Déposé le 15 octobre 2021 par : M. Sueur, Mme de La Gontrie, MM. Kanner, Durain, Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Jacquin, Antiste, Mme Conconne, les membres du groupe Socialiste, Écologiste, Républicain.
Supprimer cet article.
Cet amendement vise à supprimer l’article 2 prévoyant deux nouvelles infractions autonomes réprimant le fait pour une personne d’avoir consommé des produits psychoactifs en ayant connaissance que cette consommation était susceptible de la conduire à commettre des atteintes à la vie ou à l’intégrité d’autrui.
En d’autres termes, le sujet est déclaré irresponsable pénalement pour les faits commis, car son discernement était aboli au moment des faits, mais il est pénalement réprimé pour la faute antérieure d’avoir consommé des produits psychoactifs en ayant connaissance de leurs effets potentiels.
Tout d’abord, le principe cardinal du droit pénal veut que l’imputabilité de l’infraction, dont le discernement est l’une des composantes, soit examinée au moment de l’infraction. Ce principe est remis en question par la considération du discernement antérieur au fait commis.
Se pose alors, par extrapolation, la question de l’homicide involontaire provoqué par un accident de voiture dont le conducteur était sous l’emprise de substances psychoactives. Suivant la logique du présent article qui crée une infraction intentionnelle, le fait pour un conducteur d’avoir connaissance des effets dangereux de l’alcool ou de toxiques et qui provoque un accident, pourrait alors être considéré comme une infraction intentionnelle et donc un homicide volontaire.
Par ailleurs, cette disposition repose sur une fiction juridique difficilement appréhendable. Elle dispose que la personne a « connaissance du fait que cette consommation est susceptible de la conduire à commettre » des infractions graves. Ce que recouvre le terme « connaissance » sera sujet à débat.
Selon les rapporteurs à l’Assemblée nationale, lorsque la consommation concerne des produits illicites, par définition, cette connaissance est objective étant donné que « personne n’est censé ignorer la loi ».
Lorsque la consommation concerne des produits licites, la connaissance est subjective dans la mesure où les effets sont connus pour être négatifs mais l’intensité dépend des individus, censés connaître leur accoutumance à ses substances. Toutefois, cette connaissance scientifique par la personne prenant en considération le type de produit ingéré, la quantité, la réaction psychique et le degré de gravité du fait qui sera potentiellement commis, sera très complexe à prouver.
De plus, en concluant à l’irresponsabilité pénale, cela implique l’abolition du discernement au moment des faits. Il sera très difficile de prouver que précédemment, lorsque la personne s’est intoxiquée, cette dernière disposait de son discernement et donc avait connaissance des effets potentiellement graves.
L’imbrication entre la maladie chronique et la prise de substances psychoactives est telle, qu’il ne sera pas aisé de déterminer si la prise de toxiques aura été réalisée en pleine conscience de ses dangers.
Selon Dominique Raimbourg, la nature même de la maladie mentale pousse environ trois quarts des sujets souffrant de troubles psychotiques à consommer des toxiques, même s’ils sont informés de leur dangerosité. En somme, cette consommation ne constitue pas nécessairement la cause de la maladie mais sa conséquence.
Une problématique supplémentaire se pose lorsque l’individu est interpelé longtemps après les faits.
S’il est déclaré irresponsable pénalement, comment prouver qu’il a antérieurement consommé des produits psychoactifs, le type de toxique et le dosage ?
Au surplus, l’articulation entre l’hospitalisation d’office qui sera très probablement ordonnée lors du prononcé de l’irresponsabilité pénale et l’incarcération prévue par les deux infractions autonomes interroge. Le sujet étant reconnu irresponsable, l’hospitalisation en soins psychiatriques devrait prédominer sur l’incarcération, mais le texte reste muet sur ce chevauchement de deux concepts antinomiques.
Cet article apparaît donc comme une disposition créée en réaction à l’affaire Halimi, mais ne s’appliquera qu’à un nombre très limité de cas comme le rappelle le Conseil d’État et l’étude d’impact et sera extrêmement difficile à mettre en œuvre, aussi bien d’un point de vue philosophique que pratique.
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