Au cours d'une seconde réunion tenue l'après-midi, la commission entend tout d'abord une communication de M. François Marc, rapporteur général, sur la situation économique et financière de la Lettonie avant son entrée dans la zone euro le 1er janvier 2014.
Mes chers collègues, nous allons entendre une communication de M. François Marc, rapporteur général, sur la situation économique et financière de la Lettonie, avant son entrée dans la zone euro au 1er janvier 2014.
Je vais effectivement vous présenter un bref compte-rendu de mon déplacement en Lettonie, les 18 et 19 septembre derniers, qui avait pour objet d'étudier la situation de ce pays qui deviendra le 1er janvier prochain le dix-huitième membre de la zone euro. La décision a été actée en juillet par le Conseil de l'Union européenne, qui a considéré que les critères de convergence fixés par le traité de Maastricht étaient respectés. La Banque centrale européenne, qui rend un avis consultatif, a toutefois émis quelques réserves, notamment sur la capacité de la Lettonie à maîtriser l'inflation au cours des prochaines années. Plus fondamentalement, elle paraît particulièrement prudente à l'idée de tout élargissement de la zone euro.
Compte tenu des expériences récentes avec les autres pays, il m'a semblé intéressant de pouvoir apprécier par nous-mêmes la situation de la Lettonie.
Deux cartes géographiques figurent dans votre dossier pour illustrer mon propos sur la Lettonie, qui a pour capitale Riga et compte environ 2 millions d'habitants.
Je rappelle que sauf dérogation, les États de l'Union européenne sont tenus d'intégrer la zone euro lorsqu'ils respectent les critères de convergence. Toutefois, la volonté tenace de la Lettonie contraste avec l'attentisme de nombreux « jeunes » membres de l'Union européenne comme, par exemple, la Pologne. Elle pourrait toutefois être rejointe en 2015 par la Lituanie qui a entamé le même processus d'adhésion à la zone euro.
Il me semble important de revenir sur le chemin parcouru par la Lettonie au cours des dernières années avant de faire le point sur sa situation et ses perspectives car ce pays a été montré en exemple, notamment par l'Allemagne et par la Commission européenne, pour la manière dont il s'est sorti de la crise. On s'est également interrogé sur les facteurs de cette réussite qui n'était pas attendue par certains experts.
Pour rappel, au milieu des années 2000, la croissance de la Lettonie était supérieure à 10 % par an, portée notamment par une progression très importante du crédit, financée par des capitaux étrangers, ce qui n'est pas toujours rassurant. Les filiales des banques scandinaves, principalement suédoises, empruntaient à leurs banques mères et les banques nationales se finançaient grâce aux dépôts des non-résidents. J'y reviendrai tout à l'heure.
Cette croissance a également été portée par des augmentations de salaires de plus de 20 % par an, excédant largement les gains de productivité. Il s'en est suivi une perte de compétitivité et un fort déséquilibre de la balance des paiements courants, dont le déficit a dépassé 20 % du PIB en 2006 et 2007.
Après la faillite de la banque Lehman Brothers, la plus grande banque lettone a perdu 25 % de ses dépôts en trois mois, pendant que les doutes sur la capacité de la Lettonie à conserver l'arrimage fixe de sa monnaie à l'euro ont entraîné de forts achats d'euros. La situation devenant intenable, un programme d'aide international a été mis en place, associant principalement l'Union européenne et le Fonds monétaire international (FMI), mais aussi d'autres partenaires, notamment les gouvernements scandinaves. Ce programme consistait en l'apport de 7,5 milliards d'euros sur trois ans, en échange de la mise en oeuvre de mesures d'austérité et de réformes structurelles.
La question du maintien de l'arrimage de la monnaie lettone à l'euro fit débat au moment de la définition du programme. De nombreux experts et le FMI considéraient que seule une dévaluation permettrait au pays de s'en sortir, mais les autorités lettones ont insisté pour conserver un taux de change fixe avec l'euro, sans même utiliser les marges de fluctuation de 15 % permises par le système monétaire européen (SME).
Le Gouvernement a ainsi souhaité maintenir le cap fixé vers l'adhésion à l'euro et ne pas envoyer de signal négatif à la population, la monnaie lettone étant pratiquement arrimée à l'euro depuis la création de celui-ci et plus de 80 % des prêts étant déjà libellés en euros dans le pays. Une dévaluation aurait donc eu des effets négatifs immédiats, tant pour les banques que pour leurs clients.
Le choix de la dévaluation interne, fondée sur l'austérité, a conduit les autorités lettones à prendre des mesures drastiques avec, notamment, des baisses considérables des allocations et des salaires, dont 27 % en moyenne dans le secteur public, ainsi que des hausses d'impôts, le taux normal de TVA étant notamment passé de 18 % à 22 %. En trois ans, les mesures de consolidation budgétaire ont représenté 17 % du PIB ; elles ont porté pour un tiers sur les impôts et pour deux tiers sur la dépense publique, un ratio qui ne nous est pas inconnu.
Alors que le FMI estimait que l'ajustement prendrait du temps en régime de taux de change fixe, l'impact des mesures s'est avéré beaucoup plus fort que prévu : l'économie s'est rétractée d'environ 25 % entre 2008 et 2009, ce qui est beaucoup plus violent que ce qu'a connu la Grèce, par exemple. Cette contraction de la demande intérieure a rétabli rapidement l'équilibre de balance des paiements courants, qui est redevenue excédentaire dès 2009. Ce fut donc une purge assez considérable. La très grande rigueur des mesures a conduit le FMI, ce qui est assez rare pour être souligné, à défendre auprès des autorités lettones, sans grand succès, le maintien de certaines prestations sociales.
Dès la fin 2009, la Lettonie a commencé à rebondir. En 2011 et 2012, sa croissance a, de nouveau, dépassé 5 % et a été la plus forte de l'Union européenne. Elle devrait d'ailleurs s'établir légèrement au-dessus de 4 % cette année et les années suivantes, ce qui peut nous rendre envieux.
Au total, la Lettonie n'aura finalement utilisé que 4,4 milliards d'euros et a remboursé le prêt du FMI de manière anticipée.
Comment expliquer un rebond aussi rapide ?
Le facteur d'explication le plus important tient probablement à la très grande capacité d'acceptation des mesures d'ajustement par la population. Elle doit être mise en perspective avec les temps très difficiles vécus sous la période soviétique et juste après l'indépendance ; en outre, la crise est intervenue à l'issue d'une très forte surchauffe économique ; les ajustements ont donc été perçus par la population comme une forme de « retour à la normale » après une période euphorique. D'autres explications doivent toutefois être mentionnées.
Tout d'abord, en dépit de coalitions parlementaires instables, le Premier ministre et le ministre des finances ont défini avec les prêteurs une stratégie de sortie de crise explicite et crédible, et ont pris rapidement des mesures de grande ampleur ; ils ont ensuite fait preuve de beaucoup de détermination et de constance ; leur mérite est d'autant plus grand que le paysage politique est à la fois éclaté et mouvant, ce qui favorise peu la conduite dans la durée de politiques exigeantes. Le taux de popularité des institutions et des autorités politiques en Lettonie est actuellement particulièrement faible, mais le système mis en place tient pour l'instant.
Ensuite, l'action du Gouvernement a été facilitée par un stock de dette publique faible au début de la crise, mais aussi par l'apport important des fonds structurels européens.
Il y a également eu une mobilisation et une coordination importantes de l'ensemble des prêteurs, non seulement publics, qu'il s'agisse de l'Union européenne, du FMI, de la Banque mondiale ou des États scandinaves, que privés. Il faut souligner tout particulièrement l'attitude « amicale » déterminante des banques scandinaves, en particulier suédoises, compte tenu de leur passé historique commun.
Enfin, les caractéristiques de l'économie lettone ont favorisé un ajustement rapide. La flexibilité du marché du travail a ainsi entraîné une forte baisse des salaires et des licenciements importants et les gains de productivité ont été rapides avec les réformes, compte tenu du retard du pays. Surtout, l'économie lettone étant de taille réduite et très ouverte, l'évolution de sa compétitivité a eu des effets massifs sur ses échanges et sa croissance.
Pour autant, le tableau n'est pas idyllique. Le taux de chômage, qui a diminué depuis, avait dépassé les 20 %, la pauvreté et l'économie grise se sont développées de façon très conséquente et la baisse des salaires publics a favorisé l'émigration des fonctionnaires les plus brillants.
Une fois le pays sorti de la crise, une demande croissante de redistribution des « fruits de la croissance » est apparue et des premiers allègements d'impôts ont été votés au printemps 2012, visant à réduire les tensions inflationnistes pour faciliter l'entrée dans la zone euro et à améliorer la compétitivité de l'économie.
A l'approche des élections législatives de l'automne 2014, le budget maintient une politique rigoureuse, avec un déficit prévisionnel limité à 1,4 % du PIB, mais augmente certaines dépenses en faveur des allocations sociales, du soutien de la croissance, de l'encouragement à la natalité et pour augmenter les salaires de certaines catégories de fonctionnaires, notamment les enseignants, les infirmières et les policiers.
Pour l'avenir, les défis à relever restent importants et des points de vigilance demeurent concernant la situation de ce pays qui va bientôt rejoindre la zone euro.
Tout d'abord le niveau des dépôts bancaires des non-résidents, qui représentent environ la moitié du total des dépôts, et sont, pour environ 90 %, originaires de Russie ou d'autres anciennes républiques soviétiques. Pour autant, toute comparaison avec la Suisse ou Chypre doit être relativisée compte tenu du poids limité de l'industrie bancaire en Lettonie. Surtout, l'Union européenne a demandé à la Lettonie d'être très vigilante sur ce sujet, compte tenu des risques qui pourraient résulter d'un retrait massif de ces dépôts pour le système bancaire, même si jusqu'ici, la part de ces dépôts est relativement stable. Les autorités ont donc imposé aux banques spécialisées dans l'accueil de ces dépôts des ratios prudentiels plus exigeants que le droit commun, et font preuve de vigilance par rapport aux risques de blanchiment.
On notera par ailleurs que la Lettonie offre depuis 2010 un visa « Schengen » de cinq ans à toute personne effectuant un investissement supérieur à un certain montant, ou déposant plus de 300 000 euros sur un compte à terme pendant cinq ans. Cette disposition, qui commençait à faire débat et à susciter des tensions au sein de la coalition gouvernementale, devrait être prochainement modifiée, avec un contingentement de plus en plus important des biens immobiliers donnant droit au visa et l'obligation de versement de 25 000 euros à un fonds de développement économique.
Une autre question porte sur le maintien de la compétitivité dans un contexte de reprise et de rattrapage des salaires et des prix par rapport à la zone euro. L'inflation est très faible, mais des risques existent, notamment dans le secteur des services et des petites professions indépendantes. A ce stade, toutefois, les hausses de salaires semblent en ligne avec les gains de productivité, et la Banque centrale lettone nous a semblé très vigilante sur cette question qui préoccupe la BCE.
Il faut également que le Gouvernement renforce sa lutte contre l'économie grise, qui s'est nourrie de la crise, et s'attaque à la question des inégalités et du chômage de longue durée.
Enfin, des réformes structurelles restent à accomplir, en particulier s'agissant du renforcement des institutions, de la gouvernance des entreprises publiques et de l'efficacité de la justice civile, ainsi que de l'amélioration de la qualité de l'enseignement supérieur et du développement de l'apprentissage.
La Lettonie doit aussi trouver un modèle économique pour les années à venir. De ce point de vue, elle dispose de quelques atouts, notamment des ports en eaux libres toute l'année, qui ouvrent la voie vers les anciennes républiques soviétiques par le chemin de fer notamment, le pays se classant au quatrième rang européen pour le fret ferroviaire. Son commerce est principalement tourné vers l'Allemagne, la Russie et les pays nordiques. Le modèle économique est, quoiqu'il en soit, confronté à un défi démographique de grande ampleur. En effet, le vieillissement de la population est très marqué et ses effets sont accrus par une forte émigration, principalement d'étudiants et de jeunes actifs. Depuis 2001, 14 % des Lettons en âge de travailler auraient quitté le pays, pour aller notamment en Allemagne, en Suède ou en Irlande. Même si ce phénomène semble ralentir, cette évolution est un facteur de préoccupation tant pour le dynamisme économique que pour la soutenabilité des finances publiques à long terme. La prise de conscience de ces enjeux semble se faire et conduira bientôt à se poser des questions délicates comme celle d'un éventuel recours à l'immigration pour pallier la réduction de la population active.
Ce vieillissement peut avoir également un effet sur l'acceptation du contrat social par les plus jeunes, peu optimistes quant à leur avenir, d'autant que ce contrat social est déjà bousculé par les inégalités et par la division du pays entre lettophones et russophones, lesquels représentent 27 % de la population et sont majoritaires dans la capitale. Le maire actuel de Riga est d'ailleurs un russophone. Par ailleurs, environ 14 % de la population, essentiellement des russophones, a un statut de « non-citoyen » qui ne donne pas le droit de vote, l'accès à la citoyenneté étant conditionné au passage d'un examen de langue, d'histoire et de connaissance de la Constitution. Beaucoup refusent encore de se prêter à ces tests pour devenir citoyen letton et obtenir le droit de vote.
J'en viens enfin à l'état d'esprit dans lequel la Lettonie aborde son entrée dans la zone euro. Il faut d'abord souligner que ce choix n'est pas seulement économique mais aussi géopolitique. Tout ce qui arrime la Lettonie aux institutions euro-atlantiques et européennes reste perçu comme un gage de sécurité par rapport au voisin russe.
Si l'adhésion est largement soutenue par la classe politique, elle est, pour autant, assez impopulaire. Cela s'explique par divers facteurs : l'abandon d'une monnaie nationale symbole de l'indépendance, le poids des efforts accomplis au cours des dernières années pour entrer dans l'euro, qui a laissé d'importantes traces au sein de la population, la forte défiance dans les institutions qui portent cette ambition et, enfin, la crainte d'une « valse des étiquettes » que nous avons connue aussi dans notre pays. Les échos des plans de sauvetage successifs de la Grèce et de Chypre ont, par ailleurs, rendu peu attractive la zone euro.
Le Gouvernement letton m'a paru intégrer parfaitement les enjeux et les engagements liés à l'adhésion à la zone euro. En particulier, le ministre des finances m'a indiqué clairement qu'il était favorable à l'approfondissement de l'union bancaire et au développement de la régulation économique et financière en Europe. Il a aussi indiqué, ce qui n'avait pas toujours été dit de manière explicite, sa totale adhésion au principe de solidarité qui implique qu'un pays rencontrant des difficultés sera aidé par les autres. J'ai insisté sur ces points car il me semble important que nous accueillons dans cette « copropriété » qu'est la zone euro des membres qui vont de l'avant et sont prêts à en accepter les contraintes, le cas échéant.
Je formule encore deux remarques concernant l'intégration européenne. D'une part, la classe politique nous a semblé très favorable au renforcement de la gouvernance budgétaire européenne. La Lettonie avait d'ailleurs anticipé le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) et a dû ensuite procéder à des ajustements pour s'y conformer. D'autre part, le Gouvernement nous a semblé ouvert à la discussion sur la question de l'harmonisation fiscale, mais dans une perspective à moyen terme qui permette au pays de disposer de marges de manoeuvre pour converger vers les pays de la zone euro.
Voici, mes chers collègues, les quelques éléments d'information que je souhaitais porter à votre connaissance. Au total, la Lettonie m'est apparue un candidat sans doute peu enthousiaste mais courageux, rigoureux et prêt à aller de l'avant dans l'intégration de la zone euro. Il est utile que nous renforcions nos liens avec ce pays, proche culturellement et économiquement des pays d'Europe du nord, et qui participera avec nous, demain, aux décisions qui engageront l'ensemble de la zone euro.
Je remercie le rapporteur général pour cette communication très éclairante et exhaustive sur la Lettonie qui entrera dans quelques semaines dans la zone euro. J'ai bien noté le choc subi par ce pays pour se redresser et ses effets collatéraux, notamment en matière sociale et en termes d'émigration. Je m'interrogeais en vous écoutant sur la place des syndicats en Lettonie et le rôle qu'ils ont joué dans cette acceptation subie. Finalement, la Lettonie a retenu la méthode allemande consistant à procéder à de la désinflation compétitive pour se redresser.
Connaissant un peu le pays, je souscris tout-à-fait aux propos du rapporteur général tout en rappelant l'influence russe qui s'y exerce. Je salue l'intégration de la Lettonie dans la zone euro, laquelle ne prend pas d'énormes risques compte tenu de la taille de ce pays, unis par des liens forts avec les pays scandinaves, dont de nombreuses entreprises sous-traitent leur production aux pays baltes.
La Lettonie souhaite notamment son intégration à la zone euro pour sécuriser son indépendance vis-à-vis de la Russie, les relations de cette dernière étant toujours difficiles avec les États appartenant anciennement à l'Union soviétique et créant des partenariats avec l'Union européenne. Vous avez d'ailleurs rappelé qu'une partie de la population russophone n'avait toujours pas la qualité de citoyen en Lettonie.
J'estime par ailleurs que les pays de la zone euro devraient développer leurs relations avec des pays comme l'Ukraine, mais aussi avec la Russie afin de détendre les tensions entre cette dernière et les pays qui se rapprochent de l'Union européenne.
Enfin, je souhaiterais connaître le poids de la dette publique par rapport au PIB.
Je remercie à mon tour le rapporteur général pour sa présentation très exhaustive. Il me semble que la population lettone n'est en effet pas très enthousiaste à l'idée d'intégrer la zone euro. D'ailleurs, alors que le Parlement a voté l'autorisation pour la Lettonie d'intégrer la zone euro, une pétition nationale a été lancée au printemps par les syndicats demandant un référendum sur ce sujet.
Je rappelle également que la Lettonie a un passé historique fort, non seulement avec la Russie mais également avec l'Allemagne. Lors de la déclaration d'indépendance du pays en 1991, les russophones n'ont pu obtenir la nationalité, ce qui crée encore aujourd'hui des tensions.
L'intégration à la zone euro ne se fera pas sans difficulté, une part de l'opinion publique lettone ne la souhaitant pas. La tension politique est forte sur ce sujet et la crainte porte tout particulièrement sur le risque d'inflation, comme le mettent notamment en évidence les médias allemands ou russes.
Riga est une ville très étudiante, avec notamment des Allemands qui viennent y faire leurs études, en particulier de médecine, lorsqu'ils n'ont pu intégrer les filières souhaitées en Allemagne. Cette situation est d'ailleurs comparable à celle des étudiants français qui, n'intégrant pas l'école de médecine vétérinaire, très sélective à l'entrée en France, partent en Belgique où la sélection s'opère plus tard, en cours de cursus.
Alors que Riga est une ville très « pop », ouverte vers l'extérieur et animée, avec tous ces étudiants qui se côtoient, notamment dans les cafés, une partie de la population locale craint, pour sa part, que l'intégration de la zone euro ne conduise à une hausse du chômage et de l'inflation.
La Lettonie me semble donc connaître une situation politique compliquée, d'autant que pour certains Lettons, l'Union soviétique apportait une stabilité que le pays ne connaît plus. Même si je ne partage pas nécessairement cette analyse, il convient tout de même d'en tenir compte.
L'exposé du rapporteur général était lucide et éclairant. Lors de mon voyage dans les pays baltes en 2001 avec Pierre Moscovici et Jacques Chirac, alors Président de la République, celui-ci apportait un message d'espoir en affirmant que nous allions aider leur pays à intégrer la zone euro, ce qui nous a d'ailleurs aidé à régler le difficile sujet des « légations baltes ».
À l'époque, j'avais constaté le fort contraste entre les villes, très en pointe du point de vue technologique, et les zones rurales, très proches de notre France du début du XXème siècle. Alors que les relations avec la Russie et les questions de citoyenneté étaient déjà des sujets de préoccupation, l'intégration dans la zone euro était perçue comme une solution d'avenir. Depuis, l'espoir a fait place au doute, comme l'a montré le rapporteur général avec beaucoup de lucidité. Le chemin pour arriver maintenant au bout de la démarche n'est pas aisé, surtout si les Européens ne sont pas vraiment à même de convaincre c'est un projet que nous pouvons développer en commun.
Je souscris pleinement à l'analyse du rapporteur général sur l'état actuel de la Lettonie et ses relations avec les autres pays européens, en rappelant tout de même les forts liens d'amitié existant également entre ce pays et la France.
Je vous remercie pour ces interventions qui, par le récit des expériences de chacun, enrichissent la connaissance collective.
Pour répondre aux questions qui m'ont été posées, les syndicats comme tous les corps intermédiaires ont une faible influence en Lettonie. Au cours de la période de mise en oeuvre de la politique d'austérité, quelques manifestations ont été organisées et n'ont entraîné que peu de désagréments, tout juste un carreau cassé.
Ensuite, la Lettonie est un pays peu endetté puisqu'il connaît un taux d'endettement public de seulement 44 % du PIB, que beaucoup d'autres pays européens lui envient.
Je partage également le souhait de développement des partenariats avec des pays comme la Lettonie qui peuvent servir de passerelles vers d'autres régions du monde.
Il est vrai que la France et la Lettonie ont développé de forts liens d'amitié. Lors de mon déplacement, j'ai d'ailleurs pu constater que la France avait une bonne image et que sa position en faveur d'une forte régulation de l'activité bancaire et financière en Europe était assez bien partagée. Les autorités lettones rencontrées rejoignent aussi davantage la ligne franco-allemande portée sur la recherche de régulation que la ligne anglaise, plus libérale.
S'agissant de Riga, comme Jean Germain, j'ai pu constater que c'était effectivement une ville sympathique, avec une vie étudiante et festive importante.
La pétition lancée pour demander l'organisation d'un référendum sur l'intégration dans la zone euro a rencontré peu de soutien dans les mouvements politiques et n'a pas réellement mobilisé la population. Le parti russophone, qui cherche à élargir sa base électorale au-delà des barrières linguistiques, se déclare hostile à l'intégration tout en s'y opposant assez mollement.
Il semble finalement que tout le monde souhaite intégrer la zone euro sans vouloir le dire et parfois à reculons. Il ne faut pas oublier que les fonds structurels européens ont apporté beaucoup au pays, avec l'octroi de 450 euros par an et par habitant.
Je partage également le constat de la segmentation du pays entre les agglomérations en pointe et les zones rurales très en retard du point de vue technologique. Toutefois, une réflexion est menée pour tirer partie de cette agriculture peu intensive et encore préservée, en développant une agriculture biologique.
Je remercie le rapporteur général pour cette communication qui nous a permis d'être mieux informés sur la situation de la Lettonie. Impressionné par les mesures drastiques qui ont été prises par les autorités lettones, j'imagine mal comment un tel choc pourrait être appliqué dans notre pays.
Il me reste à demander à la commission si elle donne acte de sa communication au rapporteur général. Je constate un accord unanime et je m'en réjouis.
La commission donne acte de sa communication au rapporteur général.
Puis la commission entend une communication de M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial, sur l'agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI).
En tant que rapporteur spécial des crédits dédiés à la sécurité routière, j'ai décidé de mener un contrôle budgétaire sur l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI). C'est d'ailleurs le seul opérateur de la mission budgétaire « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».
Elle est financée par une partie du produit des amendes de la circulation et du stationnement routiers. L'année dernière, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances, mon attention avait été attirée par l'évolution de son budget de fonctionnement. En particulier, j'avais pu constater une forte augmentation des loyers mais aussi une masse salariale équivalente à 95 000 euros par agent. J'ai donc voulu regarder de plus près la manière dont est géré cet établissement.
Depuis le début de mon contrôle - mais c'est purement fortuit - l'Agence est au coeur d'une petite tempête médiatique qui vient de causer la démission de son directeur. En effet, alors qu'elle a pour mission d'adresser des millions de contravention chaque année, son directeur - semble-t-il - ne payait pas les siennes lorsqu'il s'agissait de sa voiture de fonction.
Ce même directeur avait d'ailleurs appelé mon attention sur la question des flottes d'entreprise. En effet, le plus souvent les entreprises ne désignent pas les conducteurs et se substituent à eux pour le paiement de la contravention. En revanche, il n'y a pas de retrait de point alors que cela constitue une partie importante de la sanction.
Cette situation est d'autant plus regrettable que j'ai eu l'occasion de le rencontrer par deux fois et que je porte une appréciation globalement positive sur son action à la tête de l'Agence.
L'ANTAI est chargé d'envoyer les avis de contraventions relatifs aux infractions relevées par les radars et par les systèmes électroniques de procès-verbal - dit PVé. Elle s'appuie beaucoup sur des prestataires privés. Les effectifs de l'Agence, composée de 26 agents, sont principalement à Paris tandis que sur le site de Rennes, les personnels sont principalement employés par la société Atos Worldline.
Le Centre de Rennes, c'est une « usine à contraventions ». J'ai eu l'occasion de m'y rendre, c'est très impressionnant. Chaque jour, le Centre fait partir 117 000 courriers, la plupart sont des avis de contravention, et en reçoit environ 20 000, la plupart étant des contestations.
Compte tenu de cette organisation, l'Agence emploie surtout des cadres supérieurs de la fonction publique - cadres A ou A + - ou des contractuels spécialisés. Elle ne comprend qu'un cadre de catégorie B et trois cadres de catégorie C. Dès lors, cela explique la moyenne élevée de la masse salariale par agent.
Quant à la double implantation à Paris et à Rennes, l'ANTAI fait valoir qu'elle effectue un important travail interministériel sur Paris. Les loyers sont assez raisonnables puisqu'ils sont de 153 euros par mètre carré à Rennes et de 353 euros par mètre carré à Paris. Auparavant, le loyer était directement pris en charge par le sous-traitant et, en 2012, l'ANTAI a décidé de reprendre le bail à son nom, ce qui donne l'impression que ce poste a augmenté alors que, en réalité, l'Agence a réalisé une économie.
L'Agence est une structure principalement de pilotage. À Rennes, la société Atos emploie près de 70 ingénieurs. Pour suivre leur travail, l'ANTAI a recours à un autre prestataire extérieur. Son budget s'élève à environ 125 millions d'euros, qui se révèle plutôt rigide compte tenu du poids des marchés publics. En outre, compte tenu des volumes traités chaque jour, cela ne paraît pas anormal. L'Agence dispose de 40 à 45 jours de fonds de roulement, soit 14,5 millions d'euros. Le budget me paraît maîtrisé malgré une progression constante du nombre de courriers envoyés. En 2016, elle prévoit d'adresser 46 millions de courriers et d'en recevoir 12 millions.
La démarche de performance de l'ANTAI est tout à fait exemplaire. Elle dispose de plusieurs indicateurs suivis par « un pilote d'indicateur ». À titre d'illustration, 95 % des appels reçoivent une réponse dans un délai de 40 secondes.
En revanche, le taux d'envoi d'avis de contravention par rapport aux infractions relevées par les radars n'est que de 70 %. Autrement dit, 30 % des conducteurs « flashés » ne reçoivent jamais d'avis de contravention. Cela s'explique notamment par l'impossibilité de relever l'immatriculation : plaques sales, absence de plaques à l'avant des motos, etc.
Pour les plaques étrangères, l'entrée en vigueur d'une directive européenne, le 7 novembre prochain, permettra de mieux verbaliser les conducteurs des Etats-membres de l'Union européenne, hors Royaume-Uni, Irlande et Danemark. C'est un point d'effort qui n'est pas négligeable.
J'en termine avec les pistes d'amélioration pour l'ANTAI. D'abord, je pense que l'Agence peut gagner en productivité par une dématérialisation accrue, des procédures de contestations. Aujourd'hui, pour contester une contravention, il faut envoyer une lettre recommandée avec accusé de réception, qui doit systématiquement être numérisée au Centre de Rennes. Au jour le jour, près de 150 personnes sont mobilisées sur différents postes pour assurer le traitement de ces contestations. Certes, comme le souligne le directeur de l'ANTAI, la dématérialisation va entraîner un afflux supplémentaire de contestations. Il semblerait que le fait d'effectuer la démarche de devoir poster une lettre recommandée décourage certains contrevenants. C'est pourquoi, je pense que, même en ligne, il serait possible de demander des frais de dossiers qui auraient le même « impact psychologique ». En tout état de cause, compte tenu des développements informatiques nécessaires, des frais de dossiers seraient tout à fait justifiés.
Une autre piste suivie par l'ANTAI consiste à élargir le champ d'intervention du PVé au-delà des infractions routières. Aujourd'hui, le PVé peut prendre en charge 687 natures d'infractions. À terme, on pourrait porter ce chiffre à 1 000.
En un mot, c'est une Agence dynamique qui effectue sa mission dans des conditions satisfaisantes. À terme, il me semble qu'elle peut encore diminuer ses coûts et augmenter ses ressources par la diversification de ses missions. J'ai bien conscience qu'il s'agit d'évolutions de longue haleine qui doivent être préparées dès maintenant.
Je suis très étonné par le fait que 30 % des « flashs » ne fassent pas l'objet d'un avis de verbalisation.
Compte tenu du nombre considérable de courriers reçus par l'Agence, avez-vous l'impression que les contestations sont traitées avec sérieux ? On m'a rapporté dans mon département le cas d'un tracteur agricole qui avait fait l'objet d'un relevé d'infraction par un radar sur le périphérique ! Et le conducteur a eu toutes les peines du monde pour faire débloquer le dossier. En un mot, est-ce que le recouvrement prime sur la qualité de la réponse ?
Pour ma part, je m'étonne de l'attitude du directeur qui vient de démissionner. Il a fait preuve d'un manque de discernement et la sanction me semble tout à fait justifiée.
J'aimerais connaître l'avis du rapporteur spécial sur la proposition d'abaisser à 80 kilomètres par heure la vitesse sur les routes départementales. Personnellement, je n'y suis pas du tout favorable. Je me méfie de toutes les formes d'intégrisme. Ce n'est pas ainsi que vous empêcherez les excès de vitesse. Nous devons continuer de travailler pour supprimer les points dangereux, installer des glissières de sécurité, etc. Les départements font ces aménagements mais nous n'allons tout de même pas interdire aux gens de circuler !
Vous aviez un questionnement sur les deux sites, à savoir une implantation à Paris et à Rennes. Je suppose qu'il y a une histoire derrière ces deux implantations. L'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), par exemple, a bien un siège à Paris et une plateforme à Charleville-Mézières. Pensez-vous qu'il faudrait rapatrier tous les agents de l'ANTAI à Rennes ?
Ma seconde question rejoint celle d'Albéric de Montgolfier. Comment les contestations, en particulier celles ayant trait aux usurpations de plaques, sont-elles traitées ? Comment cela se passe-t-il en pratique ? Il est extrêmement facile de faire des fausses plaques. Aucun document n'est demandé. Ne faudrait-il pas apporter une preuve lorsque l'on fait faire des plaques d'immatriculation ?
Parfois aussi, les préfectures peuvent prendre un temps assez long pour enregistrer les ventes de véhicules.
Aujourd'hui, il est parfois difficile de traverser la France sans se faire « flasher » par un radar ! Il y a un certain nombre de limitations de vitesse qui n'ont aucune justification sur le plan de la sécurité routière. Le système est aveugle. Je circule régulièrement sur une autoroute sur laquelle la vitesse est limitée alternativement à 130 kilomètres par heure à 110 kilomètres par heure. Ces limitations s'appliquent de la même manière à tout heure de la journée et quel que soit la densité de la circulation.
Parfois, on a le sentiment que l'implantation de radars est justifiée par la levée de recettes plutôt que par la sécurité.
S'agissant du traitement des contestations, deux tiers des lettres reçues concernent la désignation d'un autre conducteur. Quant aux autres, il s'agit certes d'un traitement de masse, qui peut parfois conduire à des incohérences mais, dans l'ensemble, les contestations font l'objet d'une réponse adaptée.
En cas de vol ou d'usurpation de plaques, il faut renvoyer le formulaire avec le récépissé de dépôt de plainte.
Sur la question de la double implantation, Rennes a été choisie car y était implanté le centre de recouvrement de la redevance télévisuelle. On a donc reconverti un service public existant. Je comprends l'argument avancé selon lequel il y a une grosse charge de travail interministériel. Néanmoins, il me semble que l'on pourrait regrouper une plus grande partie des effectifs à Rennes.
Je suis d'accord avec Gérard Miquel. Je me demande néanmoins si, dans d'autres administrations, on effectue des contrôles pour éviter de telles dérives. À mon avis, le directeur de l'ANTAI est loin d'être le seul.
Quant à la baisse de la vitesse sur les routes départementales, j'y suis également défavorable. Il faut se garder de solutions excessives. La politique de sécurité routière a porté ses fruits. Nous devons continuer mais c'est inutile d'aller trop loin. Je rejoins les réflexions de François Fortassin. Nous avons tous constaté que certains radars ne semblaient manifestement pas installés dans des zones accidentogènes. Pour autant, je ne pense pas que nous devons revenir en arrière. Il faut trouver le bon point d'équilibre.
À l'issue de ce débat, la commission donne acte de sa communication à Vincent Delahaye, rapporteur spécial, et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.