La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Je souhaite la bienvenue à Mme Catherine Bréchignac, présidente du Haut Conseil des Biotechnologies, au sein duquel je rappelle que la loi de juin 2008 a créé deux comités, le comité scientifique (CS), qui émet des avis scientifiques, et le comité économique, éthique et social (CEES), qui émet des recommandations.

Je vous propose, Madame la présidente, de nous présenter le Haut conseil et sa façon de fonctionner, avant de tirer le bilan de votre première année d'expérience.

Debut de section - Permalien
Catherine Bréchignac, présidente du Haut Conseil des Biotechnologies

Vous m'avez entendue il y a un an alors que j'étais candidate à ce poste : il est bon de dresser le bilan de cette première année de travail. M'accompagnent les deux chargés de mission auprès des présidents de chacun des deux comités, qui vous en présenteront tout à l'heure le fonctionnement et les enseignements à en tirer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Je rappelle que nous avons deux collègues qui siègent au Comité économique, éthique et social, Jean-Claude Etienne, en tant que titulaire et Daniel Raoul comme suppléant.

Debut de section - Permalien
Catherine Bréchignac, présidente du Haut Conseil des Biotechnologies

Le Haut Conseil des Biotechnologies (HCB), composé de deux comités, ainsi que l'a rappelé le président Emorine, a pour mission d'éclairer le Gouvernement sur les biotechnologies, notamment les OGM, et de formuler des avis en matière d'évaluation des risques. Il est placé auprès de cinq ministères, sachant que ceux avec lesquels nous avons le plus de contacts sont ceux de l'agriculture, de l'environnement et de la recherche.

Après sa création par le décret du 5 décembre 2008, puis la parution du décret nommant son président et ses membres, le 30 avril 2009, il a fallu une phase de mise en place, tant des locaux que de la structure administrative, opérationnelle depuis le 31 mars 2010. Autant dire que nous n'avons pas travaillé, au cours de cette première année, dans des conditions idéales. Le budget du Haut conseil s'élève à 1 million d'euros. De nouveaux recrutements (3) et une démission au sein du comité scientifique (CS), et neuf démissions au comité économique, éthique et social (CEES) rendent nécessaire la parution d'un nouveau décret. Ces démissions ont pour l'essentiel une cause technique : les membres du CEES représentent souvent des structures, et lorsque les titulaires changent au sein de ces structures, ils changent aussi dans le comité.

Le bureau du HCB est composé des présidents, des vice-présidents et du secrétaire général. Il se réunit une fois par mois pour établir, notamment, l'ordre du jour des séances plénières, faire le point sur la suite à donner aux saisines, élaborer le budget.

Je précise que, pour les expérimentations en milieu confiné, seul l'avis du comité scientifique est requis. Pour ce qui concerne le milieu ouvert, cet avis doit être assorti des recommandations du comité économique, éthique et social. Parmi les dossiers de mise en culture de PGM - plantes génétiquement modifiées - que nous avons traités figurent le maïs NK 603, le Monsanto 810, la betterave H7-1 ainsi que deux autres variétés de maïs plus complexes. Dans le premier cas, il a fallu réagir vite, avant la réunion du Comité européen permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale (CPCASA). Le dernier avis a été rendu le 1er juin. Viennent ensuite les dossiers d'importations, que nous sommes censés traiter, et dont le nombre ne cesse de croître : j'ai dû prendre des dispositions pour leur traitement, et j'aimerais sur ce point votre sentiment. Pour les dossiers de thérapie génique, comme pour ceux de mise en culture de PGM ou d'essai en champs, l'avis du comité scientifique précède la recommandation du comité économique, éthique et social.

Les autres saisines ont concerné la définition du « sans OGM », l'habilitation d'agents de contrôle, la réponse au questionnaire de la commission européenne sur l'évaluation socio-économique des OGM. Nous avons également répondu à la demande d'un député, les parlementaires ayant la faculté de nous saisir. Dans le premier dossier, des groupes de travail interconnectés se sont mis en place sans difficulté. Les choses ont été plus complexes pour la réponse au questionnaire socio-économique.

L'avis rendu le 10 avril sur une demande d'essai en champs sur un porte-greffe de vigne, et qui avait recueilli une presque unanimité, a été suivi d'une autorisation du Gouvernement de reprendre les essais, et je m'en réjouis : la vigne arrachée à Colmar va pouvoir reprendre racine.

Quel bilan établir ? Les dossiers que le comité scientifique est appelé à traiter seul sont nombreux : sur les quelques 400 dossiers traités, 13 seulement étaient assortis d'une recommandation du CEES. Ces 13 dossiers représentent les dossiers relatifs à des autorisations de dissémination volontaire. L'analyse de ces dossiers amène à l'élaboration d'avis du CS, et de recommandations du CEES. Les autres dossiers, relatifs aux essais confinés, ne sont traités que par le CS, en vue de donner un avis de classement pour un agrément de recherche ou de la production industrielle. Ils portent pour l'essentiel sur les animaux et les micro-organismes (de l'ordre de 360), dans une optique médicale. Les plantes représentent beaucoup moins.

Nous organisons aussi des journées d'étude. Le 11 mai dernier, sur les herbicides, demain sur les rétrovirus, en septembre sur la toxicologie. Ces journées sont destinées à faire le point sur des questions importantes pour le HCB et établir une base de connaissances, communes aux différents membres du comité.

Debut de section - Permalien
Catherine Golstein, président du comité scientifique

chargée de mission auprès de M. Jean-Christophe Pagès, président du comité scientifique. - Je serai brève dans un premier temps, et je serai ravie de contribuer à répondre à vos questions dans un second temps. J'ai le plaisir de travailler en tant que chargée de mission au Haut Conseil des biotechnologies auprès de M. Jean Christophe Pagès et du Comité scientifique depuis quatre mois.

Au cours de ces quatre mois, j'ai pu apprécier la qualité du travail effectué par le comité scientifique, animé d'un état d'esprit tout à fait approprié à sa mission. Cela n'est pas étranger au fait que le Comité scientifique constitue une communauté relativement homogène de chercheurs : si les trente-cinq membres du comité représentent chacun une expertise particulière, depuis le génie génétique jusqu'aux sciences environnementales, tous sont animés par la même éthique du chercheur et travaillent selon la même démarche d'analyse pragmatique. Les débats, pluridisciplinaires, se déroulent de ce fait dans une ambiance à la fois libre et sereine. Les membres, très pris par ailleurs, sont néanmoins très investis dans le comité. J'ai pu également constater que le fonctionnement du Comité scientifique mériterait d'être amélioré sur plusieurs points.

En premier lieu, il gagnerait à plus de fluidité dans son travail. Les quelque 400 dossiers relatifs aux essais confinés, très volumineux, sont actuellement soumis sous forme papier, ce qui entraîne bien des difficultés logistiques : nous avons un besoin impératif de dématérialisation des dossiers.

En second lieu, dans la mesure où la charge de travail va croissant et les dossiers augmentant en complexité, les moyens d'expertise viennent à manquer : il faudrait pouvoir disposer de davantage de moyens pour pouvoir nommer davantage d'experts par dossier.

Debut de section - Permalien
Martin Rémondet, présidente du comité économique, éthique et social

chargé de mission auprès de Mme Christine Noiville, présidente du comité économique, éthique et social. - Le comité économique, éthique et social est une instance nouvelle, originale, rassemblant des représentants très divers de la société civile, qui prennent leur tâche très au sérieux. Chaque dossier est traité par deux rapporteurs. Lors des débats, les échanges d'arguments demeurent parfois un peu vifs, même si quelques consensus sur certains éléments de référence commencent à se dégager.

Il serait bon de renforcer l'expertise dans différentes disciplines. En particulier, les trois personnalités qualifiées dans le domaine de l'économie, du droit et de la sociologie, qui sont les trois scientifiques du comité, mériteraient d'être renforcées par un suppléant.

Le CEES produit des recommandations reflétant non les seuls points de consensus, mais toute la diversité des points de vue des membres, d'où quelques difficultés à en produire des résumés et à communiquer sur ces recommandations.

Du fait de l'hétérogénéité des points de vue, le contenu dépend beaucoup de la procédure en cours de séance. Pour y remédier, nous avons mis fin au vote en cours de débat et nous avons mis en place une procédure nouvelle pour recueillir l'expression des opinions divergentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

On a le sentiment, à vous entendre, qu'autant les choses se déroulent sans problème au sein du comité scientifique, autant elles sont plus complexes au sein du comité économique, éthique et social. Cela étant, nous savions dès le départ qu'eu égard à sa composition, le consensus ne pourrait pas toujours se dégager. Nous avons également compris votre souci de voir les trois personnalités qualifiées dotées de suppléants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

Ne pensez-vous pas que les consommateurs sont un peu désorientés devant les étalages des grandes surfaces, où ils voient se multiplier les labels ? Ne cherche-t-on pas, en France, à « laver plus blanc que blanc », au risque de pénaliser l'économie française ?

Votre mission est difficile. La France reste très timide sur les expérimentations d'OGM. Reste que les élus que nous sommes sont tous soucieux de la qualité de nos eaux. Choisir entre OGM et pesticides, est-ce devoir décider entre la peste et le choléra, ou y a-t-il un choix moins mauvais que l'autre ?

Dans la société de consommation mondialisée qui est la nôtre, une cohérence dans la transparence ne serait-elle pas bienvenue ?

Debut de section - Permalien
Catherine Bréchignac, présidente du Haut Conseil des Biotechnologies

Il ne faut pas oublier que les consommateurs, qui à juste titre veulent savoir ce qu'ils mangent, sont protégés par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA). Quiconque a un jardin sait qu'il est dangereux d'utiliser les feuilles de son laurier d'ornement pour faire la cuisine, à laquelle il faut réserver le laurier-sauce. La logique est la même avec les OGM : en termes de sécurité alimentaire, qu'est-ce qu'un produit avec ou sans OGM ? Le HCB a rendu un avis sur la définition du « sans OGM » : sous 0,1 %, étiqueté sans OGM ; au-dessus de 0,9 %, étiqueté OGM. Entre le 0,1 % sans OGM, et le 0,9 %, nous sommes dans une zone grise : il faudra encore bien du temps avant que ne puisse sortir un décret réglementant l'étiquetage.

Je suis une scientifique : l'expérimentation est à mes yeux indispensable. Elle permet de savoir et quand on sait, on ne se trompe pas. Je me félicite donc de la reprise des essais en champ de la vigne résistante au court-noué.

Nous faisons partie de l'Europe qui laisse, en vertu du principe de subsidiarité, le choix à chaque pays : nous suivons donc à la fois la réglementation européenne et la loi française.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Le Haut Conseil des Biotechnologies produit un travail considérable, dans l'un et l'autre de ses comités. Les dossiers qu'il traite sont véritablement substantiels et je puis vous dire que pour le néophyte que je suis, c'est une véritable formation continue...

Le revers de la médaille, c'est que les suppléances posent problème. Sur de tels dossiers, il est presque impossible de relayer le titulaire du jour au lendemain : il faut un temps d'incubation pour s'approprier les enjeux. Voilà pourquoi je ne suis pas sûr que la création de suppléants soit la bonne solution.

Quant aux parlementaires, M. Didier Guillaume vous le confirmera, ils se heurtent à un sérieux problème de calendrier. L'organisation de nos travaux au Sénat est incompatible avec l'assiduité au Haut conseil.

Je me réjouis que l'expérimentation de Colmar puisse reprendre. Un irresponsable avait arraché les pieds de vigne, alors qu'un vrai consensus local existait sur un protocole que l'on aurait d'ailleurs pu appliquer à d'autres essais. Nous avions demandé, avec M. Jean-Marc Pastor, lors de la discussion du Grenelle, la mise en place d'une commission locale de suivi pour assurer la transparence locale. On m'avait alors objecté les risques de saccage. De fait, le saccage a eu lieu. Je le déplore. L'évaluation en grandeur réelle est indispensable.

J'ai constaté, au cours des réunions auxquelles j'ai assisté, que les positions ne progressent guère : il y a deux blocs irréductibles. Le problème est que l'on importe du maïs PGM - terme auquel je tiens beaucoup et que je vous remercie d'avoir utilisé. Il faut distinguer entre OGM et PGM : refuser en bloc les OGM relève de l'hypocrisie. Faudra-t-il donc refuser tous les vaccins, toutes les levures ? Depuis l'affaire de la vache folle, on a interdit la présure de la fraise de veau, il faut bien recourir aux OGM ! L'emploi de ce sigle pervertit tout le débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

J'ai démissionné du Haut conseil depuis le 2 avril. Je croyais beaucoup en sa création, je m'y suis investi. Mon département est le premier à avoir mis en place un pôle en éco-toxicologie. Il comptait plus de quarante hectares de culture OGM : nous avons délibéré à la quasi-unanimité pour dire que nous voulions un département sans OGM.

Debut de section - Permalien
Catherine Bréchignac, présidente du Haut Conseil des Biotechnologies

Vous voulez dire sans PGM.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Par ailleurs, je préside la plus importante commission locale d'information nucléaire de France. Mais aujourd'hui, je suis déçu. L'organisation du travail du comité ne nous permet pas de suivre : plusieurs réunions par mois, des dossiers trop lourds pour qu'un suppléant puisse nous relayer au pied levé... Le courrier que j'ai reçu il y a quelque temps pour déplorer ma présence intermittente aux réunions a fait déborder le vase : j'ai jeté l'éponge.

Ne peut-on donc travailler autrement que sur des journées entières ? Il faudrait être à la retraite pour pouvoir suivre, est-ce le cas des spécialistes membres du Haut conseil ? J'ai fait tout mon possible pour contribuer, mais je n'ai pas pu assurer.

Le CEES joue pourtant un rôle important, il permet de disposer d'un avis alternatif. J'entends le problème soulevé par M. Daniel Raoul : les positions y demeurent certes un peu figées ; reste que la structure est utile.

J'espère que mon remplaçant fera mieux car les avis du Haut comité ont contribué à nous éclairer sur des sujets très complexes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Avez-vous une solution sur cette affaire des titulaires et des suppléants ?

Debut de section - Permalien
Catherine Bréchignac, présidente du Haut Conseil des Biotechnologies

Nous avons conscience de cette difficulté. L'évolution se fait par la discussion et l'échange. L'engagement peut être trop important pour des personnes qui ont d'autres missions, comme c'est votre cas. Cependant, vous avez des attachés parlementaires...

Debut de section - Permalien
Catherine Bréchignac, présidente du Haut Conseil des Biotechnologies

Cela suppose une adaptation des textes. Vous pouvez être tenu informé régulièrement et ne venir qu'à des moments particuliers. Quel serait le rôle des attachés parlementaires ?

On ne trouve pas dans votre département de PGM. Le fait est qu'ils ont suscité des controverses mais il faudrait traiter de la coexistence : ceux qui ne veulent pas manger de PGM n'en mangent pas, ceux qui le veulent le peuvent. Nous sommes très attendus là-dessus, car notre approche intéresse beaucoup nos voisins. Le conseil unique créé par les Allemands, en regroupant tout le monde, fonctionne plus difficilement.

Enfin, un produit peut ne pas être dangereux mais ne pas avoir d'intérêt économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Je vous rends très attentifs sur la question des assistants : si on les envoie siéger, les titulaires se feront rares... Une généralisation peut être dangereuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Deneux

J'apprécie le travail qui se met en place et je comprends la flexibilité. Quelles sont vos relations avec l'Afssa ? J'aimerais également connaître votre position sur les évolutions de la réglementation communautaire. Je me demande en effet si la position française est tenable à terme. Des projets scientifiques étudient-ils les répercussions des OGM sur la santé et l'environnement ? Que peut-on faire en cas de dissémination en plein champ ? Je relève enfin que vous n'avez pas été interrogée sur la pomme de terre.

Debut de section - Permalien
Catherine Bréchignac, présidente du Haut Conseil des Biotechnologies

Nos relations avec l'Afssa se passent bien, nous avons d'ailleurs des membres de l'Afssa dans le Haut Conseil.

S'agissant de la réglementation européenne, la France a pris des positions fortes sur les PGM. On est obligé de suivre la réglementation européenne et d'avoir des règlementations nationales, même si c'est la quadrature du cercle.

La recherche est indispensable pour avancer. Nous avons une position forte pour les animaux et sur les micro-organismes ; en revanche, nous avons perdu beaucoup de savoir-faire sur les PGM. Il est vrai que quand la recherche est détruite, les chercheurs partent... On a conscience de l'intérêt scientifique ; cultiver, c'est autre chose.

La dissémination dépend énormément des plantes : la vigne ne se multiplie pas, mais pour le colza, c'est plus complexe car une graine de colza enterrée dans le sol peut germer dix ans plus tard. La rigueur impose donc des règlementations différenciées.

Vous avez bien fait de prendre l'exemple de la pomme de terre, parce qu'avec, on peut faire des frites (ce qui n'est pas le cas pour la pomme de terre Amflora), ainsi que du papier. On pourrait donc autoriser les PGM pour le papier, et les interdire pour l'alimentaire, si cela s'avère nécessaire. On ne mange pas les champignons vénéneux...

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Deneux

Toutes les pommes de terre sont comestibles !

Debut de section - Permalien
Catherine Bréchignac, présidente du Haut Conseil des Biotechnologies

Il convient de réfléchir aux raisons de l'utilisation des plantes, et ne pas faire n'importe quoi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Deneux

Je suis à 180 kilomètres de la frontière hollandaise : n'oublions pas les importations !

Debut de section - Permalien
Catherine Bréchignac, présidente du Haut Conseil des Biotechnologies

Le nombre de dossiers d'importations est extrêmement volumineux. Sauf à décupler nos effectifs, ce serait pour l'instant, ingérable...

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Muller

Le Sénat avait longuement débattu sans trancher entre les seuils de 0,1 et de 0,9 % - M. Jean-Louis Borloo avait renvoyé cela à votre conseil. Je me réjouis que vous ayez choisi le seuil scientifique. Quels ont été les éléments déterminants de ce choix, et comment expliquez-vous que nous attendions sa transcription depuis novembre ?

Debut de section - Permalien
Catherine Bréchignac, présidente du Haut Conseil des Biotechnologies

Le seuil de 0,1 % est le seuil mesurable et détectable ; celui de 0,9 % est le seuil européen, de sorte qu'entre les deux, on a du grisé : dans un cas on peut avoir une étiquette « sans OGM » et dans l'autre avec. Mais entre les deux ? Nous rendons un avis et il revient au Gouvernement de prendre les décisions et décrets correspondants.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

On peut se féliciter que le Haut conseil se mette en place, même s'il est délicat pour vos services de pointer l'absentéisme.

Peut-on imaginer une coexistence de cultures sans dissémination ou bien est-ce réactiver le vieux débat des scientistes contre les précautionneux ? Il n'y aurait pas alors d'équilibre d'intelligence possible. Réfléchit-on à des règles communes ou bien cela dépend-il de la nature des cultures ?

Lors de récents contacts avec les chercheurs de Sophia-Antipolis, il m'a semblé que leur inquiétude à propos d'un retard sur les biotechnologies tenait moins au débat sur les OGM qu'à la difficulté de déterminer des champs pertinents. Pouvez-vous en outre nous indiquer la part du grand emprunt allant aux biotechnologies ?

Debut de section - Permalien
Catherine Bréchignac, présidente du Haut Conseil des Biotechnologies

Nous avons commencé à travailler sur la coexistence, mais les textes manquent, et nous préparons différents scénarios. Beaucoup dépendra des espèces cultivées : pensez au pollen.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

Je pensais précisément aux abeilles. Réfléchissez-vous à des critères objectifs afin qu'on sorte de l'impasse ?

Debut de section - Permalien
Catherine Bréchignac, présidente du Haut Conseil des Biotechnologies

Nous n'avons pas attendu la saisine du Gouvernement : le comité scientifique et le CEES y travaillent. Nous sommes néanmoins dépendants de la définition du « sans OGM. ». Le HCB ne fait pas de recherche par lui-même. Et en ce qui concerne le comportement des abeilles, par exemple, sachons faire la différence entre ce qui se publie dans les revues à comité de lecture et dans les autres.

La science, c'est le savoir, et la technologie, le savoir-faire ; or celui-ci précède parfois celui-là : les Chinois ont inventé la boussole avant d'avoir compris le magnétisme. Cet écart fait toute la difficulté. La France joue un rôle important pour la recherche en santé et pour le médicament mais les moratoires ont affecté la recherche sur les plantes. On pourra reprendre celle-ci quand on distinguera culture et essais.

Je n'ai pas de chiffres sur le grand emprunt. En fait, on ne pourra utiliser que les intérêts de l'argent qui sera alloué aux universités.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Nos concitoyens sont très attentifs à la qualité, mais ils sont un peu perdus car les articles de presse finissent par se contredire. De guerre lasse, chacun se résout à n'en faire qu'à sa tête. N'est-ce pas décevant ? C'est inquiétant, en tout cas, car si, comme l'affirme le dicton, il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, certains réclameront toujours des contre-expertises, quelle que soit la qualité de vos rapports.

Un mot enfin des chercheurs de l'INRA que j'ai suivis pendant un stage. Travaillez-vous en partenariat avec eux ?

Debut de section - Permalien
Catherine Bréchignac, présidente du Haut Conseil des Biotechnologies

Très demandeurs d'expertise, nous travaillons beaucoup avec l'INRA, ce fleuron de la recherche française. Par ailleurs, l'INRA avait soumis une nouvelle demande d'autorisation d'essai en champ pour ses recherches sur la vigne. Nous avons évalué ce projet de façon indépendante. Le Gouvernement a autorisé cet essai, après avoir considéré l'avis du HCB.

Tout est clair, une fois que l'on sait, mais la recherche se développe quand l'on ne sait pas et l'on ne progresse que par des expériences, qui permettent de vérifier des hypothèses. Sans attendre que l'on sorte de ce « grisé », les médias font état de résultats ponctuels et les amplifient alors qu'ils peuvent être contredits. Dans ces conditions, je comprends les réactions dont vous faites état. Les relais médiatiques sont trop précoces. Nous devrions expliquer ce qui est en phase de recherche lorsque le savoir n'est pas complet... La révolution du vivant pose des problèmes éthiques fabuleux ; il faudra s'y mettre sans arrêter le progrès.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

En effet, constituer une cellule vivante ex nihilo pose des problèmes. Comment pourra-t-on avancer ? Dans mon département, le centre INRA n'a plus de doctorants tellement il y a eu de pressions, y compris physiques avec des destructions de laboratoires. L'Agence nationale pour la recherche (ANR) ne propose pas d'appel d'offre. Sans prescription de recherche, nous serons déconnectés, et les chercheurs partiront aux Etats-Unis.

Debut de section - Permalien
Catherine Bréchignac, présidente du Haut Conseil des Biotechnologies

Vous avez tous insisté sur la recherche en ce domaine, en la dissociant bien de l'industrialisation et j'en suis heureuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Je vous remercie, madame. La création du Haut Conseil des Biotechnologies s'inscrit dans un long et passionnant débat - vous avez été saisie plus de 400 fois. Pour la présence dans les différents comités, nous interrogerons le ministre, en écartant dans un premier temps la solution des assistants. Il s'agit d'avoir la plus grande efficacité en retenant l'importance du facteur économique, sans qu'il obère les autres.