Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 11 juin 2013 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • ITER
  • déchets
  • monaco
  • monégasque
  • principauté
  • radioactifs

La réunion

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La commission examine le rapport de M. Jean-Claude Peyronnet et le texte proposé par la commission pour le projet de loi n° 509 (2012-2013), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord de sécurité sociale sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation internationale pour l'énergie de fusion en vue de la mise en oeuvre conjointe du projet ITER.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Nous sommes saisis d'un projet de ratification d'un accord par échange de lettres qui porte sur le régime d'assurance vieillesse des salariés français de l'organisme ITER.

Avant de vous présenter le contenu (assez modeste) de cette convention, il me paraît important de revenir sur l'historique et l'actualité d'ITER, un des projets scientifiques les plus ambitieux de notre époque. C'est Mikhaïl Gorbatchev qui a proposé en 1985 à Ronald Reagan, après en avoir parlé au président Mitterrand et à Margaret Thatcher, de lancer une initiative internationale pour développer l'énergie de fusion nucléaire à des fins pacifiques, dans le but de répondre au défi de l'épuisement des ressources en combustibles fossiles alors même que la consommation d'énergie ne cesse d'augmenter. Cette proposition a rassemblé les pays européens, le Japon, l'URSS et les Etats-Unis, rejoints en 2003 par la Chine et la Corée du sud, puis par l'Inde, en 2005, qui ont décidé de lancer, sous l'égide de l'Agence internationale de l'énergie atomique, les études nécessaires à la conception d'un réacteur thermonucléaire expérimental. Le projet ITER est né de la volonté de démontrer la faisabilité scientifique et technologique de l'énergie de fusion, celle qui se déroule au sein du Soleil, par la réalisation d'un prototype préindustriel. L'énergie de fusion présente en effet plusieurs atouts par rapport à la scission nucléaire que nous maîtrisons déjà : celui d'utiliser un combustible pratiquement inépuisable, le deutérium notamment, extrait de l'eau de mer, d'offrir des conditions de sécurité telles que les risques d'un accident de grande ampleur sont exclus, et enfin d'être moins problématique quant à la gestion des déchets radioactifs.

C'est précisément en raison de cet intérêt, et des enjeux, que la communauté internationale s'est engagée sur des investissements importants. Un accord international est entré en vigueur en octobre 2007, aux termes duquel une organisation internationale a été créée, ITER Organization, qui assure la maîtrise d'ouvrage de la construction de la machine avant d'en être, d'ici à quelques années, l'exploitant nucléaire. Une agence nationale a été créée dans chacun des Etats membres pour assurer l'interface avec l'organisation, notamment en matière d'approvisionnement du projet pour la fourniture des éléments qui constitueront le « Tokamak », c'est-à-dire le réacteur au sein duquel la température atteindra 150 millions de degrés, 10 fois plus chaud qu'au centre du Soleil.

La France est dans une position privilégiée dans la mesure où elle a obtenu, avec le soutien de l'Union européenne, que le réacteur soit installé sur son sol, sur le site de Cadarache, dans les Bouches du Rhône, à côté d'un site du CEA. Le site français était en compétition avec trois autres sites candidats : un deuxième site européen en Espagne, un site au Japon et un site au Canada. Le processus de sélection a été long et difficile. Ce projet de 13 milliards d'euros sera financé par chacun des pays partenaires à hauteur de 9 % du total, et de 45% pour l'Union européenne. Outre les coûts d'aménagement d'infrastructures en tant que pays hôte (250 millions d'euros) La France déboursera 1,1 milliard d'euros soit le cinquième des couts de construction incombant à l'Europe. Le projet s'étale sur 20 ans.

Les retombées économiques ont déjà largement dépassé le montant investi : de 2007 à décembre 2012, 1,4 milliard d'euros de contrats de prestations d'études, de services et de travaux ont été attribués à des entreprises implantées en France, dont 927 millions d'euros pour la région PACA. Il s'agit des seules retombées directes, qui ne prennent pas en compte les marchés en sous-traitance, ni les bénéfices indirects pour la région PACA liés à l'implantation d'une grande infrastructure de recherche telle qu'ITER. On estime en général qu'un euro de bénéfice direct induit 2 à 3 euros de bénéfice indirect. L'agence européenne n'ayant encore engagé qu'environ 1,6 milliard d'euros sur ses 6,6 milliards d'euros de budget, et l'Organisation ITER passant annuellement environ 150 millions d'euros de contrats, on peut s'attendre à des retombées encore importantes. Pour mémoire, l'Inspection Générale des Finances évaluait à 1.8 milliards d'euros les perspectives de retombées directes pour la France pendant les 10 ans de la phase de construction, jusqu'à fin 2020.

Revenons maintenant à l'accord de sécurité sociale entre la France et l'organisation ITER, que nous examinons aujourd'hui. De manière très classique, l'accord de siège prévoit que l'Organisation, ses personnels et leurs ayants-droit sont exempts de l'ensemble des cotisations obligatoires du régime de sécurité sociale français en ce qui concerne leur revenu issu de leur activité auprès de l'Organisation et qu'en conséquence les intéressés ne bénéficient pas des prestations prévues par la législation française.

L'Organisation ITER a mis en place son propre système de retraite, qui est régi par l'article 27 du statut du personnel et, pendant la durée de leur contrat - de cinq ans, éventuellement renouvelables -, les personnels ITER cotisent à ce système par capitalisation, en lieu et place du système national auquel ils étaient affiliés.

S'agissant des salariés français, cette situation peut entraîner des préjudices futurs, dans la mesure où une décote sera appliquée au moment de la liquidation de leurs retraites, dès lors qu'ils ne pourront justifier de la durée requise pour prétendre à une pension à taux plein. Ce cas de figure a d'ailleurs été prévu puisque nous avons adopté en 2008 dans la loi de financement de sécurité sociale une disposition qui, pour la détermination de la durée d'assurance permettant le calcul de la pension vieillesse, admet la prise en compte des périodes durant lesquelles un intéressé a été affilié à un régime obligatoire de pension d'une institution européenne ou d'une organisation internationale, dès lors qu'il est affilié à ce seul régime obligatoire. Cela étant, le mode de calcul prévu par la loi n'atténue que partiellement l'effet de décote ; consécutivement, le personnel de l'Organisation préalablement affilié au système français verra le montant de sa pension de retraite française diminué. La conclusion de l'accord de sécurité sociale entre le Gouvernement français et l'Organisation ITER répond précisément à cette situation et vise par conséquent à compenser l'effet de décote en permettant à ses membres qui le souhaitent d'adhérer au régime français d'assurance volontaire vieillesse dans l'année suivant leur entrée dans l'Organisation. Ils se voient également proposer, à la fin de leur engagement avec ITER, la possibilité de racheter des cotisations au régime de sécurité sociale français dans la limite de leur temps de service dans l'Organisation, s'ils n'ont pas adhéré en temps utile à l'assurance volontaire vieillesse.

Ce projet de loi porte sur un nombre restreint de bénéficiaires, environ 145 Français étant employés par ITER, mais dans la mesure où on peut considérer que ces dispositions peuvent contribuer à l'attractivité de l'organisation pour des candidats de nationalité française, je vous recommande bien sûr d'en autoriser la ratification, et je vous propose un examen en séance sous forme simplifiée.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi et propose son examen sous forme simplifiée en séance publique.

La commission examine ensuite le rapport de M. Jean-Claude Requier et le texte proposé par la commission pour le projet de loi n° 507 (2012-2013), adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté de Monaco relatif à la prise en charge sur le territoire français de déchets radioactifs monégasques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Nous sommes saisis d'un projet de loi, déjà adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation d'un accord entre la France et la Principauté de Monaco relatif à la prise en charge sur le territoire français de déchets radioactifs monégasques.

Avant de vous présenter le contenu de cet accord et ses conséquences en matière financière et environnementale, je voudrais rappeler brièvement les relations particulières qui existent entre la France et Monaco.

Les relations franco-monégasques sont régies par le traité du 24 octobre 2002, destiné à adapter et à confirmer les rapports d'amitié et de coopération entre les deux pays, qui est entré en vigueur le 1er décembre 2005.

Ce texte fait passer les relations franco-monégasques d'une « amitié protectrice » (selon les termes du précédent traité de 1918) à une « communauté de destin ».

L'esprit et le contenu du traité de 1918 ne correspondaient plus, en effet, aux réalités actuelles et n'étaient plus compatibles avec les prérogatives d'un État souverain, qui dispose d'une Constitution (depuis 1962), qui est membre de l'ONU (depuis 1993), du Conseil de l'Europe (depuis 2004) et de nombreuses autres organisations internationales (mais pas de l'Union européenne).

En outre, il faut savoir que son poids économique (le PIB de Monaco était de 3,5 milliards d'euros en 2005, dont 70 millions d'euros pour le grand prix de Formule 1) et son rôle pionnier (notamment en matière de protection de l'environnement et du milieu marin) lui permettent d'occuper une place au niveau international sans rapport avec sa dimension (une population de 32 000 habitants sur une superficie d'environ 2 km2).

Avec le nouveau traité de 2002 sont confirmées les relations d'amitié franco-monégasques, dont la spécificité est due à la situation géographique de la principauté, enclavée dans le territoire français, ainsi qu'à notre histoire commune.

Le nouveau traité réaffirme la souveraineté et l'indépendance de la principauté de Monaco, tout en poursuivant la politique d'étroite concertation suivie par les deux États, notamment dans le domaine des relations internationales. Il prévoit ainsi que les actions de la principauté, conduites dans l'exercice de sa souveraineté, s'accordent avec les intérêts français dans les domaines politique, économique, de sécurité et de défense.

Le traité du 24 octobre 2002 met aussi fin à la nécessité d'un agrément français dans le cas d'une modification de l'ordre successoral. Cette clause n'a pas trouvé à s'appliquer, puisque de Prince Albert II a accédé au trône le 6 avril 2005 à la mort de son père, le Prince Rainier III, après plus de 50 ans de règne.

Enfin, il est institué une commission de coopération franco-monégasque, qui sert de cadre aux consultations régulières entre les deux pays sur les questions d'intérêt commun. Lors de sa première réunion, cette commission a créé une « commission chargée des questions locales de coopération transfrontalière », qui s'est réunie à plusieurs reprises, associant les représentants des deux États et des collectivités locales intéressées. La Principauté de Monaco forme, en effet, avec les communes environnantes une agglomération de 103 000 habitants et joue vis à vis de celles-ci le rôle d'un pôle d'activité. Ainsi, sur 40 000 salariés du secteur privé que comptait Monaco en 2006, 27 000 étaient français et 30 000 résidaient en France. Les migrations quotidiennes sont donc importantes et justifient la mise en oeuvre d'un plan de déplacements urbains associant la Principauté et les communes. La Principauté est ainsi associée aux réflexions menées sur le projet de ligne à grande vitesse PACA, dont elle prend part au cofinancement des études.

Le centre hospitalier Princesse Grace met à la disposition des communes environnantes un ensemble complet de services hospitaliers.

Sur le plan fiscal, les ressortissants français domiciliés à Monaco (c'est le cas de 8 000 de nos compatriotes, installés à Monaco parfois depuis plusieurs générations) paient l'impôt sur le revenu et l'ISF comme s'ils étaient domiciliés en France, sauf pour une partie d'entre eux établie à Monaco avant 1957 et qui va en diminuant (environ 200 personnes).

Enfin les établissements scolaires monégasques accueillent en priorité les enfants domiciliés à Monaco, puis les élèves dont les parents occupent un emploi en Principauté sans y habiter. Il y a près de trois fois plus d'enfants français que d'enfants monégasques scolarisés à Monaco.

Le traité du 24 octobre 2002 est d'ailleurs complété par une série d'accords sectoriels, qui portent sur des sujets variés, comme l'entraide judiciaire en matière pénale, les relations économiques et financières ou encore le domaine social.

En matière d'énergie, par exemple, la convention du 25 juin 2009 relative à l'approvisionnement de la Principauté de Monaco en électricité permet aux consommateurs monégasques de bénéficier des mêmes tarifs réglementés qu'en France.

En raison de l'exiguïté et de l'enclavement de son territoire, la Principauté de Monaco ne dispose pas, en effet, d'installations adaptées pour la production d'électricité (en particulier il n'y a pas de centrale nucléaire).

J'en viens maintenant à l'accord qui est soumis à notre examen.

Le stockage à titre définitif sur le territoire français de déchets radioactifs en provenance de l'étranger est en principe interdit par la loi.

Le présent accord tend à introduire une exception à ce principe afin de permettre la prise en charge sur notre territoire de déchets radioactifs issus de la Principauté de Monaco.

Le volume de ces déchets radioactifs est faible et provient uniquement d'activités médicales ou de recherche.

Monaco est, en effet, dépourvu de centrale nucléaire ou de force de dissuasion.

Ces déchets radioactifs, dont le volume est estimé à 165 kg par an, proviennent essentiellement du secteur médical et du secteur de la recherche, puisque Monaco accueille des laboratoires du Centre scientifique de Monaco et de l'Agence internationale de l'énergie atomique.

À titre de comparaison, cela ne représente qu'environ 0,16 % des déchets radioactifs des petits producteurs français, qui s'élèvent à 100 000 Kg par an.

Ce faible volume de déchets radioactifs, mais aussi la topographie de Monaco, sa faible superficie, sa géographie (le risque sismique), la densité de sa population ont conduit à la conclusion que l'implantation d'un centre de stockage de déchets radioactifs au sein de la Principauté ne serait pas conforme aux prescriptions concernant la sûreté des installations de stockage de déchets radioactifs et la protection de la santé publique. En particulier, l'immersion des déchets, qui a été pratiquée par de nombreux pays (en France jusqu'en 1982) n'est plus considérée aujourd'hui comme un mode de gestion responsable.

La solution consistant à transférer ces déchets au sein des centres de stockage français s'est donc imposée comme une nécessité.

En France, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), qui est un établissement public industriel et commercial, est le principal organisme responsable du stockage des déchets radioactifs.

L'ANDRA collecte, trie, conditionne et stocke les déchets radioactifs. Ceux-ci proviennent essentiellement des centrales nucléaires. Le transport s'effectue principalement par la route. L'ANDRA dispose de plusieurs centres d'entreposage et de stockage sur notre territoire, comme La Hague, Saclay, Valduc, Marcoule ou Cadarache.

Que faut-il penser de cet accord ?

Cet accord ne prévoit pas une prise en charge automatique. Il laisse la faculté au gouvernement français de refuser la prise en charge de déchets radioactifs monégasques. En particulier, l'accord concerne exclusivement les déchets radioactifs utilisés sur le territoire monégasque. Par ailleurs, celles-ci devront fournir un descriptif détaillé des déchets et le transfert devra faire l'objet d'une autorisation.

Cet accord n'aura aucune incidence financière pour la France. En effet, les coûts de transport et de prise en charge des déchets seront supportés par Monaco.

Du point de vue environnemental, cet accord permettra de stocker dans les meilleures conditions de sécurité, les déchets radioactifs monégasques, qui ne peuvent être stockés de manière satisfaisante sur le territoire de la Principauté et qui représentent un volume assez faible provenant uniquement d'activités médicales et de recherche.

Je vous proposerai donc d'adopter ce projet de loi et vous suggère de procéder à son examen sous forme simplifiée.

Debut de section - PermalienPhoto de Kalliopi Ango Ela

Pourriez-vous revenir sur la nature et l'origine des déchets radioactifs concernés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

La liste des organismes monégasques concernés est limitative. Il s'agit du Centre scientifique de Monaco, de la société Exsymol, du Centre hospitalier Princesse Grace, du laboratoire de l'AIEA à Monaco, de la Société monégasque d'assainissement, du Centre cardio-thoracique de Monaco, et de l'Institut monégasque de médecine et de chirurgie sportive (IM2S).

Debut de section - PermalienPhoto de Kalliopi Ango Ela

Pourquoi l'AIEA a-t-elle un laboratoire à Monaco ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Il y a énormément d'organismes internationaux qui sont présents à Monaco, c'est une ville à vocation internationale !

Debut de section - PermalienPhoto de Kalliopi Ango Ela

Ne serait-ce pas lié, aussi, à des avantages fiscaux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Je comprends vos interrogations, mais les questions que vous soulevez ne sont pas de notre ressort. La commission est uniquement saisie sur la question du traitement des déchets radioactifs monégasques. En outre, le poids des déchets radioactifs liés à la médecine est autrement plus important, à Monaco, que le poids de ceux liés au laboratoire de l'AIEA.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission, à l'unanimité moins une abstention, adopte le projet de loi et propose son examen sous forme simplifiée en séance publique.

La commission examine ensuite le rapport de M. Jeanny Lorgeoux et le texte proposé par la commission pour le projet de loi n° 508 (2012-2013), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Norvège sur l'enseignement dispensé en France aux élèves norvégiens et le fonctionnement des sections norvégiennes établies dans les académies de Rouen, Caen et Lyon.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Mes chers collègues, je vous présente rapidement, en remplacement de notre collègue M. Jeanny Lorgeoux, qui ne pouvait être présent aujourd'hui, l'accord entre la France et la Norvège sur l'enseignement dispensé en France aux élèves norvégiens.

Il existe trois sections norvégiennes au sein de lycées français, strictement réservées à des élèves norvégiens sélectionnés pour effectuer en France un parcours scolaire leur permettant de présenter le baccalauréat français. La première a été créée en 1918 au lycée Pierre Corneille de Rouen : 42 jeunes constituent alors le premier contingent d'élèves norvégiens. Depuis, elle a été complétée par 2 autres sections : Bayeux en 1979 et Lyon en 1989. Le but de ces sections est d'offrir aux adolescents norvégiens la possibilité d'avoir un accès approfondi à la langue et à la culture françaises. Un comité est constitué pour évaluer les candidatures, puis un certain nombre de candidats sont invités à Oslo pour un entretien. Les candidats doivent être prêts à rester trois ans dans l'établissement et à se présenter à l'examen final, le baccalauréat.

Malgré leur existence ancienne, le fonctionnement de ces sections n'a, pour les lycées de Rouen et Bayeux, jamais fait l'objet d'un accord juridique bilatéral entre la France et la Norvège, ou même à un niveau local. La section de Lyon, en revanche, a été formalisée par deux accords sur la rémunération du professeur norvégien et le fonctionnement de la section. Les deux parties ont donc souhaité pérenniser le dispositif et enraciner son existence dans un cadre juridique intergouvernemental, gage d'un fonctionnement harmonisé. C'est ainsi que la conclusion d'un accord global commun aux trois sections a été proposée aux autorités norvégiennes en juillet 2008. Après deux réunions bilatérales et une refonte formelle, un texte a été signé le 14 juin 2010, et qui est aujourd'hui soumis à notre approbation. Cet accord règle notamment le statut des élèves, le fonctionnement des classes et les obligations des deux pays.

S'agissant du statut des élèves, pour les trois sections confondues, ce sont au maximum 22 élèves norvégiens qui sont sélectionnés chaque année pour venir en France. La sélection est faite par un comité composé de représentants des autorités des deux pays, et les élèves reçoivent avant leur arrivée en France des cours intensifs de français, de civilisation française et de mathématiques. Pendant la première année, ils sont logés en internat ou foyer en semaine, dans des familles d'accueil le week-end et pendant les vacances scolaires. Les deux années suivantes, ils bénéficient d'un « logement approprié » et, pour le trouver, de l'aide de leur établissement d'accueil. Enfin, ils bénéficient de deux voyages par année scolaire, organisés par leur lycée, afin de découvrir la France.

Afin de faciliter l'intégration des élèves de première année, les enseignements sont aménagés lors du premier trimestre. En particulier, les élèves norvégiens reçoivent au moins 8 heures de cours de français par semaine, dispensés par le responsable de section. À l'issue de ce trimestre, tous les élèves doivent intégrer leur classe. Les cours dispensés aux élèves norvégiens, outre ceux communs avec les élèves français, comportent des enseignements renforcés dans plusieurs matières : en français, en mathématiques et physique, ainsi qu'en anglais. Enfin, les élèves reçoivent des cours de norvégien et d'instruction civique pendant toute la durée de leur cursus. Les élèves doivent présenter le norvégien comme première ou deuxième langue vivante lors des épreuves du baccalauréat.

Les sections sont sous la responsabilité d'un professeur norvégien appelé responsable de section, et dont la mission est très large ; ces enseignants sont employés par les autorités scolaires françaises et administrent les sections en coopération avec la direction de l'établissement, font le lien entre les élèves et l'établissement, assurent le contact avec les autorités norvégiennes et les parents/tuteurs des élèves. Ils sont également chargés d'enseigner, non seulement aux élèves norvégiens, mais également aux élèves français de ces lycées désireux d'apprendre le norvégien.

Concernant les obligations des deux Parties, les autorités françaises, tout d'abord, s'engagent à mettre à disposition des locaux afin que puissent être dispensés les cours préparatoires destinés aux élèves sélectionnés. Les académies de Rouen, Lyon et Caen s'engagent à réserver chaque année 22 places en lycée pour les élèves norvégiens, à mettre à leur disposition des locaux et de permettre de bonnes conditions de travail, des places en internat ou en foyer, à trouver des familles d'accueil pour les élèves de première année lors des fins de semaine et une partie des vacances scolaires. Les académies de Rouen et Caen s'engagent, en outre, à se charger de l'enseignement renforcé en français, en mathématiques et en physique.

En termes financiers, la Partie française a à sa charge la rémunération des responsables de section de Bayeux et Rouen, et de l'assistant en poste à Bayeux, ainsi que les heures d'enseignement complémentaire dispensées par des enseignants français en français et en matières scientifiques (à Rouen et à Bayeux) et en anglais (à Rouen).

Les autorités norvégiennes, quant à elles, sont responsables de la sélection des élèves et veillent au recrutement des professeurs. Les frais liés à ces deux missions leur incombent. Elles sont en charge des frais d'internat des élèves la première année, et participent au financement du logement des élèves les deux années suivantes. Elles veillent également, par des bourses, à ce que les élèves soient financièrement en mesure d'effectuer leur scolarité en France. Tous les élèves ont droit à cette aide financière qui couvre les frais de scolarité, les frais d'internat la première année, l'aide au logement les deuxième et troisième années, les fournitures scolaires, et les frais de déplacement en groupe en France lors de vacances scolaires.

Également, les autorités norvégiennes sont responsables de la rémunération du responsable de section de Lyon, ainsi que de celle des professeurs français enseignant aux élèves norvégiens dans les matières renforcées. Elles financent également, tous les deux ans, un séminaire de formation à destination des chefs d'établissement et des professeurs qui participent à ce programme dans les trois lycées. Ces séminaires permettent notamment de découvrir le système éducatif norvégien par la visite de collèges, lycées et du ministère de l'éducation.

Ce texte harmonise et pérennise une situation existante qui fonctionne parfaitement, afin de lui donner encore plus de poids et une reconnaissance étatique. C'est un cursus d'excellence qu'il convient de préserver. La Norvège a d'ores et déjà signifié avoir accompli les procédures internes requises pour l'entrée en vigueur de cet accord le 29 avril 2011. C'est pourquoi je vous recommande d'adopter cet accord qui pourrait faire l'objet d'un examen selon la forme simplifiée en séance publique le 25 juin.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi et propose son examen sous forme simplifiée en séance publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Mon général, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale a été adopté par le président de la République. Le Parlement en a débattu. Nous attendons les arbitrages du Conseil de défense pour la future loi de programmation militaire que nous devrions examiner à l'automne prochain.

Votre audition, après celle du CEMA et des autres chefs d'état-major, s'inscrit dans cette perspective.

Je ne reviens pas sur le contenu du Livre blanc que vous nous commenterez peut-être tant en ce qui concerne le contrat opérationnel que le modèle d'armée qui concernent les forces aériennes, leur cohérence et leur articulation avec les autres forces armées.

Les performances et le caractère opérationnel des forces aériennes ne sont plus à démontrer et je ne peux que constater leur extraordinaire réactivité dans les opérations récemment menées, en particulier en Libye et au Mali. Le Livre blanc et la LPM vont-ils nous permettent de préserver cet outil ?

Nous souhaitons vous entendre sur votre appréciation globale et notamment sur la réduction du format de notre aviation de chasse à 225 avions, marine comprise, à une cinquantaine d'avions de transport tactique, à 7 avions de détection et de surveillance aérienne, à 12 ravitailleurs multirôle, à 12 drones MALE, auxquels s'ajoutent des avions légers de surveillance de reconnaissance et huit systèmes sol-air de moyenne portée.

Outre cette énumération à la baisse par rapport au format de 2008, plusieurs affirmations sont lourdement chargées d'interrogations. On nous dit que les forces aériennes « conserveront par ailleurs un nombre d'aéronefs suffisants, en prolongeant des avions plus anciens mais de haut niveau et spécialisés ». Qu'est-ce que cela signifie ?

« La préparation opérationnelle sera différenciée ». La différenciation est un principe mis en avant par le Livre blanc. N'est-il pas un cache misère ?

Nous savons à quel point la formation est vitale pour nos pilotes. Qu'entendez-vous par une « rénovation de la formation des pilotes de chasse » ?

Nous souhaitons également vous entendre sur nos déficits capacitaires en matière de transport (quelles sont les perspectives pour la livraison des A400 M ? Leur nombre sera-t-il revu à la baisse ? Et de combien ? Quelles conséquences pour l'industrie ?). Vous nous direz naturellement un mot des drones, sujet qui nous préoccupe, vous comme nous, depuis longtemps, en particulier pour ce qui concerne les drones MALE, et du ravitaillement en vol avec la livraison des MRTT.

Mais nous savons qu'il existe aussi un certain nombre de faiblesses en matière de reconnaissance et d'équipements de nos avions en pod Damoclès ou Reco NG. Je suis sûr que nos rapporteurs ne manqueront pas de vous interroger sur la cohérence globale des programmes d'équipement de nos aéronefs.

Nous serons enfin très intéressés sur vos analyses en matière de coopération internationale, de mutualisation, notamment -mais pas seulement- avec le Royaume-Uni. Pouvons-nous, en particulier, approfondir et élargir la coopération qui existe avec EATC ?

Dernier point, l'armée de l'Air, comme les autres armées, sera touchée par les réductions supplémentaires d'effectifs. Vous nous direz comment les dispositions prises au niveau du Livre blanc sont ressenties par les hommes et les femmes des forces aériennes et quel est l'état de leur moral.

Je partage bien évidemment le souhait du Président de la République de voir la loi de programmation militaire (LPM) adoptée avant la loi de finances afin qu'aucune ambiguïté n'existe sur le fait d'avoir les autorisations de programmes à la hauteur des crédits de paiement. Cette concomitance n'a pas toujours été respectée dans le passé, créant des difficultés.

Je vous passe la parole.

Général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'Air. - Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les sénateurs, je suis heureux de pouvoir m'exprimer devant vous et soyez assurés que je m'exprimerai avec une totale franchise. Avant de commencer je souhaiterais revenir quelques instants sur ce que vous venez de dire à propos de la LPM qui doit être débattue et votée avant la Loi de finances. C'est essentiel parce les LPM sont construites en autorisations d'engagement qui sont nécessaires pour pouvoir par la suite engager les crédits de paiements qui nous sont attribués. Pour les travaux du Livre blanc, j'estime que c'est une bonne chose que les chefs d'état-major d'armées aient pu y participer et faire des propositions, aussi j'ai eu la satisfaction de voir que certaines des propositions faites par l'armée de l'Air comme l'entraînement différencié ont été retenues.

J'ai souhaité que les aviateurs regardent devant eux et aient un projet. Avec le haut commandement de l'armée de l'Air, nous avons défini un projet qui s'appelle « unis pour faire face », qui est désormais notre devise. « Faire face » était la devise de Guynemer, et « unis » traduit le rassemblement de tous les aviateurs nécessaire à la réussite de nos missions. Tous les commandeurs de l'armée de l'Air sont allés présenter ce projet sur l'ensemble de nos bases aériennes afin de délivrer le message suivant aux aviateurs : « le Livre blanc et la LPM ne sont pas subis, nous avons un projet qui nous permet de maîtriser notre destin et construire notre avenir ensemble». Bien sûr, je l'ai aussi présenté à l'état-major des armées, au major général des armées. Cela nous permet d'intégrer et de décliner les suites du Livre blanc dans une cohérence d'ensemble. C'est important pour moi, car cela permet de répondre aux inquiétudes naturelles de nos personnels concernant leur avenir et le format de l'armée de l'Air. L'objectif était de leur montrer que même si les formats comptent, le maintien de notre cohérence, qui est au coeur de notre projet, est encore plus important. Ce projet nous a ainsi permis d'anticiper un certain nombre de choses et également d'être force de proposition.

Je voudrais commencer par vous parler des capacités opérationnelles de l'armée de l'Air. Ces capacités sont fondées sur deux missions permanentes essentielles qui sont nées dans les années 1960 : la défense aérienne et la dissuasion. En 1961, est créée une structure centralisée dédiée à la défense aérienne : le commandement air des forces de défense aérienne (CAFDA. La mission de dissuasion est née en 1964, elle aura donc cinquante ans l'année prochaine, avec la constitution de sa première composante qui était la composante aéroportée. Ces deux missions permanentes ont véritablement structuré l'ensemble des capacités de l'armée de l'Air. Elles nous ont en effet permis d'avoir des centres de planification et de conduite des opérations extrêmement performants, de bénéficier de réseaux de communication et de commandement extrêmement durcis, de savoir les maintenir et les utiliser ainsi que de disposer de bases aériennes en alerte permanente. Pratiquement la totalité des bases aériennes françaises sont capables quasi-instantanément de passer du temps de paix au temps de crise. Elles le démontrent au quotidien à travers la mission de police de l'air, pour laquelle elles accueillent en permanence quatre plots de deux avions de chasse et trois plots d'hélicoptères. Elles le démontrent aussi avec la mission de dissuasion pour laquelle elles sont en alerte permanente, reliées à des centres de commandement et de conduite grâce à des réseaux extrêmement durcis. La mission de dissuasion nous a permis d'assurer bien sûr la protection des intérêts vitaux de l'Etat, mais aussi de tirer les forces conventionnelles par le haut en nous dotant des capacités de planification, de ciblage et de conduite des opérations complexes, à longue distance de la France. Ce sont ces missions qui font qu'aujourd'hui, sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, nous disposons d'au moins un millier d'aviateurs qui sont en permanence en train d'armer des postes nous permettant de basculer instantanément du temps de paix au temps de crise. Comme les précédents Livres blancs, le dernier précise de nouveau que nous devons être capables d'intervenir dans un délai de sept jours mais il souligne également que dans ce délai, l'armée de l'Air doit détenir une capacité d'intervention immédiate. Cette réactivité est possible parce que nous disposons de ces centres de commandements, de ces réseaux et de ces bases aériennes toujours prêts à agir.

C'est cela que, depuis cinquante ans, police du ciel et dissuasion nous ont apporté, structurant véritablement notre capacité à réagir très vite. Cette capacité que nous avons mise en place nous a permis d'intervenir dans un très large spectre d'opérations comme lors des événements de Fukushima pour aller chercher des ressortissants français au Japon, alors que les compagnies aériennes françaises avaient cessé leur desserte du pays; Cette capacité nous permet d'aller recueillir du renseignement tous les jours là où cela nous est demandé ; cette capacité nous a permis le 19 mars 2011 d'aller frapper les chars de Kadhafi afin d'éviter un bain de sang, ou le 13 janvier 2013 d'aller projeter, sur ordre du Président de la République, quatre Rafale depuis la France pour aller atteindre des objectifs au Mali afin d'enrayer l'avancée des troupes rebelles qui s'apprêtaient à fondre sur Bamako. C'était un raid particulièrement difficile et long, qui a duré près de neuf heures quarante de vol, en partant de la France, en restant deux heures sur zone et en se posant à N'Djamena. Cela nous donne une capacité de réaction immédiate très forte.

S'agissant de nos capacités opérationnelles je souhaiterais cependant souligner trois points de vigilance:

- En premier lieu concernant la protection : la loi de programmation précédente a décalé énormément la rénovation de nos radars dans le cadre du programme SCCOA. Nous avons en ce moment une modernisation qui est faite vers le système ACCSS (Air Command and Control System) et qui sera bien prise en compte dans la LPM à venir. La 4ème étape du programme SCCOA a dû être scindée en deux phases dans la précédente LPM, avec un décalage de trois ans a minima de la livraison de nouveaux radars de surveillance et de défense aérienne. On ne peut plus décaler les livraisons de ces radars car ceux-ci doivent remplacer le parc de radars actuel, dont les obsolescences profondes limitent l'efficacité. Cette évolution des radars permettra de maintenir le niveau de détection actuelle et de pouvoir y abaisser les planchers de détection afin d'avoir une détection plus fine des éventuelles menaces.

- En second lieu, les réseaux de systèmes d'information et de communication qui sont importants pour le SCCOA. Nous avons besoin d'une feuille de route précise car les réseaux sont essentiels pour les systèmes de commandement. C'est un point de vigilance particulier, car il s'agit du « sang » de nos armées. Si nous ne disposons pas de ces réseaux nous ne pouvons rien faire.

- Enfin, l'arrivée du MRTT qui a été décalée maintes fois par le passé. Vous savez que nos avions ravitailleurs ont cinquante ans et nous posent beaucoup problèmes : ils demandent de la sur-maintenance, ils nous coûtent cher. Si cette flotte devait rester clouée au sol pour une raison technique ou autre, la composante aéroportée serait inutilisable et nous ne disposerions plus de capacité à intervenir à distance, c'est-à-dire qu'en fait nous ne ferions plus grand-chose. C'est vraiment la flotte clé de voute de notre dispositif.

Le Livre blanc affirme quatre principes directeurs qui ont été rappelés par le Président de la République et le ministre de la défense, à savoir : autonomie stratégique, cohérence, différenciation des forces et mutualisation. Nous inscrivons nos missions totalement dans ces principes.

L'autonomie stratégique, repose d'abord sur ces missions « socle » que j'ai mentionnées : la dissuasion et la protection ; elle repose aussi sur notre capacité à intervenir très vite. Il y a très peu d'armées de l'air en Europe qui ont la capacité de réagir en quelques heures à une décision de leurs plus hautes autorités. Cette capacité est d'abord politique grâce à un processus décisionnel très réactif. C'est aussi une capacité opérationnelle, qui suppose d'avoir des bases aériennes en alerte jour et nuit et capables de monter en puissance en quelques heures. Seules trois forces aériennes ont cette capacité en Europe aujourd'hui : l'US Air Force, la Royal Air Force et nous. Du reste, nous avons développé une initiative tripartite qui nous permet de réagir très vite si nous devions être engagés ensemble.

Le deuxième principe mis en avant par le Livre blanc est le principe de cohérence qui est extrêmement important. Il s'exprime dans notre capacité à disposer de forces adaptées à toutes les phases d'une opération, comme nous l'avons démontré durant l'opération Serval. Cette cohérence mobilise de nombreuses compétences et savoir-faire lors des opérations que nous menons. Nous avons pu le constater lors de l'aéro-largage de plus de deux-cent cinquante parachutistes sur Tombouctou, lors des opérations réalisées par les forces spéciales avec des prises d'assaut de terrain sommaire de nuit, lors des missions de bombardement ou d'appui au sol, lors des missions de reconnaissance et de surveillance impliquant des drones. Je souligne en outre que l'ensemble de ces missions ont été menées dans un espace aérien contrôlé à partir de la France avec des forces aériennes qui décollaient à partir de plus de sept pays simultanément.

Cette cohérence montrée au Mali a aussi reposé sur notre aptitude à construire des réseaux de communication avec des spécialistes des systèmes d'information et de communication (SIC) très performants et à construire des bases aériennes de théâtre, notamment à Bamako ou à Niamey. Cette cohérence s'exprime également sur un point qui me tient beaucoup à coeur : la réactivité des bases de défense. Aujourd'hui, nous continuons à avoir une approche segmentée des bases de défense. Or la mission du 13 janvier a exigé de nous d'aller chercher des armements dans un dépôt très éloigné de la base aérienne de départ de nos avions de chasse. Nous avons dû emmener des mécaniciens et des équipages en provenance d'autres bases aériennes afin qu'ils puissent prêter main forte aux équipes de Saint-Dizier ou embarquer à Istres vers le théâtre d'opérations sur les avions de ravitaillement en vol. Nous avons dû transporter, nourrir, loger tous ces personnels dans des délais très réduits un week-end. Toutes ces missions indispensables n'auraient pas été possibles sans une réactivité complète des personnels des bases de défense. Aussi il faut qu'il soit bien compris que ce personnel participe complètement à la réalisation des missions opérationnelles, sinon nous courrons le risque de nous retrouver avec des équipages et des mécaniciens qui sont capables de réagir en quelques heures avec un soutien général qui ne se fera pas et compromettra la mission. Aussi il faut savoir récompenser tous ces personnels pour les services qu'ils ont accomplis car ils ont participé à la mission. Les services de la base de défense de Saint-Dizier ont participé entièrement à la réalisation de la mission du 13 janvier. C'est aussi simple que cela.

Le troisième principe porté par le Livre blanc est celui de la différenciation des forces. Il repose d'abord sur une différenciation du matériel qui pour l'armée de l'Air se traduit dans la poursuite de la montée en puissance des Rafale tout en pérennisant des Mirage 2000 qui nous permettront de maintenir le format. En effet, sans ces Mirage 2000 nous ne serions pas capables de disposer d'un format à 225 avions de chasse tel qu'il est exprimé dans le Livre blanc. Cette différenciation se retrouve également dans notre façon de concevoir l'entraînement de nos équipages. L'engagement au combat de l'aviation de chasse nécessite des personnels qu'ils soient parfaitement entraînés. Autant pour l'aviation de transport, lors des missions logistiques -pas pour les missions tactiques-, il peut être acceptable qu'un un co-pilote à l'instruction réalise une partie de la mission, autant cela ne peut pas se concevoir pour les missions de l'aviation de chasse. En effet, aujourd'hui les missions du premier jour, qui sont les missions d'entrée en premier, sont des missions très complexes et dangereuses qui nécessitent des équipages disposant d'un niveau d'entraînement très poussé. En revanche, dès que les deux ou trois premiers mois de l'engagement sont passés, les missions sont moins denses et nécessitent un niveau d'entraînement moins exigeant. Si nous voulions que l'ensemble de nos pilotes soient entraînés pour le premier jour et disposer aussi de la capacité à durer, il nous faudrait plus d'avions et de crédits et on ne saurait pas financer ce format. C'est pour cela que nous sommes passés de 270 avions en parc à 225, mais en considérant une nouvelle organisation de notre capacité à durer. Pour les équipages d'avions de chasse cela se traduit par la mise en place de deux cercles. Un premier cercle d'équipages qui doivent s'entraîner sur tout le spectre des opérations car ils seront appelés à faire ces missions très exigeantes et un deuxième cercle d'autres équipages utilisés pour garantir notre capacité à durer. Les équipages du deuxième cercle, après un passage dans le premier, sont affectés ensuite comme instructeurs sur des avions de complément utilisés comme avions d'instruction. Ces avions de compléments coûtent beaucoup moins cher à l'heure de vol, mais peuvent être configurés comme des avions de combat. C'est ce que l'on vise aujourd'hui pour la formation des pilotes de chasse à Cognac, autour d'un turbopropulseur du type du Pilatus PC-21 qui possède de bonnes performances et dont tous les écrans peuvent être configurés à l'identique de ceux du Rafale. Cela permettrait aux pilotes de faire sur cet avion 140 heures d'entraînement sur les 180 annuels requis et de faire les 40 heures supplémentaires sur Rafale. Des économies non négligeables seraient ainsi réalisées. Le jour où le besoin d'utiliser ces pilotes en opérations apparaît, nous pouvons les entraîner de façon plus complète en deux ou trois mois, et ils nous permettront de durer sur le théâtre.

L'opération Serval est une bonne illustration de la nécessité de nous organiser différemment pour durer. Plus de 90 % des équipages aptes à des missions de guerre sur Rafale y ont déjà effectué au moins un détachement voire deux pour certains. Cela montre que nous sommes devenus très « échantillonaires » et qu'il nous faut du coup entraîner différemment nos personnels. La durée très longue des missions au Mali nous l'impose : N'Djamena-le Mali, c'est l'équivalent en distance d'un vol entre Istanbul et la France. Nos équipages font des missions qui durent entre sept et neuf heures de vol, parfois de nuit. Il faut les relever au bout d'un mois parce qu'ils atteignent rapidement entre 80 et 90 heures de vol sur leurs 180 heures annuelles. Si on ne les relevait pas, ils ne voleraient plus pendant onze mois.

Enfin, le dernier principe abordé dans le Livre blanc est celui de la mutualisation que nous mettons déjà en oeuvre au niveau interarmées. Nos pilotes d'hélicoptères sont formés dans l'armée de terre. Les mécaniciens aéronautiques de toutes les armées sont formés dans l'armée de l'Air. Nous avons déjà un certain nombre de mutualisations possibles avec tous les programmes qui sont contenus dans le Livre blanc. Je pense à l'A400M, aux drones et au MRTT, qui sont des programmes qui appellent des mutualisations au niveau européen. Dans ce cadre, le commandement du transport européen (EATC) est arrivé à une telle maturité maintenant qu'il est possible de le faire évoluer. Certains pays sont fortement intéressés pour nous rejoindre. Je pense à l'Italie. Il faudra convaincre nos amis britanniques, mais je pense qu'ils peuvent être aussi intéressés. Le meilleur équipement pour cela est l'A400M. Ce dernier va nous permettre de faire du soutien et d'élaborer des normes communes avec les Britanniques. Nous allons partager la formation avec les Allemands. Enfin ces avions seront mis à la disposition de l'EATC ; l'A400M sera ainsi un formidable intégrateur européen. J'attends beaucoup de cet avion qui doit maintenant arriver sur les parkings de l'armée de l'Air.

Le Livre blanc définit également nos formats. Concernant celui de l'aviation de chasse nous avons certes une diminution du parc d'avions de combat, 225 avions de chasse, air plus marine, mais, comme je l'ai souligné précédemment, nous compensons cette diminution par le maintien d'un volume de pilotes de chasse, entraînés différemment, qui nous donnent une capacité à durer équivalente et cela est important ; concernant les autres matériels il est prévu cinquante avions de transport tactique, douze drones, huit batteries sol-air SAMP/T. En parallèle de cette diminution des formats il y a une véritable modernisation de prévue dont celle du SCCOA qui, pour moi, est pérennisée ainsi que celle de la composante aéroportée avec le MRTT et la transformation de l'escadron de 2000N sur Rafale.

Ces nombres représentent, pour l'armée de l'Air, une diminution supplémentaire de 30 %, notamment pour l'aviation de chasse, sachant qu'elle avait déjà diminué de 30 % précédemment. Nous avions 320 avions de combat en ligne en 2008 pour l'armée de l'Air. Nous terminerons aux alentours de 165 au terme de la LPM pour l'armée de l'Air. C'est une diminution importante, que nous avons acceptée, grâce au principe de l'entraînement différencié et aussi parce que, avec le programme MRTT et d'autres programmes, nous arrivons à nous moderniser et à maintenir ainsi notre cohérence. C'est cela qui m'importait et voilà pourquoi je dis aux aviateurs : ne vous arc-boutez pas sur les formats, regardez la cohérence. Ce serait aujourd'hui une incohérence notoire d'avoir beaucoup d'avions de combat, mais ne pas avoir de MRTT.

Pour être franc avec vous, les chiffres évoqués marquent cependant un seuil-limite. Si nous devions descendre en-dessous, nous ne serions plus capables de faire les mêmes missions, ou alors cela serait très compliqué. Ces chiffres garantissent encore une cohérence, mais il est impératif de les stabiliser parce que, dans les dernières années écoulées, nous n'avons pas cessé de diminuer nos formats.

Il existe toutefois un problème dans le fait que ces chiffres masquent la réalité de la LPM pour laquelle la montée en puissance de certains programmes est parfois très lente. C'est le cas pour les MRTT pour lesquels la cible de douze appareils - nous en avions demandé quatorze -ne sera atteinte que tardivement, nous imposant de fait de conserver nos C135 plus longtemps que prévu, ce qui n'est pas sans présenter de problèmes liés à leur âge. La réalité du budget, puisque toutes les armées ont le même problème, impose de faire des efforts. Mais en cas de retour à bonne fortune, il faudrait être capable d'augmenter les cadences.

Quel est le coût d'un MRTT ?

Général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'Air.- Nous sommes en attente de la proposition d'Airbus pour vous répondre.

Combien aura-t-on d'A400M au final ?

Général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'Air.- Ce n'est pas précisé dans le Livre blanc qui parle uniquement de cinquante avions de transport tactique pour lesquels la flotte de CASA n'est pas concernée car elle ne dispose pas des mêmes capacités.

Sur les équipements nous sommes partis sur une rénovation à moindre coût du Mirage 2000. Si nous ne rénovons pas nos Mirage 2000 ils ne seront plus utilisables, et compte tenu du rythme de production des Rafale, nous ne serons pas capables de respecter le format de l'aviation de chasse. Nous allons moderniser les 2000-5 qui ont un radar très performant en les portant, si possible, à 9 000 heures alors qu'ils étaient donnés pour 7 000 heures. C'est une première pour un avion de chasse qui nécessite de prendre un certain nombre de garanties. Il va nous falloir maintenir une partie de la ligne des Mirage 2000 D en traitant les obsolescences du radar, de calculateurs, de missiles, et si possible en les dotant des capacités d'emport d'AASM et de pods canons pour certains avions. Cela nous permettrait d'avoir des avions un peu différenciés qui nous permettraient d'assumer un certain nombre de missions en l'absence de menaces anti-aériennes, comme en Afrique. Cet avion est ainsi intervenu dès les premiers jours au Mali. Mais nous ne pourrions pas l'engager sur des théâtres avec une menace sol-air importante.

Le nombre de 225 avions de chasse repose sur des Rafale et des Mirage 2000. Au-delà de 2020 nous aurons besoin d'une nouvelle tranche Rafale dans un volume à définir afin de compléter le parc et ensuite de remplacer les Mirage2000.

L'acquisition d'équipements est une chose importante qui permet de faire fonctionner l'industrie de défense mais il ne faut pas non plus que cela se fasse au détriment de l'entraînement. Notre entraînement aujourd'hui est diminué d'au moins vingt pour cent. L'entraînement nécessaire pour un pilote de chasse polyvalent est de cent-quatre-vingt heures de vol réelles et des missions réalisées grâce aux simulateurs. Sans ces derniers, il faudrait beaucoup plus d'heures de vol. Quatre cents heures de vol pour un pilote de transport et deux cents heures de vol pour un pilote d'hélicoptère sont environ nécessaires. Aujourd'hui, nous sommes à un petit cent cinquante heures pour les pilotes de chasse, deux cent trente heures pour les pilotes de transport et cent soixante heures pour les pilotes d'hélicoptères. Cela vient d'une sous-dotation chronique de l'entretien programmé des matériels (EPM) dans la loi de programmation précédente. J'appelle de mes voeux pour 2014-2015 le maintien de l'entraînement au moins au niveau d'aujourd'hui, c'est-à-dire avec moins 20 %, de manière à stabiliser cela. Nous allons diminuer rapidement le format pour avoir un entraînement cohérent en 2016 et, si nous y parvenons, faire remonter alors notre activité d'entraînement. Cela nécessite un effort important de notre part notamment sur les équipages. A titre d'exemple nous avons dû annuler cette année notre participation à l'exercice Red Flag, exercice majeur aux Etats-Unis. Nous avons dû également annuler un exercice au Brésil.

Une fois que le format aura été diminué, il est extrêmement important pour nous de remonter notre niveau d'activité. Cela n'est pas garanti, car faire remonter un niveau d'activité ne repose pas uniquement sur une question d'argent, c'est aussi une question d'organisation et de contrats. Nous nous sommes mis en situation de travailler mieux en réorganisant la SIMMAD. Cette réorganisation a été effective l'été dernier en mettant une partie de la structure à Paris et une grande partie à Bordeaux, où les industriels nous ont rejoints pour mettre en place des plateaux techniques. Depuis des années nous n'avons pas arrêté de moderniser et de réorganiser le maintien en conditions opérationnelles (MCO). Si nous voulons pouvoir mesurer les résultats des actions passées, il faut stabiliser - au moins quelques années - les réorganisations et les crédits qui lui sont accordés.

Le MCO souffre depuis des années d'une instabilité chronique. Je souhaiterais qu'il nous soit laissé le temps de travailler sur nos objectifs : remonter l'activité et diminuer les coûts. Mais nous ne pouvons pas le faire avant deux ans, car les contrats sont signés et nos formats vont diminuer. Pour moi c'est une vraie inquiétude. Je souhaite qu'on nous stabilise le paysage et qu'on nous laisse travailler en toute quiétude. Nous saurons trouver des idées intelligentes pour réduire les coûts.

Un autre point important est celui des effectifs. Le Livre blanc annonce une réduction supplémentaire de 24 000 auxquels s'ajoutent les 10 000 restant encore à faire du précédent Livre blanc. Dans les 10 000 restants à faire, l'armée de l'Air est concernée par 2 400 suppressions sur le BOP (budget opérationnel de programme) Air. Nous avons aussi des aviateurs en dehors du BOP Air. Nous sortons d'une réorganisation qui représente une diminution de 16 000 personnels, la fermeture de douze bases aériennes et la contraction de tous nos formats de 30 %. Cette réorganisation nous a permis de rationnaliser un certain nombre de choses. Mais aujourd'hui, si nous voulons encore rendre des effectifs au niveau de l'armée de l'Air, les seules réorganisations fonctionnelles ne suffiront plus et il faudra passer par des fermetures d'implantation. J'appelle de mes voeux un certain nombre de restructurations. Cela me permettrait de rendre 4 000 emplois budgétaires. Sans ces restructurations et fermetures de sites je ne saurai pas rendre ces effectifs.

En outre, j'ai 22 % d'aviateurs qui sont hors BOP Air dans les structures interarmées. Je n'ai aucune visibilité pour l'instant sur les volumes de diminution les concernant. Une coordination interarmées s'avère nécessaire.

En résumé, la LPM est un modèle cohérent, mais difficile car il nous demande une nouvelle réduction conséquente. Mais nous savons l'expliquer parce qu'elle s'inscrit dans un projet de modernisation. Si ce projet est respecté - c'est le sujet - les aviateurs comprendront aisément les réductions d'effectifs et adhéreront au projet et aux efforts qui leur sont demandés. Si la modernisation et l'activité ne sont pas au rendez- ce serait beaucoup plus difficile de le comprendre et d'y adhérer.

Les risques, le chef d'état-major des armées l'a souligné, sont évidemment budgétaires avec la question des ressources budgétaires exceptionnelles ; des risques dans le domaine des équipements avec la gestion flotte ancienne-flotte nouvelle qui est très compliquée avec l'étalement dans le temps de la livraison des matériels ; des risques opérationnels avec le niveau d'activité qui est le vrai risque que j'identifie et enfin des risques concernant les effectifs qui dépendent beaucoup des restructurations que nous serons en mesure de conduire.

J'ai rencontré des aviateurs qui savent comprendre cela, mais qui ne le comprendront que si ce qu'on leur parle un langage de vérité.

Debut de section - PermalienPhoto de André Dulait

Monsieur le chef d'état-major de l'armée de l'Air, je vous remercie pour cette intervention qui nous a beaucoup éclairés. Mon collègue Gilbert Roger et moi-même sommes satisfaits de l'attitude que vous avez vis-à-vis des bases de défense, qui ont montré toute leur utilité dans l'opération Serval et sommes convaincus qu'il faudra continuer la restructuration pour arriver à des bases moins nombreuses mais mieux armées en personnel.

Général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'Air. - Si je peux rebondir sur cette observation, je dirais que mon souci principal est de maintenir la cohérence d'ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

J'ai été passionné par votre présentation. Ma première question a trait à la compatibilité entre carrières courtes et nécessité de faire des formations longues. Cela nous donne-t-il de bons aviateurs ? Ma seconde question a trait à l'âge de certains matériels : certains sont si âgés que je m'interroge sur l'opportunité de les moderniser pour les faire durer.

Général Denis Mercier. - En réponse, je dirais que d'ores et déjà nous avons aujourd'hui 55 % de nos personnels qui sont sous contrat. La durée des carrières sous contrats varie de quatre à plus de vingt ans. L'avantage des carrières courtes est de permettre des ajustements. Est-ce que cela permet de faire de bons aviateurs ? Oui, mais à condition de les spécialiser. Nos aviateurs recrutés sous contrat ont pour vocation de rester dans des filières d'expertise. En revanche, les personnels de carrière ont vocation à assumer des responsabilités de commandement après leur vie opérationnelle. Le fait est que la pyramide des grades et des fonctions s'est extraordinairement rétrécie. Par exemple, en l'espace de cinq ans, le flux d'accès des colonels au grade de général s'est réduit de moitié. C'est un grand changement que nous devons aborder avec des solutions innovantes. Les personnels de l'armée de l'Air sont des personnels de grande qualité et d'une grande utilité pour la société. Je préférerais par exemple faciliter les incitations au départ assez tôt en accompagnant ces personnels vers de vraies carrières hors de l'institution.

Sur la question des appareils hors d'âge, oui, c'est vrai pour certains appareils tels que le C135, le coût de l'heure de vol est beaucoup plus cher que ne le sera celui des appareils successeurs. Mais cela n'est pas vrai de tous les matériels.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Merci pour cette présentation très transparente et qui traduit la vision globale que vous avez du sujet. J'ai bien intégré la nécessité de différencier les réponses selon les armées, les armes et les personnels. S'agissant de l'EATC, je dirais qu'il fonctionne, parce qu'il y a des pays qui apportent des capacités. Il n'est pas indispensable que ces capacités soient identiques. C'est le service rendu qui compte. Sur le maintien en condition opérationnelle (MCO), l'exemple de l'A400M illustre bien les difficultés de l'Europe de la Défense. Nous prévoyons en effet de faire le MCO avec les Britanniques, qui ne font pas partie de l'EATC, mais pas avec les Allemands qui eux en font partie. En période de crise, chaque nation européenne a une tendance à se concentrer sur ses emplois au lieu de mettre en commun les maigres moyens subsistants. S'agissant du SCCOA4, votre prédécesseur, le Général Jean-Paul Paloméros, disait déjà que c'était essentiel. Or ce qui était essentiel il y a trois ans l'est encore plus aujourd'hui. Pour ce qui est de la rénovation des Mirage 2000, la commission des affaires étrangères et de la défense dont nous faisons partie s'était battue en son temps pour qu'elle ait lieu. La rénovation envisagée aujourd'hui est très éloignée de celle qui était initialement prévue, et ne permettra pas à ces avions d'avoir toutes les capacités souhaitées. Pour ce qui est de la LPM, nous savons qu'elle est très difficile à boucler, notamment à cause du problème des ressources exceptionnelles. Si ces ressources ne sont pas au rendez-vous en 2014 et en 2015, cela se traduira par une perte de 2,8 milliards d'euros par rapport à la trajectoire financière envisagée par le Livre blanc. Si tel était le cas, nous abimerions davantage encore notre outil de défense.

S'agissant de l'école de pilotage de Cognac, nous avons visité avec mon collègue Daniel Reiner ce qui se fait en matière de formation des pilotes d'hélicoptères à Dax, et il y a sans doute là des principes dont vous pourriez vous inspirer utilement. Le fabricant du matériel n'est pas forcément le mieux placé pour prendre en charge le partenariat public-privé.

Général Denis Mercier - La différenciation selon l'armée : oui. Il ne faut pas vouloir harmoniser tout le monde. Il faut au contraire bien connaître les autres et tirer parti de leurs différences. S'agissant de l'EATC, il repose comme vous le savez sur deux piliers : un pilier opérationnel qui consiste à faire de l'échange de capacités de transport ; et un pilier fonctionnel qui permet d'élaborer des normes communes. Ce deuxième pilier est tout à fait fondamental. Sur le MCO de l'A400M, je pense qu'il sera plus facile de jeter les bases de façon bilatérale avec nos amis britanniques et si cela est bien fait, les autres nations suivront.

La modernisation du SCCOA4 aurait dû être faite depuis longtemps. Elle le sera dans la prochaine loi de programmation, et il faut s'assurer de sa « sanctuarisation ». La LPM est difficile à boucler, c'est vrai. Est-ce seulement une question de ressources exceptionnelles ? Je ne le crois pas. La LPM repose sur trois piliers principaux: l'équipement, l'activité et la masse salariale. Si on ne fait pas décroître la masse salariale, on ne pourra pas conserver les équipements ni le niveau d'activité. Les trois sont liés et il faut trouver le meilleur équilibre possible.

Sur le partenariat public-privé de l'école de pilotage de Cognac, trois solutions s'offrent à nous :

- l'acquisition intégrale des équipements de façon patrimoniale pour l'Etat. Cette solution est financièrement hors de portée ;

- le tout en partenariat public-privé et je ne suis pas convaincu que cela soit souhaitable ;

- une solution mixte, et c'est vers cela que nous nous orientons.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

J'aimerais avoir votre sentiment sur les drones aussi bien dans un avenir proche que dans un avenir lointain. Je dois vous dire que je crois de moins en moins à un drone MALE européen. Par ailleurs, les industriels ont bien mesuré la diminution des crédits d'équipement, et certains d'entre eux essaient de se récupérer sur le MCO. Je comprends bien dans ces conditions la tentation que pourraient avoir certains de compenser une diminution des cibles de programmes par une externalisation du MCO. Mais cela irait en contradiction avec la réorganisation qui vient juste de s'achever dans l'armée de l'Air et qui s'est traduite notamment par la création de la SIMAD. Qu'en pensez-vous ?

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Il semblerait que les forces aériennes françaises se situent avec les forces aériennes britanniques et américaines au meilleur niveau opérationnel. Est-ce vrai ? Par ailleurs, il y a en ce moment une grève des contrôleurs aériens opposés à la mise en place de ce que l'on appelle le « ciel unique européen ». Que pensez-vous de ce projet ?

Général Denis Mercier - Monsieur Reiner a raison, s'agissant des drones, de distinguer l'avenir proche de l'avenir lointain. En ce qui concerne l'avenir lointain, il y a un vrai marché mondial pour les drones MALE en raison notamment des besoins de contrôles renforcés aux frontières de certains pays. Ce marché ne s'est pas encore exprimé, tout simplement parce que les pays qui en ont le plus besoin n'ont pas encore atteint la maturité pour les exploiter. Malheureusement, les avionneurs européens n'ont pas investi sur ce type d'appareil, et les États européens non plus. Dans le court terme nous devons apporter une réponse à un vrai besoin opérationnel lié à nos engagements, notamment au Mali. La solution qui semble se dessiner, celle de l'achat de drones sur étagère, est la moins onéreuse à court terme. Il faudra néanmoins travailler à une « francisation » des matériels. Ce sujet, rappelons-le, est très différent de celui des drones de combat qui lui est lié aux études en cours sur le système de combat aérien futur (SCAF). Cela serait très grave si nous n'étions pas capables de faire des drones MALE européens. Nous n'avons pas le droit de baisser les bras là-dessus.

Le projet de ciel militaire unique européen est un projet très important. S'il ne voyait pas le jour, cela se traduirait par une augmentation des coûts du fait des certifications civiles qui nous seront demandées pour les appareils futurs. C'est un véritable enjeu que de développer un ciel unique qui soit civil et militaire. Il faut pour cela que les armées de l'air européennes se réunissent et adoptent une position commune. Cela constituerait une réelle avancée pour le sommet européen de décembre 2013. S'agissant de la valeur opérationnelle des forces aériennes françaises, je vous confirme qu'elle est excellente.

Enfin, pour ce qui est du MCO, je dirais que le bon contrat de MCO est celui qui est lié à l'activité, qui seule permet d'acquérir précisément cette valeur opérationnelle dont nous venons de parler, et non pas à la disponibilité qui correspond à une logique d'achat.