Déposé le 30 novembre 2022 par : MM. Temal, Féraud, Kanner, Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic, Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, Patrice Joly, Lurel, Mmes Artigalas, Blatrix Contat, M. Bourgi, Mmes Carlotti, Conconne, MM. Devinaz, Durain, Mme Martine Filleul, MM. Gillé, Jacquin, Mme Le Houerou, MM. Marie, Mérillou, Mme Monier, M. Pla, Mme Préville, MM. Redon-Sarrazy, Sueur, Tissot, les membres du groupe Socialiste, Écologiste, Républicain.
Après l'article 40 quindecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de deux mois suivant l’adoption de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport faisant l’état complet des difficultés rencontrées par les candidats aux élections présidentielle, législatives, sénatoriales, européennes, régionales, départementales et municipales pour l’ouverture de comptes de campagne, l'obtention de prêts, avances ou garanties.
Cet amendement vise à dresser un état des lieux réel et concret des difficultés financière (ouverture de compte, obtention de prêt, avances ou garanties) rencontrées par les candidats aux différents scrutins dans notre pays.
En abandonnant le projet de banque de la démocratie, pourtant promise par le candidat Emmanuel Macron en 2017 et prévue par l’article 30 de la loi organique n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, le Gouvernement indiquait : « L’accès au crédit […] relève moins d’une absence d’offre bancaire, que viendrait combler la Banque de la démocratie, que de questions d’informations ou de délais, qui pourraient être réglées par le médiateur du crédit ».
Pourtant, cela fait désormais un moment que certaines banques ne prêtent plus, à l’image de la déclaration du PDG de la Société Générale en 2014 indiquant « Notre politique de crédit est de ne plus prêter aux partis politiques ».
Celles qui continuent à prêter ne le font qu’à condition que le candidat soit presque assuré de gagner sur la base de sondages dont les récents scrutins ont par ailleurs montré qu’ils avaient leurs limites et pouvaient largement se tromper. Ce biais est observable dans la part des financements pour les candidats qui ont obtenu un score de plus de 5 % et les autres. Par exemple, pour l’élection présidentielle, la part de l’emprunt bancaire dans les recettes des candidats ayant obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés est de 36, 17 % alors qu’elle est de 13 points inférieure pour les autres.
Au-delà du fait que ce phénomène limite considérablement le financement des candidats avec des revenus modestes et des partis non installés dans la vie politique, se pose un problème majeur qu’est la remise en cause du principe fondamental sur lequel repose notre démocratie : ce sont les citoyens qui décident du contenu du débat démocratique dans notre pays, pas les banques.
En 2018, l’auteur du présent amendement interrogeait la garde des sceaux quant au devenir de cette « banque de la démocratie », celle-ci répondait alors qu’il n’y avait pas de « défaillance avérée du marché ». Pourtant, lors des élections européennes de l’année qui a suivi, les faits ont démontré le contraire. En effet, il ne s’est pas passé une semaine sans qu’une liste ne fasse état de ses difficultés à se financer ou ne lance une souscription auprès de particuliers ne pouvant obtenir de prêts auprès d’établissements bancaires.
Et que dire des centaines de candidats aux élections municipales et départementales qui, en plus des difficultés de financement, n’ont même pas pu passer le cap de l’ouverture de compte de campagne, phénomène largement sous-évalué par le médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques puisque sa saisie repose sur la remise d’un refus écrit par lesdits établissements bancaires aux candidats, refus qui n’est que très rarement remis.
En 2017, François Bayrou, haut-commissaire au Plan et alors Ministre de la Justice, avait évoqué des « démarches parfois humiliantes à l’égard de banques privées », mettant en avant les propres difficultés rencontrées par son parti lorsqu’il avait sollicité des prêts et soulignant qu’il « est insupportable qu’une banque privée ait le droit de vie ou de mort sur une formation politique ».
Après l’expiration du délai d’habilitation à l’été 2018, le même François Bayrou s’insurgeait : « Je suis désolé de dire que pour moi le gouvernement n’a pas la légitimité de renoncer à cette disposition […] Je me bats et je me battrai pour cette idée ». La députée Sarah El Haïry (aujourd’hui secrétaire d’État chargée de la Jeunesse et du Service national universel) rappelait, elle, que le principe de la banque de la démocratie a été non seulement présenté en Conseil des ministres mais aussi voté par le Parlement : « Elle ne peut être abandonnée de cette façon, sans qu’il n’y ait eu le moindre débat ».
Les faits et la réalité vécus par de très nombreux candidats étant antinomiques avec les affirmations citées ci-avant selon lesquelles « L’accès au crédit […] relève moins d’une absence d’offre bancaire, que viendrait combler la Banque de la démocratie, que de questions d’informations ou de délais, qui pourraient être réglées par le médiateur du crédit ».
Voilà pourquoi il est aujourd’hui fondamental d’avoir un état des lieux exhaustif de la réalité du terrain, au-delà des informations parcellaires du médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques puisque sa saisie repose sur la remise d’un refus écrit par les établissements bancaires aux candidats, refus qui n’est que très rarement remis.
Cet état des lieux devra constituer la première pierre d’une réforme globale du financement des campagnes électorales afin de revenir au principe fondamental sur lequel repose notre démocratie : ce sont les citoyens qui décident du contenu du débat démocratique dans notre pays, pas les banques.
Cet amendement entend en réalité simplement aider le Gouvernement à tenir ses engagements, même lointains.
Irrecevabilité LOLF
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