Mes chers collègues, je vous prie d'excuser le retard du président Milon, qui nous rejoindra dans la matinée. Je vous propose de commencer par l'examen de l'avis de Michel Forissier sur la mission « Travail et emploi » du projet de loi de finances pour 2020.
Avant de vous présenter mes observations sur les crédits demandés au titre de la mission « Travail et emploi » du projet de loi de finances (PLF), il me semble utile de rappeler quelques éléments quantitatifs récemment publiés par l'Insee. Au troisième trimestre 2019, le taux de chômage s'élevait dans notre pays à 8,6 % de la population active, ce qui représente une baisse d'un demi-point sur un an, mais une légère augmentation par rapport au trimestre précédent. La situation de l'emploi demeure donc fragile.
En Europe, seuls trois pays connaissent un taux de chômage supérieur au nôtre, mais la Grèce, l'Espagne et, dans une moindre mesure, l'Italie, sont sur une trajectoire de baisse rapide. La France est en effet le seul pays européen à appartenir à la fois à deux groupes de pays qui sont tous deux très restreints : ceux qui connaissent un taux de chômage supérieur à 8 % et ceux dont le taux de chômage n'a baissé que de deux points ou moins depuis le pic de 2015. Ces résultats suggèrent que nous luttons contre le chômage comme si nous connaissions le plein emploi.
Ceci étant posé, j'en viens à l'examen des crédits de la mission. L'an dernier, nous faisions le constat que ces crédits connaissaient une forte baisse, de près de trois milliards d'euros, mais que cette baisse résultait essentiellement d'une part de la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en baisses de charges pérennes compensées par une affectation de recettes fiscales à la sécurité sociale et d'autre part de l'extinction de dispositifs dont la suppression avait déjà été décidée au cours des années précédentes.
Ces effets ne jouant pas en 2020, les crédits demandés sont stables, et même en légère augmentation puisqu'ils progressent de 320 millions d'euros pour atteindre près de 13 milliards d'euros.
La mission « Travail et emploi » se compose de quatre programmes. Les deux plus importants, dédiés à l'accompagnement des publics éloignés de l'emploi d'une part et au développement de l'emploi d'autre part, représentent respectivement 50 % et 44 % des crédits de la mission et c'est sur ces deux programmes, le 102 et le 103, que je m'attarderai le plus.
Au sein du programme 102, on peut noter la baisse de la subvention accordée par l'État à Pôle emploi, l'Unédic étant dans le même temps mise davantage à contribution. On peut s'interroger sur la pertinence de ce désengagement alors même que le Gouvernement a choisi de reprendre la main sur la définition des règles de l'assurance chômage. Je constate par ailleurs que le Gouvernement a « changé d'avis », selon les termes de la ministre du Travail, au sujet des effectifs de Pôle emploi et qu'il souhaite cette année donner un coup d'arrêt à la trajectoire de réduction des effectifs qu'il avait imposée ces dernières années. Notons toutefois que les 1 000 emplois supplémentaires prévus seront recrutés en CDD et qu'ils auront vocation à renforcer l'accompagnement des entreprises et non celui des demandeurs d'emploi.
Comme l'année dernière, aucune ligne budgétaire n'était prévue pour le financement des maisons de l'emploi et, comme l'année dernière, le Gouvernement a consenti à leur accorder 5 millions d'euros dans le cadre de l'examen du PLF par l'Assemblée nationale. Comme l'année dernière, je vous proposerai de suivre l'avis de la commission des finances et de porter ce financement à 10 millions d'euros.
Le Gouvernement poursuit par ailleurs sa politique qui consiste à réduire le recours aux contrats aidés et de renforcer, à l'inverse, son soutien au secteur de l'insertion par l'activité économique.
J'approuve cette orientation. En effet, les contrats aidés n'ont souvent été qu'un palliatif, permettant de faire baisser artificiellement le taux de chômage, ce qui peut être tentant avant des échéances électorales, sans agir sur les freins à l'emploi des personnes qui connaissent le chômage et la précarité.
À cet égard, on peut s'interroger sur la logique qui soutient l'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée. Je sais que cette expérimentation a de nombreux défenseurs - y compris au sein de cette commission -, de différentes couleurs politiques, mais j'attends avec impatience les éléments d'évaluation qui doivent être publiés prochainement. En effet, résumée à gros traits, cette expérimentation consiste pour l'État à financer des services d'intérêt général dans des territoires, à hauteur de près d'un Smic par personne embauchée. Je n'ai pas de mal à croire que l'impact pour les personnes concernées soit positif et je comprends aisément que de nombreux élus locaux soient volontaires pour en bénéficier. Toutefois, il me semble que si la solution au chômage était d'embaucher tous les chômeurs avec de l'argent public pour des activités non marchandes, il y a longtemps que nous serions au plein emploi. Les évaluations qui viennent d'être publiées poussent à envisager tout élargissement de cette expérimentation avec une grande prudence.
Cette observation me permet de faire la transition avec la question d'une autre expérimentation, celle des emplois francs. Pour rappel, il s'agit d'un dispositif qui a été inséré dans le PLF pour 2018 par un amendement du Gouvernement et qui n'a donc fait l'objet d'aucune étude d'impact. Nous n'avons pas non plus reçu l'évaluation pourtant prévue par la loi et que le Gouvernement devait remettre au Parlement au plus tard le 15 septembre dernier - nous avons l'habitude ! Nous disposons toutefois de quelques éléments quantitatifs qui laissent penser que cette expérimentation est un échec assez flagrant, et ce malgré les assouplissements et élargissements intervenus en cours d'année 2019.
Pour autant, le Gouvernement annoncé vouloir prolonger cette expérimentation tout en l'étendant à la France entière. Ce prolongement se ferait cette fois par décret, et le Parlement ne serait pas consulté. Cette méthode ne me semble satisfaisante ni du point de vue du nécessaire contrôle que doit exercer le Parlement sur l'action de l'exécutif ni en termes de bon usage des deniers publics.
Je sais qu'il est sans doute politiquement difficile d'assumer l'échec d'un dispositif qui était l'une des promesses de campagne du président de la République, et cela explique certainement l'insistance de la ministre du Travail à assouplir progressivement tous les critères d'éligibilité, mais il convient sans aucun doute d'arrêter les frais.
Les crédits dédiés au financement de l'alternance, progresseraient, sous l'effet de l'augmentation du nombre d'apprentis mais également de la réforme du financement de l'apprentissage, l'aide unique créée par la loi du 5 septembre 2018 ayant remplacé un certain nombre d'aides qui étaient financées par les régions.
Les crédits en faveur des dispositifs de baisse du coût du travail et de soutien à l'activité témoignent de tâtonnements regrettables de la part du Gouvernement.
Le projet de loi initial, et les annexes budgétaires transmises par le Gouvernement, prévoyaient une restriction de l'exonération au titre des services à la personne pour les publics fragiles. Devant les nombreuses réactions, le Gouvernement a déposé un amendement de suppression de l'article 79. J'approuve ce recul mais je déplore la méthode et le signal envoyé.
L'année dernière, le Gouvernement a décidé d'élargir les conditions pour bénéficier de l'aide aux créateurs et repreneurs d'entreprise (Acre). Cet élargissement a eu des conséquences budgétaires largement supérieures à ce qu'il envisageait, ce qui le conduit cette année à nous proposer de revenir en arrière, au travers de l'article 80 du PLF. Si on peut admettre que ce retour en arrière soit justifié par les effets d'aubaine constatés, on peut déplorer le manque d'anticipation et l'imprévisibilité qui en résulte. Or, en matière de dispositifs incitatifs, la prévisibilité est une condition essentielle de l'efficacité.
Je vous proposerai donc un amendement, qui a déjà été adopté par la commission des finances, qui vise à maintenir l'aide pour les entrepreneurs qui se sont lancés en comptant sur une exonération dégressive sur trois ans.
La mission « Travail et emploi » porte égalent les crédits du plan d'investissement dans les compétences (PIC), que le Gouvernement présente comme un des principaux vecteurs de sa politique de lutte contre le chômage. Plusieurs lignes budgétaires s'inscrivent dans le cadre de ce programme. Au titre du programme 102, il s'agit principalement des crédits de la Garantie jeunes, c'est-à-dire d'un dispositif pérenne créé sous le quinquennat précédent et qu'il me semble quelque peu abusif de présenter comme relevant d'un investissement exceptionnel.
Au sein du programme 103, les crédits du PIC sont regroupés dans une action et doivent largement être transférés aux régions dans le cadre des pactes régionaux d'investissement dans les compétences. Néanmoins, le législateur n'a aucune visibilité sur l'affectation de ces crédits, et le PIC s'apparente ainsi presque à une réserve budgétaire dont le Gouvernement pourra faire usage de manière plus ou moins discrétionnaire.
Je note en outre que les crédits demandés ne correspondent pas nécessairement à l'investissement réellement consenti. En 2018, dernier exercice clos pour lequel nous disposons de données définitives, la sous-consommation des crédits inscrits au programme 103 au titre du PIC s'est élevée à 38 millions d'euros, soit près de 10 % des crédits votés.
Cette sous-consommation pouvait être imputée à l'inertie liée au lancement des différents projets financés au titre du PIC, mais votre rapporteur note que, pour 2020, le Gouvernement a constaté que les crédits qu'il demandait initialement étaient surévalués et les a réduits de 120 millions d'euros par un amendement adopté à l'Assemblée nationale. Ainsi, les crédits demandés seraient, comme en 2019 en diminution et non en progression.
Malgré ces réserves touchant à l'information du Parlement et cette remarque sur l'ampleur réelle de l'effort que représente le PIC, il me semble néanmoins s'inscrire dans une démarche vertueuse.
Le programme 111 comprend les crédits dédiés aux actions de l'État en matière de santé et de sécurité au travail et en matière de respect du droit du travail et de dialogue social. Ils progresseraient du fait des chantiers informatiques rendus nécessaires par le nouveau cycle de mesure de l'audience des organisations syndicales et patronales.
Enfin, la baisse des crédits du programme 155 traduit, outre des mesures de périmètre, la contribution du ministère du travail à l'effort de maîtrise des coûts de fonctionnement et de la masse salariale des administrations publiques.
L'Assemblée nationale a par ailleurs adopté deux articles additionnels. Le premier, issu d'un amendement du Gouvernement, permet de corriger une scorie de la réforme du financement de la formation professionnelle, qui conduisait certains chefs d'entreprises à cotiser deux fois. Il s'agit là d'une correction bienvenue.
Le second constitue une demande de rapport évaluant les conséquences pour le CNFPT de la réforme du financement de l'apprentissage. J'ai pu m'étonner de l'avis favorable donné par la commission des finances, d'une part en raison de l'aversion que nous avons tous pour les demandes de rapport qui restent souvent vaines et d'autre part car je ne suis pas certain que cet article, qui concerne les finances locales, ait sa place dans le projet de loi de finances. Je propose néanmoins de laisser le Conseil constitutionnel se prononcer le cas échéant sur cette question.
Enfin, comme certains d'entre vous j'en suis sûr, j'ai été saisi par les représentants de plusieurs secteurs professionnels inquiets de la taxation forfaitaire des CDD d'usage souhaitée par le Gouvernement et prévue à l'article 51 du PLF. J'ai noté que, suite à l'examen du texte par nos collègues députés, les entreprises couvertes par un accord de branche visant à raisonner le recours aux contrats courts seraient exonérées de cette taxation. Il conviendrait peut-être de prévoir un délai afin que les branches puissent négocier et déposer de tels accords. J'ai pris l'attache des services concernés pour évoquer cette possibilité.
Toutefois, l'article 51 n'est pas rattaché à la mission « Travail et emploi » et, à ce titre, notre commission n'en est pas saisie. Je ne vous proposerai donc pas, en tant que rapporteur, d'amendement à cet article. Je laisse l'initiative à ceux qui souhaiteraient le faire.
Au terme de ma présentation, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi » ainsi que des articles 80, 81 et 82 qui lui sont rattachés.
Comme vous l'avez relevé, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel comporte des enjeux de « tuyauterie » dont la mise en application s'avère complexe et aurait nécessité des délais plus longs. S'agissant en particulier du transfert du recouvrement des contributions des OPCA vers les Urssaf, le Gouvernement nous avait assuré qu'il serait réalisé le 1er janvier 2021 au plus tard, mais il faudra finalement un an de plus. Le Gouvernement a annoncé un décret mais comment celui-ci pourrait-il déroger à une loi ?
Le financement de l'apprentissage dans la fonction publique soulève une vraie difficulté. J'ai eu des retours de centres de formation professionnelle (CFA) qui ne parviennent plus à trouver de place dans la fonction publique pour leurs élèves les plus en difficulté.
Concernant le « bonus-malus » sur les contributions d'assurance chômage, j'ai visité une entreprise de mon département qui sera touchée à partir de mars 2021 et où l'on m'a dit : « Arrêtez de nous embêter ! ». Vue la complexité de la formule de calcul du bonus-malus, comment les DRH feront-ils pour s'y retrouver ? Certaines entreprises qui se considèrent comme vertueuses risquent d'éprouver un sentiment d'injustice.
Nous sommes plusieurs au sein de la commission à être promoteurs de l'expérimentation « Territoires zéro chômeurs de longue durée », qui me semble intéressante. Je précise qu'elle peut concerner des activités marchandes, telles que des activités de revente. En outre, tous les chômeurs ne sont pas éligibles au dispositif : les bénéficiaires doivent répondre à des critères précis. Des évaluations très attendues ont été rendues. Je continuerai à soutenir ce dispositif vertueux qui, en faisant appel aux acteurs et aux énergies locaux, crée du lien et de l'insertion.
J'ai interrogé la ministre sur la compensation aux régions qui gardent une compétence facultative en matière d'apprentissage. C'est maintenant l'organisme France Compétences qui est chargé d'attribuer les enveloppes dédiées. Or, ce mécanisme suscite de l'anxiété car, outre que les enveloppes prévues paraissent insuffisantes, les régions ne disposent toujours pas des montants. La ministre m'a répondu que cela tient à l'absence de consensus entre les régions. Que pensez-vous de cette réponse et comment pousser le Gouvernement à prendre position de manière plus tranchée ?
Madame Puissat, les OPCO ne seront plus compétents pour collecter les contributions après le 31 décembre 2020. Je vous confirme que, dans l'ancien monde, il fallait une loi pour modifier une autre loi !
Concernant le « bonus-malus » et la taxation des CDD d'usage, je rappelle que nous avions souligné les possibles effets pervers de la pénalisation d'entreprises qui ne peuvent faire autrement. Peut-être conviendrait-il de prévoir un délai supplémentaire pour que les branches professionnelles se mettent en conformité.
Dans la fonction publique comme dans le privé, il est aujourd'hui possible de signer une convention d'apprentissage à n'importe quel moment et pas forcément en début d'année scolaire. Nous n'avons pas encore de recul sur cette réforme. Là encore, le délai d'adaptation n'a pas été suffisant.
Madame Grelet-Certenet, je vous accorde que le principe des « Territoires zéro chômeurs de longue durée » est séduisant. D'après les trois évaluations qui viennent d'être publiées, les économies pour les finances publiques ont été inférieures aux prévisions initiales. Ces rapports appellent à la prudence quant à un possible élargissement de l'expérimentation. Le Gouvernement tranchera en janvier 2020.
Madame Fournier, il y a deux manières de voir les choses sur l'apprentissage. Nous défendions l'idée de laisser une certaine place aux régions. Aujourd'hui, l'État et les régions sont plutôt des adversaires que des partenaires. Je comprends les inquiétudes des régions, du fait des nombreuses ouvertures de CFA en France, certains centres, les plus petits, risquent d'en souffrir. Les régions doivent reprendre leur place dans la régulation : lorsqu'on « recentralise » à l'extrême, cela ne fonctionne pas. Il faut un véritable partenariat entre État, régions et départements. Toutefois, nous débordons ici du périmètre de la mission.
Je partage votre position sur l'apprentissage.
Vous évoquiez des crédits stables pour la mission : c'est heureux, car ce budget a été en forte diminution pendant deux années consécutives. Sur certaines lignes, on constate toutefois des diminutions ou de « fausses stabilités ».
Concernant les effectifs de Pôle emploi, il faut conserver suffisamment de conseillers pour être en mesure d'accueillir les futurs chômeurs quand la situation de l'emploi se retournera. Ce sont les demandeurs d'emploi, non les entreprises, qui méritent un accompagnement renforcé.
Je soutiens votre amendement en faveur des maisons de l'emploi : 5 millions d'euros sont insuffisants au regard du rôle qu'elles exercent.
En revanche, je m'inscris en faux contre vos propos sur les contrats aidés, car ils ont permis à bon nombre de personnes d'accéder à des emplois durables, même si ce n'est pas la majorité ; on ne doit donc pas les voir comme un « palliatif » ou comme un moyen de ne pas comptabiliser certains chômeurs.
Je soutiens l'élargissement de l'expérimentation « Territoires zéro chômeurs de longue durée ». Naturellement, il n'est pas question d'intégrer l'ensemble des chômeurs dans ce dispositif : il s'agit d'une réponse parmi d'autres contre le chômage.
S'agissant du PIC, vous avez eu raison de rappeler que la Garantie jeunes a été créée sous le précédent quinquennat ; on peut se réjouir qu'elle prenne de l'ampleur. Je déplore en revanche les diminutions justifiées par une sous-consommation du plan d'investissement dans les compétences.
Mon groupe émettra un avis défavorable aux crédits de la mission.
L'expérimentation des emplois francs sera généralisée à l'ensemble des quartiers minoritaires de la politique de la ville à compter de janvier 2020. L'enveloppe inscrite à ce titre est portée à 234 millions d'euros en autorisations d'engagement et 80 millions d'euros en crédits de paiement, en forte augmentation. L'objectif est d'atteindre 40 000 emplois signés en fin d'année prochaine. Vous décrivez pourtant un « échec flagrant » ; sur quels éléments tangibles vous fondez-vous ? Le dispositif concerne des territoires touchés par un fort taux de chômage. Considérez-vous que ses résultats sont insuffisants ou que son principe lui-même pose problème ?
Nous avons eu l'occasion de dire à la ministre, lors de son audition devant notre commission, tout le bien que nous que nous pensons de sa politique ! Le Gouvernement poursuit sa politique d'austérité, et ce budget est insuffisant pour répondre aux besoins de la population.
Sur l'apprentissage, il y a effectivement un bras de fer entre le Gouvernement et les régions. Si la ministre ne se résout pas à renégocier, nous paierons tous les pots cassés.
L'inspection du travail traverse une grave crise depuis plusieurs années. Comment voyez-vous son avenir, alors que 2 000 départs à la retraite vont avoir lieu et que des baisses d'effectifs sont prévues jusqu'en 2022 ?
Le rapport indique une augmentation de 3 % des crédits, ce qui représente un effort important.
Concernant l'apprentissage, une entente entre État et régions est nécessaire. Les régions ont un rôle d'information et d'incitation à jouer pour promouvoir l'apprentissage.
Je soutiens votre amendement sur l'Acre.
Le problème des contrats aidés est qu'ils ne comportaient souvent aucune formation. L'insertion ne peut se faire que par la formation et l'intégration dans le secteur marchand.
J'avais compris que les 1 000 emplois créés à Pôle emploi seraient dédiés à l'accompagnement des chômeurs vers l'entreprise, qu'en est-il ?
Vous avez rappelé les chiffres relatifs au taux de chômage : les améliorations demeurent faibles et les comparaisons peu favorables. Les résultats de la politique du Gouvernement sont réduits : on voit bien que le « ruissellement » ne fonctionne pas.
Je partage vos interrogations sur le désengagement de l'État de Pôle emploi.
En revanche, j'insiste à la suite de madame Féret pour considérer que parler de « palliatif » pour qualifier les contrats aidés est excessif. Derrière ces emplois, il y a des femmes et des hommes qui retrouvent de la dignité et de l'espoir.
Enfin, nous comprenons mal l'insistance du Gouvernement à promouvoir les emplois francs, qui risquent de générer des effets d'aubaine.
Madame Féret, comme je l'ai indiqué, la baisse des crédits l'année dernière était fortement due à des changements de périmètre. La comparaison est donc difficile.
S'agissant des contrats aidés, nos positions ne sont pas aussi éloignées que vous le croyez. Je suis favorable aux contrats aidés à condition qu'ils soient associés à une formation et qu'ils débouchent sur une perspective d'emploi durable. Je déplore en revanche l'empilement de dispositifs concurrents.
Mon rapport indique que 7 418 demandes d'aides ont été approuvées sur le périmètre initial de l'expérimentation des emplois francs alors que l'objectif était de 28 000 ; c'est donc manifestement un échec par rapport aux objectifs du Gouvernement. En outre, j'estime que la politique de la ville devrait concerner la ville dans son ensemble, et non dessiner des frontières entre quartiers.
Madame Apourceau-Poly, les effectifs de l'inspection du travail baissent comme dans toutes les administrations. Le nombre d'inspecteurs du travail par salarié reste cependant supérieur aux normes de l'Organisation internationale du travail (OIT) ; il n'y a donc pas de sous-effectif. En revanche, on peut remettre en question les missions qui leur sont confiées.
Monsieur Chasseing, je vous confirme que les 1 000 CDD créés à Pôle emploi ont vocation à aider les entreprises dont les offres d'emploi ne sont pas pourvues. Nous pourrons en mesurer les effets produits sur l'appariement entre l'offre et la demande d'emplois.
La régulation de l'apprentissage par la région devrait faire l'objet d'une négociation entre État et régions. Aujourd'hui, faire vivre des apprentis sur deux ou trois lieux différents est une difficulté qui n'est plus prise en charge par les régions. La réforme de l'apprentissage est globalement positive mais elle demanderait deux années supplémentaires de transition. En outre, le climat est tendu en raison des contentieux financiers et des conflits de compétences entre État et régions.
- Présidence de M. Alain Milon, président -
EXAMEN DES AMENDEMENTS
État B
L'amendement II-456 vise à majorer de 5 millions d'euros les crédits dédiés au financement des maisons de l'emploi. Cet amendement suscite une large adhésion. Les maisons de l'emploi doivent toutefois être soumises à une évaluation de leur performance.
L'amendement II-456 est adopté.
Article 80
L'amendement II-457 vise à conserver la possibilité pour le pouvoir réglementaire d'étendre le bénéfice de l'Acre au-delà de la première année.
L'amendement II-457 est adopté.
La commission émet un avis favorable à l'adoption de la mission « Travail et emploi » ainsi qu'aux articles rattachés.
Pour la troisième année consécutive dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances, notre commission examine conjointement les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ».
Cet avis budgétaire nous permet de consolider notre analyse sur l'objectif de dépenses de la branche vieillesse que nous avons adopté dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, d'un montant de 247,3 milliards d'euros. Ce montant couvre les dépenses de l'ensemble des régimes de base obligatoires, y compris des régimes intégrés concernés par ces deux missions.
Le CAS « Pensions » retrace principalement les recettes et les dépenses du régime de retraite de la fonction publique de l'État, qui sont par construction équilibrées, et qui atteindront en 2020 un montant de 59,6 milliards d'euros. De son côté, la mission « Régimes sociaux et de retraite » fixe les crédits budgétaires affectés aux subventions d'équilibre versées à onze régimes spéciaux de retraite.
En 2020, alors que ces onze régimes spéciaux verseront environ 9 milliards d'euros de prestations, ils bénéficieront de subventions d'un montant cumulé de 6,3 milliards d'euros, soit plus des deux tiers de leurs prestations financées par la solidarité nationale, et donc par l'impôt.
Le CAS « Pensions » regroupe trois programmes, dont deux concernent l'État en tant qu'employeur ou ancien employeur.
Le programme 741 retrace les dépenses des pensions de retraite ainsi que des allocations temporaires d'invalidité des fonctionnaires civils et militaires de l'État. Avec un montant de 56,1 milliards d'euros pour 2020, il représente plus de 94 % des dépenses du CAS « Pensions ». Ses recettes sont constituées, pour un peu moins des trois quarts, de la contribution employeur de l'État, d'un montant de 42,4 milliards d'euros. Cela représente un taux de cotisation théorique de 74,28 % pour les fonctionnaires civils et de 126,07 % pour les militaires.
Je rappelle que cette contribution couvre la part employeur de la cotisation retraite des fonctionnaires et qu'elle permet également d'équilibrer le régime en compensant son déséquilibre démographique et en finançant les prestations de retraite dérogatoires au droit commun pour les militaires notamment. Elle joue donc aussi le rôle de subvention d'équilibre du régime. Sachant que, dans ce système, les cotisations de base et complémentaires sont intégrées.
Le programme 742 concerne le Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État, qui versera, selon les prévisions, un montant de 1,9 milliard d'euros de prestations en 2020.
Enfin, le programme 743 regroupe les pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ainsi que les pensions ou rentes de régimes de retraite dont l'État est redevable, notamment au titre des engagements historiques et de reconnaissance de la Nation. Ces dépenses sont financées exclusivement par la solidarité nationale et atteindront en 2020 un montant de 1,6 milliard d'euros, en recul de 5,8 % par rapport à 2019, en raison d'une baisse du nombre des bénéficiaires.
La mission « Régimes sociaux et de retraite » est également composée de trois programmes, qui déterminent le montant des seules subventions d'équilibre aux régimes spéciaux.
Le programme 198, relatif aux régimes sociaux et de retraite des transports, affiche une dépense de 4,2 milliards d'euros pour 2020. Il correspond principalement aux subventions versées aux régimes de la SNCF - 3,3 milliards d'euros sur 5,3 milliards d'euros de prestations versées en 2020 - et de la RATP - 746 millions d'euros pour des dépenses de prestations s'élevant à 1,2 milliard d'euros en 2020. Il faut avoir à l'esprit qu'on compte presque deux fois plus de pensionnés que de cotisants.
Le programme 197 concerne le régime de retraite et de sécurité sociale des marins, qui comprend la subvention d'équilibre versée par l'État à la branche vieillesse de l'Établissement national des invalides de la marine (ÉNIM), pour un montant de 823 millions d'euros en 2020.
Enfin, le programme 195, relatif aux régimes de retraite des mines, de la Seita et divers, réunit les crédits consacrés à des régimes en extinction rapide et aux caractéristiques démographiques extrêmement dégradées, pour un montant de 1,2 milliard d'euros. La principale dépense correspond à la subvention d'équilibre au fonds spécial de retraite de la caisse des mineurs, d'un montant un peu inférieur à 1,1 milliard d'euros.
Il est à noter que, comme nous en avions exprimé le souhait à plusieurs reprises, ce programme ne porte plus la subvention au régime complémentaire des exploitants agricoles - 55 millions d'euros en 2019. En effet, ce régime de retraite n'est ni un régime de base ni un régime fermé et sa présence dans cette mission était donc peu compréhensible. La suppression de cette subvention a été compensée, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, par l'affectation à ce régime de droits de consommation sur les alcools.
Bien entendu, l'étude de ces différents régimes et de leur coût pour l'État nous donnera l'occasion d'aborder en séance la future réforme systémique des retraites, promise depuis le début du quinquennat et régulièrement repoussée.
Je vous avais longuement décrit, l'année dernière, le chemin de convergence progressive de plusieurs des principaux paramètres régissant le régime de retraite des fonctionnaires et des agents des régimes spéciaux avec les règles du régime général.
Je ne vous avais pas masqué non plus les importantes différences qui subsistaient, ainsi que le profond attachement « culturel » de nombreux affiliés à leur régime spécial, reflet d'une histoire ou de contraintes perçues comme spécifiques.
Tandis qu'approchent la date du 5 décembre et la mobilisation à venir de nombreux agents de plusieurs régimes, il faut reconnaître que nous n'y voyons toujours pas clair sur les intentions du Gouvernement, ni en matière de préservation de tel ou tel régime, ni sur les modalités d'entrée en vigueur de la réforme, ni sur les évolutions paramétriques qui permettront de rééquilibrer les comptes de la branche vieillesse d'ici à 2025.
La fameuse formule du cardinal de Retz selon laquelle on ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment sert souvent en politique... Mais, sur un sujet aussi inflammable que les retraites, l'ambiguïté alimente les craintes en ne donnant de visibilité à personne et risque de servir de carburant aux mobilisations.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits du CAS « Pensions » et de la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Toutefois, comme ces dernières années, je vous propose d'assortir cet avis d'une réserve concernant les règles de départ à la retraite des régimes de la SNCF et de la RATP, encore trop éloignées du droit commun, malgré les mesures prises tendant à rapprocher les âges de départ à la retraite du droit commun.
Les mesures que le Gouvernement a annoncées sur les régimes de retraite sont très claires : il veut s'attaquer à ses fondamentaux, et c'est bien pourquoi les salariés ont prévu de descendre dans la rue le 5 décembre. Les élus CRCE seront à leurs côtés.
Nous avons rencontré des représentants de ces salariés affiliés à ces régimes autonomes, et ils nous ont fait part de leur inquiétude quant à l'avenir de ces régimes, lesquels participent au financement du régime général. Pensez-vous que les prestations spécifiques des régimes autonomes ou spéciaux, qui correspondent aux particularités des métiers peuvent perdurer dans un régime universel ? Et est-il normal que l'État ponctionne dans les réserves constituées par les adhérents à ces régimes au fil des années pour faire face au prochain choc démographique auquel ces professions pourraient être confrontées ?
Faisons un point sur ce que nous savons. La réforme propose un mode de calcul différent de celui que nous connaissons, mais propose la même trajectoire budgétaire : 13,8 % du PIB sont consacrés à la retraite. Cela représente 316 voire 318 milliards d'euros. Selon les simulations, dans les années à venir, nous serions amenés à consacrer une part équivalente du PIB aux retraites. En revanche, il y aurait moins de cotisants et plus de pensionnés aux retraites plus longues. Aucune mesure paramétrique de rééquilibrage n'est prévue. Selon les études et les prévisions, le régime serait déficitaire de 9 à 17 milliards d'euros en 2025 et la trajectoire se dégraderait jusqu'en 2030.
Le régime par points est un régime à rendement défini qui doit être équilibré. La valeur du point est un facteur supplémentaire d'équilibre. Le rapport Delevoye préconise que 100 € cotisés garantissent le versement de 5,5 € de retraite par an. Le rendement prévisionnel en 2025 serait donc de 5,5 % selon les informations dont nous disposons aujourd'hui. Avec des cotisants en moins, le rendement serait toutefois différent et c'est sur la valeur de service du point que l'on joue. Il existe donc une régulation automatique du système par points.
Par ailleurs, on nous dit que 100 % des spécificités seront prises en compte. Nous n'avons cependant aucune information sur le devenir des réserves des différentes caisses, notamment du régime complémentaire Agirc-Arrco. Ces 120 milliards d'euros entreront-ils dans le pot commun ? Bénéficieront-ils d'une traçabilité ? Quel sera le mode de gouvernance du nouveau régime ? Dans un régime par points, on peut prendre des mesures de solidarité et de spécificité en tenant compte de la pénibilité. Le régime par points qui nous est proposé, par opposition à notre régime par répartition actuel, sera automatiquement adossé à un régime de solidarité nationale. Aujourd'hui, cette solidarité nationale représente 20 % des 120 milliards d'euros. Demain, ce sera approximativement 25 % avec les réversions, mais il sera possible de prendre en considération les spécificités comme la pénibilité par exemple.
Les dépenses de retraite représentent 13,8 % du PIB, mais ce dernier augmente tous les ans. Vous avez omis de le préciser. Or c'est un élément important qu'il convient de citer. Le pourcentage de l'augmentation compense en effet depuis des années la chute de la démographie.
Là, il y a une erreur dans le raisonnement ! L'augmentation du PIB est bien prise en considération dans le calcul du déficit. Il ne faut cependant pas oublier que les retraites et les salaires ne suivent pas le même rythme d'augmentation et que, derrière, la retraite ne suit pas. Il est dit que le niveau de vie relatif des retraites va diminuer. Les pensions de retraite, quant à elles, vont continuer à augmenter, moins fortement cependant que les salaires ou que le PIB : en effet, leur évolution est calée sur l'inflation, et non sur la croissance. On peut donc parvenir à consacrer moins de 13,8 % du PIB en 2025 ou en 2030 et avoir des pensions plus importantes qu'aujourd'hui. Le pouvoir d'achat relatif des retraités diminuera en comparaison. Leur pouvoir d'achat réel, lui, pourra continuer d'augmenter, mais moins rapidement que les salaires. C'est un sujet compliqué et certaines impressions intuitives sont parfois inexactes.
Évidemment que je ne suis pas convaincu. Je ne parlais pas du déficit. S'agissant des retraités et des pensions de retraite, je vous rappelle que le projet proposé indexe les pensions sur l'augmentation des salaires et non plus sur l'inflation.
Mais non ! Les salaires portés au compte sont indexés sur les salaires mais les pensions restent indexées sur les prix.
Je vous rappelle que nous risquons de vivre des moments épiques ces prochains mois. Un séminaire gouvernemental sur ce sujet est organisé dimanche prochain. Dans le même temps, nous examinerons en séance en nouvelle lecture le PLFSS pour 2020.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et au compte d'affectation spéciale « Pensions », sous le bénéfice d'une réserve concernant les règles de départ à la retraite des régimes de la SNCF et de la RATP.
En juin, Guillaume Arnell et moi-même vous avons présenté notre rapport d'information sur l'hébergement d'urgence, qui contenait plusieurs propositions. Dans le cadre de ce projet de loi de finances, mes observations rejoignent celles que nous avions formulées l'été dernier.
Afin de répondre aux demandes d'hébergement des personnes en détresse et d'accompagner les plus précaires vers le logement, le programme 177 finance principalement des structures d'hébergement d'urgence et d'insertion et des dispositifs de logement adapté, sous la forme de dotations et de subventions.
Malgré la progression importante des crédits - près de 43 % en cinq ans - la sous-budgétisation du programme se poursuit d'année en année. Alors qu'elle s'est réduite entre 2016 et 2018, ce que nous avions salué l'an dernier, l'écart entre les crédits ouverts pour 2019 et la prévision d'exécution atteindrait 227 millions d'euros, dont 178 millions d'euros demandés dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2019.
Cette situation, que nous observons depuis plusieurs années, est le résultat d'une demande d'hébergement toujours soutenue du fait de la progression des situations de pauvreté et d'exclusion, ainsi que des flux migratoires.
Dans ce contexte, le nombre de places a continué de progresser en 2019, avec la pérennisation au mois d'avril de 6 000 places hivernales. Le recours aux nuitées hôtelières continue aussi d'augmenter et représente 48 733 places. Cette hausse apparaît inexorable malgré les volontés de la limiter, à tel point qu'en région parisienne, l'offre est saturée. Le parc d'hébergement généraliste a ainsi atteint 146 000 places d'accueil fin 2018.
Malgré la hausse des capacités d'accueil, la demande d'hébergement ne parvient pas à être satisfaite. De nombreuses personnes demeurent donc sans solution d'hébergement : à Paris, plusieurs établissements hospitaliers de l'AP-HP ont dû ainsi héberger des femmes avec leur nouveau-né pendant quelques nuits, faute de solution d'hébergement.
Les stations du métro parisien constituent aussi une solution de mise à l'abri. Selon une enquête réalisée par le Samu social de Paris cette année, entre 200 et 350 personnes dorment chaque jour dans les couloirs du métro. Les chiffres qui nous ont été transmis par le Samu social de Paris parlent d'eux-mêmes : en comparant la situation au 115 de Paris à une date équivalente, le premier lundi d'octobre, le nombre d'appels est passé, entre 2016 et 2019, de 6 135 à 16 869.
Le budget qui nous est proposé pour 2020 prévoit une enveloppe de crédits de 1 991 millions d'euros, soit une augmentation de 5,3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2019. Bien que cet effort soit significatif, il représente un montant inférieur à l'exécution de 2018 et à la prévision d'exécution pour 2019. Ce budget pour 2020 risque donc d'être, une fois encore, insuffisant.
D'importants moyens supplémentaires sont alloués au logement adapté, en particulier les pensions de famille et l'intermédiation locative, en cohérence avec le plan « logement d'abord », qui a fixé pour objectif de créer en cinq ans 10 000 places supplémentaires en pensions de famille et 40 000 places en intermédiation locative, soit un doublement des capacités de ces dispositifs.
Or, depuis le lancement du plan en 2017, l'ouverture des pensions de famille a été moins rapide que prévu, du fait des délais nécessaires à la réalisation de travaux préalables. Les crédits dédiés aux pensions de famille augmentent ainsi de 11,1 % afin d'accompagner la montée en charge du dispositif, avec l'objectif d'ouvrir 2 300 places en 2020. Néanmoins, le forfait de financement des pensions de famille, 16 euros par place et par jour, est resté inchangé depuis dix ans.
Alors que leur développement est une priorité du Gouvernement, la révision du montant forfaitaire apparaît nécessaire pour réussir cette montée en charge.
Concernant l'intermédiation locative, sa progression permettrait d'atteindre l'objectif de 40 000 places ouvertes en cinq ans. Pour accompagner cette dynamique, les crédits augmentent de 23,3 % pour 2020 avec un objectif de 8 850 places nouvelles.
Je souhaite également mentionner les crédits dédiés à l'aide à la gestion locative sociale (AGLS), qui permet de soutenir les résidences sociales. Alors que, depuis plusieurs années, une enveloppe de 26 millions d'euros est dédiée au financement de cette aide, elle est systématiquement sous-exécutée. Depuis 2016, 8 à 10 millions d'euros sont redéployés chaque année au profit de l'hébergement d'urgence. Ces redéploiements contredisent l'objectif de développement du logement adapté fixé par le plan Logement d'abord. Il faudrait y mettre un terme et prévoir un montant de crédits intégralement dédiés au soutien des résidences sociales.
La progression des moyens alloués à l'hébergement est plus modérée. L'enveloppe dédiée à l'hébergement d'urgence, c'est-à-dire les places à l'hôtel et en centres d'hébergement d'urgence, augmente de 4,5 %, en particulier pour financer la pérennisation de 6 000 places hivernales depuis le 1er avril. Alors que le Gouvernement a indiqué que, pour cet hiver, 14 000 places temporaires pourraient être mobilisées, les moyens prévus risquent d'être encore insuffisants.
Concernant les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), leurs moyens restent stables pour 2020. Je vous rappelle qu'ils font l'objet de mesures de convergence tarifaire depuis 2018, qui ont été tempérées l'an dernier par un abondement de 10 millions d'euros supplémentaires, en raison des difficultés de fonctionnement qu'ont éprouvées ces centres après l'application de tarifs plafonds. La convergence tarifaire a ainsi induit une économie de 5,1 millions d'euros en 2019 et il est prévu une économie du même ordre l'an prochain. S'il est tout à fait justifié d'harmoniser leurs financements, cette démarche devrait mieux prendre en compte les spécificités des CHRS afin qu'ils puissent continuer à remplir leurs missions d'accompagnement et d'insertion.
En outre, chaque CHRS va devoir conclure avec l'État un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM) à l'horizon de 2022, comme le prévoit la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ÉLAN). L'arrêté fixant le modèle de CPOM devrait être publié d'ici à la fin de l'année, après une phase de concertation avec les gestionnaires. Ces derniers craignent toutefois que les indicateurs qui seront retenus dans le modèle de CPOM répondent à une logique de performance qui inciterait à sélectionner les publics hébergés afin d'obtenir de bons résultats en matière d'insertion vers le logement et de rotation des publics.
Je soutiens la démarche de contractualisation : fixer des objectifs aux structures d'hébergement en termes d'accompagnement et d'accès aux droits doit permettre d'assurer un meilleur suivi des publics et des gestionnaires. C'est ce que nous avions indiqué dans le rapport consacré à l'hébergement d'urgence que vous nous avions présenté en juin dernier avec Guillaume Arnell. Les craintes évoquées doivent donc être levées en ajustant les indicateurs aux spécificités des publics accueillis.
S'agissant de l'hébergement dans son ensemble, les mesures engagées dans le cadre du plan Logement d'abord pour améliorer la sortie des personnes hébergées et mieux maîtriser les coûts vont dans le bon sens, mais des progrès restent à faire. C'est également ce que nous avions constaté avec Guillaume Arnell.
À cet égard, les acteurs de l'hébergement et de l'insertion devraient disposer d'une meilleure connaissance du public accueilli. Environ 8 % des places du parc d'hébergement généraliste accueillent des demandeurs d'asile. Les efforts de spécialisation entre parc généraliste et parc dédié aux demandeurs d'asile doivent donc être poursuivis, à l'image des échanges entre les services intégrés de l'accueil et de l'orientation (SIAO) et l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) initiés cette année.
En outre, un nombre important de personnes en situation irrégulière est hébergé dans le parc généraliste sans que les services de l'État aient connaissance de leur nombre avec précision. Il faut donc mieux les connaître pour leur offrir un accompagnement spécifique, car ces publics, qui relèvent de l'hébergement généraliste, ne peuvent accéder à un logement du fait de leur situation administrative.
En outre, les outils de suivi des personnes accueillies sont à renforcer pour assurer une orientation plus complète des publics de la part des SIAO, notamment vers le logement adapté et le logement social. Ces pistes d'amélioration devraient être intégrées aux travaux en cours visant à renforcer le rôle des SIAO et leurs outils de régulation de l'offre et de la demande d'hébergement.
Alors que s'ouvre la période hivernale, je me permets de rappeler que la gestion des places temporaires doit être davantage anticipée. Il convient de saluer les démarches d'appels à candidature pour l'ouverture des places hivernales, engagées dans cinq régions cette année. Les décisions de pérennisation de places à l'issue de l'hiver doivent aussi être anticipées afin de fiabiliser les financements pour les gestionnaires et d'assurer une continuité de l'accueil.
Face à la hausse considérable du nombre de places chaque année, et des financements dédiés, les moyens de contrôler les fonds alloués et les conditions d'accueil doivent être renforcés, en particulier dans les hôtels.
Au total, les efforts doivent être poursuivis pour concilier au mieux le respect du principe d'accueil inconditionnel et la nécessaire maîtrise des finances publiques. La réussite du plan Logement d'abord, dont je partage les objectifs, sera conditionnée au maintien d'une offre d'hébergement à la hauteur des besoins d'accueil et d'accompagnement des personnes les plus précaires. L'atteinte des objectifs fixés nécessitera également de renforcer les moyens d'accéder, directement ou par l'intermédiaire de l'hébergement d'urgence, à un logement adapté ou autonome.
Je vous propose donc que notre commission émette un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 177 de la mission « Cohésion des territoires » pour 2020.
Cette présentation par Jean-Marie Morisset est fidèle aux conclusions de notre rapport sur la situation de l'hébergement d'urgence. Les moyens ne sont pas toujours à la hauteur et le Gouvernement devra comprendre la nécessité de les renforcer plus substantiellement. Cela nécessite un travail de connaissance de cette situation, laquelle reste trop méconnue. Le Gouvernement pourrait reprendre certaines préconisations de notre rapport, qui était destiné à dresser un état des lieux. À défaut, Jean-Marie Morisset et moi-même aurions perdu notre temps. Il faudra une amélioration en 2021, même si l'on sait que les budgets sont contraints.
Le logement est le grand sacrifié de ce budget, et ce n'est pas nouveau. Ainsi, les aides personnalisées au logement (APL) restent la variable d'ajustement : elles baissent de 1,4 milliard d'euros, après une baisse de 1,2 milliard d'euros en 2019. On nous présente aujourd'hui leur « contemporanéisation » comme une avancée ; or c'est un recul important pour les familles. Quel avantage pour leurs bénéficiaires ? Je n'ai jamais entendu qu'avec du moins les gens vivaient mieux. Le Gouvernement s'attaque une fois de plus aux plus modestes et aux plus fragiles, pendant que d'autres se voient offrir des cadeaux. Nous sommes défavorables à l'adoption des crédits de cette mission.
J'attire votre attention sur le dispositif des pensions de famille, qu'on peut comparer aux résidences pour séniors au regard des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Vous dites que d'importants moyens sont alloués, mais il s'agit en réalité de créer en cinq ans 10 000 places supplémentaires. Le compte n'y est pas !
Je suis d'accord avec Guillaume Arnell quand il dit qu'il faut mieux connaître la situation. Il existe en effet une certaine porosité entre les dispositifs en faveur de l'asile et ceux en faveur de l'hébergement généraliste. Dans un centre d'hébergement de Paris que nous avons visité, nous avons constaté que 70 % des occupants étaient en situation irrégulière. De fait, les gestionnaires de ces centres sont un peu perdus faute de moyens pour accompagner ces personnes dans des procédures spécifiques.
Nous en avons parlé à Julien Denormandie, qui reconnaît la nécessité de mener un travail entre le ministère de l'intérieur et le ministère de la cohésion des territoires pour clarifier cette organisation.
Madame Apourceau-Poly, je partage votre point de vue sur le logement, mais il est ici question de l'hébergement d'urgence. Il est vrai qu'il faudrait développer les logements à loyer modéré pour proposer aux personnes résidant dans ces structures d'hébergement une solution de sortie.
Madame Meunier, les crédits consacrés aux pensions de famille augmentent de 11 % cette année, d'où mon commentaire. Et c'est mieux que les années précédentes. Je salue la volonté du Gouvernement de privilégier cette forme d'accueil. Ce qui est regrettable, c'est que le forfait à 16 euros n'ait pas évolué depuis dix ans. Cela oblige les gestionnaires de ces structures à faire des choix entre l'investissement, le fonctionnement. Je vis dans mon département l'installation d'une pension de famille, cela prend du temps, notamment pour mobiliser les différents acteurs.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Cohésion des territoires ».
J'ai le plaisir et l'honneur de vous présenter mes observations sur les crédits de la mission « Outre-mer » dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2020.
Permettez-moi de vous dire, à titre liminaire, ma satisfaction de voir la situation économique, sociale et humaine des outre-mer être davantage prise en compte dans le débat public. Le déplacement récent du Président de la République dans les outre-mer de l'océan Indien - à Mayotte, à l'île Grande Glorieuse et à La Réunion - a remis en lumière la situation de ces territoires et l'urgence des problèmes qu'ils rencontrent. Notre commission elle-même a eu l'occasion de se mobiliser sur le sujet au cours des dernières sessions parlementaires et compte renouveler cet engagement par un déplacement en avril prochain à Mayotte sur la problématique spécifique de l'accès aux soins.
Les défis soulevés par les territoires ultramarins restent immenses. Sur le plan sanitaire tout d'abord, les derniers chiffres communiqués sur la mortalité infantile continuent de susciter l'inquiétude : alors qu'elle n'est que de 3,5 %o naissances dans l'Hexagone, elle peut atteindre 9,1 %o en Guyane et 9,2 %o à Mayotte.
Concernant l'emploi, les taux de chômage se maintiennent à des niveaux très élevés ; les outre-mer cumulent le triste record des départements et des territoires les plus touchés par le chômage, avec 35 % à Mayotte en 2016 et 28 % à Saint-Martin. Le chômage des jeunes, en particulier, culmine à des niveaux insoutenables, avec près de 45 % à 50 % de jeunes concernés dans la plupart des outre-mer, soit la moitié d'une génération.
Concernant le logement, enfin, la situation demeure très préoccupante s'agissant de l'habitat insalubre et indigne, avec plus de 170 000 personnes officiellement concernées. Les besoins restent par ailleurs immenses en matière de logement social, alors que 80 % de la population ultramarine y est éligible. Selon la Direction générale des outre-mer (DGOM), il serait ainsi nécessaire, pour répondre aux besoins, de disposer d'ici à 2030 de 50 000 logements supplémentaires en Guadeloupe, dont au moins 25 000 logements sociaux.
Il faut ajouter à ces difficultés structurelles la particulière instabilité de la législation applicable outre-mer, s'agissant notamment des politiques de soutien aux entreprises, ainsi que les inquiétudes liées à l'application effective des engagements pris par les gouvernements successifs, qui, trop souvent, se révèlent être de simples effets d'annonce. Dans ce contexte, on ne peut que comprendre que certains de mes interlocuteurs aient qualifié les territoires d'outre-mer de véritables « poudrières ».
Ces précisions contextuelles étant faites, j'en viens à la présentation proprement dite des crédits consacrés à la mission.
J'observe tout d'abord avec satisfaction que cette mission fait partie de celles que l'on peut considérer comme préservées dans le cadre contraint des finances publiques. Ses crédits sont en effet maintenus au-dessus de 2,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement, et présentent, à périmètre constant, une stabilité presque exacte par rapport à 2019.
En effet, les évolutions faciales des crédits de la mission sont en majeure partie le fruit de mesures de périmètre, qui concernent essentiellement la Guyane et la Polynésie française. À la demande des acteurs locaux, plusieurs crédits font l'objet de transferts réciproques, pour des montants inchangés, entre le budget du ministère des outre-mer, qui les attribue sous la forme de dotations globales, et des prélèvements sur recettes. Même si leur impact budgétaire est limité, il me revient néanmoins d'avertir la commission sur la lisibilité de ces mesures.
Ce constat d'ordre général étant fait, je dois rappeler, en premier lieu, que la mission « Outre-mer » est bien loin de retracer l'ensemble des crédits consacrés aux territoires ultramarins. Ceux-ci bénéficient en effet par ailleurs de crédits transversaux portés par 88 programmes relevant de 29 missions. La majeure partie des crédits concourant à l'action sanitaire et sociale de l'État dans les outre-mer est ainsi portée par d'autres missions que celle que nous examinons aujourd'hui.
Au total, si l'on prend en compte à la fois les crédits retracés par la présente mission, ces crédits transversaux ainsi que les dépenses fiscales spécifiques aux territoires ultramarins, l'effort total de l'État en outre-mer atteindra 18,5 milliards en 2020, soit plus de neuf fois les montants sur lesquels nous nous prononçons aujourd'hui. Comme mes prédécesseurs, je ne peux que souligner que cette architecture budgétaire rend particulièrement malaisée l'évaluation et le contrôle, dans le cadre du débat parlementaire, des moyens dévolus aux outre-mer. Je note par ailleurs que, bien que les crédits spécifiques au ministère des outre-mer ne subissent pas de diminution particulière, l'effort global de l'État en matière ultramarine ne connaît malheureusement pas le même sort : ces 18,5 milliards d'euros pour 2020 représentent près de 4 milliards d'euros de moins que les crédits globaux annoncés pour 2018.
À cela s'ajoute un réel problème de lisibilité des réformes ayant un effet majeur sur les crédits de la mission, je pense notamment aux mesures successives d'ajustement des exonérations de cotisations sociales. Celles-ci sont en effet conduites, selon les années, ou bien dans le cadre du projet de loi de finances, ou bien dans celui du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), c'est-à-dire de manière non concomitante à l'examen de cette mission. Je citerai à titre d'exemple la modification du seuil d'exonération totale pour le régime de compétitivité renforcée, décidée au cours de l'examen du PLFSS en première lecture à l'Assemblée nationale, et dont les impacts budgétaires, certes réduits à 35 millions d'euros, ne figurent pas au PLF que nous examinons alors qu'il s'agit d'exonérations compensées par des crédits budgétaires.
Dans ce projet de budget qui nous est soumis, trois sujets entrent plus particulièrement dans le champ de compétence de notre commission.
Plus de la moitié des dépenses de la mission, soit 1,47 milliard d'euros, est consacrée à la compensation des exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les entreprises de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane, de La Réunion ainsi que de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Cette politique d'exonération vise à la fois à améliorer la compétitivité des entreprises ultramarines par une compensation des difficultés structurelles notamment liées à l'insularité et à encourager la création d'emplois par la réduction du coût du travail.
Cette ligne de crédits fait l'objet depuis plusieurs années d'une trajectoire descendante, difficilement compréhensible au regard des mesures ponctuellement insérées au gré du titre III des PLFSS. Cette baisse des crédits associée au principal dispositif de soutien à l'emploi ultramarin suscite légitimement l'inquiétude des acteurs économiques. Nous devrons nous montrer particulièrement attentifs, lors de l'examen des prochains budgets de l'État et de la sécurité sociale, à ce que le dispositif qui sera mis en place soit fondé sur une véritable évaluation de la situation actuelle et assure une réduction du coût du travail au moins équivalente à celle qui existe aujourd'hui.
S'agissant du service militaire adapté (SMA), le budget de l'exercice à venir préfigure celui d'un dispositif arrivé à maturité, dont les effets doivent désormais se déployer dans le temps.
Je vous rappelle que le SMA est un organisme de formation offrant aux jeunes ultramarins âgés de 18 à 26 ans, le plus souvent en situation d'échec scolaire ou en grande difficulté, la possibilité de bénéficier d'une formation comportant à la fois un volet professionnel et de remise à niveau scolaire, et une dimension citoyenne et comportementale. Je souligne qu'il s'agit là de l'un des rares dispositifs ultramarins ayant inspiré une politique hexagonale, avec la mise en place de l'expérimentation du service militaire volontaire (SMV). Cela montre que les outre-mer peuvent bel et bien constituer un laboratoire pour les politiques hexagonales, à la condition que l'on s'en donne les moyens.
S'agissant, enfin, du domaine sanitaire et social, les budgets prévus dans le cadre de la présente mission sont disparates et limités. En réalité, la plupart des dispositifs sanitaires sont financés dans le cadre de la sécurité sociale ou au travers de financements versés aux collectivités territoriales pour l'exercice de leurs compétences.
Cette ligne budgétaire de 5,6 millions d'euros, certes modeste, me paraît cependant essentielle. Elle permet en effet d'apporter des financements complémentaires indispensables à la fois aux acteurs associatifs participant à des actions de prévention, dont on sait combien elles sont cruciales pour nos outre-mer et aux divers acteurs contribuant aux actions de protection de l'enfance et de la jeunesse.
Je signale la sensible amélioration de l'état des hôpitaux de Mayotte et de La Réunion. Le premier a pu bénéficier de crédits pour des travaux d'urgence à hauteur de 20 millions d'euros ainsi que de 172 millions d'euros au titre de la stratégie nationale de santé. Pour le second, les grandes difficultés financières que nous lui connaissons sont en cours d'apurement et laisseraient espérer une trajectoire de retour à l'équilibre d'ici à 2021.
Tels sont les principaux éléments que je souhaitais porter à votre connaissance au sujet de la mission « outre-mer ». Compte tenu de l'ensemble de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits correspondants.
Nous constatons une sous-consommation de crédits de paiement lors de l'exercice 2018-2019. Quelles solutions pourraient être apportées pour éviter que cette situation ne perdure ? La baisse de 100 millions d'euros de crédits de paiement dans le budget pour 2020 me paraît le prolongement des 70 millions d'euros de crédits de paiement non utilisés ou reportés en 2018.
Des défauts de pilotage et des problèmes d'ingénierie de mise en oeuvre des projets semblent être à l'origine de cette situation. La création de l'agence nationale de la cohésion des territoires pourraient apporter des réponses. Toutefois, l'absence de structures permanentes et spécifiques dans les outre-mer ne le permet pas. Quelles sont, pour vous, les causes de ce dysfonctionnement ?
En Guyane et à Mayotte, des plateformes d'appui aux collectivités territoriales vont être créées afin d'accélérer la mise en oeuvre des projets de territoires. Peut-on envisager une généralisation sur l'ensemble des territoires ? Il y a un besoin et cette absence nous sera reprochée. Si la Guadeloupe se porte mieux, dans la souffrance toutefois, avec un taux de chômage de 24 %, celui-ci devrait prochainement atteindre 31 % en Guyane et à Mayotte. Je ne suis pas certain qu'un gouvernement résisterait à 28 % de chômage dans l'Hexagone ! Nous souhaitons donc être en mesure de pouvoir consommer les crédits.
Comme l'ensemble de mon groupe, je suis préoccupée par la situation des territoires ultramarins. Tous les signaux socio-économiques sont au rouge et les mesures présentées par le Gouvernement ne prennent pas en compte la réalité de cette situation. Cela me fait penser au plan d'urgence pour les hôpitaux de Mme Agnès Buzyn, qui fait comme si la crise dans les hôpitaux n'existait pas. Un budget de 5,6 millions d'euros pour le sanitaire et social, c'est modeste ! Tellement modeste que cela ne répond pas aux besoins ! De même, plus de la moitié des dépenses de la mission, soit 1,47 milliard d'euros, est consacrée à la compensation des exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les entreprises ultramarines. Ce ne sont pas de bonnes mesures. Cela se saurait si cela favorisait l'emploi ! Notre groupe a toujours contesté l'efficacité des exonérations de cotisations patronales pour favoriser l'emploi, ce que le chômage dans les territoires ultramarins achève de démontrer. Cependant, on continue. Ce sont toujours ces mêmes recettes qui « plombent » et qui ne marchent pas ! Lorsque notre groupe propose d'autres orientations, elles sont refusées. C'est pourquoi nous voterons contre.
Depuis quelques années, nos collègues de l'Hexagone ont une connaissance de plus en plus fine de nos situations ultramarines. Je suis d'un territoire qui compte 28 % de chômeurs : je ne peux pas m'en satisfaire. Je comprends les mesures que tentent de mettre en place les gouvernements pour éradiquer le fléau du chômage. Toutefois, elles ne fonctionnent pas. Il faut être innovant, inventif et trouver d'autres solutions. Je me suis battu pour les exonérations des cotisations pour nos entreprises. Sur mon territoire, je constate que ces exonérations ne profitent pas à l'emploi local. Or, parmi ces 28 % de chômeurs, il y a 50 % de jeunes. C'est insupportable !
Nous sommes également préoccupés par la situation du logement. En Guadeloupe, les gens ne parviennent pas à se loger décemment. Sur mon territoire, c'est encore différent, car le problème a été amplifié par le phénomène Irma.
Une attention particulière doit être portée à la situation sanitaire et sociale et à nos hôpitaux. Les choses ne pourront pas continuer ainsi. Gardons à l'esprit ces quarante jours de grèves qui ont paralysé certains territoires il y a quelques années. Je souhaiterais éviter de telles manifestations, mais si le Gouvernement ne se donne pas les moyens d'aider les territoires d'outre-mer, on risque de connaître une situation explosive.
Cependant, je ne voterai pas contre ce budget, car notre ministre est toujours à l'écoute. Elle a en revanche les mains liées. Il faudrait donc que nous trouvions les moyens de mieux l'accompagner.
Il nous faut trouver des solutions. Nous pouvons, comme tout le monde, profiter des périodes fastes et nous serrer la ceinture lorsque la situation l'exige. Il est frustrant que les territoires ultramarins ne profitent pas de la croissance et de la baisse du chômage.
J'aimerais savoir où en est la construction du nouvel hôpital de la Guadeloupe ?
Par ailleurs, il faudrait se mobiliser pour que les produits de première nécessité soient au même prix que dans l'Hexagone.
Au sujet du chômage, comment faire revenir les jeunes après leurs études ? Et comment leur réserver aussi un meilleur accueil ?
La conférence du logement en outre-mer a relevé un besoin de 90 000 logements, et l'on sait que 80 % des ménages sont éligibles au logement social. Les logements insalubres représentent 12 % du parc.
Or la ligne budgétaire unique (LBU) est en baisse, et 100 millions d'euros d'engagements n'ont pas été consommés. L'accession à la propriété supprimée voilà deux ans n'a pas été sans conséquence sur l'emploi, de petits entrepreneurs ayant mis la clé sous la porte. Il convient donc de rétablir cette accession à la propriété et de l'inscrire dans le code de la construction et de l'habitation. Je déposerai un amendement en ce sens.
La sous-consommation de crédits est reprochée aux élus locaux qui manquent d'ingénierie. Cependant, avec Mme la ministre, nous nous efforçons de réajuster les crédits en fin d'année. Les collectivités locales ont des frais de fonctionnement bien plus lourds que leurs capacités d'investissement, - ils se composent des traitements, mais aussi de toutes les prestations que nous versons : revenu de solidarité active (RSA), allocation personnalisée d'autonomie (APA), etc. Ce sont ces frais de fonctionnement qui, obérant notre capacité d'investissement, empêchent que nous engagions tous les crédits ouverts.
Avec la départementalisation, la France nous a fait progresser en matière de santé, d'éducation, de logement, mais, aujourd'hui, nous avons l'impression de reculer. Comment préserver le sentiment républicain ? Si nous ne faisons qu'assister les populations sans offrir des capacités d'emploi, de création de richesses, nous déconstruirons ce que nous avons mis plus de 60 ans à bâtir au sein de la République française.
Nous sommes ainsi la deuxième puissance maritime mondiale et nos mers ne sont pas exploitées. Il nous faut donc porter un projet de développement structurant qui donne aux territoires ultramarins une autre lisibilité. L'outre-mer n'est pas seulement une charge, mais une chance pour la France.
Pour répondre à Mme Guidez, l'hôpital de Pointe-à-Pitre sera achevé en quarante-huit mois, avec une capacité de 600 lits et de 3 000 emplois. C'est donc une bonne nouvelle.
Enfin, du logement social est construit à La Réunion suivant différents régimes de défiscalisation pour les logements locatifs sociaux (LLS) ou très sociaux (LLTS), mais ce modèle en milieu urbain ne préserve pas l'identité créole. Il convient de permettre aussi l'accession à la propriété, et nous remercions Mme la ministre sur ce point, qui s'est battue pour que cette dernière figure au PLF de cette année. Il faut préserver tous les types d'habitat. Or la LBU est une aide à la pierre et non une aide à la personne. Il faudrait engager un vrai Grenelle de l'habitat outre-mer.
Les difficultés sont réelles, mais nous travaillons sur un nouveau modèle.
Du point de vue sanitaire, l'hôpital a brûlé en Guadeloupe, mais les perspectives sont là : la construction d'un CHU disposant du plateau technique le plus moderne de France, pour 600 millions d'euros.
Nous accueillons également le premier Cyclotron avec TEP Scan de la Caraïbe, où nous fabriquons nos propres isotopes. Malgré nos difficultés sanitaires, nous sommes un modèle pour la petite Caraïbe ; il y a donc un risque à venir de tourisme sanitaire dans la zone.
J'ajoute qu'il manque 12 millions de médecins dans le monde. Nous avons obtenu de négocier directement avec Cuba, seul pays produisant des médecins en quantité suffisante selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), dans le cadre des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue). La situation à Haïti serait désastreuse sans les médecins cubains.
C'est notre mission sénatoriale en Guadeloupe qui avait proposé des dérogations pour permettre aux médecins cubains d'exercer sur le territoire. Vous avez raison de défendre vos territoires, vos idées, mais il importe de faire savoir que le Sénat intervient sur des sujets importants et obtient des résultats.
Depuis la départementalisation de Mayotte, les budgets ont-ils explosé ? Les crédits sont-ils utilisés ?
Mayotte a bénéficié largement de crédits spécifiques sur l'habitat et l'éducation. C'est un îlot de prospérité par rapport aux pays environnants. Le préfet dispose de mesures particulières pour utiliser les crédits. Les minima sociaux y sont divisés par deux, ce qui pousse les familles mahoraises à venir à La Réunion. Cela crée malgré tout un appel d'air, comme en Guyane. C'est pourquoi il faut envisager le développement de ces territoires avec une vision plus large : l'on ne saurait parler de Mayotte sans évoquer le codéveloppement des Comores. À cet égard, je déplore que les fonds français et européens de coopération soient sous-consommés.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer ».
La réunion est close à 10 h 50.