Déposé le 1er avril 2021 par : MM. Jacquin, Sueur, Mmes Harribey, de La Gontrie, M. Assouline, Mmes Sylvie Robert, Monier, Meunier, MM. Marie, Magner, Mme Lepage, MM. Féraud, Leconte, Lozach, Kerrouche, Kanner, Bourgi, Durain, Redon-Sarrazy, Antiste, Joël Bigot, Mmes Bonnefoy, Briquet, Conconne, Conway-Mouret, M. Patrice Joly, Mme Jasmin, MM. Gillé, Raynal, Mérillou, Lurel, Temal, Tissot, Montaugé, les membres du groupe Socialiste, Écologiste, Républicain.
Après l'article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 13 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, il est inséré un article 13-... ainsi rédigé :
« Article 13-…. – Une désaffectation partielle des édifices servant à l’exercice public du culte est autorisée dans les communes de moins de 3 500 habitants.
« Toute désaffectation partielle est prononcée par arrêté du représentant de l’État dans le département, à la demande du conseil municipal, lorsque la personne physique ou morale ayant qualité pour représenter le culte affectataire aura donné par écrit son consentement à la désaffectation.
« L’arrêté fixe la répartition des parties de l’édifice dont chaque partie obtient la jouissance, et les réparations attendues dans le cas où l’une des deux parties l’outrepasserait. L’arrêté fixe également les activités autorisées dans les parties désaffectées; en aucun cas il ne serait toléré une quelconque activité cultuelle différente de la vocation première du lieu ou une activité à finalité politique. »
Cet amendement propose que soit inscrite dans la loi une procédure permettant une utilisation partagée des églises dans les communes de moins de 3 500 habitants. Ainsi, afin que cela se produise dans un dialogue parfait entre le propriétaire et l’affectataire, il est proposé de reprendre la procédure définie à l’article 13 de la loi de 1905 sur la désaffectation totale. Une désaffectation partielle serait alors prononcée par arrêté préfectoral, à la demande du conseil municipal, lorsque la personne physique ou morale ayant qualité pour représenter le culte affectataire aura donné par écrit son consentement à la désaffectation.
Nos églises sont un patrimoine essentiel de nos communes et de notre pays : repère identitaire pour les uns, maison du rassemblement communautaire pour d’autres, maison de Dieu et des hommes pour certains chrétiens, temple ou sanctuaire inviolable pour d’autres. Elles peuvent devenir fragiles si elles sont mal entretenues, encombrantes si elles sont peu utilisées, voire désertées, et coûteuses lors de très importants chantiers de restauration qu’elles nécessitent. Cette disposition soulagerait ainsi nombre des près de 31 786 communes de moins de 3 500 habitants qui ont, pour beaucoup d’entre elles, de grandes difficultés à assurer les dépenses d’investissement nécessaires.
C’est pour pallier à ces difficultés que de nombreuses réflexions sont menées dans tous nos territoires depuis plusieurs années. Les CAUE de Meurthe-et-Moselle et de Charente-Maritime ont mené des colloques sur le sujet en 2018 et 2020, tout comme le département de l’Orne en 2016. Cette question figurait également dans le rapport d’information d’Hervé Maurey au nom de notre délégation aux collectivités territoriales du Sénat sur le financement des lieux de culte en 2015. Lors de leur assemblée plénière tenue à Lourdes en avril 2019, les évêques de France ont officiellement rouvert le dossier de l’avenir des 40 307 églises de propriété communale (donnée de la Conférence des évêques de France).
D’ailleurs, lors du colloque de Nancy en 2018, l’évêque Jean-Louis Papin ne s’est pas montré insensible à la question : « Vouloir maintenir sans discernement les très nombreuses églises communales sous le régime de la stricte affectation alors que nous ne pourrons pas en avoir un usage convenable, c’est condamner à la ruine une grande partie du patrimoine religieux car nombre de petites communes ne pourront pas ou ne voudront pas s’engager dans l’entretien d’un édifice aussi peu utilisé par les fidèles ». Une autre voie « entre le maintien de l’affectation dans son acception la plus étroite et la désaffectation pure et simple » serait donc à explorer. Pour Mgr Papin, « ce serait un usage partagé de l’église qui, sans mettre en cause son affectation première au culte, permettrait à l’édifice de rendre des services à la population locale ».
Parce qu’ils s’inscrivent dans cette logique, les auteurs de l’amendement ont tenu à ce que le décret qui prononce la désaffectation fixe les activités autorisées dans chaque lieu concerné, et qu’en aucun cas il ne soit possible d’y tenir des activités politiques, ni des activités cultuelles différentes de celles de l’affectation originelle du bâtiment. Il s’agit ainsi de prévenir tout usage inconvenant pour ce lieu public particulier jouxtant un lieu de culte.
Pour exemple de cette utilisation partagée, le Chœur demeurerait sacré et la nef pourrait avoir un usage communal limité à des activités conformes à ces lieux singuliers (salle de réunion, activités éducatives, médiathèque, espace culturel, production d’énergie photovoltaïque sur la toiture…) mais en cas d’obsèques religieuses, elle pourrait accueillir le public. Cela se discuterait au cas par cas, en fonction de la configuration des lieux et des besoins municipaux ; par exemple en ne désaffectant que la sacristie. La partie sacrée pourrait être séparée par un dispositif mobile (rideau, cloison…) tel que l’on peut en voir couramment dans les églises québécoises ou belges, qui pratiquent couramment ce partage. Ainsi, l’usage partagé ne les priveraient pas de toute vie cultuelle et leur permettraient de retrouver une vie régulière.
Si la législation actuelle permet à l’affectataire d’autoriser un autre usage du lieu et d’établir une convention à cette fin, force est de constater que les cas sont très limités, et bien souvent ponctuels. Cet amendement permettrait, dans le dialogue et le respect de ces lieux singuliers, d’ouvrir une voie nouvelle et pragmatique, tout en remettant « l’église au centre du village » selon le titre d’un article de Benoit de Sagazan, rédacteur en chef du Monde de la Bible, dans la revue Patrimoine et Environnement de septembre 2019.
NB:La rectification consiste en un changement de place (d'un additionnel après l'article 31 à un additionnel après l'article 30).
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cet amendement.