Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission procède à l'examen du rapport de Mme Anne Emery-Dumas sur la proposition de loi n° 559 (2012-2013) portant déblocage exceptionnel de la participation et de l'intéressement.
EXAMEN DU RAPPORT
Le texte que nous examinons aujourd'hui, déposé à l'Assemblée nationale le 9 avril dernier par Bruno Le Roux, Christian Eckert, Catherine Lemorton et les membres du groupe socialiste, tend à autoriser le déblocage exceptionnel de l'intéressement et de la participation.
Concrétisant l'engagement pris par le Président de la République le 28 avril dernier et complétant la stratégie de croissance du Gouvernement, il entend améliorer dans les meilleurs délais le pouvoir d'achat des français et soutenir la consommation des ménages au moment où le pays traverse l'une des plus graves crises économiques de son histoire.
Cette crise se mesure bien entendu à l'aune des statistiques économiques. Il y a quelques jours à peine, l'institut national de la statistique et des études (Insee) soulignait que les dépenses de consommation des ménages avaient diminué en 2012 pour la seconde fois depuis l'après-guerre et que le pouvoir d'achat individuel des français avait connu sa plus forte baisse depuis 1984.
Mais cette crise se mesure aussi et surtout aux difficultés financières que connaissent nos concitoyens et au désarroi que chacun d'entre nous, en tant qu'élu local, peut percevoir chez ses administrés.
A elle seule, la mesure de déblocage que je vais vous présenter ne permettra ni de faire décoller la consommation ni de rétablir la confiance. Mais elle constituera, pour ceux qui en bénéficieront, une mesure bienvenue au moment où les réformes structurelles menées par le Gouvernement au cours des douze derniers mois commencent à peine à produire leurs effets.
Le recours au déblocage anticipé de l'épargne salariale pour soutenir la consommation des ménages ne constitue pas une idée neuve : depuis 1994, pas moins de quatre déblocages exceptionnels ont été autorisés par la loi.
Le principe de ces mesures est simple : il s'agit de permettre aux salariés d'accéder à leurs primes de participation ou d'intéressement avant le terme du blocage fixé par la loi - en général cinq ans mais parfois huit ans - en bénéficiant néanmoins des exonérations d'impôt et de cotisations sociales qui leur sont associées.
Le dispositif proposé par le texte est toutefois plus ambitieux et mieux encadré que les dispositifs adoptés précédemment.
D'une part, il couvre les sommes issues de la participation et de l'intéressement quand les mesures précédentes ne concernaient que le premier régime. Seront ainsi concernées non seulement les entreprises de plus de cinquante salariés, pour lesquelles la participation constitue une obligation, mais aussi les PME et certaines TPE qui recourent plus facilement aux accords d'intéressement.
D'autre part, la mesure permet aux salariés de débloquer l'ensemble des sommes qui lui ont été attribuées au titre de la participation et de l'intéressement, quels que soient leur année de versement et l'exercice au titre duquel elles ont été attribuées. Les sommes déblocables ne sont pas limitées à celles attribuées au cours des deux années précédentes comme ce fut le cas en 1994 et 1995.
Elle autorise enfin le bénéficiaire à débloquer jusqu'à 20 000 euros, soit le double du plafond autorisé en 2004 ou en 2008 permettant ainsi de procéder à l'achat d'un véhicule ou à la réalisation de travaux conséquent dans sa résidence.
Au total et compte tenu de ses caractéristiques, le déblocage proposé concerne potentiellement plus de 4 millions de nos concitoyens et près de 90 milliards d'encours.
Si cette mesure est ambitieuse, elle reste néanmoins fermement encadrée afin de limiter les effets pervers qui pourraient lui être associés.
Afin de préserver l'épargne longue qui permet de compléter la pension de retraite de salariés souvent modestes, le dispositif exclut d'abord les sommes issues de la participation et de l'intéressement investies dans les plans d'épargne pour la retraite collectifs (Perco).
Le texte exclut ensuite du régime de déblocage les sommes placées dans des fonds solidaires. Les 2,6 milliards d'encours consacrés au financement des entreprises sociales et solidaires sont en effet indispensables à la pérennité de ces structures.
Le dernier garde-fou présent dans le texte initial concerne les conditions de déblocage des sommes affectées à l'actionnariat salarié. Si le déblocage des sommes investies sur des fonds monétaires ou diversifiés peut se faire, sans formalité préalable, sur simple demande du salarié, le déblocage des droits affectés à l'acquisition de titres de l'entreprise ou à l'acquisition de parts du fonds commun de placement d'entreprise (FCPE) d'actionnariat salarié est quant à lui conditionné à la signature d'un accord collectif afin de prendre toutes les précautions nécessaires pour ne pas fragiliser inutilement les fonds propres des entreprises concernées.
Ces précautions ont été considérablement renforcées par nos collègues députés à l'occasion de l'examen de la proposition de loi par l'Assemblée nationale.
A l'initiative du rapporteur de la commission des affaires sociales, Richard Ferrand, l'Assemblée a en effet complété le dispositif initial en « fléchant » les sommes débloquées par les salariés vers l'achat de biens et de services.
Ce faisant, le texte de la proposition de loi vise à éviter que les sommes débloquées ne soient immédiatement redirigées vers des supports d'épargne alternatifs tels que les livrets défiscalisés dont les plafonds ont récemment été augmentés. Pour mémoire, l'Insee a estimé que 70 % des sommes liées à la participation ou à l'intéressement débloquées en 2004 ont été replacées sur des supports d'épargne plus liquides ou plus rémunérateurs.
Afin de limiter cet effet d'aubaine et, mécaniquement, de concentrer l'impact du dispositif sur la consommation des ménages, l'Assemblée a prévu une procédure de contrôle allégée imposant au salarié bénéficiaire de la mesure de tenir à la disposition de l'administration les pièces justificatives attestant de l'usage des sommes débloquées.
Ce mécanisme me paraît judicieux : il évite de décourager les salariés désireux de bénéficier du déblocage par un formalisme excessif tout en étant suffisamment conditionnel pour décourager les abus.
Nos collègues députés ont par ailleurs apporté d'autres modifications au texte dont la portée me semble plus limitée. Ils ont ainsi précisé les conditions de déblocage des sommes attribuées au titre de l'intéressement placées sur un plan d'épargne entreprise (PEE) mis en place à l'initiative de l'employeur, défini une période allant du 1er juillet au 31 décembre pour le déblocage exceptionnel de la participation et de l'intéressement et prévu le dépôt, par le Gouvernement, d'un rapport réalisant le bilan de la mesure dans le délai d'un an après son adoption.
Cette dernière mesure nous permettra sans doute, et pour la première fois depuis vingt ans, de disposer dans les mois qui viennent de données fiables sur l'effet d'un tel déblocage.
En guise de conclusion, je souhaiterais indiquer que ce déblocage exceptionnel est une mesure circonstancielle qui appelle des réformes plus profondes de notre système d'épargne salariale.
A cet égard, Benoit Hamon, ministre de l'économie sociale et solidaire et de la consommation, a annoncé à l'occasion du débat sur le texte à l'Assemblée nationale l'installation prochaine du Conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat des salariés (Copiesas) institué par la loi du 3 décembre 2008.
Resté depuis sa création au stade de l'intention, ce conseil sera chargé de faire des propositions sur une réforme globale de l'épargne salariale. Ces réformes concerneront sans doute la simplification des dispositifs d'épargne salariale, l'élargissement du nombre de leurs bénéficiaires et la mobilisation des fonds qu'ils contiennent en faveur de l'investissement productif.
Dans l'attente de ces nouvelles échéances et compte tenu des préoccupations immédiates de nos concitoyens en matière de pouvoir d'achat, je vous propose d'approuver cette proposition de loi dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale.
Cette proposition de loi s'inscrit dans un contexte économique et social que personne n'ignore : la France est entrée en récession et le pouvoir d'achat de nos concitoyens accuse une baisse de 0,4 % en 2012.
Dans ce contexte, on peut s'interroger sur le choix d'une mesure de déblocage dont l'effet « à un coup » devrait rapidement se dissiper et dont l'efficacité peut être discutée. Pour mémoire, 70 % des sommes débloquées en 2004 ont été immédiatement réépargnées sans profiter à la consommation.
En inscrivant à l'ordre du jour une mesure visant à relancer la demande dans notre pays, le Gouvernement semble toutefois se rallier aux positions défendues par le groupe communiste républicain et citoyen en matière économique. Nous nous abstiendrons par conséquent sur ce texte en souhaitant que le Gouvernement oeuvre dans le sens d'une véritable relance salariale et rompe avec les politiques récessives menées jusqu'ici.
Je me demande si le « fléchage » adopté par l'Assemblée nationale n'est pas trop restrictif. En ouvrant le dispositif aux salariés désireux de payer leurs dettes avec les sommes débloquées, peut-être permettrions nous à ceux-ci d'accéder aux logements sociaux.
Dans la mesure où la participation et l'intéressement que j'ai pu accumuler en dix ans de carrière en entreprise se sont élevées à huit mille cinq cent euros, je trouve le plafond de 20 000 euros fixé par le texte assez élevé. Je souhaiterais donc connaître le pourcentage de salariés susceptibles d'atteindre ce seuil.
Je souhaiterais par ailleurs connaître les raisons justifiant le traitement particulier réservé aux entreprises du secteur social et solidaire par le biais de l'exclusion des fonds solidaires du champ de la mesure de déblocage.
Je suis enfin dubitative sur l'efficacité du mécanisme de contrôle introduit par l'Assemblée nationale.
Mon groupe ne s'étant pas encore positionné sur cette proposition de loi, je m'exprime ici à titre personnel. Je voterai contre ce texte car je considère qu'une énième relance par la consommation n'aboutirait qu'à dégrader notre balance commerciale. Il me semble par ailleurs que cette mesure, en autorisant le déblocage anticipé d'une épargne de long terme souvent investie en actions, pourrait dangereusement fragiliser les fonds propres des entreprises.
Ma position constante sur le sujet me conduit à m'opposer fermement à l'adoption de cette mesure. Je crois d'ailleurs qu'une grande partie du groupe partage ma position.
Ma première remarque concerne la situation du Copiesas. Si je reconnais volontiers que la majorité précédente aurait dû se préoccuper de sa mise en place, je rappellerais cependant que le Gouvernement aura mis près d'un an avant de se saisir du dossier. Il aurait par ailleurs été préférable de mettre en place ce Conseil avant de proposer un déblocage exceptionnel de la participation et de l'intéressement.
Ma deuxième remarque concerne la nature des sommes concernées par le déblocage. Je regrette en effet que le texte de la proposition de loi n'exclue pas du champ de la mesure les sommes affectées dans des fonds investis en actions, dont le déblocage risque de déstabiliser les fonds propres des entreprises.
Je proposerai enfin des amendements tendant à définir des modalités de contrôle bien plus réalistes et efficaces que celles introduites par nos collègues de l'Assemblée nationale. Le sort réservé à ces amendements nous conduira peut être à revoir notre vote en séance.
Cette mesure s'apparente à du « détournement d'intention de fonds ». Elle va d'abord permettre aux salariés sachant gérer leur budget de profiter d'un effet d'aubaine en replaçant les sommes débloquées sur d'autres supports d'épargne. Elle va également accentuer les difficultés de nos concitoyens les plus dépensiers en leur assurant un afflux de liquidités qu'ils vont s'empresser d'utiliser pour l'acquisition de biens sans rapport avec leurs besoins. Cette mesure d'affichage n'est donc pas à la hauteur de la situation que connaît notre pays.
Je dois avouer que la cohérence de l'action du Gouvernement m'échappe totalement.
D'une part, le « tripatouillage » de la participation, dont la fiscalité a été fortement augmentée à l'occasion du dernier PLFSS par le biais du relèvement du forfait social de 8 % à 20 %, dénature l'esprit d'origine de cet outil conçu par le général de Gaulle comme une voie médiane entre le capitalisme « sauvage » et l'appropriation des moyens de production par la collectivité.
D'autre part, je trouve paradoxal qu'un Gouvernement qui passe son temps à détricoter les mesures positives mises en place par le précédent Président de la République - heures supplémentaires, TVA anti délocalisation ... - soutienne l'adoption d'une mesure qui, sous la précédente législature, a fait la preuve de son inefficacité.
Compte tenu des sommes en jeu et du nombre de salariés potentiellement concernés, une étude d'impact a-t-elle été réalisée sur ce texte ?
D'autre part, ne faudrait-il pas limiter l'utilisation des sommes débloquées à des dépenses d'investissement dans le bâtiment ou les travaux publics afin d'éviter l'achat des biens d'équipement importés de Chine ou ailleurs. Il y a là une réflexion à mener pour limiter les effets pervers de la mesure.
L'article R. 3324-22 du code du travail autorise déjà les salariés surendettés à débloquer de manière anticipée les droits constitués au titre de la participation.
Le plafond fixé par la proposition de loi vise à permettre aux salariés de réaliser des achats importants. Dans la mesure où le dispositif permet de débloquer l'ensemble des sommes attribuées au titre de la participation et de l'intéressement, quels que soient leur année de versement et l'exercice au titre duquel elles ont été attribuées, certains salariés devraient pouvoir débloquer les 20 000 euros fixés par le texte.
Les fonds solidaires ont été écartés du dispositif afin de ne pas déstabiliser les fonds propres des entreprises évoluant dans le champ social et solidaire. Le déblocage des sommes affectées à l'acquisition de titres de l'entreprise ou à l'acquisition de parts de FCPE d'actionnariat salarié est quant à lui conditionné à la signature d'un accord collectif.
Je rappelle que le Conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat des salariés a été créé en décembre 2008. Un certain nombre de ministres auraient donc pu le mettre en place depuis cette date.
Le ministre de l'économie sociale et solidaire et de la consommation s'est quant à lui engagé à mettre en place ce Copiesas et à s'inspirer des conclusions de ses travaux dans le cadre d'un projet de loi sur l'épargne salariale.
L'exclusion des fonds investis en actions de la mesure de déblocage réduirait considérablement l'efficacité de la mesure. C'est pour cette raison qu'une telle exclusion n'a pas été retenue dans le texte de la proposition de loi.
Le dispositif de contrôle de l'utilisation des sommes débloquées prévu par le texte me paraît équilibré : sans être une usine à gaz, il devrait dissuader les salariés de débloquer des sommes pour les redéposer sur d'autres supports d'épargne.
S'agissant d'une proposition de loi, nous ne disposons pas d'une étude d'impact préalable. Le texte charge néanmoins le Gouvernement de réaliser un bilan de la mesure un an après son adoption.
En guise de conclusion, je m'étonne qu'un dispositif paraissant aussi mal adapté, aussi inutile, aussi dangereux pour les entreprises aux yeux de certains de nos collègues ait été utilisé si souvent par les gouvernements qu'ils soutenaient, sans les garde-fous prévus par le texte.
Je rappelle que les mesures de déblocage précédemment adoptées ne concernaient ni un plafond aussi élevé ni le dispositif d'intéressement. Par ailleurs, compte tenu des modalités de contrôle envisagées, les sommes débloquées pourront facilement se reporter vers de nouvelles formes d'épargne.
Dans la mesure où le Président de la République s'est prononcé en faveur d'une remise à plat du système participation, pourquoi prendre cette mesure de déblocage dans la précipitation sans attendre la mise en place du Copiesas ?
La mesure concerne effectivement la participation et l'intéressement, ce qui était d'ailleurs déjà le cas en 2004. Ce choix est d'autant plus judicieux qu'il permet d'élargir le champ des salariés concernés par le dispositif.
Quant à la remise à plat du système de participation annoncé par le Président de la République, il a effectivement été confirmé par M. Benoit Hamon, ministre de la consommation et de l'économie sociale et solidaire.
Il n'y a pas d'amendement. Je vais donc mettre aux voix les articles 1er et 1er bis et l'ensemble de la proposition de loi.
Les articles 1er et 1er bis et la proposition de loi ne sont pas adoptés.
Compte-tenu de ce vote négatif, la discussion en séance publique portera sur le texte transmis par l'Assemblée nationale.
Je vous remercie, madame la présidente, de me donner l'occasion de présenter devant notre commission le rapport sur l'accessibilité que j'ai remis au Premier ministre le 1er mars dernier.
Je tiens à saluer l'initiative de cette mission sur un sujet difficile, portant sur un enjeu sociétal lourd et suscitant nombre d'inquiétudes et d'attentes de la part des acteurs concernés.
L'accessibilité ne vise pas seulement les personnes handicapées ; elle bénéficie à chacun d'entre nous : personnes âgées, familles avec enfants, touristes étrangers... Elle contribue à l'amélioration de la qualité de la vie quotidienne, elle favorise un meilleur accès à la citoyenneté, elle constitue une chance pour l'ensemble de la société. Tous les types de handicaps sont concernés, pas uniquement le handicap moteur.
Comme Isabelle Debré et moi-même avons pu le constater l'année dernière à l'occasion de nos travaux pour la commission pour le contrôle de l'application des lois, le bilan de la loi « Handicap » du 11 février 2005 en matière d'accessibilité est très contrasté. Certes, les mentalités ont évolué mais la mise en oeuvre concrète des obligations posées par la loi s'avère difficile.
La date de 2015 ne sera pas respectée, ainsi que l'a publiquement reconnu la ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, lors de la présentation, en septembre dernier, du rapport conjoint du Conseil général de l'environnement et du développement durable, de l'Inspection générale des affaires sociales et du Contrôle général économique et financier.
Il faut donc désormais se projeter au-delà de cette date symbolique et poursuivre la dynamique qui est en cours. L'heure n'est plus aux excuses, elle est à l'action en enjambant 2015.
La mission que j'ai conduite pendant quatre mois a procédé à 120 auditions et entendu 300 personnes, parmi lesquelles des représentants de l'Etat, des collectivités territoriales, des associations de personnes handicapées et des organismes professionnels des champs économiques concernés (transport, hôtellerie-restauration, commerce, tourisme, professions libérales, architectes, ingénieurs, etc.).
Le constat est celui d'une réelle inquiétude et d'une grande attente de la part des différents acteurs :
pour les associations, la crainte est double : celle que rien ne soit entrepris par les pouvoirs publics puisqu'il est maintenant admis que l'échéance de 2015 ne sera pas respectée ; celle que des dérogations à la législation s'imposent comme seule solution au retard pris et aux difficultés rencontrées. Or telle n'est pas la volonté du Gouvernement ; le Premier ministre l'a clairement affirmé ;
chez les collectivités territoriales, il existe une réelle volonté de mieux faire, mais les incidences budgétaires et les rigidités de la réglementation constituent des obstacles importants. Les difficultés sont particulièrement fortes en matière de transport interurbain et d'établissements scolaires ;
pour les professionnels, il n'est pas question de remettre en cause les objectifs fixés, mais d'agir. Les secteurs du commerce et du bâtiment sont plus allants que ceux de l'hôtellerie-restauration. Dans le même temps, il est demandé des assouplissements de la réglementation.
La nécessité de rassurer s'impose non seulement face aux craintes de poursuites pénales pour non-respect des obligations légales, mais aussi face au risque de décevoir les personnes handicapées qui ont placé beaucoup d'espoir dans la loi de 2005.
Le rapport formule quarante propositions, dont la plus emblématique est la mise en place d'agendas d'accessibilité programmée (Ad'AP). Il s'agit de documents de programmation et de financement qui seraient élaborés par les gestionnaires ou propriétaires des établissements recevant du public (ERP) publics ou privés en application d'un processus différencié selon la nature et la taille du maître d'ouvrage. Ils feraient l'objet d'un passage en commission départementale de sécurité et d'accessibilité (CCDSA), puis d'une délibération. Leur durée de mise en oeuvre s'inscrirait dans une fourchette de l'ordre de trois ou quatre ans, pouvant être reconduite de deux ou trois ans.
Ce nouvel outil présente plusieurs avantages ; il constitue un acte d'engagement fort à poursuivre l'élan en cours ; il peut être élaboré rapidement, sans qu'il soit nécessaire de passer par la loi ; il est de nature à rassurer les associations puisque les objectifs fixés par la loi de 2005 restent les mêmes ; il offre une petite bouffée d'oxygène aux collectivités et aux entreprises en matière de délais et de financements. Par ailleurs, il a déjà été évoqué dans son principe par le Défenseur des droits dans son avis du 11 février dernier.
La réussite des agendas d'accessibilité programmée repose toutefois sur deux conditions : une impulsion politique forte tant sur le plan national que local, et un ajustement des règles qui, après application, se révèlent peu opérationnelles ou entraînent des coûts de mise en oeuvre excessifs.
Pour mobiliser les acteurs à tous les échelons, il importe tout d'abord de donner une dimension interministérielle au dossier de l'accessibilité. La réunion du comité interministériel du handicap (CIH) de juin prochain sera suivie d'annonces. Il convient ensuite de renforcer le rôle de « chef d'orchestre » du secrétariat du CIH, qui est placé auprès du Premier ministre et qui travaille en étroite collaboration avec le ministère. Enfin, de nouvelles missions doivent être confiées à l'observatoire interministériel de l'accessibilité et de la conception universelle (Obiaçu) : rôle de référent national et de centre ressources, évaluation des progrès accomplis et des obstacles rencontrés, soutien à la recherche et à l'innovation.
Quant à l'ajustement de la réglementation, il ne s'agit pas de procéder sous la forme de dérogations déguisées. L'objectif est de garder un socle de règles solides et d'engager, en s'appuyant sur le pragmatisme des exemples étrangers, une démarche concertée privilégiant la qualité d'usage.
Pour les professionnels, des ajustements seraient particulièrement bienvenus en matière de logement et de transport. Du côté des associations, les craintes sont bien sûr beaucoup plus fortes, mais les choses évoluent progressivement. Preuve en est la signature d'une charte entre les représentants de la profession d'architecte et quatre associations de personnes handicapées ou l'élaboration de fiches « regards croisés sur les dérogations » par la délégation ministérielle à l'accessibilité (DMA), les professionnels et les associations.
En contrepartie de ces ajustements, le rapport propose de rendre adaptables les constructions nouvelles et d'interdire à une assemblée de copropriété de revenir sur les travaux de mise en accessibilité effectués dans un logement ancien. Ces deux mesures devraient recevoir l'assentiment des associations.
Parallèlement, trois autres orientations sont préconisées pour mobiliser l'ensemble des acteurs : organiser des états régionaux afin de sensibiliser les collectivités territoriales et les professionnels sur la préparation des agendas d'accessibilité programmée ; octroyer le label grande cause nationale 2014 à l'accessibilité, soit un an avant l'échéance de 2015 ; l'adoption d'un plan d'ensemble pour assurer la formation de tous les acteurs (architectes, diagnostiqueurs, transporteurs, artisans, professionnels du bâtiment, etc.).
En conclusion, je souhaite insister sur la cohérence d'ensemble de ces propositions. La mesure-phare, les agendas d'accessibilité programmée, nécessite une réelle impulsion politique et l'ajustement de certaines règles. Celle-ci a d'ores et déjà été approuvée par l'Obiaçu, saisi pour avis sur le rapport.
La prochaine échéance sera la réunion du CIH en juin prochain et les annonces gouvernementales qui suivront.
Je remercie Claire-Lise Campion pour la présentation de son rapport qui porte sur un sujet majeur, sur lequel notre commission s'est toujours beaucoup impliquée et qui nécessite d'être suivi régulièrement.
J'approuve la proposition n° 10 du rapport consistant à prioriser les travaux de mise en accessibilité dans l'attribution des aides du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et les commerces (Fisac). Que constatons-nous en effet dans nos départements ? Des délais d'attente pour l'octroi des aides beaucoup trop longs et des modalités d'attribution guère transparentes depuis que les procédures ont été recentralisées.
La proposition n° 26 est d'inciter les petites ou moyennes communes à utiliser les ressources du fonds pour l'intégration des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) pour les travaux d'accessibilité lorsque ceux-ci concernent les bâtiments empruntés par les employés territoriaux et les visiteurs extérieurs. Afin d'éviter tout risque de complexité, pourquoi la dotation d'équipement des territoires ruraux (DTER) ne pourrait-elle pas se voir directement abondée par le FIPHFP ? Cela simplifierait les circuits de financement !
La proposition n° 31 porte sur l'accessibilité des transports dans les zones peu denses. Les transporteurs sont tenus d'appliquer la loi de 2005, donc de rendre accessibles leurs véhicules d'ici 2015. Or lorsque les collectivités territoriales lancent des appels d'offres en matière de transport interurbain ou scolaire, elles constatent que certains transporteurs ne sont pas aux normes et préfèrent ne pas soumissionner. Il faut les encourager à régulariser leur situation !
Nous l'avons constaté l'année dernière avec Claire-Lise Campion, l'accessibilité est un sujet complexe car mêlant des aspects à la fois humains et financiers. S'agissant des logements privés, au nom de quoi un particulier ne pourrait-il pas revenir sur les travaux d'accessibilité réalisés antérieurement à l'acquisition de son logement ?
Ce rapport va dans le bon sens. La qualité d'usage est une notion que j'ai défendue lors de la présentation par nos collègues du bilan d'application de la loi de 2005. Nous sommes assurément allés trop loin en matière de réglementation.
Au sujet de la proposition n° 13, qui porte sur la composition des sous-commissions d'accessibilité, j'ai pu constater, lorsque j'étais maire, que les représentants des communes étaient systématiquement convoqués par ces commissions même lorsque les travaux d'accessibilité entrepris dans leurs communes ne posaient aucune difficulté. Je ne sais pas si ce sujet a avancé depuis...
Je félicite Claire-Lise Campion pour ce rapport qui, enfin, propose une porte de sortie honorable à l'échéance de 2015. Les propositions qu'elle formule peuvent convenir aussi bien aux collectivités territoriales qu'aux associations.
La démarche de programmation me semble intéressante mais comment la mettre concrètement en application ?
S'agissant du transport interurbain et du ramassage scolaire, la loi de 2005 fait obligation aux transporteurs de mettre aux normes tous les véhicules. Or toutes les lignes, notamment en milieu rural, ne sont pas empruntées par des personnes handicapées. Le rapport préconise des ajustements à la réglementation ; c'est une bonne chose. Il faut en effet plus de pragmatisme dans l'application de la loi, d'autant que les charges pour les collectivités sont considérables voire insupportables.
J'ai cru comprendre que vous proposiez comme nouvelle échéance 2020 ; est-ce bien cela ?
Les objectifs fixés par la loi de 2005 ne doivent pas être abandonnés, mais réévalués au cours du temps. En outre, il me paraît nécessaire de contrôler les acteurs qui font preuve de mauvaise volonté.
Vous parlez d'accessibilité raisonnée pour les ERP, qu'entendez-vous par là ?
Pour ce qui est des territoires ruraux, la proposition n° 35 du rapport se rapporte à l'acte III de la décentralisation. Or celui-ci - et notamment son troisième volet - verra-t-il vraiment le jour ?
Enfin, se pose le problème des poursuites pénales. Une fois la date du 1er janvier 2015 passée, les juges ne se priveront pas de sanctionner ceux qui n'ont pas respecté les obligations légales.
C'est un excellent rapport qui doit servir de base de travail pour faire avancer ce dossier de l'accessibilité.
Dans la conscience populaire, il est communément admis qu'il vaut mieux être handicapé à la campagne qu'en ville ; ce n'est pas vrai ! Les personnes handicapées vivant à la campagne sont confrontées à une très grande solitude car la solidarité familiale ne joue plus.
Si les communes ne procèdent pas aux aménagements nécessaires, c'est par manque de moyens financiers. Les crédits du Fisac ne leur bénéficient plus car ils ont été centralisés ; il faut redépartementaliser leur attribution.
Je vous soumets une proposition concernant l'accessibilité des logements. De même qu'il est procédé à différents diagnostics techniques (risque d'exposition au plomb, à l'amiante, diagnostic énergétique...) lors de la vente d'un logement, ne pourrait-on pas, à terme, en imaginer un sur l'accessibilité ?
Je partage les remarques de mes collègues sur les conditions d'attribution des aides du Fisac ; celles-ci méritent d'être clarifiées et ciblées sur l'accessibilité.
La proposition de Georges Labazée sur un possible diagnostic accessibilité des logements a le mérite d'avoir été formulée !
Sur l'accessibilité des transports, il est vrai que les difficultés sont plus grandes en milieu rural. Il faut sans doute mener un travail spécifique en partenariat avec l'assemblée des départements de France (ADF) pour mieux prendre en compte les réalités de terrain et procéder à une analyse plus fine des besoins. En revanche, il est inacceptable que des véhicules sortis d'usine soient inadaptés !
En matière de logement privé, je crois préférable de prendre les devants en rendant adaptables les logements dès le stade de leur construction, d'autant qu'il faut aussi anticiper les problèmes liés au vieillissement.
Plus globalement, la qualité d'usage me semble être une notion intéressante pour progresser. De même, je suis convaincue que les agendas d'accessibilité programmée sont un outil d'amélioration. En revanche, je n'ai en aucun cas proposé de repousser l'échéance à 2020 !
Je ne comprends pas bien comment l'éventuelle mise en place de ces agendas permettra d'éviter les sanctions pénales pour non-respect des obligations posées par la loi de 2005 ?
Bien sûr, la loi de 2005 s'applique, y compris les dispositions relatives aux sanctions pénales. Le risque existera donc à compter du 1er janvier 2015. Il faudra sans doute introduire des modifications dans la loi pour le neutraliser. Sur cette question, nous sommes en attente des conclusions de la prochaine réunion du CIH.
Cette éventualité nécessitera peut-être que l'on aménage la loi « Handicap », mais en faisant attention à ne pas remettre en cause 2015, au risque sinon d'envoyer un très mauvais signal.
La date de 2015 doit impérativement être maintenue. J'ai en revanche proposé que la mise en oeuvre des agendas d'accessibilité programmée soit étalée sur trois ou quatre ans.
En tout état de cause, la dynamique actuelle ne doit pas être enrayée en reportant 2015. Ceux qui ont fait des efforts pour se mettre aux normes ne doivent pas être pénalisés. Ce rapport va permettre d'enclencher une nouvelle étape.
Je constate que les travaux de mise en accessibilité s'accélèrent dans les collectivités depuis quelque temps.
Il faut en effet un certain laps de temps pour que les projets décidés hier voient le jour sur le terrain. Ce qui est inadmissible, ce sont les projets présentés aujourd'hui et qui laissent de côté la question de l'accessibilité aux personnes handicapées !
La commission désigne Mme Christiane Kammermann, candidate appelée à siéger au sein de la commission permanente pour l'emploi et la formation professionnelle des Français de l'étranger.