La commission procède tout d'abord à l'audition de M. Jean-Dominique Comolli, commissaire aux participations de l'Etat, et de M. Olivier Bourges, directeur général adjoint de l'Agence des participations de l'Etat (APE), sur le soutien apporté par l'Etat aux banques.
Pour cette première réunion dans notre nouvelle configuration, vous voudrez bien excuser le Président Philippe Marini, empêché pour la semaine.
Le sujet qui nous occupe aujourd'hui est d'une brûlante actualité, puisqu'il a trait à la solidité des établissements bancaires français et européens, alors que la crise de la dette souveraine dans la zone euro a suscité de fortes inquiétudes quant à la solvabilité de certains d'entre eux. C'est ainsi que l'État doit, pour la seconde fois, puisqu'il l'a déjà fait en 2008, intervenir en faveur de Dexia.
C'est dans ce contexte que nous conduirons une série de cinq auditions destinées à nous éclairer sur les options qui se présentent à la puissance publique. Le calendrier nous rattrape, puisqu'un projet de loi de finances rectificative visant à accorder la garantie de l'État à Dexia sera présenté demain en conseil des ministres afin d'être soumis au Parlement dès la semaine prochaine, pour une promulgation rapide.
Le temps presse, entrons dans le vif du sujet : pouvez-vous, monsieur le commissaire, nous apporter des éclaircissements sur le montage retenu pour sauver Dexia et, plus généralement, des explications plus théoriques sur les différentes options qui s'offrent à l'État dans le cadre d'une faillite bancaire. Pourquoi, dans le cas qui nous occupe, avoir choisi la garantie plutôt que la nationalisation ? D'autres choix étaient-ils possibles ?
Le problème du groupe Dexia SA n'était pas sa solvabilité, puisque, sous réserve de provisions, le groupe gagnait de l'argent, mais la liquidité : la situation est devenue complexe pour lui en raison des conditions de taux car il lui devenait de plus en plus difficile de se refinancer au jour le jour.
C'est pourquoi le Gouvernement a entrepris, il y a quelques semaines, un exercice d'adossement du véhicule de refinancement des prêts aux collectivités portés par Dexia, DMA ou DexMA, à la Caisse des dépôts et consignations (CDC), en vue d'alléger ses besoins de liquidités de l'ordre de 10 milliards d'euros. Les discussions, bien qu'un peu lentes, étaient en bonne voie. L'adossement devait s'accompagner de la création d'une joint venture - une coentreprise - entre la Caisse des dépôts et la Banque postale pour la délivrance de nouveaux prêts aux collectivités locales, étant entendu que Dexia ne délivrerait pas de nouveaux prêts.
L'adossement de DexMA à la Caisse des dépôts impliquait que celle-ci prenne la majorité dans l'entreprise, Dexia conservant quelque 30 % tandis que la Banque postale entrait pour 5 %. Ce schéma, pas encore abouti mais toujours d'actualité, a fait le fond dimanche d'un long conseil d'administration de Dexia SA, où il a été question d'entrer en négociation exclusive.
Ce qui nous a guidés, c'est la nécessité d'alléger de 10 milliards à 12 milliards les besoins de liquidité de Dexia, afin de lui permettre, eu égard à la situation du marché interbancaire, de gagner du temps, pour aller vers des mesures structurelles plus durables. Nous craignions, de surcroît, que ce besoin de liquidité, en apparaissant au grand jour, n'entraîne un risque systémique au niveau européen.
C'est alors que le lundi 3 octobre, l'agence Moody's a décidé de mettre le groupe Dexia sous surveillance négative, en dépit des assurances que nous, l'Etat, avions pu lui apporter. Nous avions en effet validé le plan structurel que leur avait présenté Dexia et nous les avions assurés que nous viendrions à l'appui de ce plan, éventuellement sous la forme d'une garantie sur la banque résiduelle qui aurait vocation à subsister après la vente de divers actifs de Dexia. Cela n'a, hélas, pas suffi à convaincre l'agence de notation.
A partir de là, les choses se sont accélérées. Les financements interbancaires au jour le jour se sont taris, provoquant une situation de liquidité périlleuse qui appelle une vigilance quotidienne. Le jugement de Moody's a également poussé particuliers et entreprises à retirer leurs dépôts de la filiale belge Dexia Banque Belgique (DBB).
Les gouvernements ont annoncé, mardi dernier, avec la déclaration conjointe Reynders-Baroin, qu'ils apportaient leur garantie au financement de la banque. En même temps, la Belgique a souhaité, pour rassurer totalement les marchés et les déposants, entamer avec Dexia la discussion sur le rachat de la banque de dépôts DBB. Les discussions se sont poursuivies jusqu'au conseil d'administration de dimanche, où Olivier Bourges, directeur général adjoint de l'Agence des participations de l'Etat, qui est aujourd'hui à mes côtés, a eu la rude tâche d'être présent de 15 heures à 3 heures du matin, comme administrateur de Dexia. S'y est nouée la discussion entre Etats sur les modalités de la garantie apportée - dont le projet vous sera prochainement soumis avec le projet de loi de finances rectificative - à hauteur de 90 milliards sur dix ans, étant entendu que l'aide sera rémunérée par Dexia aux conditions du marché.
Nous avons plaidé, dans la discussion avec la partie belge sur la répartition de ce plafond de garantie, pour que soit retenue la même clef qu'en 2008, soit 60,5 % pour la Belgique, 36,5 % pour la France et 3 % pour le Luxembourg. Les Belges n'y étaient prêts que si l'on retirait de cette répartition tout ce qui concerne les prêts structurés aux collectivités locales françaises. Cette demande avait un caractère tactique et, dans la négociation, nous avons préféré éviter une clef de répartition à 50-50. La prise en charge des prêts structurés consistera en fait en une contre-garantie de la garantie que donnera Dexia à la CDC quand l'opération DexMA aura été mise en oeuvre. Sur l'ensemble des prêts aux collectivités, qui s'élèvent, tous pays confondus, à 77 milliards d'euros, les prêts structurés n'en représentent qu'une dizaine. De quoi s'agit-il ? Non pas des prêts toxiques au sens de la charte Gissler - qui ne représentent que 4,5 milliards au sein de ces 10 milliards - mais des prêts entrant dans le champ de la charte et plus complexes que des prêts à taux fixe. C'est sur quoi l'Etat offre sa contre-garantie, avec une franchise de 500 millions d'euros à la charge de Dexia - donc du pot commun - et un ticket modérateur, au-delà, de 30 % sur toutes les opérations.
L'ensemble de l'opération peut être résumé en trois points. Premièrement, l'opération DBB, que l'Etat belge devrait reprendre pour une valorisation, approuvée par le conseil d'administration de Dexia, fixée à 4 milliards d'euros. La négociation incluait également 20 milliards d'euros de portefeuille d'actifs non stratégiques, dit legacy, de bonne qualité mais difficile à porter.
Deuxièmement, Dexia envisage également de céder la BIL, la Banque internationale à Luxembourg, à la famille royale du Qatar...
avec une participation minoritaire de l'Etat luxembourgeois, moyennant quoi le Luxembourg a accepté de participer à la garantie des Etats, si bien que l'on retrouve, en effet, la clef de répartition de 2008.
Troisièmement, l'adossement de DexMA à la Caisse des dépôts et la création d'une coentreprise Banque postale - Caisse des dépôts pour les prêts aux collectivités, à des conditions saines, compréhensibles et rémunératrices.
D'autres cessions, comme celle de la filiale turque Deniz Bank, ont vocation à être réalisées.
Restera, en fin de course, un portefeuille d'actifs de bonne qualité, mais difficile à refinancer : c'est sur ce culot résiduel que portera la garantie des trois Etats.
Merci de cette présentation, qui laisse néanmoins quelques zones d'ombres. Nos questions vous aideront, je l'espère, à les éclairer.
L'Etat, depuis 2008, avait des responsabilités au conseil d'administration et au comité d'audit. Pourriez-vous, de ce point de vue, nous tracer un petit historique de la période 2008-2011 et nous rappeler les positions de l'Etat au conseil d'administration ? Certaines déclarations de M. Mariani, que nous entendrons demain, sont surprenantes. N'a-t-il pas affirmé récemment qu'on l'avait obligé à conserver des actifs exposés aux risques grec et portugais ?
La garantie de Dexia sur les 10 milliards de prêts structurés ne peut s'envisager sans contre-garantie. De quelle nature sera-t-elle ? Pourquoi DexMA n'est-elle pas traitée comme une structure de cantonnement, avec gestion extinctive ? On l'a déjà vu avec le Crédit Lyonnais, tout se passe comme s'il n'y avait qu'une solution pour sauver une banque. N'y en a-t-il pas, au contraire, plusieurs : la création d'une structure de défaisance, la nationalisation, l'apport d'une garantie de l'Etat... Comment s'est fait l'arbitrage ? Quand avez-vous été saisi de l'opération ? Quelles ressources seront mobilisées par l'Agence des participations de l'Etat ?
Autre question : quel est le niveau de valorisation de Deniz Bank ? Va-t-on vendre la pépite à vil prix ? Quelles seront les conséquences du démantèlement de Dexia sur la Société de prise de participation de l'Etat (SPPE), qui détient 5,7 % du capital ? Quelles sont les conséquences de cette opération sur les garanties précédemment accordées par l'Etat français, notamment lors de la cession de la filiale américaine ?
Vous avez évoqué des chiffres quant à la participation de la Caisse des dépôts et de la Banque postale. Mais la négociation ne fait que commencer et la Caisse des dépôts négocie chèrement son engagement, tant elle craint de perdre après cette opération ses marges de manoeuvre. A quel niveau pensez-vous que la Banque postale participera à l'opération ? Le pourcentage que vous avez cité constitue-t-il un plancher ou un plafond ? DexMA sera-t-elle capable de s'adapter à un nouveau schéma d'affaires ?
Se posera, plus généralement, la question de la recapitalisation des banques. Comment l'Etat pourrait-t-il l'assumer, sachant que d'autres banques que Dexia sont instables ? Faudra-t-il réactiver la SPPE ? Comment évaluez-vous le coût potentiel de cette recapitalisation ? Sachant que le conseil européen a été reporté, comment procèdera la France si la solution n'est pas européenne, et pour quel coût ? Quant au fameux effet de levier du Fonds de solidarité européen, j'avoue que j'ai toujours grand mal à comprendre quel il peut être...
Sur cette dernière série de questions, le directeur du Trésor, Ramon Fernandez, que vous entendrez prochainement, je crois, vous répondra mieux que moi qui ne m'occupe que des participations de l'Etat.
Pour l'heure, cela dépasse mes compétences.
Peut-être auriez-vous souhaité me voir remonter à la création du Crédit local de France, mais je m'en tiendrai, ici, à la crise de 2008 qui a fait de Dexia, après la chute de Lehman Brothers, l'un des établissements les plus fragiles d'Europe, engageant les Etats, français et belge, à entrer au capital. En effet, l'Etat français détient, depuis novembre 2008, 5,73 % du capital, l'autre mode d'intervention ayant consisté en une garantie de financement, sur un plafond, alors, de 150 milliards d'euros, selon une clef de répartition qu'a rappelée M. Comolli qui reproduisait, hors flottant, la part respective des Etats telle qu'issue de la fusion du Crédit local de France et du Crédit communal de Belgique. Depuis cette date, l'Etat français a un administrateur, et deux pour la Caisse des dépôts, et il siège au comité d'audit. Nos deux pays ont travaillé à la mise en oeuvre du plan de restructuration approuvé par la Commission européenne, afin que Dexia soit capable de porter son portefeuille tout en se restructurant pour un retour, à l'horizon 2014, à la normale en termes de rentabilité et de structure financière. Ceci a été fait en vendant un maximum d'actifs - et les cessions se sont accélérées dans un environnement chaque jour plus tendu - et en réduisant la voilure par la vente de filiales et un travail de restructuration par un effort sur les coûts.
Tout cela a même été fait plus vite que prévu, mais le groupe, et c'est là le drame, a été pris dans une accélération de l'histoire, avec l'aggravation de la crise dans la zone euro, qui l'a fragilisé sur ses actifs réputés les plus sûrs : 4 milliards d'euros sur la Grèce, 15 milliards d'euros sur l'Italie, plus 20 milliards d'euros sur les collectivités italiennes... Jusqu'alors réputés sûrs, les actifs souverains sont devenus en l'espace de trois ans, on a peine à le dire, un boulet. Pour contrer le phénomène, le conseil d'administration, sous l'impulsion de sa direction, a décidé d'accélérer la vente d'actifs, en cédant plus vite que prévu son portefeuille de Financial products aux Etats Unis, celui là même sur lequel avait porté la garantie des Etats en 2008, et qui comprenait, à hauteur de 10 milliards de dollars, des residential mortgage backed security (RMBS), c'est-à-dire en fait des subprimes américains.
Non, puisque le groupe s'est délesté de ce portefeuille avant que les pertes n'atteignent 4,5 milliards de dollars, seuil à partir duquel les Etats étaient appelés en garantie. Dexia a également accéléré la réduction de son bilan par la vente de titres plus normaux, pour 1,1 milliard d'euros. Des provisions ont été passées à hauteur de 1,8 milliard d'euros. La difficulté, c'est que plus on avançait dans le temps, plus il devenait difficile de vendre des actifs, tant la décote était forte et se traduirait par des pertes gigantesques pour Dexia, soit, tout simplement, que le marché n'existe plus pour de telles opérations.
Le groupe, enfin, a été confronté à la baisse des taux. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, il ne profite pas de ce mouvement parce que ses actifs comptent beaucoup de long terme à taux fixe, tandis que ses structures de financement sont de court terme, à taux variable. D'où la décision de faire des swaps de couverture, qui exigent toutefois de placer du collatéral auprès des contreparties. Or, pour 100 points de baisse de taux longs, les appels de marge augmentent de 12 milliards d'euros. Le collatéral posté au titre des appels de marge était de 15 milliards d'euros fin 2008. Il est passé à 30 milliards fin juin, puis à 41 milliards fin septembre. Malgré tous ses efforts de cession d'actifs, chaque fois que Dexia récupérait de la liquidité, elle devait la reporter sur les appels de marge.
Au sein du conseil d'administration, tout le monde a soutenu le plan de restructuration auquel, bien que mené à bien deux ans durant, la troisième année, avec la crise, a été fatale. Les écarts de taux, les spreads, qui mesurent les conditions de financement, se sont détériorés pour toutes les banques, de 125 à 230 points de base mais on est passé pour Dexia à 600 points de base. Chacun pensait cependant que, malgré la fragilité de la banque, il y aurait moyen d'aller au bout du plan de restructuration. On ne pouvait imaginer cette situation nouvelle de défiance sur des actifs jusqu'alors réputés sains. D'où, aujourd'hui, ce nouveau plan.
Sa prise de participation a été de 1 milliard d'euros en 2008, à raison de 9,90 euros l'action, qui était, hier, à 80 centimes. La moins value latente est donc de l'ordre de 900 millions. Quant à la garantie des Etats, le Parlement avait voté, en 2008, un plafond de 150 milliards d'euros, dont seuls 98 milliards ont été tirés et nous encourrons toujours un appel de garantie de 28 milliards. Ont, en revanche, été engrangés 511 millions d'euros cumulés en commissions de garantie. La CDC, en tant qu'actionnaire, a, elle aussi, perdu une partie de sa mise.
Pourquoi n'avoir pas retenu, aujourd'hui, pour DexMA, d'autres solutions ?
Nationaliser Dexia SA était théoriquement possible, mais posait une série de problèmes. Il fallait, tout d'abord, lancer une OPA pour sortir les minoritaires et acquérir le flottant, ce qui était peu compatible avec une intervention rapide. Ensuite, autant la Commission européenne aurait pu, en 2008, accepter ce type de montage, autant il paraissait difficile qu'elle accepte, cette fois, que l'on remette de l'argent sans une « résolution ordonnée » du groupe. J'ajoute qu'une telle solution n'aurait sans doute pas suffi à rassurer les marchés et ne nous aurait probablement pas exonérés d'une garantie. Dexia, enfin, est une banque trinationale : comment imaginer une multinationalisation ? La France n'aurait pu nationaliser seule Dexia, sachant le poids de la Belgique au sein du capital.
La Belgique a, certes, nationalisé DBB mais il s'agit de l'entité proprement belge dans l'ensemble du groupe Dexia.
Pour toutes ces raisons, l'instrument de la garantie est apparu, comme en 2008, plus rapide et mieux adapté. Resteront dans quelques années, éventuellement, quelques entités opérationnelles qui n'auront pas trouvé preneur et un portefeuille obligataire résiduel sur lequel seul portera la garantie.
Vous nous avez dit que la garantie porterait sur dix ans, mais qu'en est-il de l'encours des prêts aux collectivités, qui va bien au-delà ?
La durée moyenne du portefeuille de legacy est de douze ans. La garantie porte sur la durée pendant laquelle Dexia pourrait émettre des titres. Ces titres ont ensuite une maturité, qui n'est pas fixée à ce stade. Dans dix ans, Dexia, avec l'accord des Etats, pourrait encore émettre sur des maturités de deux à cinq ans si bien que la garantie portera, de fait, sur un temps plus long. Une durée de garantie de dix ans est déjà longue, inhabituelle. Cela n'interdit pas cependant d'y revenir dans dix ans, sur ce qu'il restera du portefeuille.
Cette opération est lourde et nous concerne très directement puisqu'il s'agit notamment du financement des collectivités locales. Nous sommes confrontés à une liquidation ordonnée et à une garantie de l'Etat. A cet égard, pourrions-nous disposer d'un diagramme pour faire apparaître le patrimoine actuel de Dexia, les estimations d'actifs et de passifs et les provisions qu'il faudra constituer pour faire face à d'éventuelles pertes ?
L'Etat belge reprend donc Dexia Banque Belgique. Au sein des 20 milliards de portefeuille de legacy, y a-t-il des dettes souveraines ?
Il y a des dettes souveraines, des obligations émises par des collectivités locales, des portefeuilles obligataires sur des banques. Il faut savoir que 95 % de ce portefeuille est de bonne qualité, sous réserve de la migration des notations : plus le temps passe, plus la notation des différentes collectivités aura tendance à baisser.
Tout va dépendre de l'évaluation que l'on va faire de cette banque : on parle de 4 milliards d'euros.
C'est cela même.
Mais l'entité qui va survivre va-t-elle constater immédiatement une perte sur cette opération ?
Il y aura une perte importante : les fonds propres s'élèveraient à 7,9 milliards d'euros. Pour une vente à 4 milliards euros, la perte sera donc d'environ 3,9 milliards.
Dexia-Banque Internationale à Luxembourg (BIL) va être vendue au Qatar : l'opération sera-t-elle équilibrée ?
Nous ne connaissons pas pour l'instant le résultat des négociations. Cette opération sera sans doute équilibrée.
J'en arrive à l'adossement de Dexia Municipal Agency, dont la garantie pose question : le portefeuille n'est pas financé sur des durées très longues. Dexia est engagé sur une moyenne de douze ans mais les financements sont beaucoup plus courts. Il va falloir que la future filiale de la Banque Postale et de la Caisse des dépôts assure le financement de ce portefeuille avec d'éventuelles pertes au moment du dénouement des opérations.
Il faut dissocier la situation de Dexia de celle de DexMA qui est une société de crédit foncier et qui émet des obligations foncières. Autant le reste de Dexia est complètement désadossé en gestion actif-passif, ce qui a d'ailleurs conduit en partie à sa perte, autant DexMA est adossé puisque l'écart de duration entre l'actif et le passif est de l'ordre d'un an à un an et demi. Les actifs de DexMA répondent à un certain nombre de critères de qualité puisqu'ils sont tous éligibles à une société de crédit foncier. Il s'agit essentiellement d'encours sur les collectivités locales.
Pour les deux-tiers, il s'agit de collectivités françaises, soit une quarantaine de milliards d'euros. Pour les 20 milliards restants, il s'agit de la Belgique, de l'Italie et de la Suisse. En outre, DexMA est noté AAA par les agences de notation, du fait la qualité de ses créances.
Que vont devenir les collaborateurs de Dexia au lendemain de cette liquidation ordonnée ?
Dexia compte 35 000 collaborateurs dans le monde dont 3 000 en France. Les salariés français se répartiront entre la Caisse des dépôts qui gèrera les encours, la Banque Postale et Dexia Crédit local (DCL). Je ne puis vous dire aujourd'hui précisément comment se fera cette répartition.
Comment imagine-t-on l'avenir de l'entité Dexia qui va survivre ? Elle va gérer les quelques actifs qui lui resteront avant de les liquider progressivement et elle vendra probablement Deniz Bank.
Une fusion interviendra sans doute entre Dexia SA et DCL, toute la substance se trouvant dans cette dernière.
N'oublions pas que DCL ne se réduit pas uniquement à la France, puisqu'elle a des participations dans trois établissements qui ne trouveront certainement pas preneurs rapidement : Crediop, en Italie, Sabadell en Espagne et DKD en Allemagne.
L'Etat va courir un grand risque sur les 10 milliards d'euros de prêts structurés dont le recouvrement sera en partie aléatoire.
Nous avons prévu une garantie de Dexia à la Caisse des dépôts et une contre-garantie de l'Etat français à Dexia sur ces 10 milliards, sans compter la franchise de 500 millions d'euros dont nous avons déjà parlé et le ticket modérateur de 30 % qui restera à la charge de Dexia.
Pouvez-vous faire le point sur les pertes potentielles ? Quel sera le coût global ? En outre, la France a-t-elle géré correctement Dexia depuis 2008 ?
La perte potentielle de l'Etat français sur sa participation est d'environ 900 millions d'euros. Aujourd'hui, Dexia dispose de 16 milliards d'euros de fonds propres et un ratio tier one d'environ 11 %.
Le ratio tier one mesure la solvabilité, non la liquidité. Or, dès 2008, Dexia connaissait un problème de liquidité ! L'écart de liquidité de Dexia était de 260 milliards d'euros en 2008. La banque devait donc chaque année se refinancer sur le marché à hauteur de ce montant. Son exposition à court terme était donc gigantesque au vu de son bilan qui s'élevait à près de 600 milliards d'euros. Grâce aux efforts menés par la direction, l'écart a été ramené à 100 milliards d'euros.
La solvabilité mesure les fonds propres rapportés à des risques mais ne mesure pas la liquidité. Dexia était encore fragile lorsque la crise des souverains est venue percuter le plan de restructuration.
Que valent aujourd'hui les actifs dans le portefeuille de Dexia ? C'est très compliqué. Par exemple, le portefeuille italien de Dexia est estimé à 15 milliards d'euros. Si l'Italie ne fait pas défaut, ces 15 milliards seront remboursés. En revanche, si ce pays fait défaut, comme le pense le marché qui le décote de 10 %, il y aura 1,5 milliard d'euros de pertes.
Je me félicite de cette audition et de la transparence des propos. Mais que dire des 4,5 milliards d'euros de prêts toxiques qui mettent en difficulté nombre de collectivités de notre pays ?
Les membres de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts s'inquiètent de cette question. C'est pourquoi nous avons voulu une garantie de Dexia. Les équipes de cette banque font tout leur possible pour restructurer, « désensibiliser » ces prêts afin qu'ils pèsent moins sur les finances des collectivités locales. En outre, seuls huit à dix contentieux opposent des collectivités à Dexia.
Enfin, la Banque postale et la nouvelle co-entreprise ont refusé d'être impliquées dans le traitement de ces prêts qui continueront à être gérés par les spécialistes de Dexia.
Pour « désensibiliser » le président du conseil général de Seine-Saint-Denis, il va falloir faire de très gros efforts !
Il faudrait disposer de chiffres incontestables, car les montants des prêts annoncés ne sont pas toujours exacts, ce qui très inquiétant. En outre, il est très désagréable pour une collectivité d'être montrée du doigt dans la presse locale sous prétexte qu'elle a contracté des prêts toxiques surtout quand tel n'est pas le cas. Elles ne parviennent ensuite plus à emprunter pour financer leurs projets.
Il faudrait que l'Etat certifie les montants annoncés. Sur le terrain, nous constatons de très grosses erreurs.
Il est primordial que l'Etat ne soit pas directement concerné par les prêts toxiques qui ont été accordés par Dexia aux collectivités. Ou alors, autant demander à l'Etat de signer dès maintenant un chèque pour effacer l'ardoise ! C'est pour cette raison que nous avons demandé un ticket modérateur à la charge de Dexia, afin de responsabiliser cet établissement.
Un prêt toxique, c'est un prêt hors charte Gissler et qui comporte un risque de change auprès de collectivités locales qui n'ont pas de ressources dans cette devise, dont les taux évoluent en fonction d'index tels que les indices relatifs aux matières premières ou aux marchés d'action, dont les taux évoluent par une référence à la valeur de devises et qui ont des effets de structure cumulatifs.
La Commission européenne doit-elle donner son accord sur le démantèlement ?
Oui. Nous sommes en contact avec elle et nous allons notifier juridiquement ces aides d'Etat : nous sommes repartis pour des semaines, voire des mois de discussion. Lors de la dernière crise, le plan d'intervention de l'Etat avait été élaboré le 30 septembre 2008 et la Commission l'avait validé en février 2010.
La garantie des Etats, si vous l'approuvez, fera l'objet d'une autorisation temporaire de la part de la Commission.
La commission procède ensuite à l'examen du rapport de Mme Nicole Bricq, rapporteure générale, sur le projet de loi n° 2 (2011-2012), adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation du protocole d'amendement à la convention du Conseil de l'Europe concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale.
Nous avons l'accord de tous les groupes pour que ce projet de loi soit examiné en procédure simplifiée. Il s'agit ici d'une convention multilatérale qui vient dans le prolongement des 35 projets de loi que le Parlement a approuvés ces deux dernières années, afin d'établir de manière bilatérale les règles d'échange de renseignements sur demande avec des Etats considérés comme non coopératifs.
Début novembre, au cours du G20 de Cannes, une cérémonie de signatures de ce protocole sera organisée. Nous sommes donc dans le cadre d'une opération de communication, après le G20 de Londres d'avril 2009 qui avait fait de la lutte contre les paradis fiscaux une priorité absolue.
La convention a une portée symbolique, car la France dispose déjà d'un réseau conventionnel bilatéral étendu, dont la qualité a d'ailleurs été confirmée par la revue des Pairs du Forum mondial sur la transparence fiscale de l'OCDE, le 1er juin dernier.
Il est cependant nécessaire de renforcer les outils multilatéraux en matière d'échange de renseignements sur demande. La prise de conscience, depuis le G20 de 2009, qu'il était nécessaire de développer la coopération fiscale, s'est traduite par un développement des accords bilatéraux. Ainsi, on comptait 712 accords d'échange bilatéraux de renseignements et avenants aux conventions de suppression des doubles impositions en août 2011, contre 44 en novembre 2008. En revanche, la convention multilatérale de l'OCDE et du Conseil de l'Europe qu'il nous est aujourd'hui proposé de modifier, bien qu'adoptée en 1988 et entrée en vigueur en 1995, n'a été ratifiée que par dix-sept Etats. Dès lors que tous les Etats n'ont pas forcément la volonté politique ou les moyens techniques de développer des conventions bilatérales, il est important de disposer d'un outil multilatéral opérationnel.
Dans cette perspective, ce protocole qui a été signé à Paris le 27 mai 2010, actualise la convention en fonction des dernières normes de l'OCDE et ouvre à la signature cette convention aux Etats qui ne sont membres ni de l'OCDE ni du Conseil de l'Europe.
La commission des finances du Sénat a su, sous l'impulsion du président Arthuis et d'Adrien Gouteyron, se saisir des conventions fiscales afin, notamment, de lutter contre l'évasion fiscale, ce qui n'est pas le cas à l'Assemblée nationale où la commission des affaires étrangères met son tampon à ces conventions.
L'objectif de celle-ci est de parvenir à un échange obligatoire d'information afin de mettre un terme à l'évasion transfrontalière que permet, entre autres, le secret bancaire.
En Europe, nous sommes régis par la directive Epargne du 3 juin 2003 qui, bien qu'imparfaite, repose sur le principe d'un échange automatique d'information. La question est d'autant plus importante que l'Allemagne et la Grande-Bretagne ont négocié des conventions avec la Suisse. C'est ce qu'on appelle l'accord « Rubik »...
fondé non pas sur l'échange automatique mais sur la préservation du secret bancaire et sur la retenue à la source. La Suisse gardera ainsi son secret bancaire. Les accords passés avec un pays tiers inquiètent quand certains Etats de l'Union, comme le Luxembourg, demandent à être traités de la même façon que la Suisse. C'est donc le principe fondateur de la directive Epargne et sa révision qui sont menacés.
Lors du projet de loi de finances rectificative de septembre, nous avons interrogé le Gouvernement sur cette question : nous lui demandons d'être clair et cohérent. Les efforts qu'il déploie dans le cadre du G20 pour promouvoir l'échange d'information sur demande doivent être prolongés, dans l'Union, par une position tout aussi déterminée en matière d'échange automatique. Tant que ce problème ne sera pas réglé, nous serons confrontés à des trous noirs dans la finance mondiale. Nous reviendrons sur cette question en loi de finances, d'autant que Mme Pécresse nous avait dit en septembre que le Gouvernement examinait la convention Allemagne-Suisse. Certes, une telle convention permet de récupérer plusieurs milliards, ce qui n'est pas négligeable en temps de crise. Mais d'autres mécanismes sont possibles tel le Foreign Account Tax Compliance Act américain qui tend à pénaliser, par une retenue à la source très élevée, les établissements financiers qui maintiennent le secret bancaire des comptes de contribuables américains.
D'ici là, il faudra également être vigilants quant aux conclusions qui seront adoptées lors de la prochaine réunion du Forum mondial les 25 et 26 octobre : 2012 sera une année test et le choix du courage devra l'emporter sur celui de la facilité.
Sous réserve des observations que je viens de faire, je vous propose d'adopter ce projet de loi.
Nous avons bien compris que les Allemands et les Anglais ont tiré les premiers, de façon d'ailleurs assez peu courtoise.