Je tiens tout d'abord à remercier M. Guillaume Pepy, président de la SNCF, d'intervenir devant notre commission. Je voudrais témoigner devant lui du plaisir que j'ai eu à représenter pendant deux ans le Sénat au conseil d'administration de la SNCF, au titre de mes mandats locaux, avec M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale. Cette expérience m'a permis de mesurer l'ampleur des missions de cette entreprise et les défis qu'elle doit aujourd'hui relever.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que la venue de M. Guillaume Pepy s'inscrit dans un cycle d'auditions thématiques qui a pour but d'examiner le meilleur fonctionnement possible pour le réseau ferroviaire actuel, dans le respect des objectifs du Grenelle de l'environnement. Nous avons entendu, fin mars, M. Pierre Cardo, président de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF), ainsi que, début avril, M. Hubert du Mesnil, président de Réseau ferré de France (RFF).
M. Guillaume Pepy pourrait nous apporter, dans son propos liminaire, des précisions sur quatre thèmes. Sur la question de la gouvernance premièrement, avec notamment la direction de la circulation ferroviaire (DCF), qui appartient à la SNCF mais travaille pour le compte de RFF et a été créée par la loi du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires (ORTF) : quelles sont les pistes d'amélioration possible ? Deuxième point, M. Guillaume Pepy pourrait nous donner une vision d'ensemble de la réforme en cours de l'activité fret. Troisièmement, la question de l'impact de la refonte en cours du premier paquet ferroviaire sur la SNCF intéresse tout particulièrement notre commission, notamment à travers l'exemple des gares. Notre collègue Francis Grignon présentera à ce sujet un rapport le 25 mai prochain. Enfin, nous aimerions avoir des précisions sur les projets de lignes à grande vitesse (LGV) prévus par la loi Grenelle I et l'évolution des péages ferroviaires.
Je vous remercie, M. le Président, pour votre invitation. C'est un plaisir pour moi de venir devant vous car la discussion au Sénat est toujours directe, franche et productive.
Je vais donc vous apporter quelques éléments d'éclairage sur les quatre sujets que vous venez d'évoquer.
Un mot, tout d'abord, sur la Direction de la circulation ferroviaire (DCF), qui au-delà de sa technicité, est un sujet particulièrement important. Je rappelle que cette direction regroupe à la fois les aiguilleurs et les horairistes. Or, le Parlement a voté il y a deux ans la loi ORTF qui a notamment prescrit que les aiguilleurs et les horairistes soient dans une « case à part » à la SNCF, sous l'autorité de RFF, tout en restant cheminots. Cette loi est effectivement en oeuvre depuis janvier 2010 et pas un jour ne se passe sans que les discussions évoquent la prochaine loi pour réformer la DCF. Je pense pour ma part qu'il faut laisser le temps à ce service de prendre ses marques et montrer à tous son indépendance vis-à-vis de la SNCF.
Sur la question du fret, je vous annonce deux bonnes nouvelles. D'une part, depuis le début de l'année, la SNCF a transporté autant de wagons isolés qu'avant la réforme, alors que leur nombre avait baissé pendant la crise. Par ailleurs, pour le fret ferroviaire, le déficit cumulé sur les trois dernières années s'élève à 1,1 milliard d'euros et l'endettement de Fret SNCF arrêté en 2010 se monte à 2,5 milliards d'euros - ce qui constitue une gigantesque voie d'eau pesant sur l'avenir de l'entreprise - mais nous nous sommes engagés, et je le dis devant vous, à parvenir à un équilibre financier d'ici fin 2013 ou 2014. Ce plan de redressement se fait en outre sans dégât social (ni licenciement ni départ imposé) et nous accompagnons le reclassement des personnels. Nous les formons, y compris les personnes de plus de cinquante ans, voire de plus de cinquante-cinq ans, en collaboration notamment avec l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) et le GRETA. Ce plan s'exécute donc dans de bonnes conditions, qui ont d'ailleurs été discutées avec les partenaires sociaux.
Sur la question des gares, là encore, la loi ORTF les a maintenues dans le périmètre de la SNCF. Nous avons d'ailleurs créé à cet effet la branche Gare et Connexions, qui travaille pour tous les transporteurs, actuellement avec Eurostar, Trenitalia, Veolia, et demain la Deutsche Bahn. Une nouvelle impulsion a été donnée à la modernisation des gares, même s'il y avait beaucoup de retard à rattraper.
Enfin, sur la question de la concurrence, le rapport de M. Francis Grignon qui sera rendu cet après-midi sur l'expérimentation de l'ouverture à la concurrence des TER (Transport Express Régional), apportera un certain nombre d'éléments qu'il conviendra d'examiner. Je voudrais cependant insister sur deux points, qui me semblent particulièrement importants. Je rappelle tout d'abord que la concurrence est une question éminemment politique : c'est au Parlement de s'exprimer sur cette question. Mais si ce rapport débouchait sur un projet de loi, il faudrait impérativement veiller à ce que la concurrence soit équitable et loyale et qu'elle ne se traduise pas dans les faits par un dumping social. Il est ainsi indispensable que les cotisations sociales des opérateurs soient les mêmes et que le cadre social soit identique pour toutes les entreprises. Enfin, l'expérience a prouvé, grâce au Sénat notamment, avec les travaux menés par M. Hubert Haenel lors de la régionalisation, qu'il est indispensable de passer d'abord par l'expérimentation avant d'envisager une éventuelle extension. Nous nous sommes préparés à la concurrence mais le diable est dans les détails.
Je voudrais vous poser une série de questions mais avant tout, je souhaiterais rappeler que la SNCF traverse aujourd'hui une période délicate et qu'il serait peut-être souhaitable d'organiser une table ronde ou un Grenelle du ferroviaire afin de dégager un consensus sur un certain nombre de points qui posent aujourd'hui problème.
Ma première question concerne les finances. Le fret est en déficit et vous vous êtes engagés à atteindre l'équilibre d'ici 2013 ou 2014. On sait que le secteur de la grande vitesse faisait d'importants bénéfices. Quelles ont été les capacités d'investissement entre 2005 et 2010 et quelles sont les prévisions en la matière pour 2011-2012 ?
Quelles sont par ailleurs les perspectives d'évolution de la dette de la SNCF ? Comment voyez-vous l'avenir sur cette question ?
Je voudrais également avoir votre sentiment sur la question des investissements du futur et des engagements du Grenelle I sur les lignes à grande vitesse (LGV). Quels projets vous semblent les plus pertinents ?
Concernant le fret, si sur le plan comptable l'équilibre sera rétabli, on constate que dans beaucoup de pays étrangers, le fret progresse. Je reviens en effet du port de Hambourg et je suis catastrophé: le port n'arrive pas à faire face à la demande de conteneurs, alors que nos ports français périclitent ! Pour les distances de moins de 150 kilomètres, le train représente 30 % des acheminements du port hanséatique. Au-delà, il devient même majoritaire, car le train est alors considéré comme plus fiable et moins cher que le camion. J'aimerais que l'on puisse en dire autant en France... Quels sont les objectifs de Fret-SNCF pour regagner des parts de marché ?
Concernant le SNIT, quels sont les projets les plus pertinents ?
Enfin, quelle est la signification concrète de votre proposition de fusionner les réseaux ferroviaires français et allemand ? Que peut-on faire pour avancer dans ce domaine ?
Toutes les questions de M. Louis Nègre mériteraient d'être longuement débattues. Mais je vais essayer, comme lui, d'être direct.
Sur sa première question, je rejoins tout à fait son sentiment : il est aujourd'hui nécessaire de remettre à plat un certain nombre d'éléments du système ferroviaire au risque d'aboutir à une impasse financière. Comment financer par exemple aujourd'hui les 80 milliards d'euros de lignes nouvelles prévues par le Grenelle ? La même question se pose pour le financement de l'entretien du réseau. Nous devons également réfléchir aux conséquences de l'ouverture à la concurrence dans le secteur ferroviaire et à l'harmonisation sociale.
Concernant notre capacité d'investissement, nous sommes aujourd'hui dans un pic qui atteint cette année 2,7 milliards d'euros dont 60 % pour le matériel ferroviaire, notamment grâce aux régions, qui ont commandé des rames Régiolis et Regio 2R. Le niveau des commandes va diminuer l'an prochain avant de remonter en 2013-2014. Sur la grande vitesse, les commandes passées par la SNCF assurent le carnet de commande des ateliers Alstom jusqu'à la fin 2015. Nous avons également lancé une réflexion sur le modèle économique de TGV afin de pouvoir continuer à dégager des capacités d'investissements.
La situation française concernant le fret est particulière. Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement organise le 30 mai une table ronde avec les onze opérateurs ferroviaires. Je rappelle que les dix autres opérateurs connaissent des problèmes de développement indépendant de la question du statut des cheminots, notamment en termes de gestion des sillons et d'accès aux plateformes, tant la compétitivité du camion est forte. En réalité, les pays qui ont réellement effectué un transfert modal sont ceux qui ont fait le choix de brider la compétitivité du camion.
Chacun de mes collègues pourra s'exprimer librement, mais je tenais, au nom du groupe socialiste, à vous interroger sur trois points : la refonte du « premier paquet ferroviaire », l'organisation du système ferroviaire en France, et la réforme de Fret-SNCF.
Premièrement, la refonte du « premier paquet ferroviaire ». Plusieurs propositions de résolution européenne ont été déposées sur ce texte au Sénat. La proposition du groupe socialiste déposée par notre collègue Roland Ries tourne le dos à une approche libérale sur ce dossier. Je rappelle que notre collègue Francis Grignon rend aujourd'hui au Gouvernement son rapport sur l'expérimentation de l'ouverture à la concurrence des TER. Il me semble qu'il faut respecter certaines règles et revenir aux principes fondamentaux. Voilà pourquoi je demande un bilan de l'ouverture des marchés à la concurrence, une harmonisation par le haut des conditions sociales, et une avancée prudente quant à l'ouverture à la concurrence du réseau TER.
Deuxièmement, l'organisation du système ferroviaire national. La séparation nette entre exploitation et infrastructures connaît plusieurs limites : la dette de RFF est colossale, l'évolution des péages est problématique, tandis que l'organisation des travaux sur les voies est perfectible. C'est pourquoi nous plaidons pour la mise en place d'une holding en France, sur le modèle allemand. Le maintien des fonctions de gestionnaire du réseau et d'opérateur ferroviaire historique dans une même structure juridique, sous forme de holding, est une solution intéressante. Cependant, je crois nécessaire d'assortir cette proposition de l'obligation d'affecter les éventuels excédents de la branche gestionnaire d'infrastructures aux seuls investissements sur le réseau afin d'éviter tout financement croisé.
Troisièmement, le fret. Je plaide de longue date en faveur de l'instauration de règles du jeu équitables. A mes yeux, plusieurs opportunités s'offrent à nous : instaurer une Euro-vignette afin de rétablir l'équilibre entre la route et le rail, harmoniser par le haut les conditions sociales, demander à la SNCF de réintégrer l'alliance européenne X-Rail pour développer l'activité des wagons isolés, développer les trains longs, et promouvoir les messageries à grande vitesse. Enfin, il faut encourager le développement des opérateurs ferroviaires de proximité (OFP), qui n'ont malheureusement pas reçu de définition juridique lors de l'examen de la loi ORTF de 2009, si bien que certains OFP se comportent actuellement comme de véritables opérateurs portuaires...
Tout d'abord, vous critiquez le système ferroviaire national, qui va selon vous dans le mur, mais dans le même temps vous souhaitez que l'Allemagne sépare plus nettement l'activité de gestionnaire du réseau et l'activité de l'opérateur ferroviaire historique. Pouvez-vous clarifier votre position ?
Concernant la sécurité ferroviaire, vous évoquez la présence de « zones floues » dans notre organisation. Ma question est la suivante : la hausse des incidents ou accidents ferroviaire est-elle imputable à une dilution des responsabilités ?
Troisièmement, nous considérons que c'est l'architecture du système ferroviaire qui cause les difficultés en termes de trafic, de sécurité et de régularité. Dans notre proposition de résolution européenne sur la refonte du premier paquet ferroviaire, nous nous exprimons en faveur du retrait de cette proposition de directive, d'un bilan et d'un moratoire des trois paquets ferroviaires et du rétablissement d'une entreprise ferroviaire intégrée.
Concernant le règlement OSP, quelle est la position de la SNCF ? Ne risque-t-il pas de remettre en cause les missions de la SNCF, comme ce sera bientôt le cas pour les services régionaux de voyageurs ?
Pour finir, comment brider la compétitivité du camion par rapport au train, pour ériger le rail en véritable alternative à la route ?
Certaines lignes connaissent des difficultés inacceptables, comme la ligne Paris-Chartres que je connais bien. Les usagers mécontents se tournent vers la SNCF et les élus que nous sommes. Et il faut avouer que nous avons bien du mal à comprendre l'origine des dysfonctionnements, compte tenu des responsabilités partagées entre RFF, la SNCF et les régions pour le matériel roulant. Je doute même parfois du sérieux des excuses qu'on nous présente : certains trains récents consommeraient plus d'énergie que leurs prédécesseurs, d'où des pannes et des retards récurrents...
Le ministère de l'Ecologie, du développement durable, des transports et du logement et la SNCF ont signé fin 2010 la convention pour les « Trains d'Equilibre du Territoire ». Cette convention prévoit de pérenniser les liaisons Corail, Intercités, Téoz et Lunéa. A ce titre, l'Etat s'engage à verser une compensation annuelle de plus de 200 millions d'euros pendant trois ans en faveur de ces lignes. Quelles sont les lignes concernées ? Quelles sont les obligations que l'Etat a fixées à la SNCF ?
S'agissant ensuite du transport combiné rail-route, l'aide actuelle vous paraît-elle suffisante ? Allons-nous voir ce mode de transport progresser ?
Par ailleurs, les cheminots qui ont commencé leur carrière à la SNCF comme apprentis se voient refuser la prise en compte de l'intégralité de leurs trimestres de cotisation dans le calcul de leur droit à retraite. Que comptez-vous faire pour régler cette situation ?
Quant aux contrôleurs, beaucoup se plaignent d'une augmentation des agressions et des outrages et d'un « manque de reconnaissance de la part de leur hiérarchie », pour reprendre leurs propres termes. Ils déplorent également la précarisation de leur métier, due à la multiplication du recours aux contrats de travail temporaires et à durée déterminée.
Enfin, quelles mesures comptez-vous prendre pour lutter contre les retards des trains ?
Je suis convaincu qu'une relance du fret implique de dégager plus de sillons, ce qui passe par la construction de nouvelles lignes à grande vitesse. Or, dans le magazine « La vie du Rail » en date du 6 avril dernier, vous affirmez que le programme LGV est menacé. Comment peut-on financer les 2000 kilomètres de voies nouvelles d'ici 2020 ? Les partenariats public-privé ne sont-ils pas une solution au problème de financement par des personnes publiques ? Certes, l'entretien du réseau ferroviaire doit être une priorité. Mais nous ne devons pas oublier que la création de lignes nouvelles à grande vitesse, comme la ligne Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon, permettrait d'alléger le trafic sur certaines lignes et d'aménager notre territoire !
Je salue les actions que vous menez pour lutter contre les retards sur certaines lignes défaillantes. Fréquentant régulièrement la ligne Paris-Caen, je constate des retards très importants qui entraînent des conséquences très lourdes pour les salariés telles des pertes de salaire voire des licenciements. Certes, des indemnisations sont accordées par la SNCF mais elles ne concernent pas le tronçon Caen-Rouen.
Ma deuxième remarque a trait au « mur tarifaire », sujet que connaissent bien les habitants des départements limitrophes de la région Île-de-France. Il n'est pas normal que ces usagers payent 3 à 4 fois plus cher leurs billets de train que les franciliens. Certes, certaines régions comme la Bourgogne ont mis en place des mécanismes pour lutter contre cette inégalité. Mais nous devons avancer ensemble sur ce sujet.
Sur la question des relations entre le gestionnaire d'infrastructures et l'opérateur ferroviaire historique, nous sommes face à la nécessité d'avoir certainement à repenser une partie de notre système ferroviaire, sans toutefois revenir à la situation d'avant 1997 ni maintenir le statu quo. Il existe incontestablement aujourd'hui une instabilité contractuelle et un manque de visibilité dans l'organisation des horaires, qui génèrent des frottements permanents entre acteurs. De plus, les priorités et les contraintes de chacun n'étant pas spontanément alignés, une nécessaire coordination est d'autant plus souhaitable. Enfin, le bouclage financier du système ferroviaire français n'est par ailleurs pas assuré. En collaboration avec M. Hubert du Mesnil, président de RFF, nous explorons trois pistes pour améliorer le système français. Première piste : accentuer la séparation entre le gestionnaire d'infrastructure et l'opérateur ferroviaire historique, comme c'est le cas dans d'autres pays. Deuxième piste : mettre en place une holding comme l'Allemagne, l'Italie ou la Belgique l'ont fait. Ce serait une forme d'intégration par le haut, chapeautée par une « super SNCF-RFF ». L'Europe n'a toujours pas condamné cette structure juridique alors que tous s'y attendaient depuis de nombreuses années. Je pose donc simplement cette question : est-ce que cette structure juridique est pérenne ou non ? Dernière piste : réformer le système actuel en conservant sa philosophie.
Nous sommes actuellement avec RFF dans une phase de réflexion pour établir un diagnostic et proposer des pistes de réforme. Il appartiendra ensuite au Parlement d'en débattre et de retenir des solutions qu'il juge appropriées.
S'agissant de la sécurité ferroviaire, n'oublions pas que les performances françaises sont parmi les meilleures d'Europe. C'est une fierté pour notre pays. Mais la nouvelle organisation du système ferroviaire ne mérite-t-elle pas un architecte pour faire respecter la sécurité ferroviaire en France et organiser les responsabilités des uns et des autres ? Le secrétaire d'Etat des transports m'a récemment rassuré, comme vous avez pu le lire dans le journal « Les Echos ». Je considère, quant à moi, qu'il revient à l'Etat d'être l'architecte du système ferroviaire français dans le domaine de la sécurité afin d'éviter tout point de faiblesse dans les procédures à suivre.
J'en viens à l'interprétation du règlement communautaire obligation de service public (OSP) de 2007. L'analyse du Gouvernement français est très claire sur ce sujet. D'ici 2019 au plus tard, la France devra avoir adapté sa législation pour que les autorités organisatrices de transport (AOT) aient la faculté soit d'accorder de gré à gré un contrat de transport, soit de procéder à des appels d'offres pour mettre en concurrence des candidats. Concrètement, cela signifie que la loi d'organisation des transports intérieurs (LOTI) devra être modifiée pour donner aux AOT le choix entre ces deux procédures. En aucun cas, ce règlement communautaire n'impose l'appel d'offres pour les AOT. Il s'agit, à mon sens, d'une législation très équilibrée qui donne le dernier mot aux élus.
M. Hervé Maurey m'a interrogé sur les points d'action que nous avons établis pour les douze lignes en difficulté. Pour neuf de ces douze lignes, les premiers résultats sont très encourageants et vont même au-delà de nos objectifs initiaux. Toutefois, nous n'avons que quatre mois de recul et rien n'est acquis en la matière. Je vous propose donc de communiquer à votre commission, à la fin du premier semestre, un premier bilan sur les plans d'action concernant ces douze lignes. J'observe avec satisfaction que l'Etat et les élus locaux nous ont aidés pour traiter ces situations perturbées. Nous poursuivrons ces plans d'action sur 18 voire 24 mois supplémentaires afin d'atteindre un taux de régularité sur ces lignes entre 90 et 91 % et rejoindre ainsi la moyenne nationale.
En dépit des immenses efforts de RFF pour régénérer le réseau ferroviaire français, ce n'est qu'en 2015 que sa dégradation sera stoppée et que la phase de rajeunissement sera enclenchée. Nous devons aujourd'hui réparer les conséquences du manque d'entretien du réseau durant les années 80 et 90.
Vous m'interrogez sur la convention d'équilibre du territoire. Elle permettra le renouvellement du matériel roulant, notamment sur les axes Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, d'une part et Paris-Clermont, d'autre part. Nous participerons d'ailleurs demain à un colloque à l'Assemblée nationale qui abordera cette question.
Nous connaissons actuellement une véritable crise des sillons qui a pour conséquence que certains trains aujourd'hui ne sont pas toujours dans le système de réservation et les entreprises ferroviaires n'arrivent pas toujours à disposer de sillons supplémentaires pour leurs trains de fret. Ceci affecte particulièrement le transport combiné. Disons le franchement, ces difficultés dans la gestion des sillons pourraient durer encore une ou deux années. Je rappelle que RFF a la responsabilité de gérer les sillons, mais la SNCF est solidaire de RFF face à ces difficultés.
Je voudrais dire à M. Roland Courteau que les problèmes soulevés par les cheminots, qui ont commencé leur carrière comme apprentis, ont été récemment débloqués par le ministre du travail, M. Xavier Bertrand, à la satisfaction des syndicats concernés. J'indique par ailleurs que la profession des contrôleurs est la seule à être en croissance constante à la SNCF. Il y a un besoin d'augmenter les effectifs pour cette profession. Quant au contrat temporaire ou contrat à durée déterminée et autres vacations, nous avons toujours eu recours à ces types de contrat, dans des proportions raisonnables, pour donner de la souplesse à l'organisation du travail des contrôleurs, notamment en période de congés, et pour permettre aux étudiants de travailler dans notre entreprise.
Vous avez été nombreux à m'interroger sur l'avenir des TGV. La SNCF sait tout ce qu'elle doit au TGV, sans qui elle n'occuperait pas la place qui est la sienne dans le monde. Nous avons gagné les appels d'offres en Corée et au Maroc et nous soumissionnons pour les contrats de ligne à grande vitesse en Argentine, en Russie et en Arabie Saoudite. La SNCF est aujourd'hui leader de la grande vitesse. Mais les efforts que nous avons déployés pour le TGV, nous devons également les mettre au service de nos concitoyens pour leurs déplacements quotidiens. La SNCF ne doit pas être une entreprise à deux vitesses.
J'ai la conviction que la ligne à grande vitesse Paris-Orléans-Clermont-Lyon (POCL) sera réalisée. Mais deux questions restent en suspens : à quelle échéance et avec quel financement ? Il faut une réflexion collective sur ces questions. In fine, quelle que soit la forme de financement retenue, ce sont soit les voyageurs, soit les contribuables qui paient les travaux. N'attendons pas de miracle des partenariats public-privé car même dans ce cas, ce seront les voyageurs futurs qui paieront la facture. La ligne POCL, structurante au niveau européen, est également indispensable pour doubler la ligne Paris-Lyon arrivant à saturation et elle répond ainsi à des impératifs d'aménagement du territoire.
Je rappelle à mes collègues qu'un kilomètre de ligne à grande vitesse coûte entre 20 à 25 millions d'euros tandis qu'un kilomètre de voie classique régénérée ou électrifiée coûte seulement un million d'euros. Dès lors, il n'est pas surprenant que le projet POCL soit estimé entre 12 et 14 milliards d'euros.
Nous sommes victimes d'une stupidité collective. Comment imaginer faire circuler des trains partout en Europe alors que les réseaux ferroviaires sont à des niveaux d'entretien fort différents d'un Etat à l'autre ? Nous serons tôt ou tard confrontés à des problèmes de sécurité. Par ailleurs, les TER sont un succès en France mais nous n'avons plus les moyens de financer de nouvelles lignes. Le chaînon manquant de ligne à grande vitesse entre Montpellier et Perpignan est ultra prioritaire à mes yeux mais nous peinons à le financer car RFF n'a pas les ressources suffisantes. Or, il existe de grands groupes privés qui sont intéressés par ce projet. Pourquoi ne pas faire appel à eux compte tenu des difficultés des personnes publiques pour financer les nouveaux projets ferroviaires ?
Je considère que la réforme du wagon isolé est indispensable mais force est de constater qu'elle suscite beaucoup d'incompréhension aujourd'hui. En effet, en tant qu'ancien président de l'Union des carrières et des matériaux, j'ai appris que certaines entreprises ont grande peine pour constituer des trains complets et n'ont plus accès aux plateformes de marchandises dans mon département, alors que certains de ces équipements ont été récemment réalisés pour plusieurs millions d'euros.
Dans le cadre de mes fonctions de président de la commission nationale des gens du voyage, je me suis également penché sur la question du vol des câbles, dont les principales victimes sont France Telecom et la SNCF. J'ai acquis la conviction que nous devons agir auprès des ferrailleurs en leur interdisant le recel des câbles volés. Aujourd'hui, on observe de nombreuses ventes plusieurs fois par jours pour moins de 1000 euros, ce qui permet le recel des câbles volés et l'impunité pour les voleurs. Cette situation doit changer, d'autant que le prix des matières premières ne cesse de grimper.
Enfin, quel est l'intérêt d'annoncer systématiquement les projets de construction de route ou de ligne ferroviaire grâce à des panneaux sur les terrains concernés ? C'est le meilleur moyen d'engendrer des réactions hostiles aux projets envisagés de la part des populations concernées!
Vous avez évoqué, Monsieur le Président, l'axe structurant Nord-Sud. Permettez-moi d'évoquer l'axe à grande vitesse Paris-Bordeaux-Tours-Toulouse, qui sera peut-être un jour prolongé jusqu'à Narbonne...Toulouse est une métropole, perdue dans un désert ferroviaire, entre la façade atlantique et celle méditerranéenne. Quel est l'avenir de ce projet ? Les financements sont difficiles à réunir. Certains disent aux collectivités territoriales que, si elles refusent de payer, le Sud-est de la France restera enclavé jusqu'à la fin des temps... Je rappelle que le conseil général de Haute-Garonne a déjà payé 450 millions d'euros pour ce projet. Et on voudrait encore faire participer les départements, pour compenser le manque à gagner des collectivités qui refusent de contribuer au projet ! Quel est votre point de vue sur ce dossier ?
Quels sont les moyens de brider la concurrence du camion selon vous, afin d'encourager le ferroutage ? N'oublions pas qu'une hausse du trafic ferroviaire viendrait buter sur des problèmes techniques. De fait, sur l'axe Mulhouse-Dijon, les conteneurs ne peuvent pas passer car les tunnels sont trop étroits et la mise au gabarit des tunnels est un processus très long, qui dure près de dix ans. Par ailleurs, je suis très inquiet sur la qualité des services de la SNCF : les guichets automatiques sont omniprésents, et lorsqu'ils sont en panne, les usagers qui souhaitent acheter un billet de train se retrouvent désemparés. Fort heureusement, les contrôleurs sont compréhensifs. Mais cette politique en faveur de l'automatisation n'a-t-elle pas atteint ses limites ? Je partage en tout cas sur ce point les inquiétudes des organisations syndicales de la SNCF, toutes tendances confondues.
Je soutiens l'analyse de mon collègue Michel Teston. En outre, il est nécessaire d'améliorer la liaison entre Paris et l'Auvergne, eu égard au poids démographique du bassin de vie entre Vichy et Clermont - Ferrand, qui compte près d'un demi-million d'habitants. Le projet POCL est attendu avec impatience, mais même en retenant un scénario optimiste, cette ligne à grande vitesse ne se fera pas avant 15 années. En attendant, que fait-on ? La ligne TEOZ actuelle, qui dessert Paris - Moulins - Vichy -Clermont, malgré quelques aménagements, n'a pas fondamentalement amélioré les conditions de voyage de ses utilisateurs, compte tenu de l'obsolescence du matériel. Or cette ligne est l'une des rares à connaitre un équilibre commercial, ce qui devrait attirer la bienveillante attention de la SNCF... Quels sont les actions que compte mener la SNCF pour moderniser cette ligne, améliorer la qualité de service et renforcer la régularité, et selon quel calendrier ? Pour mémoire, nous avions demandé de pouvoir bénéficié de vieilles rames TGV avec lesquelles on espérait circuler entre 160 et 220 kilomètres heures, mais aucune suite n'a été donnée à notre requête...
Le directeur régional de la SNCF m'a récemment averti par courrier que les trajets pour Clermont-Ferrand ne partiront plus de la gare de Lyon mais de la gare de Bercy. Or les usagers de cette gare sont mécontents car elle est mal reliée aux transports collectifs et ne dispose pas de boutiques et de restaurants. Il s'agit donc plus d'une halte que d'une véritable gare. C'est pourquoi j'estime qu'il faudra l'aménager avant de l'utiliser pour les départs vers l'Auvergne.
J'ai récemment rencontré le président de la société de conditionnement des déchets, qui a attiré mon attention sur le problème de recel des câbles volés. Je souhaite que la SNCF porte plainte systématiquement et soit en pointe dans ce combat. Il est tout de même aisé de retrouver les câbles de la SNCF dans les entrepôts des ferrailleurs ! En outre, je souhaite que la ville de Montbard conserve sa gare TGV sur la ligne Paris-Dijon. En effet, la zone industrielle, surnommée Metal'Valley, y est particulièrement importante, regroupant de grandes entreprises métallurgiques et un fleuron de l'industrie nucléaire française.
Il faut cinq heures pour faire le trajet entre Paris et le Puy-en-Velay, en alternant TGV et TER, ce qui est trop long. Comment concilier l'impératif de service public pour les TER, qui les oblige à de nombreux arrêts pour desservir de petites villes, et le souhait des voyageurs d'effectuer rapidement leurs trajets ? Où en est-on sur la question du ferroutage ? Qu'en est-il de la généralisation de la politique des « billets U », mise en place par certaines régions pour que les étudiants paient à moitié prix leurs billets de train ? Enfin, alors que l'on parle beaucoup d'insécurité routière, l'action de communication de la SNCF est-elle suffisante pour mettre en avant les avantages du train par rapport à la voiture ?
Je voudrais dire à M. Robert Navarro que dans les pays les plus audacieux, on n'hésite pas à traiter conjointement, pour un même territoire, la question du financement des projets autoroutiers et des projets ferroviaires, les excédents dégagés par les premiers alimentant les seconds. C'est une voie à approfondir pour renforcer la multimodalité en France.
MM. Pierre Hérisson et Alain Houpert m'ont interrogé sur les vols de câble. A la demande du Gouvernement, les préfets se sont emparés de ce dossier sensible, sur lequel nous devons éviter tout amalgame ou malentendu. Un décret a récemment interdit qu'un ferrailleur achète en liquide des câbles pour plus de 500 euros. Mais ce décret n'a pas interdit qu'un même individu revende en lots multiples des câbles volés auprès d'un même ferrailleur.
a évoqué une plate-forme qui n'est plus utilisée dans son département : nous allons lui apporter ultérieurement des éléments d'informations sur ce sujet.
S'agissant du projet de LGV Sud-Europe-Atlantique (SEA), évoquée par M. Jean-Jacques Mirassou, il revient à RFF, à l'Etat et aux élus de se mettre d'accord sur son financement. Toutefois, si vous souhaitez connaître mon avis, je vous dirais que je partage la position de MM. Alain Juppé, Martin Malvy et Alain Rousset : il y a urgence à boucler ce dossier en dépit des réticences de certaines collectivités territoriales à participer à son financement. Je sais d'expérience qu'un projet dont le bouclage financier n'est pas assuré est durablement écarté et ne revient pas de si tôt sur le devant de la scène. Prenez l'exemple du TGV Côte d'azur, entre Aix-en-Provence et Saint-Raphaël, abandonné en 1991 : il ne redevient d'actualité que depuis peu. A l'inverse, le projet de TGV est-européen a pu être mené à son terme grâce à un soutien sans faille de ses promoteurs.
Sur la qualité de service de la SNCF, nous avons incontestablement traversé une phase difficile, avec un hiver rigoureux et neigeux, et des mouvements sociaux importants à l'automne. Mais ne soyons pas trop sévères : beaucoup d'entreprises ferroviaires en Europe ont également connu de grosses difficultés en fin d'année. J'observe que les voyageurs de la SNCF ne se comportent plus comme des usagers passifs d'un service public, mais comme des consommateurs exigeants. Naturellement, ce changement d'attitude entraîne quelques récriminations... Nous sommes tous conscients à la SNCF des efforts à réaliser et nous oeuvrons au quotidien pour rendre le meilleur service possible à nos clients.
Quant à l'installation des guichets automatiques en gare, nous devons réfléchir à l'expérience suisse, qui a généralisé leur installation pour redéployer le personnel ferroviaire dans les gares, au service des voyageurs. La présence humaine dans les trains est fondamentale, et nous devons trouver un point d'équilibre entre l'automatisation de certains services et le maintien de la présence physique d'agents.
A M. Serge Godard, je voudrais dire que la liaison TGV entre Paris et Lyon ne connaîtra un nouveau souffle que lorsque la ligne à grande vitesse POCL sera mise en service. L'Etat est désormais l'autorité organisatrice de transport pour la ligne TEOZ entre Paris et Clermont. C'est donc à lui d'établir ses objectifs. Quant à l'aménagement de la gare de Bercy, il est en bonne voie.
J'ajoute qu'un point d'équilibre a été trouvé pour valoriser la desserte de la gare TGV de Montbard, à la fois vers Alesia compte tenu de la vocation touristique du site, mais aussi vers Metal'Valley, eu égard à l'importance industrielle de cette zone.
Enfin, j'aborderai le sujet des opérateurs ferroviaires de proximité (OFP) qui me tient à coeur. L'OFP d'Auvergne vient d'être lancé à ma plus grande satisfaction, en dépit de lourdeurs administratives que je regrette.
Quant au billet U évoqué par M. Jean Boyer, je n'ai pas les éléments nécessaires aujourd'hui pour vous répondre mais je m'engage à le faire par écrit très prochainement.