Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Réunion du 17 juin 2009 : 2ème réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • appareil
  • mairie
  • normes
  • photo
  • photographe
  • photographie

La réunion

Source

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de MM. Philippe Paillat, vice-président de l'Association pour la promotion de l'image (API), président de la Confédération française de la photographie, Frédéric Buxin, administrateur de l'API, président de l'Union des photographes créateurs, et Marc Héraud, secrétaire général de l'API.

Debut de section - Permalien
Marc Héraud, secrétaire général de l'API

a tout d'abord indiqué que son association, qui regroupe l'ensemble des métiers de la photographie en France, a pour double vocation de promouvoir les pratiques photographiques et de défendre les métiers de la photographie lorsqu'ils sont attaqués ou en danger. Cela lui semble être le cas aujourd'hui pour deux raisons : l'une tenant à la mise en oeuvre des dispositions relatives à l'établissement du passeport biométrique, l'autre relative au non-respect du droit d'auteur des photographes.

S'agissant du premier point, il a rappelé que, en application du règlement européen de décembre 2004 relatif à la sécurisation des titres de voyage, un décret du ministère de l'intérieur du 30 avril 2008 confie désormais la délivrance des passeports à 2 000 mairies. Celles-ci se sont équipées d'un matériel permettant de réaliser les photos d'identité, même si reste ouverte la possibilité pour les personnes concernées d'apporter des photos réalisées à l'extérieur et numérisées ensuite en mairie. Un amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2008 a certes permis aux maires de ne pas faire appel aux agents municipaux pour réaliser ces photos officielles et 750 villes sur 2 000 ont pris cette décision. Il n'en reste pas moins que ce décret, pris sans concertation et transformant un agent de mairie en photographe, entraîne une concurrence déloyale à l'égard des professionnels qui, en outre, doivent facturer leurs prestations.

Debut de section - Permalien
Philippe Paillat, vice-président de l'API

a souligné que la réalisation des photos d'identité représentait entre 10 et 30 % de l'activité d'un magasin et constituait ainsi en quelque sorte pour le photographe ce qu'est la vente de baguette de pain pour le boulanger. L'enjeu est donc de taille sur le plan économique et social, puisque 8 000 emplois sont en jeu, y compris ceux liés au fonctionnement des appareils « photomaton ».

Il a fait état de l'importance des investissements réalisés par les photographes, en 2005, pour s'équiper de nouvelles machines et respecter les nouvelles normes décidées par le ministère de l'intérieur. Comparant ensuite les performances respectives des machines équipant les mairies et de celles, plus perfectionnées, dont se sont dotés les photographes, il a insisté sur les limites des premières qui entraînent un refus fréquent par les mairies des photos de meilleure qualité réalisées par les professionnels alors même qu'elles répondent parfaitement aux normes fixées par le ministère de l'intérieur. Il en découle un mécontentement et des reproches des clients des photographes professionnels et une situation véritablement kafkaïenne.

Compte tenu, en outre, de la perte de temps qu'induit cette nouvelle tâche pour les agents municipaux, alors même que les files d'attente pour l'obtention d'un passeport biométrique sont longues, la solution pertinente consisterait à ce que les mairies renoncent à faire elles-mêmes les photos d'identité et se contentent de les numériser, ce qui permettrait d'ailleurs aux citoyens concernés de conserver leurs photos.

Selon M. Philippe Paillat, il s'agit d'une question de survie pour les photographes, qui ont déjà souffert de la révolution du numérique, laquelle a entraîné la suppression de 6 000 emplois dans la profession entre 1997 et 2005. Il a aussi rappelé la baisse du prix des photos pour le consommateur.

Debut de section - Permalien
Marc Héraud, secrétaire général de l'API

a insisté sur l'incertitude en résultant pour les citoyens, compte tenu de la variété des situations selon les communes. Il a formé le voeu que la situation soit rapidement simplifiée et normalisée.

Il a ensuite dénoncé les pratiques consistant à acheter sur Internet des photos d'illustration à un euro et à nier ainsi le droit d'auteur des photographes.

Debut de section - Permalien
Frédéric Buxin, administrateur de l'API

Après avoir relevé que l'existence de deux organisations professionnelles ne favorisait pas la défense des photographes, M. Frédéric Buxin, administrateur de l'API, a précisé que son organisation représentait notamment 5 000 photographes-auteurs, environ 4 500 photographes exploitant des magasins et 5 000 à 6 000 photographes salariés au sein de grandes institutions ou entreprises. Soulignant la variété des métiers concernés (presse, édition, publicité...), il a regretté qu'ils soient mal connus et trop souvent réduits à un simple acte technique.

Il a précisé que le métier de photographe s'exerçait selon deux pratiques principales : la commande et l'autoproduction, cette dernière donnant lieu à la négociation de droits d'auteur. Il a évoqué la dégradation de la situation des photographes avec le développement de la diffusion numérique et il a appelé à la tenue d'états généraux pour trois raisons :

- le développement des photographies libres de droits, lié soit à la sollicitation de photographies d'amateurs sur Internet, soit à des abus dans la négociation du droit d'auteur est préoccupant. A cet égard, il conviendrait de prévoir un barème de prix minimum pour toute publication traditionnelle, c'est-à-dire sur support papier, comme il en existe, depuis 1985, pour la commande de photographies dans le domaine publicitaire ou, ainsi que le prévoit la loi relative à la diffusion et la protection de la création sur Internet, pour la publication de photos de presse. En outre, il serait souhaitable d'établir une licence collective, afin qu'une structure commune puisse exercer les droits exclusifs pour l'ensemble de la profession, les auteurs pouvant toujours se retirer s'ils préfèrent négocier leurs droits personnellement ;

- les droits réservés, créés historiquement après guerre pour permettre aux ayants droit de bénéficier des droits d'auteur de leurs parents, sont aujourd'hui utilisés abusivement par les diffuseurs en toute négation du code de la propriété intellectuelle. Un texte a été proposé en vue de prévoir une rémunération des oeuvres orphelines ; il a été transmis au ministère de la culture en avril 2008 ;

- les décisions judiciaires reconnaissent de plus en plus difficilement l'originalité des oeuvres photographiques, ce qui isole des autres ce type d'oeuvre. Une solution pourrait être de considérer comme oeuvre toute photo utilisée dans un cadre professionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Se fondant sur l'exemple de Melun, Mme Colette Mélot a mis en exergue les difficultés auxquelles sont confrontées les mairies pour appliquer le texte relatif à l'établissement des passeports biométriques. Dans sa ville, les agents concernés y consacrent aujourd'hui deux tiers de leur temps de travail, contre un tiers auparavant. Mais le dispositif est globalement satisfaisant. Néanmoins, elle s'est interrogée sur les raisons du rejet de 50 % des dossiers dont les photographies n'étaient pas réalisées par la mairie et a demandé s'il ne fallait pas soit que l'administration se voie confier cette mission, soit imposer des appareils normés à tous les professionnels. Elle n'a pas exclu la révision du texte en vigueur, en prenant en compte les retours d'expérience.

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

a relevé l'effet pervers de la terminologie employée : ainsi l'expression « banque d'images » conduit à considérer les photos comme de simples marchandises. S'il a considéré qu'on ne pouvait accuser les nouvelles technologies de remettre en cause le droit d'auteur, il s'est interrogé sur les solutions qui pourraient être trouvées au niveau européen.

Il a ensuite souligné la confusion faite entre droit à l'information et communication. Enfin, évoquant les pratiques amateurs, il s'est demandé comment empêcher leurs dérives sans nier leur importance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

S'appuyant sur son expérience municipale à Grasse, M. Jean-Pierre Leleux a souligné que les maires étaient pris entre les feux croisés des professionnels et le souhait des élus de proposer aux citoyens un service public rapide. Relevant le mécontentement des personnes dont les photos se voient rejetées, il a suggéré la recherche d'une solution intermédiaire tendant à ce qu'une garantie soit apportée au respect des normes par les photographes professionnels.

Par ailleurs, il a craint que l'éventuelle mise en place d'un organisme collectif n'entraîne une complexification du système.

Debut de section - Permalien
Marc Héraud, secrétaire général de l'API

a apporté des réponses pratiques expliquant le refus d'un certain nombre de photos professionnelles par l'appareil qui analyse les photographies en mairie : celui-ci est différent de ceux des professionnels et il tend à rejeter des photos pourtant conformes ; en effet, le gabarit de ces photos est analysé comme une ombre par cet appareil... C'est pourquoi l'agence compétente devrait changer les 4 000 scanners dans les 2 000 mairies concernées, ce qui montre d'ailleurs le souhait de favoriser la prise de vue en mairie. Il est paradoxal que la France soit l'un des rares pays européens à ne pas faire confiance à ses photographes, alors même qu'ils ont réalisé un travail de normalisation important et qu'ils se sont engagés à respecter les normes prescrites. Enfin, les appareils automatiques dits « photomaton » respectent eux-mêmes strictement ces normes.

Debut de section - Permalien
Frédéric Buxin, administrateur de l'API

a de nouveau attiré l'attention sur les problèmes de distorsion de concurrence liée aux nombreuses ventes de photos par des photographes occasionnels, même s'il n'est bien sûr pas question d'enfreindre la liberté de circulation de celles-ci. Il a insisté sur l'impossibilité de faire respecter désormais le droit d'auteur des journalistes sur Internet. Enfin, il a indiqué que la société d'auteurs d'images fixes a été créée voilà dix ans ; elle compte 4 800 membres. Elle dispose de prérogatives de contrôle des comptes mais il serait également souhaitable de lui donner la capacité d'être appelée en médiation afin de gérer les problèmes de partage de revenus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

a conclu de la façon suivante :

- s'agissant des passeports biométriques, les élus sont partagés entre leur écoute des photographes présents dans leurs villes et la demande de leurs concitoyens. Il est nécessaire de sortir de cet imbroglio, pénible pour tout le monde, sachant que ce problème relève davantage de la compétence de la commission des lois du Sénat que de la commission des affaires culturelles ;

- pour ce qui concerne en revanche le droit d'auteur des photographes, la commission des affaires culturelles exercera pleinement ses compétences afin de le défendre.