contrôle ne doit pas avoir d'objectifs chiffrés, que ce soit en termes de volume ou d'euros. J'espère que ceci sera respecté, sans quoi on dénaturera ce qu'on a voulu mettre en place.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Pottier, vice-président de l'Unédic

L'expérimentation a porté sur 220 000 vérifications. Ce processus, qui comporte des échanges, s'étale sur un mois. Les contrôles ont porté pour un tiers sur des personnes signalées par les conseillers, pour un autre tiers sur des populations ciblées et, pour le dernier tiers, sur des demandeurs d'emploi choisis de façon aléatoire. Lorsque l'on considère ce dernier groupe, le taux de demandeurs d'emploi en situation non conforme s'élève à 10 % seulement alors que le taux de 14 % correspond à la moyenne des trois groupes.

Sur 10 %, deux tiers ne sont plus indemnisés. Dégager des économies sur cette frange paraît compliqué. Ce n'est donc pas la bonne piste.

Cependant, 20 % des personnes contrôlées sont renvoyées vers l'accompagnement. On a le sentiment que Pôle emploi fait son mea culpa en reconnaissant ne pas avoir été performant.

Enfin, les personnes qui subissent un contrôle déclenchent une augmentation de 60 % de demandes de rendez-vous avec leur conseiller. L'opération permet donc de remobiliser à la fois les demandeurs d'emploi et l'accompagnement, assuré parfois de manière aléatoire - pour rester politiquement correct. C'est donc assez bénéfique.

Par ailleurs, le bonus-malus, tel qu'il avait été envisagé, repose sur le principe « pollueur-payeur ». On module les cotisations par rapport au coût, avec toutes les limites et les biais que cela peut comporter.

Mon entreprise comporte 80 % de personnel féminin. J'ai connu durant vingt ans un quart de l'effectif en congé maternité ou en congé parental. J'ai toujours accepté, accompagné et réintégré les personnes lorsque le congé était terminé. Je n'ai donc aucun problème avec ce sujet mais si, demain, il faut appliquer le bonus-malus, je reverrai ma politique de ressources humaines !

Par ailleurs, dans l'accord du 22 février dernier, on a demandé aux branches professionnelles d'établir un diagnostic sur toutes les formes de contrats courts, y compris l'intérim, en pointant tous les freins, sociétaux, comportementaux, réglementaires ou légaux. On n'avancera pas tant qu'on ne modifiera pas la législation !

Il existe aussi des phénomènes de connivence entre employeurs et salariés, qui conviennent à toutes les parties.

Dans l'accord du 28 mars 2017, nous avons revu les paramètres des contrats courts et des contrats longs, et nous avons rétabli un système de prise en charge équitable qui ne favorise pas ces comportements.

Nous n'avons pas le recul suffisant pour en juger, mais je suis intimement persuadé que ceci va avoir des conséquences sur le comportement des acteurs, tant salariés qu'employeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Puissat

Certaines questions n'ont pas été abordées, comme les performances de Pôle emploi, l'élaboration d'objectifs communs, le rôle du Parlement en la matière et le coût que représentent les intermittents du spectacle. Peut-on maintenir ce système et quelle peut être son évolution ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Il faut féliciter les partenaires sociaux de l'accord auquel ils sont parvenus, qui n'avait pas été prévu par les spécialistes.

Pourquoi regretter le fait qu'il n'existe pas de cotisation des salariés, alors que la CSG le compense, et que ceci va donc leur bénéficier ?

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

Je suis très attaché au paritarisme. L'accord du 22 février est arrivé à point, alors que certains étaient tentés de le « ringardiser ».

Je suis également attaché à la logique assurantielle. Or je pense que celle-ci n'est pas contradictoire avec un autre financement que celui des cotisations sociales ou patronales, notamment dans le nombre de compensations à l'euro-l'euro. La ressource peut être pérenne : il peut s'agir de la CSG, même si je crois plus en la TVA sociale.

Je souhaiterais connaitre votre avis sur cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Vous avez indiqué qu'il n'existe pas de changement de statut, d'après ce que l'on sait, dans la future loi relative à l'assurance chômage, mais n'est-on pas dans un risque d'étatisation larvé de l'assurance chômage ? Il faut se poser la question.

L'État est déjà présent dans le système à différents titres, et un changement de paradigme majeur est intervenu dans le cadre de la LFSS pour 2018, avec l'exonération de cotisation sociale de l'assurance chômage des salariés, à hauteur de 2,4 % du salaire brut, et l'exonération dégressive des contributions patronales à partir de 2019. Si mes calculs sont exacts, cela va représenter à terme 45 % des recettes de l'assurance chômage. Ce n'est donc pas un changement mineur.

Je pense qu'il y a là un risque de passer progressivement d'une indemnisation liée à l'activité, donc à la cotisation, à un système de prestations sociales, qui tirera automatiquement le système vers le bas.

Ce n'est donc pas seulement la question du financement pérenne qui est posée, mais celle de la philosophie même de l'assurance. Le Président de la République, durant la campagne présidentielle, avait clairement appelé à sortir du système assurantiel, en faisant des déclarations sur le fait que les salariés, ayant cotisé, pourraient penser qu'ils ont droit à une indemnisation. C'est un raisonnement dangereux et faux, que vous avez eu ici raison de contredire.

Je rejoins ce qu'a dit Mme Gruny sur l'étude de Pôle emploi.

S'agissant des contrats courts, au vu de ce que dit Mme la présidente, je pense qu'il faut remettre de la loi dans tout cela, mais aussi faire appliquer la loi. Il existe un système organisé autour de l'intérim dans les entreprises. Les chaînes industrielles, dans l'agroalimentaire, l'automobile, fonctionnent avec 50 %, voire 60 % d'intérimaires.

Ce système est organisé pour détourner la loi. L'Unédic a-t-elle réfléchi à des propositions pour y remédier ? Toutes les lois ne me conviennent pas, mais je les applique. Je pense qu'on doit se poser la question.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

Cette présentation conjointe illustre parfaitement les mérites de la gestion paritaire, de l'efficacité et de la responsabilité. Peut-être avez-vous parfois du mal à vous entendre, mais c'est le sort de tous les ménages qui fonctionnent !

Il est donc dommage que l'on soit amené à revenir sur le sujet, car il y avait derrière tout cela une fonction extrêmement importante.

Vous avez évoqué la prolifération des contrats courts, leur abus et surtout les conséquences très importantes pour ceux qui les subissent, qui sont en majorité des jeunes, dont le premier contrat, extrêmement précaire, tarde souvent à venir. Ceci nécessite sans doute que nous ayons des actions particulières dans ce domaine. La modification du code du travail par ordonnance n'a pas arrangé les choses - au contraire !

Avez-vous connaissance d'une forte augmentation des contrats de mission, qui font perdre à l'intéressé le droit aux primes de précarité et qui le font considérer comme un CDI, alors qu'ils n'en a aucune des caractéristiques ?

Je découvre par ailleurs que vous financez Pôle emploi. Quelle en est la justification ? Est-ce que cela a évolué ? A-t-on arbitrairement augmenté la participation de l'assurance chômage, ce qui serait regrettable ?

Vous avez dit n'avoir aucune assurance sur les recettes qui vous seront affectées, qui dépendront de dotations de l'État. Il ne suffit pas de dire qu'elles sont assises soit sur la CSG, soit sur la TVA pour garantir leur montant, puisqu'il ne s'agira que d'une part déterminée par l'État !

Avez-vous des idées sur la relation qui devrait s'établir entre l'assurance chômage et le Gouvernement pour garantir et indexer les recettes que vous en retirerez ?

Enfin, vous avez évoqué un certain nombre de dépenses qui vous ont été imposées, qu'on pourrait considérer comme des charges indues. L'horizon s'éclaire-t-il un peu ? Le traitement des frontaliers, comme la participation de l'assurance chômage, ont-ils reçu des assurances du Gouvernement vous garantissant que vous n'auriez plus à supporter ces charges ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

Quel est le poids du régime des intermittents du spectacle dans le déficit de l'Unédic ? Estimez-vous que ce régime doit être modifié pour faire des économies qui seraient les bienvenues ?

Par ailleurs, nous avons bien senti que vous étiez très attachés au paritarisme - et nous aussi. Je me demande toutefois, comme M. Watrin, comment il est possible de concevoir le maintien du paritarisme à partir du moment où la contribution à la cotisation des salariés sera assurée par un impôt, en l'occurrence la CSG.

Ce n'est pas possible selon moi. On est devant un régime qui s'effondre. Êtes-vous ou non favorables aux propositions du Gouvernement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Il est extraordinaire de constater que ce Gouvernement a réussi à créer un axe Watrin-Cardoux !

Debut de section - PermalienPhoto de Victoire Jasmin

On a parlé durant la campagne présidentielle de nouveaux modèles économiques. On constate que la situation de l'emploi ne s'améliore pas, bien au contraire, et on s'aperçoit qu'il existe de plus en plus d'incohérence entre les offres et les demandes d'emploi.

De plus en plus de jeunes diplômés sont confrontés au chômage. Faute d'une analyse pertinente, certaines personnes sont obligées de partir travailler ailleurs, et des étrangers viennent travailler en France. Il n'existe pas forcément d'unité entre les différents dispositifs ni de coordination entre les services de l'État.

Qu'est-il prévu à ce sujet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Le paritarisme semble aujourd'hui remis en cause, en particulier le rôle des corps intermédiaires dans la société - le Parlement pour l'aspect politique et les organisations syndicales et patronales pour l'aspect social.

Par rapport aux annonces du candidat à l'élection présidentielle, les modifications contenues dans le projet de loi concernant les démissionnaires et les indépendants ne constituent-elles pas des changements a minima dont les conséquences ne seront pas importantes ?

En second lieu, pensez-vous, en tant qu'observateurs de la conjoncture économique, que la croissance se poursuive à un rythme favorable pour la France, alors que les résultats du début de 2018 ne semblent pas tout à fait à la hauteur de ceux de 2017 ?

Debut de section - Permalien
Patricia Ferrand, présidente de l'Unédic

Jean-Michel Pottier a mis les mots qui conviennent sur les craintes qu'éprouvent les partenaires sociaux s'agissant du financement et de la mise à mal du paritarisme, ainsi que du rôle des corps intermédiaires dans la société française.

Toutes les organisations font la même analyse. On nous dit que l'Unédic n'est pas modifiée dans sa dimension institutionnelle et statutaire, pas plus que dans ses missions. Cependant, le périmètre de négociation est restreint par l'encadrement qui en est fait. En outre, le Gouvernement décidera des règles durant une période transitoire, ce qui interroge sur la volonté de prendre ou non en compte l'avis des partenaires sociaux. C'est donc bien le paritarisme de négociation qui est aujourd'hui « sur la sellette ».

S'agissant des questions financières, et notamment celle de la suppression de la cotisation salariale, qui signifierait la mort du paritarisme, les organisations syndicales ont des visions différentes à ce sujet, mais se retrouvent néanmoins sur certains points. Il n'y a pas que la cotisation qui justifie la participation à la négociation.

En matière de création de la norme, la valeur ajoutée des corps intermédiaires, en particulier les organisations syndicales et patronales, vient du fait que ceux-ci connaissent les réalités du terrain. C'est cette essence-là qui est en jeu. La formation professionnelle n'est financée que par une cotisation patronale. Il faut donc bien établir la distinction entre le rôle de la négociation et la nature du financement. Malgré tout, les organisations syndicales revendiquent, pour l'ordonnance chômage, le maintien du caractère contributif basé sur des cotisations à la fois salariales et patronales.

Vous avez posé une question essentielle sur la volonté de baisser le coût du travail pour des raisons de compétitivité, ce que permettait en partie la suppression des cotisations salariales. Même si on peut estimer qu'il s'agit d'une mesure en faveur du pouvoir d'achat, c'est bien une question de philosophie et de nature du régime.

Aux risques liés au travail correspondent des droits basés sur les cotisations du travail. En revanche, aux risques universels -qui ne sont pas liés au montant des cotisations- correspondent des prestations universelles. Quand on est atteint d'un cancer, on ne regarde pas le montant des cotisations : tout le monde a droit à la même chose. On n'est pas du tout sur la même nature de risques, et c'est bien là la différence entre les prestations universelles et les prestations d'assurance chômage.

J'entends parfaitement la question de la compétitivité qui est posée par certains d'entre vous : il était possible d'établir un swap entre les cotisations, de rendre la maladie complètement universelle et de la financer par la CSG, afin de permettre le gain de pouvoir d'achat pour les salariés, voulu par le Président de la République, tout en conservant la philosophie des régimes, c'est-à-dire un financement par l'impôt pour les prestations universelles et un financement contributif pour les prestations liées au travail.

D'où vient le financement de l'opérateur Pôle emploi qui assure auprès des demandeurs d'emploi à la fois l'indemnisation et l'accompagnement dans une recherche d'emploi ? La loi de création de Pôle emploi, en 2008, précise que les partenaires sociaux doivent financer au minimum Pôle emploi par 10 % des cotisations qu'ils collectent dans le cadre du régime d'assurance chômage, soit 3,5 milliards d'euros. Le budget de fonctionnement de Pôle emploi s'élève à 5 milliards d'euros. Un tiers de cette somme provient de l'État, le reste de l'Unédic.

Ceci s'explique par la structuration antérieure et l'idée que la sécurisation des personnes qui perdent leur emploi n'est pas seulement assurée par une indemnisation, mais aussi par un accompagnement et des dépenses actives -d'où la justification du financement de Pôle emploi par l'Unédic. Ces dernières années, les partenaires sociaux ont discuté sur cette part des deux tiers qui paraît relativement excessive, pèse sur les finances du régime, et pourrait être assurée plus largement par l'État.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Pottier, vice-président de l'Unédic

Dans l'accord national interprofessionnel du 28 mars 2017, les partenaires sociaux proposaient une discussion avec l'État sur la base d'un financement partagé.

Debut de section - Permalien
Patricia Ferrand, présidente de l'Unédic

Je laisserai Vincent Destival s'exprimer sur le chiffrage du déficit.

Le Parlement, dans le cadre de la loi Rebsamen de 2015, a adopté une nouvelle organisation de la négociation des annexes VIII et X relatives aux intermittents du spectacle. Ces personnes ont des règles et des droits d'indemnisation très particuliers. La loi Rebsamen dit que les partenaires sociaux, négociant le régime dans son ensemble, doivent fixer un cadrage aux partenaires sociaux du secteur, afin de négocier les règles spécifiques relatives aux intermittents du spectacle.

Ce schéma va-t-il être remis en cause ? À ma connaissance, pas vraiment. Je pense qu'ils se seraient déjà manifestés. Toutefois, l'encadrement financier et le fait de ne pas avoir de visibilité pluriannuelle sur le pilotage de l'assurance chômage ni de trajectoire financière sécurisée va les toucher de la même manière. C'est aujourd'hui le problème de tout le monde.

Debut de section - Permalien
Vincent Destival, directeur général de l'Unédic

Il y a deux manières de considérer le déficit du régime des intermittents. On peut étudier directement l'écart entre les contributions payées par les intermittents et les dépenses d'indemnisation liées à ces salariés. Dans ce cas, le déficit est un peu supérieur à un milliard d'euros. C'est sans doute une manière quelque peu biaisée de considérer le sujet. S'il n'existait pas de règles spécifiques pour les intermittents, ceux-ci seraient indemnisés sur la base des règles de droit commun, comme des intérimaires ou des contrats de courte durée.

En 2012, on avait mis en évidence que le surcoût des règles spécifiques des intermittents était de l'ordre de 300 millions d'euros. Les trois quarts du déficit proviennent du fait qu'il s'agit de contrats de courte durée, un quart étant lié aux règles spécifiques parfois plus favorables que le droit commun.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Pottier, vice-président de l'Unédic

Vous nous posez beaucoup de questions sur ce que fait l'Unédic. Nombre de ces remarques renvoient à des dispositions législatives qui sont plus de votre ressort que du nôtre. Nous sommes ici en tant que gestionnaires de dispositions que nous n'avons ni inspiré ni souhaité, mais que nous devons appliquer. Cela renvoie aux responsabilités de chacun dans cette affaire.

Debut de section - Permalien
Patricia Ferrand, présidente de l'Unédic

C'est particulièrement le cas des contrats courts s'agissant de la question relative à l'application de la loi. Ce n'est pas de notre responsabilité, tant s'en faut. À ce stade, nous pouvons éventuellement vous éclairer par des données statistiques ou par notre connaissance du terrain et des pratiques, mais en aucun nous n'avons de responsabilités quant à l'application de la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Quand j'étais président de département, j'avais imaginé pouvoir donner des chèques emploi service aux bénéficiaires de RSA, d'ailleurs suivis par Pôle emploi, charge à eux de trouver un employeur. Cela leur permettait de remettre le pied à l'étrier. Je n'ai toutefois pas pu le faire, la mesure n'étant pas vraiment compatible avec le RSA.

De telles expérimentations sont-elles envisageables pour ce qui vous concerne ?

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Pottier, vice-président de l'Unédic

Il existe un cas de figure pour ce qui concerne le régime assurantiel.

Ce que vous évoquez relève de la solidarité et non d'un régime assurantiel. L'Unédic ne s'occupe pour l'instant que du régime assurantiel, mais si on nous demande de prendre en charge les indépendants, cela nous fera basculer dans un autre système.

Debut de section - Permalien
Vincent Destival, directeur général de l'Unédic

On le fait aujourd'hui dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle, destiné aux personnes licenciées économiques. Ce sont des dispositifs qui fonctionnent sur des populations ciblées. Ce n'est pas ce qui crée de l'emploi. Dès qu'on veut généraliser ce type de système, on change l'ordre dans lequel les différents demandeurs d'emploi retrouvent du travail.

Je pense que la solution, si l'on veut que la croissance se consolide et se renforce, consiste à favoriser la réduction du chômage structurel et à accroître les chances de retour à l'emploi de personnes qui en sont éloignées, plutôt que de donner des armes supplémentaires à ceux qui trouvent d'ores et déjà assez facilement une activité.

Le contexte économique fait qu'on va devoir accompagner la croissance. Si on ne travaille pas à réduire le chômage structurel, on va buter sur notre capacité à entretenir la dynamique économique. Le contexte appelle aujourd'hui ce type de politique publique.

Debut de section - Permalien
Patricia Ferrand, présidente de l'Unédic

Je suis parfaitement d'accord avec ce qui vient d'être dit, notamment s'agissant du changement de nature du régime. On va vers un régime à financement mixte dont on ne connaîtra pas exactement la philosophie. Les organisations syndicales craignent un ajustement des minima sociaux en deuxième étape.

On met en place une structuration qui permet d'arriver à un régime non assurantiel, qui deviendra un régime de prestations sociales. Celui-ci fusionnera ensuite avec les minima sociaux.

Il existe aujourd'hui un système de cumul d'allocations et de revenu mensuel qui permet de toucher plus. Ce type d'incitation au retour à l'emploi est le même que celui qui figurait dans le RSA activité. Les contrats courts concernent en partie des populations plus proches de l'emploi.

Que ce soit sous forme de chèque emploi service ou de contrat aidé, il s'agit de savoir si le dispositif s'adresse à la personne ou à l'entreprise, et qui paye le travail. Je me demande si des expérimentations n'ont pas été menées il y a très longtemps dans le régime d'assurance chômage, où une partie des droits restants pouvaient être versés à l'entreprise. Il faut toutefois se rendre compte des inégalités que cela peut créer, et savoir si les personnes doivent donner une partie de leurs droits pour obtenir un emploi. Cela soulève une question philosophique.

Je suis d'accord avec vous pour reconnaître qu'on n'a pas encore trouvé, quel que soit le dispositif, la façon de résoudre le chômage structurel et d'accompagner au mieux les personnes. Il ne s'agit pas seulement d'une question d'indemnisation financière, j'en suis persuadée.