La commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois examine, en commun avec la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, le rapport d'information de Mme Jacqueline Gourault et de M. Philippe Kaltenbach, sur la mise en oeuvre du volet de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relatif à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique.
Je souhaite la bienvenue aux membres de la commission pour le contrôle de l'application des lois et au président Assouline, auquel je cède la parole.
Notre dernier rapport de la session fait l'objet d'un examen conjoint avec votre commission des lois. La précarité est une réalité dans la fonction publique. Alors que le principe veut que tous les emplois publics soient occupés par des titulaires, sauf exception ponctuelle, 900 000 agents non titulaires - vacataires, CDD, CDI - sont employés dans les trois fonctions publiques. C'est là un paradoxe. Le législateur intervient régulièrement pour y remédier, mais nos efforts butent sur la reconstitution d'emplois précaires qui visent à ajuster l'emploi public aux besoins réels des administrations.
La loi du 12 mars 2012 dont nous contrôlons l'application, votée sur le fondement d'un protocole de sécurisation professionnelle signé entre l'État et les organisations syndicales, fixe un objectif de réduction de l'emploi précaire. Jouant à la fois sur les stocks et sur les flux, elle autorise la régularisation des situations anormales et stabilise, pour l'avenir, les règles relatives au recrutement de non titulaires et à leur protection. La loi renvoyait à de nombreux décrets d'application, dont certains ne sont pas encore publiés. Nous avons voulu jeter un éclairage sur la situation. Quel bilan tirer de la loi, en tenant compte du fait que les mesures de titularisation prévues ne sont pas encore toutes effectives ?
Il s'agit là, en effet, d'un premier bilan d'étape de la loi du 12 mars 2012, qui faisait entrer dans l'ordre législatif l'accord entre l'État et les organisations syndicales relatif à l'emploi contractuel dans les trois fonctions publiques, signé en mars 2011.
La loi comporte trois volets principaux. Elle ouvre tout d'abord, durant quatre ans à compter de sa publication, soit jusqu'au 13 mars 2016, des voies professionnalisées d'accès aux corps et cadres d'emplois. Elle prévoit, ensuite, qu'à la date de sa publication, seront transformés en contrat à durée indéterminée (CDI) les contrats à durée déterminée (CDD) des agents justifiant d'une durée de service d'au moins six ans auprès de leur employeur à cette même date - trois ans pour les agents âgés de plus de cinquante-cinq ans. Elle clarifie et harmonise, enfin, les cas de recours aux non titulaires et redéfinit les conditions de durée et de renouvellement des contrats.
Les constats que nous avons pu faire restent encore très partiels. Outre que deux décrets d'ouverture des recrutements réservés ne sont pas encore parus, nous avons eu des difficultés, dans certains cas, comme celui de la fonction publique hospitalière particulièrement, à obtenir des chiffres fiables en raison de la transmission très partielle, par les établissements, de leurs données à l'administration centrale du ministère de la santé.
Cette loi, qui fait suite à la loi Sapin de 2001, entre dans le cortège des quelques quinze textes de loi qui prévoyaient un plan de titularisation.
Le fait est que, même s'il convient d'en diminuer le nombre, on ne pourra jamais, à mon sens, se passer de contractuels.
L'éligibilité aux dispositifs temporaires de titularisation prévus par la loi de 2012 s'inscrit dans un cadre fixé par les deux principes statutaires majeurs : l'affectation de fonctionnaires sur les emplois civils permanents et le recrutement par concours. Elle obéit en conséquence à des conditions tenant à la nature du contrat et à une ancienneté de service.
Le contrat, qui peut être à durée déterminée ou indéterminée, doit répondre à un besoin permanent. L'agent doit, au 31 mars 2011, date de signature du protocole d'accord, avoir été en fonction ou bénéficier d'un des congés légaux ou avoir été titulaire d'un contrat ayant cessé entre le 1er janvier et le 31 mars 2011. Lorsque l'agent est titulaire d'un contrat à durée déterminée, il doit justifier d'une ancienneté de services publics effectifs au moins égale à quatre ans sur une période de six ans. L'ancienneté requise est calculée selon des principes favorables aux non titulaires et qui, pour préserver l'équité, tiennent compte de la diversité des situations et de leurs aléas.
La loi prévoyant des modalités de sélection en fonction des grades des corps et cadres d'emplois ouverts aux recrutements réservés, il revenait au pouvoir réglementaire de fixer, par décret, pour chacune des trois fonctions publiques, les modalités de classement des agents déclarés éligibles.
Le champ des corps et cadres d'emplois accessibles à chaque agent est délimité par référence aux fonctions exercées dans le cadre du contrat : celles-ci doivent relever d'une catégorie hiérarchique équivalente à celle des missions définies par leur statut particulier.
Parallèlement à ce dispositif de titularisation, les agents en CDD devaient voir leur contrat transformé en CDI à la date de publication de la loi, soit le 13 mars 2012, sous réserve qu'ils remplissent certaines conditions tenant, d'une part, au fondement de leur contrat et, d'autre part, à la durée des services correspondants.
Ce principe de sécurité minimale n'est pas sans effet sur le succès des voies d'accès réservées à l'emploi titulaire. Il constitue un moteur efficace de stabilisation de la situation des agents qui bénéficieront, au quotidien, des garanties découlant du CDI.
Reprenant les avancées de l'accord du 31 mars 2011, la loi du 12 mars 2012 améliore la lisibilité du cadre législatif de chacun des trois statuts. Elle redéfinit les conditions de durée et de renouvellement des contrats, en les harmonisant lorsqu'elles ne l'étaient pas.
Comment les administrations ont-elles mis en place ces dispositions, qui, bien qu'il s'agisse là du quinzième plan de titularisation, ne concernent pas moins de 900 000 agents, dans les trois fonctions publiques ?
Le Parlement a fixé le cadre, le pouvoir réglementaire a indiqué la méthode. Il est vrai que certains décrets ont tardé à être pris. C'est le cas pour le ministère de l'Intérieur, qui vient de le publier, deux ans après la publication de la loi. Il ne manquerait plus désormais que ceux qui concernent Météo France et la direction générale de l'aviation civile.
À chaque employeur, ensuite, de mettre en oeuvre le plan de titularisation. Les schémas ont été très divers, non seulement à raison de la taille de l'organisme public considéré, mais aussi de la volonté plus ou moins marquée dont chacune a fait preuve, en particulier pour intégrer ces dispositions dans une véritable politique des ressources humaines, gage de la réussite du plan.
Les administrations et les collectivités nous disent avoir apporté un soin particulier dans l'information délivrée aux agents concernés, mais tous les syndicats ne l'ont pas perçu ainsi et certains regrettent le manque d'information dans certains secteurs.
Le système repose sur un inventaire préalable des personnes éligibles. Nous manquons, malheureusement, d'une information complète sur ces états des lieux, que chaque administration et établissement a été invité à produire, en particulier pour les collectivités locales pour lesquelles l'information est parcellaire. Quant aux établissements hospitaliers, certains, considérant la demande de la direction générale de l'offre de soins (DGOS) comme une ingérence, ont même refusé de la fournir.
Pour la fonction publique d'État, l'information est plus précise. Sur 2,4 millions d'agents, 14 % ne sont pas titulaires. Les décrets d'ouverture ont fixé le nombre d'agents éligibles entre 38 000 et 39 000, dont 62 % de catégorie A, 17 % de catégorie B et 21 % de catégorie C. C'est un total proche de l'estimation de 40 000 effectuée lors de la conclusion de l'accord du 31 mars 2011.
Pour la fonction publique territoriale, les données sont incomplètes, mais on estime de même le nombre d'agents éligibles à 40 000, avec une proportion plus importante d'agents de catégorie C, parce qu'ils sont plus nombreux dans cette fonction publique.
Pour la fonction publique hospitalière, on estime, par extrapolation des données parcellaires, que les titularisations devraient également être de l'ordre de 40 000.
Au regard des règles fixées par la loi, l'ensemble représente un total non négligeable.
Pour ce qui concerne le passage de droit au CDI, 19 000 agents devraient être concernés dans la fonction publique territoriale, près de 9 000 dans la fonction publique hospitalière et nous aurons bientôt connaissance du nombre d'agents de l'État concernés.
Les dispositifs ont été plus ou moins ouverts, selon les employeurs. Globalement, les ministères ont joué le jeu. Près de 8 000 postes ont été ouverts - dont 4 000 pour l'Éducation nationale et 2 000 pour l'enseignement supérieur et la recherche - et 4 000 lauréats ont été admis, à ce jour, sur concours réservé.
Pour la fonction publique territoriale, il ressort de nos auditions que la plupart des éligibles devraient être titularisés d'ici à la fin du plan quadriennal. Certaines difficultés de mise en oeuvre ont été relevées. Ainsi, certains des jurys constitués pour ces recrutements réservés se comportent comme des chambres d'enregistrement, quand d'autres se montrent plus sélectifs. Beaucoup de collectivités ont confié leurs sélections professionnelles à leur centre de gestion, par lesquels sont passés la moitié des recrutements. Le taux de réussite des candidats est, au total, de 88 %.
C'est la fonction publique hospitalière qui a connu le plus de difficultés. Elles tiennent, tout d'abord, au manque d'attractivité de certaines professions. L'exercice libéral de la kinésithérapie ou de l'orthophonie, par exemple, est plus rémunérateur que la fonction publique, que peu de praticiens souhaitent intégrer. Il faut donc bien distinguer entre les agents, souvent de catégorie A, qui préfèrent n'être pas titularisés et ceux, souvent de catégorie C, qui subissent la précarité. Bien que l'on ne dispose que de données partielles, provenant de quelque 500 établissements seulement, il est clair que la fonction publique hospitalière est celle qui se heurte au plus grand nombre de difficultés pour aboutir à des titularisations.
Au terme de deux années, on peut estimer, d'une manière générale, que la contrainte financière peut être un obstacle. Certains agents préfèrent rester non titulaires, pour ne pas perdre 20 % à 25 % de rémunération, tandis que d'autres, souvent en catégorie A, apprécient la souplesse qu'offre le contrat.
Malgré les freins relevés, on peut espérer atteindre, au terme du plan quadriennal, l'objectif fixé par la loi, mais quelques inquiétudes demeurent pour la fonction publique hospitalière.
La réforme du régime des contrats territoriaux soulève trois interrogations. En premier lieu, la limitation de la durée des contrats sur vacance temporaire à deux ans au plus a créé une gêne. Il s'agit, en cette matière, de concilier deux exigences : la légitime préoccupation des collectivités territoriales, qui font état de difficultés de recrutement, et le souci de ne pas alimenter, par ce biais, la précarité, sachant que ces contrats ne sont pas éligibles au passage au CDI prévu par la loi.
Le Sénat, lors de l'examen de la loi du 12 mars 2012, avait, à l'initiative de notre collègue Jacques Mézard, souhaité élargir, dans ce cas, la période de reconduction du contrat à une durée maximale de quatre ans. Le gouvernement s'y était opposé, soucieux notamment de respecter l'accord signé avec les organisations syndicales. L'Assemblée nationale, à son initiative, avait rétabli le délai de deux ans.
Aujourd'hui, les associations d'élus souhaiteraient que la durée maximale soit portée de deux à trois ans. Vos rapporteurs considèrent qu'une telle modification, sans bouleverser le nouvel équilibre du régime des contractuels, permettrait de répondre aux attentes des collectivités sans fragiliser la situation des personnels.
Se pose, en deuxième lieu, le problème des commissions consultatives paritaires. Outre que la loi restreint leur compétence à certains contrats, leur organisation par catégorie se révèle lourde et complexe en raison de la répartition des non titulaires.
Vos rapporteurs plaident pour une résolution rapide de ces difficultés alors que les prochaines élections professionnelles dans la fonction publique sont fixées au mois de décembre prochain : il serait bon d'élargir leur champ de compétences à l'ensemble des non-titulaires recrutés sur un emploi permanent et de mettre fin à leur organisation par catégorie.
La troisième difficulté tient aux conséquences, pour les collectivités territoriales, de l'ouverture du CDI aux collaborateurs de groupes d'élus dont le contrat serait reconduit au terme de six années. Cette transformation implique la création d'un emploi permanent pour des postes par nature précaires et d'essence politique. Cette contradiction n'avait pas échappé à votre commission des lois qui s'était opposée, en vain, à l'adoption de cette mesure. Peut-être conviendra-t-il d'encadrer les conditions de recrutement de ces personnels.
Ce sont là les trois points sur lesquels nous pourrions faire évoluer le texte de 2012.
Un mot pour conclure. Globalement, les employeurs publics ont respecté l'esprit de la loi de 2012. Les milliers de titularisation ou de passage au CDI engagés vont sortir des agents de la précarité. Ces titularisations n'en ont pas moins suscité quelques tensions, notamment chez les lauréats des concours de droit commun, qui voient ces nouveaux arrivants par concours réservés d'un oeil un peu critique, d'autant que cela n'est pas sans effet sur le système de l'avancement de grade.
Il ne serait pas bon, au demeurant, de renouveler trop fréquemment ce type de plan. C'est pourquoi la loi prévoyait des dispositions pour éviter que le stock d'emplois précaires ne se reconstitue. Mais les résultats ne sont pas encore au rendez-vous, ainsi qu'il ressort de nos investigations. Il faudrait des mesures fortement incitatives pour que les employeurs ne recourent au contrat qu'avec discernement.
Pour certains métiers, enfin, comme ceux de la filière médico-sociale, il nous semble problématique de demander à des personnes qui ont déjà passé un concours difficile d'en passer encore un autre pour accéder à la fonction publique territoriale. Les intéressés le vivent mal. La solution serait peut-être de recruter par concours sur titres certains agents et de mieux valoriser leur métier.
Si donc le plan de titularisation devrait remplir ses objectifs, il conviendra d'être vigilants pour éviter de voir se reconstituer un stock de non-titulaires.
Je remercie les rapporteurs pour cet intéressant travail. Qu'il soit bien clair que nous sommes contre l'emploi précaire, mais il faut avoir conscience qu'il n'est pas toujours défavorable aux agents concernés. Dans les collectivités, il permet souvent de recruter dans la commune, sans concours.
Il y a des vérités qu'il faut dire. On recrute souvent dans la commune quelqu'un que l'on connaît et qui remplit bien ses fonctions. Ce n'est qu'ensuite que se pose le problème de la titularisation.
S'il est désormais plus facile de recruter des contractuels, nous le devons aux lois européennes, qui ont apporté des assouplissements.
Une question sur les délais. Dans mon souvenir, il était, dans le temps, de trois ans, renouvelables une fois. Il y a eu, semble-t-il, régression. Nos rapporteurs peuvent-ils m'éclairer sur ce point ?
Je remercie à mon tour les rapporteurs.
Le bilan de la loi, pour le ministère des Affaires étrangères, est préoccupant. Elle conduit à mettre en cause les contrats avant la date butoir. Des personnels qui remplissent parfaitement leurs fonctions mais qui ne sont pas considérés comme polyvalents sont ainsi précarisés : on ne renouvelle pas leur contrat au terme de quatre années pour éviter d'avoir à les passer en CDI. Que le ministère soit ainsi conduit à bafouer la loi est d'autant plus étonnant que les affectations dérogatoires y sont considérables : 85 % pour les titulaires. Il n'est donc pas juste d'affirmer, dans le cas présent, que le recours au contrat vise à éviter des contraintes.
J'émets, enfin, des réserves sur l'accès à la titularisation sans concours qu'évoquait Philippe Kaltenbach comme une piste pour certains métiers.
Chaque fois que l'on fait une loi sur la précarité, on n'en voit pas moins les emplois précaires refleurir. Il est vrai que cela est lié, dans certains cas, au fait qu'il s'agit d'emplois très spécialisés. Et que la possibilité de recourir au CDI dans la fonction publique, que nous avons votée naguère, ouvre à ces agents une carrière et la possibilité de voir évoluer leur rémunération.
Les situations varient beaucoup selon la fonction publique concernée. Dans la fonction publique d'État, c'est le concours qui prévaut. Le tout est de l'organiser. Dans la fonction publique territoriale, il en va un peu autrement, si j'en crois ce que vient de dire notre collègue du Gard - il est vrai que les pratiques qu'il décrit sont plus développées au sud, quand les départements du nord, qui manquent souvent de candidats aux concours, comme cela est le cas de la grande couronne parisienne, s'emploient à importer des fonctionnaires.
Si la titularisation ne passe plus que par un simple examen d'aptitude, il n'y a plus de concours que fictif. Que les collectivités territoriales permettent à leurs agents de passer les concours me paraît une bonne chose, mais si elles ne jouent pas le jeu, c'est un problème.
En ce qui concerne le recrutement sur titres, j'appelle à la prudence. À l'heure actuelle, pour un certain nombre de métiers de la santé, il n'y a certes pas concours, mais on organise un entretien destiné à vérifier les qualités psychologiques et l'adaptation à l'emploi des personnes à recruter. On ne s'improvise pas médecin de PMI ou infirmier psychiatrique.
Je rends hommage à nos rapporteurs, tout en rappelant que réduire la précarité ne saurait être le seul objectif. Plusieurs principes d'intérêt général doivent aussi être recherchés. Premier principe : l'égal accès à l'emploi public, qui fonde le système du concours. Passer par un autre type de recrutement, c'est y déroger. Le deuxième principe cependant, de mutabilité du service public, fait que dans de multiples domaines, on ne recrute pas de titulaires. Je pense aux chargés de TD des universités, mais aussi aux personnels des centres de loisirs : n'y mettre que des titulaires n'aurait pas le sens commun. Le terme de précarité a été imposé par les syndicats, mais c'est oublier qu'il est logique de rencontrer, dans les trois fonctions publiques, des agents durablement non titulaires. Troisième principe, enfin : l'accès à la promotion après vérification des capacités professionnelles. Il s'agit de vérifier, souvent sous forme d'examen, que l'agent a acquis les compétences requises. J'ajoute qu'un organisme public ne peut recruter un titulaire que s'il a la certitude qu'il pourra durablement l'assumer.
Sous quelles conditions peut-on recourir au contrat ? Pour assurer un remplacement non pourvu par un titulaire, ou un remplacement pour maladie. Des limites de durée s'imposent pour éviter le risque de titularisation d'un agent recruté sans aucune sélection pour combler une vacance. Pour les cas où il n'existe pas de cadre d'emplois, ou ceux où l'on n'a pas pu trouver un titulaire, j'admets le contrat de trois ans, mais pour les autres cas, je trouve légitime que l'on reste à deux ans.
Dans la fonction publique territoriale, on a tendance à considérer, sous l'influence de certains parlementaires, que le président de la commission d'évaluation professionnelle doit être le président de l'exécutif local, flanqué d'un cadre de la collectivité, soumis au pouvoir hiérarchique, et d'un troisième larron. Voilà qui conduit à un certain clientélisme, alors qu'il devrait être fait appel aux centres de gestion, qui sont là pour cela.
Il est bon de se pencher sur les effets des lois que nous votons. Cela dit, c'est une tâche sans fin que ces plans de résorption de l'emploi précaire. Faudra-t-il un seizième plan ? Plus les contraintes budgétaires seront lourdes, moins on arrivera à régler le problème. Il est aussi des exigences à prendre en compte, comme la mobilité, ou le simple remplacement des absents.
Le problème, c'est que le recours au contrat est aussi une manière de détourner la règle du concours. Je laisse toutefois à Jean-Jacques Hyest la responsabilité de ses propos sur les départements du sud ! Le recrutement hors contrat peut apporter une certaine souplesse. Certains départements ont beaucoup de mal à recruter des titulaires. Je l'ai, comme maire, expérimenté. Moyennant quoi l'on prend qui l'on trouve, sous réserve de ses capacités.
Si donc il est bon de veiller au respect des règles de la République, je crois que pour toutes ces raisons, on aura du mal à éviter les entorses, inévitables, à la règle du concours.
La grande diversité des situations rend l'analyse complexe. Mais il reste que le traitement n'est pas égal selon les ministères. Au ministère de l'Agriculture, les agents de catégorie B et C perdent leur temps plein en cas de titularisation : ils ne sont plus qu'à 70 %, quand les cadres de catégorie A conservent leur temps plein. Un amendement à la loi relative à l'agriculture a tenté d'y remédier, mais il faudra veiller, d'une manière générale, au respect du principe d'égalité.
Quant au domaine de la recherche, il reste largement soumis à la précarité. On peut d'ailleurs s'interroger sur les dernières mesures touchant l'enseignement supérieur.
Je remercie nos rapporteurs pour ce bilan d'étape sur un sujet important. Je veux rappeler ici notre attachement à la fonction publique territoriale, où le principe d'égalité, donc le concours, doit primer. Or, le glissement vers le contrat est de plus en plus fréquent. Et le taux de non-titulaires peut varier dans des proportions considérables selon les collectivités. Dans mon conseil général, il n'est que de 5 %, quand la moyenne dans la fonction publique est plutôt à 20 %. Preuve que l'on peut faire des efforts.
J'ajoute que recruter un contractuel sur un poste spécifique qu'il occupera toute sa carrière peut être bloquant. La mobilité professionnelle devrait être favorisée. Je pense, par exemple, au personnel des crèches, nombreux dans ma collectivité, que l'on ne peut pas maintenir indéfiniment dans ces fonctions difficiles. Un fonctionnaire doit pouvoir évoluer et exercer des métiers différents. Cela suppose certes des moyens, mais on peut faire des progrès en ce sens.
Le rapporteur a évoqué le cas de la fonction publique hospitalière, où certains agents de la filière sanitaire et sociale qui ont déjà passé un concours difficile doivent en repasser encore un pour être titularisés. Cette obligation, à ma connaissance, n'existe pas à Paris. Il faut faire évoluer les choses, et remédier du même coup à cette inégalité. Cela mérite débat avec les organisations syndicales.
Je souscris à ce qui a été dit. J'ai été rapporteur de la loi, que j'ai chaudement défendue. Le seul problème n'est pas seulement du passage du contrat au statut. Le droit public du travail est ainsi fait qu'il est quasiment impossible, dans la fonction publique territoriale, de sanctionner un agent. Il faut constituer un dossier, puis plaider devant les instances disciplinaires. C'est une véritable épreuve, qui se transforme souvent en procès de l'élu. Autant il faut défendre le statut et les droits des agents, autant il faut aussi défendre le droit de l'administration à faire respecter les règles du jeu.
Simon Sutour s'interroge sur la durée légale des contrats à durée déterminée. En cas de vacance temporaire, elle peut être de deux fois un an. Nous proposons de passer la durée maximale, renouvellements compris, à trois ans, pour laisser le temps d'organiser un concours. Pour les recrutements sur emploi permanent, la durée est de trois ans renouvelables une fois. Il peut s'agir de recrutements sur des postes spécialisés - informaticien, chargé de communication, spécialiste de la gestion de la dette - où l'on ne trouve pas de titulaires.
Le ministère des affaires étrangères, qu'a évoqué Jean-Yves Leconte, est un milieu particulier. Les missions qu'il a à remplir sont très spécifiques.
Les concours sur titres sont possibles dans la fonction publique hospitalière, mais pas dans la fonction publique territoriale.
Nous préconisons des concours sur titres. Je pense, par exemple, aux auxiliaires puériculteurs. L'obligation d'organiser un concours peut être un facteur bloquant, qui crée des pénuries.
Sans compter que les concours présentent aussi des risques. Il y a de terribles longueurs entre deux concours, qui peuvent être extrêmement gênantes.
Sur 900 000 non-titulaires, le plan ne conduira qu'à la titularisation de 100 000. Les 800 000 restants laisseront bien de la souplesse pour faire fonctionner les cantines ou les sorties d'école. Voilà qui devrait rassurer Alain Richard.
User du terme de précarité est un beau coup psychologique des organisations syndicales. Le contrat n'est pas un mal en soi.
Nous avons encore reçu les organisations syndicales hier. Je leur ai fait observer que le terme de précarité englobe tous les contractuels, alors que certains préfèrent le rester, parce que cela est plus rémunérateur. J'ai aussi fait valoir qu'il y avait quelque contradiction à défendre mordicus le concours tout en réclamant des titularisations sur concours réservé. J'ajoute qu'il y a aussi de la précarité chez les fonctionnaires. Cela valait d'être dit.
Les syndicats ont insisté, pour leur part, sur la faiblesse de certains salaires.
Il y aurait, selon Jean-Jacques Hyest, une particularité du sud... Il y en a certes sur l'île de la Réunion, mais reconnaissons qu'elle est située très au sud...
Le service public assure des missions indispensables. La noblesse de la fonction, au service des autres, dans les hôpitaux, les écoles, les universités, exige certaines garanties, si l'on veut un service public de qualité.
Enfin, il faudra mesurer les effets à long terme du passage au CDI automatique après deux contrats de trois ans. Cela aura inévitablement des conséquences sur la composition de la fonction publique et entrainera une double gestion. Il faudra y réfléchir.
L'intitulé de la loi prête à confusion. L'objectif est d'éviter la précarité, mais tout en conservant un volant de souplesse.
Je m'interroge, pour ma part, sur la nature des concours. Au ministère de l'Éducation nationale, on voit cohabiter des contractuels qui ont une expérience considérable, et des jeunes frais émoulus du concours qui ne savent pas tenir une classe. Et l'on voit pourtant certains s'insurger contre la titularisation de maîtres auxiliaires chevronnés. Ceci pour dire que le concours ne remplace pas l'expérience professionnelle.
Il faut faire en sorte que la loi soit crédible, mais on ne peut pas exclure que la précarité se reconstitue, exigeant une nouvelle loi.
Un mot, pour finir, sur les travaux de contrôle de l'application des lois. Menés selon le principe du binôme, ils ont été une réussite. Mais le combat pour le contrôle de l'exécutif reste à mener. Le taux d'applicabilité des textes, de 65 %, tombe à 40 % quand sont concernés des propositions de loi ou amendements à l'initiative de l'Assemblée nationale, à 25 % quand il s'agit de proposition de loi ou d'amendements à l'initiative du Sénat. Ce qui signifie que même quand l'initiative parlementaire aboutit, des empêchements demeurent. Nous devons être vigilants.
Permettez-moi une courte remarque : attention à ne pas tomber dans le populisme anticoncours. Le concours est la seule voie égalitaire d'accès à la fonction publique.
La commission autorise la publication du rapport d'information.
La réunion est levée à 10 h 50.