Commission des affaires sociales

Réunion du 15 septembre 2010 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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  • senior
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La réunion

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Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat chargé de l'emploi

Je remercie la commission d'avoir souhaité m'entendre sur un sujet qui me tient tant à coeur, celui de l'emploi des seniors. Je remercie votre rapporteur, Dominique Leclerc, qui s'est investi depuis dès longtemps sur cette question et a contribué, naguère, à des améliorations substantielles sur les dispositifs en faveur de l'emploi des seniors.

Le premier constat à dresser tient à l'incidence de l'âge de départ à la retraite sur le taux de l'emploi. Ainsi, la Suède, qui s'est engagée dès 1999 dans une réforme de son système de retraite, a, en reculant l'âge de départ, vu augmenter le taux d'emploi de ses cinquante-cinq-soixante-cinq ans à 70 %, quand la moyenne de l'Union européenne n'est que de 46 %. Mais au regard de la cristallisation des mentalités dans notre pays, se contenter de citer des chiffres ne suffit pas. C'est un travail de fond qu'il faut entreprendre. J'invite solennellement tous les partis à balayer devant leur porte car le sacrifice de l'emploi des seniors dans notre pays relève d'une responsabilité collective. Trente ans durant, on les a considérés comme une donnée encombrante dans les statistiques du chômage. Mieux valait les pousser dehors, via des dispositifs tous plus imaginatifs les uns que les autres. Tel était le consensus, partagé par les partenaires sociaux, qui reconnaissent que c'étaient là des instruments utiles face à des situations d'ajustement douloureuses, par les entreprises, qui y trouvaient le moyen de recomposer la pyramide des âges de leurs salariés, fût-ce au prix d'une perte de savoir-faire, par la classe politique, enfin, pour les raisons que j'ai dites.

Si une telle logique apporte un soulagement à court terme, elle est, hélas, très douloureuse à moyen et long termes, par l'effet de domino qu'elle suscite. Avec la préretraite à cinquante-huit ans, les entreprises se sont mises à considérer qu'il n'était pas raisonnable d'embaucher au-delà de cinquante-quatre ou cinquante-cinq ans, tant et si bien que, par un effet de contamination, il est devenu très difficile, à partir de cinquante ans, de retrouver un emploi, réalité qui a eu l'impact que l'on sait sur notre taux de croissance et nos régimes de retraite.

Aucun gouvernement n'avait autant fait que ce qui a été fait depuis trois ans, avec des résultats aussi probants sur le taux d'emploi des seniors. Nous avons décidé de mettre fin à tous les dispositifs de sortie artificielle des seniors des statistiques du chômage, comme la surréaliste « dispense de recherche d'emploi » qui conduisait à encourager les chômeurs de plus de cinquante-huit ans à baisser les bras. Tant sur le plan de l'éthique que pour la préservation du lien entre les générations, de telles pratiques sont inacceptables, elles sont suicidaires. Sans compter qu'elles sont onéreuses pour notre système de retraites puisqu'il s'agit en somme de payer pour sortir des gens du marché de l'emploi, au lieu de le faire, plus intelligemment, pour accompagner le maintien dans l'emploi. C'est ainsi qu'entre 1997 et 2000, on a suscité plus de cent mille départs en préretraite et accordé autant de dispenses de recherche d'emploi.

Nous avons entrepris de nous battre sur ce volet, tout d'abord avec les mesures engagées par Xavier Bertrand - système de la surcote, dispositions facilitant, en l'encadrant, le cumul emploi-retraite, suppression progressive de la dispense de recherche d'emploi, mesures visant à transformer le comportement des employeurs.

Nous avons institué l'obligation, pour les branches et les entreprises, de passer, avant le 1er janvier 2010, des accords destinés à changer les habitudes de gestion des ressources humaines. Nous les avons accompagnées, avec l'aide du cabinet Vigeo de Nicole Notat, pour les inciter à rédiger un cahier des bonnes pratiques. Il faut en finir avec l'idée que les seniors nuisent à la compétitivité. L'entreprise a besoin de stabilité, de compétences, de savoir-faire. Les seniors, de ce point de vue, constituent sa colonne vertébrale. Celles qui l'ignorent prennent un gros risque : Areva a failli succomber pour n'avoir pas su anticiper la transmission des savoir-faire en matière nucléaire de la première génération vers les plus jeunes.

Si bien des réserves s'étaient manifestées lorsque nous avons institué cette obligation, force est de constater qu'au 1er janvier 2010, presque toutes les entreprises et les branches ont conclu un accord. Alors que, quelques années auparavant, le mot d'ordre était « comment s'en débarrasser ? », toutes les initiatives, aujourd'hui, sont prises pour favoriser le maintien ou l'embauche des seniors, ouvrir aux plus de cinquante ans l'accès à la formation professionnelle, qui leur était une fois sur deux fermé, gérer les fins de carrière avec plus de souplesse.

Car nous avons enregistré des résultats significatifs. Alors qu'entre 1997 et 2000, six cent mille seniors sortaient du marché du travail, leur taux d'emploi a progressé de cinq points en trois ans, nous plaçant en meilleure position en Europe. Le taux de chômage des plus de cinquante ans est d'ailleurs inférieur à la moyenne nationale : 6,1 % pour les cinquante-soixante ans. Ce sont désormais douze millions de salariés qui sont couverts par quatre-vingts accords de branche et trente-trois mille neuf cents accords d'entreprise, moins de deux cent cinquante d'entre elles ayant préféré payer la pénalité.

Nous entendons aller plus loin, en transposant aux seniors le dispositif du « zéro charges », outil simple, lisible, qui a favorisé l'embauche d'un million de salariés durant la crise. Le dispositif introduit à l'article 32 de ce texte, loin de favoriser la précarité, comme certains en répandent la rumeur, la fait reculer.

Parallèlement, nous entendons favoriser la transmission des savoir-faire par le moyen du tutorat qui, au rebours des logiques qui prévalaient auparavant et qui tendaient à opposer les générations, organise une complémentarité entre le senior et le jeune. Car il est criminel de culpabiliser, comme on l'a trop longtemps fait, les plus de cinquante-cinq ans au motif qu'ils priveraient d'emploi les plus jeunes. Ce n'est pas ainsi que l'on favorise la cohésion sociale. Le tutorat permet de financer l'emploi du senior et d'organiser l'emploi du jeune auquel il transmet ses savoir-faire. Il a été expérimenté avec succès dans une entreprise comme Michelin, qui a prouvé que l'on pouvait sécuriser le déroulement de carrière des anciens tout en assurant la formation des plus jeunes. Le tutorat concerne aujourd'hui deux cent mille personnes. En majorant le plafond de prise en charge des frais, notre but est de le diffuser dans le cadre des contrats de professionnalisation et d'apprentissage.

Nous entendons encourager la diffusion des bonnes pratiques et porter le fer sur les mauvaises. C'est une exigence d'intérêt général autour de laquelle nous pouvons tous nous retrouver. Il n'y a pas de fatalité. En Europe, des pays aux modèles sociaux forts, comme l'Allemagne, le Danemark, la Suède, qui n'ont pas hésité à engager la lutte, sont parvenus à augmenter le taux d'emploi de leurs seniors tout en améliorant celui des jeunes. Des résultats tangibles montrent que cela est possible. Nous vous appelons à consolider collectivement l'édifice, afin que les seniors se sentent soutenus par l'ensemble de la classe politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Vous avez rappelé l'ensemble des mesures engagées ces dernières années et les résultats obtenus malgré la crise. Pouvez-vous nous indiquer, sur les dernières dispositions adoptées en loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 - l'obligation faite aux entreprises de signer des contrats de projet pour le maintien dans l'emploi des seniors - de quelles évaluations vous disposez, et comment a été assuré le suivi ?

Quelle forme prendra le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 32 relatif à l'embauche des seniors ayant perdu leur emploi ? Quelle évaluation faites-vous du coût de ces dispositions ?

Sur les ruptures conventionnelles, nous avons peu de recul. Pouvez-vous cependant nous dire quel est le premier impact des mesures qui ont été prises ? Combien de ces ruptures sont-elles suivies d'une inscription à Pôle emploi ? Il importe, en effet, qu'elles ne soient pas détournées de leur objet. Ne faudrait-il pas conduire une réflexion sur l'harmonisation du statut fiscal et social des diverses indemnités existant en cas de rupture du contrat de travail ?

Le peu de succès des dispositifs de retraite progressive tient sans doute à leurs conditions d'accès qui en limitent l'attractivité. Pourtant, ils répondent au souhait des seniors de ne quitter que progressivement le monde du travail. Les dispositions proposées par le président Larcher, alors ministre du travail, en 2005-2006, n'ont pas connu le succès escompté. Sans doute le concept d'un contrat senior à durée déterminée renouvelable était-il trop rigide. Peut-être faudrait-il envisager des contrats qui se situent davantage dans la continuité des contrats précédents.

Une réflexion est en cours sur l'allocation équivalent retraite (AER). Le Premier ministre, lors d'une récente intervention, a indiqué que les partenaires sociaux seraient appelés à négocier dans le cadre de l'Unedic. Pouvez-vous nous donner, monsieur le ministre, des précisions ?

Il ne faudrait pas, enfin, oublier les jeunes. Vous avez beaucoup fait pour l'apprentissage et l'alternance. Comment aller plus loin, en ce dernier domaine notamment, vers une alternance qualifiante, à l'image de ce qui existe chez certains de nos voisins ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Dans la manière dont vous avez évoqué le tutorat, en citant Areva, il semble que vous ne visiez que les grandes entreprises. Or, notre pays est riche de nombreuses PME, surtout dans le domaine de l'artisanat, où le tutorat n'existe pas. Qu'en est-il, en cette matière, de vos résultats ?

Le chômage des seniors concerne beaucoup de cadres, à partir de cinquante-cinq ans. Qu'avez-vous fait pour eux et quels sont vos résultats ?

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Nous connaissons votre credo sur l'emploi des seniors, mais deux réalités s'imposent : la mise en oeuvre de la RGPP, qui suscite une contraction sans précédent de l'emploi public, avec des conséquences dramatiques pour l'emploi.

Vous arguez sans cesse de la mise en place de la rupture conventionnelle, mais nous avons besoin de nous mettre au clair sur son bon usage. On peut craindre qu'elle ne soit détournée par les entreprises pour alléger leurs effectifs. Sur un dossier que je suis de près, celui de l'entreprise Bosch à Vénissieux, on incite les salariés à partir en utilisant la rupture conventionnelle assortie d'indemnités de 100 000 voire 150 000 euros ; cent cinquante-trois départs ont déjà été signés.

Autre sujet de préoccupation, l'insertion des jeunes. Dans les grands quartiers populaires, que je connais bien en tant que conseiller général des Minguettes, et où la plupart des habitants sont d'origine immigrée, le taux de chômage dépasse toutes les moyennes. Que faites-vous pour l'endiguer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Je suis président d'une mission locale sur l'emploi des jeunes...

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat

Moi aussi...

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

et puis vous dire que nous avons la plus grande difficulté à leur assurer des parcours. Je vous ai d'ailleurs adressé une question écrite à la suite de l'annonce de la suppression des moyens alloués aux missions locales, qui attend toujours sa réponse.

Il ne suffit pas de dire qu'il est criminel d'opposer emploi des seniors et emploi des jeunes, proposition à laquelle nous pouvons tous souscrire. Les mesures que vous proposez entrent en contradiction avec une partie de votre politique : les résultats que nous observons sur le terrain sont inverses de ceux que vous annoncez. Nous partageons sans doute la même ambition, mais nous n'agissons pas dans le même sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Nous sommes tous pour que chacun puisse travailler jusqu'au bout... c'est-à-dire jusqu'à soixante ans, âge où il est raisonnable de pouvoir prendre une retraite pleine et entière. Contraindre les salariés à aller au-delà est totalement déraisonnable.

Les mesures dont vous faites état - tutorat, cumul emploi-retraite - s'adressent aux salariés les plus formés. Qu'en est-il des autres ?

La rupture conventionnelle ? C'est grâce à ce dispositif que Caterpillar a licencié six cents salariés... avant de faire appel à ces mêmes licenciés, de plus de cinquante ans, mais comme intérimaires ! Avant de prendre des mesures incitatives à l'embauche, il serait plus important de maintenir l'emploi existant, en faisant tout pour que les entreprises ne se débarrassent pas de leurs salariés de plus cinquante ans. Or, je ne pense pas que vos propositions aident les seniors à conserver leur emploi jusqu'à la retraite sans avoir à être réembauchés en passant par les fourches caudines de vos aides à l'emploi des seniors, qui me semblent, sinon criminelles, du moins humiliantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Vous avez répété, avec votre volontarisme habituel, ce que vous aviez déjà dit devant la Mecss...

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat

Preuve de ma constance...

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

à quelques nuances près dans les chiffres, pas toujours positives : vous nous aviez dit, en avril, que quatre-vingt dix accords de branche étaient en cours de signature, vous ne parlez plus aujourd'hui que de quatre-vingts. Mais ne mégotons pas...

Vous nous avez parlé des seniors comme s'ils étaient asexués. Mais parmi eux, les femmes sont plus touchées encore. Que comptez-vous faire pour elles ?

Quid des mesures de tutorat dans les PME ? Comment fonctionne le système ? Quels salariés sont concernés ? Les cadres ne sont pas les seuls à avoir un savoir-faire à transférer.

Vous relevez que le chômage des seniors est inférieur à la moyenne nationale. Dont acte. Mais pouvez-vous nous indiquer quelle est la part des plus de cinquante-cinq ans parmi les bénéficiaires du RSA ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Je vais enfoncer le clou : on est malheureusement obligés de faire le distinguo sur les femmes. Comment entendez-vous promouvoir l'égalité salariale ? Un membre du Medef déclarait hier qu'il y avait trop de lois sur cette question : c'est sans doute le signe que les entreprises ne les appliquent pas...

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Vous invitez les politiques à balayer devant leur porte. Nous sommes disposés à le faire, si nos collègues de la majorité sont prêts eux aussi à s'armer d'un balai...

Vous m'objecterez que comparaison n'est pas raison, mais je relève que si nous avons, en France, une proportion plus forte d'actifs de vingt-cinq - trente-cinq ans que l'Allemagne, la proportion s'inverse, en revanche, pour les plus de cinquante ans. N'est-ce pas là le signe que la stratégie des entreprises va à employer de préférence les vingt-cinq -trente-cinq ans, réputés plus productifs ? Vous nous dites que vous allez prendre des mesures fiscales incitatives pour y parer : mais n'est-ce pas accorder encore un avantage aux entreprises qui ne respectent pas les exigences citoyennes que l'on voit ailleurs prévaloir ?

Vous n'avez rien dit des travailleurs handicapés, de plus en plus nombreux à approcher de l'âge de la retraite. Comment le Gouvernement entend-il défendre ces populations qui, en dépit de l'existence de puissantes associations, ont du mal à faire valoir leurs revendications en cette conjoncture difficile ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Nonobstant ce que l'on peut penser du statut d'auto-entrepreneur, ne serait-il pas du moins souhaitable d'abaisser le seuil de trois ans avant l'entrée dans le régime de cotisation de droit commun ? Il est paradoxal, alors que l'on recherche désespérément des ressources pour financer nos régimes de retraite, de créer ainsi un tel blanc.

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat

Je vais tenter de répondre à l'ensemble de vos questions, précises et expertes, conformément à l'habitude de votre commission. Les chiffres que je vous ai donnés en avril, madame Demontès, concernaient les accords en cours de validation. Ceux que j'ai annoncés aujourd'hui portent sur les accords signés. Seules deux cent cinquante entreprises, je l'ai dit, ont préféré s'acquitter d'une pénalité : cela me semble très positif. Notre prochaine bataille consistera à veiller à la bonne application de ces accords et à diffuser les meilleures pratiques.

Le nombre de ruptures conventionnelles est plus faible cette année que l'an dernier : sur cent quatre-vingt-douze mille, vingt-huit mille concernent des salariés de plus de cinquante ans. Il est rare que, dans cette tranche d'âge, les départs fassent suite à une démission. Nous restons attentifs sur le sujet.

Le dispositif de l'article 32 concerne tous les salariés de plus de cinquante-cinq ans. L'aide, qui s'étend sur une année, si elle concerne tous les types de salariés, est néanmoins concentrée sur les bas salaires, pour les CDI et les CDD de plus de six mois, restriction propre à faire reculer la précarité.

Pour faire évoluer le dispositif de retraite progressive, je mise sur les aménagements de fin de carrière, concernés dans 55 % des accords. Ce type de sortie en sifflet a l'avantage de respecter les cycles de la vie.

L'idée avancée par le Premier ministre pour l'AER est que s'ouvre une négociation entre les partenaires sociaux, dans le cadre de l'assurance chômage, pour voir comment organiser son prolongement pour les générations qui auront à subir la transition vers le nouveau système de retraites.

Les chiffres de l'apprentissage et de l'alternance s'améliorent. En 2009, nous avons évité qu'ils ne baissent ; pour 2010, nous espérons une hausse. Vous savez que je prépare un plan de relance et que les contributions du Sénat, qui a beaucoup travaillé sur ces questions et organise chaque année une grande journée de l'alternance, alimentent ma réflexion. Le fait est que l'alternance, outre qu'elle constitue un excellent biais pour préserver la culture industrielle d'un pays - c'est ainsi qu'elle a beaucoup contribué à la structuration du tissu économique en Allemagne - permet aux jeunes de trouver deux fois plus vite un emploi. C'est une de mes préoccupations, madame Schillinger, que de favoriser son essor dans les PME. Nous travaillons avec les chambres de commerce et d'industrie pour développer un réseau destiné au partage de la formation. Nous avons demandé à la chambre de Saint-Etienne, qui est en pointe sur ce sujet, de diffuser son expérience.

Les perspectives tracées par l'association pour l'emploi des cadres (Apec), qui se montrait pourtant, ces dernières années, très sceptique sur notre optimisme, montrent que la tendance, en matière d'embauche, est à la hausse, et bénéficie aux plus de cinquante ans.

Ce que vous avez dit sur la RGPP, monsieur Fischer, montre que nous changeons collectivement d'approche. Il ne s'agit plus de mettre les seniors en retraite pour préparer l'emploi des jeunes. C'est là un point de consensus...

C'est ainsi que j'entends, de même, la remarque de M. Kerdraon sur l'insertion des jeunes. Le tutorat bénéficie principalement aux non-cadres, comme cela est le cas chez Michelin, et nous entendons l'utiliser pour développer les contrats d'apprentissage dans les PME de l'artisanat. Vous savez comme moi, monsieur Kerdraon, que les jeunes engagés dans ces contrats s'arrêtent souvent à mi-parcours. En les faisant accompagner par un salarié expérimenté, on établit un lien de confiance, et le taux d'échec diminue considérablement.

Il est vrai, madame Demontès, qu'il existe un écart, dans le taux de chômage des seniors, entre les hommes et les femmes, mais il est infime, de l'ordre de 0,1 % à 0,2 %. Ce qui ne nous dispense pas de travailler à le réduire, sachant qu'avec le rattrapage que l'on constate aujourd'hui, la configuration devrait être beaucoup plus favorable, à terme, pour les femmes de plus de cinquante ans.

Vous m'interrogez sur la part des plus de cinquante-cinq ans parmi les bénéficiaires du RSA : je ne dispose pas ici de ces chiffres mais vous les transmettrai au plus tôt.

Vous avez raison, madame Printz, de vous inquiéter de l'égalité salariale. Il est vrai qu'il a fallu secouer un peu le Medef. Il ne s'agit pas, aujourd'hui, de lâcher car c'est là une des grandes iniquités qui perdurent dans notre pays.

Il est vrai, monsieur Le Menn, que l'emploi est concentré en France sur les trente-cinquante ans, dont le taux d'emploi est meilleur qu'en Allemagne. J'estime, comme vous, qu'il est préférable d'avoir un taux harmonieusement réparti sur l'ensemble des générations, afin que ne soient pas sacrifiés les jeunes et les seniors.

Vous m'interrogez sur les travailleurs handicapés. Le réseau des établissements protégés, les Esat, a souffert de la crise et de la concurrence dans la sous-traitance. On peut agir dans deux directions : en poussant ces structures à évoluer de la sous-traitance industrielle vers la sous-traitance dans les services, ainsi que je m'y emploie dans ma circonscription ; en accentuant la pression sur les employeurs, mais avec discernement. Grâce aux instruments que nous offre aujourd'hui la loi, une fenêtre s'ouvre pour l'emploi en milieu ordinaire, mais il faut préparer les choses, travailler dans les entreprises avec les équipes, pour ne pas envoyer ceux qui seront recrutés au casse-pipe, si je puis dire. La région Bretagne a fait un travail remarquable, dont nous nous inspirons, pour le diffuser.

Nous travaillons avec Hervé Novelli, monsieur Godefroy, sur la formation à destination des auto-entrepreneurs : nous y voyons le vrai moyen de les aider à pérenniser leur entreprise et à basculer dans le régime de droit commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Nous savons combien l'apprentissage vous tient à coeur. Il concerne majoritairement les plus jeunes, entre seize et vingt-deux ans. Pourquoi ne retenir qu'un trimestre pour les cotisations retraite ?

Debut de section - Permalien
Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat

Je prends note de votre proposition que nous examinerons dans le cadre du travail structurant que nous menons sur l'alternance, afin de la conforter en cette période d'après-crise.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Nous vous avons déjà auditionné dans le cadre de la Mecss, monsieur Devy, nous connaissons la position générale de FO sur la réforme en cours. Aussi serions-nous plus intéressés d'entendre votre point de vue sur les dispositifs que nous pourrions améliorer dans le texte qui, vraisemblablement, sera voté ce soir par l'Assemblée nationale. Votre opinion nous intéresse d'autant plus que vous êtes aussi le gestionnaire d'un régime complémentaire obligatoire.

Debut de section - Permalien
Bernard Devy, secrétaire confédéral en charge du secteur des retraites à FO

Merci de votre invitation, c'est toujours un plaisir d'y répondre parce qu'au Sénat, vous savez prendre le temps nécessaire aux réformes, ce qui est particulièrement important pour des sujets qui, comme la retraite, touchent à la société tout entière.

A Force ouvrière, malgré notre image d'opposants systématiques à la réforme des retraites, nous sommes conscients de la nécessité d'une réforme permanente de notre système de retraite, en particulier pour l'adapter à l'allongement de la durée de la vie. Nous déplorons en fait le caractère anxiogène des réformes avancées par le Gouvernement, où les options sont présentées comme devant inéluctablement entraîner des changements de fond.

Sur la forme même de la concertation - je parle de la phase antérieure à l'examen parlementaire -, nous regrettons qu'après avoir démontré une certaine habileté, Eric Woerth ait suspendu les échanges depuis la mi-juillet. Nous avions du grain à moudre sur la pénibilité, les carrières longues et sur les polypensionnés, mais le Gouvernement a préféré agir par voie d'amendements, visiblement arbitrés à l'Elysée et que nous avons dû découvrir sur internet. Quitte à se concerter avec les partenaires sociaux, il fallait aller jusqu'au bout, ou bien le Gouvernement jette le doute sur l'ensemble du dialogue social dans notre pays.

Sur le fond, vous connaissez notre position. Le recul de l'âge légal à soixante-deux ans et de l'âge du taux plein à soixante-sept ans sont injustes pour les salariés, sachant les difficultés rencontrées pour entrer dans la vie active et pour s'y maintenir passé un certain âge. Il faut savoir que six salariés sur dix liquident leur retraite alors qu'ils ne sont plus en activité, voilà la réalité.

Le financement, ensuite, n'est pas assuré. On nous caricature quand on dit que Force ouvrière propose seulement de faire payer les riches : nous proposons de mieux répartir les richesses et nous appelons à un effort de tous pour sauver notre système de répartition, y compris des salariés, ce qui peut passer par une augmentation des cotisations salariales et par une augmentation de la CSG, dont l'assiette aurait été élargie. Nous pensions ainsi qu'il était possible de financer davantage l'assurance maladie par la fiscalité tout en transférant des cotisations maladie vers l'assurance vieillesse. Le Gouvernement nous a répondu qu'il ne fallait pas pénaliser la compétitivité des entreprises et que le Président de la République s'était engagé à ne pas augmenter les prélèvements obligatoires, mais nous disons que les solutions retenues ne suffiront pas : il faut mobiliser les moyens de sauver notre retraite par répartition.

Autre point de mécontentement, la baisse continue du niveau des pensions, depuis la réforme Balladur de 1993. Aujourd'hui, un salarié du privé qui a cotisé vingt-cinq ans au plafond de la sécurité sociale, ne peut espérer davantage qu'un taux de remplacement de 43 %, ce sera à peine 40 % en 2020.

Nous disons aussi que la borne d'âge à soixante-sept ans pénalisera davantage les femmes. Elles prennent déjà leur retraite à soixante et un ans et demi en moyenne, au lieu de soixante ans et demi pour les hommes. Seules 44 % des femmes liquident une carrière complète, contre 86 % des hommes. Elles cumulent en moyenne trente-quatre années et demie de cotisation, contre trente-neuf années et un quart pour les hommes, et 30 % d'entre elles attendent soixante-cinq ans pour le faire : elles devront attendre soixante-sept ans demain. Les femmes représentent 57 % des allocataires du minimum vieillesse, 70 % des bénéficiaires du minimum contributif. On estime que leur niveau de pension sera encore de 30 % inférieur à celui des hommes en 2030 ou 2040, continuant le déséquilibre actuel où, en droits directs, les femmes touchent en moyenne 825 euros de retraite, et les hommes 1 426 euros. Les discriminations dans l'emploi entre les hommes et les femmes se reflètent dans les retraites, c'est pourquoi nous demandons de pénaliser, à l'occasion de cette réforme, les entreprises qui ne font pas suffisamment d'effort vers l'égalité salariale.

Autre point de mécontentement : en instituant le comité de pilotage des régimes de retraite, la réforme « flingue » littéralement le conseil d'orientation des retraites (Cor). Mieux vaudrait renforcer le Cor, en y faisant entrer les grands absents que sont les régimes : la Cnav, la CNRACL, les régimes de retraite complémentaire... Avec le nouveau comité de pilotage, on voit poindre l'unification des régimes. L'article 1er bis nous inquiète en disposant que : « Avant le 31 décembre 2014, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport sur les redéploiements de ressources ou de charges entre régimes de protection sociale concourant à l'objectif d'équilibre des différents régimes de retraite. Le comité de pilotage des régimes de retraite est consulté sur ce rapport. »

De fait, quand, à l'horizon 2018, on aura accumulé un déficit de 60 milliards et que les politiques regarderont du côté du « pactole » des régimes complémentaires - ou tout au moins ce qu'il en restera puisque ces réserves diminuent chaque année, preuve que les déficits sont liés à la crise économique autant qu'à la démographie -, quelle sera encore la marge d'autonomie des régimes complémentaires qui se verront « siphonnés » pour venir en aide au régime général ? Les politiques ne seront-ils pas tentés par une fusion des régimes ? Dès lors, quel intérêt pour les partenaires sociaux de faire des réserves et de consentir à des efforts importants, patronat et salariés compris, si c'est pour voir ensuite ces réserves être fondues dans un ensemble plus vaste ? Comme gestionnaire d'un régime complémentaire, je suis particulièrement attentif à l'autonomie de gestion des partenaires sociaux.

Par ailleurs, nous ne sommes pas contre la mensualisation du versement des pensions, c'est une demande des retraités. Mais, par un amendement de Xavier Bertrand, l'Assemblée nationale a prévu un paiement au 1er du mois : nous n'y sommes pas défavorables, à condition que le recouvrement des cotisations employeurs intervienne à la même date, sauf à provoquer des décalages chaque mois, portant sur des sommes considérables.

Ensuite, pouvons-nous nous rassurer de voir le fonds de réserve des retraites (FRR) transféré à la Cades ? Nous comprenons les nécessités européennes de la comptabilité publique, mais comment garantir que les ressources et les actifs du FRR iront bien aux retraites, une fois mêlés à une caisse dont l'objet est de régler l'ensemble de la dette sociale ? Et comment s'assurer que le FRR ne prenne pas trop de risques sur le marché si volatil des produits financiers ?

Nous n'étions pas complètement opposés à la participation du FRR, à condition que le retour à l'équilibre soit prévu pour 2011, au lieu de quoi le Gouvernement choisit de laisser filer les déficits, sous couvert ici ou là de manipulations comptables comme celle consistant à présenter en recettes 15 milliards qui vont annuellement aux retraites de la fonction publique et qui sont d'abord une dette. D'une manière générale, nous n'oublions pas le caractère optimiste des études du Cor sur lesquelles cette réforme se fonde et nous ne serions pas étonnés de voir les politiques remettre l'ouvrage sur le métier, en 2018, avec de nouvelles mesures sur les retraites.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Vous êtes un fin connaisseur de ce vaste dossier, vous avez participé à bien des travaux, y compris au sein du Cor et c'est pourquoi, comme je vous le disais en introduction, nous sommes intéressés par votre opinion sur les points que nous pouvons encore améliorer dans la réforme, étant entendu que nous ne saurions changer le texte de fond en comble. Quelles sont vos propositions, en particulier sur la pénibilité, les carrières longues et les polypensionnés ?

Sur l'analyse, je partage avec vous ce constat du climat anxiogène de la réforme et je préfèrerais parler d'évolution du système : la crise a rapproché une échéance que nous connaissions, il nous faut maintenant prendre les mesures nécessaires pour faire face aux déficits.

Sur l'article 1er bis, je crois aussi qu'il ne faut pas perdre de vue l'intérêt de la répartition provisionnée, c'est-à-dire la prise en compte de la situation à venir en fonction des évolutions démographiques : on peut s'interroger sur cet article, apparu à l'Assemblée nationale.

La mensualisation, quant à elle, ne doit pas nuire à la bonne marche des organismes, et j'entends votre demande de voir le versement des cotisations être coordonné avec celui des pensions.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Je répondrai d'abord à votre inquiétude sur l'adossement du FRR à la Cades : nous avons voté deux amendements à la loi organique, pour garantir que les ressources du FRR iront bien aux retraites, jusqu'en 2018. Chaque loi de financement y veillera, le système est verrouillé.

J'aimerais connaître votre position, ensuite, sur la possibilité plus lointaine d'une réforme systémique de nos retraites, dès lors que le système actuel par répartition s'avérerait insuffisant pour maintenir un pouvoir d'achat satisfaisant aux retraités. La question ne se poserait pas si nous connaissions de nouveau une période longue de croissance, mais nous risquons de connaître plutôt de nouvelles crises économiques.

Sur l'emploi des seniors, ensuite, les dispositions de la réforme vous paraissent-elles satisfaisantes ? Quelles seraient vos propositions en la matière ? Le Medef assure que le mouvement général, en Europe, est à l'allongement de la durée d'activité, donc à l'éloignement de l'âge du départ à la retraite. Mais avec les difficultés que rencontrent les seniors à retrouver un emploi, ne risque-t-on pas, si les entreprises ne jouent pas le jeu, de voir de plus en plus de salariés sexagénaires exclus du marchés du travail et sans pension ? La perspective du basculement de cotisations de l'Unedic vers la branche vieillesse n'est-elle pas illusoire ?

Que penseriez-vous d'un aménagement de l'âge du taux plein pour les femmes nées avant 1964 ? Les calculs démontrent que si, avec une borne à soixante-sept ans, les femmes nées après cette date connaîtront des situations équivalentes ou même meilleures que celle des hommes, les femmes nées avant 1964 subiraient un préjudice, compte tenu de leurs carrières incomplètes : avez-vous des idées pour le prendre en compte ?

La Cour des comptes, enfin, vient de mettre l'accent sur les niches sociales, et d'abord les allègements de charges sociales patronales, qui pèsent près de 45 milliards : pensez-vous utile de les réduire, pour financer notre sécurité sociale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je partage l'analyse de Force ouvrière sur les objectifs fixés au pacte de stabilité et de croissance de servir les marchés financiers. Dans les fonctions publiques, le taux de cotisation salariale va passer en dix ans de 7,85 % à 10,55 %, soit une augmentation de 35 % : avez-vous connaissance d'une hausse d'une telle ampleur dans une autre période ?

Sur les régimes complémentaires, je partage votre crainte de les voir littéralement « siphonnés » par le régime général. Ne pressentez-vous pas que vous allez devoir accepter une réforme des régimes complémentaires en catimini ?

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Le Gouvernement a décidé que la réforme avait un noyau dur auquel on ne pouvait pas toucher, et il a laissé la porte ouverte notamment sur la pénibilité. L'Assemblée nationale, cependant, n'a pas inclus dans la pénibilité l'exposition à des produits dangereux ni le travail de nuit. Des études démontrent que les cancers professionnels liés aux produits dangereux, ou encore les effets irréversibles et incapacitants liés au travail de nuit, apparaissent majoritairement après soixante-cinq ans. Ces maladies ne seront pas diagnostiquées par la médecine du travail : avez-vous des propositions pour les faire prendre en compte ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

J'entends les discours contre la réforme, mais pas de propositions chiffrées des syndicats sur la pénibilité et sur les carrières longues, alors que chacun sait que l'obstacle est financier : quelles sont vos propositions pour lever cet obstacle ? Le Gouvernement annonce que le recul de l'âge du taux plein à soixante-sept ans ferait économiser 6 milliards. Mes calculs sont différents ; quels sont les vôtres ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Quel est votre sentiment sur le rôle que les fonds de retraites - type Prefon - sont appelés à jouer dans les années à venir ? Leurs représentants nous affirment qu'ils seront indispensables, à l'horizon 2030, pour maintenir le pouvoir d'achat des retraités : qu'en pensez-vous ?

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je déplore avec vous, outre le fond, la méthode suivie par le Gouvernement et j'y ajoute comme exemple celui de la médecine du travail. Tout changement du code du travail, nous dit-on depuis quelques années, doit être précédé d'un accord interprofessionnel : ce n'est pas le cas pour la médecine du travail où, si des négociations avaient été engagées entre partenaires sociaux, c'est un amendement gouvernemental qui tient lieu de réforme, qui plus est pour mettre à mal encore davantage la médecine du travail.

Sur la pénibilité, nous sommes choqués du dispositif, même si le seuil de prise en compte a été ramené de 20 % à 10 % d'incapacité professionnelle, cette réduction étant accompagnée de la création d'une commission pluridisciplinaire. Même chose sur l'inversion de la charge de la preuve, qui met en cause la présomption d'imputabilité : le salarié devra démontrer que le travail est à l'origine de son incapacité, qu'en pensez-vous ?

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Jarraud-Vergnolle

Dès lors que pas plus de 38 % des cinquante-cinq-soixante-quatre ans sont en activité, ne risque-t-on pas, en repoussant l'âge de la retraite à taux plein à soixante-sept ans, de transférer une charge des caisses de retraites aux caisses de solidarité ? Avez-vous négocié avec le Gouvernement sur l'emploi des seniors ?

Selon un récent sondage, 91 % de nos compatriotes estiment que la réforme va léser les femmes : avez-vous pu en discuter avec le Gouvernement et avez-vous des propositions correctrices ?

Comment mieux prendre en compte, enfin, la situation des salariés qui, passant d'un emploi précaire à un autre emploi précaire, n'ont pas pu cotiser suffisamment ?

Debut de section - PermalienPhoto de René Teulade

Je partage aussi bien des points de votre analyse, mais je ne peux m'empêcher de constater que les syndicats contribuent au climat anxiogène de la réforme, en la présentant comme la source d'un conflit entre générations : un peu plus d'optimisme est-il hors de propos ?

La fin d'activité professionnelle ne signifie pas la fin de l'activité économique et sociale. Le troisième âge a changé, il est devenu la clé de voûte d'une société où l'on compte dans les familles quatre, voire cinq, générations, et où celui qui prend sa retraite doit s'occuper encore des plus âgés et des plus jeunes que lui : arrêtons de dire que le troisième âge est une charge pour la société.

Ne vous paraît-il pas possible, ensuite, de prendre en compte le temps passé au bénévolat ? La solution technique est certainement difficile, mais en a-t-on au moins parlé ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Une loi devait venir renforcer la médecine du travail, le Gouvernement procède par amendement : que pensez-vous de la méthode et du fond ? Ensuite, s'agissant des augmentations de cotisations dans la fonction publique, je rappellerai celles que nous avons subies à la CNRACL entre 2002 et 2005, sans aucun dialogue social.

Debut de section - Permalien
Bernard Devy, secrétaire confédéral en charge du secteur des retraites à FO

Je veux d'abord assurer à M. Teulade que je ne verse pas dans la « sinistrose » : l'histoire nous montre que nous avons toujours résolu les plus grandes difficultés qui se présentaient, sans casse sociale, même si je n'oublie pas les trop petites pensions de retraite. Notre régime de protection sociale a joué un rôle d'amortisseur et il a garanti l'indépendance financière des retraités, qui ont pu continuer à consommer. Cependant, nous avons sous-estimé l'impact du vieillissement de la population, sur les retraites comme sur les autres questions sociales que sont la santé ou le logement, et c'est un défi pour les prochaines décennies. Pour le relever, si je n'étais pas optimiste, je ne serais pas un syndicaliste.

Monsieur Vasselle, en examinant, au sein du Cor, la situation des pays qui ont fait des réformes systémiques, en y introduisant en particulier des comptes notionnels, nous avons constaté que la retraite est toujours le reflet de la vie professionnelle : il y a toujours une part contributive, qui devient importante en cas de crise. C'est l'exemple de la Suède, où les pensions ont fortement baissé. Quant à l'avantage de la simplicité, il faut regarder du côté des Pays-Bas, avec leurs quelque six cents fonds de pensions régis par des règles particulières, pour voir que notre système avec une trentaine de régimes n'est pas si complexe qu'on le dit.

Nous sommes donc favorables à l'examen des solutions alternatives, mais pas au détriment du niveau des pensions et pas non plus pour des systèmes dont l'objectif principal serait de dissimuler la charge que représentent les retraites. En fait, quel que soit le système retenu, nous n'échapperons pas à la nécessité de ressources nouvelles. C'est bien pourquoi nous ne demandons pas que l'Etat nous donne les clés de la boutique : la solution est politique, elle passe par le Parlement. Vous êtes en charge de l'intérêt général, alors que nous défendons l'intérêt particulier des salariés que nous représentons. Avant de lancer une réforme systémique, il faut donc bien mesurer ses avantages pour l'ensemble.

J'avoue mon scepticisme sur la fusion des régimes entre le public et le privé. Du reste, les retraites représentent 13 % du Pib : le Gouvernement ne pourra jamais s'en désintéresser complètement.

L'emploi des seniors n'est pas un thème nouveau, des mesures ont été prises depuis quelques années, notamment quand Gérard Larcher était au ministère, avec l'avantage de fin de carrière, le tutorat. Mais on constate qu'il y a toute une culture à modifier, qu'il faut changer de braquet, pour qu'à quarante-cinq ans, le salarié accède encore à la formation, au développement de carrière, et il faudrait faire des efforts très sérieux pour accompagner ceux qui perdent leur emploi après cinquante ans pour qu'ils en retrouvent un autre : voilà la vraie difficulté.

L'hypothèse d'un transfert de cotisations de l'Unedic vers la branche vieillesse me paraît tout à fait illusoire.

Sur l'adaptation du relèvement de l'âge du taux plein pour les femmes, nous y avons également réfléchi, mais une telle mesure se heurterait au principe d'égalité entre les citoyens. Nous pensons plutôt à améliorer les conditions de travail des femmes, à renforcer les services de garde d'enfants, à mieux rémunérer le congé parental, et à augmenter les cotisations sur le travail à temps partiel, car la précarité des femmes dans le travail tient beaucoup au temps partiel subi.

Debut de section - Permalien
Gérard Rivière, conseiller technique de FO

Nous pouvons vous communiquer quelques chiffres intéressants sur les augmentations des cotisations. Depuis 1980 dans le privé, la part salariale a augmenté de 2,05 points, sans évoluer dans les dix-neuf dernières années, à comparer au 2,7 points qui seront demandés aux fonctionnaires en dix ans. Dans le même temps, la part patronale n'a augmenté que de 1,7 point, et les cotisations sociales patronales sont exonérées à hauteur de 22 %.

Debut de section - Permalien
Bernard Devy, secrétaire confédéral en charge du secteur des retraites à FO

Nous attendons que la loi soit votée pour ouvrir les négociations sur les retraites complémentaires. L'association pour la gestion du fonds de financement (AGFF) a été créée pour couvrir le coût occasionné par l'abaissement de soixante-cinq à soixante ans de l'âge de la retraite, et il faudra sans doute en prolonger l'existence au moins jusqu'au 1er avril. Nous ferons en sorte que les salariés ne soient pas pénalisés : il est inadmissible que le rendement des régimes complémentaires diminue à l'occasion de chaque réforme, même s'il est pour l'instant supérieur à celui des fonds de capitalisation : 6,8 % au lieu de 4,5 %.

Les carrières longues sont un problème voué à s'estomper : les jeunes entrent désormais sur le marché du travail à vingt-deux ans en moyenne. Mais il faut veiller à ne pas pénaliser ceux qui ont commencé à travailler tôt, et pourraient avoir à acquitter jusqu'à quarante-quatre années de cotisations.

Débattre de la pénibilité dans le cadre d'une réforme des retraites est un non-sens. Il faut se préoccuper de la prévention, de l'amélioration des conditions de travail et de l'aménagement du temps de travail en même temps que des départs anticipés. La cessation d'activité de salariés âgés (Casa) et la cessation d'activité de certains travailleurs salariés (Cats) concernaient naguère des travailleurs de l'industrie ayant travaillé dans des conditions pénibles. Dans les transports, deux mille salariés justifiant de trente ans de conduite bénéficient chaque année d'un départ anticipé grâce à un financement tripartite, la contribution de l'Etat s'élevant à 100 millions d'euros. Nous avions proposé de débattre de la pénibilité sous tous ses aspects dans le cadre des branches professionnelles et d'accorder, selon des critères qui ont déjà été largement définis lors des négociations interprofessionnelles, des réparations financées grâce à une cotisation mutualisée. La proposition qui nous est faite aujourd'hui ne nous satisfait pas. Le Gouvernement retient le critère de l'invalidité ; mais les effets du travail pénible ne se font pas nécessairement sentir dès soixante ans ; ils se font parfois sentir plus tard et parfois même jamais, sans qu'une réparation cesse d'être légitime.

Il faut prévenir les risques. Pas moins de 18 % de salariés travaillent la nuit, parfois sans nécessité, comme dans les grands magasins des Champs-Elysées. Le Gouvernement a abaissé de 20 % à 10 % le taux minimal d'invalidité requis pour bénéficier d'un départ anticipé mais l'évaluation pourra être révisée par une commission pluridisciplinaire, ce qui occasionnera des contentieux. Les employeurs, qui financent le régime AT-MP, n'accepteront pas que les dépenses augmentent. Tous les salariés ne seront pas logés à la même enseigne, puisque les différentes commissions ne rendront pas les mêmes décisions : cela me rappelle les écarts entre départements lorsqu'existait l'ancienne prestation spécifique dépendance (PSD).

Quant à la médecine du travail, il nous semble très cavalier de la réformer par voie d'amendements au projet de loi sur les retraites : le sujet aurait mérité un texte spécifique. Le Gouvernement veut mettre la médecine du travail sous la coupe des employeurs alors qu'il s'était engagé à la rendre plus indépendante et à introduire la médecine de ville dans les services de santé au travail : c'est une pente dangereuse. Les partenaires sociaux avaient pourtant entamé leur réflexion.

Nous ne nous désintéressons pas des fonds de capitalisation, même si nous défendons prioritairement les petites retraites. Il serait souhaitable que le législateur cesse de modifier constamment les règles de l'épargne retraite et favorise la rente plutôt que la sortie en capital.

Vous avez évoqué les niches sociales. Nous plaidons pour une réforme fiscale de grande ampleur, qui mette tous les revenus à contribution, y compris - et je vais peut-être vous surprendre - les minima sociaux, à un très faible taux : car la solidarité est l'affaire de tous.

M. Vanlerenberghe m'a interrogé sur le coût du maintien de l'âge du taux plein à soixante-cinq ans, mais il est difficile de l'évaluer. Les chiffres du Gouvernement se fondent sur des hypothèses macroéconomiques excessivement optimistes : l'an dernier, la masse salariale s'est effondrée. La question des retraites ne peut être dissociée de celle de l'emploi. Les retraites doivent être financées par une part contributive et une part non contributive, mais tout ne peut pas reposer sur l'impôt, sauf à définir un régime égalitaire où tout le monde toucherait la même pension et où chacun serait libre d'épargner au surplus dans des fonds de capitalisation. Le déficit accumulé entre 2011 et 2018 est estimé à 60 milliards d'euros, mais tout dépendra de la croissance.

Debut de section - Permalien
Eric Aubin, membre de la direction confédérale de la CGT, en charge des retraites

A lire la presse aujourd'hui, on s'interroge sur le rôle du Sénat, car un ministre semble déjà savoir quelle sera l'issue de l'examen du texte dans cette assemblée...

Nous critiquons la méthode du Gouvernement : cette réforme aurait mérité de longs mois de concertation. Quant au fond, nous considérons que ce projet de loi est brutal, injuste et enfermé dans une perspective de court terme. Brutal, parce qu'il s'attaque aux plus fragiles : les travailleurs précaires, les jeunes et les femmes. Ceux qui ont commencé à travailler tôt pâtiront du relèvement de l'âge légal du départ à la retraite. Les femmes et les travailleurs précaires, aux carrières discontinues, subiront les effets du relèvement de l'âge du taux plein : 30 % des femmes doivent déjà travailler jusqu'à soixante-cinq ans. Injuste, parce qu'alors que le déficit des régimes de retraites est dû pour les deux tiers à la crise économique et financière, le coût de la réforme repose pour 85 % sur les salariés, qui ont déjà assumé une charge représentant 3,2 % du Pib lors des réformes de 1993 et 2003. Ce sont 22,6 milliards de plus qu'on leur demandera. Ce projet de loi est enfermé dans une perspective de court terme, puisqu'il faudra remettre l'ouvrage sur le métier dès 2018 ; certains députés de la majorité auraient voulu prendre des mesures plus contraignantes dès à présent...

Le Gouvernement prétend que l'équilibre des régimes de retraites est un problème démographique. Selon nous, l'allongement de la durée de la vie n'est pas un mal en soi : seulement il nécessite un nouveau mode de financement des retraites et une autre politique de l'emploi. Si la France connaissait le plein emploi, le besoin de financement des caisses de retraite serait réduit de moitié. Les problèmes d'emploi ne sont pas sans incidence sur les conditions de travail : aujourd'hui les trente-cinquante ans constituent la grande majorité des travailleurs, et on leur demande toujours plus d'efforts, ce qui explique qu'ils arrivent usés à l'âge de la retraite. Alors que dans les pays du Nord les seniors sont heureux au travail, les salariés français, dès l'âge de cinquante ans, comptent le nombre d'années qu'il leur reste à travailler. Le problème des retraites ne peut donc être dissocié de celui de l'emploi et des conditions de travail.

Sur la pénibilité, les propositions du Gouvernement ne nous satisfont pas. Les négociations avec le Medef, qui n'ont pas abouti, ont toutefois permis de définir trois critères de pénibilité : l'effort physique, l'environnement agressif et le rythme de travail. Les négociations ont achoppé sur la question du financement et parce que le Medef tenait à une approche médicalisée. Le Gouvernement, non content de satisfaire le Medef sur ce dernier point, a fixé un taux d'invalidité au-delà duquel seulement les salariés auront le droit de prendre une retraite anticipée. Mais ceux qui ont travaillé dans des conditions pénibles doivent pouvoir jouir de leur retraite en bonne santé. L'abaissement de 20 % à 10 % du seuil d'invalidité ne change rien à l'affaire.

Pour financer les retraites, nous avons fait des propositions. Outre le fait que le plein emploi résorberait la moitié du déficit, il serait judicieux d'élargir l'assiette des cotisations, comme le recommande la Cour des comptes dans son rapport de 2009 - elle évalue à 3 milliards d'euros le manque à gagner qui résulte pour l'Etat de l'exonération des revenus tirés de l'intéressement et de la participation -, ainsi que l'inspection générale des finances dans un rapport paru le mois dernier. Alors que les salaires ont augmenté de 40 % au cours des dix dernières années, les revenus de l'intéressement et de la participation ont plus que doublé : ils tendent donc à se substituer aux rémunérations normales et doivent être soumis à cotisations. Les revenus financiers des entreprises pourraient également être taxés, au même taux que les revenus salariaux, ce qui rapporterait 20 milliards d'euros. Je rappelle qu'entre 1984 et 2007, les salaires n'ont fait que doubler alors que les dividendes étaient multipliés par treize : il est temps de s'interroger sur la répartition des richesses dans notre pays.

Quant aux exonérations de cotisations dont bénéficient les entreprises, elles ont montré leur inefficacité en termes d'emploi. Il faut donc y mettre un terme, tout en aidant les entreprises en difficulté. Plutôt que d'asseoir les cotisations sur la masse salariale, ce qui décourage l'embauche et toute politique salariale ambitieuse, il faudrait prendre en compte le rapport entre la masse salariale et la valeur ajoutée : comme l'indiquait le rapport Cotis, les salaires représentent 81 % de la valeur ajoutée dans le bâtiment, mais seulement 31 % dans l'immobilier. Les exonérations profitent trop souvent aux grands groupes, qui n'ont pas de problèmes financiers. Il serait également envisageable d'augmenter les cotisations sociales des employeurs, qui n'ont pas évolué depuis des années.

Les secrétaires généraux des sept grandes organisations syndicales ont écrit au Président de la République, aux membres du Gouvernement et aux parlementaires pour leur faire part de leur appréciation sur la réforme. Après l'adoption du projet de loi par les députés, cette lettre reste d'actualité. Près de 25 000 personnes manifestaient leur désaccord ce matin devant l'Assemblée nationale et les sondages montrent que 75 % des salariés réprouvent la réforme, 55 % d'entre eux estimant même que le Gouvernement doit reculer sur le report de l'âge légal du départ à la retraite.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Je suis de ceux qui défendent le maintien de l'âge légal à soixante ans. Mais que pensez-vous de l'exemple de nos voisins européens, en particulier des Allemands qui ont réformé leur système de retraites dans des conditions très différentes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Cette réforme est en effet brutale, puisque son financement est pour 85 % à la charge des salariés. Quant aux fonctionnaires, leur taux de cotisation passera de 7,85 % à 10,55 %. Que pensez-vous de cette ponction inouïe, historique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Quelles propositions la CGT fait-elle pour que les femmes touchent des pensions convenables, en particulier celles qui ont élevé seules leurs enfants?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Vous parlez de supprimer les exonérations de charges sociales et d'augmenter les cotisations patronales. Mais que faites-vous des contraintes auxquelles les entreprises sont confrontées ?

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Je crois savoir que le Medef est divisé sur la question de la pénibilité : les sociétés de services refusent de payer pour les autres, alors qu'elles n'« usent » pas leurs salariés. Si l'on sollicitait les entreprises où les conditions de travail sont les plus dures, selon le principe du « pollueur payeur », ne les encouragerions-nous pas à ne plus exposer leurs salariés aux mêmes risques physiques et psychiques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Sur la pénibilité, le Gouvernement a adopté le point de vue du patronat en faisant le choix de la médicalisation. Les négociations entre partenaires sociaux n'ont pas abouti, malgré les promesses de Xavier Bertrand lorsqu'il était en charge du ministère du travail. A l'Assemblée nationale, il a été décidé de ramener à 10 % le taux d'invalidité au-delà duquel les salariés auront droit à une retraite anticipée, mais aussi de créer une commission chargée de vérifier que cette invalidité est bien liée au travail : n'est-ce pas, sous couvert d'une concession, mettre fin au principe cardinal de la présomption d'imputabilité des accidents et maladies du travail ?

Au sujet de la médecine du travail, le Gouvernement a renoncé à présenter un texte spécifique, préférant procéder par amendements au projet de loi sur les retraites. La méthode est détestable et les mesures envisagées constituent un formidable recul puisqu'elles consistent à soumettre les médecins à la tutelle des employeurs, alors que la mission sénatoriale sur le mal-être au travail avait préconisé une gestion tripartite.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Depuis 1993, les pensions sont indexées sur l'inflation et non plus sur le niveau des salaires. Avez-vous évalué la perte qui en a résulté ?

Que pensez-vous de l'idée d'augmenter les contributions sociales pesant sur les pensions dépassant un certain plafond ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

J'aimerais vous entendre au sujet de l'emploi des seniors et sur l'éventualité d'une réforme systémique des retraites. Quant aux femmes, quelles suggestions faites-vous pour qu'elles ne soient pas trop durement touchées ? Avez-vous chiffré les recettes tirées d'un élargissement de l'assiette des cotisations aux revenus tirés de l'intéressement et de la participation, et mesuré les effets pervers d'une telle mesure en termes de compétitivité et d'emploi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Rassurez-vous, monsieur Aubin, le Sénat saura tenir sa place dans le processus législatif. Que pensez-vous de l'amendement de Pierre Méhaignerie et Denis Jacquat, qui prévoit la conclusion d'accords collectifs et la création de fonds de mutualisation au niveau des branches pour compenser ou alléger la pénibilité du travail ? La CGT est-elle favorable à l'institution d'une pénalité financière pour les entreprises qui n'établissent pas de rapport d'entreprise ni de plan d'action pour l'égalité salariale entre les hommes et les femmes ?

Debut de section - Permalien
Eric Aubin, membre de la direction confédérale de la CGT, en charge des retraites

On invoque souvent l'exemple de nos voisins européens, mais comparaison n'est pas raison. La réforme française est la plus dure, puisqu'elle joue à la fois sur les bornes d'âge et sur la durée de cotisation, qui sera bientôt la plus longue d'Europe : 41,5 ans contre 30 ans au Royaume-Uni, 35 ans en Allemagne et en Espagne, 40 ans en Suède, 37 ans en Autriche. L'allongement de la durée de cotisation a évidemment une incidence sur le niveau des pensions, puisque les travailleurs qui n'ont pas assez cotisé se voient appliquer une décote.

La France est avec la Belgique et l'Espagne l'un des seuls pays européens à avoir indexé les pensions sur les prix. Cette mesure a réduit de 16 % à 17 % le niveau des pensions depuis 1993, et si l'on y ajoute la modification du mode de calcul, qui prend désormais en compte les vingt-cinq et non plus les dix meilleures années, elles ont baissé de plus de 20 %. En France, la pension moyenne est égale à 54 % du revenu moyen d'activité, contre 72 % dans l'ensemble de l'OCDE.

Pour financer les mesures de prévention et de compensation de la pénibilité, nous proposons trois types de ressources. Tout d'abord, une cotisation mutualisée des employeurs, faute de quoi certains secteurs d'activité, comme le textile, n'auront pas les moyens de financer de telles mesures. Des accords d'entreprises existent déjà dans certains grands groupes, mais les salariés des PME et TPE sont démunis. Ensuite, une cotisation variant selon la politique de prévention des entreprises. Enfin, des fonds publics : les dispositifs de cessation anticipée d'activité, qui ont disparu, coûtaient entre 8 et 10 milliards d'euros à la collectivité et concernaient 850 000 personnes chaque année ; il faudrait redéployer une partie de ces moyens en faveur des nouveaux retraités. Il faut en effet distinguer entre les salariés qui ont d'ores et déjà subi de mauvaises conditions de travail et arrivent usés à l'âge de la retraite - seuls 40 % des salariés demeurent actifs à l'âge de soixante ans - et les générations suivantes, pour lesquelles nous ne sommes pas opposés au principe de la traçabilité, non par le biais d'un carnet comme il est proposé, mais par exemple sous le contrôle de la caisse d'assurance retraite et de santé au travail (Carsat), sous réserve que la confidentialité des données soit préservée.

Nous ne sommes guère favorables à l'amendement de Pierre Méhaignerie et Denis Jacquat : à des accords de branches, nous préférerions un accord interprofessionnel qui apporte des garanties à tous les salariés. L'amendement supprime en outre le droit au départ anticipé d'ores et déjà négocié dans certaines branches et entreprises, et ne prévoit que des aménagements de fin de carrière.

Debut de section - Permalien
Mijo Isabey, conseillère confédérale de la CGT

Les pensions des femmes atteignent en moyenne 65 % de celles des hommes, et seulement 50 % si l'on retranche les pensions de réversion. Notre objectif est donc triple. Il est tout d'abord indispensable de réduire les inégalités au cours de la vie active. Les pénalités prévues faute de rapport sur l'égalité salariale ne résoudront rien. Aux termes de la loi de 2006 relative à l'égalité salariale, les rémunérations des hommes et des femmes devaient converger à la fin 2010 : nous sommes loin du compte ! Outre le salaire, il faut se préoccuper de la qualité de l'emploi, les femmes occupant plus souvent que les hommes des postes précaires ou à temps partiel. Ensuite, il faut mieux articuler la vie professionnelle et la vie familiale, en développant l'offre d'accueil des enfants et des personnes âgées. Enfin, il ne faut pas se résigner à reproduire dans le cadre des retraites les inégalités observées pendant la vie active. Le changement du mode de calcul des pensions, qui prend désormais en compte les vingt-cinq meilleures années, et l'allongement de la durée de cotisation ont surtout pénalisé les femmes ; c'est pourquoi nous exigeons le retour aux dix meilleures années. Quant à la majoration de la durée d'assurance, après la réforme de 2003 dans la fonction publique, il a été confirmé qu'elle pourrait être partagée entre les hommes et les femmes dans le secteur privé : cela aussi pose problème.

Le congé de maternité ne doit pas être considéré comme un congé maladie : c'est pourquoi il faudrait reconstituer le salaire qu'aurait perçu l'intéressée, plutôt que de ne prendre en compte que les indemnités journalières. La mesure proposée par le Gouvernement n'est qu'une goutte d'eau. En outre elle ne concerne que les enfants à naître, alors qu'elle devrait être rétroactive pour produire des effets dans l'immédiat.

Debut de section - Permalien
Gilles Oberrieder, en charge du dossier des retraites à l'union générale des fédérations de fonctionnaires

Cette réforme est destinée à dégager 40 milliards d'euros, dont 25 milliards prélevés sur le pouvoir d'achat des salariés et 9 milliards sur celui des seuls fonctionnaires qui ne représentent que 20 % du salariat. Sur cette somme, les mesures d'âge représentent 4 milliards, la hausse du taux de cotisation 3 milliards, la disparition du départ anticipé pour les mères de trois enfants 1 milliard, et la modification des règles d'attribution du minimum garanti, mesure scandaleuse qui s'attaque aux plus faibles, 1 milliard.

La CGT n'a jamais défendu par principe un taux de cotisation plus faible dans la fonction publique. Mais il faut tenir compte de l'histoire. Les cotisations des fonctionnaires de l'Etat, jusqu'à récemment, étaient tout simplement déduites de leur traitement, ce qui procurait au Trésor public des facilités de trésorerie. Le niveau de cotisation n'avait donc pas autant d'importance qu'actuellement. En outre, les salariés du privé bénéficient de retraites complémentaires, alors que les primes des fonctionnaires ne sont pas prises en compte pour le calcul de leur pension. Je suis administrateur de l'établissement de retraite additionnelle de la fonction publique, et l'on ne me fera pas croire qu'il s'agit d'une retraite complémentaire : le taux de remplacement est extrêmement faible, ainsi que les cotisations d'ailleurs.

Il faut également tenir compte des ponctions réitérées sur les rémunérations des fonctionnaires. Le Gouvernement refuse de considérer le point d'indice comme le principal indicateur, mais les primes ne représentaient encore en 2008 que 23 % des revenus des fonctionnaires de l'Etat. Or, entre 2000 et 2010, le point d'indice a augmenté moins vite que les prix de 9 %. Il a été revalorisé de 0,5 % en 2010, mais doit être gelé en 2011, puis en 2012 et 2013, sauf amélioration de la conjoncture économique. En tout, la perte de pouvoir d'achat devrait s'élever à 15 %. En outre, la hausse du taux de cotisation représentera une perte de 3 %. On parle de 6 euros par mois, mais, après dix ans, la perte sera de 60 euros par mois, ce qui n'est pas négligeable étant donné le niveau du traitement moyen.

Debut de section - Permalien
Eric Aubin, membre de la direction confédérale de la CGT, en charge des retraites

Je reviens sur la question de la médecine du travail. Les négociations avec le Medef ont échoué ; le Gouvernement avait envisagé de déposer un projet de loi à ce sujet, mais Eric Woerth a finalement choisi de procéder par le biais de plusieurs amendements que nous avons découverts avec surprise. La réforme consiste à placer les services de santé au travail sous le contrôle des employeurs, alors qu'il leur faudrait plus d'autonomie. Elle affaiblit aussi les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

En ce qui concerne les seniors, je rappelle que seuls 40 % des salariés restent actifs à soixante ans. Des sondages montrent que 72 % des commerces et 74 % des entreprises du bâtiment estiment difficile d'employer des gens de plus de soixante ans. On continue à favoriser le départ des seniors. La convention de l'assurance chômage doit être renégociée d'ici à la fin de l'année ; or, Pôle emploi évalue à 265 millions d'euros le surcoût occasionné par le relèvement à soixante-deux ans de l'âge légal du départ à la retraite. La réforme consiste donc à transférer les charges d'un régime à l'autre. Encore certains travailleurs âgés seront-ils réduits à vivre des minima sociaux... Faute d'une hausse des cotisations chômage et alors que les besoins ne cessent de croître, il faut s'attendre à une baisse des allocations. La seule mesure relative à l'emploi dans ce texte consiste à exonérer de charges les entreprises qui emploieraient des personnes de plus de cinquante-cinq ans, mais les niches sociales de ce genre ont démontré leur inefficacité. Il faudrait aussi se préoccuper de l'emploi des jeunes : un quart d'entre eux est au chômage, et l'âge moyen d'accès à un emploi stable est de vingt-sept ans.

La CGT n'est pas favorable à une réforme systémique des retraites. La répartition a toujours répondu aux besoins depuis la guerre, et c'est le système le mieux à même de le faire. Il a fallu quinze ans pour élaborer en Suède le système par comptes notionnels, qui ne répond pas à deux questions primordiales : à quel âge pourrai-je partir, et avec quelle pension ? Si l'on veut donner aux jeunes confiance en l'avenir, il faut leur fournir des réponses précises. Nous ne voulons pas voir un régime à cotisations définies se substituer à un régime à prestations définies. Cela ne signifie pas que nous soyons hostiles à une refonte de notre protection sociale.

La CGT souhaite la création d'une maison commune des régimes de retraites pour les rendre plus solidaires et définir un socle commun pour tous les salariés. Il faut revoir la notion de carrière complète en y intégrant les périodes de formation - il n'y a aucune raison que ceux qui étudient soient pénalisés - ou d'inactivité forcée. Quant à l'élargissement de l'assiette des cotisations aux revenus issus de l'intéressement et de la participation, la Cour des comptes considère qu'il permettrait de dégager 3 milliards d'euros, et l'UPA y est favorable.