La commission nomme :
Bariza Khiari rapporteur de la proposition de loi de loi n° 54 (2011-2012) de M. Jacques Legendre, relative à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle ;
André Gattolin rapporteur sur le projet de loi n° 3875 (AN) relatif à la rémunération pour copie privée.
La commission procède à l'examen des amendements sur la proposition de loi n° 740 (2010-2011), modifiée par l'Assemblée nationale, relative au patrimoine monumental de l'État (deuxième lecture).
Permettez-moi de rappeler très brièvement quelques principes ayant guidé la rédaction de cette proposition de loi. Cela me permettra de gagner du temps pour les commentaires d'amendements qui sont nombreux.
Tout d'abord comme l'indique son titre, cette PPL est relative au patrimoine monumental de l'État. Elle vise les quelques 1 700 monuments historiques inscrits ou classés lui appartenant. Nous avions écarté, avec Jacques Legendre, le cas des monuments appartenant déjà aux collectivités territoriales pour deux raisons. Premièrement, contrôler leur gestion serait contraire au principe constitutionnel de libre administration des collectivités. En outre, les collectivités sont propriétaires d'environ 20 000 monuments historiques, ce qui rend impossible un suivi centralisé.
Le seul cas particulier que nous avions envisagé concernait les transferts à venir : dans la mesure où les modalités de contrôle sont précisées en amont de la convention de transfert, alors les collectivités acceptent de fait le contrôle postérieur souhaité par l'État. Mais cela ne pouvait en aucun cas concerner les monuments déjà propriété des collectivités.
Enfin, je souhaiterais rappeler deux points importants. Lorsque le texte mentionne les monuments transférés, il vise ceux qui auront été jugés transférables par le Haut conseil. Les monuments symboles de la mémoire de la Nation ne pourront pas être transférés et ne seront jamais concernés par des ventes ou des reventes. C'est une garantie importante qu'il faut garder à l'esprit. En outre, les monuments historiques bénéficient d'ores et déjà de la protection définie par la loi de 1913 qui garantit leur préservation quel que soit leur propriétaire. La présente proposition de loi propose de créer un nouveau type de protection, qui s'ajoute à la première, à travers la définition de prescriptions culturelles qui devront être respectées quel que soit le propriétaire, public ou privé et quelle que soit l'utilisation des lieux. Je vous propose de passer à l'examen des amendements.
Cet amendement me semble complètement inconstitutionnel, car le Haut conseil ne peut contrôler les collectivités territoriales. Il serait donc de toute façon rejeté en fin de compte par le Conseil constitutionnel s'il était voté. Il instaure en effet une ingérence qui est contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales.
Je me permets de remarquer que nous avons voté deux avis favorables sur deux amendements contradictoires. Nous votons une chose et son contraire.
Il s'agit d'un amendement de repli. Nous ne présumons pas de ce qui se passera en séance publique, nous votons donc des amendements qui ont notre préférence au cas où le premier amendement serait rejeté.
Afin que l'information de nos collègues soit parfaite, je tiens néanmoins à préciser la formulation : nous avons voté une chose et le contraire dans l'amendement qui suivait.
Le sujet est nouveau. La majorité rejette aujourd'hui des éléments essentiels de cette proposition de loi, mais nous devons nous habituer. Le vote est individuel en séance publique, or comme les majorités se font à très peu de voix, cela peut jouer un grand rôle. Nous émettons donc des avis au cas où. Cela n'a rien de contradictoire, il s'agit d'une mesure de précaution.
Personnellement, je ne sais plus ce que je coordonne. Je le dis chers collègues, afin que vous votiez en conscience.
On aurait pu tout réserver dans ce cas. Puisqu'on ne l'a pas fait, si la majorité présidentielle vote contre, ça voudra dire que la commission a voté contre. Il faut donc voter.
Madame Férat, c'est douloureux et d'autant plus que votre amendement était très similaire. Mais si vous saviez comme nous avons l'habitude de nous faire refuser nos bonnes idées. Sous la majorité présidentielle, nous avons vécu cette expérience à maintes reprises, c'est à vous aujourd'hui d'apprendre à accepter ce type de situation. Des amendements identiques peuvent être rejetés ou acceptés, mais l'important, c'est le fond.
Exactement, et je fais mienne cette remarque : l'important c'est le fond. Nos nouveaux collègues ont peut-être besoin d'un complément d'information mais beaucoup d'entre nous avaient déjà travaillé sur le sujet. N'aurait-il pas été plus simple alors de poser une question préalable ? Ce que nous faisons là c'est du grand n'importe quoi. Ça n'est pas digne d'une manière de travailler sur un texte que nous avions adopté à l'unanimité. Nous l'avions rédigé ensemble, et aujourd'hui je ne reconnais plus rien à cette discussion. Je n'ai jamais vécu une telle situation.
Nous allons tous apprendre. Il y a eu un important changement de majorité...
Vous pouvez considérer que ce texte était consensuel - ne parlons pas de la mission, dont le rapport a fait l'unanimité - mais ce serait oublier que le groupe socialiste avait voté contre. Je ne comprends pas votre surprise. C'est une position que nous avions exprimée et que nous continuons de porter. Nous ne voulons pas que cette loi passe en l'état. Si vous aviez tenu compte à l'époque de cette volonté de consensus, si vous aviez pris en considération nos demandes sur ce texte, nous n'en serions pas là. Quant à l'indignation que vous ressentez à défendre une position qui n'est pas la vôtre, elle est juste mais je vous confirme que nous avons l'habitude de le faire. J'étais rapporteur sur la presse, et j'étais en désaccord avec ce que je rapportais. Cela fait des décennies que nous sommes habitués à ce type d'exercice ; apprenez à vous y faire.
Il faut tenir compte du contexte actuel. Les collectivités territoriales sont étranglées financièrement. Le gouvernement souhaite récupérer 200 millions d'euros et on ne sait pas de la part de qui. Cette proposition de loi prévoit notamment des transferts de personnels. D'un côté, on nous dit que les collectivités doivent alléger leurs charges, et de l'autre on fait une loi de transfert !
Le groupe CRC avait voté contre en première lecture et reste dans cette démarche. Il ne s'agit pas ici d'une décentralisation qui donnerait les moyens nécessaires aux collectivités territoriales. Cette logique qui vise à demander plus aux collectivités en donnant moins n'est plus possible. Ce n'est donc pas par malhonnêteté intellectuelle que nous votons contre cet amendement, mais dans la continuité de notre démarche.
Au-delà de la question du fond, qui a été débattue par le passé, le problème est la situation dans laquelle nous nous trouverons en fin de vote. Le texte va repartir non voté à l'Assemblée nationale.
Le calendrier l'empêchera de toute façon, il n'y aura pas suffisamment de place pour continuer le travail parlementaire.
L'Assemblée nationale a le dernier mot. Mais le constat sera celui d'un désaccord profond entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Il n'y aura de CMP que si le gouvernement souhaite dégager un arbitrage. Les autres possibilités sont l'enterrement ou le retour en troisième lecture, qui m'étonnerait beaucoup.
Je suis assez triste de la tournure des choses. Il y avait dans l'ancienne commission de nombreux amis du patrimoine. L'État s'est engagé dans des cessions de biens, soit aux collectivités territoriales soit même à titre onéreux ; nous étions nombreux alors à nous en inquiéter. Nous avons donc souhaité encadrer ceci. Le rapport de Mme Férat avait fait l'unanimité, et le texte adopté par l'ancienne majorité faisait consensus. L'Assemblée nationale l'a modifié d'une manière qui nous inquiète. Que la commission fasse sont travail ! Sur ce sujet, il aurait été logique que notre commission ait une position.
J'ajouterai que la nouvelle majorité ne semble pas sûre d'elle-même. Elle supprime des amendements ; puis comme elle n'est pas certaine d'obtenir cette suppression, elle soutient des reculs successifs, sur un texte qu'au fond elle ne porte pas. Avec cette situation, nous terminerons avec un texte inacceptable pour l'Assemblée nationale, sans position de notre commission, et c'est la position de l'Assemblée qui triomphera. Chacun prendra alors ses responsabilités.
La nouvelle majorité n'a pas pour vocation de voler au secours d'un texte qu'elle n'a pas voté en première lecture. Sur le principe, sur l'orientation générale, nous sommes d'accord : il faut encadrer les cessions. Mais la proposition de loi ne nous satisfait pas. Faudrait-il que nous acceptions un texte médiocre sous la menace qu'il soit remplacé par un texte encore plus mauvais ? Les amendements que nous proposons renforcent les éléments de contrôle et de régulation. Nous sommes devant un dilemme : un choix entre une protection « light » ou une protection renforcée. Nous choisissons la protection renforcée, et nous n'accepterons pas la version « light » sous prétexte que, sinon, il n'y aurait aucune protection du tout.
Nous respectons chacun. Nos positions ne sont pas à criminaliser. L'UMP à l'Assemblée nationale a modifié la loi, la rendant inacceptable pour l'UMP du Sénat : ce n'est pas notre affaire. Que vous nous demandiez de venir vous aider sur ce sujet, M. Legendre, c'est fort de café. Nous avons voté contre en première lecture à l'Assemblée nationale et au Sénat. Nous votons à nouveau contre, donc sur le fond nous sommes tranquilles. Si vous voulez que cette loi ne passe pas telle quelle, essayez de convaincre vos collègues, réunissez-vous. Nous ne marchons pas dans cette histoire. Nous pensons qu'on peut faire une loi garantissant un transfert assorti de moyens suffisants, et nous nous relevons le défi dans le futur. Nous pouvons tout à fait avancer ensemble si vous acceptez que nous existions.
On a oublié que ce rapport comportait dix préconisations. Je ne les ai pas inventées toute seule. Ce texte est ce que nous avions travaillé ensemble. Par ailleurs, et j'espère que ça ne vous a pas échappé, il s'agit de dévolutions volontaires. Arrêtons de brandir l'argument budgétaire, c'est un faux problème. Si, en tant que collectivité territoriale, je n'ai pas les moyens d'entretenir un monument, je ne demanderai pas sa gestion. La proposition de loi conforte même l'information liée au personnel : l'enquête du rapport montrait que les collectivités s'engageaient parfois en méconnaissance des charges réelles que cela impliquait. Nous pallions ce problème.
Enfin, rappelons-nous que, pendant ce temps-là, France Domaine continue de vendre ! Nous sommes tous ici des défenseurs du patrimoine. Je ne comprends pas votre logique. Si ce texte n'est pas bon, alors retravaillons-le sur le fond. Je ne comprends rien à ce galimatias. C'est un véritable déni du travail parlementaire. Je reprendrai vos mots M. Assouline, et je ne pensais pas le faire un jour : « Je ne marche pas dans votre histoire. » Je n'irai pas porter des positions qui ne sont pas les miennes demain. Pardonnez-moi ces mots forts, mais c'est un pseudo-texte, c'est du n'importe quoi.
A vous entendre, en effet, on se demande comment vous auriez pu défendre en toute sincérité un texte que vous condamnez si sévèrement. Vous semblez en désaccord radical avec ce que nous avons voté. Je ne me serais pas permis de vous demander de démissionner...
Je vais être claire sur ce point. C'est un travail que j'ai porté avec enthousiasme, et il me fait mal de le dire, mais je démissionne de mon poste de rapporteur. Je ne pensais vraiment pas en arriver là.
Je salue la sincérité de Mme Férat. Nous voulions améliorer les choses, créer des garanties. Il y avait des différences d'appréciations, mais nous portions tous ces améliorations. Nous sommes arrivés à des positions très politiques, et notre travail en est rendu plus difficile. Je salue donc le courage du rapporteur.
Suspension de séance de 10 minutes.
Les groupes ne proposant pas de rapporteur, c'est Mme Marie-Christine Blandin, présidente, qui, est désignée.
Ce choix est mis aux voix et approuvé.
La commission procède à l'examen des amendements sur le texte de la commission n° 63 (2011-2012) sur la proposition de loi n° 447 (2010-2011) visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans.
Aujourd'hui les enfants sont tous scolarisés à cinq ans. Ce n'est pas le cas de toutes les familles à trois ans. C'est en outre à cinq ans que se fait l'apprentissage des fondamentaux, donc il nous paraît intéressant de descendre l'âge obligatoire de scolarité de six à cinq ans.
Vous soulevez un vrai problème. De plus en plus, la grande section et le cours préparatoire constituent un tout, et il est bon de s'interroger sur cette situation. Mais il ne me paraît pas possible de modifier l'âge de la scolarité obligatoire au détour d'une proposition de loi.
Je lis cet amendement comme une grande avancée intellectuelle dans cette commission. Vous dites que parce que près de 100 % des enfants sont scolarisés à cet âge, il est bon de l'inscrire dans la loi : c'est exactement ce qu'on a dit pour l'âge de trois ans. Vous devriez donc défendre cette proposition de loi.
C'est une autre vision de l'école maternelle. Vous concevez en bloc l'école de cinq à seize ans, pour mieux délaisser l'école maternelle avant cinq ans. Avec l'obligation de scolarité à trois ans, on fixe l'importance de la scolarisation spécifique à l'école maternelle. C'est une scolarisation qui adapte sa pédagogie aux rythmes des enfants. Cet amendement n'est pas du tout dans l'esprit de notre loi.
Lorsqu'on parle de 99 % des enfants « scolarisés » à trois ans, attention à ce que cela veut dire : beaucoup ne sont pas même présents une demi-journée par semaine !
Assouplir les horaires comme le fait actuellement l'école maternelle est bénéfique pour les parents. Rendre la scolarité obligatoire est à mes yeux très inquiétant.
Il faut conserver la flexibilité de l'école maternelle. Pourquoi imposer la scolarité à trois ans, ou à quatre ans... ? Il vaut mieux permettre le développement de tous les enfants chacun à leur rythme.
Madame Cartron, ne me prêtez pas des pensées que je n'ai pas. Je ne dévalorise absolument pas ce qui se passe de deux à cinq ans. En revanche je m'interroge sur votre amendement n° 5 : très clairement, de deux à trois ans je ne pense pas qu'on puisse décréter que les enfants soient scolarisés.
Je ne suis pas favorable. Je suis favorable à l'obligation pour les communes d'accueillir les enfants, mais pas à l'obligation imposée aux familles de les scolariser. Elles ont le droit de vouloir les garder à la maison jusqu'à six ans.
J'ai vu, en tant que maire et enseignant, que ceux qui commencent l'école suivent bien. Une fois qu'ils y sont entrés, ils sont présents régulièrement. D'autre part, un enfant qui a deux ans et demi en mars doit pouvoir entrer en école maternelle s'il est propre ; et ce d'autant plus s'il vient d'une famille défavorisée. En Bretagne, je l'ai dit, 60 % des enfants sont scolarisés avant trois ans car cela correspond aux six premiers mois de l'année.
Monsieur Legendre, vous ne pouvez pas non plus m'attribuer des idées que je n'ai pas, comme celle d'une obligation à deux ans. Ce n'est pas « doit » qui est inscrit dans le texte, mais « peut », seulement si l'enfant est propre et si les parents en font la demande. Ensuite, vous évoquez une vision quelque peu surannée des parents qui gardent leurs enfants chez eux. De qui s'agit-il ? Si les deux parents travaillent, où va l'enfant ? Et si les deux sont au chômage, dans une famille défavorisée, alors l'univers de l'enfant sera la télévision et la scolarisation serait pour lui un bienfait.
Nous ne visons pas une garderie, mais une scolarisation différente de ce qui se passe après six ans. L'univers merveilleux des parents qui permettent à leur enfant de s'épanouir, ne concerne que quelques rares familles.
Cette question n'appelle pas une réponse du rapporteur : c'est une question de moyens, qui s'adresse aux pouvoirs publics concernés.
Je vous remercie d'avoir assisté à cette séance difficile. Je voudrais que chacun garde son sang-froid. Nous sommes dans une période étrange, après une élection importante et avant une élection aux enjeux plus grands encore. Pour les lois à venir, je souhaite donc que les rapporteurs prennent la mesure de ce qui peut arriver.