La commission examine le rapport pour avis sur le projet de loi n° 636 (2013-2014) portant nouvelle organisation territoriale de la République.
La réunion est ouverte à 15 heures.
EXAMEN DU RAPPORT POUR AVIS
Nous examinons le rapport pour avis sur le projet de loi n° 636 (2013-2014) portant nouvelle organisation territoriale de la République, dit NOTRE, que nous avons confié à Rémy Pointereau. Celui-ci étant toutefois empêché cette semaine, il a demandé à notre nouveau collègue Michel Vaspart de le remplacer.
Il n'est évidemment pas nécessaire d'insister sur l'importance de ce texte pour l'ensemble des collectivités territoriales et les territoires que nous représentons.
Plusieurs articles interviennent dans des champs concernant directement notre commission - aménagement du territoire, accès aux services publics, transports, mobilité, déchets, fracture numérique... Il est donc important que notre commission puisse lui imprimer sa marque. Les amendements que nous adopterons en seront un premier signe. C'est aussi la raison pour laquelle j'ai demandé à avoir un temps de parole spécifique, en tant que président de notre commission, dans la discussion générale qui aura lieu le mardi 16 décembre après-midi.
Je vous présente ce rapport au nom de notre collègue Rémy Pointereau, qui ne peut être présent cette semaine et vous prie de l'excuser. Les propos que je tiendrai ici sont donc les siens, même si je les exprime à la première personne.
La présentation de ce projet de loi n'est d'ailleurs pas trop difficile puisque, comme l'a très justement résumé Jean-Pierre Raffarin au cours de son audition, « nous connaissons tous le sujet ; il s'agit maintenant d'arbitrer. C'est le gros avantage du Sénat : nous n'avons pas à chercher les compétences ailleurs. » Je m'en tiendrai donc à quelques remarques d'ordre général, avant de vous présenter plus en détail les articles soumis à l'avis de notre commission.
Tout d'abord, sur la forme. Cette réforme territoriale est menée dans un désordre et une confusion absolus ! Les élus des zones rurales ne comprennent pas l'enchaînement des lois relatives à l'organisation de la République - mais les communes urbaines le comprennent-elles mieux ? Il aurait sans doute été préférable de réfléchir à une loi-cadre, déclinée ensuite dans d'autres textes. Or l'approche qui a été retenue est celle d'une fragmentation entre la loi du 27 janvier 2014 qui crée les métropoles, le projet de loi sur la délimitation des régions dont l'adoption définitive est imminente et le présent texte sur l'organisation territoriale de la République.
La première erreur, nous la connaissons, a été de faire des redécoupages avant de réfléchir à la répartition des compétences ! En effet, il ne s'agit pas simplement de redessiner une carte ! La réforme n'est pas faite pour les élus, mais pour les citoyens, pour l'amélioration de leur cadre de vie. Le but ultime est de faire en sorte que le service qui leur est rendu soit de meilleure qualité et coûte moins cher. Sur ce point, la question du regroupement des régions touche finalement peu les élus de terrain. En revanche, l'évolution des conseils généraux est un vrai sujet, car ce sont bien les premiers partenaires des élus au quotidien.
Les élus locaux se font également du souci s'agissant des ressources financières. Il est vrai que les communes rurales sont habituées à la disette, compte tenu de la faiblesse de leur base fiscale et de l'absence de cotisation foncière des entreprises sur leurs territoires. Mais ce n'est pas pour autant qu'il faut se satisfaire de l'absence d'étude des impacts financiers de ce projet de loi ! Une telle évaluation faisait également défaut à la loi du 27 janvier 2014, muette sur les nouveaux coûts supportés par les intercommunalités.
Il aurait donc fallu définir, dès le départ, les ressources et les compétences des régions avant de les fusionner. Comment évoquer en effet la puissance financière des régions si elles n'ont pas de ressources ? La fusion de deux régions n'augmente pas leurs moyens !
J'en viens maintenant aux remarques de fond, puisque l'objectif est de clarifier les compétences pour renforcer l'efficacité de chaque collectivité, en mettant notamment fin à la clause de compétence générale. Encore faut-il définir les missions avant de décliner les compétences ! Le Gouvernement a fait le pari aveugle de renforcer les régions et de confier l'exercice des compétences de proximité aux intercommunalités, avant d'envisager un temps, la suppression des départements à horizon 2020.
En ce qui me concerne, j'estime que cette solution ne correspond pas à la réalité des besoins ressentis sur le terrain. Des missions précises se dessinent : la commune est la base de la démocratie de proximité et du renforcement du lien social ; le département est le gestionnaire de proximité qui garantit la couverture en services publics ; la région est l'échelon de la stratégie qui veille à l'accessibilité du territoire en grandes infrastructures.
Il faut veiller à bien garder à l'esprit cette logique, car elle correspond à la manière dont s'expriment les besoins. Les revirements successifs du Gouvernement ne sont pas de nature à clarifier les choses. Ainsi, on envisage à présent de confier la distribution de l'électricité et de l'eau potable, effectuée par les syndicats, aux départements qu'on voulait supprimer il y a peu ! Il faut bien dire que les conseils généraux sont les principaux perdants du projet de loi. Le département perd beaucoup de compétences, ce qui peut avoir pour effet pervers de faire apparaître une forme de concurrence avec les syndicats. Je pense d'ailleurs que la tendance à venir est la constitution de grands syndicats départementaux pour la gestion de l'eau ou des déchets.
D'une façon générale, il ressort bien, de l'ensemble des débats et auditions sur ce texte, que les conseils généraux souhaiteraient conserver certaines compétences que les régions ne semblent d'ailleurs pas demander. Et les régions, elle, aspirent à certaines compétences d'État, qu'il ne veut pas leur déléguer. Nous sommes ici un certain nombre de sénateurs à avoir imaginé que les régions et les départements puissent fonctionner comme les communes et les communautés de communes. Nous aurions ainsi deux couples où l'instance inférieure, douée de compétence générale, mutualiserait dans l'instance supérieure ce qu'elle ne peut faire seule. Une élection des conseillers régionaux au second degré, comme autrefois, ferait de la région une communauté de départements, ce qui éviterait les doublons.
Ces réflexions m'amènent logiquement à aborder la question du bloc communal. Je partage la vision d'une République au plus près du terrain. La seule réponse à la complexité croissante de notre société, c'est la proximité. Il faut que les compétences de proximité restent au bloc local. Il est essentiel de remettre la commune au coeur du dispositif. Le citoyen comprend ce qui se passe dans la commune : elle constitue la base de la République, il n'est pas possible de s'en passer. Je me méfie de l'administration parisienne, qui envisage, tous gouvernements confondus, de faire élire les présidents de communautés de communes au suffrage universel et à terme, de supprimer les maires.
Faire le pari de la commune ne freine en rien la mutualisation. Nous la pratiquons d'ailleurs depuis longtemps aves les déchetteries, les équipements sportifs et dans bien d'autres domaines ! Qu'est-ce d'autre qu'une communauté de communes ? Il y a bien mutualisation, mais les décisions sont prises autour de la table : le maire reste le médiateur de la complexité générale.
Il faut donc faire attention à ne pas renforcer excessivement les intercommunalités. En zone rurale, les élus locaux ont du mal à les appréhender. En zone périurbaine, elles ne sont parfois que des décompressions des budgets des villes-centre. Et leur domination politique sur les communes périphériques est une réalité. N'oublions pas que les élus locaux éprouvent toujours une sorte de rejet du pouvoir politique dominant !
Je regarde également d'un mauvais oeil le système qui consiste à répartir les dotations en fonction du degré de mutualisation. La mutualisation doit rester libre pour s'adapter au territoire.
L'intercommunalité n'est pas la réponse à tout. Associer 20 ou 25 communes pauvres ne fait pas une intercommunalité riche. Je ne crois pas aux fusions arbitraires. Le seuil des 20 000 habitants, prévu par le projet de loi, soulève une profonde inquiétude chez les élus ruraux. Dans ces territoires, il est en effet difficile d'atteindre un ensemble de cette taille, sauf à ignorer les distances et les coûts induits. En zone urbaine en revanche, 20 000 habitants, c'est peu. Nous devons sortir d'une logique purement quantitative et privilégier l'humain en adoptant une logique qualitative ! Faisons confiance à l'intelligence collective des élus locaux pour placer le curseur au bon endroit. Pourquoi ne pas laisser chaque département, par le biais de la commission départementale de coopération intercommunale (CDCI), décider du niveau pertinent du seuil en fonction des réalités territoriales ?
J'en ai terminé avec ces considérations générales qui expliquent ma position sur chacun des sujets précis dont notre commission s'est saisie sur ce projet de loi. Pour rappel, celui-ci comporte 36 articles divisés en six titres. Le titre Ier, qui comporte les articles 1 à 13, a trait au renforcement des compétences régionales et à l'évolution de la carte des régions. Le titre II, avec les articles 14 à 23, porte sur les questions relatives aux communes et à l'intercommunalité. Le titre III, qui contient les articles 24 à 29, traite des enjeux d'accessibilité et de solidarité territoriale. Le titre IV, avec les articles 30 à 34, vise à améliorer la transparence et la responsabilité financières des collectivités territoriales. Le titre V, avec les articles 35 et 36, regroupe les dispositions relatives aux agents. Enfin, le titre VI rassemble les dispositions transitoires et finales dans un unique article 37.
J'entre à présent dans le détail des onze articles dont notre commission s'est saisie pour avis.
L'article 5 crée un plan régional de prévention et de gestion des déchets. Vous le savez, trois schémas coexistent aujourd'hui : les plan régionaux de gestion des déchets dangereux, les plans départementaux de gestion de déchets non dangereux, et les plans départementaux de gestion des déchets du bâtiment. L'objectif de l'article est de simplifier cette planification en rassemblant ces trois plans en un seul, au niveau régional. L'idée est de mieux prendre en compte les évolutions démographiques, techniques, et les objectifs de valorisation. Je crois que cet article participe d'une rationalisation nécessaire de la planification en matière de gestion des déchets et je vous proposerai donc d'émettre un avis favorable à son adoption.
L'article 6 crée un schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire, qui a vocation à absorber les schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie, les schémas régionaux de l'intermodalité et les plans régionaux de prévention et de gestion des déchets. Le SRADDT est donc conçu pour devenir le document essentiel de planification des orientations stratégiques des régions en matière d'aménagement du territoire, de mobilité et de lutte contre le dérèglement climatique.
Là encore, la volonté de rationalisation de la planification est louable ; pour autant, un point mérite notre attention. Le gouvernement souhaite que ces nouveaux schémas aient une valeur prescriptive à l'égard des documents d'urbanisme (SCoT, PLU) élaborés par les communes ou leurs groupements. À l'heure où nous réfléchissons tous aux moyens de réduire le nombre de normes afin de simplifier la vie des collectivités, des entreprises et des citoyens, le principe de subsidiarité devrait prévaloir dans le cadre de cette réforme territoriale. Il n'est pas souhaitable que ces schémas régionaux puissent imposer des règles territorialisées aux échelons inférieurs. Sans aller jusqu'à parler de tutelle, je crois toutefois qu'il s'agit d'une atteinte contreproductive à la libre administration des collectivités. Sans modifier l'équilibre du schéma, qui me semble être un outil rationnel de planification, je vous proposerai donc de supprimer ce caractère prescriptif.
L'article 7 prévoit l'entrée en vigueur du nouveau schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire : ces schémas pourront être mis en place à l'expiration des précédents schémas régionaux, ce qui laisse un délai aux collectivités pour s'adapter. L'article prévoit aussi, comme c'est malheureusement de plus en plus souvent l'usage, une habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance dans un délai de 18 mois à compter de l'entrée en vigueur de la loi, pour préciser le contenu du nouveau schéma. Je vous proposerai de supprimer cette habilitation. Les modalités d'élaboration et le contenu du schéma sont précisés dans le projet de loi : cette habilitation ne se justifie pas.
L'article 8 octroie aux régions la responsabilité de l'ensemble des services de transport routier non urbain, y compris les transports scolaires. Or, il s'agit d'une compétence de proximité, qui ne sera à mon sens pas mieux gérée à l'échelon régional, en particulier si les régions sont élargies ! Leur transfert pourrait même engendrer des surcoûts de gestion. Je vous propose donc un amendement de suppression de l'article, afin que les départements puissent continuer à gérer ces services de transport routier comme aujourd'hui, qu'il s'agisse des services réguliers ou à la demande.
L'article 9 transfère la voirie départementale aux régions. Dans la même logique, je vous proposerai un amendement de suppression. La gestion des routes nécessite d'être effectuée au plus près du terrain, afin de permettre une certaine réactivité face aux accidents ou intempéries. Dans ce cadre, il ne me paraît pas raisonnable de transférer cette compétence aux régions, qui doivent rester des collectivités territoriales à dimension stratégique et non opérationnelle. Je rappelle en outre que les départements ont développé une réelle expertise dans ce domaine depuis le début des années 1980 ; il serait dommage de s'en priver.
L'article 10 ouvre une possibilité pérenne de transférer, au cas par cas, les aérodromes pour lesquels il est plus approprié de confier la compétence aux collectivités territoriales intéressées. La logique est radicalement différente de celle retenue en 2004, où le transfert de 150 aérodromes était une opération ponctuelle et unilatérale de l'État. Il s'agit désormais de reconnaître aux collectivités un droit permanent, à partir du moment où l'aéroport n'est plus d'intérêt national ou nécessaire à des besoins militaires, à bénéficier du transfert, sur la base du volontariat. Je suis favorable à cette disposition, qui aura pour effet de décentraliser un nombre limité d'aéroports. Cela donnera surtout une cohérence d'ensemble aux aéroports restant de la compétence de l'État, c'est-à-dire ceux qui jouent un rôle structurant ou stratégique.
L'article 11 met en place une procédure de transfert des ports relevant du département aux autres échelons, à savoir la région et le bloc communal. Environ 270 ports sont a priori concernés par cette opération. La procédure sera conduite sous l'égide du préfet de région, qui tranchera in fine entre les candidatures concurrentes, si la concertation prévue n'a pas abouti. Je suis favorable à cette disposition, en phase avec les conclusions du rapport remis l'été dernier par notre collègue Odette Herviaux au ministre Frédéric Cuvillier, sur la décentralisation portuaire. Les ports sont des noeuds économiques stratégiques, qui nécessitent des compétences très larges, afin d'exploiter au mieux leur hinterland. Je vous propose simplement de supprimer le caractère automatique du transfert à la région au 31 mars 2016, afin de laisser davantage de temps à la concertation, en particulier pour les petits ports de plaisance qui représentent beaucoup de charges d'entretien et qui ne susciteront pas forcément de candidature spontanée.
L'article 14 propose d'accroître la taille minimale des EPCI à fiscalité propre en relevant le seuil de 5 000 à 20 000 habitants. Je viens de vous exposer ma position sur ce sujet. Je vous propose donc logiquement d'adopter un amendement qui conserve le seuil actuel des 5 000 habitants, laissant à la CDCI le choix de l'augmenter en fonction des réalités du département concerné. Cet article a également pour objectif de réduire le nombre des structures syndicales intervenant dans les domaines de l'eau potable, de l'assainissement, des déchets, du gaz, de l'électricité et des transports. Je vous proposerai un amendement pour préciser que l'objectif n'est pas tellement d'éviter les double-emplois, mais plutôt de viser la rationalisation des compétences et des périmètres, afin d'éviter une stérile mise en concurrence des EPCI à fiscalité propre et des grands syndicats.
L'article 25 relance la dynamique des schémas d'amélioration de l'accessibilité des services au public sur le territoire départemental. Je n'y suis pas hostile, mais j'espère simplement qu'ils connaîtront un meilleur succès que ceux initialement prévus par la loi d'aménagement du territoire du 4 février 1995, qui étaient restés lettre morte. Il est vrai qu'il faut continuer à mobiliser les acteurs pour lutter contre l'éloignement préoccupant de certains services publics et privés en zone rurale.
L'article 26 propose une nouvelle mouture des « maisons de services au public » en mettant l'accent sur la mutualisation des services publics et privés. Il s'agit pour l'essentiel d'adapter le droit aux faits, et j'y suis favorable. En effet, ces espaces connaissent depuis quelques années une hybridation croissante entre public et privé. Ils présentent des statuts et des formes d'organisation variés, selon les contextes locaux, et peuvent être portés aussi bien par une personne publique que par une association loi 1901 ou une entreprise commerciale. Il est donc nécessaire de prévoir un cadre juridique souple qui puisse s'adapter à l'ensemble de ces situations. Je me méfie en revanche de l'objectif annoncé par le Gouvernement d'atteindre 1 000 maisons de service au public à horizon 2017, ce qui reviendrait à doubler leur nombre. En dépit de la création annoncée d'un fonds pour les financer, alimenté par les opérateurs, je n'ai aucun doute sur le fait que cette dynamique contribuera inéluctablement à augmenter la charge pesant sur les collectivités locales.
Enfin, l'article 27 clarifie la gouvernance et la répartition des compétences d'aménagement numérique : il est désormais précisé qu'un groupement de collectivités doit avoir bénéficié d'un transfert préalable de compétence de ses membres pour établir et exploiter des réseaux de communications électroniques. Cet article facilite en outre la participation financière des collectivités à un projet numérique porté par un syndicat mixte, en leur permettant le versement de fonds de concours pouvant être inscrits dans la section d'investissement de leur propre budget - et non en section de fonctionnement, comme c'est actuellement le cas. Je vous propose un amendement étendant cette possibilité à l'ensemble des groupements de collectivités, et non aux seuls syndicats mixtes, afin de sécuriser certains montages existants ; je vous propose également de rallonger de dix à trente ans la fenêtre durant laquelle il est possible de recourir à ce dispositif.
Pour conclure, je voudrais insister sur le fait que la décentralisation n'est pas une politique comme une autre. Quand nous sommes dans les territoires, nous voyons la situation des PME, des artisans, des agriculteurs. Or plus leur douleur est grande, moins elle est entendue. A Paris, les gens n'en ont pas conscience. Le véritable succès de la décentralisation, c'est d'avoir apporté la République au plus près du terrain. En s'éloignant de cet esprit, on se rapproche du populisme.
Je ne vois pas vraiment de désaccord entre les amendements présentés et ce que sera sans doute le rapport de la commission des lois.
L'évolution du projet de loi qui visait à supprimer progressivement les départements n'est plus à l'ordre du jour, si j'en crois les derniers propos tenus par le Premier ministre. Par conséquent, tous les transferts de compétences initialement prévus du département vers la région, par exemple les collèges et les routes, doivent être oubliés.
Il importe en revanche que les régions aient des compétences stratégiques. C'est la raison pour laquelle je suis favorable au regroupement des schémas, à l'instar de ce qui est prévu en matière de déchets. Il faut qu'un niveau de collectivité se charge d'assurer la cohérence d'ensemble. Certaines choses sont impossibles à gérer si l'on reste au niveau du département. On ne va pas construire une usine de déchets à Paris, même si l'on aimerait parfois que la capitale contribue davantage aux dépenses.
Un seul sujet me pose problème dans le rapport qui vient d'être présenté : à quoi servirait un schéma régional qui ne serait pas prescriptif ? Si j'ai bien compris les propos du rapporteur, sa critique vaut uniquement en matière d'urbanisme : il est favorable à un schéma prescriptif dans les autres domaines. C'est un point important, car on a multiplié les plans et les schémas sur de nombreux sujets : aménagement du territoire, mobilité, lutte contre le réchauffement climatique... il faut bien rationaliser. Simplement, la question se pose sur le caractère prescriptif du SRADT à l'égard des documents d'urbanisme, SCoT et PLU. En Ile-de-France, notre schéma est prescriptif, il est même approuvé par décret ! La rédaction de l'article 6 est sans doute maladroite, mais il faudra bien réfléchir à ce sujet.
Je précise que Rémy Pointereau entend supprimer le caractère prescriptif dans tous les domaines, et pas uniquement en matière d'urbanisme. En ce qui me concerne, je pense que l'on a dans notre pays un enchevêtrement de documents, qui dépendent tous les uns des autres, et qui bloquent nos projets. Plus nous multiplierons les dispositions prescriptives, plus le problème se posera. À l'heure de la simplification, cette démarche n'est pas très cohérente ! Sur mon territoire, nous venons d'approuver un SCoT et on est en train d'élaborer une charte de parc naturel régional (PNR) : il va donc falloir revoir le SCoT pour assurer sa compatibilité. On gaspille de l'argent public alors même que l'on a de moins en moins de moyens dans les collectivités locales. Attention à ne pas ajouter de nouvelles normes prescriptives : on a besoin de libérer, et non de contraindre à outrance !
Mais il n'y aura plus qu'un seul schéma, c'est quand même un avantage !
Mon sentiment est qu'il y a deux grandes difficultés dans ce projet de loi. La première concerne le seuil des intercommunalités, uniformément fixé à vingt mille habitants : je crois que l'on est tous d'accord pour dire que ce n'est pas satisfaisant. La seconde porte sur le SRADT prescriptif, et je rejoins les propos du rapporteur. Autant il est intelligent de fusionner les trois schémas relatifs aux déchets en un seul, autant l'idée d'un SRADT qui s'imposerait aux SCoT et aux PLU me paraît hérétique. Je suis l'un des rares à ne pas avoir voté le Grenelle de l'environnement, précisément à cause des SCoT prescriptifs. Je trouvais déjà qu'il s'agissait d'une contrainte trop forte. Et là, on décide d'ajouter un niveau supplémentaire qui irait s'imposer aux documents d'urbanisme. C'est beaucoup trop contraignant !
Éventuellement, comme le suggère Jean-Jacques Hyest, on pourrait peut-être différencier ce qui relève de l'urbanisme du reste, car l'urbanisme n'est vraiment pas une compétence de la région. Cela mérite réflexion !
Pas plus tard que la semaine dernière, Ségolène Royal nous a elle-même confirmé que l'on faisait beaucoup trop de schémas dans notre pays. Elle nous a d'ailleurs demandé de l'aider à enrayer cette tendance. J'invite nos collègues de l'opposition à écouter ces sages propos !
Enfin, pourquoi examine-t-on aujourd'hui un texte qui vide les départements de leurs compétences ? On ne comprend plus très bien.
Ce projet de loi a été déposé il y a un certain temps déjà, mais ce n'est plus la volonté du Premier Ministre !
Tout cela n'est pas très cohérent. On ne sait plus quels sont réellement les projets du Gouvernement en la matière. On entend désormais qu'il est question de maintenir les départements uniquement dans les territoires ruraux. Mais qu'est-ce qu'un département rural ? J'aimerais le savoir. On est dans le flou !
Le projet de loi pose un problème de méthodologie, qu'a soulevé le rapporteur. On a l'impression de mettre la charrue avant les boeufs. On a défini les périmètres des régions avant de savoir ce qu'elles étaient. On le découvre petit à petit. Deux questions sont posées, celle des compétences et celle du financement de ces compétences. Nous avons défini de « grandes régions » - je le mets entre guillemets car en fait le périmètre a été variable en fonction des personnalités politiques sur place. Nous en définissons maintenant les compétences, la question du financement restant encore assez floue. J'espère que nous aurons des réponses.
On ne peut que se féliciter du passage de trois schémas à un schéma. Ségolène Royal l'a évoqué lors de son audition l'autre jour. Mais le caractère prescriptif pose problème. Poussé à l'extrême, il devient une tutelle. Soit on supprime ce caractère prescriptif, comme le propose le rapporteur, soit on autorise ce caractère prescriptif, mais à condition que le schéma soit un document consensuel élaboré après une discussion commune des collectivités concernées. Je suis très réservé sur la prescriptivité s'il n'y a pas de co-élaboration des documents.
Les transports routiers et la voirie sont deux points d'achoppement. Qui va s'occuper de tel ou tel virage sur une voie départementale au chef-lieu de région ? Personne. Les départements s'en occupent bien, il faut leur laisser cette compétence. C'est pareil pour les transports scolaires. Donner cette compétence aux régions risquerait de laisser des élèves au bord de la route...
Sur le seuil de 20 000 habitants, le Gouvernement a évolué, semble-t-il, ce qui est positif, compte tenu des réalités du terrain.
Notre commission est saisie pour avis sur quelques articles et j'ai l'impression d'entendre un débat de commission saisie au fond. Sur les plans régionaux, celui qui concerne les déchets en particulier, il faudra bien dimensionner les outils et limiter les investissements multiples, qui nuisent aux investissements publics comme privés. Les grands équipements, les centres de tri par exemple, pourraient être gérés au niveau régional. Mais il faudra veiller à ce que la région récupère le savoir-faire et les compétences des départements, qui s'étaient saisis du sujet, peut-être par des transferts de personnels. Notre groupe avait déposé une proposition de loi qui prenait en compte les bassins de vie, pour dépasser les frontières administratives.
Ne soyons pas naïfs. Cette massification et régionalisation mettra sur le même plan les déchets ménagers, industriels et du bâtiment. Avec le développement du déchet comme ressource, nous avons tendance à nous tourner vers le privé. Il faudra veiller au maintien de la compétence de salubrité publique des communes. À défaut, les zones non rentables seront délaissées, et nous aurons des zones blanches en matière de déchets, comme il en existe dans le domaine numérique.
Sur la voirie et les transports, il y a quand même une cohérence du Gouvernement, qui s'attache à déshabiller les départements de toutes leurs compétences, mis à part le social. On a en effet réalisé que les intercommunalités ne sont pas en mesure de l'assumer, sauf quelques agglomérations. Le renforcement des intercommunalités et des régions est cohérent, et je vous invite à lire l'étude d'impact annexée au projet de loi, qui est très révélatrice des objectifs que le Gouvernement poursuit avec ce texte.
Nous n'avons jusqu'à présent parlé que des articles dont nous sommes saisis...
Dans son intervention, Rémy Pointereau parle de désordre et de confusion, ce que je trouve un peu sévère. Il s'agit tout de même d'un problème un peu compliqué. Les régions ont été regroupées en treize grandes régions, et les Français en ont l'air satisfaits, puisque d'après un sondage, 53 % d'entre eux sont favorables au nouveau découpage. Si ce projet de loi était étudié sans que ce découpage ait eu lieu, on se poserait les mêmes questions. Il faut que le Sénat fasse preuve de sagesse, comme il a l'habitude de le faire. Je ne partage pas l'avis du rapporteur. Le débat est de toute façon difficile. Il y a eu des modifications, des évolutions, ce qui est positif. Cela ne signifie pas que le débat est anarchique, ou qu'il faille le caricaturer. La région existe. Les départements vont jouer leur rôle. Le bloc communal aussi. Il joue déjà un rôle important, et il continuera de le faire, ce qui est souhaitable. L'arrivée des intercommunalités a été une grande révolution territoriale. Lorsqu'on est regroupé, on fait mieux les choses que quand on est seul. J'aime bien le fait qu'il y ait un seul schéma régional, et qu'il soit prescriptif. J'ai été maire pendant trente-et-un ans, et président de communauté de communes. Lorsqu'on fait les plans locaux d'urbanisme et le schéma de cohérence territoriale, il faut avoir une vision territoriale plus large que celle de la commune.
Le problème du seuil des 20 000 habitants est réglé aujourd'hui. Il faut agir en fonction des réalités locales, que connaissent bien les femmes et les hommes présents sur les territoires. Le débat ne sera pas trop dur sur ce point.
Je suis favorable au transfert de la compétence « transports » à la région, mais ce n'est pas le cas de tous mes collègues. Il y a un vrai débat sur ce sujet. Il faut là aussi une vision plus large pour les transports, et en même temps, trouver une solution pour les transports scolaires, ce qui devrait être le cas lors des débats. Puisque les départements continuent d'exister, ils doivent garder ce rôle.
En ce qui concerne la voirie, le débat est difficile. La plupart de nos collègues considèrent qu'elle doit rester aux départements. Peut-être que les anciennes voies nationales qui avaient été transférées aux départements pourraient revenir aux régions.
Ce sont des sujets complexes. Je suis fier que ce débat ait lieu. Quand nous aurons terminé ces deux lois, nous aurons réussi une réforme qui n'ira pas à l'encontre de l'intérêt des territoires.
Je n'ai pas compris la position du Gouvernement sur le seuil de 20 000 habitants, qui est la clé de ce texte...
Nous ne partageons pas l'esprit général du rapport présenté. Ce projet de loi s'inscrit dans un triptyque, après la loi de modernisation de l'action publique et d'affirmation des métropoles (MAPAM) et la loi sur la délimitation des régions. Il vise à clarifier les compétences de chaque collectivité pour moderniser le cadre de l'action publique territoriale. C'est un texte qui tend à spécialiser chaque échelon sur des compétences définies, en supprimant la clause générale de compétence pour optimiser la mise en oeuvre des politiques publiques dans les territoires et engendrer des efforts propres à mettre un terme à la dispersion des subventions publiques. Ce sont des dispositions attendues par de nombreux acteurs, les acteurs économiques et les citoyens, qui demandent plus de lisibilité, d'efficacité et de rationalisation dans l'emploi des fonds publics. Cet effort de clarification se traduit notamment dans l'élaboration de schémas de planification stratégique à l'échelle régionale, au premier rang desquels, le schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire. Nous trouvons cet outil pertinent, comme le rapporteur de la commission des lois. L'élaboration d'un SRADDT intégrateur, prévue aux articles 5 et 6, qui se substituera aux divers schémas existants, est une avancée notoire dans la mise en oeuvre d'une véritable stratégie d'aménagement durable du territoire, en fixant un certain nombre d'objectifs partagés en matière de densité, de logement social et très social, de performance énergétique, de préservation des terres agricoles, d'urbanisme commercial, etc. Il apportera de la clarté tout en préservant la concertation, et fera de la région l'échelon qui impulse et coordonne la définition de ces objectifs avec les autres collectivités concernées. Nous saluons le caractère prescriptif donné au schéma, contrairement à vous. Le groupe socialiste entend même en faire un levier de prise en compte des problématiques propres aux territoires très ruraux en proposant, par voie d'amendement, l'intégration d'un volet spécifique relatif à leur désenclavement et à l'amélioration de l'offre de services publics.
Par ailleurs, le texte a le mérite de laisser de la souplesse pour la répartition de l'exercice des compétences. L'article 8 prévoit ainsi que l'organisation des transports scolaires pourra être déléguée par les régions aux départements.
Les schémas départementaux d'accessibilité aux services publics et les maisons de services publics prévus aux articles 25 et 26 seront des outils efficaces pour renforcer l'offre de services dans les zones qui présentent un déficit d'accessibilité. Ils rendent possible la définition d'obligations de service public, ce qui est important, la contribution des opérateurs pour mutualiser les financements et la possibilité de recourir aux moyens du privé pour combler les retards de dessertes accumulés dans certains territoires.
Nous soutiendrons donc ce texte, qui va dans le bon sens.
L'histoire se répète. Si, dans nos formations politiques respectives, nous avions été capables d'avoir une position commune claire sur ces sujets, nous n'en serions pas là. Louis Nègre dit qu'on fait passer la charrue avant les boeufs. Je disais la même chose au moment de la réforme territoriale de Nicolas Sarkozy. Et souvenez-vous de la loi Raffarin : son objectif était de renforcer les régions, et elle a finalement renforcé les départements ! Je compte beaucoup sur la sagesse du Sénat, qui va adopter un texte d'équilibre. Je me réjouis de ce qui a été fait sur les régions, qui seront plus grandes. Dans ce contexte, le Premier ministre a réfléchi - c'est la preuve qu'il n'est pas fermé - et il a pensé garder les départements pour assurer la solidarité sociale et territoriale, dans la mesure où ils en auront les moyens, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Sur le seuil d'intercommunalité, je suis persuadé que nous trouverons une solution car la situation diffère si l'on est maire d'une grande agglomération ou d'une petite commune rurale. J'ai dans mon département des zones avec sept habitants au km2: le seuil de 20 000 habitants ne peut y être atteint, sauf à regrouper 80 à 100 communes dans une même communauté de communes !
Le renforcement de la compétence économique des régions est une évidence. Pour les transports scolaires, même si elles les récupèrent, elles les délégueront aux départements. C'est une compétence de proximité.
La voirie doit rester départementale. J'irai plus loin, en proposant à mes élus de constituer un syndicat mixte gérant les voiries départementale et communale, pour mutualiser les moyens. Nous avons besoin de faire de l'optimisation, de la mutualisation, et de la péréquation.
La réduction du nombre de structures, de syndicats en particulier, est une nécessité. Dans mon département, il y a une trentaine de syndicats d'eau. Ce n'est plus possible. Mais ce n'est pas facile. Pour y arriver, il faut donner un peu de pouvoir au préfet. J'ai créé une communauté de communes, à laquelle une commune ne voulait pas adhérer. Le préfet l'a forcée, elle nous remercie aujourd'hui.
En ce qui concerne les déchets, mon département est à la limite extrême d'une région. J'ai un schéma départemental et un gros syndicat départemental, que je préside. Je coopère fortement avec les départements voisins, dont l'un appartient à la région Aquitaine, un autre à la région Auvergne, et un à la région Limousin. Nous avons des coopérations renforcées. Que va-t-il se passer si j'ai un schéma purement régional ? Il faut préserver ces coopérations. Je préférerais que l'on affirme que pour les déchets ménagers, la région coordonne les plans départementaux au niveau régional ou interrégional. Je présenterai des amendements en ce sens.
Quel est l'objectif de cette réforme ? On a conçu un emballage, les treize régions, et aujourd'hui on se rend compte qu'il est vide, et on se demande ce qu'on met dedans. Ce n'est pas grave qu'il soit vide, car on arrivera bien à trouver des compétences. La difficulté, on l'entend bien lorsque notre collègue évoque la question des syndicats d'eau, mais cela concerne aussi les syndicats d'électricité, qui font bien leur travail. Aujourd'hui, on ne sait pas comment on va financer tout ça, donc on va chercher des financements dans des structures qui ont fait leurs preuves, pour essayer d'alimenter les budgets nouveaux des départements ou des régions. Mais on aura perdu la technicité des syndicats d'énergie et le principe de l'affectation des crédits sur l'énergie.
On a gardé les départements parce qu'on ne savait pas où on allait mettre l'action sociale. On a oublié de fixer un plafond pour les élus. La question est de savoir comment on fait des économies, et où. Ce seuil de 20 000 habitants est stupide, pourquoi pas 19 612 ou 21 416 ? Un regroupement de communes, ce sont des affinités, la volonté de certains territoires de travailler ensemble, ce n'est pas une addition. Le groupe socialiste dit que le problème est réglé. Comme le président, je ne suis pas encore rassuré. La disposition figure toujours. Le Premier ministre a été prudent. Je ne suis pas rassuré si l'on laisse cette question à la commission départementale de coopération intercommunale. J'ai énormément souffert dans ma commission départementale : la discussion a duré deux ans, sur une enclave d'une commune de 120 habitants par rapport à une autre de 125 habitants. Tout le monde s'est battu, personne n'a voulu de la proposition de regroupement. Aujourd'hui, si on les y oblige, ce sera difficile... Il faut faire confiance aux élus et les laisser gérer leurs territoires.
À l'article 8, pour les départements d'outre-mer, un amendement sera présenté pour permettre à ces régions d'évoquer le lien avec les EPCI concernés. Le schéma des transports doit prendre en compte le caractère insulaire, qui n'est pas évoqué lorsqu'on parle de continuité territoriale.
Je vais peut-être avoir une approche dissonante. Quand on veut réformer un pays, il faut écouter les concitoyens. Ils ont peur de la mondialisation. Comment l'action publique s'organise-t-elle pour les protéger ? Il faut des réponses de proximité. Avec le développement des technologies, d'Internet, des TGV, des autoroutes, les régions n'ont plus d'utilité. Il faudrait plutôt un État stratège avec des déclinaisons territoriales sur des grands espaces, et qui soit suffisamment fort à Bruxelles. D'expérience, je redoute qu'un Premier ministre ou un président de la République aille négocier à Bruxelles accompagné de douze barons locaux...
Les communes exercent bien leurs compétences de proximité, avec les départements. Il faudrait rendre un peu de pouvoir aux préfets de département.
La Champagne-Ardenne et la Picardie ont construit un pôle de compétitivité sur les agro-ressources, la chimie verte, qui se substituera demain à la pétrochimie. Ce projet a été fait avec la Wallonie. Dans le domaine de l'industrie, la Champagne-Ardenne a construit un pôle de compétitivité avec la Lorraine, aussi avec la Wallonie, ainsi qu'avec la région de Brême, en Allemagne. Si l'on se met dans des carcans artificiels - les entités régionales -, cela va être un peu compliqué. Il ne faut pas se faire d'illusions sur la compétence économique des régions. A chaque fois qu'il y a un problème économique ou industriel, les régions ne les régleront pas, sans une implication forte de l'État. L'économie de proximité, les PME en particulier, ont besoin d'interlocuteurs de proximité.
Je ne crois pas à la péréquation entre collectivités. La seule péréquation est celle qui vient de l'État. Lorsqu'il y a une péréquation entre collectivités, c'est que l'État s'en est mêlé.
Je vais vous donner mon impression. Je reste sur ma faim, car la population attendait une réforme de fond, et nous allons garder l'ensemble de nos strates. Certes, on essaie de répartir les compétences, ce qui est déjà bien. Mais il y avait une autre attente des élus locaux, que nous avons pu constater lors de notre campagne électorale, qui est celle d'une simplification des structures de gestion du territoire de la République. Cela fait 22 ans que je suis maire, j'ai exercé deux mandats au conseil général, et j'ai été chef d'entreprise auparavant. Nous sommes dans un pays bloqué, à tous les niveaux. Lorsque des artisans veulent recruter des apprentis, ils ne peuvent rien faire. Les collectivités territoriales ne peuvent rien faire. Regardez le temps qu'il faut pour faire avancer des dossiers un peu complexes. C'est terrible. Et il y a un tas de structures qui ont un petit pouvoir sur tous ces projets. S'ajoutent à cela les services déconcentrés de l'État, à l'échelle départementale et régionale, qui peuvent avoir une interprétation différente les uns des autres. La réforme Sarkozy-Fillon a été balayée d'un revers de main. Je m'attendais aujourd'hui à une autre réforme. Or, on a l'impression de mettre un emplâtre sur une jambe de bois, ce qui me pose un problème de fond.
J'ai une réserve sur les transports. Je suis persuadé que le transport scolaire doit rester une compétence de proximité. Mais si l'on sépare le rail et la route, cela crée une concurrence stupide entre les deux modes, alors que nous voulons développer le fer. Dans mon département, le même trajet coûte deux à trois euros en autocar, sept euros en train. Il y aurait plus de cohérence si tous les transports étaient gérés par la même collectivité. En même temps, il est difficile de dissocier les transports en général et les transports scolaires. C'est donc une question difficile.
Je ne reviens pas sur les syndicats. Il faut que nous soyons raisonnables les uns et les autres, afin de remettre de l'ordre dans les structures. Il y a trop de gens qui ont une petite bribe de pouvoir et peuvent bloquer nos projets à un moment ou à un autre.
EXAMEN DES ARTICLES
Nous découvrons des amendements conséquents, je demande dix minutes de suspension de séance.
Les schémas régionaux d'aménagement et de développement durable du territoire ne sauraient avoir un caractère prescriptif à l'égard des documents d'urbanisme, comme le gouvernement le propose à l'alinéa 26 de l'article 6. Une réflexion est en cours sur les moyens de réduire la quantité de normes : le principe de subsidiarité devrait prévaloir. Sans modifier l'équilibre du schéma, qui pourra constituer un outil rationnel de planification, l'amendement n° 1 vise donc à supprimer l'obligation de « compatibilité », au bénéfice d'une seule « prise en compte ».
Nous sommes contre la suppression du caractère prescriptif.
L'amendement n° 1 est adopté.
L'article 7 prévoit une habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance. Cette habilitation ne semble pas pertinente. Les modalités d'élaboration et le contenu du schéma sont d'ores et déjà précisés dans le projet de loi. L'amendement n° 2 supprime cette habilitation non justifiée.
L'amendement n° 2 est adopté.
L'amendement n° 3 supprime l'article 8 du projet de loi qui transfère aux régions la gestion du transport scolaire et des transports routiers et non urbains.
Je suis embarrassé par cet amendement. Il faudrait plutôt imaginer des règles de délégation pour les transports scolaires.
C'est pour cette raison que nous voterons contre.
L'amendement n° 3 n'est pas adopté.
L'amendement n° 4 vise à supprimer le transfert de la voirie départementale aux régions.
Je suis favorable à cet amendement, qui va dans le bon sens, mais j'aurais une petite nuance à ajouter. On aurait peut-être pu conférer aux anciennes routes nationales transférées le caractère de routes d'intérêt régional. Elles sont en effet souvent gérées par plusieurs départements. La maîtrise d'ouvrage pourrait être laissée aux départements, tout en autorisant une participation de la région. Nous déposerons certainement un amendement à cet effet.
L'amendement n° 4 est adopté à l'unanimité.
L'amendement n° 5 vise à assouplir la procédure de transfert des ports. Il supprime le caractère automatique du transfert à la région en l'absence d'autre candidature au 31 mars 2016. Le risque d'imposer systématiquement un transfert à une collectivité qui n'en voudrait pas existe, par exemple pour les petits ports de plaisance, dont les charges d'entretien risquent d'effrayer certaines communes ou intercommunalités. Il ne faudrait pas pour autant que la région en soit systématiquement l'attributaire, car il ne lui appartient pas de gérer les petites infrastructures de proximité.
L'amendement n° 5 est adopté à l'unanimité.
L'amendement n° 6 supprime la hausse du seuil minimal de constitution d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), que le présent article relève de 5 000 à 20 000 habitants. Il propose de laisser la commission départementale de coopération intercommunale (CDCI) décider de l'opportunité de relever ou non ce seuil, en fonction des réalités du département.
L'amendement n° 6 est adopté.
L'amendement n° 7 supprime la notion de double emploi entre les syndicats mixtes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre. Il privilégie un objectif de rationalisation des compétences et des périmètres, qui ne suggère pas une concurrence stérile entre les EPCI à fiscalité propre et des grands syndicats.
L'amendement n° 7 est adopté à l'unanimité.
L'amendement n° 8 étend à l'ensemble des collectivités territoriales et à leurs groupements la possibilité de recevoir des fonds de concours des autres collectivités ou groupements concernés par un projet d'aménagement numérique. Cette possibilité n'est prévue que pour les syndicats mixtes par le présent projet de loi. Enfin, la durée maximale de versement des fonds de concours est relevée de dix à trente ans, s'agissant d'investissements lourds à amortir sur de longues périodes.
Sur cet amendement, nous adoptons une position de sagesse. Nous le comprenons, mais nous aimerions un débat en séance à ce sujet, donc nous nous abstenons.
L'amendement n° 8 est adopté.
La commission examine le rapport et le texte de la commission sur la proposition de résolution européenne n° 80 (2014-2015) présentée par MM. Michel Delebarre et Claude Kern, au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement, sur la proposition de directive Paquet « déchets ».
J'ai l'honneur de vous présenter mon premier rapport sur une proposition de résolution européenne (PPRE), déposée par nos collègues Michel Delebarre et Claude Kern, relative au paquet déchets, présenté par la Commission européenne le 2 juillet dernier.
Cette révision globale des politiques des déchets au niveau européen s'inscrit dans un paquet économie circulaire. Selon la Commission, le passage à l'économie circulaire créera 2 millions d'emplois d'ici à 2030. Le paquet déchets est censé, pour sa part, permettre aux entreprises d'économiser 55 milliards d'euros, tout en créant 526 000 emplois. Il faut toutefois rester prudents : les bénéfices attendus par la Commission du projet de directive ne semblent pas reposer sur une véritable étude d'impact approfondie.
Le projet de directive modifie la législation européenne existante en matière de déchets, et en particulier la directive cadre de 2008 qui a fixé la hiérarchie des modes de traitement : la prévention, puis le réemploi, le recyclage, la valorisation, et enfin l'élimination. La directive de 2008 a également fixé un objectif de réemploi et de recyclage de 50 % des déchets ménagers d'ici à 2020.
Le nouveau texte déposé par la Commission vise les déchets municipaux, définis comme comprenant les ordures ménagères, les encombrants des ménages, les déchets de jardin et ceux issus de l'entretien des espaces verts publics, enfin, les déchets des artisans et des commerçants assimilés aux ordures ménagères. Cela correspond globalement à la définition des déchets ménagers dans notre droit interne.
De nouveaux objectifs ambitieux sont fixés par la Commission : 70 % de réemploi et de recyclage à l'horizon 2030 ; l'interdiction de la mise en décharge des déchets recyclables (plastiques, métaux, verre, papier et carton, déchets biodégradables) à partir de 2025 ; l'interdiction de toute mise en décharge des déchets autres que résiduels à l'horizon 2030. A ces objectifs contraignants, la Commission ajoute, à titre indicatif, une cible de réduction de 30 % du gaspillage alimentaire à l'horizon 2025.
La proposition de directive fixe aussi un objectif d'harmonisation des définitions et des méthodes de calcul des statistiques déchets en Europe. Elle prévoit également un système d'alerte précoce de la Commission, visant à détecter les insuffisances des États membres et à y remédier avant les échéances fixées par le texte : concrètement la Commission pourrait présenter à l'État concerné des recommandations, qu'il devra intégrer dans un plan de mise en conformité.
Sur le sujet des filières de responsabilité élargie des producteurs, qui transfèrent aux industriels la responsabilité financière voire opérationnelle de gestion de leurs déchets, la proposition de directive prévoit la mise en place d'exigences minimales. Dernière mesure importante : les États membres devront prévoir une collecte séparée des biodéchets d'ici à 2025.
La commission des affaires européennes a adopté une proposition de résolution déposée par Michel Delebarre et Claude Kern, qui dresse un bilan plutôt positif bien que contrasté.
Cette proposition de résolution européenne salue l'ambition des objectifs fixés par la directive, et l'intégration du texte dans une logique d'économie circulaire. Pour autant, Michel Delebarre et Claude Kern estiment que les objectifs fixés en matière de recyclage et de mise en décharge risquent d'être un peu trop ambitieux au regard des performances constatées actuellement au sein de l'Union. A cet égard, l'harmonisation des statistiques déchets en Europe est un sujet crucial. Ainsi l'Allemagne et l'Autriche ont éliminé statistiquement la mise en décharge des déchets municipaux. Toutefois, si l'on regarde de plus près, on constate que ce n'est qu'au prix d'un artifice de calcul : les déchets faisant l'objet d'un prétraitement en centre de tri sortent de la catégorie déchets municipaux et sont considérés comme déchets industriels. Certains sont ensuite bien mis en décharge, mais n'apparaissent plus dans les comptes des déchets municipaux. L'objectif zéro déchet en décharge n'est donc pas réellement atteint. S'appuyer sur l'exemple allemand pour promouvoir l'interdiction de mise en décharge des déchets municipaux à l'horizon 2030 n'est donc pas judicieux. De la même manière, pour les États entrés dans l'Union européenne en 2004 et 2007, et qui placent encore plus de 70 % de leurs déchets en décharge, les objectifs de la Commission sont largement inadaptés.
La proposition de résolution de nos collègues insiste sur la nécessité de fixer des objectifs différenciés selon les États membres, pour mieux tenir compte des réalités à l'entrée en vigueur de la directive, avec une réévaluation des objectifs dans cinq ans.
Elle déplore l'obligation de mise en place d'une collecte séparée des biodéchets, c'est-à-dire des déchets organiques et des déchets verts, qui représentent environ un tiers des déchets contenus dans une poubelle. La collecte séparée implique de nouveaux coûts extrêmement élevés : la proposition de résolution estime que la collecte et la valorisation des biodéchets coûteraient 400 euros par tonne pour les collectivités.
MM. Delebarre et Kern s'interrogent également sur l'adéquation de la filière industrielle de tri et de recyclage européenne aux objectifs fixés. Les filières semblent à l'heure actuelle sous-dimensionnées. En France, les 250 centres de recyclage des matières plastiques se limitent au traitement des flaconnages. Ils ne peuvent généralement pas prendre en charge les barquettes et les films plastiques. L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) a souligné la nécessité de leur modernisation, qui soulève la question du financement...
Concernant l'objectif zéro déchet en décharge en 2030, la résolution rappelle qu'un tiers de la poubelle moyenne n'est pas recyclable. Ses auteurs estiment que la directive n'insiste pas assez sur la valorisation énergétique.
Enfin, la proposition de résolution regrette que le recyclage ne soit envisagé qu'en fin de vie des produits, au moment de la mise en décharge. Aucun objectif contraignant n'est imposé aux producteurs ou aux importateurs de biens. Il serait intéressant de les inciter à concevoir ou à vendre des produits éco-responsables. Les auteurs de la résolution proposent, d'une part, une obligation d'incorporation de 50 % de matières recyclées dans les biens mis sur le marché, d'autre part, la mise en place d'une taxe frappant tous les produits non recyclables vendus sur le marché européen.
Nous devons nous féliciter que le projet de directive fixe de nouveaux objectifs ambitieux à horizon 2030. Ces objectifs sont d'ailleurs en ligne avec ceux envisagés par la France dans le cadre du projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte.
Pour autant, l'harmonisation des méthodes de calcul des performances de recyclage est un enjeu crucial, et je partage la position de nos collègues de la commission des affaires européennes. En ce qui concerne l'objectif de 50 % de valorisation matière d'ici à 2020, il existe douze méthodes de calcul prévues par la directive cadre de 2008... Pour la France, en fonction de la méthode de calcul retenue, le recyclage atteint entre 35 et 62 %. Le classement des performances européennes est largement faussé. Les chiffres ciblés par la Commission, notamment l'objectif de 70 % de recyclage à l'horizon 2030, sont probablement disproportionnés. C'est pourquoi je souscris pleinement à l'idée d'une approche différenciée selon les États, avec par exemple un objectif chiffré commun mais des échéances ajustées selon les situations initiales.
En outre, le chiffre de 70 % est probablement un peu trop élevé pour la France. D'après les évaluations fournies par le ministère de l'écologie, il vaudrait mieux viser 60 à 65 % de recyclage d'ici à 2030. Comme seulement deux tiers de la poubelle d'ordures ménagères moyenne sont recyclables, cela signifie en réalité viser une valorisation de presque 100 % du gisement.
Autre point à noter, cette proposition de directive européenne ne prend pas suffisamment en compte les compétences des collectivités territoriales. C'est une tendance assez globale en matière de politique des déchets...Autant il semble essentiel de fixer aux collectivités une obligation de résultat, avec des objectifs ambitieux en termes de valorisation, pour engager la transition vers une économie circulaire, autant il est inacceptable de leur fixer une obligation de moyens, en leur imposant tel ou tel mode de valorisation plutôt qu'un autre. Les choix des collectivités sont fonction des installations déjà existantes sur leur territoire et de leurs spécificités démographiques et urbanistiques. Une planification verticale, ne tenant pas compte du terrain, et effectuée sans aucun calcul des performances économiques comparatives des différentes solutions de traitement, ne pourra jamais être adaptée à la diversité des réalités.
À ce titre, l'obligation de collecte séparée des biodéchets à compter de 2025 a particulièrement retenu mon attention. Il est intéressant de fixer des objectifs en termes d'amélioration de la valorisation organique. Le maintien de flux de déchets organiques en décharges conduit à une production de méthane qui, s'il n'est pas capté, contribue fortement aux émissions de gaz à effet de serre. Mais imposer la généralisation de la collecte séparée n'est pas judicieux et n'est pas adapté à certains territoires. En milieu urbain avec habitat collectif, cela conduirait à collecter un gisement extrêmement faible, d'une mauvaise qualité et pour un coût élevé. En milieu rural, la collecte séparée peut se justifier. Mais là encore, d'autres solutions existent également. Certaines collectivités, comme c'est le cas en Vendée, encouragent le compostage individuel. Le compostage collectif en point d'apport volontaire est également une piste intéressante.
Une généralisation à tout le pays de la collecte séparée aurait un coût non négligeable. Selon l'association Amorce, le surcoût d'une collecte séparée pour les collectivités locales serait de l'ordre de 800 millions d'euros, soit environ 13 euros par habitant. Le coût de la gestion des déchets ménagers pour les collectivités étant d'environ 8 milliards d'euros par an, cela représenterait une augmentation de 10 % du coût de la gestion des déchets ménagers.
De plus, généraliser la collecte séparée des biodéchets signifie condamner les installations de tri mécano-biologique (les TMB) qui permettent le prétraitement des ordures ménagères en séparant les déchets organiques du reste des ordures. Ils sont généralement associés à une filière de valorisation biologique par compostage ou méthanisation. Il y a 60 TMB en France. Ces structures - il en existe dans mon département - restent pertinentes dans de nombreux cas. La qualité du produit sortant du TMB est garantie par le respect d'une norme, norme qui est la même que celle pour le compost issu d'une collecte séparée. Soyons vigilants sur cette obligation de collecte séparée ! Ma position rejoint là aussi celle de nos collègues des affaires européennes.
Nous pouvons enfin nous féliciter que la directive définisse les grands principes s'appliquant aux filières REP : la transparence financière, l'autocontrôle, l'obligation de dialogue, au sein des filières et avec les autorités, et la fixation de sanctions pour les producteurs de déchets qui ne remplissent pas leurs obligations.
Je vous proposerai deux amendements. Le premier invite la Commission européenne à donner une définition harmonisée de la notion de « déchet recyclable ». La directive prévoit une interdiction de la mise en décharge des déchets recyclables à l'échéance de 2025, mais il n'y a pas de définition partagée à ce jour. Il est important d'éviter une application à géométrie variable. Nous pourrions considérer comme déchets recyclables les déchets collectés en vue d'être valorisés, notamment au travers des filières REP. Mon second amendement porte sur la référence à une taxe frappant tous les produits non recyclables vendus sur le marché européen et à l'obligation d'incorporation de 50 % de matières recyclées dans les biens mis sur le marché. Il est important de responsabiliser davantage les acteurs économiques et d'encourager l'écoconception des produits. Pour autant, il est préférable pour cela de recourir à des dispositifs incitatifs, plutôt que d'alourdir la fiscalité pour les ménages ou les normes pour les entreprises.
Je vous propose, en conclusion, d'adopter la proposition de résolution de Michel Delebarre et Claude Kern, qui traduit à la fois l'approbation de l'ambition et des objectifs fixés par la Commission européenne, mais aussi une certaine inquiétude quant à la prise en compte des collectivités.
Je remercie Mme Billon pour son étude attentive de notre proposition de résolution. Nous partageons les mêmes interrogations, notamment sur le caractère trop ambitieux des objectifs. L'adéquation de la filière industrielle de tri et de recyclage n'est pas assurée car nos 250 centres de recyclage ne prennent pas en charge les barquettes ni les films plastiques. Il est difficile de généraliser les consignes de tri. La collecte séparée aurait un coût supplémentaire très élevé pour les collectivités territoriales. En outre, les TMB commencent à se développer. Ne négligeons pas cette filière. Si nous devons favoriser la valorisation matière des poubelles, n'oublions pas la valorisation énergétique car un tiers de déchets n'est pas recyclable. Nous renforcerions aussi notre indépendance énergétique. Les amendements de la rapporteure nous satisfont.
Je salue le travail de notre rapporteure. Je me réjouis que les objectifs européens soient ambitieux. Dans les prochaines décennies nous ne considérerons plus les déchets comme aujourd'hui mais comme une ressource secondaire. Nous devons valoriser tant les déchets recyclables, que les produits fermentescibles, susceptibles d'être utilisés pour produire du méthane ou du compost, ou ceux destinés à être transformés en combustible. Cependant une période transitoire est nécessaire pour faire évoluer nos installations. Les TMB fonctionnent : il est inutile d'en construire d'autres. Les incinérateurs devront être revus pour pouvoir prendre en charge des produits à fort pouvoir calorifique (PCI). La mise en décharge disparaîtra à terme. Les mesures proposées vont dans le bon sens. Toutefois, il ne faut pas oublier qu'une forte disparité prévaut entre les pays, et même, en France, entre les différents territoires. Beaucoup de travail reste à faire pour accroître encore le recyclage. Je suis favorable aux amendements déposés. Je ne suis pas favorable toutefois à la suppression de la taxe sur les produits non recyclables. Il serait bon que ceux qui produisent ces déchets qui encombrent nos poubelles cotisent. Leur incinération ou leur transport en décharge est coûteux, de l'ordre de 120 à 150 euros la tonne. Dans de nombreux départements on a distribué des composteurs individuels. Il faut aussi mettre en place la collecte sélective auprès des professionnels, comme les cantines, les restaurateurs, les hôpitaux, etc. Les quantités de produits fermentescibles à collecter sont importantes. C'est pourquoi nous avons besoin de plus de temps pour adapter notre système de collecte et nos outils industriels, mais il faut garder des objectifs ambitieux...
Encore faut-il avoir les moyens de les tenir, sinon, comme dans d'autres domaines, ils resteront lettre morte.
Je salue le travail des auteurs de la résolution et de notre rapporteure. La hiérarchie des objectifs est importante. La démarche doit concerner tous les territoires ; il s'agit d'une question de salubrité publique et d'un service de première nécessité.
Il conviendrait de créer une catégorie intermédiaire en distinguant la valorisation énergétique de la valorisation matière, et en la plaçant juste avant la mise en décharge et l'incinération. L'objectif premier doit être en effet de favoriser l'éco-conception pour diminuer le volume des déchets produits et brûlés. La politique des déchets ne doit pas se réduire à une politique énergétique.
Je partage le point de vue de Gérard Miquel : les objectifs doivent être ambitieux. Il était indispensable de souligner les difficultés liées aux statistiques. Nous passions pour de mauvais élèves alors que ce n'est pas le cas ! J'ai apprécié la distinction entre collecte à la source et collecte séparée. L'idée qui consiste à couvrir les territoires rentables est dangereuse. Je souscris au caractère non lucratif des REP. La lutte contre le gaspillage est indispensable. Une Europe à géométrie variable, pourquoi pas ! Mais il faudra fixer un point de convergence.
Nous regrettons l'absence de référence au principe de proximité ; j'ai d'ailleurs déposé un amendement à l'alinéa 5 pour introduire la notion.
Il n'est pas normal que les producteurs qui ne font pas l'effort de développer des produits non recyclables ne soient pas taxés. Toutefois, une taxe généralisée sur les produits non recyclables s'apparente à une hausse de la TVA, impôt injuste envers les plus modestes. Nous y sommes hostiles.
Enfin je m'étonne des propos de certains membres de la commission des affaires européennes qui considéraient que nous devions nous borner à entériner cette proposition de résolution européenne sans l'amender...
Je salue à mon tour le travail de notre rapporteure. Il faut fixer des objectifs ambitieux : il devrait être possible de tout recycler ou réutiliser. Il y a quelques jours, nous avons inauguré une unité de compost et de méthanisation en Seine-Maritime où nous disposons déjà d'une unité de production de plastique d'origine végétale, en attendant l'installation prochaine d'une nouvelle unité à Lillebonne. J'invite d'ailleurs notre commission à se rendre sur place pour étudier son fonctionnement.
Pendant longtemps, la présence de matière plastique dans les déchets a bloqué le développement du compostage. En Seine-Maritime, grand département producteur de lin, il suffisait de la présence d'un simple fil en plastique pour que les ballots de filasse soient rejetés par les transformateurs. Les plastiques d'origine végétale, eux, sont dégradables en quelques mois...
Je salue le travail des auteurs de la résolution et de notre rapporteure.
Il est nécessaire d'harmoniser les méthodes de calcul, non seulement au sein de l'Union, mais aussi en France. En fonction des sources, les données varient du tout au tout. J'ai été présidente de l'Ademe : les chiffres n'étaient jamais les mêmes d'une source à l'autre ! Il y a avait de quoi s'arracher les cheveux...
Il faut aussi tenir compte du coût de la collecte séparée. L'imposer ou non devrait relever du libre choix des différents pays ou des collectivités territoriales. Je partage aussi votre point de vue sur la valorisation des déchets d'origine industrielle ; le chantier est énorme. Je partage vos objectifs en matière de financement et l'objectif d'incorporation des matières recyclées. L'idée d'une taxe ne me déplait pas.
En revanche, l'exposé des motifs me laisse sceptique. Les études d'impact ont été validées par le comité de la Commission et elles sont souvent plus sérieuses que celles de notre gouvernement...Il ne faut pas, en outre, fonder notre opposition uniquement sur le cas de l'Allemagne ; d'autres pays sont performants. Il serait préférable de reconnaître que nous avons des difficultés à atteindre l'objectif de zéro déchets en décharge plutôt que de donner l'impression, par une rédaction maladroite, de le contester. Est-il également opportun de rétablir la valorisation énergétique dans la proposition de résolution européenne ? Je suis réservée. Il est également regrettable que l'essentiel de nos produits issus de la valorisation organique partent à l'étranger. L'enjeu est de constituer des stocks stratégiques de proximité, sinon nous souffrirons rapidement d'un manque de ressources. Or la directive est muette sur ce point.
- Présidence de M. Charles Revet, vice-président -
J'ai effectivement écarté l'idée d'une taxe sur les produits non recyclables ; il faudrait en outre réunir l'unanimité des pays membres de l'UE, ce qui semble utopique.
Nous sommes tous favorables à des objectifs ambitieux. Toutefois, pour savoir s'ils sont réalistes, il faut se pencher sur la question des statistiques. Certains pays ont des statistiques très flatteuses, mais elles sont faussées.
Je suis d'accord avec M. Miquel, il n'est pas nécessaire de construire davantage de TMB. Cela ne signifie pas pour autant qu'il faille les condamner, il s'agit parfois de la seule solution pour traiter les déchets à proximité. Il est rassurant que le produit sortant des TMB doive respecter les mêmes normes que celles valables pour le compost issu d'une collecte séparée. Je ne suis pas non plus favorable à de nouveaux incinérateurs. Nous souhaitons tous la fin des décharges à terme.
Madame Didier, votre souhait de revoir la place de la valorisation énergétique dans la hiérarchie est déjà exaucé car les objectifs fixés par la directive sont d'abord de diminuer la production de déchets, puis de les recycler et de les valoriser, et enfin de les éliminer.
Enfin, comme vous, Madame Jouanno, je souhaite une harmonisation des chiffres, en Europe comme en France.
Nous avions exclu les produits alimentaires du champ de la taxe pour éviter de trop peser sur les ménages modestes. Il est juste qu'un produit importé respecte les mêmes normes que les produits européens. Les plastiques d'origine végétale étaient conçus pour se dégrader en quelques mois, mais les premières constatations ne sont pas probantes.
Il faudrait harmoniser aussi la définition des déchets. Ainsi, les sous-produits de filtrage et lavage des fumées (REFIOMS) sont considérés en Allemagne comme un produit, utilisé comme ciment, avec de très bons résultats, alors qu'en France ils sont considérés comme un déchet et nous les enfouissons.
Nous souscrivons évidemment à l'objectif de zéro déchets recyclables en décharges. La directive visait les déchets municipaux ; or les déchets ménagers comportent une part importante de déchets non recyclables.
En ce qui concerne la valorisation énergétique, nous avons ciblé les installations qui ont des rendements supérieurs à 60 % pour leur fixer un objectif de 70 % en 2030.
Les REFIOMS ont une forte teneur en métaux lourds. Leur utilisation parait problématique...
En effet ! Il existe un contrôle. Quand le taux de métaux lourds est trop élevé, ils sont refusés.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
L'amendement n° 1 inscrit formellement le principe de proximité dans la proposition de résolution européenne. Il est important d'assurer une gestion des déchets aussi proche que possible de leur point de production afin de favoriser le développement d'une économie circulaire territorialisée.
Avis favorable. L'encouragement au développement d'une économie circulaire est conforme aux objectifs définis par la loi de juillet 1992 relative à l'élimination des déchets, qui entendait favoriser la gestion de proximité des déchets, pour diminuer leur transport et créer des emplois non délocalisables.
L'amendement n° 1 est adopté.
L'amendement n° 2 supprime l'alinéa 14 qui va à l'encontre de la hiérarchie vertueuse définie par les textes européens pour la gestion des déchets. Placer la valorisation énergétique au même plan que la valorisation matière est difficilement compatible avec la finalité de la politique des déchets qui est leur réduction.
Avis défavorable. Les auteurs de la PPRE n'ont pas entendu faire de la de valorisation énergétique un objectif en soi de la politique des déchets. Ils souhaitent simplement l'encourager.
L'amendement n° 2 n'est pas adopté.
L'amendement n° 4 insère un alinéa après l'alinéa 22 pour inviter la Commission européenne à définir la notion de déchet recyclable, afin de garantir une application harmonisée de l'interdiction de mise en décharge à horizon 2025. Pourraient, par exemple, être considérés comme des déchets recyclables les déchets collectés en vue d'être valorisés, notamment au travers des filières REP.
L'amendement n° 4 est adopté.
L'amendement n° 5 supprime la fin de l'alinéa 28. L'obligation d'incorporation de 50 % de matières recyclées serait particulièrement difficile à contrôler. Pour certains produits qui se recyclent très bien, comme l'acier, il faudrait créer un système très lourd de traçabilité, tandis que, pour d'autres produits, cette obligation serait quasiment impossible à remplir. De plus, si une taxe européenne sur les produits non recyclables a le mérite de frapper également les produits importés, sa mise en oeuvre nécessiterait l'unanimité des États membres, piste inenvisageable à ce jour. En outre, cette taxe s'apparenterait, en pratique, à une taxe sur la consommation ou à une hausse de TVA. Privilégions les dispositifs incitatifs pour responsabiliser davantage les acteurs économiques.
Ces amendements suppriment l'objectif d'incorporation de 50 % de matière recyclée dans les biens mis sur le marché et la taxe sur les produits non recyclables. Les objectifs fixés sont sans doute ambitieux. Nous aurions aimé avoir un éclairage du gouvernement...
Je m'abstiens : il m'est impossible d'arbitrer entre deux membres de mon groupe...
Les amendements identiques n° 5 et n° 3 sont adoptés.
La commission adopte la proposition de résolution ainsi modifiée.
La réunion est levée à 17h25