Commission des affaires sociales

Réunion du 31 mai 2006 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • danger
  • délinquance
  • enfance
  • familiale
  • informations préoccupantes
  • protection de l'enfance
  • secret
  • secret professionnel
  • signalement

La réunion

Source

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a d'abord nommé M. André Lardeux en qualité de rapporteur sur le projet de loi n° 330 (2005-2006) réformant la protection de l'enfance.

Debut de section - Permalien
Paul Durning, directeur général du Groupement d'intérêt public de l'enfance maltraitée

Puis la commission a procédé à l'audition de M. Paul Durning, directeur général du Groupement d'intérêt public de l'enfance maltraitée (Gipem), directeur du Service national d'accueil téléphonique pour l'enfance maltraitée (Snatem) et de l'Observatoire national pour l'enfance en danger (Oned).

a tout d'abord dressé un panorama de l'enfance en danger en France en 2006 : le nombre d'enfants bénéficiaires d'une mesure de protection de l'enfance est estimé à 270.000, le nombre des nouveaux entrants sur une année étant de l'ordre de 80.000. Le budget consacré par les départements à la politique décentralisée d'aide sociale à l'enfance s'élève, quant à lui, à 5 milliards d'euros.

Il s'est ensuite félicité de ce que le projet de loi harmonise enfin les définitions du public bénéficiaire de la protection de l'enfance, selon que l'on se réfère à la protection administrative ou à la protection judiciaire en retenant, pour l'ensemble du champ, l'unique notion d'enfants « en danger dans leur santé, leur sécurité, leur moralité ou dont l'éducation ou le développement sont compromis ». Cette notion d'enfants en danger a également ses limites : elle n'intègre pas les enfants victimes de violences commises par des adultes n'appartenant pas à leur entourage ou encore par d'autres jeunes.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

a rappelé que le premier rapport de l'Oned mettait en lumière la nécessité de mettre en cohérence les données chiffrées sur l'enfance en danger. Il a souhaité savoir si la création d'observatoires départementaux de la protection de l'enfance permettrait d'améliorer cette situation.

Debut de section - Permalien
Paul Durning, directeur général du Groupement d'intérêt public de l'enfance maltraitée

a expliqué que les observatoires départementaux de la protection de l'enfance assureraient une mission indispensable : collecter les données chiffrées sur l'enfance en danger et le devenir des enfants pris en charge et analyser ces informations pour proposer l'amélioration des pratiques de prévention et d'intervention.

Des observatoires de ce type existent déjà dans treize départements, dix autres préparent leur création et sept, enfin, sont en capacité de fournir des données statistiques à l'Oned, sans disposer, stricto sensu, d'un observatoire. L'un des principaux défis pour ces observatoires serait de parvenir à mobiliser les chiffres provenant de l'institution judiciaire.

Il a ensuite plaidé pour une représentation des conseils généraux au sein du groupe permanent interministériel pour l'enfance maltraitée (GPIEM), même si le conseil d'administration et l'assemblée générale du Gipem sont déjà configurés pour permettre une véritable collaboration entre l'Etat et les départements sur cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

s'est interrogé sur les méthodes de travail adoptées par le Snatem dans ses relations avec les départements et l'autorité judiciaire pour le traitement des signalements qui lui parviennent.

Debut de section - Permalien
Paul Durning, directeur général du Groupement d'intérêt public de l'enfance maltraitée

a expliqué que le Snatem reçoit des appels de toute la France : chacun de ces appels est transmis, le cas échéant, sous la forme d'un compte rendu d'appel téléphonique (Crat) aux autorités locales compétentes.

Dans chaque département, il existe un correspondant unique pour le 119, nommé par le conseil général, qui reçoit toutes les transmissions concernant son département par fax, puis par courrier, dans un délai maximum de vingt-quatre heures hors week-end. Les départements disposent de trois mois pour informer le Snatem des démarches entreprises à la suite de la transmission. 35.000 appels parviennent chaque année au 119, entre 7.000 et 8.000 font l'objet d'un compte rendu transmis aux départements. Ceux-ci répondent dans 85 % des cas dans un délai moyen de trois mois et demi. Les saisines directes du procureur par le Snatem sont extrêmement rares et font, en tout état de cause, l'objet d'une transmission en parallèle au département de résidence de l'enfant.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

a voulu savoir si l'expérience du Snatem en matière de traitement des informations préoccupantes permet de mettre en lumière des difficultés particulières du système actuel de signalement.

Debut de section - Permalien
Paul Durning, directeur général du Groupement d'intérêt public de l'enfance maltraitée

a recensé les principales critiques pouvant être adressées au dispositif actuel de signalement. Il est d'abord peu lisible, notamment pour les intervenants susceptibles de signaler une situation et qui ne sont pas des spécialistes de la protection de l'enfance ; il est exposé à de nombreux risques d'engorgement ; il ne permet pas d'assurer un suivi satisfaisant des situations en cas de saisine directe du procureur, en raison de l'absence de retour d'informations vers les départements.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

s'est demandé si la création de cellules départementales de recueil des informations préoccupantes, proposée par le projet de loi, pourrait apporter des améliorations à cette situation.

Debut de section - Permalien
Paul Durning, directeur général du Groupement d'intérêt public de l'enfance maltraitée

a estimé qu'une cellule départementale de recueil des signalements aurait l'avantage de constituer un lieu facilement identifiable pour tous les intervenants susceptibles de signaler une situation de danger, ainsi qu'un lieu « ressource » pour les professionnels du département. Le regroupement des informations préoccupantes concernant une même situation permettrait également d'améliorer l'évaluation, la prise de décision et le suivi des enfants.

Il a toutefois précisé que l'Oned ne juge pas souhaitable de confier systématiquement à la cellule la mission d'évaluer les situations individuelles, ce choix pouvant dépendre de la taille et du mode d'organisation des départements.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

a voulu savoir si le Snatem est amené à renseigner des professionnels sur l'étendue et les limites du secret professionnel ou médical.

Debut de section - Permalien
Paul Durning, directeur général du Groupement d'intérêt public de l'enfance maltraitée

a indiqué qu'une dizaine de professionnels seulement, en moyenne, solliciterait le 119 chaque année pour échanger sur les notions d'anonymat et de secret professionnel.

Le partage d'informations entre professionnels ne semble pas poser de problèmes entre assistants sociaux relevant de différentes institutions, mais la question se complique lorsque les travailleurs sociaux de protection de l'enfance sont amenés à travailler avec d'autres types de professionnels, notamment les bailleurs sociaux ou les enseignants. Il faut alors, en effet, tirer les informations susceptibles d'être partagées. En sens inverse, il est parfois difficile pour les travailleurs sociaux de la protection de l'enfance d'obtenir des informations de la part de certains services, par exemple les centres médico-psychologiques (CMP) qui refusent souvent toute transmission en se retranchant derrière leurs positions de dispensateurs de soins. La difficulté principale tient finalement aux différences personnelles de conception du secret professionnel, la formation sur ces questions étant très insuffisante.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

s'est ensuite interrogé sur la notion de secret professionnel partagé, introduite par le projet de loi.

Debut de section - Permalien
Paul Durning, directeur général du Groupement d'intérêt public de l'enfance maltraitée

a estimé que l'introduction de ce concept apporte une clarification indispensable. Il a approuvé le fait que le projet de loi délimite les informations susceptibles d'être partagées en fonction de leur objectif et prévoie les modalités d'information des parents. Il serait toutefois peut-être nécessaire de préciser les catégories de professionnels concernés.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

a voulu savoir si les mesures proposées par le projet de loi en matière de diversification des modes de prise en charge répondent à la préoccupation de l'Oned d'introduire davantage de souplesse dans l'alternative entre action éducative à domicile et placement (reconnaissance de l'accueil de jour et de l'accueil à temps partiel ou périodique...).

Debut de section - Permalien
Paul Durning, directeur général du Groupement d'intérêt public de l'enfance maltraitée

a indiqué que les départements avaient développé depuis plusieurs années de nouvelles pratiques pour faire face à la multiplicité des situations familiales, en se fondant sur une nouvelle approche du travail avec les familles visant à s'appuyer sur leurs ressources et leurs possibilités de mobilisation.

L'Oned a regroupé les dispositifs repérés en cinq catégories : les relais parentaux, les accueils de jour, les mesures d'action éducative en milieu ouvert (AEMO) renforcées, l'accueil séquentiel et les prises en charge associant soutien parental et suppléance.

Ces nouveaux modes de prise en charge ont en commun de reposer sur des besoins importants en personnel (six à huit enfants suivis en moyenne par un professionnel, contre vingt-cinq à trente en AEMO classique).

Il a insisté sur la nécessité de consolider par la loi ce mouvement de diversification des interventions auprès des parents et des enfants, afin d'aller, à long terme, vers une individualisation accrue des réponses en fonction des caractéristiques et des besoins de chaque situation familiale et du projet élaboré pour chaque enfant. Cette piste de travail est d'ores et déjà ouverte par le projet de réforme qui formalise un document élaboré avec la famille, document qui mériterait d'ailleurs d'être mieux mis en valeur.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

s'est interrogé sur les catégories de professionnels qui seraient parties prenantes du nouveau dispositif de secret professionnel partagé pour savoir notamment si les élus seront concernés.

Debut de section - Permalien
Paul Durning, directeur général du Groupement d'intérêt public de l'enfance maltraitée

a précisé que l'Oned n'avait pas étudié la question du secret professionnel. Il ne s'est pas prononcé sur la question de l'association des élus, estimant que ce choix est éminemment politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

a déclaré ne pas être opposé à un partage du secret professionnel avec les élus responsables de la politique de protection de l'enfance. Ce partage est comparable à la situation d'un cabinet médical où les collaborateurs du médecin sont également liés par le secret médical s'ils apprennent des informations dans le cadre de leur formation ou de l'exercice de leur activité.

Debut de section - Permalien
Paul Durning, directeur général du Groupement d'intérêt public de l'enfance maltraitée

a tenu à préciser que l'intervention des communes dans le dispositif de protection de l'enfance lui paraît constituer une source de complexité.

Debut de section - PermalienPhoto de Claire-Lise Campion

s'est interrogée sur les nuances sémantiques qui ont conduit à préférer les termes d'« enfant en danger » et d'« informations préoccupantes » à ceux d'« enfant maltraité » et d'« informations signalantes ».

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Souvet

a souhaité obtenir des précisions sur l'influence éventuelle de la taille du département sur son choix d'un mode d'organisation du dispositif de signalement.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

a déploré le manque de coordination entre les différents projets de loi du Gouvernement, que révèle notamment le futur projet de loi sur la prévention de la délinquance, qui s'inscrit dans une optique sécuritaire contraire aux objectifs du présent texte.

Debut de section - Permalien
Paul Durning, directeur général du Groupement d'intérêt public de l'enfance maltraitée

a précisé que le terme d'« enfant maltraité » avait été introduit par la loi fondatrice du 10 juillet 1989 dans le code de l'action sociale et des familles, alors que le code civil s'attachait à la notion d'« enfant en danger ». Il a approuvé l'harmonisation au profit de la définition du code civil, qui a le mérite d'être plus large et de permettre de tenir compte des différentes situations à risques pour l'enfant.

Il a considéré que les différences d'organisation d'un département à l'autre en matière de centralisation et d'évaluation des informations préoccupantes doivent être respectées. Le traitement des situations individuelles doit ainsi pouvoir continuer à être réalisé au niveau des territoires.

Il a enfin regretté que l'Oned n'ait été saisi ni du projet de loi relatif à l'égalité des chances, désormais adopté, ni du texte à venir consacré à la prévention de la délinquance, alors même qu'ils contiennent tous deux des dispositions qui ont un impact sur la protection de l'enfance.

La commission a ensuite entendu MM. Bernard Cazeau, président de la commission Politiques familiales, et Jean-Pierre Vial, de l'Assemblée des départements de France (ADF).

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

a reconnu que le projet de loi sur la protection de l'enfance avait fait l'objet d'une large concertation avec les professionnels de terrain et avec les conseils généraux. Ces derniers ont été satisfaits dans leurs demandes de voir le rôle de chef de file des départements reconnu et le partage des compétences entre conseils généraux et autorité judiciaire clarifié.

Il s'est toutefois inquiété du financement de cette réforme, dont l'impact a été évalué, par le ministre lui-même, à 150 millions d'euros sur trois ans. Il a souhaité que la compensation de ces charges, inscrite dans l'avant-projet de loi, puis supprimée de la version présentée en conseil des ministres, soit rétablie par le Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

a insisté sur les difficultés de financement de la réforme, dans le contexte du transfert du revenu minimum d'insertion (RMI) et de la montée en charge de la prestation de compensation du handicap (PCH). Or, l'aide sociale à l'enfance représente déjà 30 % du budget d'action sociale des départements. Ces dépenses ont progressé de 45 % au cours des cinq dernières années, et même de 55 % pour celles liées aux placements. En outre, la réforme suppose la mobilisation de moyens supplémentaires de la part du secteur psychiatrique.

Il s'est déclaré satisfait de la réaffirmation du rôle de chef de file des départements en matière de protection de l'enfance et il a insisté sur la nécessité de conserver sa souplesse au dispositif de signalement mis en place par chaque département, en fonction de ses spécificités.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

a souhaité connaître les principales difficultés rencontrées par les départements pour assurer leurs missions de protection de l'enfance. Il a voulu savoir si la création des cellules opérationnelles de recueil des informations préoccupantes sur les mineurs en danger sera de nature à améliorer la coordination de la protection administrative et judiciaire de l'enfance.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

a regretté que la coordination des interventions des départements et de l'autorité judiciaire dépende encore aujourd'hui de la bonne volonté des magistrats. Il a fait valoir sa préférence pour un dispositif de centralisation des informations préoccupantes qui soit plus souple que la cellule opérationnelle prévue par le projet de loi. Il a toutefois reconnu la nécessité de mettre en place un outil de centralisation des signalements, pour éviter les situations encore trop fréquentes pour lesquelles des signalements directs à l'autorité judiciaire, classés sans suite pour des raisons de procédure, ne font l'objet d'aucun retour vers les services de l'aide sociale à l'enfance, obérant ainsi toute possibilité d'intervention sociale auprès des familles concernées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

a insisté sur le fait que la centralisation des informations préoccupantes sous l'égide du conseil général ne doit pas servir d'alibi aux professionnels de terrain pour se décharger de leurs responsabilités de repérage des enfants en danger, d'analyse des situations et éventuellement de signalement direct au juge en cas de danger immédiat.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

a souhaité connaître le sentiment des présidents de conseils généraux sur la diversification des modes de prise en charge des mineurs en danger prévue par le projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

a précisé que les nouveaux modes d'intervention auprès des enfants en danger étaient déjà expérimentés depuis de nombreuses années, avec succès mais sans réelle base légale, par de nombreux départements. La souplesse et l'individualisation des réponses permises par ces nouveaux dispositifs répondent à la demande de l'ensemble des professionnels de la protection de l'enfance. Il a approuvé la création d'une mesure d'accompagnement en économie sociale et familiale pouvant être mise en oeuvre, en amont de toute mesure de tutelle et avec l'accord des parents, par les départements, mais il a mis en garde contre toute tentation de faire dériver une telle mesure vers une forme de sanction pour les parents supposés négligents, comme tel est le cas dans le cadre du contrat de responsabilité parentale. Il a toutefois observé que le développement de ces mesures se heurterait inévitablement à la pénurie des conseillères en économie sociale et familiale.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

s'est ensuite interrogé sur l'obligation faite aux services de l'aide sociale à l'enfance (ASE) par le projet de loi de désigner un référent pour chaque enfant confié et d'établir, avec les parents, un document synthétisant les actions menées et leurs objectifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

a indiqué que la plupart des départements ont déjà mis en place des formes de documents de prise en charge des enfants, conclus entre les services de l'aide sociale à l'enfance et les parents. Il a souhaité que le projet de loi permette de conserver une certaine souplesse en la matière. En ce qui concerne la désignation d'un référent pour chaque enfant, la lourdeur d'une telle mesure exigerait que sa mise en place soit précédée d'une étude d'impact et de délais pour sa montée en charge.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

a admis que la désignation d'un référent pour chaque enfant est sans doute une solution idéale pour assurer la cohérence des parcours de protection, mais une telle mesure demandera, outre un effort financier considérable de la part des départements, un investissement important en matière de formation.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

a enfin souhaité recueillir les réactions des présidents de conseils généraux à l'extension des missions des services de protection maternelle et infantile (PMI) en matière de prévention des difficultés familiales autour du petit enfant.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

s'est déclaré ouvert à un élargissement des missions des services de PMI, mais ceci impliquera de compléter les équipes en place par des professionnels du domaine social et d'inventer, avec les maternités, des modes d'intervention dans le domaine de la périnatalité. En ce qui concerne la mise en place d'un bilan pour les enfants de trois à quatre ans, il a mis en garde contre toute tentation d'en faire une sorte d'outil de prévention précoce de la délinquance, en s'appuyant sur une vision déterministe des troubles de comportement du petit enfant.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

a observé que la réforme proposée n'aura de consistance que si elle s'appuie sur des moyens financiers importants. Il a également souligné l'hypothèque que font peser sur sa mise en oeuvre la pénurie de certaines catégories de travailleurs sociaux et la politique de recrutement très restrictive de beaucoup de départements. Il a enfin voulu recueillir l'avis de l'ADF sur l'avant-projet de loi relatif à la prévention de la délinquance qui neutralise, selon lui, une grande partie des futures dispositions sur la protection de l'enfance.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

a indiqué ne pas pouvoir se prononcer sur le texte relatif à la prévention de la délinquance, dans la mesure où le bureau de l'ADF ne s'est pas encore réuni pour l'examiner. Il a tenu à préciser que si le rapport de l'Inserm sur la corrélation entre délinquance et troubles du comportement dans la petite enfance lui semble constituer un travail scientifique de valeur, l'existence de ces troubles ne peut en aucun cas avoir de caractère prédictif pour une politique de prévention de la délinquance.

Debut de section - PermalienPhoto de Claire-Lise Campion

a fait part de son souhait de voir la commission se saisir pour avis du futur projet de loi sur la prévention de la délinquance. Par ailleurs, elle a craint que la pénurie de professionnels formés ne constitue un obstacle majeur à la mise en oeuvre de la réforme de la PMI.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

a reconnu que le statut et la rémunération des médecins de PMI découragent les vocations dans ce secteur. Parallèlement, les difficultés de recrutement des autres catégories de professionnels intervenant en PMI résultent surtout du manque d'attractivité de certains territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Janine Rozier

a souhaité savoir comment les départements envisagent de mettre en oeuvre les nouvelles missions de la PMI en matière de prévention. Elle s'est demandé si la réforme ne conduit pas à rétablir en réalité le dispositif des consultations de nourrissons en vigueur dans les années soixante.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

a précisé qu'il n'est pas envisageable de rendre systématique la visite des professionnels de la PMI au domicile de toutes les jeunes accouchées d'un secteur donné. La nouvelle prévention sociale confiée à la PMI concernerait en fait les personnes qui se tournent déjà vers ce service pour la prévention médicale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

a voulu savoir si les conseils généraux sont favorables à une décentralisation de la médecine scolaire, afin de permettre une continuité des actions de prévention au-delà de l'âge de six ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

a rappelé que les départements avaient demandé cette compétence lors de la loi de décentralisation de 2003, mais que le Gouvernement avait reculé devant le refus des syndicats de médecins scolaires.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

a enfin souhaité recueillir le sentiment de l'ADF sur la création des observatoires départementaux de l'enfance en danger.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

en a approuvé le principe, estimant que ces nouveaux organismes permettraient d'alimenter de façon plus précise les bases de données statistiques de l'Oned.

Debut de section - Permalien
Sylviane Hocher, Maître Yves Crespin, président

Ensuite, la commission a organisé une table ronde réunissant les représentants de plusieurs associations de protection de l'enfance : Mme Sylviane Hocher, administrateur d'Enfance et partage, Mme Martine Brousse, directrice de La voix de l'enfant, Maître Yves Crespin, président, et Mme Sandra Montel, juriste de L'enfant bleu, Mmes Chantal Lebatard, administratrice, et Florence N'da Konan, chargée de mission de l'Union nationale des associations familiales (Unaf).

s'est félicitée du fait que l'intérêt de l'enfant constitue le coeur du projet de loi, mais elle a regretté que le message porté par ce texte soit brouillé par la concomitance d'autres projets de loi annoncés, notamment celui relatif à la prévention de la délinquance. Elle s'est dite satisfaite du nouveau dispositif de signalement. Elle a enfin salué la présence d'un volet relatif à la prévention précoce dans le texte.

Debut de section - Permalien
Martine Brousse

a reconnu la bonne volonté du Gouvernement pour réformer les dispositifs de protection de l'enfance, mais elle a estimé que les mesures proposées ne permettront pas de mettre fin aux dysfonctionnements actuels, notamment par manque de moyens financiers et humains. Elle a pointé les nombreuses lacunes du dispositif de l'aide sociale à l'enfance : la protection des enfants est peu ou pas assurée le soir, le week-end et pendant les vacances par manque de personnel, les décisions des présidents de conseils généraux sont entachées de considérations politiques et les remontées statistiques en direction de l'Oned sont insuffisantes.

Debut de section - Permalien
Yves Crespin

Rappelant les affaires d'Outreau et d'Angers, M. Yves Crespin a considéré que le dispositif de protection de l'enfance nécessite une réforme globale, ainsi que des moyens humains et financiers renforcés. A la lumière de ce constat, il a exprimé sa déception face au contenu du projet de loi, estimant que celui-ci ne comporte aucune mesure réellement novatrice.

Il s'est déclaré opposé à un renforcement des pouvoirs des présidents de conseils généraux, considérant que les affaires judiciaires récentes avaient montré la faillite du dispositif de protection aujourd'hui placé sous la responsabilité des départements. Il a présenté trois pistes pour une réforme plus efficace de la protection de l'enfance : la création de cellules de signalement dotées de réels moyens de prise en charge des mineurs maltraités, la reconnaissance d'un devoir d'ingérence familiale pour les travailleurs sociaux et la fusion, en une seule institution, du juge des enfants et du juge aux affaires familiales.

Debut de section - Permalien
Chantal Lebatard

a souligné l'ambiguïté du projet de loi, qui apporte de réelles améliorations en matière de repérage et de prise en charge des enfants en danger, mais qui ne permet pas de résoudre les dysfonctionnements constatés en matière de lutte contre la maltraitance. Elle a toutefois reconnu au projet de loi le mérite de promouvoir une nouvelle culture du travail en commun entre les départements, les services de l'Etat et l'autorité judiciaire.

Elle a fait part des inquiétudes des associations familiales quant à la coordination du projet de loi avec d'autres textes en préparation, notamment celui sur la prévention de la délinquance, considérant que ce dernier risque d'instrumentaliser la protection de l'enfance pour en faire un outil de protection de la société contre la délinquance.

Elle a en revanche salué les dispositions du projet de loi qui permettent une diversification des modes de prises en charge des mineurs en danger, estimant que ces mesures répondent aux besoins d'innovation et d'adaptation aux situations individuelles rencontrés par les acteurs de terrain et devraient permettre de sécuriser les expérimentations déjà menées dans de nombreux départements.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

s'est ému des critiques violentes de certaines associations à l'égard des élus. Il a voulu savoir quelle autorité serait susceptible d'être mieux adaptée que les conseils généraux pour mettre en oeuvre la politique de protection de l'enfance.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

a rejoint les interrogations du rapporteur quant à l'autorité la plus pertinente en matière de protection de l'enfance.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Henneron

s'est interrogée sur la possibilité de mieux associer les maires au dispositif de protection de l'enfance, rappelant que ces derniers, notamment en milieu rural, sont souvent les premiers à détecter les familles en difficulté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

a jugé excessives les critiques adressées aux départements soulignant que, depuis la décentralisation de l'aide sociale à l'enfance en 1989, les départements avaient multiplié par six le budget jusqu'alors consacré par l'Etat à la protection de l'enfance. Il a insisté sur le fait que les affaires judiciaires récentes ne doivent pas faire oublier les nombreux drames évités grâce à l'intervention des services sociaux départementaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

a estimé que les difficultés de l'aide sociale à l'enfance résident en réalité dans un défaut de coordination entre les départements, les communes, les assistantes sociales et l'autorité judiciaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

a observé que le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance envisage de confier de nombreux pouvoirs aux maires, ce qui ne serait pas sans poser des problèmes de cohérence avec le dispositif départemental de protection de l'enfance.

Debut de section - Permalien
Martine Brousse

a tenu à réaffirmer son profond respect pour les élus et elle a admis que les défaillances du dispositif de signalement résident principalement dans l'articulation des interventions de nature administrative et judiciaire. Elle a reconnu que l'action des départements en matière de prise en charge des enfants maltraités est tout à fait satisfaisante, mais elle a maintenu qu'en matière de signalement, les conseils généraux peuvent être tentés de se soumettre à la loi du silence, surtout lorsque les actes de maltraitance ont lieu en institution. La désignation et la rémunération des administrateurs ad hoc par les départements posent également des problèmes, car ceux-ci peuvent ensuite difficilement dénoncer les dysfonctionnements des services départementaux.

Debut de section - Permalien
Sylviane Hocher, Maître Yves Crespin, président

a souligné que la décentralisation de l'aide sociale à l'enfance a entraîné des inégalités de traitement selon les territoires. Par ailleurs, les différents acteurs de la protection de l'enfance vivent en général dans la défiance les uns vis-à-vis des autres, cherchant à défendre un pré carré là où il faudrait que les intérêts corporatifs s'estompent au profit de l'intérêt supérieur de l'enfant. Ainsi, bien souvent, les services du conseil général refusent d'informer les personnes à l'origine d'un signalement des suites qui lui ont été données, alors même que la loi en donne l'obligation aux départements.

Debut de section - Permalien
Chantal Lebatard

a reconnu que le département est sans doute l'échelon le plus pertinent pour la conception, la coordination et la mise en oeuvre de la politique de protection de l'enfance. Dans ces conditions, une coopération avec les communes peut être envisagée dès lors que le rôle pivot du conseil général est préservé. Elle a toutefois insisté sur le fait que la politique de protection de l'enfance devrait également comprendre un échelon national : il est donc indispensable de parvenir à un fonctionnement satisfaisant de l'Oned.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

a souhaité connaître le sentiment des associations de protection de l'enfance sur la notion de secret professionnel partagé introduite par le projet de loi.

Debut de section - Permalien
Yves Crespin

s'est dit choqué que l'on puisse encore opposer le secret professionnel dans un domaine aussi sensible que celui de la maltraitance à enfant. Il a estimé que dans le cadre des nouvelles cellules de signalement, le secret professionnel devrait être totalement écarté, faute de quoi elles n'apporteraient aucun progrès par rapport à la situation actuelle.

Debut de section - Permalien
Martine Brousse

a fait valoir le caractère paradoxal de la notion de secret partagé : par définition, un secret ne se partage pas. Il semblerait plus approprié de parler de partage d'informations.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas About

A l'inverse, M. Nicolas About, président, s'est dit très attaché à la notion de secret professionnel, estimant que celui-ci était un moyen de protéger l'enfant. Parler de secret partagé est donc approprié, puisqu'il s'agit de partager des informations couvertes par le secret uniquement avec des personnes également liées par le même secret et donc par les mêmes responsabilités à l'égard de l'enfant.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

s'est déclarée favorable à la notion de secret partagé, car il s'agit d'échanger des informations confidentielles entre membres d'un même corps sur le modèle de ce qui existe en matière de secret médical.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Seillier

a considéré que le concept de partage d'informations serait inadapté dans la mesure où la notion d'information implique une diffusion publique, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Debut de section - Permalien
Sylviane Hocher, Maître Yves Crespin, président

a fait part de l'inquiétude que lui inspire la reconnaissance d'un secret professionnel partagé, considérant que cette notion peut être pervertie dans un but de contrôle social.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

a indiqué que le titre II du projet de loi consacré à l'audition de l'enfant et aux liens entre protection sociale et protection judiciaire de l'enfance est, à son sens, celui qui pose les plus grandes difficultés. Autant la reconnaissance d'un droit de l'enfant à être entendu à sa demande dans le cadre des affaires qui le concernent doit être saluée, autant l'obligation pour tous les partenaires de la protection de l'enfance de transmettre au conseil général les informations préoccupantes dont ils ont connaissance est source d'inquiétudes. Compte tenu des risques d'utilisation abusive des renseignements transmis, il est à craindre que les travailleurs sociaux refuseront le plus souvent de coopérer.

Debut de section - Permalien
Martine Brousse

s'est indignée du fait que le secret professionnel ou médical puisse encore servir d'alibi pour repousser un signalement, alors que, chaque année, plus de trois cents enfants meurent sous les coups d'un proche. Le partage d'informations, y compris quand elles sont normalement couvertes par le secret professionnel, doit être obligatoire dès lors qu'il y a atteinte ou risque d'atteinte à l'intégrité de l'enfant.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Seillier

a regretté que les débats de la table ronde se cantonnent à des considérations générales toujours empreintes d'émotivité et il a souhaité savoir si les associations ont élaboré des propositions précises d'amélioration à présenter à la commission.

Debut de section - Permalien
Chantal Lebatard

a rappelé que les acteurs de la protection de l'enfance ont à connaître de situations individuelles très différentes : en cas de maltraitance, le secret professionnel doit effectivement être levé afin de permettre le partage des informations nécessaires à la mise à l'abri de l'enfant ; mais il existe aussi d'autres situations de danger, moins tranchées, où la question se pose du partage entre les informations devant rester confidentielles et celles utiles à la prise en charge de la famille. Dans ce deuxième cas, la notion de secret professionnel partagé est utile pour permettre une analyse en commun de la situation d'un enfant.

Debut de section - Permalien
Yves Crespin

a expliqué le manque de précision des propositions concrètes des associations pour améliorer le dispositif de protection de l'enfance par la précipitation avec laquelle le Gouvernement a souhaité conduire la réforme.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

a fait observer que le ministre avait organisé des rencontres avec des professionnels de terrain dans tous les départements et que les enseignements de cette concertation avaient fait l'objet d'une synthèse et d'un débat à l'occasion d'assises nationales de la protection de l'enfance organisées dans le Maine-et-Loire au printemps 2006.

Il a ensuite souhaité recueillir l'avis des participants à la table ronde sur l'obligation faite aux départements de consigner dans un document unique, contresigné par les parents, l'ensemble des mesures dont bénéficie l'enfant et leurs objectifs.

Debut de section - Permalien
Chantal Lebatard

s'est dite favorable à l'idée d'une contractualisation avec les parents, considérant qu'un tel document pourrait être un bon outil d'aide à la parentalité. Toutefois, ce dispositif risque d'être confondu avec le contrat de responsabilité parentale, créé par la loi relative à l'égalité des chances, et dont les objectifs sont étrangers à la protection de l'enfance. D'une façon générale, il semble indispensable de veiller à ce que les moyens accordés aux dispositifs d'aide à la parentalité soient maintenus.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

a souhaité avoir des précisions sur la notion de devoir d'ingérence familiale évoquée par les associations. Ce concept paraît en effet contradictoire avec le principe, réaffirmé par le projet de loi, d'association des parents aux décisions concernant leur enfant et de maintien du lien avec la famille d'origine.

Debut de section - Permalien
Yves Crespin

a expliqué que les affaires judiciaires récentes ont concerné en général des familles suivies par des travailleurs sociaux, lesquels avaient été dans l'incapacité de détecter les actes de maltraitance, faute de pouvoir pénétrer à l'intérieur des familles.

Debut de section - Permalien
Sylviane Hocher, Maître Yves Crespin, président

a plaidé pour un abandon du dogme du maintien à tout prix des liens entre l'enfant et sa famille biologique : la nécessité de préserver des relations entre l'enfant et sa famille doit être appréciée au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant. Pour ce qui concerne la contractualisation avec les familles, elle a insisté sur le fait que les engagements devront être réciproques et que les services d'aide à l'enfance devront donner aux parents les moyens d'assumer leur rôle.

Debut de section - Permalien
Martine Brousse

a regretté que le projet de loi ne s'attache pas davantage à la prévention des difficultés familiales et au soutien à la parentalité.

Debut de section - Permalien
Chantal Lebatard

a souhaité que des précisions puissent être apportées au projet de loi sur la confidentialité du document d'engagement réciproque. Elle a également plaidé pour une simplification du financement des dispositifs d'aide à la parentalité. Elle a enfin salué la création d'une mesure d'accompagnement en économie sociale et familiale, à la charge des départements, mais elle s'est interrogée sur l'existence des moyens humains et financiers nécessaires à sa mise en oeuvre.