La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Philippe Levrier, président du groupement d'intérêt public France Télé numérique.
a indiqué que la commission souhaitait faire le point sur l'état d'avancement du passage à la télévision numérique terrestre (TNT) dans la mesure où l'impact de ces mutations sur la télévision de demain est d'ores et déjà pris en compte dans les réflexions en cours sur l'avenir de l'audiovisuel public.
a rappelé, au préalable, que le groupement d'intérêt public France Télé numérique a pour mission d'accompagner les téléspectateurs dans le passage vers le tout numérique programmé par la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur. Afin de garantir la cohérence et la réussite du processus, le groupement travaille en lien très étroit avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel, dont la mission est distincte puisqu'elle consiste à planifier le passage au numérique sur le plan des fréquences et des autorisations d'émissions.
Il a précisé que les missions propres au groupement sont, d'une part, l'assistance aux collectivités territoriales et la coordination des actions d'accompagnement menées au niveau local et, d'autre part, la gestion du fonds institué par la loi afin d'aider les foyers les plus démunis à acquérir les équipements nécessaires pour le passage au numérique. Par ailleurs, dès qu'il aura reçu mandat du Gouvernement, le groupement sera chargé d'organiser une campagne nationale d'information. Enfin, le groupement peut se voir confier des missions par l'Etat et les chaînes dites historiques. Dans ce cadre, le groupement est chargé, à titre expérimental, d'opérer le passage à la réception satellitaire dans une cinquantaine de sites très localisés, couvrant chacun quelques dizaines de personnes environ ; dans ces zones pilotes, les équipements nécessaires seront intégralement financés par les chaînes.
Le groupement a été officiellement installé il y a un an, par l'arrêté du 26 avril 2007 ; son équipe, qui devrait comprendre une quinzaine de personnes d'ici à la fin de l'année, a bénéficié notamment de l'intégration, au 1er janvier, des personnels du groupement d'intérêt économique Fréquences.
En réponse à une interrogation de M. Jacques Valade, président, M. Philippe Levrier a précisé que le passage au numérique, qui est sans impact sur la question du dividende, concerne notamment les 3.500 sites secondaires du réseau de diffusion analogique, dont 1.000 à 1.500 sont appelés à disparaître au profit d'une diffusion satellitaire, alors que les autres seront équipés en numérique.
Faisant observer qu'il s'agit d'un projet sans précédent par son ampleur, il a souligné que le passage au tout numérique devra se faire dans un souci de pragmatisme, et que son plan opérationnel sera construit de façon progressive. Il a relevé que seule la Grande-Bretagne était dans une situation comparable à la France. Puis il a souhaité que la dimension technique du projet ne soit pas au centre des débats, considérant que sa dimension humaine et sociale était essentielle : il s'agit, en effet, de faire en sorte que le passage au numérique ne soit pas ressenti par les téléspectateurs comme une trop lourde contrainte.
A cet égard, M. Philippe Levrier a cité les résultats d'une première étude globale sur la perception des Français face au passage au numérique, réalisée par l'Institut Harris Interactive pour le compte du groupement. Cette étude confirme le très faible niveau actuel d'information des Français et, de fait, leur degré limité de compréhension de la question. Néanmoins, pour 78 % des foyers, le passage à la télévision numérique ne devrait pas poser de problème particulier ; seuls 8 % de la population restent très réfractaires au tout numérique et devront faire l'objet d'un accompagnement spécifique et renforcé ; toutefois, ces personnes ne relèveront pas forcément du fonds d'aide prévu par l'article 102 de la loi précitée. Selon la même étude, 80 % des personnes interrogées se disent satisfaites du plan d'information prévu par le groupement.
Il a précisé, ensuite, qu'il est préconisé, dans l'esprit de la loi, de démarrer le passage au numérique le plus tôt possible, en procédant par étapes progressives : ainsi, le passage débuterait à l'automne 2008 par la réalisation d'une ou deux opérations pilotes sur des villes de 10.000 habitants ; sept villes couvertes par un relais local se sont portées candidates ; il se poursuivrait, au printemps 2009, par le traitement d'une zone rassemblant environ 100.000 habitants ; enfin, deux régions d'environ 1 million d'habitants passeront au tout numérique à la fin de l'année 2009.
Un débat a suivi cette intervention.
a insisté sur la nécessité de sensibiliser les consommateurs sur les modalités de recyclage des récepteurs de télévision qui seront jetés.
s'est interrogé sur l'avenir de la haute définition. Il s'est demandé, en outre, comment les collectivités territoriales pourront assumer le rôle qui leur sera confié en matière d'information.
a appelé à la vigilance face à tout risque de dérive commerciale. Il s'est inquiété, par ailleurs, des dysfonctionnements pouvant se produire à l'occasion du passage au numérique, comme c'est le cas pour les connexions à Internet dans le cadre du dégroupage. Il a souhaité la mise en place d'un service d'aide aux consommateurs plus performant que les services actuels de relations clientèle.
Enfin, M. Jean-Léonce Dupont s'est interrogé sur le niveau actuel de couverture de la TNT.
En réponse aux intervenants, M. Philippe Levrier a apporté les précisions suivantes :
- le passage au tout numérique n'impose pas de changer de poste de télévision ; c'est pourquoi il faudra lutter contre toute forme de dérive en matière d'incitation à la vente ; ces problèmes pourront être évoqués dans le cadre du comité consultatif, placé auprès du groupement, qui comprendra notamment des représentants de la distribution ;
- de même, le passage au numérique ne rend pas obligatoire l'acquisition d'un téléviseur haute définition ; imposer, dans le même temps, la norme MPEG4 serait rebutant, en raison de son coût encore élevé, et ce ne serait pas justifié, la plupart des autres pays ne l'ayant pas encore adoptée ;
- dans les zones pilotes, les collectivités territoriales comptent mobiliser des associations ou d'autres relais pour assurer la diffusion de l'information ;
- assurer la continuité du service télévisuel pour les téléspectateurs français est un objectif prioritaire du groupement ; celle-ci est à l'heure actuelle excellente ;
- améliorer la couverture TNT est une condition préalable pour passer au tout numérique ; cela relève du CSA.
La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Michel Combes, président-directeur général de Télédiffusion de France (TDF).
a rappelé le rôle joué par son entreprise en matière de diffusion hertzienne des signaux télévisés à l'échelle française et européenne et revendiqué une certaine légitimité à prendre position sur les conditions d'arrêt de la diffusion analogique en France.
Soulignant que TDF demeurait le principal diffuseur français et pouvait témoigner à ce titre des inquiétudes exprimées par certains téléspectateurs devant les mutations technologiques en cours, il a mis en avant l'expérience acquise par l'entreprise en matière de migration vers le tout numérique lors des opérations d'extinction entreprises en Grande-Bretagne, en Allemagne et en Finlande.
Il a précisé que, pour TDF, la diffusion analogique constituait aujourd'hui une contrainte dans la mesure où celle-ci réduit le nombre d'utilisateurs potentiels de la ressource hertzienne et, par conséquent, le nombre de clients de l'entreprise. A cet égard, dans tous les pays ayant migré vers la diffusion numérique, le nombre d'utilisateurs du spectre s'est trouvé accru par rapport à la situation constatée en analogique.
S'agissant du processus français d'extinction de la diffusion analogique, il a noté avec satisfaction l'évolution positive des mentalités des différents protagonistes publics et privés sur le sujet. Dans la mesure où ce processus semble désormais constituer une priorité nationale, il devrait pouvoir bénéficier dans les mois à venir des moyens financiers et humains indispensables à sa réussite et à l'émergence du dividende numérique.
a toutefois émis un certain nombre de critiques sur le processus actuel de passage au tout numérique.
La première concerne les modalités de déploiement du réseau de diffusion de la télévision numérique terrestre, préalable indispensable à l'opération d'extinction de la diffusion analogique. Il a ainsi regretté que le plan annoncé par le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne soit pas suffisamment précis pour permettre à chaque foyer de connaître la date précise à laquelle celui-ci pourra recevoir la TNT. Il s'est par conséquent prononcé pour la définition d'un plan d'extension de la couverture TNT suffisamment détaillé pour permettre de rassurer les populations et d'atteindre dans les meilleurs délais les 95 % prévus par la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.
La deuxième critique a trait au rythme de déploiement du réseau de diffusion de la TNT. Si les opérations concernant la numérisation des 112 émetteurs du réseau principal se sont effectuées sans difficulté, les opérations de déploiement du réseau secondaire accusent un certain retard. Seuls 60 réémetteurs ont d'ores et déjà été planifiés et 12 mis en service sur les 170 réémetteurs dont la numérisation serait nécessaire pour atteindre les objectifs fixés à l'horizon 2012.
Il a également appelé de ses voeux l'identification et l'information des 5 % de foyers qui ne seront pas ou plus couverts par la diffusion hertzienne au terme du processus de numérisation et qui devront par conséquent recourir à un mode de réception alternatif. Pour ces foyers, cette opération ne sera pas neutre en termes financiers puisque l'achat d'une parabole satellitaire est beaucoup plus onéreux que celui d'un simple adaptateur TNT.
Il a également estimé que la définition d'un plan d'extinction définitif, qu'il a opposé à un éventuel plan transitoire, demeurait une ardente obligation. Ce plan permettrait en effet d'assurer, d'une part, la continuité du service pour l'ensemble des téléspectateurs et d'identifier, d'autre part, le dividende numérique, ce dernier étant susceptible de légitimer les contraintes imposées aux téléspectateurs en permettant l'émergence de nouveaux services. En Finlande, l'arrêt de la diffusion analogique s'est ainsi accompagné de la mise en service d'un nouveau multiplex proposant des services additionnels.
Soulignant que les contraintes communautaires nous imposent de passer sur le plan de fréquences définitif en 2015, M. Michel Combes a estimé que la définition d'un tel plan en amont du processus d'extinction permettrait de gagner du temps. C'est pourquoi il a souhaité que le schéma national de réutilisation des fréquences libérées par l'arrêt de la diffusion analogique prévu par la loi du 5 mars 2007 précitée soit défini d'ici à fin juillet par le Premier ministre afin qu'un mandat soit donné à l'Agence nationale des fréquences pour négocier ce plan avec nos partenaires européens.
Il s'est aussi inquiété de l'absence de campagne de communication destinée à préparer les Français à l'extinction de la diffusion analogique. Après avoir précisé que la Grande-Bretagne avait consacré 200 millions de livres à cette opération, auxquels s'ajoutent près de 600 millions de livres au titre des différentes mesures d'accompagnement en direction des foyers les plus modestes, il a estimé que la sous-information actuelle des Français pouvait s'avérer préjudiciable au succès de l'opération d'extinction.
Il a enfin souhaité qu'un temps suffisamment long soit octroyé aux expérimentations afin que ces dernières soient menées dans de bonnes conditions et qu'elles permettent de tirer un maximum d'enseignements pour le bon déroulement des autres phases d'extinction.
En conclusion, il a affirmé que la date du 30 novembre 2011 était toujours tenable à condition que les ajustements évoqués soient réalisés dans les meilleurs délais. Soulignant que l'arrêt de la diffusion analogique n'était pas un objectif en soi mais l'aboutissement d'un processus majeur, il a indiqué qu'il convenait de s'assurer du succès de l'extinction au risque de prendre quelques mois de retard.
Abordant ensuite la question spécifique du dividende numérique, M. Michel Combes a tenu à rappeler que les clients de TDF étaient aussi bien des opérateurs de télécommunications que des acteurs de l'audiovisuel.
Il a précisé qu'en matière d'audiovisuel, le cadre législatif prévoyait le développement de nouveaux services tels que la télévision en haute définition (HD), la télévision mobile personnelle (TMP) et l'apparition de services délinéarisés. Ces nouveaux services, ajoutés à la diffusion TNT, nécessiteront au total une douzaine de multiplexes nationaux et deux multiplexes dédiés à la TMP.
Il a ensuite évoqué le besoin légitime des opérateurs de télécommunications d'amener des services de très haut débit mobile hors des zones denses, ces services nécessitant la mise à disposition de 7 à 9 canaux de 8 mégahertz chacun selon le nombre de réseaux mis en place.
Il a précisé qu'à terme, chaque secteur pourrait se voir attribuer la ressource hertzienne réclamée, à savoir 12 multiplexes pour la télévision numérique terrestre, 2 multiplexes pour la télévision mobile personnelle et 7 canaux pour les opérateurs de télécommunications.
Il a toutefois indiqué que l'attribution de 9 canaux aux opérateurs télécoms dégraderait les conditions de diffusion des signaux audiovisuels et qu'il s'agissait par conséquent d'une décision politique visant à avantager un secteur plutôt qu'un autre.
a rappelé que la commission du dividende numérique était un organisme extraparlementaire prévu par la loi du 5 mars 2007 précitée dont le rôle demeurait consultatif. Il appartiendra par conséquent au seul Premier ministre de se prononcer sur la réutilisation des fréquences hertziennes libérées par le secteur audiovisuel.
Exprimant son inquiétude concernant la prédétermination de l'affectation du dividende numérique, il a fait part de sa volonté de promouvoir une démarche plus pragmatique dans un domaine où les technologies et les usages évoluent de manière rapide.
a admis qu'il convenait de garder une certaine souplesse en matière d'affectation du dividende numérique, mais qu'il fallait également définir au plus tôt les usages affectés à ces bandes de fréquence libérées afin d'entamer sans tarder des négociations avec nos partenaires européens. Cette définition en amont des usages des bandes de fréquences permettrait en outre de donner aux industriels la visibilité dont ils ont besoin pour lancer leurs programmes d'investissement en matière de très haut débit mobile sur la bande UHF.
Il a toutefois souligné que l'essentiel n'était pas d'opposer des schémas techniques antagonistes mais bien d'assurer aux téléspectateurs français la continuité de leur offre télévisée.
a souhaité enfin connaître les principaux concurrents de TDF sur le marché de la diffusion télévisée en France.
a précisé que TDF rencontrait une double concurrence : celle de certains de ses clients qui déploient leur propre réseau de diffusion tels Canal Plus ou TF1 et celle, plus traditionnelle, des autres sociétés de diffusion.
La commission a enfin procédé à l'audition de M. Michel Boyon, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), accompagné de Mme Elisabeth Flury-Herard et de M. Alain Méar, conseillers.
a précisé que le CSA abordait la question du dividende numérique de manière pragmatique et souhaitait éviter tout affrontement stérile entre le secteur audiovisuel et celui des télécommunications pour la défense d'un quelconque pré carré. Il a affirmé que la question du dividende numérique ne pouvait être séparée de son cadre général à savoir le passage de l'audiovisuel au « tout numérique ». En effet, la loi du 5 mars 2007, relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, considère comme un ensemble l'arrêt de la diffusion analogique de la télévision, le développement de nouveaux services audiovisuels et l'obtention d'un dividende constitué des fréquences audiovisuelles rendues disponibles.
Il a souligné que le Conseil supérieur de l'audiovisuel appréhendait le sujet du dividende au regard des trois impératifs qui guident son action quotidienne : le respect de la loi, la volonté de répondre aux attentes du public et l'exigence de tirer le meilleur parti des apports de la croissance découlant des nouvelles technologies.
Il a estimé qu'il revenait aux opérateurs audiovisuels d'être les éléments moteurs du passage au « tout numérique », opération complexe engagée depuis 2002 sous la direction des pouvoirs publics, notamment du CSA, encadrée par la loi du 5 mars 2007 et financée par les opérateurs audiovisuels, contrairement à d'autres pays où la mise en place de la télévision numérique terrestre est payée par les téléspectateurs ou par l'Etat. L'investissement financier, très élevé, des opérateurs audiovisuels a pour contrepartie, affirmée par la loi, la possibilité de développer de nouveaux services audiovisuels.
Il a rappelé que le passage au « tout numérique » était subordonné à l'extinction de la diffusion analogique. Celle-ci est nécessaire pour plusieurs motifs : garantir l'extension de la télévision numérique terrestre et assurer une continuité de service au téléspectateur, mettre fin à une double diffusion, analogique et numérique, extrêmement coûteuse pour les chaînes et développer de nouveaux services utilisant la ressource hertzienne tels que la haute définition, la télévision mobile personnelle, la radio numérique, mais aussi des applications liées aux télécommunications.
Il a affirmé que l'extinction de la diffusion analogique n'aurait lieu de façon pertinente que si plusieurs conditions étaient remplies : commencer suffisamment tôt pour permettre la poursuite de l'extension de la diffusion numérique terrestre ; être progressif pour assurer la maîtrise technique du processus autant que la communication auprès du public ; avoir pour horizon le plan-cible, le plan définitif des fréquences, afin de permettre à tous les usages numériques d'y prendre place, sans que le dividende numérique se trouve compromis par des choix prématurés.
Il a insisté sur l'importance de commencer l'extinction le plus tôt possible, dès 2009 pour deux régions, dans un souci de pédagogie à l'intention des Français, de réduction des coûts pour les diffuseurs et de continuité de service pour les téléspectateurs. Afin de faire pleinement adhérer le téléspectateur à la démarche, le Conseil entend leur apporter trois garanties : la continuité dans la réception des services de télévision, la simplicité, avec un processus d'extinction reproduisant largement le découpage des régions de France 3 pour faciliter l'information du public et l'action du groupement d'intérêt public « France Télé numérique », le moindre coût, avec la mise en oeuvre du Fonds d'accompagnement du numérique, qui évitera toute fracture d'ordre social.
Il a estimé que la méthode pragmatique proposée par le CSA permettait notamment de mieux préparer la libération effective des fréquences, comme le souhaite la Commission du dividende numérique. En engageant le processus suffisamment tôt, en particulier si le schéma d'extinction de la diffusion analogique relevant de la compétence du Premier ministre est adopté à l'été 2008, les opérations pourront être menées à bien dans les meilleures conditions. Il a toutefois tenu a préciser que si ce schéma n'était pas encore approuvé au mois de septembre 2008 et si la préférence était donnée à une formule dans laquelle le basculement se ferait d'une seule traite en fin de processus, il deviendrait très difficile de respecter la date du 30 novembre 2011, fixée par la loi, et donc de rendre disponible un dividende numérique à cette date.
Il a indiqué que la mise en oeuvre de la méthode recommandée par le Conseil permettrait de parvenir à un plan-cible libérant des fréquences pour de nouveaux usages.
Il a rappelé que lors de la Conférence mondiale des radiocommunications de Genève en 2007, une sous-bande de neuf canaux avait été définie à l'échelle européenne, dans le haut de la bande UHF, celle-ci devant être libérée au plus tard en 2015 afin d'accueillir des usages strictement audiovisuels. Le dividende numérique, sur lequel porte la concurrence entre plusieurs catégories d'usages, concerne les canaux de cette sous-bande qui doit d'ailleurs être encore stabilisée au niveau international.
S'agissant des besoins exprimés auxquels le dividende numérique pourrait apporter une réponse, M. Michel Boyon a affirmé que ceux de l'audiovisuel étaient facilement identifiables et correspondaient à l'enrichissement de l'offre en télévision numérique terrestre et le développement de nouveaux services audiovisuels prévus par la loi du 5 mars 2007.
Il a affirmé que le Conseil était déterminé à donner son plein effet à la loi, qui érige en objectifs d'intérêt national le développement des télévisions locales, le passage à la haute définition, le lancement de la télévision mobile personnelle et l'essor de la radio numérique correspondant à des attentes fortement exprimées par nos concitoyens.
Il a souligné que ces innovations avaient toute leur place en diffusion hertzienne. En effet, 70 % des Français regardent uniquement la télévision par ce mode de diffusion, le seul gratuit pour l'usager. La disponibilité de la ressource hertzienne commande donc le développement de la TNT sur tout le territoire et le lancement des nouveaux services. Réserver les innovations au câble, au satellite ou à 1'ADSL créerait une fracture numérique d'ordre social, et serait hasardeux à l'heure où l'on constate le poids croissant des nouvelles technologies dans le budget des ménages.
Il a insisté, par ailleurs, sur le fait que la place de la diffusion hertzienne demeurait centrale dans le système économique et culturel de régulation de l'audiovisuel mis en place il y a plus de vingt cinq ans en France. L'attribution gratuite de fréquences en échange d'obligations culturelles et sociales est le socle d'un système qui a permis le développement d'une grande industrie de contenus nécessaire dans le contexte de compétition internationale auquel nos entreprises audiovisuelles sont aujourd'hui confrontées.
Il a noté que l'évaluation de ces besoins en termes de fréquences ne pouvait être faite aujourd'hui avec une précision suffisante, celle-ci étant liée aux gains de compression de la haute définition et du nombre des fréquences nécessaires pour parvenir à une couverture optimale de notre territoire. Selon les progrès de la compression MPEG-4, le besoin pour la TNT en haute définition s'élève à huit, neuf ou dix multiplexes, avec trois ou quatre chaînes par multiplexe, pour une vingtaine de chaînes gratuites et dix payantes, ce qui correspond au paysage actuel et aux « chaînes bonus» prévues par la loi.
Il a rappelé qu'il fallait ajouter deux multiplexes de TMP, car le nombre des réponses au premier appel à candidatures lancé par le CSA montre que les opérateurs croient au succès de la mobilité et aux potentialités de croissance que celle-ci représente pour l'audiovisuel comme pour les télécommunications.
Enfin, il a estimé nécessaire de réserver un multiplex pour les télévisions locales au regard des besoins exprimés notamment par les collectivités territoriales. La France a un retard pour la télévision de proximité par rapport à ses voisins européens, un retard qu'elle commence à combler grâce au programme très volontariste adopté par le Conseil.
Il a indiqué que le besoin en termes de fréquences dépendait également de la couverture souhaitée. Afin de garantir le taux de couverture de 95 % prévu par la loi pour la TNT, une partie des canaux de la sous-bande sera nécessaire. Il a noté qu'une étude réalisée par TDF montrait qu'en renonçant aux neuf canaux de la sous-bande, il serait impossible de satisfaire tous les besoins audiovisuels sans une dégradation très forte de la couverture, y compris celle des premiers multiplexes de la TNT, dont la desserte ne serait que de 90 %, contre les 95 % prévus par la loi.
Il a par conséquent estimé qu'il revenait au pouvoir politique de fixer le curseur et a déclaré que le CSA était tout à fait disposé à déplacer celui-ci entre la bande qui lui est affectée et celle qui est offerte au secteur des télécommunications, pour permettre le développement de nouveaux usages dans ce secteur.
Enfin, il a évoqué la surconsommation temporaire qui sera indispensable pour le passage à la haute définition, une double diffusion, simple définition et haute définition étant nécessaire tant que le parc ne sera pas équipé en récepteurs MPEG-4. Cette surconsommation, que l'on peut évaluer à deux multiplexes, pourra prendre fin en 2015, date correspondant à la libération effective de la sous-bande pour d'autres usages, telle qu'elle a été prévue par la Conférence de Genève de 2007. C'est donc cet horizon qu'il faut prendre en compte pour définir les usages qui pourront prendre place à terme sur la sous-bande, qu'ils soient audiovisuels ou de télécommunications.
Il a considéré que les besoins exprimés par les télécommunications étaient tout aussi importants pour l'avenir de notre pays mais que leur développement pouvait se faire sur d'autres bases. Le développement du très haut débit, qu'il soit fixe avec la fibre optique et le Wimax, ou qu'il soit mobile avec la 4 G, est un enjeu pour la croissance et l'aménagement du territoire mais la question que pose le dividende numérique est en fait marginale vis-à-vis de celui-ci car :
- elle correspond à une faible partie du spectre qui peut être utilisée pour les usages de télécommunication ;
- le dividende numérique n'est pas nécessaire pour couvrir en GSM ou en 3 G les « zones blanches » en milieu rural, où de nombreuses fréquences restent disponibles, la seule raison pour laquelle ces zones ne sont pas desservies aujourd'hui étant financière ;
- la 4 G n'existe pas encore et ne sera pas stabilisée ni développée avant plusieurs années.
Il a précisé que la 4 G était de surcroît présentée par certains comme une grande innovation pour la fourniture de contenus audiovisuels alors que la candidature d'Orange à deux canaux de télévision mobile personnelle montre que la technologie la plus adaptée à l'heure actuelle pour cet usage est bien celle que développe le CSA.
Il a souligné que la question de l'arbitrage dans le temps entre les usages était fondamentale dans une situation appelée à évoluer. Il a souhaité que l'on évite de raisonner en pensant qu'il faudrait dès aujourd'hui attribuer des fréquences pour des usages lointains qui pourront être réalisés par d'autres moyens grâce au progrès technologique et à l'optimisation du spectre et que l'on parte au contraire des usages connus, déjà en développement, générateurs de croissance immédiate, pour décider de l'attribution de ces canaux.
Affirmant que l'enjeu économique du dividende numérique était celui de la valorisation de la ressource hertzienne, il s'est félicité que, dans un contexte de rareté de la ressource, le secteur de l'audiovisuel connaisse une croissance intensive, le passage au numérique permettant de développer la haute définition, de lancer la mobilité et d'enrichir l'offre de programmes sans recourir à de nouvelles fréquences.
Après avoir souligné l'ampleur des investissements réalisés par les éditeurs dans la numérisation puis l'extinction de la diffusion analogique pour libérer des fréquences, il a considéré comme normal le fait que ceux qui profiteront des fréquences libérées, s'ils n'ont pas financé l'ensemble du processus, contribuent financièrement à l'extinction de la diffusion analogique et à l'arrivée au plan-cible. Les opérateurs de télécommunications notamment doivent être partie du processus s'ils veulent en bénéficier.
Il a ajouté que cet effort d'intensification devait être accompli sur l'ensemble du spectre. Il a rappelé que si la gestion du spectre affectée au Conseil pouvait être qualifiée d'optimale dans la mesure où toute fréquence libre doit être attribuée à un opérateur qui le demande, cela n'était pas le cas dans le domaine des télécommunications. D'une part, une partie des fréquences allouées à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) peut rester inexploitée comme en témoigne la partie du spectre prévue pour une quatrième licence UMTS et d'autre part les opérateurs télécoms n'ont aucune obligation d'utiliser complètement la partie du spectre qui leur est allouée et il n'a pas été pris acte de l'évolution technologique en organisant un basculement entre normes, la 2 G, la 3 G et bientôt la 4 G étant appelées à cohabiter.
S'interrogeant sur le caractère raisonnable de cette juxtaposition à long terme, il a souligné que les fréquences utilisées pour le GSM étaient également des fréquences dites « en or » dont les qualités de propagation correspondent le mieux aux usages de demain.
Concernant la question de la valorisation des fréquences, il a rappelé que les opérateurs de la télévision numérique terrestre bénéficiaient gratuitement de fréquences en contrepartie d'obligations ayant notamment trait au financement de la création. Il a précisé que le poids de ces obligations est estimé à environ 25 % du chiffre d'affaires des grands groupes privés, alors que le coût de l'amortissement des licences et des taxes pour les entreprises de télécommunications représente 1 % seulement de leur chiffre d'affaires.
Soulignant que dans les pays où les licences sont attribuées aux enchères pour les entreprises audiovisuelles, c'est l'Etat qui assure intégralement, mais sans grand succès, le soutien à la création, il a estimé que le système français permettait une valorisation économique, sociale et culturelle de long terme et même une valorisation financière de court terme des fréquences compte tenu du coût d'un basculement de normes.
Il a considéré que si la mise aux enchères apparaissait souvent comme le système le plus prometteur sur le plan des profits financiers, il convenait cependant de privilégier les bénéfices de long terme pour notre société.
Il a enfin insisté sur le fait que l'audiovisuel demeurait un secteur innovant, qui investit dans les nouvelles technologies. La croissance de l'audiovisuel représente une magnifique potentialité et ouvre des possibilités de création de richesses économiques et culturelles, une occasion aussi de renforcer nos entreprises de contenus. Il a déclaré que l'audiovisuel était un secteur économique à part entière constitué d'entreprises, dont beaucoup de petites et moyennes oeuvrent dans le domaine de la production ou dans la filière technique. Il rassemble aujourd'hui plus de 250.000 emplois, et continue d'en créer, contrairement à la tendance observée dans les entreprises de télécommunications.
Il a précisé qu'afin de garantir la croissance de toute la chaîne de valeur, d'assurer la constitution de groupes audiovisuels forts fournissant des contenus créatifs assurant aussi l'avenir économique des réseaux, le Conseil désirait aller au terme de la loi du 5 mars 2007. La « remontée » des opérateurs de télécommunications vers les contenus et leur attrait pour la diffusion linéaire montrent bien l'importance cruciale des contenus pour l'économie générale du numérique.
C'est avec la connaissance de la ressource disponible, du dividende numérique utile au sein de la sous-bande, avec une vision claire des projets actuels et futurs et de leurs besoins en fréquences, avec une anticipation des progrès technologiques à venir, que le débat sur le dividende numérique pourra se dérouler dans la sérénité et la transparence. Il a estimé que le dividende n'était pas une occasion unique mais une opportunité en un instant donné, dans un contexte particulier pour un secteur qui réalise sa mue technologique.
Un large débat a suivi l'intervention de M. Michel Boyon.
Après s'être félicité des propos tenus par M. Michel Boyon, M. Jacques Valade, président, a fait part de son agacement à l'égard de la volonté de certains de pré attribuer une partie du dividende numérique. Il a considéré qu'une telle décision figerait dans le temps une situation appelée à évoluer en fonction des avancées technologiques.
Il a également souhaité obtenir des informations complémentaires concernant l'éventuel retard pris dans le déploiement du réseau de diffusion secondaire de la télévision numérique terrestre.
a lui aussi fait part de son intérêt pour le discours de M. Michel Boyon. Au moment où les membres de la commission sur l'avenir de la télévision publique tentent de réformer le principal acteur de l'audiovisuel public français, il s'est inquiété de l'irruption d'un nouveau concurrent de la taille d'Orange sur le marché des contenus.
a souhaité que des moyens conséquents soient mobilisés pour informer les Français sur les modalités et les conséquences du passage au numérique.
En réponse aux intervenants MM. Michel Boyon, Alain Méar et Mme Elisabeth Flury-Herard ont apporté les précisions suivantes :
- France Télévisions a su prendre très tôt le virage de la modernité en jouant un rôle pionnier en matière de télévision de rattrapage, notamment ;
- la numérisation du réseau de diffusion principal de la télévision numérique de terre est un incontestable succès puisque les 112 émetteurs ont été activés conformément au calendrier prévu. La phase de déploiement actuelle visant essentiellement à corriger les déséquilibres territoriaux au niveau départemental connaît quant à elle un léger retard dans la mesure où elle n'a pas rencontré d'engouement particulier chez des éditeurs désireux de mettre en concurrence les entreprises de diffusion. Les objectifs initiaux devraient néanmoins être tenus au plus tard au début de l'année 2009 ;
- la stratégie du principal opérateur de diffusion français est relativement simple : accélérer la phase de déploiement du réseau et retarder la date d'extinction de la diffusion analogique ;
- le Conseil a retenu un plan de passage pragmatique au numérique reposant sur l'extinction de deux zones pilotes à l'automne 2008, puis l'extinction d'une zone de 100.000 habitants au printemps 2009 et, enfin, l'extinction de deux régions d'environ 1 million d'habitants à la fin de l'année 2009. Cette approche progressive permettra de corriger les erreurs d'appréciation tant en termes technologiques qu'en terme de communication. En ce domaine, il appartiendra au GIP France Télé Numérique de coordonner les actions d'information et de coopération entre les éditeurs de services de télévision et les collectivités territoriales, en vue d'assurer la couverture numérique du territoire.