Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, sous la présidence de M. Gilbert Barbier, président, la commission a entendu M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités.
a indiqué que la mission d'information a procédé au total à trente-six auditions qui lui ont permis d'examiner en détail la problématique de la mise sur le marché et du suivi des médicaments. Quatre questions en particulier ont retenu l'attention des sénateurs : le rôle de l'Afssaps, l'indépendance des experts, l'information du corps médical et les études dites « post-AMM » c'est-à-dire réalisées après la mise sur le marché des médicaments. Il s'est félicité des conditions dans lesquelles la mission a travaillé, en observant que la totalité des groupes politiques ont contribué à la qualité de ses travaux.
Après avoir estimé que la crise du Vioxx conduit tout naturellement à s'interroger sur l'évaluation du médicament, M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a fait observer que la France est le premier pays à avoir saisi les autorités européennes au sujet des coxibs. Il a souligné les progrès qu'apporteront la directive 2004/24/CE et le règlement n° 726/2004 du 31 mars 2004, tant sur le plan de la transparence des décisions qu'en matière d'information du public. La mise en oeuvre des nombreuses autres dispositions de ces deux textes se traduira aussi par le renforcement de la formation médicale, la définition d'un plan de gestion des risques et l'amélioration des procédures de décisions de l'Afssaps. Il s'est déclaré convaincu que la France, contrairement à d'autres pays, dispose d'un système d'évaluation du médicament légitime et efficace. Plusieurs acteurs interviennent à tour de rôle : la commission de la transparence, le comité économique des produits de santé (CEPS), la Haute Autorité de santé (HAS), l'Afssaps. Le ministre dispose ainsi in fine de nombreuses informations dont il assure la synthèse. La succession des procédures en vigueur permet donc une évaluation très large, fondée sur les critères d'efficacité et de sécurité scientifiques, sur le rapport entre le bénéfice escompté et le risque potentiel du médicament ainsi que sur le niveau de son prix, au regard des équilibres financiers de l'assurance maladie.
Dans ce contexte, M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a estimé que les critiques dénonçant l'absence supposée de sélectivité des médicaments admis à remboursement sont infondées. Ce débat conduit aussi à se demander si nos concitoyens seraient disposés à accepter que l'on refuse de prendre en charge une innovation thérapeutique modeste. En effet l'approche, qui consisterait à ne rembourser que les seuls médicaments apportant un progrès majeur par rapport aux molécules déjà existantes, ne serait pas dépourvue d'effets pervers : une telle politique déclencherait assurément une course à la première autorisation de mise sur le marché entre les laboratoires, au détriment sans doute de la qualité de l'évaluation.
Il a précisé qu'un décret actuellement en cours d'élaboration permettra de renforcer les moyens d'action de la commission de transparence et il a réaffirmé l'engagement du Gouvernement de favoriser le développement des plans de gestion des risques et d'améliorer les études post-AMM.
Après avoir relevé que plus de 150 médicaments nouveaux sont admis au remboursement chaque année, M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a considéré que notre pays s'honore en mettant à la disposition de chacun des médicaments parfois fort coûteux, comme le montre l'exemple récent d'une molécule permettant de réduire sensiblement la mortalité du cancer du sein, mais dont le coût s'élève à 1.500 euros par personne et par mois. Il convient en outre de renforcer l'encadrement de l'industrie pharmaceutique en matière d'évaluation des médicaments. Dans cet esprit, le ministre s'est prononcé en faveur de l'élaboration d'un statut de l'expert et de la création d'un fonds public d'intervention sur le médicament. Puis il a rendu hommage à la qualité des investigations réalisées par la mission d'information du Sénat et s'est déclaré, par avance, attentif aux conclusions qu'elle rendra.
s'est interrogée sur l'apport de la directive 2004/24/CE et du règlement n° 726/2004 du 31 mars 2004, en matière d'examen et de suivi de l'AMM des médicaments en France et en Europe et en matière de contrôle de l'indépendance des expertises.
Elle a souhaité connaître le calendrier envisagé pour la transposition de cette directive en droit interne et savoir si le ministre de la santé incite dès à présent les agences compétentes à en appliquer certaines dispositions, notamment en matière de publicité des travaux. Elle s'est demandé si, à l'occasion de la transposition législative de ces dispositions, il est prévu d'aller au-delà des notions communautaires d'« efficacité » et de « qualité pharmaceutique » des médicaments et ce, en introduisant une obligation d'analyse systématique de la « valeur thérapeutique ajoutée » et de comparaison entre médicaments au moment de l'AMM.
Elle a fait valoir enfin que le modèle français d'étude des AMM est fondé sur des conceptions relativement anciennes, qui ne prennent pas en compte le fait que les médicaments actuels sont le plus souvent administrés aux patients sur une très longue durée.
Après avoir reconnu le retard pris pour la transposition de la directive 2004/24/CE, M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a indiqué que le Gouvernement entend conduire ce processus à son terme aussi rapidement que possible. Le projet de loi de transposition est actuellement en cours d'examen par le Conseil d'Etat, son adoption en Conseil des ministres est prévue pour le mois de mai prochain et son vote par les deux assemblées devrait intervenir d'ici à la fin de l'année 2006. Les décrets d'application sont d'ailleurs déjà en cours de rédaction.
Les textes européens permettront l'amélioration du dispositif national, notamment en matière de pharmacovigilance et de plan de gestion des risques, même si la France applique déjà leurs dispositions les plus importantes en matière d'impartialité de l'expertise et de transparence des débats des instances de régulation.
a observé néanmoins qu'un nombre non négligeable d'experts semble ne pas se conformer à l'obligation de déclaration des conflits d'intérêts.
a souligné l'importance toute particulière qu'il attache à ce dossier. C'est ainsi que, depuis le mois de mars 2006, l'Afssaps procède à la mise en ligne du règlement intérieur et de l'ordre du jour de ses commissions et groupes de travail spécialisés, ainsi que du compte rendu de l'activité de ses commissions. La publication de l'ensemble des rapports évaluant les médicaments est d'ores et déjà prévue mais, compte tenu de l'ampleur considérable de ce travail, il sera procédé progressivement en commençant par les nouvelles molécules mises sur le marché et l'extension des AMM déjà existantes. Le contrat d'objectifs et de moyens en cours d'élaboration entre l'Etat et l'Afssaps traitera en particulier de toutes ces questions.
a souhaité savoir s'il est envisagé que la publicité des débats au sein de l'Afssaps aille jusqu'au résultat des votes. Il conviendrait de faire preuve d'une totale transparence en la matière, ce qui supposerait en particulier d'en connaître le détail, y compris sur le plan nominatif. En se fondant sur les auditions réalisées par la mission d'information, il a relevé en effet que les procédures actuelles de vote ne semblent pas avoir toute la transparence souhaitable.
a déclaré qu'il a choisi pour ligne de conduite générale dans l'exercice de ses fonctions, le respect du principe de transparence la plus totale, car il s'agit du préalable indispensable à la confiance de nos concitoyens. Cela est vrai sur des sujets épineux et complexes comme les infections nosocomiales. Il en va de même pour les comptes rendus des travaux de la commission d'AMM : l'existence des opinions minoritaires doit être prise en compte, ainsi que leur audience parmi les membres de la commission. Il a fait valoir enfin que ni la directive, ni le règlement précités n'ont intégré la notion de valeur thérapeutique ajoutée.
s'est inquiété du cloisonnement existant entre les différents organismes compétents en matière d'évaluation du médicament. La commission de la transparence considère en effet qu'il ne lui appartient pas de remettre en cause l'appréciation du bénéfice rendu par un médicament. Il a indiqué que cette situation débouche sur des situations parfois ubuesques, comme le montre l'exemple du médicament Lipanthyl, dont plusieurs versions ont été mises successivement sur le marché sans différences notables entre elles.
a fait valoir que la nouvelle version de cette molécule était assurément moins chère que la précédente et représente sûrement une innovation.
a souligné que les auditions de la mission d'information ont fait apparaître l'existence d'une faille dans la procédure de commercialisation des nouveaux médicaments. Tout en estimant qu'il ne fait aucun doute que chacun des organismes compétents - l'Afssaps, la HAS, le CEPS, l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) et le ministère de la santé - assume pleinement son rôle, elle s'est inquiétée de l'absence de mécanisme de coordination entre ces différents acteurs permettant de juger de la pertinence de la commercialisation d'un produit au regard de son intérêt pour la santé publique.
Elle s'est demandé s'il ne serait pas souhaitable de renforcer la compétence de l'un de ces acteurs, la HAS par exemple, afin d'établir tout l'intérêt d'un médicament donné au regard de la santé publique, et ce, avant que son prix et son admission au remboursement ne soient décidés.
a estimé que chacune de ces instances intervient à tour de rôle et que leurs responsabilités respectives sont clairement définies. Le ministère dispose ainsi de tous les éléments nécessaires pour apprécier une innovation thérapeutique. D'ailleurs, ces organismes travaillent de concert et échangent régulièrement des informations. La commission d'AMM et l'Afssaps se réunissent ainsi tous les quinze jours. Il a précisé que la parution prochaine d'un décret sur la commission de transparence permettra de renforcer la coopération existante.
a considéré que le problème de la dilution des responsabilités se trouve néanmoins dans une certaine mesure bel et bien posé. Il a cité ainsi l'exemple de l'audition de la responsable du département de la publicité et du bon usage des produits de santé de l'Afssaps : sur 9.000 dossiers examinés en 2005, il n'y a eu que vingt-quatre décisions d'interdiction, mais l'Afssaps ne dispose d'aucun retour d'information ultérieure à ce sujet.
a observé qu'il existe deux contrôles distincts, celui exercé a posteriori pour les médicaments soumis à prescription médicale et celui réalisé a priori pour les autres molécules. Dans ces conditions, il est possible en pratique, pour un laboratoire, de conduire une campagne marketing sur une molécule nouvelle pendant près d'un an avant que le dossier correspondant ne soit examiné et autorisé. Il a jugé cette situation anormale et a souhaité que soit instauré un contrôle a priori pour tous les médicaments soumis à prescription.
a estimé que les responsables de l'industrie pharmaceutique ne sont sûrement pas dépourvus de tout sens des responsabilités et rappelé qu'ils prennent un risque à chaque commercialisation de nouvelle molécule, ne serait-ce qu'en engageant la réputation et l'image de leur entreprise. Il a fait valoir que, sur 9.000 dossiers examinés par an, seuls, 4 % appellent des observations de l'Afssaps et une vingtaine fait l'objet d'une interdiction.
a considéré que tous les dossiers doivent être examinés avec le plus grand soin et que la perspective d'une interdiction représente une sanction particulièrement dissuasive pour l'industrie pharmaceutique.
a regretté toutefois que les expertises qui sont réalisées ne reposent pas suffisamment sur la notion de rapport entre le bénéfice escompté et le risque estimé des médicaments étudiés.
a fait valoir que la transposition de la directive permettra d'accroître les obligations des laboratoires en ce qui concerne la publicité des substances destinées à faire l'objet d'automédication.
Observant que la question de l'indépendance des experts revient de façon récurrente dans les débats sur la sécurité des produits de santé, Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a souhaité connaître le sentiment du ministre sur cette question. Elle s'est demandé comment valoriser le travail effectué par les experts, notamment lorsqu'il s'agit d'agents publics intervenant pour le compte des agences sanitaires et quelles formes pourrait prendre cette valorisation.
a estimé que l'on peut évaluer de 10 % à 15 % la proportion des experts qui ne se conforment pas à l'obligation de déclaration de conflit d'intérêts.
a indiqué avoir procédé lui-même au travail d'investigation aboutissant à ces résultats et ne pas avoir été démenti par le président de l'Afssaps lors de son audition. Regrettant que deux membres seulement de la commission d'AMM soient dépourvus de tout lien avec l'industrie pharmaceutique, il a considéré qu'au minimum son président et son vice-président devraient être totalement indépendants des laboratoires.
a considéré que la question de l'évaluation des conflits d'intérêts fait d'ores et déjà l'objet d'une approche de plus en plus rigoureuse, que devrait d'ailleurs prochainement renforcer l'élaboration d'un statut de l'expert. La revendication d'une indépendance absolue des scientifiques à l'égard de l'industrie ne semble toutefois pas être une solution réaliste car, pour être compétents, les experts ont besoin d'exercer leur talent dans des laboratoires. Il convient plutôt de promouvoir la transparence et la collégialité au sein de l'Afssaps et de proscrire la participation des experts aux débats sur les molécules produites par les laboratoires pour lesquels ils travaillent.
a souhaité savoir si le Gouvernement souhaite prévenir les conflits d'intérêts négatifs comme les conflits d'intérêts positifs.
a indiqué que les démarches engagées visent toutes les formes d'expertise. Mais il s'agit aussi d'indemniser à leur juste valeur les prestations des chercheurs et de veiller à ce que leur travail soit reconnu dans leur carrière professionnelle. Il a précisé qu'un groupe de réflexion a été mis en place avec le ministère de l'éducation nationale sur ce thème et il s'est prononcé en faveur de la création d'un Haut Conseil de l'expertise. Cette structure nouvelle très légère aurait vocation à constituer un organisme d'arbitrage, mais aussi à rendre des avis à la demande des pouvoirs publics.
a réaffirmé sa conviction que la prévention des conflits d'intérêts passe par une transparence totale, tout en observant que le développement de la procédure centralisée de mise sur le marché des médicaments réduit progressivement les prérogatives des autorités nationales.
Après avoir noté que le thème de la formation continue des médecins s'est imposé, au fil des auditions de la mission d'information, comme un élément majeur du débat sur la prescription et la surconsommation de médicaments en France, Mme Anne-Marie Payet, rapporteur, s'est interrogée sur les moyens dont disposent les pouvoirs publics pour assurer l'indépendance de cette formation, dont le coût nécessite pourtant le recours au financement par les laboratoires pharmaceutiques.
a considéré qu'il importe de prendre le problème à son origine et d'améliorer en priorité la formation médicale initiale des étudiants en médecine.
a également souhaité connaître l'opinion du ministre sur la réforme envisagée en Allemagne, reposant sur le gel du prix des médicaments jusqu'en 2009 et sur l'introduction d'un bonus-malus en matière de remboursement, en fonction des comportements collectifs des assurés sociaux.
s'est déclaré en faveur non pas du gel, mais de la diminution du prix des médicaments lorsque cela est possible, car il convient également de prendre en compte la nécessité d'une rémunération de l'effort de recherche de l'industrie pharmaceutique.
Il s'est montré en revanche sceptique sur la possibilité d'obtenir des résultats durables sur le plan financier par une approche strictement comptable des dépenses de maladie : au-delà d'un horizon de douze à dix-huit mois, il est peu probable d'obtenir une inflexion des comportements collectifs. Telle n'est pas l'option choisie par les pouvoirs publics français, qui lui ont préféré la maîtrise médicalisée à long terme des dépenses de santé.
Il a rappelé que la loi du 4 mars 2002 a déjà rendu obligatoire la formation médicale continue. Un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) doit fournir des éléments de réflexion afin de donner une valeur pleinement opérationnelle à ce principe. Il a souligné enfin l'importance de deux aspects clés de ce dossier : l'agrément des organismes de formation et les modalités de validation de cette obligation de formation.
s'est déclaré hostile au principe même d'une quelconque participation de l'industrie pharmaceutique à la formation médicale continue. Il a observé par ailleurs que l'immense majorité des 150 médicaments nouveaux admis à remboursement, chaque année en France, n'apporte pas de plus-value thérapeutique significative.
s'est demandé si un contrôle effectif du contenu de l'information délivrée par les délégués médicaux est envisageable dans le cadre de la Charte de la visite médicale.
a jugé que la Charte de la visite médicale représente déjà un progrès indéniable et que son niveau d'exigence a été jugé élevé par l'industrie pharmaceutique. Cet engagement des professionnels sera complété à l'avenir par une seconde charte qui est actuellement en cours de discussion.