Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale

Réunion du 10 octobre 2018 à 8h35

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Nous procédons ce matin à l'audition de Mme Sophie Hatt, que les rapporteurs et moi-même avons souhaité entendre en sa qualité d'ancienne responsable du groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR).

Si cet entretien clôt notre programme d'auditions, il nous reste à mener un travail - d'ores et déjà engagé - d'analyse approfondie de l'ensemble des déclarations recueillies, afin de mettre en évidence les points qui ont pu être éclaircis, les contradictions ayant émergé de ces auditions et, une fois certaines réponses apportées, celles qui subsistent. Ce travail, important compte tenu du volume de matière à traiter, se poursuivra pendant quelques semaines. Toute information selon laquelle nous serions en phase d'achèvement de notre mission serait donc excessive, même si les médias, aujourd'hui, sont naturellement moins enclins à donner à celle-ci un caractère spectaculaire, ce qui nous permet de continuer d'avancer avec la sérénité qui a toujours été la nôtre.

Les questions qui nous occupent ont principalement trait au fonctionnement de la sécurité du chef de l'État dans un pays qui, rappelons-le, est la cinquième puissance mondiale. Ce sujet intéressant l'ensemble de nos concitoyens, il est normal que le Parlement s'en préoccupe si des dysfonctionnements apparaissent.

Notre commission ayant été investie des prérogatives d'une commission d'enquête, je dois vous rappeler, madame Hatt, qu'un faux témoignage serait passible de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, Mme Sophie Hatt prête serment.

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

ancienne cheffe du groupe de sécurité de la présidence de la République, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur. - En préambule, permettez-moi de vous exposer mon parcours professionnel, qui peut expliquer à quel titre je m'exprime aujourd'hui devant vous.

Commissaire de police depuis 27 ans, j'ai occupé différentes fonctions à la préfecture de police de Paris et à la direction générale de la police nationale. J'ai tout d'abord travaillé au sein de l'ancêtre de la direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC), en tant qu'attachée du deuxième district et en charge, principalement, de maintien de l'ordre, puis comme commissaire adjoint du XVe arrondissement et, enfin, comme commissaire du IIIe arrondissement. Jusqu'à la fin de l'année 1999, j'ai occupé les fonctions de commissaire central du IIIe arrondissement. J'ai été nommée chef du groupe de sécurité du Premier ministre le 2 février 2000, et j'ai donc assuré, de 2000 à 2002, la sécurité de Lionel Jospin. Ayant quitté le service de la protection des hautes personnalités (SPHP), j'ai été nommée à Marseille, puis adjoint du coordonnateur des services de sécurité intérieure en Corse. En 2010, je suis revenue à la préfecture de police de Paris et, après différentes affectations, j'ai été nommée cheffe du GSPR le 29 mai 2012.

Selon la volonté expresse du président François Hollande, j'ai composé ce groupe en intégrant des fonctionnaires de police issus du SPHP et des gendarmes issus du groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN). Le GSPR comprenait uniquement des officiers de sécurité, au nombre de 62.

J'ai quitté ces fonctions le 5 mars 2017 pour diriger la direction de la coopération internationale au ministère de l'intérieur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Le recrutement et l'évaluation des policiers et gendarmes d'élite du GSPR étaient-ils de votre ressort ? Vous revenait-il ou revenait-il au service de la protection du ministère de l'intérieur de mettre fin à une collaboration ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

Tous les officiers de sécurité ont été recrutés, notés, voire remis à disposition - à de très rares occasions, quand leur comportement ou leurs performances n'étaient plus à la hauteur du niveau requis - par moi-même.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Qui fixait les règles de fonctionnement du GSPR, vous-même ou le ministère de l'intérieur ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

Les officiers recrutés par mes soins avaient subi des tests pour faire partie, soit du GIGN, soit du service de la protection, le SDLP ; ils avaient donc toutes les compétences requises en matière de sécurité rapprochée. Au sein du groupe, l'entraînement était assuré par un moniteur et ses collaborateurs. Il était constant et parfois assuré sur des sites extérieurs mis à disposition par la gendarmerie ou la police nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Étiez-vous autonome ou certaines décisions concernant la sécurité présidentielle lors des déplacements vous étaient-elles imposées ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

J'étais totalement autonome, mais je rendais compte de tout incident ou difficulté à la directrice de cabinet, puis au directeur de cabinet qui l'a remplacée.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Dans les déplacements, qui était en contact avec les acteurs de terrain pour assurer la coordination entre votre domaine de responsabilité et l'organisation de la sécurité sur la voie publique et dans les bâtiments ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

Sur le territoire français, en métropole et outre-mer, je travaillais en collaboration constante avec le ou la chef de cabinet. L'organisation était très claire, le secrétaire général de l'Élysée ayant rédigé une note, dès le début du quinquennat, sur ce fonctionnement : l'organisation générale était de la compétence du chef de cabinet ; la sécurité rapprochée était de ma compétence exclusive ; la compétence générale était assurée au travers d'une coopération entre le chef de cabinet et moi-même.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Un collaborateur du chef de cabinet était-il particulièrement dédié aux questions d'organisation de la sécurité ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

Absolument pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Les photos et les vidéos dans lesquelles M. Benalla apparaît « à l'épaule » du chef de l'État à l'occasion de déplacements sont-elles caractéristiques d'une protection rapprochée ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

Les quelques images que j'ai pu voir ne me semblent pas forcément révélatrices d'une mission de sécurité rapprochée. Dans tout déplacement d'un Président de la République, il est fréquent qu'un ministre, un collaborateur, une autorité préfectorale ou étrangère soit à ses côtés. Cette présence, nécessaire au déroulement de la visite, ne tient nullement à une compétence en matière de protection rapprochée.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Évoquant sa présence « à l'épaule » du Président de la République, M. Benalla a déclaré : « c'est effectivement un changement, la fonction d'un officier de sécurité n'est pas de porter des dossiers ou le manteau du Président, c'est d'être attentif et de le protéger en permanence ». Constatez-vous un tel changement dans les images que vous avez pu voir ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

À nouveau, il est très fréquent qu'un collaborateur ou qu'une autorité se trouve au plus près du Président de la République et il n'est pas du ressort des officiers de sécurité de lui porter son écharpe, son manteau ou un dossier. Il n'y a pas de confusion sur ce point. Parfois, les circonstances imposent, par exemple dans un salon ou un congrès, que les officiers de sécurité « chahutent » les collaborateurs ou les personnes qui se trouvent à proximité du Président pour pouvoir reprendre leur place.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Comment est assurée la sécurité du Président de la République dans le cadre des déplacements privés ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

Le dispositif est identique à celui des déplacements officiels, mais il est plus discret et souvent moins lourd.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Que pensez-vous de la photo montrant le Président de la République à vélo, suivi à quelques centimètres de distance par M. Benalla ? Où est censé se trouver l'officier de sécurité dans ce type de déplacement ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

Le champ de cette photo était insuffisamment large pour que je puisse subodorer la position des officiers de sécurité, mais je pense qu'ils respectaient une distance raisonnable : ils doivent être assez près pour pouvoir intervenir si la sécurité du Président est en jeu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Lorsque vous étiez à la tête du GSPR, certains membres du cabinet du Président de la République disposaient-ils, à votre connaissance, d'un permis de port d'arme ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

À ma connaissance, non.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Vous paraît-il crédible qu'existe un groupe de travail pour améliorer la coordination entre le GSPR et le commandement militaire ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

Je n'en ai aucune idée.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Avez-vous eu à faire l'expérience de difficultés entre le GSPR et le commandement militaire justifiant de placer les deux services entre les mêmes mains pour éviter des failles dans l'organisation de la sécurité du Président de la République ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

Je n'ai rencontré aucune difficulté à travailler avec la garde républicaine durant mes cinq années d'exercice. C'était une collaboration pleine et entière.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Cela ne justifiait pas l'existence d'un coordinateur ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

Cela ne le nécessitait alors pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

« Nous avions contre nous le ministère de l'intérieur » : c'est le sens d'une déclaration faite par M. Benalla au Journal du dimanche, en rapport avec une réflexion qui aurait été engagée sur une réorganisation de la protection du Président de la République et d'autres personnalités afin de renforcer son autonomie à l'égard du ministère de l'intérieur. Comment réagissez-vous à cette déclaration ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

Je n'ai pas lu cet article, mais je ne vois pas pourquoi le ministère de l'intérieur se serait opposé à une réforme ou à une réflexion sur l'amélioration de l'efficacité d'un service.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Depuis le début de la Ve République, la sécurité du Président de la République est assurée par des fonctionnaires, dépendant du ministère de l'intérieur ou du ministère de la défense, et, à ma connaissance, on n'a jamais envisagé de la rendre autonome vis-à-vis du ministère de l'intérieur. Qu'en pensez-vous ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

Tout en appartenant formellement au ministère de l'intérieur, les personnels du GSPR étaient placés sous l'autorité de la présidence de la République. Pour preuve, durant les cinq années où j'étais chef du GSPR, je n'ai jamais été notée par ma hiérarchie au sein du ministère de l'intérieur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Et vous ne rendiez pas compte au ministère de l'intérieur de ce que vous faisiez et notamment des déplacements privés du Président ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

Des déplacements privés, absolument pas - cela fait partie de la vie privée du Président de la République - en revanche, à quelques reprises, je me suis entretenue avec ma hiérarchie de difficultés d'organisation au sein du GSPR et de suggestion d'amélioration de son fonctionnement, ou de décisions concernant des membres de l'équipe.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Pouvez-vous nous citer des difficultés qui auraient justifié ces discussions avec le ministère de l'intérieur ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

J'ai pu échanger avec le directeur du SPHP pour des raisons de service sur certaines décisions concernant le renouvellement de membres de l'équipe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Vous semble-t-il normal que les événements du 1er mai dernier n'aient donné lieu à aucun compte rendu dès le soir même au préfet de police ou au ministère de l'intérieur ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

Vous me demandez là de m'exprimer sur le fonctionnement d'autres services auxquels j'ai appartenu il y a plusieurs années...

L'établissement de comptes rendus est un mode de fonctionnement habituel, au sein du ministère de l'intérieur comme de nombreuses autres administrations. Il est parfois écrit, parfois oral. Mais vous connaissez les règles mieux que moi et je n'ai pas d'appréciation particulière sur cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Qui désigne les personnes présentes à une réunion de commandement, à laquelle participent le ministre de l'intérieur et le préfet de police ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

C'est le cabinet du ministre qui décide des personnes pouvant assister à toute réunion présidée par celui-ci. C'est valable, concernant leurs cabinets respectifs, pour le préfet de police, comme pour d'autres autorités.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Lorsque l'on met bout à bout tous les témoignages recueillis sous serment au cours de nos auditions, il peut apparaître que M. Benalla était un organisateur de voyages, qu'il était un garde du corps, assurant notamment la sécurité rapprochée lors des déplacements privés, qu'il était doté d'une mission de confiance à caractère général, qu'il n'avait aucune fonction de sécurité ou encore qu'il en avait une, consistant à coordonner les différents services de sécurité avec d'autres services, voire à mener des réflexions prospectives et à donner des instructions à certains membres de la police et de la gendarmerie sur une évolution possible de l'organisation de la sécurité du chef de l'État. Que vous inspire cette énumération - qui, au passage, montre bien le travail qui nous attend pour trouver la vérité et forger notre intime conviction ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

Au cours de mes cinq années à la tête du GSPR - seule chose sur laquelle je peux m'exprimer -, l'organisation était clairement établie : à moi, la sécurité rapprochée du Président de la République ; au chef ou à la cheffe de cabinet, l'organisation du déplacement. Aucun d'entre nous n'aurait accepté que l'autre empiète sur son domaine de compétences.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Quelle latitude le Président de la République a-t-il dans l'organisation de sa propre sécurité ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

Aucun texte ne prévoit une soumission du Président de la République au responsable de sa sécurité. Dans mon cas, un lien de confiance s'est tissé entre le Président et moi-même au fil des ans. J'ai parfois attiré son attention sur certains dispositifs de sécurité ou certains déplacements à risque, toujours en lien avec le directeur de cabinet, voire le secrétariat général de l'Élysée, et, pour les déplacements à l'étranger, avec le chef d'état-major particulier. Je n'ai jamais eu à déplorer de mésentente ni à accepter des dispositifs qui ne me semblaient pas convenir à la sécurité rapprochée du Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Le chef de l'État ne se dérobait jamais aux dispositifs de sécurité convenus entre vous ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

Non, j'ai exercé pendant cinq ans et lorsque j'ai quitté mes fonctions, son intégrité avait été préservée.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

En tant que cheffe du GSPR lors du quinquennat de François Hollande, quelle aurait été votre posture vis-à-vis d'un chargé de mission du cabinet de la présidence porteur d'une arme ? D'autres personnes, à l'Élysée, hors du commandement militaire et du GSPR, disposaient-elles d'un port d'arme ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

Aucun membre du cabinet présidentiel ne disposait d'un permis de port d'arme. Au plus près du Président de la République, et en dehors des membres du GSPR, seuls les officiers de sécurité des services étrangers et les officiers de sécurité rapprochée de certaines autres autorités françaises pouvaient être armés.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Lherbier

Auriez-vous pu ne pas avoir connaissance de l'existence d'un cas comme celui de M. Benalla ? Pour justifier sa demande de port d'arme, ce dernier nous a expliqué qu'il se sentait en insécurité : qu'auriez-vous fait face à une telle situation ? En amont des interventions de maintien de l'ordre, êtes-vous informée de toutes les possibilités d'enregistrement vidéo ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

Pour répondre à votre première question, vous m'interrogez en substance sur la façon de savoir si quelqu'un est armé... Or le port d'une arme n'est en rien discret, surtout aux yeux de professionnels. En observant la démarche d'une personne, même furtivement, on peut savoir si elle est armée ou pas.

Par ailleurs, concernant le cas d'un conseiller qui se trouvait en « insécurité », il m'est arrivé d'accepter qu'un officier de sécurité du GSPR accompagne un conseiller de François Hollande dans un déplacement, parce qu'il s'annonçait un peu houleux, sur demande et en accord avec le directeur de cabinet. Il peut également y avoir une différence entre un sentiment d'insécurité et une situation réelle d'insécurité, mais je ne connais pas suffisamment le cas de M. Benalla pour pouvoir donner un avis sur son sentiment d'insécurité.

Enfin, concernant la vidéo, un smartphone est une caméra en soi : tous nos agissements sont donc susceptibles d'être filmés. C'est pourquoi nous devons être exemplaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L'idée d'un rapprochement entre le GSPR et le commandement militaire est, me semble-t-il, mentionnée dans un rapport de la Cour des comptes - rédigé à la demande de la présidence de la République sous M. François Hollande, mais dont j'ignore la date - dans un souci d'éviter les doublons en matière logistique. Ce rapport, qui serait utile à notre enquête, est-il déjà en possession de la commission ? Pouvons-nous y avoir accès ? Avez-vous été interrogée sur le sujet par les rapporteurs de la Cour des comptes ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

J'ai reçu, trois années de suite, les rapporteurs de la Cour des comptes, et j'ai répondu à leurs questions sur les frais de fonctionnement et le coût du GSPR, mais je n'ai jamais été interrogée sur un rapprochement éventuel - et je n'ai jamais donné mon avis sur un tel rapprochement. Ce rapport a peut-être été rédigé alors que j'étais en fonction au sein du GSPR, mais il ne m'a pas été communiqué et le cabinet du Président de la République ne m'a jamais fait part d'une réflexion en ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Nous parlons là, je le précise, d'une partie d'un rapport public, qui porte, non pas sur des défaillances possibles en termes de sécurité présidentielle, mais sur des mesures d'économie et de bonne gestion.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

Sur l'une des vidéos disponibles, on voit le Président de la République, en visite au Salon de l'agriculture, être victime d'un jet d'oeuf. M. Benalla est la première personne à intervenir pour le protéger. Est-ce normal ? Avec l'expérience qui est la vôtre, n'estimez-vous pas que cela aurait plutôt dû être le rôle d'un officier de sécurité ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

La visite du Salon de l'agriculture est l'un des déplacements les plus complexes à gérer sur le territoire métropolitain parce que, outre la présence des animaux, des oeufs et des journalistes...

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

il y a beaucoup de monde. La pression est importante autour du Président de la République. La visite fait l'objet d'une mission préparatoire, comme tous les déplacements, mais aussi d'un dispositif très particulier. Le Président de la République est accompagné de personnes qui souhaitent rester toutes à proximité. Plusieurs zones sont définies en collaboration avec le préfet de police : une zone de sécurité très rapprochée, une zone plus éloignée et des zones gérées en coopération avec les effectifs du préfet de police et des renforts du GSPR. Dans une bousculade inorganisée, celui qui sera au plus près du Président pourra être un collaborateur, le ministre ou toute autre personnalité. Si M. Benalla a reçu ou écarté l'oeuf, c'est qu'il se trouvait dans le cercle le plus rapproché.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

Avez-vous rencontré M. Benalla, qui semble connaître et rencontrer beaucoup de monde, dans le cadre de vos fonctions actuelles ou dans un autre cadre ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

Je n'ai jamais rencontré M. Benalla, ni en tant que cheffe du GSPR, ni dans mes fonctions actuelles, ni sur le territoire français, ni à l'étranger. Peut-être était-il présent lors des occasions où j'ai pu rencontrer le Président de la République, mais je ne l'ai pas vu et je ne le connais pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

M. Benalla nous a expliqué que, parmi ses nombreuses missions, il assurait l'interface entre l'intérieur et l'extérieur. Il transcrivait le ressenti, il faisait part de l'ambiance. Des personnes occupaient-elles de telles fonctions lorsque vous étiez à la tête du GSPR ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

Nous n'avions pas de « capteur d'ambiance », de « transmetteur d'ambiance ». Mais, bien évidemment, je disposais de toutes les informations nécessaires pour prévenir un éventuel incident, via le directeur de cabinet du Président de la République ou le centre national du renseignement, placé auprès de la présidence de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Harribey

Les collaborateurs qui sont à proximité du Président de la République sans avoir une mission de sécurité reçoivent-ils une formation spécifique ? À qui répondent-ils ? Ont-ils une totale liberté de comportement ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

Je ne pense pas qu'une formation particulière soit dispensée aux collaborateurs susceptibles d'accompagner le Président de la République dans ses déplacements. Mais, lorsque je dirigeais le GSPR, je les connaissais tous et nous entretenions un dialogue constant, parfois un peu musclé, afin qu'ils sachent quelle devait être leur place.

Mais le Président de la République a lui-même besoin parfois de la proximité de certains collaborateurs, s'il a une question technique...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Toute la difficulté de votre tâche est que le Président de la République est comme un aimant qui attire à lui de nombreuses personnes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Est-il arrivé que des membres du cabinet vous demandent de fouiller ou d'interpeller des journalistes ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

Cela ne s'est jamais produit. Nous avons parfois dû écarter des journalistes, un peu trop pressants ou dont le matériel était encombrant, mais jamais je n'ai eu à en interpeller un, ni sur ordre, ni de ma propre initiative.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Deromedi

M. Benalla nous a indiqué avoir obtenu un port d'arme parce qu'il était lui-même en insécurité. Est-il logique qu'une personne en insécurité soit aussi proche du Président de la République ? N'est-ce pas nuire à la sécurité du Président de la République ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

L'insécurité n'est pas contagieuse. Des personnalités étrangères extrêmement menacées ont parfois accompagné, au plus près, le Président de la République, par exemple lors de la marche ayant suivi les attentats de janvier 2015.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Di Folco

Vous parlez de 62 officiers de sécurité au GSPR sous le quinquennat de François Hollande ; ils étaient je crois entre 90 et 100 sous celui de Nicolas Sarkozy ; ils sont 74, environ, à l'heure actuelle. Les chiffres sont assez fluctuants. Or l'argument d'un effectif réduit a été avancé pour justifier que le service de sécurité soit complété par des chargés de mission attachés au cabinet présidentiel. Pensez-vous que ce soit le cas ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

Le dimensionnement du GSPR a été fluctuant sous la Ve République. Je crois que sous François Mitterrand, il était de 150 personnes. Mais le fonctionnement diffère selon les mandatures, notamment du fait de l'entourage du Président de la République et du nombre de personnalités à protéger autour de lui.

Les textes ne fixent pas le périmètre des personnes à protéger, mais la sécurité des proches du Président de la République influe bien évidemment sur la sienne. Quand je le demandais, nous disposions de renforts, issus de la CRS 1, la compagnie républicaine de sécurité dédiée au renforcement du service de la protection.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Segouin

Si l'un des collaborateurs de l'Élysée avait demandé un permis de port d'arme, en auriez-vous été avisée ? Auriez-vous pu opposer votre veto ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

J'en aurais été avisée, je pense, dans le cadre du dialogue constant que j'entretenais avec le directeur de cabinet du Président de la République. Sur le plan juridique, je n'aurais pas pu émettre un veto à son port d'arme, mais il n'aurait pas été inclus dans le dispositif de sécurité du GSPR.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

M. Benalla nous a expliqué que sa présence était indispensable auprès du Président de la République du fait d'un encadrement allégé des déplacements privés. Nous nous rappelons que François Hollande a effectué des déplacements très particuliers, dans un cadre privé - sur lesquels je ne porte aucun jugement -, toujours accompagné d'un garde du corps officiel. Cet accompagnement était-il suffisant à vos yeux ? Nécessitait-il la présence d'un conseiller du Président de la République ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

Un membre du GSPR était toujours présent auprès du Président de la République, lequel était parfois accompagné, sur sa demande, de membres de son cabinet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

M. Benalla aurait été porteur d'une oreillette. À quoi servait-elle d'après vous ? Des membres du GSPR ont-ils eu à se plaindre auprès de vous d'un comportement exagéré de M. Benalla ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Sur ce point, on nous a parlé de l'existence de plusieurs « bulles », dont une « bulle n° 1 » constituée des personnels, quatre ou cinq personnes, assurant la protection la plus rapprochée, à côté d'une autre « bulle » pour l'organisation du déplacement. M. Benalla, nous a-t-on dit, relevait de la première. Au vu des images, cela vous semble-t-il crédible ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Y avait-il déjà deux « bulles » de votre temps ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

Effectivement, j'ai observé que M. Benalla portait une oreillette ; mais tout dépend à quoi elle était reliée. Il faudrait le lui demander. Lorsque je dirigeais le GSPR, seuls ses membres et les renforts de la CRS 1 étaient reliés au réseau crypté.

La première « bulle » relie le triangle de sécurité, chaque officier formant ce triangle ayant un rôle très précis et une mission de sécurité.

Ayant quitté le GSPR le 5 mars 2017, je ne peux pas répondre sur le comportement de M. Benalla.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Si vous étiez aujourd'hui patronne du GSPR, les fonctions que l'on prête à M. Benalla auraient-elles constitué une gêne pour l'exercice de vos missions ?

Debut de section - Permalien
Sophie Hatt, directrice des services actifs de la police nationale, directrice de la coopération internationale au ministère de l'intérieur

J'ai été patronne du GSPR pendant cinq ans, cela s'est bien passé parce que cela s'est passé sans entraves ; si quelqu'un avait voulu s'insérer dans notre dispositif de sécurité, il aurait constitué une gêne. Vous faites référence à des témoignages, qui, même sous serment, demeurent subjectifs. Certains peuvent s'imaginer avoir des fonctions qui ne sont pas réelles. Lorsque j'étais en fonctions, la question ne s'est pas posée, car chacun était à sa place.