Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 26 juin 2008 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • OTAN
  • britannique
  • grande-bretagne
  • partenariat
  • saint-malo
  • sarkozy
  • États-unis

La réunion

Source

La commission a procédé à un échange de vues avec une délégation de parlementaires britanniques membres du groupe interparlementaire d'amitié Royaume-Uni-France, commun à la Chambre des Communes et à la Chambre des Lords. La délégation britannique était composée de Sir Stuart Bell, président, et de MM. Don Touhig , Quentin Davis, Fabian Hamilton, Lord Anderson, Lord Harrison et Edward Leigh. Etaient également présents Mme Nicole Ameline, député du Calvados, présidente du groupe d'amitié France-Grande-Bretagne de l'Assemblée nationale, et M. Tony Dreyfus, député de Paris.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

En introduction, M. Josselin de Rohan, président, s'est félicité de la très grande convergence d'approche et de vues entre les deux pays en matière de politique étrangère et de défense, comme en témoigne la déclaration finale du sommet franco-britannique qui s'est tenu à Londres le 27 mars 2008.

La France et la Grande-Bretagne partagent la même analyse sur la réforme des institutions internationales, en particulier celle du Conseil de sécurité des Nations unies et celle du G8. Il en va de même sur les questions de développement, le changement climatique, la régulation du système financier international ou le renforcement des capacités de prévention et de gestion des conflits de l'ONU au service du maintien de la paix et de la stabilisation internationale. Il a souligné la responsabilité historique commune que les deux pays ont en Afrique, qui allait se traduire par le développement de leur coopération, notamment en formant et en soutenant techniquement et financièrement la Force africaine en attente (FAA) pour les opérations de maintien de la paix.

En matière de politique étrangère, nos positions sont extrêmement proches, voire quasi identiques, en ce qui concerne les Balkans, la crise du Darfour, la situation dramatique au Zimbabwe, la création d'un Etat palestinien moderne, indépendant et démocratique, le Liban, l'Afghanistan où les troupes agissent côte à côte, et notre combat commun contre le terrorisme, la prolifération nucléaire en Iran et dans le reste du monde.

En matière de défense, M. Josselin de Rohan, président, a souligné que les deux pays étaient confrontés aux mêmes problèmes de sécurité et que nos visées stratégiques étaient étroitement corrélées, confondant ainsi les intérêts vitaux des deux pays.

s'est félicité de l'aboutissement du processus de ratification du traité de Lisbonne, au Royaume-Uni, après le non irlandais du 13 juin 2008, et à la veille de la présidence française de l'Union européenne. Il a souligné que cet événement était, selon lui, une péripétie, et non une tragédie, et qu'il convenait de conjuguer les efforts au cours des présidences française, puis tchèque, avec le soutien de tous les autres pays, pour créer les conditions d'une résolution de cette difficulté. Il a néanmoins constaté que la mise en place des institutions prévues par le traité de Lisbonne, indispensable au fonctionnement de l'Europe à 27, va être naturellement freinée, pendant au moins une année au cours de laquelle l'Union européenne va devoir continuer à fonctionner selon les stipulations du traité de Nice.

Il a abordé ensuite la relance nécessaire de la politique européenne de sécurité et de défense qui est une des priorités de la présidence française. L'un des instruments principaux d'un approfondissement de l'Europe de la défense, prévu par le traité de Lisbonne, la coopération structurée permanente, ne pourra pas être mis en place. Il a néanmoins souhaité que l'Europe puisse progresser dans le domaine de la définition des capacités européennes et des engagements, notamment financiers. Il a ajouté qu'avec l'adoption du Livre blanc sur la défense de la sécurité nationale, la révision générale des politiques publiques et la future loi de programmation militaire, qui devra traduire financièrement les orientations stratégiques et capacitaires retenues par le Président de la République, la France s'était engagée dans une réflexion profonde sur son outil de défense.

Il a enfin indiqué que la France s'orientait vers une réintégration totale dans les structures de l'OTAN. Il a souligné l'importance de cette décision, puisque la singularité de la France avait permis à certains pays d'accréditer la thèse du « complot français » contre l'OTAN. Il a relevé que les déclarations de l'ambassadeur américain à l'OTAN, Mme Noland, et du Président Bush paraissaient avoir levé un certain nombre d'obstacles à une meilleure articulation entre la défense européenne et l'OTAN.

Sir Stuart Bell, président de la délégation britannique, a souligné le caractère opportun de cet échange, dix ans après les accords de Saint-Malo. Tout en relevant que les progrès en matière de défense n'avaient pas été suffisants, il a exprimé l'espoir que la présidence française de l'Union européenne permette des avancées significatives. Il a salué l'annonce de la réintégration complète de la France dans l'OTAN qui rend caduque l'idée que la défense européenne et celle organisée dans le cadre de l'OTAN puissent s'opposer.

Il a souligné les responsabilités des deux nations en Afrique et a fermement condamné la situation au Zimbabwe, pays qui s'oriente vers un durcissement de la dictature. Il a souhaité que des pressions soient exercées à travers l'ONU et l'Union européenne.

Il s'est félicité des résultats du sommet franco-britannique de Londres et de la définition commune des intérêts vitaux des deux pays. En matière de défense, le contenu du Livre blanc français suscite un grand intérêt outre-Manche. La France et le Royaume-Uni sont, avec l'Allemagne, les pays les plus importants en matière de défense, qui doivent jouer un rôle moteur pour définir l'Europe de la défense au XXIe siècle.

En conclusion, il a souligné l'importance des échanges parlementaires sur ces questions.

Debut de section - Permalien
Quentin Davis

s'est également félicité des annonces faites par le président de la République française vis-à-vis de l'OTAN, ainsi que du renforcement des forces françaises en Afghanistan. Il s'est affirmé persuadé que la France apportera une contribution majeure à l'OTAN par ses réflexions, ses actions et ses propositions sur la réforme. Il a interrogé le président de Rohan sur la nature des priorités françaises à l'OTAN, sur ce que pourrait être la meilleure structure organisant les relations entre la PESD et l'OTAN et sur la répartition des tâches entre les deux organisations.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

a indiqué que la question de la réintégration faisait encore débat. L'opposition la refuse, car elle craint que cette décision ne corresponde à un alignement sur la politique des Etats-Unis, opinion qui est également partagée par certains dans la majorité. Il a rappelé que, d'ores et déjà, la France est pratiquement totalement présente à l'OTAN, qu'elle en est l'un des principaux contributeurs financiers, ainsi qu'en matière de troupes. Les contacts entre les états-majors sont également étroits.

Deux questions doivent être posées : la première consiste à s'interroger sur l'impact politique de cette réintégration et sur la façon dont elle sera interprétée dans le monde. En second lieu, le concept stratégique de l'OTAN doit être révisé de manière à définir le périmètre d'intervention de l'organisation et les conditions de l'engagement. Ces questions ne trouveront un début de réponse qu'avec la mise en place de la nouvelle administration américaine en 2009.

S'agissant des structures de coopération entre l'OTAN et l'Union européenne, il a relevé le bon fonctionnement des accords de « Berlin plus ». Il s'est interrogé sur ce que pourrait être une politique de défense européenne efficace et autonome et sur la façon dont l'Union européenne pourrait intervenir sur certains théâtres d'opérations qui n'intéressent pas directement l'OTAN. Il a souligné la difficulté à générer des forces et les retards dus à la mise en place, au coup par coup, d'états-majors, comme l'a montré l'opération Althéa, ou celle, plus récente, de l'Eufor.

Soulignant que, dans certaines parties du monde, une intervention serait plus difficile si elle était menée par l'OTAN, il a indiqué qu'en tout état de cause il était hors de question de constituer une défense européenne antagoniste de l'OTAN.

Il a rappelé que la France était attachée à la coordination dans le cadre du système de « Berlin plus » et qu'il convenait d'aborder la question de la complémentarité entre l'OTAN et la PESD de manière non passionnelle. La première étape devrait être de se mettre d'accord entre Européens sur les concepts, tout en progressant de manière pragmatique dans le domaine de la politique de l'armement, où règne une très bonne coopération franco-britannique.

Lord Harrison a relevé que l'une des causes du non irlandais était sans doute l'attachement de ce pays à la neutralité et sa volonté de conserver son indépendance en matière de défense.

a fait remarquer que l'Irlande n'était pas le seul pays neutre en Europe. Cette neutralité pourrait entrer en contradiction avec la solidarité des pays de l'Union européenne dans l'hypothèse où l'un de ceux-ci serait victime d'une agression. Pour l'Irlande, la neutralité signifie le refus d'être engagée dans des conflits extérieurs sans son approbation. Il a relevé que cette condition existait déjà à l'OTAN, puisque les interventions d'un pays dans le cadre d'opérations relèvent du volontariat, comme l'ont montré les décisions françaises à propos de l'Irak et de l'Afghanistan.

Debut de section - Permalien
Don Touhig

ancien ministre de la défense, s'est déclaré très encouragé par les déclarations du président Sarkozy et le rapprochement franco-américain. La situation actuelle est différente de celle de 1998 où l'on pouvait craindre une duplication des structures avec l'OTAN. Il a indiqué que, dans l'immédiat, l'accent devait être mis sur les approvisionnements et les équipements plutôt que sur les structures.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

a approuvé cette approche pragmatique qui consiste à faire l'Europe par la preuve. La coopération franco-britannique en matière d'armement pourrait être élargie à d'autres pays. Il a regretté le manque d'harmonisation des équipements au sein de l'Union européenne ou de l'OTAN, par exemple en matière de chars ou des missiles. Des progrès restent à faire, comme l'a montré la question des porte-avions. Un accord sur les conditions d'emploi doit évidemment précéder la décision de constituer une force aéronavale commune. Il a regretté que la France et la Grande-Bretagne n'aient pas pu développer en commun un véhicule blindé, alors qu'il existe une bonne coopération en matière d'hélicoptères. Il a souhaité une multiplication des programmes communs, comme ceux de l'A400M, des missiles et, peut-être un jour, des frégates. Il vaudrait mieux utiliser les structures de l'Agence européenne de défense et lui donner l'occasion de concevoir et de diriger des programmes communs en Europe. Toutefois, le préalable est l'accord des états-majors sur les matériels et les programmes.

Debut de section - Permalien
Fabian Hamilton

s'est interrogé sur la politique que pourrait mener l'Europe fasse à l'Iran, qui poursuit le développement du nucléaire militaire et finance des groupes terroristes.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

a rappelé que la situation devait être nuancée, comme y incitait le rapport des agences de renseignement américaines. On ne peut toutefois accepter une violation du traité de non-prolifération et que l'Iran se dote, à terme, de l'arme atomique. Tout doit être fait pour dissuader ce pays de poursuivre ce programme, en particulier en renforçant le système de sanctions économiques. Il est important, par ailleurs, de maintenir l'unité du Conseil de sécurité et, en particulier, de continuer à obtenir le soutien de la Chine et de la Russie. Il a souligné la complexité de la situation interne de l'Iran, dont les élites ne peuvent ignorer les risques de destruction qu'ils encourent en cas d'aventure contre Israël. Dans ce contexte, il convient de maintenir le contact avec les autorités iraniennes et de ne pas les diaboliser. La prudence et la fermeté doivent être employées pour amener les Iraniens à considérer qu'ils peuvent jouer un rôle de stabilisation au Proche-Orient moyennant un changement de comportement.

Debut de section - Permalien
Edward Leigh

seul membre de la délégation représentant le parti conservateur, s'est déclaré eurosceptique. Selon lui, la Grande-Bretagne veut être en Europe, mais ne peut accepter d'être dirigée par l'Europe.

La décision de l'Irlande, seul peuple à avoir été consulté par référendum, concerne toute l'Europe. C'est un problème d'opposition entre les élites et les peuples. Il est important de leur donner du temps et de ne pas les forcer à tenir un second référendum. Il s'est interrogé sur la façon d'obtenir l'adhésion populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

a rappelé que la position officielle du Gouvernement français était de poursuivre la procédure de ratification. Il ne s'agit en aucun cas de stigmatiser la position irlandaise, alors même que la France et les Pays-Bas ont fait de même il y a deux ans. A l'issue du processus de ratification, ce sera à l'Irlande elle-même de faire le choix d'une nouvelle consultation ou d'une renégociation.

Quant au soutien des peuples, il ne pourra être obtenu que si l'Union européenne améliore concrètement la situation et l'existence des citoyens. Il a fait remarquer que le maintien de la règle de l'unanimité nuit à l'efficacité et à la prise de décision, ce qui n'est pas fait pour convaincre les populations de l'utilité de l'Union européenne. Il a rappelé que la politique européenne est définie par les Etats au sein du Conseil, et non pas par la Commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

a interrogé la délégation sur les raisons qui ont poussé la Grande-Bretagne à lancer deux porte-avions et sur le plan de financement de cette réalisation.

Debut de section - Permalien
Don Touhig

a rappelé que, comme les autres pays, la Grande-Bretagne devait gérer des ressources financières rares dans le contexte de finances publiques contraintes. Il a souligné la pertinence de la coopération franco-britannique en matière d'équipement, en particulier pour ce qui concerne les porte-avions.

Debut de section - PermalienPhoto de André Boyer

a rappelé la mission qu'il avait effectuée, au nom de la commission, sur la formation dans la marine, qui l'avait amené à rencontrer les homologues britanniques des écoles de formation françaises. Le système de formation du Royaume-Uni a abouti, du fait de tensions budgétaires, à une solution d'une grande créativité, en retenant, pour la formation des trois armes, un partenariat public-privé permettant une mutualisation des enseignements ainsi qu'un recours très poussé à l'externalisation. Il a interrogé la délégation sur l'appréciation qu'elle portait sur ce choix dans un domaine où faire appel à la concurrence est difficile.

Debut de section - Permalien
Don Touhig

a indiqué que l'une des réussites qu'il avait connues en tant que ministre était d'avoir convaincu les armées qu'en matière d'équipement et d'approvisionnement, tout ne pouvait être pris en charge par l'Etat. C'est dans ce cadre qu'il avait engagé un partenariat public-privé en matière de formation, qui a abouti à réunir, en un même lieu, les écoles de formation des trois armées. Un très large tronc de formation commun se justifie d'autant plus que les trois armes interviennent de manière conjointe dans les opérations extérieures. L'une des retombées intéressantes de cette décision est qu'à terme, le privé pourra réintégrer dans sa propre sphère les personnes qu'il aura formées. Il a indiqué que le projet avait pris un peu de retard, mais que les besoins sont énormes en formation initiale et continue, ainsi qu'en approfondissement des connaissances.

Comparant la perte d'un avion de 11 millions de livres sterling à celle d'un pilote pour lequel les investissements en formation sont très supérieurs, il a souligné l'intérêt de rationaliser et de rendre plus efficace le système de formation militaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

s'est interrogé sur les causes du ralentissement de la coopération entre la France et la Grande-Bretagne après l'élan initial de l'accord de Saint-Malo.

Sir Stuart Bell a reconnu que la mise en oeuvre de ces accords avait été un peu décevante. Il a rappelé qu'après Saint-Malo, l'OTAN avait été réaffirmée comme étant la base de la défense occidentale. Les causes du ralentissement pouvaient se trouver soit dans le fait que le gouvernement britannique était alors plus européen, soit dans l'influence des Etats-Unis qui, jusqu'à une date récente, s'opposaient au développement d'une défense européenne. Le changement d'attitude de l'administration américaine et la coopération pragmatique et efficace entre le Président Sarkozy et le Premier ministre Gordon Brown permettent un certain optimisme pour la construction d'une défense européenne qui, en tout état de cause, est une oeuvre de longue haleine.

Debut de section - Permalien
Edward Leigh

est intervenu pour souligner le caractère dangereux des accords de Saint-Malo qui risquaient de diviser l'OTAN. Il a rappelé que, pour les conservateurs britanniques, le point le plus important était l'alliance entre la Grande-Bretagne et les Etats-Unis et l'existence de l'OTAN. Sur ce dernier point, il s'est félicité de l'attitude positive du Président Sarkozy.

Debut de section - Permalien
Nicole Ameline, député du Calvados, présidente du groupe d'amitié France-Grande-Bretagne de l'Assemblée nationale

a souhaité la multiplication des échanges parlementaires. Membre de la délégation de l'Assemblée nationale à l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, elle a pu constater la progression de l'idée de complémentarité entre la PESD et une OTAN refondée et réorganisée. Il convient de distinguer les trois niveaux que sont la défense nationale, la défense européenne et le partenariat renouvelé avec l'OTAN. Elle a souligné que les efforts européens de défense représentaient environ 40 % de ceux des Etats-Unis en volume, mais non en termes opérationnels. Elle s'est interrogée sur la façon de renforcer les capacités communes et de développer le marché de la défense. Elle a constaté que les moyens dont dispose l'Europe aujourd'hui sont insuffisants pour exercer son influence dans le monde.

Sir Stuart Bell, faisant allusion à la Conférence de Yalta, a souligné que la question entre la France et le Royaume-Uni n'était pas de se partager le monde, mais d'essayer de l'influencer.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

s'est félicité de la qualité des échanges et a constaté que, quand la Grande-Bretagne et la France impulsent un mouvement, elles sont, ensemble, très efficaces. L'effort militaire des deux nations représente 40 % de l'effort total européen et la coopération entre états-majors et troupes sur le terrain est harmonieuse. En conclusion, il a appelé à resserrer les liens d'amitié, noués sur les champs de bataille des deux guerres mondiales, essentiels pour le développement de l'Europe.