Commission des affaires sociales

Réunion du 16 septembre 2010 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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  • carrière
  • pénibilité
  • âge

La réunion

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Debut de section - Permalien
Danièle Karniewicz, secrétaire nationale de la CFE-CGC

Le projet de loi voté à l'Assemblée nationale, dont vous connaissez le texte, ne nous paraît pas équilibré. Il est certes indispensable de jouer sur l'allongement de la durée d'activité mais, pour garantir l'équilibre des régimes à l'horizon 2020 et au-delà, il faut équilibrer les sources de financement. En l'état actuel du texte, ce n'est pas le cas. Les mesures d'âge ne rapportent que 19 milliards d'euros sur les 42 attendus à l'horizon 2020, dont le tiers grâce au passage de l'âge du taux plein à soixante-sept ans. La contribution de l'Etat pour la fonction publique n'est pas une recette, mais du déficit budgétaire. Selon la commission des finances de l'Assemblée nationale, il n'y a pas d'équilibre par régime pour les salariés du privé.

On ne peut compter essentiellement sur le travail pour financer la solidarité. Nous proposons donc une cotisation sociale assise sur la consommation, ce qui élargirait l'assiette du financement au-delà des seuls salariés, et ferait contribuer à la protection sociale les produits d'importation. L'équilibre, c'est aussi faire davantage contribuer les revenus du capital, et poser la question des exonérations de cotisations patronales, qui ont augmenté de 9,5 % par an entre 2005 et 2009. Dénoncé par la Cour des comptes, cet empilement d'exonérations n'a pas fait la preuve de son efficacité en termes d'emploi : dès lors, ne vaudrait-il pas mieux dédier ces sommes au financement de la protection sociale ?

Si nous voulons pérenniser notre système, chacun doit pouvoir connaître le niveau de sa future pension. Or, trente millions de Français l'ignorent, et voient ce niveau continuer à chuter... Il faudrait au moins stabiliser la baisse - ce que ne fait pas le projet de réforme. Si les fonctionnaires, et a fortiori les régimes spéciaux, bénéficient de garanties - avec le bémol de la non-prise en compte des primes - le seul garde-fou dans le privé concerne les salariés qui ont fait toute leur carrière au Smic ; pour les autres, le calcul est fonction du « profil de carrière ». Nous proposons donc de fixer un « bouclier retraite » garantissant que la pension ne pourra être inférieure à 50 % du salaire. Une telle mesure est sans doute politiquement difficile à expliquer aujourd'hui, mais offrirait une protection pour l'avenir et rassurerait les classes moyennes, qui sont inquiètes. Les engagements doivent être suivis de mesures concrètes. Nous ne demandons pas le même niveau de remplacement pour tous, mais au moins un seuil garanti.

Notre système est en train de changer : le socle du régime par répartition ne garantissant pas un revenu suffisant, une partie de la population est invitée à recourir à l'épargne-retraite. L'inquiétude vient de l'incertitude : il faut dire clairement, soit que l'on pérennise le système, avec un niveau de pension garanti, soit qu'il faut faire autrement. Nous ne demandons pas de priver de leurs avantages ceux qui en bénéficient, mais nous voulons instaurer un garde-fou pour les autres.

Nous souhaitons également la prise en compte des années d'études. La solidarité couvre l'éducation des enfants ou la maladie, mais pas cette période cruciale de la vie : c'est injuste. Pour les jeunes générations, l'impact serait considérable. Nous proposons donc de permettre aux étudiants de cotiser pour valider au moins la moitié de ces années d'étude, à condition qu'elles soient sanctionnées par un diplôme ; il faudrait a minima prendre en compte les périodes de stage. Le rapport que le Gouvernement doit adresser au Parlement, selon le projet de loi, ne sera remis que mi-2011... Il faut accélérer les choses, et rendre cette mesure rétroactive.

Debut de section - Permalien
Danièle Karniewicz, secrétaire nationale de la CFE-CGC

La durée d'assurance ne peut être indéfiniment calculée à la fois par annuités et en fonction de l'âge. Le critère de l'âge est plus lisible et évite de distinguer ceux qui ont commencé à cotiser tôt de ceux qui ont travaillé sans cotiser. Il faudra à un moment donné bloquer le compteur des annuités.

Actuellement, une femme qui perçoit une pension de réversion ne peut pas travailler, sauf à perdre ce revenu, alors qu'un salarié qui a une retraite confortable peut cumuler celle-ci avec une activité. Il faudrait ouvrir cette possibilité à ces femmes, qui ont souvent de très petites retraites. Certains articles du projet de loi traitent de l'égalité salariale entre hommes et femmes ; il faudra trouver des leviers pour les mettre en pratique.

Les fonctionnaires revendiquent de cotiser sur la totalité de leurs revenus, primes comprises, comme dans le privé. Or, le régime de la retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP) ne permet de cotiser que sur 20 % de ces primes.

Le sujet des polypensionnés est sensible car tous, en réalité, ne sont pas lésés. Il faut un travail approfondi pour garantir un traitement égalitaire et une certaine lisibilité.

La question de l'exposition aux risques professionnels pose celle de la prévention, qui suppose un suivi via un curriculum laboris, dossier médical qui suit le salarié tout au long de sa carrière. Enfin, je regrette que l'on tente de réorganiser la médecine du travail au détour de quelques articles d'un projet de loi réformant les retraites...

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Vous avez participé aux travaux du conseil d'orientation des retraites (Cor), et vous savez que l'échéance de 2012 a été avancée du fait de la crise. Il était urgent d'agir sur la durée de cotisation, l'âge légal de départ et les ressources nouvelles. Je prends acte de vos propositions en matière de financement ; elles pourront être discutées dans le cadre du projet de loi de financement et du projet de loi de finances. Notre Mecss a proposé certaines pistes. Il est urgent de poursuivre la réflexion avec les différents partenaires pour que les solutions soient effectives au plus vite.

Vous avez sûrement des propositions concrètes sur les retraites des femmes car la demande est forte. Tous les polypensionnés ne pâtissent pas de ce statut : avez-vous des éléments chiffrés en la matière ? Faut-il assouplir les règles de proratisation dans certains régimes ?

Enfin, ce texte est le premier à prendre en compte la pénibilité et à apporter une réparation immédiate. S'agissant de la prévention, on peut s'interroger sur le suivi des mesures que le Gouvernement s'apprête à prendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je partage votre inquiétude sur la pérennisation du système par répartition.

La prise en compte du congé maternité pour la retraite n'entrera en vigueur qu'à partir de janvier 2011 : la mesure ne concerne donc que les enfants à naître. Ne pensez-vous pas qu'il aurait fallu la rendre rétroactive, d'autant que la majoration de durée d'assurance (MDA) a été modifiée à la suite de la condamnation par la Cour de justice des communautés européennes ? Quant à l'obligation de négocier un accord pour l'égalité salariale dans l'entreprise, sous peine de pénalité, elle est repoussée à fin 2011...

La notion de « pénibilité » fait son apparition dans la loi, mais uniquement associée à une invalidité reconnue. Quand la maladie est reconnue, l'espérance de vie des travailleurs de l'amiante est de dix-huit mois. Attendre que les travailleurs soient à l'article de la mort pour leur accorder un départ à la retraite anticipé, c'est inacceptable ! Enfin, que pensez-vous de la commission pluridisciplinaire créée par l'Assemblée nationale, qui remet en cause la présomption d'imputabilité qui date du milieu du XIXe siècle ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Où en est l'alignement des retraites des femmes ? Le congé maternité ne doit pas être traité comme un congé maladie. Je partage votre souhait de prendre en compte les années d'études et les stages pour la retraite.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Nous connaissons vos positions et vos inquiétudes sur le financement de la réforme. Qualifieriez-vous d'injuste cette réforme qui est supportée à 85 % par les salariés, quand les exonérations fiscales et sociales atteignent 120 milliards d'euros ?

A vous entendre, les fonctions publiques seraient particulièrement avantagées... J'espère que tel n'est pas votre véritable sentiment. En portant le taux de cotisation des salariés des trois fonctions publiques de 7,85 % à 10,55 %, soit une hausse de 35 %, le Gouvernement pousse le bouchon très loin : c'est une pression intolérable sur le pouvoir d'achat des fonctionnaires, dont les salaires seront gelés jusqu'en 2013.

Enfin, diriez-vous que notre régime de retraite sera demain l'un des plus durs de l'Union européenne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Auteur d'une proposition de loi sur le sujet, je partage votre position sur les stages, qui sont souvent des emplois déguisés - situation amplifiée par le dernier décret qui autorise les stages hors cursus.

Si les médecins du travail qui détermineront le taux d'invalidité sont sous la responsabilité exclusive des entreprises, ne risque-t-on pas de ne jamais atteindre le seuil requis pour déterminer la pénibilité ? La mission d'information sur le mal-être au travail que j'ai présidée avait demandé une gestion plus paritaire de la médecine au travail ; ici, c'est le contraire.

Qu'adviendra-t-il du fonds de départ anticipé des travailleurs de l'amiante, qui ne prévoit pas de seuil d'invalidité ?

Pouvez-vous développer votre idée de cotisation sur la consommation, qui n'est pas sans m'inquiéter ? Enfin, comment intégrer dans le texte la notion de seuil minimal de retraite pour les salariés du privé ?

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Je partage également vos propos sur la prise en compte des stages et des années d'études.

Pourriez-vous préciser votre position sur le cumul d'une pension de réversion avec une activité rémunérée ?

Ne pensez-vous pas qu'il aurait fallu un texte spécifique pour définir la notion de pénibilité ? Les ouvertures apportées à l'Assemblée nationale sont limitées. Ainsi, c'est souvent après le départ en retraite qu'apparaissent les problèmes de santé liés par exemple au travail de nuit. Le texte ne prend pas davantage en compte les troubles musculo-squelettiques. Il faut donner de vrais moyens à la médecine du travail.

Nous sommes tous pour l'emploi des seniors, que nous vantait hier M. Wauquiez, mais les plus de cinquante ans sont aussi de plus en plus touchés par le chômage. Le tutorat est sans doute une bonne mesure, mais, n'en déplaise au ministre, on continue d'opposer employabilité des seniors et des jeunes.

Debut de section - Permalien
Danièle Karniewicz, secrétaire nationale de la CFE-CGC

Je pense que ce projet de loi sur les retraites n'était pas le bon texte pour traiter de la médecine du travail ; la pénibilité relève de la santé au travail, pas des retraites. Cet aspect de la réforme n'est pas optimal mais il me paraît difficile d'aller plus loin. Aux branches professionnelles d'évaluer l'exposition particulière, métier par métier... sans pour autant recréer de régimes spéciaux. L'essentiel est de préserver l'indépendance du médecin du travail.

Les comparaisons internationales montrent qu'il n'y a pas lieu d'opposer emploi des seniors et emploi des jeunes : soit les deux sont dynamiques, soit les deux sont à la peine, comme en France... Il faudrait des mécanismes plus incitatifs liant les aides aux entreprises et le maintien dans l'emploi.

Je suis d'accord pour qualifier bien des stages d'emplois déguisés.

La réforme ne me paraît pas injuste, monsieur Fischer. L'injustice serait de ne pas agir pour pérenniser notre système de retraites, et, partant, de laisser les plus faibles au bord de la route. Au-delà des sensibilités, l'enjeu est de trouver les ressources nécessaires pour équilibrer le régime, en assurant un niveau de pension décent.

Il y a des différences colossales entre privé et public. Nous ne souhaitons pas voir les fonctionnaires privés de leurs avantages, mais simplement que tout le monde s'y retrouve, y compris les salariés du privé. En portant le taux de cotisation des fonctionnaires à 10,55 %, on l'aligne sur celui des salariés du privé, sachant que ces derniers n'ont aucune garantie sur le niveau de leur future pension... Je sais qu'il est difficile d'étendre au privé le régime des fonctionnaires, mais fixons déjà un taux minimum de remplacement.

Monsieur Leclerc, je sais que l'on ne peut régler tout le financement dans ce texte-ci, mais affichons au moins une volonté en inscrivant un seuil dans la loi. A la loi de finances de trouver ensuite les moyens de le mettre en oeuvre.

Je ne pense pas que notre régime de retraite soit plus dur que dans d'autres pays européens ; au contraire, c'est l'un des meilleurs. Nos retraités sont bien protégés, même s'ils touchent de petites retraites. D'autres pays connaissent des situations bien plus catastrophiques. Il faut défendre notre système et faire des efforts : la solidarité doit entrer en jeu, mais on ne peut tout attendre d'elle. Il serait certes souhaitable que les mesures sur le congé maternité ou autres soient rétroactives, mais en avons-nous les moyens ? Il faut évaluer le coût de ces propositions.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

130 milliards d'euros d'exonérations de cotisations patronales.

Debut de section - Permalien
Danièle Karniewicz, secrétaire nationale de la CFE-CGC

Si l'on affecte cette somme aux retraites, je peux suggérer des pistes, mais sans recettes supplémentaire, on ne peut trop demander à la solidarité.

Le problème des pensions de réversion est celui des conditions de ressources. Sans supprimer celles-ci, on pourrait au moins s'aligner sur le cas de ceux qui cumulent un emploi avec une retraite. Actuellement, le revenu de réversion versé par la Cnav peut être réduit en fonction des revenus propres du bénéficiaire. Il faut réfléchir à des seuils. Reste que l'on ne peut pas accepter qu'une femme bénéficiant d'une pension de réversion ne puisse pas travailler.

Vous avez raison de dire que les accords relatifs à l'égalité salariale, qui existent depuis longtemps, ne sont pas appliqués. C'est pourquoi il faut aller plus loin, et instituer des pénalités, applicables dès l'entrée en vigueur du texte.

La cotisation sur la consommation ne doit pas, dans notre esprit, s'ajouter mais venir en remplacement des cotisations existantes. Il s'agit, dans un premier temps, de réduire les cotisations patronales, qui doivent se transformer en salaires et ce n'est qu'alors que peut intervenir une cotisation nouvelle sur la consommation, de l'ordre d'un point de TVA. Ce transfert sur la consommation vise à élargir l'assiette, donc les ressources de la protection sociale, mais ceci par un mécanisme de glissement, d'où la difficulté - on l'a vue avec la TVA réduite sur la restauration...

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

C'est à présent non plus à la secrétaire nationale de la CFE-CGC, mais à la présidente du conseil d'administration de la caisse nationale d'assurance vieillesse que nous allons adresser nos questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Ma première question porte sur l'équilibre : quand la Cnav y reviendra-t-elle, et sera-ce durable ? Une disposition du texte alimente la polémique : le report de soixante-cinq à soixante-sept ans de l'âge légal pour bénéficier d'une retraite à taux plein. Quelle sera l'incidence de ce report pour ceux qui n'ont pas eu la possibilité de cotiser le nombre d'années nécessaire ?

Le dispositif des carrières longues n'avait pas été très bien ciblé en 2003. Il doit être légèrement modifié. Quel est aujourd'hui son impact financier pour les années à venir et combien de personnes sont concernées ?

Pour les polypensionnés, un système de prorata des vingt-cinq meilleures années nous semble comporter des éléments défavorables. La Cnav a dû, je suppose, établir certains constats ?

Pouvez-vous nous en dire plus sur l'effet de la suppression de la majoration de pension pour conjoint à charge ?

Nous sommes attentifs aux dispositions liées à l'emploi des seniors, parmi lesquelles la retraite progressive, réputée d'accès difficile : ce dispositif peut-il être amélioré afin de le prolonger après sa venue à échéance ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Je m'inquiète de la retraite des femmes : comment les choses se passeront-elles d'ici quelques années ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

La question des retraites est liée, certes, à la démographie, mais aussi à la situation de l'emploi, en période de crise et au-delà. Ne peut-on craindre, vu la situation de la France, que le recul de l'âge légal de soixante à soixante-deux ans ait pour conséquence un transfert de charge de l'assurance vieillesse vers l'assurance chômage, avec, pour corollaire, une dégradation des situations individuelles, ou vers le RSA, soit une aggravation de charges pour les collectivités territoriales ?

Debut de section - Permalien
Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la Cnav

S'agissant de l'impact de la réforme sur l'équilibre de la Cnav, c'est, plutôt qu'aux projections du Cor, qui considèrent les branches dans leur ensemble, à celles de la commission des finances de l'Assemblée nationale que je me réfère, selon lesquelles l'adoption de l'ensemble des mesures envisagées devrait faire passer le déficit de la caisse de 18,8 milliards d'euros à 4 milliards annuels à l'horizon 2020, les mesures d'âge pesant pour 9 milliards, les autres mesures pour 6 milliards. En d'autres termes, si les recettes prévues arrivent, nous devrions avoir 15 milliards d'euros par an de financés, mais un déficit annuel persistant de 4 milliards. La Cnav ne serait donc pas équilibrée, pour ce qui la concerne. Le projet de loi prévoit d'ailleurs le dépôt d'un rapport sur d'éventuels redéploiements de ressources entre régimes.

Les travaux du Cor font apparaître, de surcroît, un report des déficits dans le temps. En pourcentage, la réduction du déficit proviendrait pour 61 % des mesures d'âge, pour 13 % de la taxation des hauts revenus, pour 10 % du transfert de cotisation Unedic vers la branche vieillesse et pour 16 % des entreprises - annualisation du calcul des allègements généraux, suppression de la quote-part sur les dividendes reçus par une société mère...

L'autre question, à laquelle nous n'avons pas aujourd'hui de réponse, est celle de la manière dont on réalisera l'équilibre entre les régimes de retraite. Je ne suis pas opposée à l'utilisation du fonds de réserve des retraites (FRR). Les mesures à venir produiront leur effet à l'horizon 2020, mais le problème demeure du stock de déficit, que viendra gonfler chaque année le déficit résiduel.

Le passage de soixante-cinq à soixante-sept ans pour le bénéfice de la retraite à taux plein compte pour un tiers dans les chiffres que j'ai cités pour les mesures d'âge. Le ministre, à l'Assemblée nationale, a présenté les statistiques. La disposition mérite sans doute discussion, mais il faut se garder de la présenter comme une mesure qui va léser les femmes, car elle ne pose à cet égard de problème que pour les années à venir. Le problème du manque d'annuités chez les femmes est en cours de résolution. Dans dix ans, elles auront, si l'on compte les majorations, dépassé les hommes. Parmi les femmes qui ne partent aujourd'hui qu'à soixante-cinq ans, on en trouve certes qui avaient besoin de compléter leurs annuités, mais on en trouve surtout qui s'étaient arrêtées de travailler depuis vingt ou vingt-cinq ans, donc par l'effet d'un choix. Ne nous hâtons pas, par conséquent, de tirer des conclusions. La vraie question qui se pose est celle de la transition. On a tendance à confondre, dans le débat, les effets de la transition, qu'il nous appartient de corriger, avec les effets de la réforme. Nous construisons un système pour demain : évitons les amalgames.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Vous dites que le rattrapage, pour les femmes, est en cours, mais croyez-vous qu'elles cesseront d'être les plus nombreuses à occuper des emplois précaires ?

Debut de section - Permalien
Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la Cnav

Il faut bien distinguer deux choses : d'une part, les conditions pour être admis au bénéfice de la retraite, qui sont les mêmes pour les femmes que pour les hommes, d'autre part, les types d'emplois. Il est bien évident que les petits salaires ne font pas les grosses retraites. Il existe cependant, dans notre système des solidarités, des mécanismes de compensation, d'autant plus nécessaires aujourd'hui que les évolutions sociales veulent que, de plus en plus souvent, les femmes ne vivent plus en couple leurs années de retraite.

J'en viens au coût des carrières longues. Deux nouvelles mesures viendront modifier le dispositif. La prise en compte du début d'activité à l'âge de dix-sept ans, pour un coût de 300 millions, et un lissage dans le temps, annoncé la semaine dernière, des effets de la mesure d'âge - un assuré né en 1955 qui prévoyait de partir à cinquante-six ans en 2011 ne se verrait contraint de reculer son départ que d'un trimestre au lieu d'un an et demi - pour un coût de 350 millions en 2018. J'insiste sur le fait que le dispositif après réforme ne permettra à personne de partir plus tôt qu'auparavant : il s'agit d'un simple lissage.

Sur la question des polypensionnés, nous n'avons pas de réponse toute faite. Il s'agit là d'un sujet très complexe. Il ne suffit pas de décider que l'on retiendra les vingt-cinq meilleures années sur toute la carrière car se pose ensuite la vraie question du choix des règles à appliquer : celles de quel régime retiendra-t-on ? La Cnav a mis en oeuvre la règle des vingt-cinq meilleures années pour la génération née en 1948, le RSI pour la génération née en 1953 : à laquelle de ces règles faire référence pour les polypensionnés ? Il faut une étude approfondie pour prendre en compte les différents parcours et les différentes législations et avoir une appréciation des coûts. Même problème pour la combinaison emploi public-emploi privé : il ne faudrait pas que le différentiel soit toujours pris en charge par le privé...

L'Assemblée nationale a prévu le remboursement des rachats de trimestres inutiles, avec un coefficient de revalorisation identique à celui des pensions de retraite. Mais rien n'est dit sur le nombre de trimestres à rembourser : leur remboursera-t-on l'intégralité, ou seulement la partie qui ne leur aura pas été utile ? Le rachat de trimestres concerne 9 000 assurés actifs du régime général, dont 3 300 ont racheté un nombre de trimestres inférieur ou égal au nombre nécessaire, et 5 700 un nombre de trimestres supérieur. Le coût du remboursement serait de 260 millions en cas de remboursement total, de l'ordre de 171 millions si n'étaient remboursés que les trimestres inutiles.

Le coût de la majoration pour conjoint à charge a été de 54 millions en 2009, pour 172 000 bénéficiaires. La suppression de l'avantage ne concerne que les futurs retraités. Sachant qu'il y a eu 12 200 bénéficiaires nouveaux en 2009, l'économie annuelle, sur le flux, serait de 3,4 millions.

Le dispositif de retraite progressive permet aux salariés d'au moins soixante ans d'arrêter leur activité en sifflet. Il n'a concerné, depuis sa création en 2006, que 2 500 personnes. Quelque 34 % des bénéficiaires ont une fraction de pension servie à 30 %, 43 % à 50 %, et 23 % à 70 %. La faiblesse de ces chiffres tient sans doute au fait que le décret d'application est sorti tardivement, que la mesure est peu connue et que la crainte demeure qu'elle puisse être remise en cause. A quoi s'ajoutent, je puis vous le dire d'expérience, les difficultés, pour le salarié, à négocier un accord, non seulement avec l'employeur, mais avec les équipes de travail.

Le recul de l'âge légal ne risque-t-il pas de transférer les coûts sur l'assurance chômage ? La question vaut d'être posée, et c'est pourquoi il nous faudra faire preuve de beaucoup de pédagogie sur un projet de société qui nous concerne tous, y compris les employeurs, dans les négociations d'entreprise... Pour l'heure, il faut tout mettre en oeuvre pour favoriser l'emploi des seniors, par des mesures incitatives.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Je retiens de votre intervention que, contrairement à ce qu'affirme le Gouvernement, la branche vieillesse ne parviendra pas à l'équilibre en 2018.

Debut de section - Permalien
Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la Cnav

La commission des finances de l'Assemblée nationale a présenté un bilan par régime. La Cnav conservera 4 milliards de déficit annuel à cette date.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Je crois comprendre que l'on envisage de puiser dans la caisse des régimes excédentaires ?...

Debut de section - Permalien
Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la Cnav

Il est inscrit dans le projet de loi que le Gouvernement présentera un rapport sur les rééquilibrages entre régimes. L'association générale des institutions de retraite des cadres et l'association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (Agirc-Arrco) pourraient être excédentaires, mais je ne pense pas que c'est ainsi que l'on parviendra à renflouer la Cnav...

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Jarraud-Vergnolle

Vous incluez dans les mesures d'économie le swap de cotisations de l'Unedic vers l'assurance vieillesse, mais si la situation économique ne s'arrange pas, l'Unedic aura-t-elle les moyens de supporter ce transfert ?

Debut de section - Permalien
Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la Cnav

Les hypothèses retenues sont optimistes et le transfert de cotisations de l'Unedic repose sur leur réalisation effective.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Connaissant déjà bien le texte du projet de loi initial, nous souhaiterions, monsieur le ministre, vous entendre sur le texte tel qu'il ressort des travaux de l'Assemblée nationale.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Notre système de retraites par répartition appartient au patrimoine social de la Nation : le Gouvernement entend le protéger et le conforter, en assurant la solidarité entre générations et intragénérationnelle. Cependant, les besoins de financement de nos régimes de protection sont tels que nous atteindrons, selon le Cor, un déficit de 42,3 milliards en 2018. Nous devions donc engager une réforme. Personne, au cours des débats à l'Assemblée nationale, n'a remis en cause cette nécessité.

La réforme que propose le Gouvernement apporte des solutions durables, justes, efficaces. Elle a été présentée à la Mecss le 16 juin dernier, jour même où le projet en a été rendu public.

Le recul de l'âge de la retraite de soixante à soixante-deux ans, qui est au coeur de l'économie de la réforme, n'a pas été mis en cause par l'Assemblée nationale. Il doit nous permettre de renouer avec l'équilibre dès 2018. Mais il doit aussi favoriser, et je regrette qu'il n'en ait pas été davantage question à l'Assemblée nationale, l'emploi des seniors, en montrant aux entreprises que les salariés peuvent être performants plus longtemps qu'elles ne le croient. Une étude de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) fait apparaître que l'image que se font les chefs d'entreprise évolue déjà : alors qu'ils considéraient, il y a quelques années, qu'un salarié était âgé à partir cinquante-cinq ans, ils retiennent aujourd'hui l'âge de cinquante-huit ans. Le recul de l'âge de la retraite doit nous aider à faire évoluer encore cette image.

Notre réforme est juste. Le dispositif rénové pour les carrières longues est sorti sans autre modification de l'Assemblée nationale que le lissage des seuils, issu d'une proposition du Gouvernement, tandis que les mesures relatives à la pénibilité, qui ont fait l'objet de longs débats, ont été modifiées par un amendement du Gouvernement ramenant le seuil d'incapacité de 20 % à 10 %. Le président de la commission des affaires sociales avait également déposé un amendement prévoyant que des accords de branche ou d'entreprise sur la pénibilité devront être signés, avec l'idée que l'on peut aménager les fins de carrière. Reste que sur ce sujet, la vraie réponse réside en amont, dans les conditions de travail, plutôt que dans la réparation. C'est pourquoi le Gouvernement a accepté l'amendement, sous réserve de l'adoption d'un sous-amendement visant à garantir que de tels aménagements ne sauraient prendre la forme de préretraites. Il a également accepté la création d'un fonds expérimental destiné à accompagner les initiatives des entreprises, tout en prévoyant que les entreprises finançant ce type d'initiatives n'auront pas à participer au financement de ce fonds mutualisé.

Au total, nous avons donc axé le dispositif sur les seuils d'incapacité, ce qui ne clôt pas, pour autant, le débat. Car c'est véritablement un nouveau droit social que nous avons ainsi créé, qui devra trouver son chemin dans les quinze années à venir.

Nous avons également travaillé à conforter tout ce qui relève de la solidarité dans notre régime par répartition. Ainsi l'intégration des indemnités journalières dans le salaire de référence pour les femmes. Nous avons fait en sorte que les mesures de convergence soient aussi justes et précises que possible, sans tomber dans le piège consistant à opposer secteur public et secteur privé. C'est une analyse objective qui nous a conduits à prévoir l'augmentation des cotisations du secteur public de près de trois points sur dix ans, et à fermer le droit au départ anticipé après quinze ans de services effectifs pour les parents de trois enfants, tout en préservant les droits des personnes qui sont à moins de cinq ans de l'âge de la retraite.

Il y a eu débat sur les mesures relatives aux recettes mais vous savez que le Gouvernement a choisi de cantonner les débats financiers aux projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale : c'est une exigence à laquelle j'étais moi-même très sensible comme ministre du budget. Il y aura, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, des mesures fléchées sur les retraites pour les entreprises et les ménages, qui permettront d'abonder de quelque 4 milliards par an les recettes du système.

Le bénéfice des mesures sur la pénibilité a été étendu aux salariés et non-salariés agricoles. Avant le passage devant l'Assemblée nationale, ces mesures devaient concerner 10 000 personnes par an ; elles en concerneront 30 000, auxquelles il convient d'ajouter les 90 000 salariés concernés par le dispositif des carrières longues, ainsi que les catégories dites actives de fonctionnaires, dont les avantages n'ont pas été remis en cause, et qui touchent 150 000 personnes par an.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Beaucoup auront donc la possibilité de partir plus tôt. En ramenant le seuil de 20 % à 10 %, nous prenons en compte la réalité de ce que vivent certains salariés : une caissière de supermarché atteinte de troubles musculo-squelettiques, un ouvrier de l'agroalimentaire obligé de tenir des postures pénibles vous seront quelques exemples d'une population très concrète de personnes nouvellement concernées par les mesures relatives à la pénibilité.

Ont également été introduites des mesures de prévention, à mettre prioritairement en avant. L'Assemblée nationale a intégré au texte une réforme de la médecine du travail qui est loin de constituer un cavalier. Le débat avec les organisations professionnelles, engagé depuis des années, ayant débouché sur un échec, nous avons introduit le sujet dans la loi pour élargir les missions des services de santé au travail et les compétences au sein des services. Les débats, sur cette question, ont été marqués par une certaine violence. On nous a reproché de mettre en cause l'indépendance des médecins du travail. Tout au contraire, nous avons introduit le paritarisme dans les conseils d'administration de la médecine du travail qui, loin de sortir démantelée de ce texte, se trouve confortée et placée au coeur du dispositif de prévention.

Georges Tron et moi-même avons souligné, devant l'Assemblée nationale, que la question des polypensionnés est loin d'être simple. Méfions-nous des fausses bonnes idées, telle que celle des vingt-cinq meilleures années quelle que soit la caisse. Car on se rend vite compte que l'on fait ainsi beaucoup de perdants : l'harmonisation fait parfois perdre bien des avantages. Si l'on observe les simulations par décile de revenu, on constate que les revenus les plus faibles sont les premiers pénalisés. Nous sommes donc convenus que le Gouvernement remettra un rapport au Parlement, signe qu'il n'entend pas enterrer le sujet. Le débat sur les polypensionnés public-privé soulève d'autres enjeux encore : on ne peut pas, d'un côté, défendre les six mois et, de l'autre, vouloir que tous les polypensionnés soient traités de la même manière. Nous avons déjà fait un pas, pour les années travaillées dans le secteur public, afin qu'elles soient comptabilisées non plus à partir de quinze ans mais dès deux ans.

Nous avons beaucoup discuté des injustices faites aux femmes. Nous avons montré que la population concernée par le passage de soixante-cinq à soixante-sept ans de l'âge de la retraite à taux plein ne correspondait pas au tableau que l'on en voit trop souvent faire. Nous avons pris des mesures pour les plus fragiles, car le problème tient moins à une question de nombre de trimestres qu'au niveau des salaires. A responsabilités égales, les femmes gagnent moins que les hommes, s'il est des scandales dans notre République, celui-là en est bien un ! Oui, nous avons six lois, qui ne sont pas bien appliquées, et c'est pourquoi nous avons proposé d'instituer une pénalité égale à 1 % de la masse salariale pour les entreprises qui n'auront pas signé d'accord sur la réduction des inégalités entre les hommes et les femmes.

Debut de section - Permalien
Georges Tron, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique

Je suis très heureux d'expliciter devant vous notre approche des retraites dans la fonction publique. Notre principe de base est de n'avoir à aucun moment une position dogmatique mais d'être guidés par l'équité dans une démarche pragmatique. Nous nous sommes demandé s'il était juste de maintenir chaque différence entre le public et le privé et nous avons répondu tantôt oui et tantôt non. Le texte que nous avons défendu devant l'Assemblée nationale n'a été modifié qu'à la marge pour l'un des trois dispositifs de convergence ; il n'a pas donné lieu à des débats passionnés : nous avons trouvé un point d'équilibre.

Premier principe, appliquer à la fonction publique les mêmes règles qu'au secteur privé avec le même calendrier, sans bouleverser les projets de vie des intéressés. Toutes les bornes d'âge et de durée de services ont bougé de deux ans. L'âge d'application de la décote sera également relevé progressivement de deux ans. Nous avons toutefois décidé de ne pas y soumettre les infirmières qui ont fait le choix d'entrer dans la catégorie A de la fonction publique moyennant un abandon de l'appartenance à la catégorie active de la fonction publique.

Nos choix ont été faits en appréciant la situation des comptes. Les conventions de calcul du Cor permettent d'évaluer le déficit de l'Etat lié au paiement des retraites. Ce déficit, 15,6 milliards aujourd'hui, atteindrait 21 milliards en 2020 et 35 milliards en 2050 en l'absence de réforme. Le solde de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) devrait rester positif jusqu'en 2015, puis les choses s'inverseraient, le déficit atteignant 13 milliards en 2050. Voilà le cadre dans lequel s'est inscrite la réflexion sur la convergence. Le taux de cotisation, d'abord. Il s'établit à 7,85 %. Une distinction avec le privé est-elle justifiée ? Cette question se pose d'autant plus que nous avons estimé qu'il n'était pas souhaitable de calculer la pension des fonctionnaires sur les vingt-cinq meilleures années dès lors que les montants des pensions sont comparables à ceux constatés dans le privé, en l'absence de prise en compte des primes. Nous nous sommes ensuite demandé s'il était juste d'avoir un coût d'acquisition différent pour des pensions comparables et avons décidé d'augmenter le niveau des cotisations, mais avec progressivité, sur dix ans, l'évolution naturelle du pouvoir d'achat absorbant les 0,26 point par an correspondant.

La règle d'une retraite à jouissance immédiate après quinze ans pour les femmes ayant eu trois enfants n'a pas d'équivalent dans le privé. Le Cor l'a bien montré, ce mécanisme est critiquable parce qu'il annihile les effets de la décote. En outre, la France a reçu des avertissements de la Commission européenne parce qu'il introduit une inégalité entre les hommes et les femmes et nous sommes sous la menace à ce sujet d'une saisine de la Cour de justice. Nous avons donc été amenés à l'ajuster et Eric Woerth a proposé à l'Assemblée nationale des amendements permettant une mise en oeuvre progressive, pour répondre à une inquiétude qui s'était exprimée à l'Assemblée nationale, notamment à la commission des finances. Cette différence n'était pas légitime, elle a été supprimée.

Voulant éviter toute forme de préjugé, nous avons travaillé concrètement en respectant le principe que toute baisse de pension était exclue. C'est pourquoi nous n'avons pas aligné le minimum garanti sur le minimum contributif, car cela aurait abouti à une diminution des pensions. Nous avons écarté les amendements en ce sens. En revanche, c'est le principe de convergence qui a prévalu pour les droits nouveaux, par exemple pour les polypensionnés. Nous avons proposé d'abaisser de quinze ans à deux ans la condition de fidélité pour obtenir une pension de la fonction publique. Derrière la technique, il y a bien une option politique, celle de ne pas baisser le niveau des pensions.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Vous venez de rappeler le principe de la répartition, l'inspiration de la réforme et les améliorations qui ont été apportées la semaine dernière. Certaines sont d'ordre législatif, d'autres d'ordre règlementaire. Comment alors en comprendre le fond et en mesurer l'impact financier ? Les dispositions sur la pénibilité concernent 30 000 personnes ; les carrières longues sont maintenues, étendues même à une classe d'âge, et vous avez complété le mécanisme par un lissage. Lors des auditions, on nous a demandé pourquoi le RSI n'était pas inclus dans le dispositif sur la pénibilité. Les dossiers d'invalidité seront étudiés par des commissions : y aura-t-il des disparités territoriales ? Le financement par les branches pose en outre problème en raison des marges limitées de certaines entreprises ; le 1 % au-delà de cinquante salariés en l'absence d'accord représente aussi un supplément de charges, ce que certains admettent difficilement. Enfin, la pénibilité, c'est la prévention, bien sûr, mais c'est aussi la réparation. Pourquoi le choix de la réparation des seules incapacités déjà constatées alors que certains facteurs font sentir leurs effets plus tard ?

Votre explication sur les polypensionnés est intéressante. Les situations décrites ne correspondent pas toujours à la réalité. Cependant, une proratisation dans le cadre de chaque régime nous semble plutôt défavorable et nous serons attentifs au rapport.

Il est difficile de mesurer l'impact financier du report à soixante-sept ans de l'âge du taux plein. Votre estimation va jusqu'en 2025. Les femmes sont-elles dans une situation plus défavorable ? Faut-il faire une différence entre les générations qui partent actuellement et celles qui arriveront à la retraite un peu plus tard avec des carrières plus complètes ?

Les militaires semblent exclus de la réduction de quinze à deux ans de la durée de services pour le droit à pension et cela est mal compris. Les retraites progressives nous tiennent à coeur. Lorsqu'il était ministre en charge de l'emploi, Gérard Larcher avait proposé un contrat à durée déterminée renouvelable deux fois. Les retraites progressives ne peuvent-elles devenir plus attractives ? Cela répondrait à un souhait des intéressés.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Projet sur les retraites, loi organique sur la dette sociale, projet de loi de finances (PLF) et projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), pour nous, l'ensemble des textes est lié et l'on ne peut examiner l'un sans examiner l'autre. Je regrette que nous n'ayons pas tous les éléments pour nous prononcer en toute connaissance de cause. L'on ne peut pas encore mesurer les conséquences de choix qui seront opérés dans le PLF ou le PLFSS. Je suis donc preneur d'informations sur le financement.

Le Gouvernement l'a très clairement affiché, la réforme rétablira l'équilibre de la branche vieillesse dans son ensemble à l'horizon 2018. Il n'en est pas de même pour le régime général et Danièle Karniewicz nous a annoncé tout à l'heure un delta de l'ordre de 4 milliards d'euros. Qu'y a-t-il derrière la mutualisation dont il est question dans l'article 1er bis introduit à l'Assemblée nationale ? Certains régimes se retrouveront avec des excédents dans lesquels il sera tentant de puiser. Le représentant de FO s'est ému qu'on envisage de prendre de l'argent dans les caisses de l'Agirc et de l'Arrco, qui sont gérées paritairement et de manière rigoureuse ; leurs ressortissants ont consenti des efforts significatifs que d'autres régimes n'ont pas demandés. J'aimerais recevoir quelques apaisements.

L'article 30 prévoit que le fonds de solidarité vieillesse (FSV) contribuera aux indemnités journalières. Or, ce fonds subit des effets de ciseau et quand tout va mal il va d'autant plus mal qu'il sert de variable d'ajustement. Je crains que le dispositif ne soit fragile.

Vous avez accepté la mensualisation des retraites. Il est question d'un paiement en début de mois. Président du conseil de surveillance de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), j'ai souvent été interpellé en ce sens, mais ce sera difficile à gérer du point de vue de la trésorerie.

Pour la pénibilité, on a prévu une mise à contribution des entreprises modulée selon les secteurs. J'aimerais comprendre comment cela marchera car certaines professions, les agriculteurs par exemple, ne peuvent répercuter les surcoûts : le prix du blé ne s'ajuste pas en fonction de celui du pétrole. Comment ce système fonctionnera-t-il et quelles réponses apporte-t-on quand la pénibilité se manifeste après le départ à la retraite ?

J'ai bien noté que la cotisation des salariés de la fonction publique allait augmenter progressivement. Qu'en est-il de la cotisation employeur de l'Etat, comparée à celle des entreprises ?

J'ai également relevé que les femmes nées à la fin des années soixante connaîtraient une situation comparable à celle des hommes en matière de durée de cotisation, mais il n'en va pas de même pour celles qui sont nées avant 1964. Des aménagements sont-ils possible pour elles en ce qui concerne le report de l'âge du taux plein ?

Je ne peux que me féliciter de l'annualisation des exonérations de cotisations - le Gouvernement l'avait refusée quand nous l'avions proposée l'an dernier, nous avions raison trop tôt... Le Premier président de la Cour des comptes a attiré récemment l'attention sur les 45 milliards d'euros de niches sociales. Ne peut-on aller plus loin dans leur remise en cause ? Reste qu'on a peu parlé d'une réforme systémique. Seriez-vous opposés à ce que l'on ouvre la réflexion, même si on ne peut échapper à une réforme paramétrique ? Des pays comme la Suède ont déjà effectué ce choix.

La CNRACL va connaître des déficits. Qu'adviendra-t-il de la surcompensation qui devait disparaître en 2012 et comment les collectivités accepteront-elles que ce ne soit pas le cas ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

La prévention constitue sans doute la meilleure réponse au vaste problème de la pénibilité. Des infirmières en soins palliatifs ou en soins intensifs vivent des situations intrinsèquement pénibles, du point de vue psychique, quoique non invalidantes. Il y a confusion entre invalidité et pénibilité. Qui plus est, on ne la reconnaît que pour certaines catégories : qu'en est-il des infirmières travaillant dans le privé ?

Les représentants des personnes handicapées attendent des réponses sur la perte de leur pension d'invalidité au moment de leur départ en retraite, ce qui a un impact encore plus fort pour les femmes. On espère des réponses précises sur leur sort.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Une réflexion sur la philosophie générale de ce texte : vous invoquez des comparaisons avec l'étranger ; votre réforme est pourtant l'une des plus brutales parce que vous conjuguez mesure d'âge et durée de cotisation, le rythme de la mise en oeuvre est rapide et le niveau actuel des retraites est assez bas. Vous avez souhaité, malgré la crise, limiter l'apport de recettes. Dès lors, ne va-t-on pas inéluctablement vers une baisse des pensions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Blanc

Aux facteurs que vous venez de citer, il faudrait ajouter celui-ci : on n'a rien fait depuis le Livre blanc de Michel Rocard...

J'ai cru comprendre qu'il y aurait un amendement sur les travailleurs handicapés. Qu'ils soient dans un établissement adapté et subissent un vieillissement précoce ou que leur employabilité ait été reconnue mais avec une diminution de leur capacité de travail, il serait inutile de les intégrer dans le dispositif sur la pénibilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Nos collègues ayant brossé le tableau des retraites, j'insisterai sur la pénibilité. Si, à l'Assemblée nationale, vous n'avez pas voulu revenir sur le noyau dur de la réforme, il y a eu des ouvertures sur la pénibilité. Il faudra toutefois aller plus loin. En Bretagne, les troubles musculo-squelettiques (TMS) sont particulièrement importants dans l'agroalimentaire. La mesure annoncée sera insuffisante, notamment en raison du couplage avec le travail de nuit. N'a-ton pas souligné que ce dernier avait des effets permanents et invalidants longtemps après la fin de la vie professionnelle ? Enfin, les salariés sont exposés à des produits cancérigènes avec des conséquences tardives. S'agissant de la prévention, il faudra rétablir l'indépendance de la médecine du travail. Les maladies professionnelles auraient mérité une grande loi de santé publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Une réforme juste, durable et efficace, dites-vous...

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

En effet.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

L'injustice est pourtant flagrante quand 85 % du financement pèsent sur les salariés et que les profits des entreprises du Cac 40 ont augmenté de 85 %. On pourrait rééquilibrer les ressources. Vous ne favorisez pas le système par répartition quand vous envisagez l'épargne salariale et la question d'Alain Vasselle sur une réforme systémique attise mon inquiétude. Où est l'efficacité de la réforme quand la présidente de la Cnav annonce 4 milliards d'euros de déficit en 2018 ? Il faudrait revoir votre copie !

Quant à l'embauche des seniors, Laurent Wauquiez nous disait hier qu'il serait criminel de les opposer aux jeunes. Les mesures d'incitation à l'embauche ne sont-elles pourtant pas humiliantes pour des gens qu'on licencie précisément parce qu'ils sont des seniors ? Xavier Bertrand et Xavier Darcos l'avaient promis juré, il y aurait des textes sur la pénibilité et la médecine du travail. Sauf que les négociations patinent depuis trois et cinq ans du fait du Medef, dont vous reprenez les propositions. Les amendements du Gouvernement ne sont respectueux ni du texte sur le dialogue social ni des partenaires sociaux eux-mêmes.

Ce n'est pas en ne prenant en compte que les congés maternité à venir que l'on résorbera la différence de pensions au détriment des femmes. Celles qui rentrent actuellement sur le marché du travail cotiseront au même niveau que les hommes mais les générations précédentes resteront pénalisées. Une mesure rétroactive apparaît souhaitable.

Pourquoi proposer de retarder d'un an l'obligation d'accord sur l'égalité salariale initialement fixée à 2010 ? Nous réclamions une pénalité financière et le fait que le projet de loi y procède marque une avancée, mais une demi-avancée. En ce qui concerne le départ anticipé des parents de trois enfants, vous avez parlé d'une mesure contrainte : il est toujours étonnant que vous ne vous empressiez de répondre aux injonctions de la Cour européenne qu'aux dépens des femmes. Vous parliez pourtant d'un scandale !

Au total, le texte souffre d'une trop forte collusion entre le Gouvernement, le Medef et ce monde de la finance que les 230 milliards d'euros des cotisations retraite intéressent tant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

J'appuie la question du rapporteur : pourquoi les indépendants ne sont-ils pas éligibles au dispositif sur la pénibilité ? A l'occasion de la mission sur le mal-être au travail, je vous ai interrogé sur une gestion paritaire de la médecine du travail. Vous m'avez répondu que vous l'envisagiez...

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Nous l'avons fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

et qu'il ne fallait pas porter atteinte à l'indépendance de la médecine du travail. Vous avez fait un petit effort sur le paritarisme, mais au niveau interprofessionnel alors que le problème se situe au niveau de l'entreprise. Il n'y a aucune répercussion du niveau interprofessionnel : la solution, c'est la proximité.

Pouvez-vous lever l'ambiguïté de l'article 25 quater qui prévoit que les missions des services de santé au travail sont exercées par les médecins « en lien » avec les employeurs, ce qui laisse entendre un rapport de subordination. N'est-ce pas contradictoire avec ce que vous disiez sur la médecine du travail et son indépendance ? Si l'on ne veut pas que la médecine du travail soit celle de l'employeur, il faut dissiper le doute. On voit trop ce que cela donnerait sur la mise en oeuvre du dispositif sur la pénibilité : un toilettage très profond s'impose.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Georges Tron peut-il nous expliquer pourquoi on conserve à la fonction publique les catégories actives qui jouissent du privilège de partir à la retraite avant soixante ans aujourd'hui, soixante-deux ans demain ? Sont-elles plus pénibles que certains métiers du privé ?

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Je répondrai d'abord sur l'impact financier des principales mesures. Financé par la branche AT-MP, le passage des 20 % à 10 % d'incapacité représente 300 millions. Le lissage des carrières longues est d'ordre règlementaire. Une personne née en 1953 aurait été décalée d'un an, elle ne le sera finalement que de quatre mois. Le coût cumulé est ici de 320 millions. Les 40 millions de la pénibilité pour les agriculteurs sont pris en charge par la branche AT-MP. La mesure sur les titulaires sans droits n'a pas de coût, c'est un transfert entre régimes. Celui de la mesure excluant les fonctionnaires à cinq ans de la retraite de la modification du dispositif de départ anticipé des parents de trois enfants est de 2 milliards en cumulé. Il n'y a pas de branche AT-MP pour les indépendants, comme il y en a une pour les agriculteurs, ce qui empêchait de mettre en place le dispositif sur la pénibilité. Nous avons donc renvoyé à un rapport car il faut s'organiser.

Certes, les entreprises appréhendent les nouvelles mesures sur la pénibilité mais celles-ci représentent à terme des économies. Tout le monde y gagne, les salariés et les entreprises. C'est dans les entreprises que l'on peut mesurer au plus près la pénibilité des fonctions. De grandes sociétés le font. L'on cite toujours Rhodia mais il y en a d'autres, comme Alstom. Penser les fins de carrière suppose des aménagements pour être mieux payé en travaillant moins. Le fonds public, dont le PLF fixera le montant, y incitera. Quant à la pénalité de 1 % de la masse salariale, ce taux apparaît déjà dans plusieurs textes. Est-ce énorme ? Ce repoussoir est fait pour ne pas servir. Nous n'avons pas envie que les entreprises le paient, mais qu'elles se mettent en conformité sur des sujets aussi emblématiques pour le pacte social et la productivité.

Nous aurons le débat sur la pénibilité immédiate ou différée, il est légitime. Nous avons souhaité que le dispositif soit rapidement opérationnel. Nous avons accepté de rentrer dans le débat en considérant qu'il s'agissait d'un nouveau droit social. Nous n'avons pas de traçabilité pour la pénibilité différée mais le comité scientifique inscrit dans le projet de loi n'est pas prévu pour la décoration : il devra travailler cette question. Il y a la traçabilité des entreprises par lesquelles le salarié est passé, puis celle de ses fonctions. Or, on peut l'avoir pour le travail de nuit, mais souvent pas pour le reste. Le droit que l'on donne à certains salariés représente un très bel avantage, il faut que ce soit juste et que les critères soient objectivés si l'on ne veut pas qu'on nous demande pourquoi celui-ci y a droit et pas celui-là. Dans la tranche allant de 20 % à 10 % d'incapacité, les commissions considèreront le parcours professionnel, elles feront le point sur des critères objectifs afin que le système ne devienne pas extrêmement injuste comme cela a été le cas pour les carrières longues. On garde le dispositif amiante...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata) est maintenu ?

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Bien sûr ! Nous discuterons au sujet des polypensionnés. L'impact financier du passage de l'âge du taux plein de soixante-cinq à soixante-sept ans est très important. L'équilibre financier, c'est la viabilité du système social et il faut être à l'équilibre dans un système donné. Le passage de soixante-cinq à soixante-sept ans représente un tiers du financement à l'horizon 2025 et un quart en 2020. En effet, en 2025, plus de gens auront suivi des études longues et la décote complètera l'effet de la mesure. Un lissage entre soixante-cinq et soixante-sept ans aurait très peu d'impact en raison du minimum garanti.

Alain Vasselle dit qu'il n'a pas tous les textes. Cela ne vous empêche pas d'appréhender la cohérence globale, monsieur le rapporteur général, d'autant que vous avez beaucoup d'informations... Il importe de donner aux textes financiers une cohérence complète. L'on retrouvera les recettes directes ou indirectes in extenso dans le PLF et le PLFSS.

Non, madame David, nous n'attaquons pas la répartition, nous la sauvegardons et quand 95 % du système français est public, il ne faut pas le regarder au travers du prisme des 5 %. Nous n'avions pas inscrit l'épargne-retraite dans le projet, ce sont les députés qui l'ont fait. Cependant pourquoi l'épargne-retraite serait-elle bonne seulement quand les partenaires sociaux la gèrent comme c'est le cas avec la Préfon ? Le Gouvernement entend consolider et équilibrer la répartition. C'est plus compliqué régime par régime. La Cnav sera en déficit. A vrai dire, tout le monde sera en déficit jusqu'en 2014, puis certains retrouveront un peu d'oxygène. Franchissons les étapes les unes après les autres. Il n'est pas choquant de constater que l'Agirc et l'Arrco ont d'importantes réserves. Mettons les choses sur la table : les mesures d'âge profitent bien à l'Agirc et à l'Arrco, même si c'est le Gouvernement qui assume la responsabilité politique de la réforme. Un dialogue doit avoir lieu. Quant aux transferts des cotisations, le swap figurera dans les textes financiers. Tout cela est logique et l'Unedic reviendra assez vite à l'équilibre, comme le FSV d'ailleurs : on ne va pas condamner la France à 10 % de chômage perpétuel... Contrairement au parti socialiste, nous avons retenu des hypothèses raisonnables.

La mensualisation ne concerne pas l'Acoss mais l'Agirc et l'Arrco. Le salarié aura un choix à faire, sur lequel il ne pourra plus revenir. Xavier Bertrand a proposé de payer les pensions plus tôt dans le mois, ce qui est affaire de trésorerie. Un rapport précisera les choses en 2011.

Je l'ai dit, le projet ne prend pas en compte les effets de la pénibilité apparaissant après la retraite mais le comité scientifique va travailler. Si vous avez été exposé à des facteurs spécifiques, cela est vérifiable, et quand cette exposition crée un risque presque certain d'usure physique, la question de la pénibilité peut se poser.

Je ne reviens pas sur l'annualisation des charges. Le Cor a envisagé une réforme systémique à la demande du Sénat et il n'y a pas de raison de fermer le débat. Mais l'envisager dans ce texte aurait fragilisé la réforme en suscitant une inquiétude pour l'avenir : le sujet de l'heure est de sauver le système par répartition. Au demeurant, si ce texte ne déroule pas le tapis rouge du systémique, il n'est pas seulement paramétrique.

Nous allons continuer la réflexion sur les travailleurs handicapés. Nous sommes prêts à faire évoluer les choses. Le Président de la République a reçu les représentants des associations et fixé des objectifs. Pour répondre à Paul Blanc, je rappelle que handicap et pénibilité sont deux sujets différents et que l'on n'est pas ici dans les processus globaux d'invalidité.

Sur les risques psychiques, le problème concerne d'abord l'organisation du travail et, contrairement aux troubles musculo-squelettiques, la réponse n'est pas dans la retraite mais dans l'entreprise : le risque de suicide existe à quarante-deux ans, il n'attend pas soixante ans.

Les retraites des Français augmentent moins que les salaires - c'est le fruit de la réforme de 1993 -, mais elles progressent. Je conteste que la réforme soit dure. Elle est ambitieuse. Cependant, l'ouverture des droits à taux plein intervient à soixante-deux ans et non à soixante-cinq. Voilà longtemps que la société française n'avait pas évolué là-dessus. Rares sont les pays où l'on ouvre des droits à la retraite à taux plein à soixante-deux ans. La France est le deuxième pays en termes de pourcentage du Pib consacré à la retraite.

Monsieur Godefroy, je conteste votre analyse sur la médecine du travail, mais je partage votre objectif. Qu'un médecin du travail, salarié, exerce son travail « en lien » avec son employeur, ce n'est pas choquant : l'employeur n'est pas l'ennemi de l'employé. Déontologiquement, le médecin est parfaitement indépendant et des amendements ont été apportés à l'Assemblée nationale pour lever toute ambiguïté dans la rédaction. Le texte renforce le paritarisme dans la santé au travail : le conseil d'administration, certes présidé par l'employeur, comptera davantage de représentants des partenaires sociaux.

Réforme juste, injuste ? Le système de retraite concerne les salariés et ceux qui relèvent des différents régimes de retraite. On est dans la répartition ou pas ! Ne vous en déplaise, dans ce système, ce sont les actifs qui payent la retraite des retraités.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Que faites-vous de la répartition des richesses ?

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

C'est un débat fiscal ; restons-en au débat sur les retraites ! Nous faisons appel à la solidarité pour financer ce qui est de son ressort. On ne peut, d'un côté, invoquer le Conseil national de la Résistance et les grands principes, et, de l'autre, souhaiter une répartition à sens unique ! L'allongement de l'espérance de vie bénéficie à tous. Il faut prendre en compte dans la répartition le ratio entre temps passé au travail et temps passé à la retraite. Notre vision n'est pas purement comptable : solidarité et pénibilité entrent en compte. Mais lorsque l'on vivra jusqu'à cent vingt ans, prônerez-vous encore la retraite à soixante ans ? Qui paiera ?

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Personne ne rit. Il est logique de décaler l'âge de départ à la retraite en fonction de l'allongement de l'espérance de vie, si l'on veut sauvegarder le système par répartition. Si vous voulez pouvoir partir à votre gré, alors il faut opter pour un système par capitalisation ! Ce n'est pas la logique du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Georges Tron, secrétaire d'État

C'est un vrai débat politique. Nous défendons tous la retraite par répartition.

Les militaires ont un statut particulier, selon qu'ils sont militaires engagés, sous contrat de quatre ou cinq ans, ou militaires de carrière, qui restent plus de quinze ans. Le principe du titulaire sans droits vise à éviter le coût des transferts de dossiers. Il est logique que le pensionné soit payé par la caisse à laquelle il a été affilié. Faire bénéficier les militaires engagés pour une courte durée d'une mesure de jouissance immédiate serait source de grande complexité au ministère de la défense et contraire à l'esprit de la réforme.

Monsieur Vasselle, la contribution financière de l'Etat est détaillée dans le « jaune » sur les pensions de retraite de la fonction publique. La cotisation de 7,85 % prélevée sur les fonctionnaires représente un produit de 5 milliards d'euros pour l'Etat ; la contribution de l'Etat est un solde, puisqu'il paye le montant total des retraites des fonctionnaires. Le taux de cotisation employeur de l'Etat est ainsi évalué à 62 % pour la fonction publique de l'Etat, à comparer aux 27 % de la CNRACL et aux 16 % du secteur privé...

Selon les calculs du Cor, entre 2000 et 2010, l'apport de l'Etat est évalué à 15,6 milliards, somme inscrite dans le budget au titre des dépenses, dans le compte d'affection spéciale au titre des recettes. Avec une augmentation de 2 milliards d'euros par an pour la fonction publique de l'Etat, il fallait augmenter le taux de cotisation, harmonisé à 10,55 %.

Selon le Cor, le retournement de la CNRACL serait intervenu en 2015, avec un lourd déficit à l'horizon 2050. Le mécanisme de surcompensation s'éteindra en 2012.

Madame David, le dispositif de départ anticipé des parents de trois enfants a été censuré par la Cour de Justice car il profitait uniquement aux femmes. Nous avons tenu compte des réserves de la Cour lors de la réforme de 2003 et rajouté une condition d'interruption du travail de deux mois. Cette version est également contestée par la Commission européenne au motif qu'elle maintient la discrimination. Difficile de ne pas tenir compte de cette injonction, d'autant qu'une saisine de la Cour de Justice risquerait de remettre en cause la bonification pour enfants en général ! Le scénario retenu a été d'exonérer ceux dont les droits à la retraite sont déjà ouverts ; un amendement du Gouvernement préserve entièrement la situation de ceux qui sont à cinq ans de l'âge de la retraite.

La « catégorie active » reconnaît la spécificité de certains métiers de la fonction publique, comme policier ou gardien de prison, sans équivalent dans le privé. En revanche, quand le métier existe dans le privé, nous sommes favorables à une évolution statutaire. Aujourd'hui, 58 % des infirmières du public qui font jouer le dispositif « quinze ans-trois enfants » rentrent dans le privé, une fois retraitées du service public, pour y exercer le même métier. D'où le droit d'option : les infirmières pourront choisir d'intégrer la catégorie A, avec les avantages afférents, mais abandonneront en contrepartie la catégorie active, qui concerne aujourd'hui les deux tiers des fonctionnaires de la fonction publique hospitalière.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Blanc

Cela concerne-t-il aussi les infirmières qui passent du secteur public au secteur libéral?

Debut de section - Permalien
Georges Tron, secrétaire d'Etat

C'est la même chose que pour le privé. Elles sont 10 % à 15 % à opter pour le libéral.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Raude, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

directeur du service des retraites de l'Etat au ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. - La réforme de l'ancien service des pensions, devenu service des retraites de l'Etat, prend sa source dans une décision, fin 2007, du conseil de modernisation des politiques publiques. Le décret du 26 août 2009 a créé un service à compétence nationale, intégré dans la direction générale des finances publiques.

Précédemment, les dossiers des fonctionnaires civils et militaires et des magistrats étaient préparés dans les ministères employeurs, puis transmis pour liquidation au service des pensions. Le paiement était mis en oeuvre par le réseau, auparavant des trésoreries générales, à présent des directions régionales des finances publiques. Il y avait dans le passé deux ruptures de charge et nous avons recherché une meilleure fluidité, afin de dégager des gains de productivité et améliorer le service rendu aux usagers. La réforme sera achevée lorsque tous les comptes individuels de retraite (Cir) seront complets. Ceux-ci ont été créés en application de la loi de 2003 : ils sont indispensables pour rendre effectif le droit à l'information sur la retraite. Chaque compte doit être créé, alimenté, complété rétroactivement. La moitié des deux millions deux cent mille comptes a été traitée. Le comité de coordination stratégique, interministériel, instauré par le décret de 2009, pilote et suit l'avancement de ce long chantier, lequel doit être terminé fin 2012. Il sera alors possible de consulter les carrières complètes et de procéder à des simulations en ligne. Les services qui, actuellement, reconstituent les carrières n'auront plus lieu d'être, ce qui représente mille deux cents agents, dont neuf cents dans les ministères employeurs.

Le réseau chargé du paiement relève de la direction générale des finances publiques. Il sera reconfiguré et les vingt-neuf centres réduits à onze pour la France métropolitaine. Nous allons vers une meilleure professionnalisation. Deux centres d'appels ouvriront à la fin de l'année, à Rennes et à Bordeaux, pour l'ensemble du territoire. L'accueil sera ainsi réformé et les usagers auront à disposition un numéro de téléphone et une adresse de messagerie uniques. Le centre de Rennes commencera son activité fin 2010 ou début 2011.

Quant à la réforme des retraites, les mesures inscrites dans le texte nous contraignent à revoir un certain nombre de systèmes d'information : un travail considérable nous attend donc ces prochains mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Nous avons entendu des demandes récurrentes, hier encore à l'Assemblée nationale, pour que soit créée une caisse autonome de retraite des fonctionnaires : pourquoi avoir mis en place un service et non une caisse comme on l'a fait pour les régimes spéciaux lorsque ceux-ci ont été réformés, dans une logique de la transparence et de la fluidité ?

Le projet de loi entraîne des obligations précises pour vos services : reconstitution des carrières, entretiens, en particulier point d'étape à quarante-cinq ans pour évaluer la future retraite. Comment ferez-vous face, avec onze centres régionaux et deux centres d'appel ? Enfin, comment les polypensionnés obtiendront-ils des renseignements par l'intermédiaire du Gip Info-retraite ?

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Raude, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

Caisse ou service, le conseil de modernisation des politiques publiques ne se prononçait pas et ce sont les discussions ultérieures qui ont orienté le choix : il est apparu qu'il fallait surtout revoir les processus. En outre, la transformation immédiate en caisse eût été difficile en raison du morcellement. La réforme a été menée dans le cadre de la RGPP. Quant à la transparence, avant l'ère de la Lolf, les pensions de l'Etat étaient difficiles à cerner, éparpillées dans les budgets des différents ministères. Mais l'article 21 de la loi organique a créé un compte d'affectation spéciale retraçant l'ensemble des dépenses et des recettes. Les indicateurs fournissent une mesure de performance ; on connaît la contribution de l'employeur aux cotisations puisqu'elle est fixée par décret ; et la trésorerie est gérée avec l'ensemble de la trésorerie de l'Etat, de façon efficiente. Les coûts de gestion administrative du régime apparaissent dans les documents budgétaires. Bref, ce régime n'a pas la personnalité juridique mais il a toutes les composantes d'une caisse. La seule différence est que les partenaires sociaux ne sont pas associés à la gestion.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Quelles sont les répercussions du projet de loi sur vos services ? Quelles conséquences financières auront les mesures d'âge, l'augmentation du taux de cotisation, la réforme du minimum garanti, la fin du dispositif de départ anticipé pour les parents de trois enfants ? Avec le recul de soixante-cinq à soixante-sept de la limite d'âge, sait-on qui part à la limite et qui avant, qui avec toutes ses annuités et qui sans taux plein ? Les parents de trois enfants ont-ils anticipé l'adoption du texte en déposant plus de demandes de départ anticipé ? Quelles sont les conséquences des amendements adoptés à l'Assemblée nationale ? Enfin, sur le droit individuel à l'information, que répondre au médiateur de la République lorsqu'il soulève le risque d'écart sensible entre estimation et liquidation effective ? A partir de quand la décision de partir est, dans votre processus administratif, irréversible ?

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Raude, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

Les mesures touchant les retraites de la fonction publique produiront 2,2 milliards d'euros d'économies en 2015, 3,7 milliards en 2018 et 4,8 en 2020. Le recul des âges de la retraite représentera alors 2,6 milliards, la hausse du taux de cotisation 1,5 milliard, le minimum garanti 0,3 et les dispositions applicables aux parents de trois enfants, 0,4. L'amendement conservant aux parents qui ont aujourd'hui plus de cinquante-cinq ans le bénéfice des anciennes mesures ne change pas grand-chose aux estimations.

En 2003, l'adoption de mesures sur le départ anticipé a suscité quelques milliers de départs supplémentaires avant la modification législative. Aujourd'hui, la moitié des départs anticipés concerne des personnes de plus de cinquante-cinq ans. Celles-là n'ont pas de raison de modifier leur comportement. Les moins de cinquante-cinq ans décideront-ils en plus grand nombre de partir ? Je ne crois pas que le phénomène sera de grande ampleur. Nous avons questionné à ce sujet le ministère de l'éducation nationale, qui compte la moitié des effectifs des fonctionnaires, afin d'avoir quelque idée sur cette question. En 2009, il y a eu - de juin à août - deux cent quatre-vingts demandes ; cet été, sept cent quinze. Une augmentation, certes, mais sans « déformation de la structure », disent les statisticiens. On retrouve la même répartition : pour moitié des moins de cinquante-cinq ans, pour moitié des plus de cinquante-cinq ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

L'évolution entre 2009 et 2010 serait-elle également due aux « papy-boomers » ?

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Raude, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

Pas de façon significative.

La mesure abaissant de quinze à deux le nombre des années de service pour ouvrir droit à la retraite des fonctionnaires est une mesure de simplification tant pour l'usager que pour les relations entre régimes. Cela concerne les civils. Nous avons actuellement trois mille affiliations rétroactives par an, pour la population qui a moins de quinze ans de service ; six cents concernent des fonctionnaires ayant moins de deux ans de service. Nous aurons donc demain six cents dossiers à traiter. Pour les deux mille quatre cents autres, la vie sera simplifiée. Quant à l'effet financier, il est décalé dans le temps et n'apparaît pas dans les schémas.

Après la loi de 2003, nous avons traité les appels des usagers, à leur satisfaction semble-t-il. Lors de la dernière campagne nous avons eu quarante-cinq mille contacts ; nous sommes organisés pour le faire, nous ferons face.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Raude, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

Nous avons traité l'an dernier environ deux cent mille demandes de relevé individuel et d'estimation globale. Il est vrai que le point d'étape à quarante-cinq ans puis tous les cinq ans - ou à tout autre moment... - dépassera la simple demande de renseignements. Les questions seront précises, techniques. Les agents qui répondront devront bien connaître le code des pensions civiles et militaires. Nous répondrons à tous ceux qui nous contacteront. Mais l'entretien sera nécessairement téléphonique, cela n'est pas possible autrement. Aujourd'hui déjà, tout fonctionnaire peut demander un point sur le déroulement de sa carrière. Quelles questions nous posera-t-il sur sa retraite ? Nous menons une enquête pour cerner les attentes, à l'issue de quoi nous nous organiserons.

Debut de section - Permalien
Philippe Fertier-Pottier, chef du département des retraites et de l'accueil du service des retraites de l'Etat

L'information donnée par les gestionnaires des dossiers de retraite, en l'état actuel du droit, sera indicative et non contractuelle. Je vous renvoie au code de la sécurité sociale. Tout renseignement, toute simulation seront communiqués à titre indicatif. Les sociétés de conseil privées, spécialisées sur les retraites, se dégagent pareillement de toute responsabilité en ce domaine.

Le code des pensions précise que la radiation des cadres n'a pas une valeur définitive. C'est l'acte de concession, autrement dit la liquidation de la pension, qui compte - lorsque l'on s'est assuré que toutes les conditions de la liquidation sont réunies. Je veux ajouter, à propos de l'intervention du médiateur de la République, qu'il est très difficile de réintégrer une personne après coup...

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Raude, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

Le risque d'erreur sera faible dans l'avenir puisque nous disposerons des informations complètes.

En 2009, sur soixante-huit mille pensions nouvelles, six mille émanaient d'agents à la limite d'âge ou au-delà. Les catégories actives étaient sur-représentées, 40 %, alors qu'elles constituent 25 % du total des effectifs. Et 85 % des agents avaient atteint le taux plein ; 15 % arrivaient à la limite d'âge sans avoir acquis l'ensemble de leurs droits.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Pourquoi n'aligne-t-on pas les âges de départ des fonctionnaires de l'Etat appartenant aux catégories actives, sur l'âge de droit commun ? M. Tron nous a parlé des métiers sans équivalent dans le privé, policiers, gendarmes, mais au nom de quoi un fonctionnaire de DDE ne part pas à la retraite au même âge que l'employé municipal ou le salarié d'une entreprise privée qui effectue sensiblement les mêmes tâches ? Il en va de même pour les infirmières. Est-ce pour une raison financière ? Y a-t-il d'autres motifs ?

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Raude, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

Je ne puis aller au-delà de ce qu'a répondu le ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Je formule autrement ma question afin que vous puissiez y répondre. Quelles économies pourrait-on dégager pour le budget de l'Etat si l'on alignait public et privé sur ce point ?

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Raude, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

Je n'ai pas eu à effectuer une telle estimation mais je tenterai d'apprécier ce que représenterait, financièrement, un alignement complet de 25 % des fonctionnaires de l'Etat sur le régime général.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

J'en viens à deux articles nouveaux. L'un impose aux services administratifs d'avertir avant fin 2010 les fonctionnaires parents de trois enfants du changement des règles les concernant. L'autre annonce un rapport avant le 15 octobre 2010, ce qui paraît un peu bref puisque le projet de loi ne sera pas adopté à cette date, sur les modalités de versement des pensions dès le premier jour du mois.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Raude, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

Le deuxième article ne nous concerne pas : c'est dans le régime général que les pensions sont versées le 8 du mois pour le mois précédent ; nos pensions sont versées le 23, le 25 ou le 27 pour le mois en cours. Nous faisons mieux que le 1er du mois...

Debut de section - Permalien
Philippe Fertier-Pottier, chef du département des retraites et de l'accueil du service des retraites de l'Etat

La disposition concernant les parents de trois enfants a été conçue de façon à ne pas provoquer de ressaut dans les départs anticipés. L'information des fonctionnaires sur cette mesure ne pose pas de problème, elle se fera au sein des administrations employeurs, comme cela se fait couramment par voie de circulaire, note, instruction...

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Le nombre d'appels, quarante-cinq mille, est impressionnant. Chaque entretien prendra un certain temps. Combien avez-vous aujourd'hui d'agents pour effectuer ce travail ?

Debut de section - Permalien
Philippe Fertier-Pottier, chef du département des retraites et de l'accueil du service des retraites de l'Etat

Un appel téléphonique dure en moyenne cinq à sept minutes. Dans 80 % des cas, les questions sont simples et les agents temporaires qui travaillent durant les campagnes savent y répondre ; les questions plus complexes, les appels « de second niveau » exigent l'intervention de l'équipe permanente. Elle compte neuf agents aujourd'hui, sans compter la plateforme d'appui mise en oeuvre avec le bureau des retraites, dont les agents liquidateurs viennent prêter main-forte aux neuf permanents - ce renfort peut être estimé à sept équivalent-temps plein.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Raude, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

Notre « public » appelle beaucoup plus que dans l'ensemble des autres régimes, avec une pointe le mercredi. Le taux de retour, lors des campagnes d'information, est deux fois plus important que dans l'ensemble des régimes. On peut s'attendre à ce que le point d'étape à partir de quarante-cinq ans donne lieu également à de nombreuses demandes.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Malys, secrétaire national en charge des retraites de la CFDT

Pour la CFDT, une réforme est indispensable pour pérenniser notre système de retraites par répartition, élément constitutif de notre pacte social. Nous avons soutenu la réforme de 2003 parce qu'elle contribuait à réduire les inégalités. L'harmonisation de la durée de cotisation à quarante ans était une mesure juste et nécessaire ainsi que l'augmentation du minimum contributif à 85 %, tandis que la possibilité de départ à la retraite avant soixante ans pour les carrières longues marquait une avancée incontestable. Nous avons d'ailleurs regretté le durcissement de l'accès au dispositif carrières longues en 2008, revirement injuste et brutal au vu des engagements de la réforme de MM. Raffarin et Fillon.

Animés par ce même souci de justice et d'efforts partagés, nous sommes contre cette réforme, malgré les amendements gouvernementaux proposés le 8 septembre. Car 2010 est l'exact contraire de 2003. Alors que la crise est la raison première du déficit, l'effort demandé aux plus aisés et aux détenteurs de revenus du capital semble dérisoire : 85 % des efforts sont demandés aux seuls salariés. Cette réforme n'assure pas la pérennité des retraites ; l'extinction du fonds de réserve des retraites constitue une erreur économique, sociale et politique ; le Président de la République et le Gouvernement ont préféré au Grenelle des retraites, dont nous demandions l'organisation, la controverse et le conflit alors que la concertation et la recherche du consensus ont été le préalable de réformes le plus souvent progressives dans tous les pays voisins. Outre les erreurs de méthode, le manque d'ambition et de visibilité, le déséquilibre des efforts demandés, cette réforme est injuste parce qu'elle creusera les inégalités au sein du monde du travail. Relever l'âge légal de départ à la retraite de soixante à soixante-deux ans pénalisera ceux qui ont commencé à travailler jeunes et ont connu des carrières pénibles, de même que ceux, et surtout celles, dont la carrière est incomplète pâtiront du relèvement de l'âge de départ pour bénéficier d'une retraite à taux plein de soixante-cinq à soixante-sept ans.

Dans ces conditions, parler d'une réforme juste, courageuse ou ambitieuse n'est pas crédible. Si nous ne parvenons pas, si vous ne parvenez pas, à l'amender, la réalité de sa mise en oeuvre poursuivra longtemps ceux qui n'auront rien fait pour défendre les plus modestes. L'opinion publique est convaincue de la nécessité de la réforme. Elle a compris cet été, et plus encore depuis la rentrée, que celle-ci était injuste et inefficace. Si le texte reste en l'état, le coût politique sera élevé. La CFDT a proposé publiquement quatre pistes d'amélioration : carrières longues, pénibilité, polypensionnés, salariés aux carrières incomplètes et modestes. Sur les trois premières pistes, les réponses sont insuffisantes. Sur la quatrième, le refus de toute mesure constitue une erreur stratégique. Avant d'en venir au coeur de mon propos, permettez-moi d'insister sur l'importance de prévoir dans la loi un débat sur l'indispensable réforme systémique, de plus en plus demandé et au sein de tous les courants politiques, et de dénoncer l'absence de concertation sur l'épargne retraite.

Notre démarche est constructive. Nos propositions sont dans le champ du possible. Nous vous demandons de saisir cette opportunité. Concernant les carrières longues, nos orientations n'ont pas changé : la durée de cotisation doit être le paramètre de référence afin que les salariés ayant effectué une carrière complète puissent partir à la retraite sans condition d'âge. C'était d'ailleurs l'esprit de la loi de 2003 et de son dispositif de départ anticipé. Le recul des bornes d'âge du dispositif des carrières longues imposera aux salariés ayant commencé à travailler à dix-sept ans de réunir quarante-trois annuités pour partir en retraite à soixante ans, tandis qu'un début d'activité à dix-huit ans sera sanctionné par quarante-quatre annuités pour un départ à soixante-deux ans. L'effet de seuil est très fort entre les débuts d'activité à dix-sept et dix-huit ans. Il faudrait, au minimum, inclure les salariés ayant commencé à dix-huit ans dans le dispositif.

Le projet de loi ne règle pas la question des polypensionnés. Les titulaires sans droits, qui réunissent moins de quinze ans de services dans la fonction publique, verront leur situation s'améliorer par l'abaissement de quinze ans à deux ans de la durée nécessaire pour avoir droit à une pension. Il faut cependant s'interroger sur les effets de la fermeture d'ici 2015 des validations de toutes les périodes de services auxiliaires. De plus, le texte ne prévoit rien pour les polypensionnés du privé - la prise en compte des vingt-cinq meilleures années sur toute la carrière est renvoyée à un rapport -, tandis que les carrières mixtes privé-public restent désavantagées. Le médiateur de la République proposait d'ailleurs récemment, pour ces dernières, de procéder à un calcul de la pension du régime aligné en « proratisant » la règle des vingt-cinq meilleures années en fonction de la durée d'affiliation à ce régime. Nous défendons la même position en demandant la tenue d'un débat citoyen sur la convergence des régimes.

J'en viens à la pénibilité. Le projet de loi reconnaît seulement l'incapacité : une incapacité physique supérieure ou égale à 20 % ou une incapacité de 10 % dont il faudra prouver qu'elle est liée à l'exposition à un ou plusieurs facteurs de risques. Dans tous les cas, les effets différés de la pénibilité sont passés sous silence et la réduction de l'espérance de vie qui en découle est niée alors qu'elle est au centre des inégalités de retraite liées aux conditions de travail. En outre, le dispositif de prise en compte de l'incapacité prévu par le texte est très contestable : les salariés concernés seront d'autant moins nombreux que les maladies professionnelles font l'objet de sous-déclarations bien connues, la plupart des salariés concernés bénéficient déjà d'un dispositif de départ à soixante ans au titre de l'invalidité à 50 % ou de l'inaptitude médicale. Enfin, avec le carnet de santé individuel retraçant les expositions, le Gouvernement pense économiser des moyens administratifs en reportant la charge de la traçabilité sur les services de santé au travail, voire sur le salarié lui-même tenu de conserver la preuve de son exposition avec des copies. Ce sont les caisses de retraite et de santé au travail (Carsat) qui devraient être chargées de l'exposition aux facteurs de risques. Posséder un carnet de santé n'ouvre aucun droit au salarié en l'état actuel du texte, sans compter que ce système n'améliorera pas la prévention : rien ne permet d'identifier les entreprises qui génèrent les pénibilités.

Les amendements déposés à l'Assemblée nationale à propos de la médecine du travail auront une incidence négative : ils subordonnent les services interentreprises aux orientations des organisations professionnelles d'employeurs. Et déclarer caducs tous les accords collectifs comportant des obligations en matière d'examens médicaux différentes de celles prévues par le code du travail suscite des interrogations fortes.

Une vraie prise en compte de la pénibilité passe par la réduction de la durée de carrière pour des salariés exposés à un ou plusieurs facteurs de risque professionnel. La compensation de la pénibilité doit être individuelle - nous ne sommes pas dans une logique de régimes spéciaux - et fondée sur un système de capital temps acquis par année d'exposition à la pénibilité, par exemple un an pour dix ans d'exposition. Le droit au départ anticipé devrait être reconnu sur dossier dans les cas simples et bien documentés, ou sur décision d'une commission pluridisciplinaire d'experts lorsque la reconstitution de la carrière est nécessaire. Enfin, nous demandons une traçabilité de la pénibilité assurée par les Carsat, les données étant transmises par l'employeur avec l'appui du service de santé au travail. La prise en charge doit reposer sur la solidarité nationale pour les salariés en fin de carrière déjà exposés et sur un financement mutualisé des employeurs sous la forme d'une cotisation à la branche AT-MP pour les salariés en cours d'exposition. Cela encouragerait la prévention, avec un système de bonus-malus en fonction de la mise en oeuvre d'actions de précaution. Une telle approche de la pénibilité pourrait être mise en oeuvre de manière graduelle, en sélectionnant tout d'abord un ou plusieurs facteurs de risque donnant droit, à certaines conditions d'exposition, à un départ anticipé.

Enfin, nous estimons que le recul de l'âge du départ à la retraite sans décote de soixante-cinq à soixante-sept ans serait très pénalisant pour les femmes et les basses pensions. De fait, 30 % des femmes liquident leur retraite à soixante-cinq ans, 63 % de ceux qui partent en retraite à soixante-cinq ans sont titulaires du minimum contributif, compte-tenu de la faiblesse de leurs droits liée à la faiblesse de leurs salaires. À l'heure où les générations ayant connu le chômage arrivent plus nombreuses à l'âge de la retraite, il faut protéger ces catégories de la population fragilisées. Le recul de l'âge du taux plein, au contraire, les fragilise. Le maintien à soixante-cinq ans de l'âge du taux plein aurait une signification sociale particulièrement forte. Des redéploiements sont possibles pour financer cette indispensable solidarité : les majorations familiales de pensions proportionnelles au salaire ne favorisent ni les familles modestes ni les femmes, mais majoritairement les hommes à revenus élevés. Depuis des années, la CFDT dénonce cet état de fait. Elle demande leur forfaitisation et le redéploiement de ces sommes vers la solidarité.

Dans son ambition d'offrir aux salariés la possibilité d'arbitrer entre temps de vie, temps de travail et niveau du revenu de remplacement, la CFDT défend d'abord la sécurisation des régimes par répartition. Dans un second temps, elle n'est pas hostile à réfléchir à des compléments en capitalisation pour peu que les conditions suivantes soient réunies : une information effective, précise et exhaustive aux salariés sur leurs droits dans les régimes obligatoires ou facultatifs ; une mise en place négociée des dispositifs ; des dispositifs accessibles aux salariés modestes et ouverts à tous, c'est-à-dire qui ne soient pas catégoriels ou réservés aux seuls salariés des grandes entreprises.

Or, des amendements parlementaires, fruit du lobbying de certaines branches professionnelles, ont été déposés aux fins d'ériger un « troisième pilier » de la retraite en France sans que les organisations représentatives des salariés aient leur mot à dire sur le choix entre capitalisation collective ou individuelle, mécanisme interprofessionnel de branche ou d'entreprise ou encore sur la portabilité des droits acquis dans ces dispositifs. Certains d'entre eux créent purement et simplement de nouvelles niches fiscales. Pour la CFDT, il est inimaginable que de telles questions soient tranchées au détour de cavaliers qui privent les représentants du personnel d'une part essentielle de leurs prérogatives. La CFDT a su montrer qu'elle savait négocier des régimes complémentaires ou des dispositifs d'épargne salariale orientés vers l'épargne retraite. Avant d'étendre l'un ou l'autre d'entre eux, d'accorder à tel ou tel un avantage fiscal, il convient de les évaluer. Ensuite, viendra l'heure de la négociation, puis du débat parlementaire. Nous vous demandons de surseoir sur ce sujet à toute décision ; la CFDT, de son côté, souhaite s'engager très rapidement dans la concertation.

Pour conclure, la CFDT est engagée dans une démarche de réforme. La manière dont celle-ci a été menée nous a privés de la possibilité de défendre la position que nous avions définie lors de notre congrès : agir sur la durée de cotisation, et non sur l'âge, pour régler la question démographique, distinguer clairement le contributif de la solidarité, harmoniser pour en arriver à un régime unique pour tous les salariés. Cette réforme aurait dû être l'occasion de s'engager sur ce chemin. Tout n'est pas perdu à condition de corriger cette réforme qui aura un impact budgétaire limité. Nous devrons bientôt remettre l'ouvrage sur le métier, ce qui est regrettable. Car, de réforme en réforme, on traumatise la population et on jette le discrédit sur notre système de retraite par répartition. Il est temps que cessent les manoeuvres politiciennes pour que nous imaginions un système de retraite adapté au monde du travail qui est aujourd'hui le nôtre.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Si votre constat paraît sévère, je sais, d'après les échanges que nous avons eus au sein de la Mecss, que nous avons des points de convergence. Tout d'abord, la nécessité d'une réforme systémique, dont le but est de sauvegarder, et non de changer, notre système de retraite par répartition en y introduisant plus de justice et de transparence. Ce changement ne se fera pas du jour au lendemain et nécessite au préalable un long travail de pédagogie. Ensuite, nous considérons, à l'instar du conseil d'orientation des retraites (Cor), que la crise appelle des mesures d'urgences paramétriques. Premier paramètre, la durée de cotisation dont l'évolution est en marche depuis la loi de 2003. Deuxième paramètre, l'âge légal de départ à la retraite, que vous contestez, mais qui présente l'avantage d'avoir un impact financier rapide, ce qui n'est pas négligeable vu l'ampleur des déficits. Dernier levier, le financement, qui sera débattu dans la loi de financement de la sécurité sociale. En tout état de cause, cette réforme paramétrique devra être suivie, demain, d'une réforme systémique qui consistera, non en un changement de système, mais en un changement des règles. Enfin, dernier point de convergence, l'idée d'un complément lié à une épargne retraite, qui pourrait être collective et dont la forme reste à préciser.

Mais aujourd'hui, je voudrais revenir sur quatre sujets, à commencer par le passage de l'âge de la retraite à taux plein de soixante-cinq à soixante-sept ans. D'après Danièle Karniewicz, présidente de la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), le report d'âge ne pénaliserait pas particulièrement les femmes, contrairement à ce que nous pensions, car une grande partie des femmes concernées ont arrêté de travailler depuis longtemps par choix personnel. Avez-vous des évaluations chiffrées ? Autre sujet, la majoration de pension de 10 % pour avoir élevé leurs enfants. Effectivement, elle n'est pas distributive, puisqu'elle est progressive en fonction de la pension. Faut-il prévoir un plafonnement ? Lequel ? Combien cela rapporterait-il ? Deuxièmement, les polypensionnés. Au cours de nos travaux préparatoires, il est apparu que retenir les vingt-cinq meilleures années sur l'ensemble d'une carrière, tous régimes confondus, ne représentait pas forcément un avantage pour les polypensionnés, sans compter que l'opération est complexe. De même, ramener de quinze à deux ans la durée de services dans la fonction publique pour avoir droit à une pension semble une simplification pour les polypensionnés. Quel est votre avis sur ces deux points ? Troisièmement, les carrières longues. La prise en compte des salariés ayant commencé à travailler à dix-sept ans représente un progrès, même si les conditions d'accès au dispositif ont été durcies l'an dernier. Quelles corrections envisager encore ? Enfin, la pénibilité. Nous croyons que nous sommes en train de créer un nouveau droit social, appelé à évoluer dans les années à venir. Comment améliorer le dispositif proposé ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Que propose la CFDT pour améliorer la retraite des femmes ? Certaines d'entre elles perçoivent une pension inférieure au minimum vieillesse. Ne pourrait-on pas prévoir, pour elles, une allocation minimale ? Pour les jeunes, ne faudrait-il pas intégrer les années d'études et de stage dans le calcul de la retraite ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Vous avez affirmé avec force que la réforme serait supportée à 85 % par les salariés et à 15 % par les plus fortunés. Comment déplacer le curseur ? À quel degré ? Et pour quel niveau de contribution ? Ce prélèvement supplémentaire est-il compatible avec la compétitivité de nos entreprises et leur politique de recrutement des cadres supérieurs ? Ne risque-t-on pas d'assister à une fuite de la matière grise ? S'agissant de la pénibilité, une disposition du texte prévoit une modulation des cotisations pour financer les départs anticipés au titre de la pénibilité en fonction du degré de pénibilité des métiers constaté par secteur d'activité sur l'ensemble du territoire. Quels critères pensez-vous qu'il faille retenir pour calculer cette modulation ? A propos des fonctionnaires de la catégorie active, il est prévu de maintenir leur avantage - on allonge de deux ans l'âge de départ à la retraite - sans les aligner sur le droit commun. Qu'est-ce qui justifie le maintien de cet avantage ?

J'en viens aux femmes. Ce sont celles nées avant 1964 qui souffriraient le plus du report de l'âge de la retraite à taux plein à soixante-sept ans. Vous avez suggéré de forfaitiser les majorations familiales. Avez-vous chiffré cette proposition ? Le Gouvernement, semblait dire Eric Woerth ce matin, ne serait pas opposé à ce que nous travaillons sur ce type de dossier à condition de maintenir l'équilibre financier de la réforme. Autre sujet, la réforme systémique. La CFDT en est une adepte, mais quid des autres confédérations ? Etes-vous seul contre tous ou a-t-on une chance de l'intégrer dans la réforme ? Concernant les niches sociales, l'annualisation des allègements de charge, disent certains, aura des conséquences sur l'emploi. Qu'en pensez-vous ? Faut-il aller plus loin ? Enfin, vous n'avez pas abordé l'emploi des seniors, est-ce à dire que vous considérer le texte satisfaisant sur ce point ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

J'espère que vous avez été convaincus par le plaidoyer en faveur de la réforme du rapporteur... Sur quels points a achoppé la réforme de 2003 que vous avez soutenue ? Certains de vos partenaires, notamment, n'ont pas jugé bon de poursuivre les travaux sur la question de la pénibilité que vous aviez mise en avant. Pouvez-vous nous en dire davantage ? Quelles sont les confusions possibles entre pénibilité et invalidité ? A mon sens, ce n'est pas seulement un problème sémantique, il s'agit d'approches différentes qui appellent des mesures différentes. Pourriez-vous détailler les raisons de votre soutien à l'allongement de la durée de cotisation ? Enfin, quelles sont les propositions de la CFDT sur les pensions des travailleurs handicapés ? Cette question concerne un public fragilisé, voire victime d'une accélération de l'injustice quand ce sont des femmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Pouvez-vous être plus explicite sur l'absence de concertation que vous avez dénoncée dans votre exposé ? A chaque fois que cette question a été abordée à l'Assemblée nationale, le Gouvernement et la majorité ont poussé des hurlements et fait valoir que la concertation a duré des mois. Pouvez-vous nous en dire plus sur la réforme systémique ? Par exemple, que pensez-vous des comptes notionnels ? La CGT nous a dit hier y être farouchement opposée. Quant à la pénibilité, vous avez beaucoup parlé des expositions. Mais prenons l'exemple de celui qui, depuis l'âge de seize ans, pose du carrelage. Certes, il a inhalé de la colle, mais il a surtout les genoux en bouillie. Doit-il vraiment passer devant une commission pour s'arrêter à soixante ans ? Autre exemple, dans ma ville, certaines femmes ne trouvent du travail que dans des usines de découpage de poulet réfrigérées à 12°C. Faut-il vraiment qu'elles aillent pleurer pour obtenir de partir à soixante ans ? Enfin, concernant le report de l'âge de la retraite à taux plein de soixante-cinq à soixante-sept ans, vous avez rappelé, dans votre exposé, que 63 % de ceux qui partent en retraite à soixante-cinq ans sont titulaires du minimum contributif. D'après la présidente de la Cnav, semble dire Dominique Leclerc, les femmes ne sont pas particulièrement concernées car elles se seraient arrêtées de travailler par choix personnel. Nous ne partageons pas cette analyse. Bien souvent, elles n'ont pas eu d'autre possibilité : une place en crèche que, de toute façon, elles ne trouvaient pas, leur coûtait plus cher que de travailler. Bref, les femmes sont-elles, oui ou non, les premières pénalisées par le report de soixante-cinq à soixante-sept ans ?

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Permettez-moi de préciser : la directrice de la Cnav a simplement posé un constat, elle n'a pas parlé d'arrêt volontaire. D'après elle, cette catégorie serait en voie d'extinction, les femmes reprenant aujourd'hui une activité professionnelle après la maternité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Que pensez-vous du cavalier introduit à l'Assemblée nationale sur la médecine du travail ? Aux termes du nouvel article 25 quater, « les missions définies à l'article L. 4622-1-1 sont exercées par les médecins du travail, en lien avec les employeurs et les salariés désignés pour s'occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels ou les intervenants en prévention des risques professionnels ». N'est-ce pas placer les médecins du travail sous la tutelle des employeurs ? La question mérite débat. La comparaison avec le lien hiérarchique existant entre médecins hospitaliers et directeurs d'hôpitaux ne tient pas : l'indépendance professionnelle du médecin y est garantie. De plus, pourquoi des salariés désignés par l'employeur, comme cela est précisé au 6° du I de l'article 25 quater, et non par les salariés ? Autre sujet d'inquiétude, « si les compétences dans l'entreprise ne permettent pas d'organiser ces activités », l'employeur pourra faire appel à des intervenants extérieurs. Cela laisse songeur : qui décidera qu'il n'y a pas les compétences dans l'entreprise ? Enfin, notre mission d'information sur le mal-être au travail avait préconisé une gestion paritaire de la médecine du travail, idée reprise au nouvel article 25 sexies. Qu'en pensez-vous ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Malys, secrétaire national en charge des retraites de la CFDT

Vos interventions étaient très denses, je vous prie de m'excuser si je ne réponds pas à toutes les questions posées. Dominique Leclerc, le Gouvernement affirme : « A cause démographique, mesure démographique ». Mais un changement démographique est-il intervenu entre 2007 et 2010 qui expliquerait l'aggravation du déficit ? Non, c'est la crise ! Et l'on demande aux salariés, qui ont subi de plein fouet cette crise, de fournir encore un effort. A quel degré déplacer le curseur ? Je l'ignore. En revanche, je sais que la contribution des hauts revenus est extrêmement symbolique - 1 % sur la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu -, c'est peu au regard de tout ce qui leur a été accordé. Pour nous, il faut créer une nouvelle tranche.

La réforme est injuste parce qu'elle est déséquilibrée. Il existe deux discours diamétralement opposés qui retiennent, l'un, les seules causes démographiques et, l'autre, les seules causes économiques. Pour la CFDT, il y a les deux. D'où la nécessité d'allonger la durée de cotisation et de partager l'effort en distinguant le contributif de la solidarité. Celle-ci doit jouer son rôle : l'aggravation du chômage et de la précarité - la reprise se fait par les CDD et l'intérim - contribuent à la détérioration des systèmes de retraite. Le recours à la solidarité risquerait d'entraîner la fuite des riches et des cadres ? Pardonnez-moi, mais on ne peut pas critiquer les gamins qui sifflent la Marseillaise et s'inquiéter du sort de ceux qui n'acceptent pas nos règles fiscales et menacent de quitter le pays. L'impôt est le premier acte de citoyenneté. Nous ne pouvons pas être l'otage des grandes fortunes et des hauts revenus. Compte tenu de la crise, il faut rétablir la progressivité de l'impôt. Et la question du bouclier fiscal d'apparaître devant nos yeux...

La réforme systémique consiste effectivement à envisager un autre système de répartition que celui par annuités. Mais, pour sauver notre système par répartition, l'important est de donner aux jeunes le sentiment de la contributivité. Ils doivent savoir qu'ils auront un retour garanti sur leurs cotisations retraite qui, aujourd'hui, représentent pas moins de 26 % du salaire net, tous salariés confondus. Or, aujourd'hui, le message permanent qu'on adresse aux jeunes générations est : « le système est tellement compliqué qu'on ne saurait vous dire quels seront vos droits et, de toute façon, vous n'aurez sans doute rien ! » À force de jouer sur les paramètres, seuls ceux qui ont des carrières linéaires et dynamiques auront une retraite. Au lieu de demander aux gens de s'adapter à ce modèle qui date des années 1960-1970 et n'existe plus, il faut adapter notre système de retraites au monde du travail d'aujourd'hui. La répartition implique la contributivité. La réforme du Gouvernement ne parvient pas à la garantir. La liquidation du fonds de réserve des retraites, destiné à absorber les effets du baby-boom, est un signe politique très négatif pour les jeunes générations.

J'en viens aux femmes. Le travail féminin se concentre aujourd'hui sur deux pôles : des emplois de haut niveau, par exemple dans certains secteurs comme la santé et l'éducation - où demeure néanmoins le phénomène du plafond de verre pour le haut de la hiérarchie - et les emplois précaires, où règne aujourd'hui la plus grande misère sociale. Nous n'avons pas beaucoup progressé en trente ans, au mieux nous avons stagné. C'est vers ces femmes qui n'ont pas eu le choix que nous devons redéployer la solidarité. Nous n'avons pas de chiffrage de nos propositions à l'euro près. En revanche, la majoration de pension de 10 % représente 6 milliards.

Debut de section - Permalien
Véronique Descacq, secrétaire nationale de la CFDT

Permettez-moi de commencer par la politique des allègements de charges qui expliquent en grande partie la situation de l'emploi des femmes. Que lui reprochons-nous ? L'absence de conditionnalité à une politique d'emploi quantitative ou qualitative et ses effets pervers puisque, outre qu'ils sont des trappes à bas salaire et, donc, à basse qualification, ces allègements encouragent le temps partiel imposé. Leur impact est extrêmement négatif à l'heure où nous devons aller vers une économie de la connaissance. Ces travailleurs pauvres, bien souvent, sont des femmes qui n'ont pas eu le choix. Si l'on considère le coût de la majoration familiale de 10 % en sus du coût de sa non-imposition - une niche fiscale totalement injuste d'autant que ces retraités n'ont plus d'enfants à charge -, on atteint 7 milliards, dont 330 millions pour la seule niche fiscale. La forfaitisation à hauteur de 57 euros par mois permettrait de redéployer environ 2 milliards vers les personnes qui ont eu des carrières accidentées, qui se trouvent être souvent des femmes.

J'en viens à la question d'Alain Vasselle concernant le curseur entre salariés et hauts revenus. Pour financer la retraite, qui est un revenu de remplacement - j'y insiste, car c'est la clé de notre système par répartition -, il existe trois solutions. Premièrement, l'augmentation des éléments de contributivité. Celle-ci peut passer par une hausse du taux d'emploi - d'où la question de l'emploi des seniors -, l'allongement de la durée de cotisation et l'augmentation des cotisations. Cette dernière mesure serait négative en temps de crise et d'autres besoins tels que la dépendance et la santé seront à couvrir. Deuxième levier, le fonds de réserve des retraites. La réforme nous en prive au moment où le choc démographique de la génération du baby-boom va advenir. Enfin, les redéploiements à réaménager et à créer pour faire face à des solidarités nouvelles. Je pense, entre autres, à une nouvelle tranche d'impôt sur le revenu et la suppression du bouclier fiscal et des niches fiscales qui ne profitent pas à l'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Sur les sept cent mille départs à la retraite par an, quelle est la proportion de femmes ? Parmi elles, combien partent à la retraite avec une pension inférieure au minimum vieillesse ?

Debut de section - Permalien
Yves Canevet

D'après les chiffes de 2004, 56 % des femmes partent à la retraite avec une carrière incomplète, contre 14 % pour les hommes. Elles quittent le monde du travail à soixante-cinq ans pour 30 % d'entre elles, contre 10 % pour les hommes. Parmi ces femmes qui partent à la retraite à soixante-cinq ans, 75 % sont titulaires du minimum contributif. L'âge de départ à la retraite à taux plein, plus exactement sans application de la décote, est, en réalité, la condition d'accès aux mécanismes de solidarité.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Quel est le pourcentage de femmes qui partent à la retraite alors qu'elles sont seules avec des enfants à charge ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Malys, secrétaire national en charge des retraites de la CFDT

Les chiffres existent, ils sont inquiétants. De toute évidence, nous assistons à une massification des familles monoparentales pauvres.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Cette situation ne va-t-elle pas aller en s'améliorant dans quelques années avec l'augmentation du niveau de qualification et, donc, des salaires ?

Debut de section - Permalien
Véronique Descacq, secrétaire nationale de la CFDT

J'attire votre attention sur la lenteur de ces phénomènes. Depuis la loi sur l'égalité professionnelle dans l'entreprise il y a presque trente ans, les partenaires sociaux négocient au sein des branches et des entreprises. Nous n'avons pas le droit d'attendre que les changements culturels et sociétaux arrivent à leur terme. Sans quoi, des générations de femmes vivront leur retraite dans la pauvreté.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Malys, secrétaire national en charge des retraites de la CFDT

Je vais tenter de continuer de répondre aux orateurs. Concernant le minimum contributif, ce dernier est un mécanisme très curieux. En réalité, il corrige partiellement une anomalie de notre système de retraite. Le principe des vingt-cinq meilleures années privilégie les personnes qui ont eu une carrière dynamique, contre celles qui auront eu une carrière plate. Autrement dit, une personne qui aura touché le Smic toute sa vie contribuera davantage. Les vingt-cinq meilleures années pénalisent les 30 % des salariés les plus modestes ainsi qu'une toute petite partie des très hauts revenus en raison des effets de plafond. Le minimum contributif relève donc de la solidarité et du contributif, contrairement au minimum vieillesse qui est du domaine de la seule solidarité. Pour autant, l'effet correcteur du minimum contributif étant insuffisant, certaines personnes qui ont travaillé touchent le minimum vieillesse. Le Cor a publié en janvier un rapport sur les dysfonctionnements du système actuel par annuités, que nous avons décortiqués lors de nos travaux sur l'hypothèse d'une réforme systémique, engagés grâce aux parlementaires.

Je ne suis pas certain que les autres organisations syndicales aient des positions si différentes des nôtres sur la réforme systémique. Il est plus confortable de se dire que le système par annuités a bien fonctionné. Et ce fut le cas pendant longtemps. Aujourd'hui, il faut avoir la lucidité de reconnaître qu'il n'est plus adapté. Une certaine grande organisation syndicale a récemment pris position dans la presse pour une « maison commune des retraites » et la « mise à plat du système ». Si nos conclusions sont différentes, nous nous interrogeons tous sur l'opportunité de dépoussiérer le système actuel.

Nous avons posé la question à nos délégués - ce faisant, nous avons aussi jeté une pierre dans le jardin des partenaires sociaux et des partis politiques. Nous pensons qu'un vrai débat est nécessaire : il était en train de naître mais la présente réforme le ferme de facto... C'est dommage, car la retraite, c'est le reflet de toute une vie, un sujet important, donc. La démocratie aurait été gagnante. Nous pouvions espérer nous accorder sur le diagnostic, voire sur des pistes de solutions... Dans tous les partis, on trouve des partisans de la réforme systémique. Faut-il opter pour un système notionnel pur ? Il n'existe pas de système parfait, mais une organisation moderne devrait tenir compte des choix des salariés et de la réalité de leur carrière. Aujourd'hui, quel est le choix : partir plus tôt avec une décote ou plus tard avec une surcote peu attractive ?

S'agissant des infirmières, la question pertinente est : pourquoi dans le privé n'applique-t-on pas de mesures de pénibilité ? La compensation qui a été accordée en 2003 aux aides-soignantes n'a été contestée par personne. Ce que nous disons, c'est qu'à exposition professionnelle égale, lorsque l'espérance de vie est entamée, il faut une compensation. Les femmes qui travaillent de nuit ont plus de cancers du sein que les autres car ce rythme induit des dérèglements. Le journaliste qui fait toute sa carrière la nuit aura eu un travail pénible ; l'électricien qui travaille de jour, à heures fixes, a une tâche moins pénible.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Peut-être faudrait-il dire « altération de l'espérance de vie » plutôt que « pénibilité » ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Malys, secrétaire national en charge des retraites de la CFDT

Avant 2003, on parlait peu de pénibilité. La négociation n'a pas été un pur échec car on s'est accordé sur une définition et les trois catégories ont été reprises dans la loi : efforts physiques ou posture physique, ambiances toxiques - y compris exposition au chaud ou au froid -, rythmes de travail. Avec les organisations patronales et pas seulement le Medef, le désaccord a porté sur le degré, sur le chiffrage, non sur les catégories. Surtout, nos interlocuteurs étaient d'accord sur tout, à la condition de ne rien payer - bref, très bien si la sécurité sociale prend tout à sa charge...

Adopter des dispositions sur la pénibilité obligera à observer précisément les conditions de travail dans la durée et incitera à la prévention. Cette traçabilité est bienvenue car aujourd'hui la méconnaissance est totale sur ce qui se passe dans le monde du travail.

Nous avons eu une longue négociation sur la médecine du travail. Elle s'est conclue par un échec. Nous avons ensuite rencontré les services du ministère. Mais ce cavalier législatif est apparu sans que nous ayons été informés des dispositions que le Gouvernement entendait présenter. Tout n'est pas négatif : je songe à la pluridisciplinarité, que nous avons toujours réclamée : ergonomes et toxicologues ont leur place, au paritarisme - mais pourquoi la direction échoit-elle toujours au patronat ? Ce qui n'est pas acceptable, c'est l'ambiguïté du rôle reconnu à l'employeur. L'entreprise est un domaine privé, non public, et c'est au patron que revient la responsabilité des conditions de travail. Cette responsabilité ne peut être déléguée. Il ne saurait y avoir ni dilution de celle-ci, ni mise sous contrôle des services de santé. Et le sujet ne peut être clos ainsi, par un cavalier législatif.

Les dispositifs relatifs aux carrières longues ont été étendus aux handicapés, mais quand on durcit les critères d'accès aux carrières longues, on rétrécit du même coup les possibilités d'accès pour les handicapés. Il faut se battre pour que ceux-ci puissent travailler, ils contribuent ainsi à leur retraite. Et c'est la solidarité nationale qui doit jouer pour leur permettre de partir plus tôt en retraite.