Nous accueillons cet après-midi Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées, qui vient présenter devant notre commission les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » du projet de loi de finances (PLF) pour 2018. L'Assemblée nationale a adopté les crédits de cette mission le 31 octobre dernier, après un débat assez nourri qui a permis d'aborder plusieurs sujets intéressant le monde combattant, notamment la situation des appelés stationnés en Algérie après juillet 1962. L'Assemblée nationale a également adopté les articles 50 et 51, rattachés à la mission. Je tenais par ailleurs à vous remercier, madame la ministre, de m'avoir invité au ministère pour me présenter votre budget : c'est une démarche assez rare, à laquelle j'ai été très sensible.
Je suis très honorée et heureuse de vous présenter ce projet de budget 2018 consacré aux anciens combattants, à la mémoire et aux liens entre l'armée et la Nation, qui est chaque année très attendu et discuté. Je l'ai d'ailleurs déjà présenté aux associations d'anciens combattants, que j'avais déjà rencontrées à plusieurs reprises et dont je mesure, grâce à mon expérience d'élue locale, l'importance sur nos territoires. Elles m'ont fait part de leur satisfaction.
Le projet de budget pour 2018 s'articule autour de quatre grands principes. Tout d'abord, maintenir l'ensemble des dispositifs de reconnaissance et de réparation au profit des anciens combattants et victimes de guerre. Honorer les engagements qui ont été pris par le précédent gouvernement et qu'il s'agit de financer, en année pleine, en 2018. Mettre en oeuvre deux mesures nouvelles au profit des anciens combattants, allant, pour l'une, dans le sens de l'équité et, pour l'autre, dans celui d'une meilleure reconnaissance. Enfin, 2018 devrait clore le cycle mémoriel du centenaire de la Première Guerre mondiale. Il faut que nous respections son importance dans nos budgets, dans un contexte également marqué par l'engagement de tous dans la réduction des déficits publics.
Le budget total s'élève à 2,36 milliards d'euros, soit une diminution de l'ordre de 3 % par rapport à son niveau de 2017. Ce budget, déterminé par la baisse naturelle des bénéficiaires, estimée à 5 % cette année, demeure dynamique puisque nous avons pu mettre en oeuvre des mesures nouvelles.
Nous avons fait le choix de tenir les engagements pris en 2017 envers le monde combattant, s'agissant notamment de la revalorisation de deux points de la retraite du combattant prévue au 1er septembre 2017, ce qui la porte à un montant de 750 euros par an au bénéfice d'un peu plus d'un million d'anciens combattants. Le financement de ces deux points en année pleine représente 30 millions d'euros qui sont donc inscrits dans ce budget. Sur un plan général, la retraite du combattant représente, dans ce PLF pour 2018, 744 millions d'euros.
J'en viens à présent aux pensions militaires d'invalidité qui représentent le premier poste budgétaire de la mission soit 1, 074 milliard d'euros pour 209 000 bénéficiaires. Le montant annuel moyen d'une PMI est de l'ordre de 5 080 euros sans présager du taux d'invalidité retenu au cas par cas. Si ce budget préserve et consolide la totalité des droits acquis par les anciens combattants, il assure la mise en oeuvre de deux mesures nouvelles : une mesure d'équité, d'une part, en faveur des anciens combattants et des conjoints survivants qui bénéficieront désormais du même mode de calcul de leur pension et de leur pension de réversion, soit pour tous, au taux du grade. Ce point est technique mais une différence de calcul entre les militaires rayés des contrôles pour infirmité avant et après le 3 août 1962 subsistait jusqu'à présent. Cette distinction entraînait des différences quant au calcul des pensions d'invalidité qui n'étaient pas justifiables. Cette mesure nouvelle, réclamée par les associations depuis de très nombreuses années, représente une dépense nouvelle de 6 millions d'euros pour 2018. Cette mesure devrait concerner 7 500 personnes dont 6 200 conjoints survivants ainsi que 220 orphelins. D'autre part, l'allocation de reconnaissance en faveur des harkis sera revalorisée de 100 euros. Cette mesure aura un coût de 550 000 euros, cette allocation représentant 15,37 millions d'euros en 2018.
Le soutien à nos opérateurs [l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (Onac-VG) et l'Institution nationale des invalides (INI) est réaffirmé. L'Onac est le partenaire essentiel des anciens combattants sur tout le territoire. C'est un magnifique service qui s'est restructuré, tout en conservant son maillage. Pour assurer son fonctionnement, l'Onac perçoit une subvention de 58 millions d'euros. J'ai également souhaité maintenir son budget d'action sociale à 26,4 millions d'euros. Il intervient ainsi auprès des anciens combattants notamment ceux de la quatrième génération du feu par le suivi et la réinsertion des blessés des Opex, des conjoints survivants ainsi que des victimes d'actes de terrorisme, qui sont environ 2 000. Ce budget social assure également le financement des mesures mises en oeuvre en faveur des pupilles de la Nation dont le nombre a fortement augmenté à la suite des attentats de Paris et de Nice. Nous préservons totalement les capacités opérationnelles de cet établissement public qui est essentiel à la mise en oeuvre des politiques destinées aux anciens combattants.
L'INI est notre deuxième opérateur. C'est une institution magnifique qui accueille non seulement un centre de pensionnaires, mais aussi un centre d'études et de recherches sur l'appareillage des handicapés et un centre médical qui offre des consultations externes et des services de rééducation. Son nouveau projet médical, construit autour de la reconstruction physique et psychologique des soldats blessés en opération, s'accompagne d'un chantier de restructuration et d'investissement de 50 millions d'euros qui va se dérouler sur les quatre prochaines années. En 2018, l'INI percevra une subvention de fonctionnement de 12,1 millions d'euros. Cette année cependant, nous inscrivons 800 000 euros en investissement pour le démarrage des travaux.
J'en viens à présent à la politique de mémoire. En 2018, d'importantes commémorations marqueront la fin du cycle mémoriel consacré à la Grande guerre. Nous prévoyons à cet égard une enveloppe supplémentaire exceptionnelle de 5,3 millions d'euros qui porte le budget global à 28,2 millions d'euros, soit une augmentation totale de 25 %, afin que les opérateurs - comme l'Onac et la Mission du centenaire - puissent porter ce programme mémoriel. En outre, d'autres commémorations, comme les soixante-quinzième anniversaires de la mort de Jean Moulin et de la création du Conseil national de la Résistance, ou encore le quarantième anniversaire de l'engagement de la France au sein de la FINUL. Le travail de mémoire avec les établissements scolaires se poursuit également et s'avère essentiel aux politiques que nous menons.
Par ailleurs, le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération » est passé sous la tutelle du ministère des armées, alors qu'il était jusqu'à présent rattaché au ministère de la justice. Il contribue activement à notre politique de mémoire et nous assurons son financement à hauteur de 1,3 million d'euros.
La mémoire est incarnée par des lieux qui irriguent nos régions et font vivre l'histoire de France. Ce sont des lieux d'apprentissage et de transmission, ainsi que d'éveil à la citoyenneté. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de consacrer une enveloppe de 12,1 millions d'euros pour l'entretien, la rénovation et la revalorisation culturelle et touristique des nécropoles et hauts lieux de la mémoire nationale. Cette enveloppe permet ainsi le financement des investissements directs dans les hauts lieux de mémoire qui dépendent de mon ministère mais fournit également toute l'aide aux territoires, collectivités locales et associations pour la création et l'entretien de lieux de mémoire. Autour de ces sites s'est structurée, à l'occasion de la célébration du centenaire, une véritable politique de tourisme de mémoire qui a eu des effets bénéfiques pour les territoires puisqu'ils ont attiré 12 millions de personnes. Nous consacrerons cette année 2 millions d'euros à la poursuite, avec Atout France, de la promotion du tourisme de mémoire.
Je souhaiterais enfin évoquer devant vous le monument aux morts des Opex qui n'apparaît pas en tant que tel dans le budget. Il est en gestation depuis trop longtemps et doit être consacré à la commémoration de cette nouvelle génération du feu. Il devrait être accueilli à Paris dans le Parc André Citroën. Le dossier semble connaître un certain retard alors que sa première pierre a été inaugurée par le Président François Hollande dans la perspective d'une livraison en novembre 2018. Je vais rencontrer la maire de Paris pour débloquer ce dossier. De notre côté nous avons assuré intégralement nos engagements financiers depuis l'an dernier.
L'action au profit de la jeunesse constitue le dernier volet de notre budget. Il s'agit d'un enjeu majeur du lien armées-Nation dont j'ai la charge. La direction du service national et de la jeunesse, réorganisée en mai 2017, assure désormais la coordination de l'ensemble des dispositifs ministériels en faveur de la jeunesse auprès de laquelle le ministère des armées est très présent. Certes, il y a la journée défense et citoyenneté (JDC) mais aussi le service militaire volontaire qui est implanté dans bientôt six centres. Mille jeunes en ont bénéficié cette année, avec un taux d'insertion de l'ordre de 80 % dans l'activité professionnelle. Le budget consacré à la JDC s'élève à 14,6 millions d'euros pour 800 000 jeunes concernés et reste globalement stable par rapport à son niveau de l'an dernier. C'est un temps que l'on donne aux jeunes générations pour qu'elles aient conscience des enjeux de sécurité et de défense ainsi que de l'importance de l'engagement en faveur des valeurs citoyennes et républicaines.
Le service national universel, voulu par le Président de la République et dans lequel je suis engagée avec mon ministère, ne figure pas dans le budget en tant que tel. Nous attendons un rapport d'évaluation des inspections générales pour mi-novembre ainsi que la nomination d'une commission de haut-niveau par le Premier ministre puisque ce projet est interministériel. Nous vous tiendrons informés de son évolution et avons proposé que cette future commission accueille en son sein des membres de la représentation nationale.
Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs, ce budget, que je vous présente aujourd'hui, est dynamique : il permet de poursuivre ce qui a été auparavant engagé tout en mettant en oeuvre de nouvelles mesures au service des anciens combattants.
Madame la ministre, comment comptez-vous assurer une meilleure prise en charge des anciens des Opex et de leurs besoins, en particulier en matière de réinsertion professionnelle, alors qu'aujourd'hui ils quittent souvent l'armée après un ou deux contrats courts, de deux ou trois ans, et parfois avec des séquelles psychologiques graves liées à leur engagement au combat ? Par ailleurs, quelles sont les intentions du Gouvernement concernant l'attribution de la carte du combattant aux anciens combattants ayant servi en Algérie après le 2 juillet 1962 et jusqu'en 1964 ? Il faut rappeler que 627 hommes ont été reconnus « Morts pour la France » durant cette période. Jusqu'à présent les gouvernements successifs se sont opposés à cette revendication légitime, au motif que l'état de guerre en Algérie avait cessé. La solution ne serait-elle pas alors de reconnaître qu'entre 1962 et 1964 la présence des troupes françaises en Algérie correspondait à une Opex, comme il en a été reconnu par arrêté de nombreuses autres, plus anciennes, à l'instar de Madagascar entre 1947 et 1949, du Cameroun entre 1956 et 1958 ou encore de la Mauritanie entre 1957 et 1959 ?
Enfin, j'aimerais attirer votre attention, Madame la ministre, sur une injustice persistante dans le traitement, plus de cinquante-cinq ans après les faits, des anciens supplétifs de statut civil de droit commun, les « harkis européens ». Le bénéfice de l'allocation de reconnaissance, qui est versée aux harkis, leur a été refusé par les tribunaux. Il y a quelques années le chiffre de 300 avait été avancé ; plusieurs années après, seule une centaine de personnes serait concernée. Si l'on est sur une rente annuelle de 3 063 euros par personne, le calcul est vite fait et avec près de 300 000 euros, on serait en mesure de mettre fin à cette injustice pour ces personnes qui ont combattu aux côtés des troupes françaises !
C'est avec plaisir que je reviens au sein de la commission des affaires sociales où j'ai siégé de 2007 à 2014. Je suis heureux de saluer d'anciens collègues ainsi que les nouveaux membres de cette commission. Je souscris en outre aux propos de Bruno Gilles, notamment sur la présence des troupes en Algérie entre 1962 et 1964, et je soutiens les demandes légitimes des associations patriotiques de mémoire que tous nos collègues sénateurs sont amenés à rencontrer et où le bénévolat est prégnant. Je n'oublie ni les grands opérateurs de l'État que sont l'Onac et l'INI, cette dernière ayant fait l'objet d'un rapport d'information en octobre 2016 à la commission des finances, ni le travail effectué par la Cour des comptes sur la JDC en mars 2016 également en liaison avec notre commission des finances. A cette occasion, les missions de la JDC ont été clarifiées : outre l'information des jeunes, elle entend également susciter des vocations. Même si de nombreuses choses ont été faites, d'autres mesures peuvent être encore prises, ne serait-ce qu'en travaillant de concert avec l'Éducation nationale. Il est important de faire passer des messages : les témoignages de soldats de retour d'Opex répondent aux attentes des jeunes, qui en sont très demandeurs. La hausse de la retraite du combattant fournit enfin l'objet de nombreuses sollicitations et la grosse part de votre budget, Madame la ministre, vise ainsi à favoriser la reconnaissance du monde combattant.
Votre première question concerne les anciens des Opex qui quittent les armées après une blessure. Un vrai suivi des blessés, tant physiques que psychiques, est assuré par le service de santé des armées, que ce soit de manière immédiate ou sur la durée, grâce à un dispositif complet et cohérent. Nous avons cherché à améliorer les prises en charge, et la formation des personnels, à sensibiliser aux diagnostics des syndromes de stress post-traumatique et à favoriser les diagnostics de pathologies bien identifiées. Il s'agit d'accompagner ces blessés tout au long de leur vie et de leur réinsertion. Certains opérateurs peuvent également prendre en charge l'accompagnement de ces blessés à long et moyen termes. L'Onac en fait partie, non seulement en fournissant des prestations mais aussi en oeuvrant à la requalification professionnelle. De nombreuses formations sont ainsi mises en oeuvre afin d'évaluer les possibilités d'emploi des militaires blessés et de les accompagner vers ces emplois nouveaux. Cet accompagnement est nécessaire au renforcement de l'attractivité de nos armées. Il s'inscrit dans le plan famille, très volontariste, qui vient d'être présenté par Florence Parly et qui comprend un volet consacré aux blessés afin de mieux les accompagner dans leur réinsertion personnelle et professionnelle. Nous sommes très attentifs à cette prise en charge qui est encore perfectible.
S'agissant de la pension militaire d'invalidité pour les blessés en opération, nous essayons que les dossiers soient traités le plus rapidement possible. Le délai de 180 jours s'avére toutefois incompressible, sachant que l'expertise incombe au service de santé des armées, ce qui favorise la rapidité du traitement des dossiers ralentis d'ordinaire par les expertises extérieures.
La carte du combattant pour ceux ayant servi en Algérie entre 1962 et 1964 n'est pas la seule demande du monde combattant, loin s'en faut ! A celle-ci s'ajoutent notamment le rapport constant ou encore la demi-part fiscale pour les conjoints survivants ! Je vous propose ainsi - tout comme je l'ai fait aux députés - d'évaluer l'impact budgétaire de toutes les mesures demandées afin de mettre un terme aux disparités de leurs différentes estimations. Je souhaiterais ainsi que nos services y travaillent avant de lancer, avec le monde combattant et la représentation nationale, un plan sur quatre ans. Une telle démarche conférerait de la visibilité au quinquennat. Toutes les demandes ne pourront être exaucées, comme sans doute celles qui ont été réitérées depuis plus de cinquante ans ! Je souhaite que l'on s'engage sur une réflexion éclairée à long terme pour obtenir de la visibilité sur toutes ces demandes. Des problèmes juridiques se posent certes mais la question budgétaire doit aussi être mise en avant.
Vous me parlez des Harkis « européens » ou supplétifs de statut civil de droit commun. C'est un sujet difficile. La loi qui a créé l'allocation de reconnaissance s'adressait explicitement aux Harkis de droit local qui avaient dû quitter l'Algérie dans les conditions dramatiques que nous connaissons tous. Le législateur a souhaité, de manière constante, réserver ces dispositifs à ces anciens Harkis d'origine nord-africaine. Pour des raisons juridiques, le droit avait été temporairement ouvert aux Harkis de droit commun. Sauf qu'en 2016, le Conseil constitutionnel a validé le retour à l'intention initiale. Les Harkis de droit commun ont pu, quant à eux, bénéficier de dispositifs de droit commun destinés aux rapatriés dont ont totalement été privés les Harkis de droit local. J'ai proposé que l'on en reste à cette décision du Conseil constitutionnel dans la mesure où les supplétifs de droit commun ont été considérés comme des rapatriés, à l'inverse des Harkis de droit local. Telle était ma réponse à l'Assemblée nationale que je vous réitère ce soir.
Comme sénatrice de la Haute-Garonne, je suis particulièrement sollicitée sur la délicate question de l'allocation de reconnaissance au bénéfice des membres des forces supplétives en Algérie. Je regrette que les amendements qui ont été déposés à l'Assemblée nationale sur cette question aient été rejetés. Dans un rapport, l'ancien sénateur Jean-Baptiste Lemoyne, devenu depuis lors secrétaire d'État, avait considéré cette mesure comme équitable et juste, et que le budget de l'État était en mesure de la prendre facilement en charge. Ne serait-il pas possible de corriger cette lacune par l'adoption d'un amendement au projet de loi de finances pour 2018 ?
Je soutiens ce qui a été dit par Bruno Gilles sur les anciens des Opex et leur prise en charge psychologique. Nous n'avons que peu de contacts avec eux, qui sont relativement clairsemés sur notre territoire national à l'inverse de nos anciens combattants d'Algérie. Ils ont souvent vécu des atrocités et ont besoin d'être pris en charge.
Nos anciens combattants sont de moins en moins nombreux dans nos associations, qui essaient d'y attirer des jeunes mais cette démarche rencontre un succès limité. Cependant, dans mon département de l'Aisne, certains jeunes assument des fonctions de porte-drapeaux. Pourrions-nous leur conférer une reconnaissance spécifique ? En outre, les associations peuvent également connaître des conflits de générations entre ces jeunes et certains anciens qui campent sur leurs prérogatives. Je souscris totalement à ce que vous nous avez déclaré sur la jeunesse et sur le passage de valeurs entre générations. Enfin, je souhaiterais revenir sur la commémoration du centenaire de la bataille du Chemin des Dames qui a eu lieu cette année avec la participation de l'État. La logistique s'est avérée extrêmement complexe et les exigences de celui-ci se sont avérées difficiles à être honorées par des personnels, le plus souvent bénévoles, qui étaient alors disponibles dans le département.
J'ai été très sensible à votre volonté de privilégier le travail de mémoire. Certaines associations dans nos territoires ruraux s'y emploient de façon remarquable et il est intéressant de privilégier des approches pédagogiques, en lien notamment avec les conseils municipaux d'enfants. J'ai été sollicitée dans mon département au sujet de la promesse faite par le candidat Emmanuel Macron d'étendre la carte des combattants aux appelés qui se trouvaient en Algérie de 1962 à 1964. Vous avez répondu que cette démarche sera étudiée. Il semblerait que 24 000 personnes soient concernées, pour un coût total de 15 millions d'euros.
Madame la ministre, vous avez terminé votre propos en soulignant le caractère dynamique de votre budget. Il serait davantage dynamique si vous parveniez à convaincre Bercy de vous confier un budget identique d'une année à l'autre ! Effectivement, il vous faut assumer la revalorisation de la retraite du combattant qu'il a été difficile d'obtenir l'année dernière et représente au total 30 millions d'euros. Tous les ministres en charge des anciens combattants que j'ai connus au cours de mes mandats ont également suggéré de recenser et de prioriser les différentes réformes sur quatre ans. Que comptez-vous faire l'année prochaine ? Permettez-moi, à mon tour, de vous indiquer certaines priorités : la reconnaissance de la carte 1962-1964 dont la proposition de loi visant sa reconnaissance avait été signée en son temps par l'actuel ministre du budget, qui ne sera pas de ce fait insensible à cette initiative, ou encore l'aide sociale de l'Onac en faveur de ses ressortissants les plus démunis, qui varie selon les départements. Enfin je serais heureux de vous entendre au sujet du service national universel sur lequel le Président de la République s'est engagé. Ce service fera-t-il l'objet d'une mesure générale et si tel est le cas, sur quelle durée ?
Madame la Ministre, je reviendrai sur les 25 millions d'euros que vous allez attribuer à l'action sociale de l'Onac. Comment cette somme sera-t-elle répartie, afin de mettre un terme aux disparités régionales et départementales ? La politique du tourisme de mémoire me paraît un très bon sujet. Comment les villes et les départements peuvent-ils mettre en oeuvre de façon pragmatique cette politique ? Enfin comment comptez-vous valoriser le travail effectué par certaines associations d'anciens combattants en faveur de la transmission de la mémoire à nos enfants ; démarche qui me paraît essentielle aujourd'hui pour l'éducation civique.
Vous nous avez annoncé, Madame la ministre, un budget de 14 millions d'euros pour l'entretien et la rénovation des sites funéraires et mémoriels, notamment ceux de la Grande Guerre qui ont d'ailleurs été proposés pour une inscription sur la liste du patrimoine de l'Unesco. On ne peut que saluer ce soutien renforcé à ce projet majeur. Vous parliez plus spécialement de nécropoles et de lieux de mémoire qui participent à l'éveil de la citoyenneté. Pour moi, les premiers lieux de mémoire sont les monuments aux morts dont l'entretien incombe intégralement aux communes, déjà fragilisées par la baisse de leurs ressources. L'Onac intervient déjà dans l'entretien de ces monuments aux morts. Toutefois, puisque nous commémorons les cent ans de la Grande guerre, l'ancien maire que je suis depuis quelques jours vous demande s'il n'existe pas une aide exceptionnelle pour redonner leur dignité à quelques monuments aux morts qui se trouvent souvent dans un état préoccupant.
Pouvez-vous nous confirmer si la décision du classement au patrimoine mondial de l'Unesco des lieux de mémoire de la Première Guerre mondiale sera rendue l'année prochaine ? Les départements portent ce dossier depuis un certain nombre d'années et je souhaite savoir si cette démarche a toutes les chances d'aboutir.
Je souhaite revenir sur les cycles mémoriels qui se dérouleront d'ici à 2020. Je suis sénatrice du Calvados et nous nous apprêtons à commémorer le soixante-quinzième anniversaire du débarquement en Normandie. Comme en témoigne l'engagement de la population, cet anniversaire comptera et est attendu. La date du 6 juin 2019 est-elle d'ores et déjà inscrite dans le cycle mémoriel que vous évoquiez et pourra-t-elle faire l'objet d'un accompagnement spécifique par votre ministère ? Pensez-vous que l'inscription des plages de Normandie au patrimoine de l'Unesco, demandée par la région Normandie, ait une chance d'être retenue ?
Madame la ministre, 2018 sera l'anniversaire de la bataille de Bois-Belleau que marqua le premier engagement des troupes américaines aux côtés des alliés et qui contribua à l'arrêt de l'avancée allemande vers Paris. Avez-vous prévu des contacts avec les autorités américaines pour que cette cérémonie, dont l'éclat annuel est notamment assuré par la présence de Marines américains, ait un écho plus fort encore à l'occasion du centenaire ? Par ailleurs, je suis co-président fondateur de l'association qui est à l'origine de la demande d'inscription au patrimoine de l'Unesco des sites de la Première Guerre mondiale. Où en est le dossier ? L'inscription pourrait-elle intervenir le cas échéant en 2018 ?
Je souhaite évoquer les enjeux liés aux médailles militaires qui sont simples à résoudre et pourraient de ce fait être placés en tête des priorités de votre action.
Le service militaire adapté (SMA) permet, dans les départements et les collectivités d'outre-mer, à de nombreux jeunes au chômage et sans qualification d'acquérir une formation dans un grand nombre de secteurs. Toutefois, à l'issue de cette formation, les jeunes demeurent au chômage. Le travail qu'ils accomplissent est pourtant formidable, comme l'a illustrée l'organisation du déjeuner républicain donné dans l'Hôtel du département, en l'honneur de la délégation du Premier ministre lors de son déplacement en Guadeloupe la semaine dernière. Les Français d'outre-mer ont été parmi ceux qui ont défendu la Patrie et ont servi la France, y compris en Algérie. Ils ont bravé la mer pour assumer leur devoir et il conviendrait de les valoriser et de saluer leur rôle. Si je suis ici aujourd'hui, c'est grâce à eux. Je souhaiterai également féliciter le travail de l'Onac, qui a su organiser des expositions qui ont suscité un grand intérêt. Il faudrait qu'une telle démarche soit réitérée à destination des écoles pour favoriser la citoyenneté. Le devoir de mémoire doit ainsi être continu.
La retraite du combattant, qui s'élève à 750 euros annuels, n'est pas réversible lors du décès de son titulaire. Ne pourrait-elle pas être reversée - fût-ce à un taux de 54 % - au conjoint survivant ? Pour les femmes n'ayant pas eu une carrière complète, et touchant donc une très faible pension de retraite, une telle mesure serait tout à fait idoine.
Je maintiens ma position pour les Harkis de statut civil de droit commun. L'évaluation financière n'est pas en cause mais plutôt la distinction qui a été faite dès l'origine pour traiter des situations distinctes des Harkis de droit local et de droit commun. Sur les Opex et la population disséminée de ses vétérans, il est important pour tous les anciens combattants des Opex d'ériger un monument spécifique à Paris pour assurer leur reconnaissance. Les armées sont d'ailleurs très attachées à la réalisation prochaine de ce projet qui répond à une forte demande. Plusieurs associations rassemblent principalement des anciens d'Opex, même si quelques vétérans ont rejoint les associations d'anciens combattants traditionnelles. J'ai bien conscience que les enjeux de la reconnaissance du monde combattant évolueront vers les Opex et la prise en charge de cette quatrième génération du feu.
Je suis également très heureuse de voir des jeunes porte-drapeaux et je les en félicite chaque fois. Il est vrai que des conflits de générations peuvent se faire jour lorsqu'il s'agit d'assurer la direction des associations. Je constate que les associations d'anciens combattants, au-delà des demandes régulières qui sont les leurs depuis près de cinquante ans, se sont tournées vers la mémoire au point d'en devenir des acteurs engagés.
Je comprends les difficultés des territoires qui ne disposent pas de moyens, mais je n'étais pas au poste que j'occupe actuellement au moment de la commémoration du Chemin des Dames. Je comprends aussi la difficulté de mettre en oeuvre des cérémonies nationales dans des territoires où de nombreux moyens humains et financiers doivent être mobilisés.
S'agissant de l'attribution de la carte du combattant pour la période 1962-64 et des quinze millions d'euros qui sont parfois cités, mes services m'ont plutôt évoqué le chiffre de cent millions d'euros. Les ordres de grandeur divergent fortement, ce qui suscite mon étonnement. Je souhaite que notre évaluation, d'abord du nombre de bénéficiaires potentiels puis du coût, soit la plus précise possible afin de prendre des décisions éclairées. Nous allons débuter ce travail d'évaluation maintenant car je souhaite vous présenter un budget prospectif pour les prochaines années.
Je sais que je ne fais pas moins mal que les autres budgets depuis dix ans dont la perte moyenne annuelle est de 100 millions d'euros, tandis que le budget 2018 ne baisse que de 76 millions d'euros. Pour preuve, en 2009, il avait baissé de 218 millions d'euros, en 2011 de 93 millions d'euros, en 2012 de 145 millions d'euros, en 2014 de 86 millions d'euros et en 2015 de 149 millions d'euros. Je m'inscris même dans une moyenne très basse puisque j'ai pu arracher au ministre du budget des mesures nouvelles. Je ne peux manifestement révolutionner les choses en quatre mois. Certaines demandes sont très anciennes et personne n'y a répondu jusqu'à ce jour ! Nous avançons.
S'agissant des aides et secours à géométrie variables, je pense que vous faites référence à celles de l'Onac dont on constate, selon les départements, des niveaux d'aides différents. A partir du 1er janvier prochain, une circulaire devrait être prise afin d'harmoniser ces prises en charge sur l'ensemble du territoire national.
Nous souhaitons bien évidemment accompagner la quatrième génération du feu, qu'il s'agisse des blessés physiques ou psychiques, et favoriser sa réinsertion. Parmi les missions de l'Onac figure également l'accompagnement des victimes du terrorisme et notamment des personnes les plus démunies, dont la situation sociale aura été d'autant plus fragilisée par la survenue des attentats. Le budget social de l'Onac ne bougera pas.
S'agissant de l'inscription au patrimoine de l'Unesco, j'ai rencontré l'association « Paysages et sites de mémoire de la Grande Guerre », avec le président du Souvenir français. L'Unesco doit rendre sa décision en juin 2018. Je ne peux vous en dire davantage, de peur de nuire à ce dossier par une déclaration qui pourrait être considérée comme malvenue. Le dossier pour la Normandie et les plages du débarquement est actuellement en cours de constitution. Nous sommes naturellement favorables à aider et à porter avec les territoires, ainsi qu'avec les associations, ces dossiers.
Les monuments aux morts font l'objet d'une dotation particulière de l'Onac destinée aux communes qui le demandent. Ces dernières doivent ainsi envoyer un dossier, argumenté et chiffré. En 2017, 200 000 euros ont été consacrés par l'Onac. Seulement 130 000 euros étaient disponibles en 2010 ; preuve que nous aidons davantage les collectivités qui le demandent.
A l'heure actuelle, rien n'a été décidé pour l'organisation des célébrations du soixante-quinzième anniversaire du débarquement en Normandie dans le département du Calvados. J'imagine que des manifestations importantes se dérouleront en Normandie.
Le Bois-Belleau est un sujet particulier. Je suis en contact avec les Américains pour organiser une manifestation exceptionnelle. Nous faisons un travail important avec l'ensemble des pays qui ont été impliqués dans les deux conflits mondiaux ; pour preuve, la participation du Canada à la commémoration du raid de Dieppe.
Enfin, je n'ai pas parlé du SMA qui est un très beau dispositif et qui a inspiré le service militaire volontaire en métropole. 6 000 jeunes sont pris en charge par les armées dans ce dispositif. Certes, si tous ne trouvent pas un emploi, les employeurs accordent manifestement une attention particulière aux jeunes qui sont sortis du SMA en raison du savoir-être qu'ils y reçoivent. Dans ce dispositif d'insertion, cette dimension est essentielle.
Le fléchage des formations est important. Toutes celles et ceux qui ont suivi la filière froid et climatisation ont reçu un emploi.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État. - Ce type d'insertion est exceptionnel. Par ailleurs, nous ne devons pas oublier la mémoire des combattants d'outre-mer. J'en parlerai avec ma collègue Annick Girardin, ministre des Outre-Mer, afin que nous soyons assurés que l'engagement de tous les combattants pour la France soit reconnu à sa juste valeur. Enfin, s'agissant des médailles militaires, cette demande m'a été transmise par les associations. Il est regrettable que les délais d'octroi se heurtent parfois au décès des récipiendaires. Je vais tâcher de faire accélérer les choses, afin de lever ces freins incompréhensibles.
Merci, Madame la ministre. Nous avons rendez-vous le 6 décembre prochain en fin de matinée pour l'examen en séance publique de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Nous devons procéder, en application de l'article 13 de la Constitution, à l'audition publique de Mme Dominique Le Guludec, présidente de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), que le président de la République propose de nommer à la présidence de la Haute Autorité de santé (HAS). Nous nous prononcerons ensuite sur cette nomination.
Vous savez tous que la présidence était assurée par Mme Agnès Buzyn depuis mars 2016, jusqu'à son entrée au Gouvernement en mai dernier.
Mme Le Guludec est professeur de médecine, spécialisée en cardiologie et médecine nucléaire. Chef de service à l'hôpital Bichat, elle préside depuis 2013 le conseil d'administration de l'IRSN, fonction qu'avait d'ailleurs également occupée Agnès Buzyn.
La HAS joue un rôle essentiel dans notre organisation sanitaire. Ses missions, nombreuses, se sont élargies, et couvrent des enjeux majeurs tels que l'évaluation du médicament, les bonnes pratiques professionnelles, les recommandations de santé publique ou la certification des établissements de santé.
À l'heure où chacun souhaite préserver l'accès pour tous nos concitoyens à un système de santé de qualité, mais s'interroge aussi sur la soutenabilité financière de notre modèle, les attentes vis-à-vis de la HAS sont particulièrement fortes. Nous le voyons avec la montée en puissance de problématiques telles que la pertinence des soins ou l'innovation en santé, qu'elle concerne les traitements ou les modes d'organisation et de prise en charge.
Je vais laisser la parole à Mme Le Guludec pour qu'elle évoque son parcours ainsi que sa vision des grands enjeux auxquels l'institution devra faire face dans les prochaines années et des orientations qu'elle souhaiterait mettre en oeuvre. Elle répondra ensuite à nos questions.
Le Président de la République a proposé mon nom pour présider le collège de la HAS, à la suite de la nomination d'Agnès Buzyn comme ministre des solidarités et de la santé. C'est un honneur et un défi au vu des enjeux qui nous attendent. La HAS est un organisme scientifique indépendant, garant de la cohérence et de la qualité de notre système de santé afin qu'il assure à nos concitoyens un accès durable et équitable à des soins aussi efficaces et pertinents que possible. Ma candidature s'inscrit dans un parcours médical, scientifique et administratif qui, je l'espère m'a préparée à assurer les responsabilités de cette fonction.
Je suis d'abord et avant tout médecin de terrain, avec une spécialité clinique comme cardiologue et une spécialité d'imagerie, la médecine nucléaire. Après un internat clinique, j'ai été chef de clinique en cardiologie et je me suis orientée vers un exercice public hospitalo-universitaire. J'ai néanmoins testé dans mon parcours l'exercice libéral en faisant des remplacements de ville et aussi l'exercice associatif en faisant des consultations à l'oeuvre de secours aux enfants (OSE). Je me suis très tôt intéressée aux nouvelles modalités d'imagerie fonctionnelles et moléculaires qui bouleversaient notre vision de la maladie et qui ouvraient un champ de recherche et d'innovation considérable. La suite m'a confortée dans ces choix, car l'imagerie a pris une place grandissante dans la prise en charge des patients.
Je suis professeur des universités, praticien hospitalier de biophysique et médecine nucléaire à l'hôpital Bichat. J'ai pris successivement la responsabilité d'un service puis d'un pôle et j'ai monté une équipe de recherche Inserm. Néanmoins, j'ai toujours gardé une consultation de cardiologie, car le colloque singulier avec les patients m'est essentiel. J'ai pu ainsi réaliser le désarroi des patients confrontés à des informations contradictoires entre ce qu'ils lisent sur le Net et les recommandations de leur médecin ou lors du changement récent de la formulation du Levothyrox, par exemple.
Diriger un service dans un hôpital universitaire, c'est faire le grand écart permanent entre un travail de tous les jours auprès des patients pour un accueil digne et une qualité des soins irréprochable. C'est également un travail de chef d'entreprise avec tous les problèmes organisationnels et humains qui se posent dans une équipe paramédicale et médicale. C'est autant râler pour que le ménage soit fait correctement et les départs remplacés qu'être à la pointe des innovations et parler dans les congrès internationaux. C'est être au plus près des problèmes de terrain autant que dans les colloques et les publications. Cette obligation de pragmatisme fait qu'on ne décolle pas des réalités.
J'ai exercé durant toute ma carrière dans des zones défavorisées du nord de Paris (Avicenne, Beaujon, Bichat) et j'ai pu constater plus d'une fois les bienfaits formidables de notre système de solidarité français mais aussi les disparités qui persistent dans la maladie et qui font qu'on est plus malade au nord qu'au centre de Paris et qu'on y accède encore aujourd'hui plus tardivement aux soins.
Pendant tout mon parcours, je me suis aussi fortement impliquée dans la recherche médicale avec la création d'une équipe de recherche Inserm en imagerie multimodalité et d'une plateforme d'imagerie expérimentale, en travaillant particulièrement à la multidisciplinarité indispensable entre chercheurs, imageurs et cliniciens. Je suis responsable de programmes nationaux et européens de recherche dans des domaines à forte valeur d'innovation : imagerie, biothérapie, nanotechnologies.
Afin d'exercer au mieux mes fonctions de responsable lorsque j'ai été nommée chef de pôle, j'ai développé mes compétences managériales en retournant sur les bancs de la formation pour un magistère de management médical à l'Essec. J'ai aussi appris à gérer la contradiction entre les moyens limités de nos hôpitaux et l'évolution galopante de la médecine, et à rechercher des moyens de financement originaux de l'innovation, en créant par exemple un GCS public-privé pour financer un tomographe par émission de positons à l'hôpital Beaujon.
J'ai très tôt assumé des responsabilités transversales, d'abord au sein de mon hôpital, puis de l'Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP), dans le cadre du Comité d'évaluation des innovations technologiques, au sein de ma faculté où j'ai été membre du conseil de gestion de l'Université Paris-Diderot pendant deux mandats, seule femme du collège A, puis au niveau national dans des sociétés savantes, au conseil national des universités, ou dans des agences d'expertise. Je suis présidente d'une commission de qualification du conseil national de l'Ordre des médecins. Enfin, au niveau européen, j'ai siégé au conseil de l'Agence européenne de médecine nucléaire.
Plus récemment, deux missions m'ont beaucoup enrichie. J'ai été nommée en 2013 présidente du conseil d'administration de l'IRSN, agence scientifique d'expertise et de recherche sur les risques nucléaires civils, militaires et médicaux. Cette fonction m'a familiarisée avec la gestion des risques et la gestion de crise dans un domaine sensible, la communication avec le grand public sur les débats sociétaux, l'intégration de la société civile aux différents stades de l'expertise et de la recherche et le management d'une institution pluridisciplinaire. J'ai pu y développer une vision stratégique, contribuer à élaborer la politique d'une institution publique, appréhender la gestion d'un conseil d'administration et l'équilibre financier dans un contexte contraint. J'en anime le comité d'orientation des recherches, et participe à celui d'éthique et de déontologie. J'y ai appris à mener l'orientation des choix d'une institution en lien avec le directeur général, et surtout à utiliser avec doigté la représentation symbolique d'une telle fonction. Je m'y suis familiarisée avec le fonctionnement des agences et leurs relations avec la représentation nationale, avec les ministères de tutelle, les hautes autorités, en l'occurrence l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), tout en participant à la dimension européenne, en particulier au sein de l'Agence nationale de l'énergie atomique.
J'ai par ailleurs été élue en 2015 présidente de la commission médicale d'établissement du groupe hospitalier Hôpitaux universitaires Paris Nord-Val de Seine (HUPNVS), et je participe à la gestion de ce groupe dans sa dimension dynamique médicale et paramédicale, de ressources humaines, de gestion des conflits, de contraintes budgétaires, techniques ou administratives. Ce groupe hospitalier comprend plus de 2 400 lits et près de 10 000 professionnels, des hôpitaux de médecine, chirurgie, obstétrique (MCO), mais aussi un hôpital gériatrique et un Ehpad. J'y ai touché du doigt ce que représentent les restructurations hospitalières, avec la fermeture de l'hôpital Adélaïde-Hautval, à Villiers le Bel, fermeture nécessaire d'une structure qui n'était plus adaptée aux soins de notre époque, mais très douloureuse pour tous les professionnels qui y travaillaient.
J'y ai également approché un autre aspect de la relation avec les patients au travers des médiations, des plaintes et des éloges, ainsi que du travail avec les associations de patients. Pendant mon mandat, j'ai participé à la certification du groupe, ce qui m'a permis de me faire une idée précise des vertus et des limites du processus actuel de la HAS. Je vis surtout au plus près le dilemme dans lequel est notre système hospitalier qui doit financer l'innovation rapide dans un contexte budgétaire très contraint et qui atteint les limites de ce que les équipes peuvent produire. La nécessité de changements organisationnels à l'hôpital, mais aussi en ville et entre ville et hôpital est essentielle si nous voulons préserver la qualité de notre système de soins. Ces changements ne peuvent se faire qu'avec les équipes, hospitalières comme libérales, paramédicales comme médicales, car aucune évolution importante de notre système ne pourra se réaliser si elle ne vient pas des professionnels eux-mêmes. Ils doivent être en première ligne pour proposer des innovations, participer à leur évaluation, faire évoluer les bonnes pratiques, s'emparer des questions de déficience en santé, de la gestion des risques, et cela en collaboration avec les premiers bénéficiaires, les patients et les citoyens.
L'élaboration du projet de construction d'un nouveau campus hospitalo-universitaire, que nous appelons le campus nord, à Saint-Ouen, et qui doit permettre de remplacer les hôpitaux Bichat et Beaujon à l'horizon 2025 a mis au jour les nombreuses transformations qui attendent les hôpitaux dans les années qui viennent. Emblématique hôpital du futur, il devra intégrer des innovations majeures tant organisationnelles que médicales permettant la réduction des durées de séjour pour le plus grand bien des patients, mais il devra aussi intégrer l'hôpital digital, la e-santé, le développement encore plus important de la médecine ambulatoire, la mutualisation des plateaux de lits, l'ouverture sur la médecine de ville, etc. Ce projet est une expérimentation qui m'a beaucoup appris.
Ces évolutions ne manquent pas de soulever des inquiétudes car elles s'accompagnent d'une profonde modification de notre façon de penser l'hôpital avec une réduction capacitaire significative rendant indispensable le travail collaboratif en amont avec les cabinets libéraux et les autres structures de soins de ville, mais aussi avec les soins de suite et de réadaptation (SSR) et les structures d'aval médicales et médico-sociales.
L'ensemble de ces expériences m'a certes donné des compétences. Elles m'ont surtout fortement sensibilisée aux enjeux auxquels nous serons confrontés dans les années qui viennent. Je suis très fortement attachée à préserver et accroître la qualité de ce système qui nous bénéficie tant. C'est la raison pour laquelle je suis devant vous ce soir.
La HAS est une institution majeure dans le domaine de la santé. Sa responsabilité sociétale est d'aider les pouvoirs publics à préserver les valeurs fondamentales de qualité, de solidarité et d'équité en même temps que les droits individuels et collectifs des patients et des professionnels. Autorité publique indépendante à caractère scientifique, elle permet de fonder nos politiques de santé sur une approche scientifique et médicale - la médecine basée sur les preuves - qui seule permet de déterminer le juste soin et sa pertinence. Son indépendance à l'égard des politiques comme des intérêts privés est garante de la pertinence de ses avis et la qualité de son travail est une condition d'acceptation par tous les acteurs des choix effectués.
Notre système de santé est considéré comme l'un des meilleurs au monde. Il vit une profonde mutation qui ne fera que s'accélérer dans les années à venir. Il doit faire face à des choix stratégiques justifiés par l'augmentation de la demande de soins due au vieillissement de la population, aux maladies chroniques, mais aussi par le rythme de l'innovation et l'attente justifiée de nos concitoyens, dans un contexte de contrainte économique.
Tels sont les éléments qui ont conduit à la définition des quatre axes de la stratégie nationale de santé : la prévention et la promotion de la santé tout au long de la vie et dans tous les milieux, la lutte contre les inégalités sociales et territoriales d'accès à la santé, la nécessité d'accroître la pertinence et la qualité des soins, et enfin l'innovation. Ces axes engagent l'institution.
Comme à l'IRSN, il faut aussi y prendre en compte la sensibilité sociétale au-delà des connaissances scientifiques et y amplifier la participation des patients et des citoyens à tous les niveaux. Il est aussi du rôle de la HAS d'assumer des enjeux nouveaux de communication en lien avec les professionnels, les sociétés savantes et les associations de patients, mais aussi avec les medias, dans une société où les réseaux sociaux peuvent favoriser la diffusion de croyances au détriment des connaissances.
Les professionnels de santé ont tous déjà profondément modifié leurs pratiques de sorte que la médecine exercée aujourd'hui n'a rien à voir avec celle que j'ai connue pendant mon internat. Ils sont un peu inquiets car ils ont l'impression d'un effort qui ne s'arrête jamais comme une vis qui tournerait sans fin. Ils ont raison : il faut toujours faire plus et mieux. Ce qui nous attend comme changement sera aussi profond que ce qui a déjà été fait. C'est en même temps pour eux une profonde satisfaction d'être de plus en plus efficaces pour prévenir et pour soigner. Il faut donc absolument accompagner ces professionnels qui ont besoin de sérénité pour exercer leur métier. Il faut aussi accompagner les patients pour qu'ils puissent prendre toute la place qui leur revient de droit. Le travail de la HAS est là pour fournir les outils de ces évolutions, aider à faire les bons choix, être garante de leur pertinence.
La HAS a de nombreuses missions à fort enjeu : évaluer les produits de santé, médicaments, dispositifs médicaux, actes, ainsi que les actions et programmes de santé publique ; définir les bonnes pratiques professionnelles ; enfin, certifier et accréditer les établissements et certains professionnels. Elle est interrogée sur tous les sujets importants dans son domaine de compétence. Elle exerce ses missions avec compétence et beaucoup de pays nous l'envient eu égard à la qualité des centaines d'avis rendus, ce qui est une gageure au vu du rythme actuel de l'innovation. Il faut mettre cela au crédit de son indépendance, de la qualité et du dévouement de ses salariés, de l'excellence de ses experts autant que de sa méthodologie de travail dans une démarche scientifique et transparente.
En ce qui concerne les missions d'évaluation des produits de santé, les principaux enjeux dans un contexte d'innovation très forte et onéreuse sont la qualité de la méthodologie d'évaluation, la rapidité de cette évaluation, le maintien de l'accès équitable à l'innovation, la soutenabilité financière pour le système et donc le développement de l'évaluation médico-économique. Un travail considérable a déjà été effectué par mes prédécesseurs dans ce domaine. Ils ont notamment beaucoup travaillé sur les critères d'évaluation dans un souci d'impartialité, de transparence et de simplification et en développant l'évaluation médico-économique et l'évaluation de l'efficience des stratégies thérapeutiques autant que des produits.
Il faut nous appuyer comme en Angleterre sur des équipes de recherche académiques. La participation active des patients à ces évaluations que la HAS a déjà beaucoup développée est également un gage de qualité. Cette participation n'est pas formelle. Il a été démontré scientifiquement qu'elle améliore les évaluations et in fine la qualité des soins. Nous allons poursuivre et accélérer ce travail, en particulier dans un contexte européen où la HAS a une forte reconnaissance. Des innovations thérapeutiques majeures, tant dans le domaine du médicament que du dispositif arriveront dans les mois qui viennent avec des prix inédits à ce jour : thérapies géniques, immunothérapies, biothérapies, et ceci dans tous les domaines, pas seulement celui du cancer, mais aussi l'asthme sévère, la dermatologie, les maladies rhumatismales inflammatoires... Certaines injections coûtent plus de 500 000 euros la dose, mais peuvent aussi sauver ou transformer la vie de certains patients. Notre pays fait partie de ceux où tous les patients sans conditions de ressources ont le plus vite accès à l'innovation. L'enjeu est de préserver cet accès et pour commencer de faire les choix pertinents.
Quels sont les enjeux dans le champ de la certification des établissements de santé et l'accréditation des médecins ? La mission est énorme avec 2 600 établissements en France et plus de 600 visites annuelles qui permettent d'évaluer les établissements de santé publics et privés. Ces visites portent sur le niveau des prestations et soins délivrés aux patients et sur la dynamique d'amélioration de la qualité. Trois maîtres mots : médicalisation, simplification, évaluation par les résultats.
Jusqu'à présent, il est notoire que l'accréditation a été centrée sur les structures et les processus, mais peu sur la pertinence médicale et les résultats des prises en charge. Personne ne peut nier que cela a grandement amélioré la qualité générale des organisations et c'était la base par laquelle il fallait commencer. Désormais, on prend mieux en charge la douleur, on prévient mieux les infections nosocomiales, on assure mieux la continuité des soins ou l'information du patient, on s'attache à recueillir son consentement avant les actes invasifs, etc. Le système a acquis une maturité qui fait que l'on peut aller au-delà en évaluant la pertinence des prises en charge cliniques et leurs résultats tout en veillant à la pérennité de l'organisation générale des soins. Là encore, il faut modifier les paramètres de l'évaluation en faisant le deuil de l'exhaustivité pour cibler des paramètres de résultats.
La HAS a ainsi proposé ces dernières semaines, avec une grande prudence sur les effets délétères possibles, une évaluation de la mortalité par pathologie. Une expérimentation sera lancée l'an prochain sur la mortalité à un mois après infarctus du myocarde. Cela permettra de mieux juger, sur des critères durs, de la pertinence des prises en charge et de les améliorer là où elles doivent l'être.
Cela aura aussi l'avantage de remettre la certification dans les mains des professionnels de santé, de remobiliser les équipes médicales et paramédicales, de valoriser les actions entreprises en les mettant dans une dynamique d'amélioration continue. Il faut donc parler leur langage. Les indicateurs doivent être simplifiés, compréhensibles, proches des pratiques, lisibles par les acteurs de terrain qui doivent pouvoir se les approprier. Cela clarifiera le sens donné à la certification.
Renforcer la fonction incitative et faire porter l'évaluation sur des fondamentaux indiscutables, mais surtout sur la capacité des équipes à progresser, tels sont les objectifs. Le but in fine est d'évaluer le parcours du patient dans son ensemble tout en sachant que l'hôpital n'en représente qu'une petite portion. L'expérimentation va vers des évaluations qui prennent en compte l'amont et l'aval, comme celle qui a été proposée récemment pour la prise en charge d'une fracture du col du fémur. La construction du référentiel des parcours est une expérimentation essentielle pour la HAS. Si l'on veut proposer de nouveaux modes de financement pour ces parcours, il devient essentiel d'en mesurer la qualité et en particulier la pertinence et les résultats. L'évaluation des groupes hospitaliers de territoires renforcera la transversalité de façon à garder l'évaluation de chaque site, mais aussi celle des parcours, en lien avec les autorisations délivrées par les Agences régionales de santé (ARS).
Enfin, certains chantiers sont à revisiter en raison du contexte d'évolution forte. Il appartient à la HAS de fournir aux tutelles les éléments pour une régulation des structures qui permette d'optimiser le service rendu à la population. Là encore, ce travail doit reposer sur une analyse scientifique de la littérature ainsi que sur l'avis des experts et des patients.
L'élaboration des recommandations est une autre mission de la HAS. Elle s'adresse avant tout aux professionnels pour les aider à mettre à jour leurs pratiques, ce qui est une nécessité au regard de la rapidité des évolutions. Les recommandations sont aussi de plus en plus organisationnelles. Elles s'inscrivent totalement dans le pilotage par la pertinence proposé par notre ministre. Elles concernent le soin mais également la prévention et directement les soins de premier recours. Nous avons la chance d'avoir en France un réseau de médecins libéraux, généralistes et spécialistes, qui ont la confiance de nos concitoyens. Ils doivent être en première ligne pour l'amélioration de la prévention et des prises en charge. Ils ont besoin d'être accompagnés pour structurer ces prises en charge et la mise en place d'équipes pluridisciplinaires telles qu'elles existent par exemple dans les maisons de santé. Là encore, l'acceptabilité des recommandations ne peut être acquise que si ce travail est mené de façon collaborative, avec les patients, les sociétés savantes, les professionnels tant libéraux que salariés, en particulier pour assurer la cadence de leurs actualisations, la qualité de leur diffusion, et leur suivi.
Cette collaboration ne doit pas affecter l'indépendance des recommandations et la vigilance dans le contrôle des liens d'intérêt doit être maintenue. Le mode de communication doit aussi se moderniser si nous voulons être suffisamment visibles. Enfin, la sensibilisation des jeunes médecins en formation pourrait être améliorée en partenariat avec nos facultés et nos CHU.
Pendant les quinze mois de sa présidence, Mme Buzyn avait initié de forts changements dans l'institution, permis par l'ordonnance du 2 janvier 2017. Elle y a fait modifier la constitution du collège et les règles de son renouvellement. Elle y a instauré la parité alors qu'à son arrivée il n'y avait aucune femme parmi les huit membres du collège. Elle a également positionné des femmes compétentes à la tête des services. Elle a participé à la simplification du paysage des agences sanitaires. Le comité technique des vaccinations a été ainsi rattaché à la HAS de façon cohérente et efficiente et une commission réglementée spécifique a été créée. Les enjeux sociétaux des sujets vaccinaux n'ont pu vous échapper ces derniers temps. La commission s'est mise au travail avec la rigueur et l'indépendance qui caractérisent l'institution. Elle commence à produire ses premiers avis.
Le deuxième rapprochement est en cours de discussion et a pu susciter des inquiétudes. Il vise l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm), créée par la loi de financement de la sécurité sociale de 2007. Ce rapprochement avait pour objectif de favoriser les travaux interdisciplinaires et transversaux aux secteurs sanitaire et social pour mieux servir les parcours de vie et de soins des usagers. L'Anesm a réalisé ces dernières années un très gros travail pour élaborer des outils d'évaluation dans ce domaine, outils forcément différents de ceux appliqués aux établissements de soins. On ne peut que saluer les progrès suscités par son travail dans la prise en charge des personnes âgées en situation de handicap ou dans la protection des jeunes en situation de vulnérabilité.
Cependant, dans un contexte très évolutif, les deux agences ne peuvent que gagner à conjuguer leurs forces pour faire encore progresser cette prise en charge en partageant des méthodologies éprouvées pour améliorer les critères d'évaluation de ces établissements. On compte environ 32 000 établissements sociaux et médico-sociaux contre 2 600 établissements de santé. On conçoit donc aisément les problèmes qui se posent lorsque les évaluations sont réalisées par des organismes habilités très variés sans cahier des charges opposable. En gage de la prise en compte de la spécificité de cette mission, il est prévu dans le PLFSS de créer au sein de la HAS une commission réglementée indépendante qui aura autant d'autonomie que la commission de transparence.
Les différentes lois de santé ont attribué chaque année à la HAS de nombreuses missions nouvelles dont l'une consiste à rendre une analyse prospective du système de santé pour formuler des propositions d'amélioration de sa qualité et de son efficacité. Cela pourra être une occasion de nous revoir.
Le PLFSS 2018 a mis en exergue plusieurs sujets qui ne manqueront pas d'influencer le travail de la HAS, que ce soit la vaccination obligatoire, la télémédecine ou la régulation des activités d'information dans le domaine du dispositif. La politique de santé axée sur la pertinence des soins engage l'institution.
Constatation est faite par notre ministre que la régulation par l'Ondam n'est plus suffisante et qu'il convient d'introduire de la régulation par la qualité et la performance. Cela passera par la création d'un tiroir d'innovations organisationnelles et de tarification doté d'un fonds financier. Il permettra aux acteurs de terrain de demander un soutien financier pour de nouvelles organisations, de nouveaux modes de prise en charge, de nouveaux modes de coordination entre ville, hôpital et secteur médico-social. Ces innovations qui doivent favoriser le décloisonnement pour remettre le patient au coeur de sa prise en charge devront être évaluées avec soin avant d'être déployées. L'enjeu pour la HAS consistera à définir une batterie d'indicateurs de résultats, y compris du point de vue du patient, selon ses méthodes, en en concertation avec les professionnels et dans un calendrier rapide.
Toutes ces tâches sont cohérentes dans le contexte d'évolution forte du système. Elles poseront cependant le problème des moyens budgétaires et humains de l'institution. La HAS est bien gérée, comme la Cour des comptes l'a fait remarquer. Elle a fourni de gros efforts d'efficience pour contribuer à l'effort budgétaire national. Elle a aussi rogné petit à petit sur son fonds de roulement et les limites de l'exercice seront bientôt atteintes. Il faudra trouver encore des leviers d'efficience et veiller à la pérennité des moyens de l'institution pour assurer son efficacité.
Enfin, les questions qui se posent à nous se posent aussi à l'échelon mondial. L'Europe est un maillon fort pour mutualiser les ressources et les expériences et pour faire converger les critères de qualité. Elle a également un rôle à jouer dans la gestion des prix des médicaments innovants. La HAS a un rôle moteur pour l'évolution et l'harmonisation des démarches d'évaluation. Elle est déjà fortement intégrée dans les réseaux européens d'évaluation. Mes prédécesseurs y ont beaucoup travaillé. Il nous faut encore renforcer ce positionnement à l'heure du Brexit pour être force de proposition et faire valoir notre système de santé.
La tâche est vaste et demande en interne des efforts permanents de réactivité et de transversalité. Il s'agit d'un travail collégial avec des équipes de qualité, un collège renouvelé et des bases solides posées par mes prédécesseurs. J'espère que mon expérience, mes valeurs d'éthique et de probité, ma détermination, mon enthousiasme et mon engagement pour le service public vous convaincront de me confier la direction de cette très belle institution.
Permettez-moi une boutade. Vous avez défendu, au début de votre intervention, l'idée d'une pratique de terrain indispensable. Les parlementaires devraient eux aussi bénéficier de cette pratique de terrain. Vous avez l'écoute du Président de la République. Peut-être pourriez-vous le lui suggérer afin qu'on ne nous oblige pas à abandonner nos mandats pour ne rester que parlementaires ?
La tâche est vaste et je vous souhaite beaucoup de courage. L'article 51 du PLFSS 2018 prévoit le transfert de l'agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements médico-sociaux au sein de la HAS. Les secteurs sanitaire et médico-social comportent des différences fondamentales. La crainte est forte que la vision sanitaire prenne le pas sur les conditions d'accueil et d'accompagnement des usagers de structures qui demandent beaucoup de souplesse et d'adaptabilité aux situations individuelles et familiales. Les établissements de santé sont des lieux où les patients se soignent ; les établissements médico-sociaux sont des lieux de vie où l'on soutient et où l'on construit. Qu'en pensez-vous ?
Les besoins sont importants dans les structures de santé mentale. Les pathologies lourdes sont nombreuses, notamment dans les zones rurales où l'isolement social est fort. Les équipes des centres médico-psychologiques me crient leur manque de moyens. Les psychiatres disparaissent et les maladies mentales ne sont plus prises en charge. Les équipes médicales ont dû faire des choix et ne peuvent plus intervenir au domicile des patients, perdant ainsi les outils d'évaluation essentiels à l'adaptation de la prise en charge. Ils perdent en temps et en efficacité. Quelles propositions concrètes pouvez-vous nous faire ?
L'évaluation du médicament est l'une des missions essentielles de la HAS. Vous avez précisé qu'elle devait être de qualité et rapide et vous avez suggéré un éventuel rapprochement européen concernant le prix des médicaments innovants comme les antirétroviraux directs. Le Comité économique des produits de santé (CEPS) est démuni et n'a à sa disposition que treize fonctionnaires. Dans la mesure où vous envisagez la fusion de certaines agences, ne serait-il pas judicieux de rapprocher la HAS et le CEPS pour développer une vision globale du médicament ?
Je tiens à vous féliciter car vous êtes un grand praticien scientifique tout en restant habitée par l'enthousiasme d'une pratique de terrain. Vous souhaitez la réduction des durées de séjour, le développement de la médecine ambulatoire et de l'e-santé tout en faisant évoluer les bonnes pratiques. La HAS se distingue selon vous en privilégiant la prévention, la pertinence de qualité et l'accès à l'innovation.
L'innovation repose sur un soutien financier entre la ville, l'hôpital et le secteur médico-social. Dans des territoires déjà en grande difficulté et qui verront leur situation s'aggraver dans les années qui viennent, ne faudrait-il pas augmenter le numerus clausus et le nombre de stages chez le praticien parallèlement au développement des équipes pluridisciplinaires et de la télémédecine que vous proposez ?
La médecine ambulatoire est sous-dotée. Les moyens financiers manquent pour qu'elle puisse s'adapter aux malades en situation de polypathologie.
C'est une belle succession que vous avez à prendre. En matière de recommandations de bonnes pratiques aux professionnels, la HAS gagnerait à rendre plus visibles les fiches qu'elle publie. La fiche de juillet dernier sur le repérage et le dépistage des violences faites aux enfants était excellente ; les professionnels de la protection de l'enfance ne s'en sont pas suffisamment emparés. Comment améliorerez-vous la communication de la HAS dans ce domaine ?
Quel rôle tiendra la HAS dans la révision de la loi de bioéthique ?
La santé numérique, les big data, l'aspect génomique sont des sujets qui vous tiennent à coeur. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Votre présentation montre que vous avez toutes les compétences pour ce poste. Comment voyez-vous évoluer les critères d'évaluation des produits de santé ? Faut-il garder celui du service médical rendu (SMR) ? Certains laboratoires proposent des solutions innovantes pour la prise en charge des traitements très onéreux, notamment en fonction de leur efficacité. Qu'en pensez-vous ?
Bravo pour votre parcours, et votre implication : vous êtes une femme plurielle, et je m'en réjouis ! Je suis cadre de santé au CHU de la Guadeloupe, où j'ai fait valoir mes droits à la retraite. Je mettais en oeuvre la démarche d'accréditation à l'Institut Pasteur de Guadeloupe. J'étais aussi représentante à l'ARS. C'est avec émotion que je souhaite évoquer la psychiatrie en Guadeloupe : nous y manquons de psychiatres. Je souhaite que la HAS prenne conscience de cette carence et y remédie. La France toute entière manque de psychiatres mais, en Guadeloupe, c'est criant, surtout qu'il s'agit d'un archipel. Le Tep Scan et le cyclotron installés par le précédent Gouvernement ne sont pas opérationnels. Je compte sur vous pour remédier à ce problème. L'insularité génère des surcoûts, sans parler des conséquences de l'ouragan. Prenez-en conscience.
Comment envisagez-vous la certification des GHT, qui s'annonce pour 2020 ? Envisagez-vous de simplifier et d'améliorer les outils de recueil ? Il manque des experts-visiteurs : comment résoudrez-vous ce problème ?
Vous me faites confiance, car ce sont là des questions pour une ministre ! La pratique de terrain me paraît indispensable. Je m'engage à abandonner, si ma nomination est confirmée, mes fonctions à l'hôpital et à l'IRSN, mais je garderai une demi-journée de consultation, pour rester au contact des réalités concrètes, car je crois que c'est très important.
Je n'ai pas encore les réponses à toutes vos questions. Le rapprochement entre l'Anesm et la HAS suscite des inquiétudes car les évaluations ne sont pas les mêmes. Pour autant, faire converger les méthodologies - pas forcément les critères - pour aboutir à un référentiel commun peut rendre le contrôle de qualité plus efficient. Certes, soins et médico-social se mélangent de plus en plus : poly-pathologies des personnes âgées, traitement de l'autisme... Beaucoup des recommandations de la HAS concernent aussi le médico-social. Si la commission spécifique est composée d'acteurs de ce secteur, que son vice-président connaît ce domaine, nous pouvons encore faire mieux.
La densité en médecins ne dépend pas de la HAS. Je sais que nous manquons de psychiatres, notamment en zones rurales et outre-mer. La HAS, à travers ses critères de bonne pratique, peut établir quels moyens manquent et faire remonter cette information mais elle ne décide pas de leur affectation.
À ma connaissance, la fixation du prix d'un médicament a été dissociée de son évaluation pour éviter les conflits d'intérêts, suite à plusieurs scandales. S'il est possible de créer des synergies pour l'évaluation de la sécurité, je suis persuadée qu'il faut laisser les prix en dehors de l'évaluation médicale et scientifique. Même remarque pour le nucléaire : l'expertise est faite par l'IRSN et les autorisations sont données par l'ASN. Cette dissociation nous préserve de maints problèmes.
C'est une volonté du législateur. Mme Buzyn nous a fait la même remarque il y a quelques semaines.
Le numerus clausus n'est pas du ressort de la HAS. Les stages chez le praticien se sont énormément développés, au point qu'il devient difficile de trouver des maîtres de stage. L'ambulatoire ne convient pas partout. Aux États-Unis, la définition en est plus large, et il est vrai que, pour des personnes âgées isolées, après une anesthésie générale, il est bien plus facile de rentrer chez soi le lendemain matin que le soir même. Je suis d'accord : pour que l'ambulatoire se développe, il faut favoriser son financement.
La visibilité des bonnes pratiques est un vrai enjeu. Les recommandations ne suffisent pas : encore faut-il que les médecins les lisent. Vu leur nombre d'heures de travail, et le changement dans les modes de communication, celles-ci doivent être présentées sous forme synthétique : tableaux, schémas... Il y a sans doute des progrès à faire dans ce domaine.
À chaque innovation importante, les référentiels sont évalués préalablement par la HAS. D'énormes chantiers en perspective !
Les critères d'évaluation ont beaucoup évolué. Le SMR est utile, et la valeur thérapeutique peut simplifier en réduisant à un seul critère, donc à un seul tarif de remboursement. L'évaluation de l'efficience de la prise en charge est un véritable enjeu.
Pour remédier au manque de psychiatres, il faut que cette spécialité soit choisie par davantage d'étudiants. C'est le choix qu'a fait ma fille, en tous cas ! Mais ce n'est pas du ressort de la HAS. J'avais cru comprendre que l'installation du Tep Scan et du cyclotron était imminente. Je souhaite qu'ils soient bientôt opérationnels.
Pour certifier les GHT, il faut évaluer chaque site et le parcours du patient. Je suis d'accord, il faut simplifier et améliorer les outils de recueil. Cela ne concerne pas que les qualiticiens des hôpitaux - même si la complexité de leurs procédures nous a dotés d'un solide socle organisationnel - mais tous les professionnels. Les experts-visiteurs doivent consacrer du temps, et nous devons aussi mobiliser nos collègues médecins pour que la certification soit médicalisée.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale procèdera à l'audition de Mme Le Guludec jeudi 16 novembre. Nous devons donc différer le dépouillement jusqu'à cette date afin que les résultats soient annoncés simultanément.
La commission procède au vote sur la candidature de Mme Dominique Le Guludec aux fonctions de présidente de la Haute Autorité de santé.
La réunion est close à 19 heures.