La commission des finances et les délégations pour l'Union européenne du Sénat et de l'Assemblée nationale ont procédé conjointement à l'audition de M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur le Conseil ECOFIN, qui doit se tenir le 14 mars 2006.
a souligné qu'il s'agissait de la première réunion conjointe, au Sénat, de la délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée Nationale, de la délégation pour l'Union européenne du Sénat et de la commission des finances. Il a précisé que si, lors de la réunion précédente tenue à l'Assemblée nationale, le Conseil ECOFIN avait eu lieu avant la réunion, cette fois-ci il se réunirait après, afin que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie puisse entendre les points de vue des parlementaires avant de se rendre à Bruxelles.
a indiqué que le Conseil ECOFIN du 14 mars 2006 serait précédé la veille d'une réunion de l'Eurogroupe, dont l'ordre du jour comprenait l'examen de la situation économique de la zone euro, de la situation du marché immobilier et des programmes de stabilité de sept parmi les douze Etats ayant adopté l'euro. Il a ajouté que le Conseil ECOFIN précité devait préparer le Conseil européen des 26 et 27 mars 2006, essentiellement consacré aux politiques de l'énergie et de la recherche.
Il a affirmé que le gouvernement procédait à des échanges constants avec M. Jean-Claude Trichet, président du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne. Il a indiqué que l'analyse de la Banque centrale européenne faisait, de la reprise de l'activité économique dans la zone euro, le principal argument pour une augmentation des taux d'intérêt. Il a estimé que cela allait dans le sens de la prévision de croissance de l'économie française avancée par le gouvernement pour l'année 2006, comprise entre 2 % et 2,5 %, qui était par ailleurs compatible avec les prévisions de la plupart des conjoncturistes. Il a souligné que l'inflation restait modérée au sein de la zone euro, malgré l'augmentation du prix du pétrole. Il a souligné que la Banque centrale européenne avait confirmé qu'elle n'avait pas décidé a priori de poursuivre l'augmentation de ses taux d'intérêt, mais se réservait la possibilité de les accroître à nouveau ou non, selon l'évolution de la situation économique. Il a considéré que le ralentissement de l'augmentation des prix de l'immobilier ne remettait pas en cause les perspectives de reprise économique. Il a confirmé sa volonté de réduire le déficit des administrations publiques, considérant qu'il s'agissait d'un élément essentiel du rétablissement de la confiance des acteurs économiques, et a déclaré qu'il s'était efforcé de faire partager cette préoccupation par ses collègues.
et Charles-Amédée de Courson, député, ont estimé que si le gouvernement avait effectivement fait un effort de pédagogie à ce sujet, il n'avait pas pris les mesures nécessaires pour assurer une résorption effective du déficit public.
a rappelé que le gouvernement avait organisé, le 11 janvier dernier, une « conférence nationale des finances publiques », ce qui constituait une première. Il a précisé que cette conférence réunissait des représentants de l'ensemble des catégories d'administrations publiques. Il a indiqué que le Premier ministre souhaitait organiser au mois de juin prochain, au Parlement, un débat relatif à la réduction du déficit public et de la dette.
Il a estimé que les informations les plus récentes dont disposait le gouvernement étaient compatibles avec un déficit public de 3 % du PIB en 2005, même s'il subsistait encore une marge d'incertitude. Il a précisé que la Commission européenne partageait cette analyse. Il a ajouté que les résultats définitifs seraient connus le 1er avril prochain, date de la notification officielle à la Commission européenne.
Il a rappelé que, lors de sa nomination comme ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, le 25 février 2005, les comptes publics se dirigeaient vers un déficit public de l'ordre de 3,5 % du PIB en 2005, et que le déficit public avait été réduit, depuis, d'environ 0,5 point de PIB. Il a souligné que cela n'avait pas été facile, en particulier parce que la croissance du PIB en 2005, qui aurait dû être de 2,5 % selon la prévision associée au projet de loi de finances pour 2005, avait été de seulement 1,4 %, selon les chiffres provisoires publiés par l'INSEE.
a confirmé que l'objectif du gouvernement était de ramener le déficit public à 2,9 % du PIB en 2006, malgré la disparition de la « soulte » des industries électriques et gazières, qui avait permis de réduire le déficit public de 0,5 point de PIB en 2005. Il a estimé que le gouvernement y parviendrait, du fait en particulier d'une croissance du PIB plus forte qu'en 2005 et au respect des engagements de dépenses pris devant le Parlement grâce notamment à l'entrée en vigueur de la LOLF. A moyen terme, il a déclaré compter sur le soutien du Parlement pour l'aider à mieux maîtriser les dépenses publiques, c'est-à-dire, outre celles de l'Etat, celles des organismes de protection sociale et des collectivités territoriales, dans le cadre du programme de stabilité 2007-2009 discuté lors de la conférence nationale des finances publiques.
Il a estimé que le programme de stabilité 2007-2009 prenait en compte la plupart des préconisations du rapport qui lui avait été remis en décembre 2005 par la commission présidée par M. Michel Pébereau, « Rompre avec les facilités de la dette publique ». Il a indiqué que l'objectif du gouvernement était de ramener les comptes publics à l'équilibre et l'endettement public à 60 % du PIB à l'horizon 2010.
Il a estimé que le mémorandum français sur la politique de l'énergie, qui avait été diffusé au sein du Conseil ECOFIN et du G8, avait été bien accueilli par les partenaires de la France.
Un débat s'est ouvert.
après s'être félicité d'une telle audition conjointe, a souhaité savoir si l'ordre du jour « officieux » du prochain Conseil ECOFIN comprenait la question des offres publiques d'acquisition (OPA) en cours et des remous suscités par le « patriotisme économique » de la France. Il s'est interrogé sur le montant exact du déficit public de la France en 2005. Il a demandé ce que le gouvernement comptait faire pour que le solde des administrations publiques locales soit effectivement de + 0,4 point du PIB en 2009, comme le prévoyait le programme de stabilité 2007-2009, alors que ce solde avait été de - 0,1 point de PIB en 2005. Il a souligné que cet objectif constituait la principale différence entre la programmation pluriannuelle des finances publiques annexée au projet de loi de finances pour 2006 et le programme de stabilité 2007-2009, la première prévoyant un solde des administrations publiques locales de seulement - 0,1 point de PIB en 2009. Il a exprimé sa perplexité quant à l'objectif de croissance des dépenses des administrations de sécurité sociale, qui devait revenir, en termes réels, de près de 2,5 % par an au cours des dix dernières années à 0,9 % de 2007 à 2009. Il s'est interrogé sur le réalisme d'un programme tendant à réduire le déficit public par la seule maîtrise de la dépense, rappelant que la majeure partie des mesures prévues par le programme de stabilité 2007-2009 de l'Allemagne correspondaient à des augmentations de recettes, comme la TVA, dans une perspective de « TVA sociale » notamment.
En réponse, M. Thierry Breton a considéré que le prochain Conseil ECOFIN serait probablement l'occasion de parler, de façon informelle, des mouvements de concentration en cours. Il a estimé que, lorsque l'on avait affaire à des OPA hostiles et que celles-ci pouvaient avoir un impact sur l'activité économique, il était légitime que les parties prenantes s'expriment dans le cadre de leurs droits et pouvoirs, notamment pour connaître la nature des projets industriels et pour mesurer l'impact de la fusion sur l'emploi ou la recherche. Il a affirmé que le gouvernement n'était ni pour ni contre l'OPA de Mittal sur Arcelor, mais souhaitait permettre aux actionnaires de prendre position en pleine connaissance de cause, alors que, deux mois après le début de l'opération, l'on ne connaissait toujours pas le contenu du projet industriel. Il a considéré que cette attitude, responsable, n'était pas propre au gouvernement français, mais était aussi celle du gouvernement des Etats-Unis dans le cas de l'OPA hostile d'une entreprise chinoise sur l'entreprise californienne Unocal, ou du gouvernement britannique dans celui de l'OPA hostile engagée par l'entreprise russe Gazprom sur Centrica, sous le contrôle de British Gas. Il a estimé que le rapprochement actuellement en cours entre Suez et Gaz de France s'inscrivait dans le cadre de l'accélération des concentrations dans le domaine de l'énergie, à laquelle on assistait depuis peu en Europe et dans le monde, notamment du fait de la flambée des cours du pétrole et de la nécessité pour les opérateurs de « peser » pour signer des contrats à long terme avec une stabilité des prix des livraisons. Il a affirmé que les dirigeants de Suez et Gaz de France lui avaient fait part, dès le mois d'octobre 2005, de l'éventualité d'un rapprochement entre leurs deux entreprises, et que la rumeur d'une OPA hostile d'Enel sur Suez, parue le 21 février dernier dans la presse italienne, et non démentie le lendemain par le président d'Enel, n'avait fait qu'accélérer ce processus. Il a déclaré que si le Premier ministre avait décidé d'annoncer lui-même ce rapprochement, c'était tout simplement parce qu'il n'était possible qu'avec l'accord de l'actionnaire majoritaire de GDF, l'Etat, et qu'il supposait une modification de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières. Il a considéré que cette démarche ne traduisait aucun protectionnisme.
a considéré que les Etats ne pouvaient pas se désintéresser de leur autonomie en matière énergétique, et a rappelé que M. Aymeri de Montesquiou devait prochainement publier un rapport d'information à ce sujet, dans le cadre de la délégation pour l'Union européenne du Sénat. Il s'est interrogé sur l'existence, au niveau européen, d'une réflexion collective sur la stratégie à conduire dans le domaine de l'énergie.
En réponse, M. Thierry Breton a considéré qu'il n'existait pas de vision européenne en matière d'énergie, et que c'était pour cette raison que la France avait publié un mémorandum sur le sujet. Il a considéré que l'essentiel était que l'Europe permette à ses entreprises d'atteindre des tailles suffisantes pour faire face à la concurrence d'entreprises de pays tiers. Il a indiqué qu'il y aurait un débat sur l'énergie au Parlement, du fait de la nécessité de modifier la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 précitée.
En réponse, M. Thierry Breton a indiqué qu'il était trop tôt pour le savoir, notamment parce qu'il avait engagé une concertation avec les organisations syndicales, ajoutant qu'il était de l'intérêt de la France d'engager ce débat dans les semaines prochaines pour le mener avant l'été.
s'est inquiété du déroulement des négociations relatives aux perspectives financières 2007-2013 de l'Union européenne et a déploré la proposition du Conseil européen de réduire, notamment, les crédits de la culture. Il s'est interrogé sur les perspectives d'adoption de l'euro, au 1er janvier prochain, par l'Estonie et la Lituanie, alors que ces Etats avaient un taux d'inflation élevé. Il a considéré que la relance d'une Europe en crise devrait venir de l'Eurogroupe, notamment dans le domaine industriel.
Faisant allusion à l'audition de MM. Bertrand de Mazières et Benoît Coeuré, respectivement directeur général et directeur général adjoint de l'Agence France-Trésor, à laquelle la commission des finances avait procédé la veille, M. Aymeri de Montesquiou s'est demandé dans quel délai la France pourrait rééquilibrer ses finances publiques.
a considéré que les négociations sur les perspectives financières 2007-2013 de l'Union européenne ne pourraient aboutir à un résultat satisfaisant si les Etats membres ne retrouvaient pas le sens de l'intérêt commun et a souhaité que la France prenne une initiative en ce sens. Il a considéré que la contribution nette de la France devait être réduite, que le rabais accordé au Royaume-Uni devait être supprimé, et qu'il n'était pas possible de continuer avec un budget dont les recettes étaient votées par les Parlements nationaux et les dépenses votées par le Parlement européen.
a souhaité savoir si le gouvernement avait l'intention de se conformer à la demande, faite le 22 février 2006 par la Commission européenne dans son avis sur le programme de stabilité 2007-2009 de la France, que la France « prenne des mesures additionnelles en 2006 de plus de 0,25 point de PIB ».
Résumant ses précédentes questions posées au ministre, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, s'est interrogé sur la crédibilité du programme de stabilité 2007-2009.
En réponse, M. Thierry Breton a considéré que le respect de la norme de progression des dépenses publiques fixée par le programme de stabilité 2007-2009 dépendait non seulement de l'Etat, mais aussi des autres administrations publiques. Il a rappelé à cet égard qu'il avait été le premier ministre de l'économie, des finances et de l'industrie à organiser une « conférence nationale des finances publiques », réunissant l'ensemble des acteurs concernés.
a considéré que la consultation des collectivités territoriales avait été plutôt formelle.
En réponse, M. Thierry Breton a confirmé son intention de débattre au Parlement au mois de juin des modalités de réduction du déficit public, afin que cette politique engage l'ensemble des acteurs publics. Il a souhaité qu'à cette occasion le Parlement vote un programme de réduction pluriannuel des déficits publics. Il a jugé que la réduction de la dette publique permettrait aux acteurs économiques d'avoir davantage confiance en l'avenir et aux ménages de réduire leur épargne de précaution.
Il a considéré qu'il fallait aller vers une disparition du rabais du Royaume-Uni, ce que prévoyait l'accord trouvé en décembre dernier, et qu'une réforme d'ensemble du budget de l'Union européenne était souhaitable à terme, mais il a estimé que la victoire du « non » au référendum du 29 mai 2005, relatif à la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe, n'avait pas renforcé la position de la France pour remettre en question le système budgétaire européen.
Il a considéré que si la Slovénie pourrait rapidement adopter l'euro, à titre personnel, il estimait que la situation n'était pas encore mûre pour les deux autres candidats.
Il a jugé que le point de vue de la Commission européenne, selon lequel la France devrait réaliser en 2006 un effort de consolidation budgétaire supplémentaire à hauteur de 0,25 point de PIB, venait du fait que la prévision de croissance du PIB de la Commission européenne était excessivement pessimiste.
a proposé de continuer à entendre, alternativement au Sénat et à l'Assemblée nationale, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, avant les Conseils ECOFIN.