Au cours d'une première séance tenue le matin, la commission procède tout d'abord à l'examen du rapport de M. Bertrand Auban, rapporteur spécial, sur la mission « Régimes sociaux et de retraite », le compte d'affectation spéciale « Pensions » et l'article 100 du projet de loi de finances pour 2011.
Il me revient de vous présenter ce matin, au nom de la commission des finances, les crédits pour 2011 de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte spécial « Pensions », ainsi que l'article 100 du projet de loi de finances pour 2011 relatif à la décristallisation des pensions civiles et militaires des anciens combattants ressortissants de pays autrefois placés sous la souveraineté française.
Bien que les sommes en jeu pour financer les pensions de l'Etat soient considérables, je serai très bref. Tout d'abord, je vous ai déjà présenté, le 29 septembre dernier, un premier bilan de la réforme de 2008 du régime spécial de retraite de la SNCF ainsi qu'un suivi des observations que j'ai formulées, il y a deux ans, sur la caisse de retraite du personnel de la RATP ; le rapport n° 732 (2009-2010) vient d'être mis en distribution. Ensuite, les dépenses de pensions des fonctionnaires sont des charges obligatoires pour l'Etat envers les ayant droits. Elles dépendent donc essentiellement de la démographie et du droit applicable.
Avant d'entrer dans le détail, dans le contexte actuel du débat qui agite notre pays sur la réforme des retraites, je souhaite, à titre liminaire et personnel, exprimer mon désaccord profond sur les points fondamentaux du projet de loi présenté par le Gouvernement, à savoir le recul de 60 à 62 ans de l'âge d'ouverture des droits et de 65 à 67 ans de l'âge permettant de percevoir une retraite à taux plein. Ce projet présente également des mesures sur la pénibilité très insuffisantes. Il pénalise les carrières longues, c'est-à-dire ceux qui commencent à travailler très jeune, et les carrières incomplètes, en particulier celles des femmes. Le dossier, important, de la réforme des retraites aurait mérité mieux qu'un projet débattu dans l'urgence au Parlement, mené sans concertation avec les partenaires sociaux, ni écoute de la population, et surtout profondément injuste envers les salariés qui assumeront quasiment seuls les sacrifices exigés par cette réforme.
Je reprends maintenant mes fonctions de rapporteur spécial de la commission des finances et j'en viens à la présentation des chiffres clés et des données de cadrage général des retraites des fonctionnaires de l'Etat qui relèvent du compte spécial « Pensions » et de certains régimes spéciaux bénéficiant d'une subvention d'équilibre de l'Etat dans le cadre de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».
Pour 2011, le coût global du compte spécial « Pensions » s'élèvera à 52,6 milliards d'euros, contre 51,12 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2010. Dans ce total, quelque 38,55 milliards d'euros seront consacrés aux pensions civiles et 9,52 milliards d'euros aux pensions militaires.
Afin d'équilibrer les recettes avec les dépenses, l'ensemble des taux de contribution employeur de l'Etat continuent à progresser :
- pour les personnels civils, le taux passera de 62,14 % en 2010 à 65,39 % en 2011 ;
- pour les personnels militaires, le taux passera de 108,63 % à 114,14 %.
En outre, j'ai noté que le projet de loi de finances anticipe l'application de la réforme des retraites en augmentant, dès 2011, de 0,27 point le taux de cotisation de 7,85 % applicable aux fonctionnaires, dans la perspective de la convergence vers le taux de droit commun de 10,55 %.
Or, malgré cette augmentation des recettes, le compte spécial « Pensions » est présenté en déficit de recettes de 200 millions d'euros, soit 0,4 % du total, qui sera comblé par la mobilisation à due concurrence du fonds de roulement d'un milliard d'euros qui lui est affecté.
S'agissant maintenant de la mission « Régimes sociaux et de retraite », je précise que le motif qui a présidé à la création d'une telle mission budgétaire est de regrouper le financement d'un ensemble de régimes spéciaux de retraite en déclin démographique pour lesquels la nation exprime sa solidarité en apportant une subvention d'équilibre. Pour 2010, la contribution de l'Etat s'élèvera à 6,03 milliards d'euros, soit une progression de 5,4 % par rapport à 2010 (5,72 milliards d'euros). Ce budget soutient les régimes sociaux et de retraite de près de 800 000 pensionnés pour moins de 250 000 cotisants.
Les régimes les plus importants au regard du soutien de l'Etat sont au nombre de cinq :
pour les retraités de la SNCF, la subvention de l'Etat s'élèvera en 2011 à près de 3,2 milliards d'euros, soit 61 % du montant des prestations de pensions vieillesse servies ;
pour les mineurs : 1,2 milliard d'euros ;
pour les marins : 789 millions d'euros ;
pour les personnels de la RATP : 526 millions d'euros ;
et pour la SEITA : 139 millions d'euros.
Certains régimes sont en voie d'extinction démographique et ne comptent plus de cotisants. Sont ainsi totalement subventionnés par l'Etat, au titre de la solidarité nationale, les régimes de retraite de l'Imprimerie nationale (7 bénéficiaires), des régies ferroviaires d'outre-mer (228 bénéficiaires) et de l'ORTF (284 bénéficiaires).
Je ferai une observation de principe sur le périmètre de la mission « Régimes sociaux et de retraite » car j'ai identifié un certain nombre de régimes spéciaux qui sont subventionnés par l'Etat en dehors de la présente mission. Il s'agit notamment des caisses de retraite de la Comédie française et de l'Opéra de Paris. Outre les 17 millions d'euros attribués à ces deux établissements sur les crédits de la mission « Culture », quelque 675 millions d'euros de prestations sociales et de retraite, issus de la mission « Ecologie, développement et aménagement durable », financent l'après crise des mines (charbonnages de France, houillères, mines de fer, ardoisières, etc.) et les retraites des anciens électriciens et gaziers d'Algérie, du Maroc et de Tunisie. Afin d'améliorer la lisibilité d'ensemble de la contribution de l'Etat aux régimes spéciaux, je propose que le rattachement à la mission « Régimes sociaux et de retraite » du financement de ces régimes soit mis à l'étude pour l'élaboration des prochains budgets.
Au total, le financement des retraites de la fonction publique et des régimes spéciaux dont l'Etat assure l'équilibre financier mobilisera, en 2011, 58,63 milliards d'euros, soit près de 20,5 % des dépenses de l'Etat. Selon les projections de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour la période 2011-2014, l'évolution des dépenses de retraite sur la période 2011-2013 continuera à être très dynamique, suivant une progression de l'ordre de 8 %.
Avant de conclure cette intervention, je souhaiterais dire un mot de la décristallisation des pensions civiles et militaires des anciens combattants ressortissants de pays autrefois colonies ou protectorats de la France. Ils sont encore 32 000 à pouvoir prétendre à une pensions équivalente à celle de nos concitoyens. A la suite de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui a institué la procédure de question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a rendu sa première décision, le 28 mai 2010, et a considéré comme « contraires au principe d'égalité » les dispositions légales instituant la cristallisation des pensions de ces anciens combattants. L'article 100 du projet de loi de finances pour 2011 propose au législateur de remédier à cette inconstitutionnalité en alignant les droits à pensions quelle que soit la nationalité du bénéficiaire. Le coût de cette mesure, dont l'entrée en vigueur est prévue au 1er janvier prochain, serait de 150 millions d'euros en année pleine. Pour 2011, le Gouvernement estime que cette charge serait limitée à 82 millions d'euros du fait de la montée en charge progressive des demandes de reconstitution de carrière par les intéressés. J'appellerai naturellement le Gouvernement à la plus grande diligence dans la mise en oeuvre de la mesure et dans le traitement des dossiers compte tenu de l'âge élevé des intéressés.
Pour terminer, et considérant que le paiement des droits à pension constitue pour l'Etat une obligation, je vous propose, au nom de la commission des finances et au bénéfice de mes observations, d'adopter les crédits du compte d'affectation spéciale « Pensions » et de la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Je vous propose également d'exprimer un avis favorable à l'adoption de l'article 100 du projet de loi de finances pour 2011, rattaché au compte spécial « Pensions », relatif à la décristallisation des pensions civiles et militaires de retraite, sous réserve d'une modification rédactionnelle et de simplification.
Je vous rappelle que l'article 100 prévoit la remise chaque année par le Gouvernement d'un rapport au Parlement sur le bilan de la mise en oeuvre de la décristallisation.
Outre une modification purement rédactionnelle, mon amendement vise donc à simplifier et à rationaliser le travail d'information du Parlement par le Gouvernement. Le souci de rendre compte annuellement de la mise en oeuvre de la décristallisation des pensions est à la fois louable et nécessaire. J'attire l'attention sur le fait que la réussite pleine et entière des mesures de décristallisation dépendra en premier lieu des conditions d'application : il faudra que l'administration fasse une publicité suffisante auprès des bénéficiaires et qu'elle produise des formulaires de demande les plus claire et simple possible.
La demande de remise d'un rapport spécifique semble donc inutile car le Gouvernement est déjà tenu par ailleurs de publier en annexe du projet de loi de finances de l'année un rapport sur les pensions de retraite. Il suffit que celui-ci comporte une section consacrée au bilan de la mise en oeuvre de la décristallisation.
Cet exposé éclaire le débat sur les retraites et souligne l'injustice d'un système dans lequel l'Etat se porte garant de l'équilibre de régimes spéciaux offrant à leurs bénéficiaires des droits plus favorables que ceux des régimes de droit commun.
Je rappelle toutefois, ainsi que l'a déjà fait notre rapporteur spécial dans son rapport sur le bilan de la réforme de 2008 sur le régime de retraite de la SNCF, que les régimes spéciaux sont en voie de convergence avec le régime de la fonction publique.
Par ailleurs, je constate que les dépenses de pensions seront très dynamiques, avec 8 % de progression de 2011 à 2013 ainsi que l'a souligné Bertrand Auban, alors que le Gouvernement projette de revenir vers l'équilibre à l'horizon 2014. Cela devrait nous amener à nous interroger sur la question des recettes du budget de l'Etat et de la sécurité sociale.
Le déclin démographique du nombre des pensionnés des régimes spéciaux devrait à long terme entraîner une diminution des subventions de l'Etat.
Cela est vrai à très long terme, et pas avant 2021 en ce qui concerne la SNCF. Pour les prochaines années, le projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour la période 2011-2014 prévoit que la contribution de l'Etat à la mission « Régimes sociaux et de retraite » progressera de 6,03 milliards d'euros en 2011 à 6,24 milliards d'euros en 2012 et 6,53 milliards d'euros en 2013, soit une augmentation de 8,29 %.
Combien d'anciens combattants sont-ils susceptibles de bénéficier de la décristallisation des pensions ?
L'administration compte actuellement 32 000 bénéficiaires potentiels. Mais je souligne que compte tenu de leur âge élevé, ce nombre risque de diminuer rapidement. C'est pourquoi j'appellerai l'administration à traiter les dossiers de revalorisation dans les meilleurs délais.
A l'issue de ce débat, la commission adopte l'amendement proposé par le rapporteur spécial à l'article 100 du projet de loi de finances pour 2011.
Puis, elle décide de proposer au Sénat :
- l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions »,
- ainsi que l'adoption de l'article 100 ainsi modifié.
Puis, la commission procède à l'examen du rapport de Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale, sur le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat ».
Le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » retrace principalement, en recettes, les produits de cession des immeubles de l'Etat et, en dépenses, des versements contribuant à financer des opérations immobilières de l'Etat, ou réalisées par ses opérateurs sur des immeubles domaniaux, et une contribution à son désendettement. Vous vous souvenez qu'à mon initiative, le principe de cette contribution au désendettement a été consacré, dans la loi de finances pour 2009, à hauteur de 15 % sauf exceptions.
Cette organisation doit faire l'objet, en 2011, de modifications substantielles.
Tout d''abord, l'article 30 du projet de loi de finances propose deux aménagements du régime de la contribution au désendettement de l'Etat de ses recettes de cessions immobilières.
En premier lieu, il s'agit d'affecter les produits de la vente d'immeubles occupés par la direction générale de l'aviation civile (DGAC) au désendettement du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ». Ce budget annexe connaît en effet un niveau d'endettement préoccupant (plus d'un milliard d'euros fin 2009). Les versements attendus du fait de la mesure (7 millions d'euros par an, en moyenne, sur la période 2011-2013) ne dispenseront pas des nécessaires réformes internes par ailleurs entreprises par la DGAC.
En second lieu, il est prévu d'exonérer de contribution au désendettement les cessions d'immeubles domaniaux dont disposent certains établissements publics, notamment les universités, qui ont demandé la dévolution de ce patrimoine sur le fondement de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités. À ce jour, aucune dévolution n'a encore été effectuée, mais une dizaine d'universités se sont déclarées candidates. Pendant la période transitoire qui s'étend de la demande de ce transfert de propriété à sa réalisation juridique, l'Etat entend ainsi reverser l'intégralité des produits aux établissements cédants. L'impact financier, d'après le Gouvernement, est difficile à évaluer.
La même mesure d'exonération vise les établissements publics d'enseignement supérieur ou de recherche implantés sur le plateau de Saclay, que la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris entend constituer en pôle scientifique et technologique. Il s'agit là de favoriser les projets immobiliers permettant le développement du campus.
Par ailleurs, le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, au début de ce mois, a fait part de son souhait d'intensifier la contribution au désendettement de l'Etat des produits de cessions immobilières. Il a annoncé le dépôt en ce sens d'un amendement du Gouvernement au projet de loi de finances. Notre visibilité, en la matière, devrait être meilleure à l'issue de l'examen de la première partie de ce projet de loi par l'Assemblée nationale.
Pour ma part, j'ai régulièrement souligné la faiblesse de la contribution au désendettement des produits de cessions immobilières de l'Etat. En pratique, entre 2005 et 2009, en moyenne, 14 % seulement de ces recettes ont été affectées à la réduction de la dette, notamment du fait de l'existence de régimes d'exemption. J'estime que le doublement du taux minimum actuel, qui serait ainsi porté à 30 % des produits, dès 2011, serait significatif d'une volonté politique de mieux lier les ventes d'immeubles de l'Etat à la résorption de sa dette.
Surtout, je préconise de planifier la disparition des régimes d'exemption de contribution au désendettement qui, actuellement, bénéficient aux produits des cessions du ministère de la défense et d'immeubles situés à l'étranger. La pérennité de ces régimes risquerait, en effet, d'entretenir les administrations dans un statut de « quasi-propriétaire », à rebours de la volonté affichée par le Gouvernement d'affermir l'unité de l'Etat propriétaire.
Ainsi, en ce qui concerne les cessions du ministère de la défense, je recommande de ne pas renouveler la dispense de contribution au désendettement au-delà du 31 décembre 2014, échéance actuellement prévue par la loi, ou, au plus tard, au-delà de la fin d'exécution de la loi de programmation militaire en vigueur, si celle-ci devait être prorogée. En ce qui concerne les biens situés à l'étranger, il me paraît nécessaire de borner la dispense dans le temps, ce qui n'est pas fait en l'état du droit, à la même date que pour les biens militaires, dans un souci d'égalité entre ministères. Je me réserve de prendre l'attache de notre collègue Philippe Marini, rapporteur général, pour traduire ces préconisations sous la forme d'amendements.
J'en viens aux crédits prévus par le projet de loi de finances.
La prévision de cessions immobilières de l'Etat, pour 2011, s'élève à 400 millions d'euros de produits, soit 0,7 % de la valeur du parc immobilier inscrite, au 31 décembre 2009, dans le bilan de l'Etat (60,4 milliards d'euros). Cet objectif est le moins élevé depuis qu'une telle prévision se trouve inscrite dans la loi de finances, c'est-à-dire 2005. En particulier, il s'avère nettement plus modeste que celui des deux précédents exercices (1,4 milliard d'euros pour 2009, 900 millions pour 2010), car la prévision a été adaptée aux nouvelles modalités de cession des implantations parisiennes du ministère de la défense (d'abord escomptées à hauteur d'un milliard d'euros en 2009, puis de 700 millions en 2010).
Je vous rappelle que ces ventes sont liées à la perspective du regroupement des services centraux du ministère, à la fin de 2014, sur le site « Balard », dans le XVe arrondissement de la capitale. J'entends d'ailleurs suivre de très près l'évolution de cette opération, dont je tiens à souligner qu'elle a fait l'objet de fortes critiques de la Cour des comptes : elle ne s'est pas inscrite dans la continuité des premiers efforts de planification immobilière entrepris par le ministère au cours des années précédentes, et elle ne semble pas avoir été précédée d'une recherche de solutions alternatives...
En tout état de cause, la prévision du projet de loi de finances apparaît comme plus sincère que celle des deux dernières lois de finances initiales, vu les réalisations récentes de cessions (375 millions d'euros de recettes en 2008, 475 millions en 2009), et compte tenu du rétablissement du marché immobilier. L'exécution en cours le confirme : la prévision de recettes afférente, pour 2010, aux cessions des ministères autres que celui de la défense (soit 200 millions d'euros), devrait être dépassée, et de ce fait plus de 400 millions d'euros de produits sont attendus à la fin de l'année. Les ventes seront d'ailleurs fondées sur le plan pluriannuel de cessions, visant quelque 17 000 biens immobiliers, rendu public en juin dernier par le ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.
Cependant, l'objectif de céder pour 400 millions d'euros d'immeubles de l'Etat conserve un caractère ambitieux, si l'on considère la raréfaction des biens de prestige disponibles à la vente. Certes, au début de cette année, la cession de l'ancien immeuble de Météo-France a donné lieu à une recette de 73 millions d'euros montant qui n'a d'ailleurs été porté que très tardivement à ma connaissance, alors que la presse s'est faite l'écho de conditions de vente qui paraissent discutables... Mais la conclusion de prix semblables se trouve appelée à devenir de plus en plus exceptionnelle. L'atteinte de l'objectif de cessions pour 2011 est donc conditionnée à des réalisations nombreuses.
La contribution des produits au désendettement de l'Etat est fixée par le projet de loi de finances à 60 millions d'euros, soit 15 % du total. Ce montant, toutefois, demeure quelque peu incertain, eu égard aux projets de réforme que j'ai indiqués. Du moins, l'orientation est bien à l'intensification de cette contribution, puisque c'est 15 % de l'ensemble des recettes des cessions immobilières de l'année qu'il est ainsi prévu d'affecter à la réduction de la dette, nonobstant les régimes d'exemption précités. Du reste, l'ampleur des cessions du ministère de la défense et d'immeubles situés à l'étranger attendues pour 2011 n'est pas précisée par la documentation budgétaire, et je compte donc interroger le Gouvernement, sur ce point, en séance.
Le solde de 340 millions d'euros sera affecté à des dépenses immobilières, pour des opérations qui devront satisfaire à l'exigence d'une gestion performante. L'emploi concret de ces ressources reste toutefois à justifier, faute de précision suffisante, là encore, des éléments fournis par la documentation budgétaire.
À présent, comme les années précédentes, je voudrais élargir mon propos aux avancées récentes et perspectives à court terme de la politique immobilière de l'Etat, laquelle, de mon point de vue, ne saurait se limiter aux cessions. Le but véritable, en la matière, est en effet de rationaliser les coûts et les implantations. Il faut souligner le caractère essentiel que revêt ici la volonté politique, et sa réitération, tant peuvent se révéler prégnantes les réticences au changement...
Tout d'abord, la « refondation » de cette politique doit encore être menée à bien.
En premier lieu, l'amélioration de l'inventaire et de la valorisation du patrimoine immobilier constitue toujours une tâche importante pour assurer la sincérité du bilan de l'Etat. Je rappelle que la Cour de comptes, dans son rapport de certification pour 2009, a maintenu la réserve substantielle qu'elle avait formulée, à cet égard, pour les exercices précédents.
En deuxième lieu, la substitution des nouvelles conventions d'utilisation au régime de l'affectation des immeubles domaniaux connaît une mise en application difficile. France Domaine est tenu d'avoir conclu l'ensemble des conventions d'ici la fin 2013, et le nombre d'immeubles soumis à convention est estimé à 60 000. Or, au 30 juin dernier, seules 225 conventions d'occupation avaient été signées, sur 1 201 projets envoyés aux administrations occupantes. La « révolution culturelle » s'avère lente à se concrétiser !
En dernier lieu, la mutualisation interministérielle du produit des cessions immobilières est à généraliser. En effet, dans le régime actuel, et pour s'en tenir au droit commun, cette mutualisation est limitée à 20 % des produits, tandis que 65 % reviennent au ministère cédant, 15 % étant affectés au désendettement comme je l'ai indiqué. Ce régime, aménagé par le Gouvernement au titre de l'intéressement des ministères aux cessions, ne se justifiait, à mes yeux, que dans les premiers temps de la rationalisation du parc immobilier. Désormais, la consécration de l'Etat propriétaire passe par la mutualisation complète des recettes patrimoniales.
Cette mesure permettrait à France Domaine de piloter les opérations immobilières de ministères qui, aujourd'hui, au-delà des contrôles de conformité aux critères de performance auxquels ils sont assujettis, se révèlent pratiquement souverains sur des budgets d'investissement établis à partir des produits de « leurs » cessions. Le cas échéant, l'intéressement des ministères à la rationalisation doit changer de niveau : elle ne doit plus s'opérer sur le plan des cessions, mais sur celui des conditions de leur occupation immobilière, par des mesures incitatives à une gestion optimale.
Par ailleurs, l'extension du champ d'application de la politique immobilière de l'Etat est à poursuivre.
C'est vrai, d'abord, sur un plan institutionnel.
Je fais là référence, d'abord, aux services déconcentrés, désormais réorganisés dans le cadre de la réforme territoriale de l'Etat (RéATE). Tous sont redevables, aujourd'hui, d'un loyer budgétaire pour leur occupation d'immeubles domaniaux, et tous seront dotés, d'ici la fin de cette année, d'un schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI).
Je fais également référence aux 643 opérateurs de l'Etat, qui commencent seulement à être intégrés à sa stratégie immobilière. L'inventaire et l'évaluation de leur parc immobilier reste en cours ; chacun d'entre eux doit se doter d'un SPSI entre 2010 et 2011. D'ailleurs, je rends hommage au précédent ministre chargé du budget d'avoir fait preuve, pour obtenir ces résultats, de la fermeté nécessaire.
Sur un plan opérationnel, l'entretien des bâtiments de l'Etat et la gestion des baux qu'il supporte constituent deux domaines encore seulement à l'orée d'un meilleur suivi.
À ce propos, je rappelle que mon contrôle sur pièces et sur place, l'année dernière, a établi la méconnaissance par l'Etat de son parc locatif et le caractère coûteux de celui-ci (près de 190 millions d'euros par an en Ile-de-France). D'évidence, il fallait mettre en place une gestion active en la matière ; mon rapport tendait à appuyer, dans cet effort, le ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat. De fait, dès l'année dernière, le Gouvernement a fait valoir deux séries d'initiatives.
D'une part, des mesures ponctuelles de réorganisation des conditions d'implantation de certains services ont été prises. Par exemple, le bail du secrétariat d'Etat aux sports et celui des services du Médiateur de la République ont été renégociés. De même, je signale à l'attention particulière du Président Arthuis, attentif au sujet, qu'une lettre du ministre chargé du budget a été adressée au président de la Cour de justice de la République, en vue de trouver une solution au coût excessif du bail de cette institution. Toutefois, cette recommandation, à ce jour, semble être restée sans suite.
D'autre part, et surtout, des mesures « structurantes » ont été décidées pour la gestion du parc locatif de l'Etat. En particulier, un marché de renégociation des baux franciliens a été lancé. Toutes opérations confondues, aujourd'hui, le ministère met en avant une économie globale de 36,5 millions d'euros par an. C'est un bon début.
En outre, des normes commencent à être fixées pour encadrer les baux qui seront contractés, dans l'avenir, par les services de l'Etat. Ainsi, en Ile-de-France, les loyers supportés par ce dernier ne pourront plus dépasser 400 euros par mètre carré, hors taxes et hors charges. En ce qui concerne les autres agglomérations, le Gouvernement devrait soumettre prochainement au Conseil de l'immobilier de l'Etat, pour avis, ses propositions.
Il faut soutenir, bien sûr, ces avancées. C'est dans cette perspective que je vous présenterai un amendement, qui vise à améliorer l'information donnée au Parlement sur la performance immobilière des différents ministères.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose l'adoption sans modification des crédits du compte « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat ».
Je remercie la rapporteure spéciale pour la clarté de sa présentation.
Il me semble qu'une fois prélevé, le cas échéant, le montant nécessaire au financement du relogement des services, les recettes de cessions immobilières de l'Etat devraient contribuer au désendettement par principe, et n'être affectées à des dépenses immobilières que par exception, pour des investissements dûment motivés. Il resterait à motiver les ministères pour qu'ils rationnalisent leurs moyens immobiliers ; la rapporteure spéciale a indiqué la voie à suivre à cet effet.
Par ailleurs, la diminution des surfaces de bureaux occupées par l'Etat devrait se traduire par des économies de fonctionnement. Qu'en est-il ?
Les administrations ne sont parfois guère incitées à réduire leur emprise immobilière... Par exemple, les universités ont longtemps été réticentes à le faire, parce que leur dotation de fonctionnement était précisément calculée sur la base de la surface des bâtiments qu'elles occupaient !
La proposition de notre collègue Denis Badré relative à l'affectation des recettes de cessions immobilières, qui tendrait à donner la priorité à la contribution au désendettement sur la contribution à des investissements immobiliers, me semble prématurée. En effet, les services déconcentrés sont seulement sur le point d'être tous dotés de SPSI ; ces documents, élaborés à partir des diagnostics dont les bâtiments ont fait l'objet, vont permettre de dresser un bilan de la situation, en identifiant les besoins, et de tracer les perspectives de rationalisation à moyen terme. Attendons la mise en oeuvre, évaluons ses effets. L'affectation de principe des produits au désendettement constitue certainement l'objectif final, mais ne brûlons pas les étapes.
L'effet des réductions d'occupation de surfaces de bureaux sur les dépenses de fonctionnement de l'Etat, aujourd'hui, est encore mal établi. De mon point de vue, cela tient notamment à la déconnection de deux réformes : d'une part, la RéATE, menée sous l'autorité des préfets ; d'autre part, la révision générale des politiques publiques (RGPP), dont la mise en oeuvre est suivie par le ministère chargé du budget. Le Gouvernement n'a pas articulé l'une à l'autre, comme il convenait.
L'amendement que je propose, qui tend à créer un article additionnel après l'article 100 du projet de loi de finances, est de nature à permettre d'y voir plus clair. Il prévoit en effet que la surface utile nette, les ratios d'occupation par poste de travail et le coût global d'occupation des bâtiments de l'Etat à usage principal de bureaux, ainsi que tous les autres indicateurs qui permettraient d'apprécier la performance immobilière, se trouvent retracés, par ministère et en distinguant l'administration centrale et les services déconcentrés, en annexe au projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion de chaque exercice.
Je voudrais vous faire part de mon expérience personnelle. J'ai été amené à négocier, pour le compte du conseil général auquel j'appartiens, l'acquisition d'un bâtiment de l'Etat occupé par le ministère de la défense. Après avoir obtenu un accord de principe sur cette vente, je me suis heurté, pendant plusieurs mois, à un blocage complet de la part du ministère. Or il s'est avéré que la difficulté résidait, pour l'essentiel, dans un motif aussi futile qu'inacceptable : ce bâtiment, bien qu'il ne soit plus utile aux armées, restait utilisé par les militaires, à titre de commodité d'hébergement, à l'occasion de leur passage dans le département ! En me fondant sur cet exemple concret, je crois qu'il existe un certain nombre de réticences au changement dont les causes véritables ne sont pas dites, parce qu'elles ne sont pas avouables...
Au cours de la période 2005-2009, l'Etat a réalisé 3,1 milliards d'euros de produits de cessions immobilières. Sur ce montant, il a consacré à son désendettement moins de 440 millions d'euros, soit 14 %. J'observe la même sous-affectation au désendettement en ce qui concerne les recettes issues de la cession de participations financières. Ce sont des choix que je déplore. Les objectifs, en la matière, sont souvent ambitieux ; les résultats s'avèrent décevants.
Par ailleurs, je suis préoccupé par le coût que représentera, ex post, le regroupement des services centraux du ministère de la défense. D'une part, comme presque toujours dans le cas de grands chantiers, les opérations de construction vont vraisemblablement se révéler plus onéreuses que prévues. D'autre part, je doute que l'on parvienne à vendre les plus prestigieux des immeubles que le ministère est supposé quitter. L'expérience montre, en effet, que la tentation des administrations est très forte de conserver les fleurons du patrimoine immobilier qu'elles occupent... Quel devenir, par exemple, pour l'Hôtel de la Marine ?
Le sort exact de ce bâtiment n'est pas encore déterminé. Une location par voie de bail emphytéotique est envisagée ; peut-être certaines activités commerciales seront-elles autorisées au preneur.
D'une manière générale, il est malaisé de voir clair dans les opérations immobilières du ministère de la défense. Les cessions, d'ailleurs, sont souvent complexes et difficiles à négocier. À Paris, elles sont susceptibles de faire intervenir la Ville, qui peut faire jouer, en vue de la réalisation de logements sociaux, un droit de priorité d'acquisition des immeubles.
La maîtrise des coûts, en tout cas, est aux mains du ministère, qui jouit d'une certaine autonomie...
La RGPP, qui s'applique aux administrations déconcentrées d'une manière tangible, doit s'imposer également aux administrations centrales.
Du moins, la réduction des surfaces de bureaux occupées par l'Etat va dans le bon sens.
Certes ; encore faut-il pouvoir en mesurer le résultat en termes d'optimisation de la gestion immobilière. C'est l'objet de l'amendement que je vous propose, partant du principe que les cessions sont loin de résumer la performance qu'il est légitime, sur ce plan, d'attendre de l'Etat.
Les difficultés que peuvent rencontrer les cessions immobilières du ministère de la défense trouvent leur origine, pour une part, dans le renouvellement relativement rapide des équipes. En effet, une vente importante exige du temps ; or les agents du ministère occupent rarement les mêmes fonctions pendant plus de deux années. De ce fait, les interlocuteurs des acquéreurs potentiels changent souvent. Il y a là un problème d'organisation du ministère, qui doit assurer une meilleure continuité dans le suivi de ces opérations.
À l'issue de ce débat, la commission adopte l'amendement proposé par la rapporteure spéciale, tendant à ajouter un article additionnel après l'article 100 du projet de loi de finances pour 2011.
Puis elle décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » et de l'article additionnel ainsi ajouté.
La commission procède enfin à l'examen du rapport de M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, sur la mission « Action extérieure de l'Etat » et l'article 67 du projet de loi de finances pour 2011.
En ces temps de rigueur budgétaire, un premier regard sur les crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat » pourrait donner l'impression que le ministère des affaires étrangères et européennes est relativement privilégié. En effet, à périmètre constant, les crédits de la mission progressent de 2,1 % en autorisations d'engagement (AE) et de 3,7 % en crédits de paiement (CP). Ils s'élèvent ainsi à 2,962 milliards d'euros pour les AE et à 2,965 milliards d'euros pour les CP.
Cependant, ce constat mérite d'être relativisé.
Tout d'abord, parce que le Quai d'Orsay, qui a commencé à réduire ses effectifs dès 2006, soit trois ans avant l'application à l'ensemble des ministères des mesures de la révision générale des politiques publiques (RGPP), poursuit son effort en la matière. Pour 2011, il sera dans la norme commune : 135 suppressions d'emplois, hors mesures de périmètre, soit environ la moitié des départs en retraite prévus cette même année (282 équivalents temps plein travaillés - ETPT). Mais, bien que depuis 2006, il ait déjà perdu 10 % de ses effectifs, il ne sera pas exonéré de la deuxième vague de la RGPP : ainsi, il devra supprimer 450 nouveaux emplois sur les deux années 2012 et 2013.
En tant que rapporteur spécial de la commission des finances, j'ai déjà salué cette démarche, qui s'est accompagné d'importantes réorganisations que je vous ai décrites lors de l'examen des derniers budgets, tant au niveau central que dans les postes. Je me demande néanmoins si nous n'allons pas bientôt atteindre les limites de l'exercice. Ainsi, selon les informations qui m'ont été communiquées, les missions de la trentaine d'ambassades qui ont été transformées en « postes de présence diplomatique » n'ont pas été redéfinies, alors même que les réductions d'effectifs se sont concrétisées. A mes yeux, nous n'atteindrions pas notre but si nous nous contentions d'avoir le même type de prestations qu'auparavant, simplement dégradées par la diminution des emplois.
En somme, si des marges de progression existent sans doute encore, notamment dans le réseau culturel, voire dans le réseau consulaire à condition d'être prêt à assumer la fermeture de certains petits postes, à moyen terme, la question du maintien de l'universalité du réseau va se poser. Je compte aller voir à Londres ce qu'on fait nos amis britanniques et en rendre compte à notre commission.
Il s'agit là d'un débat fondamental. Nous n'avons plus les moyens de notre politique.
Cependant, monsieur le président, vous connaissez mon attachement à l'universalité de notre réseau diplomatique. Serons-nous pris au sérieux si nous fermons nos ambassades ?
Nous ne le serons pas non plus si nos ambassadeurs prennent des engagements que nous n'avons pas les moyens de tenir...
Sur les autres crédits du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde », le mouvement le plus notable concerne les participations de la France aux organisations internationales (OI) et aux opérations de maintien de la paix (OMP). Les crédits affectés à ce titre passent de 738,6 millions d'euros en 2010 à 842,6 millions d'euros en 2011, soit une hausse de plus de 14 %. La principale cause de ce recalibrage est la prise en compte d'un taux de change euro-dollar plus réaliste (1,35 dollar pour un euro au lieu de 1,56 dollar auparavant). J'ai assez insisté sur la nécessité de présenter des chiffres sincères au Parlement pour ne pas m'en féliciter. Toutefois, il s'agit là de crédits contraints, reflétant des obligations auxquelles la France ne saurait se soustraire et dont le Quai d'Orsay ne peut disposer librement.
En matière culturelle, plusieurs points sont à signaler.
En premier lieu, la maquette et le nom du programme 185 ont été modifiés. On ne parle plus de « Rayonnement culturel et scientifique » mais de « Diplomatie culturelle et d'influence ». En outre, ce programme rassemble tous les crédits dédiés à cette politique tandis qu'auparavant, seuls les crédits culturels destinés aux pays développés y figuraient, les actions conduites dans les pays en développement relevant alors du programme 209. Le nouveau découpage m'apparaît plus pertinent et je souscris donc à ce changement.
En termes opérationnels, 2011 verra la mise en place concrète des deux établissements publics créés par la loi relative à l'action extérieure de l'Etat de juillet dernier.
Il s'agit, d'une part, de l'Institut français, qui succédera à CulturesFrance. Plaidant de longue date, tout comme Yves Dauge et Louis Duvernois, pour une réforme profonde de notre politique culturelle extérieure, je ne peux que me féliciter de ce changement dans le paysage administratif. Néanmoins, comme dans toute réforme, la mise en oeuvre effective est au moins aussi importante que le cadre législatif défini par le Parlement. En l'espèce, il faudra que le ministère de la culture s'implique réellement dans la définition des actions menées par l'Institut français, même si seul le MAEE détiendra la tutelle de cet établissement public. Cette implication paraît s'amorcer, avec notamment le détachement de huit emplois du ministère à l'Institut français, et surtout la présence de Sylviane Tarsot-Gillery, issue du ministère de la culture, à la direction générale déléguée. De plus, j'estime qu'à terme, le réseau culturel à l'étranger devra être rattaché à la nouvelle agence. Les postes semblent prêts à s'engager dans cette voie, une quinzaine d'entre eux s'étant portés candidats pour une expérimentation, ce qui est une bonne nouvelle.
Il s'agit, d'autre part, de CampusFrance, qui regroupera l'association Egide et l'actuel groupement d'intérêt public (GIP) CampusFrance. Après notre audition pour suite à donner à l'enquête que nous avons commandée à la Cour des comptes, en application de l'article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), le 13 octobre dernier, je me contenterai d'appuyer, une nouvelle fois, les recommandations de la Cour. Ainsi, dans l'immédiat, il convient d'assurer au mieux les conditions matérielles de la fusion, en particulier le choix du siège. Les relations financières de l'opérateur avec l'Etat devront ensuite être redéfinies dans un cadre conventionnel de manière appropriée. Enfin, les tutelles de l'opérateur devront apprendre à travailler ensemble sur ce sujet d'importance qu'est l'attractivité de notre enseignement supérieur. De ce point de vue, il vaudrait d'ailleurs mieux que les tutelles ne soient que deux, et donc que le ministère chargé de l'immigration n'obtienne pas ce statut.
S'agissant de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), sa subvention reste fixée à 420,8 millions d'euros. Comme je l'ai détaillé dans le rapport écrit, ce niveau, élevé dans l'absolu, ne permet pas à cet opérateur d'absorber une charge pour pensions civiles qui devrait passer de 142 à près de 160 millions d'euros en 2013. En conséquence, une forte dynamisation des ressources propres et en particulier de la participation à la rémunération des résidents, c'est-à-dire une contribution adossée aux frais de scolarité, apparaît inéluctable. En l'état actuel des estimations de l'AEFE, l'accroissement devrait être de près de 24 % ce qui représente un effort considérable en recettes. De plus, ces recettes nouvelles seront affectées à la couverture de la pension civile au détriment d'autres besoins de dépenses de l'agence, je pense en particulier à l'immobilier.
A propos du programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires », je me contenterai de souligner la progression continue de la prise en charge des frais de scolarité (PEC) et des bourses, dont le coût devrait passer de 107 millions à 119 millions d'euros l'an prochain. Cette hausse continue, tirée notamment par la forte augmentation des frais pratiqués par les établissements, apparaît difficilement supportable dans un cadre budgétaire contraint. Je vous proposerai d'insérer un article additionnel dans ce projet de loi de finances afin de traiter cette question.
Je terminerai cette présentation par quelques mots sur le programme 332 « Présidence française du G 20 et du G 8 », dont la création est proposée par le présent projet de loi de finances. Comme son nom l'indique, ce programme doit permettre de retracer les dépenses engagées au titre de la préparation et de la tenue des sommets, sur le modèle de ce qui a été fait, au sein de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », pour la présidence française de l'Union européenne en 2008. Hors dépenses de sécurité, le budget prévu s'élève à 60 millions d'euros en AE et à 50 millions d'euros en CP, ce qui semble raisonnable, voire ambitieux. Selon le Quai d'Orsay, l'Elysée a passé des consignes de l'Elysée pour que cette enveloppe soit strictement respectée.
Au terme de cette analyse et dans l'attente du vote de l'Assemblée nationale qui pourrait modifier certains équilibres, je vous invite à proposer au Sénat d'adopter ce budget sans modification. J'aurai néanmoins une initiative à vous proposer dans le cadre de la discussion des articles.
Peut-être pourriez-vous évoquer dès à présent l'article rattaché, ainsi que votre proposition d'amendement portant article additionnel.
Si vous le souhaitez, monsieur le président.
L'article 67 du projet de loi de finances, rattaché à la mission, concerne le financement des adhésions au régime d'assurance maladie-maternité de la Caisse des Français de l'étranger (CFE) de nos compatriotes les plus démunis résidant hors de France, et même plus précisément dans un Etat situé hors de l'Espace économique européen.
Lorsque ces Français souhaitent adhérer à ce régime, une partie de leur cotisation est prise en charge, à leur demande, par le budget de l'action sanitaire et sociale de la CFE. Mais, pour le financement de cette action, la Caisse reçoit un concours de l'Etat. En pratique, c'est donc l'Etat qui doit prendre à sa charge la totalité du coût de 2,5 millions d'euros des adhésions dites « de troisième catégorie » à cette caisse.
L'article que nous examinons propose de modifier ces dispositions de sorte que le budget de l'action sanitaire et sociale de la CFE soit financé, pour ce qui concerne les adhésions de « troisième catégorie », « par la Caisse des Français de l'étranger et par un concours de l'Etat ». Ainsi serait affirmé un principe de solidarité interne à la CFE qui pourrait être complété par une contribution nationale.
Je vous propose d'adopter cet article sans modification car il paraît normal que la CFE assume une partie de la charge résultant des adhésions de troisième catégorie avant le concours éventuel, si nécessaire, de la solidarité nationale au travers d'un concours financier de l'Etat. En outre, d'après les éléments transmis par le MAEE, la CFE dispose des réserves nécessaires pour assumer cette charge, son fonds de roulement s'élevant à 42 millions d'euros au 31 décembre 2009. Pour votre parfaite information, sachez que la ligne affectée à la CFE à ce titre dans le projet de budget 2011 s'élève à 500 000 euros.
Quant à mon amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 67, il concerne, une nouvelle fois, la question de la PEC. Il s'agit, là encore, de proposer de plafonner la prise en charge, en termes de montant et indépendamment du niveau de ressource des foyers bénéficiaires, contrairement à ce que nous avons tenté de faire il y a deux ans.
Une maîtrise des coûts permettrait, à mon sens, de garantir la pérennité de cette mesure. Je voudrais souligner qu'une telle initiative, déjà votée à deux reprises par le Sénat en première délibération, me semble raisonnable et relativement mesurée. Elle revient à étendre aux établissements conventionnés ou « à gestion directe » une pratique déjà en vigueur pour ce qui concerne les établissements homologués.
En outre, elle devrait permettre de limiter l'inflation des frais de scolarité, qui a également des conséquences sur le montant des bourses scolaires versées à partir du programme 151 et de maîtriser un budget qui progresse chaque année de manière significative dans un cadre contraint.
Je remercie le rapporteur spécial pour la qualité de son travail, qui pose des questions de fond, notamment celle de la dimension du réseau, ainsi que pour sa constance.
A propos d'éventuelles fermetures d'ambassades, elles me paraissent exclues en ce qui concerne nos représentations auprès de nos vingt-six partenaires de l'Union européenne, ainsi que des institutions bruxelloises. Les ambassadeurs des Etats de l'Union en poste dans ces Etats exercent, dans une large mesure, un métier très différent de celui de leurs collègues, au vu de l'étroitesse de nos liens et de notre communauté d'intérêts.
En revanche, dans les pays tiers, nous devrions envisager une mutualisation avec certains de nos partenaires, par exemple dans le domaine consulaire.
Tout comme le rapporteur spécial, j'ai été attristé par l'audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes sur Egide.
Par ailleurs, à propos du rôle des ambassadeurs, il me semble qu'ils devraient être, avant tout, des animateurs de présence. Or, je ne pense pas que nous tenions une comptabilité correcte de notre présence à l'extérieur. Par exemple, nous ne prenons pas en compte l'activité de nombreux universitaires français hors de nos frontières alors que cela serait important. Comme le sait Yves Dauge, cette remarque vaut également pour l'activité de nombreuses associations compétentes en matière d'urbanisme.
J'approuve la présentation du rapporteur spécial.
Mais je tiens à insister sur le fait que la réussite de l'Institut français dépendra de la réalité de l'implication des ministères autres que la MAEE, c'est-à-dire le ministère de la culture, le ministère de l'éducation nationale et le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il faudrait également impliquer nos grands établissements publics culturels, jusqu'à présent pas assez associés à notre politique culturelle extérieure. Nous devrons pousser en ce sens car il y aura des résistances.
D'autre part, les transferts d'emplois du MAEE vers la nouvelle agence impliqueront des changements de contrats, qui auront un coût. Il me semble indispensable de bien l'évaluer avant d'approfondir l'expérimentation prévue par la loi relative à l'action extérieure de l'Etat.
Je souscris également aux propos du rapporteur spécial.
Notre diplomatie d'influence, assumée jusque dans l'intitulé du programme 185, s'inscrit désormais pleinement dans notre stratégie extérieure. J'apprécie, par ailleurs, que le ministre des affaires étrangères et européennes, ait réuni, hier, les parlementaires les plus impliqués dans le débat afin que nous effectuions ensemble le suivi de l'application de la loi relative à l'action extérieure de l'Etat.
S'agissant du réseau de l'AEFE, je crois que nous n'avons plus les moyens de nos ambitions. Pour autant, nous ne saurions brader notre réseau d'écoles et de lycées français à l'étranger. Nous devons donc trouver autre chose. Une réflexion profonde sur notre offre éducative à l'étranger s'impose d'urgence.
Enfin, je soutiens l'amendement d'Adrien Gouteyron sur la PEC. La prise en charge est une bonne mesure mais elle doit être régulée, comme le propose l'amendement. Le rapport que Geneviève Colot et Sophie Joissains viennent de remettre au Président de la République sera instructif à cet égard.
Le rapport auquel Louis Duvernois vient de faire référence n'étant pas connu, je préfère ne pas me prononcer de manière définitive. Néanmoins, je regrette que l'amendement proposé par le rapporteur spécial ne prenne pas en compte les revenus des parents des élèves. La PEC a, dans une large mesure, déplacé une charge assumée par les entreprises vers l'Etat, ce qui n'est pas satisfaisant.
Cet amendement est volontairement mesuré. Je n'exclus pas d'aller plus loin, à titre personnel.
Je prends bonne note de l'ensemble de ces interventions, dont certaines n'appellent pas de réponse.
J'adhère au souhait de Denis Badré en faveur d'une meilleure coordination des diplomaties nationales et du Service européen d'action extérieure (SEAE), tout en observant que la création de ce service prend du temps et que nous nous trouvons un peu « dans le flou ». D'autre part, je le renvoie aux conclusions du rapport d'information n° 502 (2009-2010) que j'ai rédigé avec Jean-Louis Carrère sur les implantations communes du réseau diplomatique. Il pourra y découvrir les pesanteurs administratives qui freinent la création de telles structures, lesquelles ne permettent, d'autre part, pas de réaliser de réelles économies.
Je souscris aux propos d'Edmond Hervé relatifs à la nécessité de bien comptabiliser les activités de nos « forces vives » hors de France. J'ajouterai que cette remarque vaut également pour la coopération décentralisée, dont on ne tire pas suffisamment partie.
Je suis également d'accord avec Yves Dauge pour souligner l'importance du suivi des coûts du transfert de personnels du réseau culturel vers l'Institut français.
Je remercie Louis Duvernois pour son soutien à mon amendement. Je souligne que le Sénat s'est, le premier, intéressé à ce sujet et que nous avons déjà obtenu, à mon initiative, le « moratoire » grâce auquel la PEC n'a pas été étendue aux collèges.
Enfin, je voudrais dire à Nicole Bricq que j'ai déjà proposé, dans le passé, de plafonner la PEC en fonction du revenu des parents d'élèves. J'ai volontairement choisi, cette année, de proposer une démarche pragmatique ayant des chances d'aboutir.
À l'issue de ce débat, la commission adopte l'amendement proposé par le rapporteur spécial, tendant à insérer un article additionnel après l'article 67 du projet de loi de finances pour 2011.
Puis elle décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat » et de l'article 67 ainsi que l'adoption de l'article additionnel ainsi inséré.
- Présidence commune de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et de Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales -