Notre ordre du jour appelle la présentation des travaux et propositions de notre collègue Olivier Cadic sur le cycle de vie des entreprises.
Vous m'avez confié un rapport sur le cycle de vie des entreprises - création, développement, disparition - et l'élaboration de propositions pour dynamiser notre économie. Après une soixantaine d'auditions et la prise en compte des nombreuses contributions écrites que j'ai reçues, je vous propose de créer une « France libre d'entreprendre », un univers idéal pour les créateurs, les innovateurs et les entrepreneurs.
Qu'est, pour l'entrepreneur que je suis, un univers idéal ? J'ai créé ma société à vingt ans, puis l'ai déplacée au Royaume-Uni en 1996 à la suite de l'instauration de la libre circulation des personnes dans l'Union européenne. Je dirige désormais, avec un simple portable, une société no paper, no people, sans aucun salarié, qui regroupe des travailleurs en free-lance aux quatre coins du monde. C'est simple, efficace et économique.
Comment créer une France libre d'entreprendre ? Par quelle priorité convient-il de commencer ? Le système administratif français est d'une telle complexité que les entreprises ont développé une forme de résilience. Pour beaucoup - les auditions nous l'ont confirmé -, la simplification consiste à s'adapter à la complexité. Les entreprises françaises doivent produire chaque année 10,7 millions de pièces justificatives demandées par l'administration, dans le cadre de 4,1 millions de démarches. Cette complexité administrative coûte chaque année 60 milliards d'euros à l'économie française. L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) estime que 15 milliards d'euros pourraient être économisés en la réduisant. Pour y parvenir, il faut faire simple, efficace et économique.
Sénateur des Français établis hors de France, ma circonscription est le monde. Et je puis vous dire qu'il n'attend pas les réformes de la France ! Certes, le discours public est désormais plus favorable à l'entreprise : le dynamisme entrepreneurial est présent, on entend même créer une start-up nation. Les intentions sont louables, mais les actes décevants : notre nation est plus start que up !
Nous avons besoin d'une réforme fiscale d'envergure, qui oriente l'épargne des ménages vers les petites et moyennes entreprises (PME). Il faut nous montrer pragmatique. La Grande-Bretagne vient de doubler l'Enterprise Investment Scheme pour renforcer encore le capital-risque. Alors que l'on compte à Londres deux fois plus de business angels, il ne faut pas s'étonner que l'Alternative Investment Market, pour les 950 PME cotées, pèse 105 milliards de livres, contre 180 PME cotées à Paris pour 10 milliards d'euros, soit cinq fois plus de PME cotées pour dix fois plus de capitaux. Tel est le constat que nous avions mis en évidence en 2015 avec Élisabeth Lamure dans notre rapport d'information intitulé Pourquoi le Royaume-Uni séduit les entrepreneurs français.
L'État veut se mettre au service d'une société de confiance. Dans cet esprit, lors de l'examen du projet de loi éponyme, je n'ai proposé qu'un seul amendement. Il prévoyait que le montage fiscal présenté par l'entrepreneur serait considéré approuvé si l'administration ne répondait pas à l'issue d'un délai de six mois, comme la loi l'y oblige. Mais le Gouvernement l'a déclaré irrecevable au prétexte que l'embauche d'un grand nombre de fonctionnaires pour répondre dans les temps serait de nature à alourdir la charge de l'État. Pourtant, nous avons suffisamment de fonctionnaires pour venir contrôler et redresser fiscalement les entreprises auxquelles on n'a pas voulu répondre précédemment. Je vous laisser méditer sur cette société de confiance... Pour simplifier, on multiplie les expérimentations, qui repoussent d'autant une adaptation attendue de l'administration à un monde où les paradigmes économiques et financiers se modifient de manière accélérée.
Avant de présenter quelques pistes, je poserai un préalable : la réalité des entreprises en France ne se limite pas aux start-up. La French Tech est un colbertisme high tech. Envoyer autant de start-up françaises à Las Vegas en janvier dernier qu'il y avait de start-up américaines, alors qu'on ne compte que deux ou trois licornes françaises, c'est survendre un écosystème, qui a des fragilités et ne reflète pas la réalité de l'économie française.
Il faut faire simple, efficace et économique. Pour la création d'entreprise, je propose deux catégories d'entreprises, et non pas quatre-vingt-sept, comme le recense Infogreffe, avec les entreprises individuelles à responsabilité limitée (EIRL), les entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée (EURL), les sociétés à responsabilité limitée (SARL), les sociétés par actions simplifiées (SAS), les sociétés par actions simplifiées unipersonnelles (SASU), les sociétés anonymes (SA), les sociétés en nom collectif (SNC), etc. Simple. Reprenons le modèle britannique de la division sole trader/limited company, en laissant le plus de souplesse possible à l'entreprise pour lui permettre une auto-organisation. Un seul modèle d'entreprise ! Efficace.
Je propose un coût unique, par exemple 30 euros, pour le paiement de l'ensemble des formalités liées à la création d'une société - économique -, un portail unique regroupant les sites publics fournissant de l'information sur la création d'entreprise - simple -, un guichet unique pour les créations d'entreprise - simple - : Infogreffe - efficace. Je propose, en outre, une dématérialisation totale des démarches de publicité légale et la suppression de la publication des annonces légales dans des journaux permettant de faire économiser aux entreprises 250 millions d'euros - économique -, une déclaration annuelle de toutes les informations devant être portées à la connaissance du registre du commerce et des sociétés (RCS) - simple - et un registre et un identifiant uniques pour les entreprises. Imagine-t-on un casier judiciaire ou un registre des permis de conduire par département ? Efficace. Il convient également de rendre l'accompagnement à la création d'entreprises et au rebond de l'entrepreneur éligibles au mécénat d'entreprise : un coup de pouce fiscal utile, simple, efficace et économique pour améliorer les chances de survie d'une jeune pousse. Je pense ici au « Réseau Entreprendre » ou à l'association « 60 000 rebonds ».
Après la création, il faut grandir. Nos PME ont beaucoup de mérite de réussir à se développer en dépit de notre système administratif, fiscal et social. Quand l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) requalifie une relation contractuelle avec un travailleur indépendant de relation salariale, toute 1'entreprise individuelle en est ébranlée. Il faut supprimer cette possibilité. Efficace. Quand l'URSSAF ou le fisc applique des pénalités pour non-respect d'une date de paiement, cela constitue une punition contre-productive pour les entreprises. Nos voisins britanniques ne comptent que des intérêts de retard : faisons de même. Économique.
Il faut créer un code des entreprises rassemblant tous les textes les concernant, éparpillés dans plusieurs codes. Simple.
Rationalisons aussi les 1 654 dispositifs d'aide publique qui existent en ne conservant que les plus performants. Efficace. Pour croître, il faut, en outre, supprimer les obstacles, comme les seuils de 20 ou 50 salariés. Le Gouvernement voudrait les geler pendant trois ans ; certains demandaient cinq ans. Cela revient à reporter le problème. Il faut rehausser les seuils, en les faisant passer à 50 et 250, les seuils européens. Simple.
La France manque d'entreprises de taille intermédiaire (ETI), dit-on. Alors même que les pouvoirs publics conviennent de la faiblesse des ETI françaises par rapport à leurs concurrents européens, ils leur imposent un empilement de mesures administratives, sans articulation, qui les soumettent à partir d'un certain seuil aux mêmes obligations que les sociétés cotées.
Supprimons les sur-transpositions de directives européennes dans le droit français. Efficace. À cet égard, je remercie le président Larcher d'avoir fait état, lors de la troisième journée des entreprises le 29 mars dernier, du travail du Sénat en la matière.
La France est un marché trop étroit pour permettre un développement pérenne des entreprises. Pour renforcer l'export, je propose de remplacer toutes les aides par un taux d'impôt différencié. Par exemple, si vous exportez 25 % de votre chiffre d'affaires, un quart de vos bénéfices est imposé à un taux réduit, quand les 75 % restant sont imposés au taux normal. Simple.
Pour se développer, les entreprises ont besoin non pas d'aides, mais de commandes. Combien d'administrations et de grandes entreprises écartent nos PME de leurs marchés, car elles n'ont pas la taille critique ? Dans le secteur de la cyber-sécurité par exemple, on se tourne vers des entreprises américaines ou israéliennes. Il faut réserver une part des commandes aux PME pour faciliter leur développement et préserver notre écosystème. Je sais les blocages qui existent en la matière. En 1996, quand on parlait du Small Business Act, le délégué général pour l'armement nous avait annoncé que nous avancerions aussi vite que le permettrait la viscosité du système. Voyez où nous en sommes toujours ! Ce serait efficace.
Des progrès doivent par ailleurs être réalisés concernant les contrôles fiscaux. Un entrepreneur auditionné nous a livré la liste de toutes les pièces qu'il a dû fournir depuis juin 2015 pour justifier un crédit d'impôt recherche (CIR) ; certaines remontent à 2011 et le dossier n'est toujours pas clos en mars 2018. Un contrôle fiscal doit servir à vérifier des incohérences ou des dysfonctionnements. Avec les technologies de ciblage des bilans d'entreprise, l'administration doit savoir où chercher. Ce serait économique. Pour éviter les effets pervers induits par la multiplication des contrôles, pourquoi ne pas envisager de transformer le CIR en un allègement de charges ?
Des mesures sont également nécessaires s'agissant des feuilles de paie. Sur celles que je produis en Grande-Bretagne figurent deux chiffres : le numéro de sécurité sociale de la personne et le code pour l'impôt à la source. En tant qu'entrepreneur, je ne fais qu'un seul paiement. Il ne faut pas seulement clarifier le bulletin de paie pour le salarié mais le simplifier vraiment pour l'entreprise, en créant un organisme interface entre les salariés et les organismes sociaux, afin de créer un taux de cotisation sociale unique pour les salariés et les entreprises en fonction du salaire distribué et qui assurerait la collecte des cotisations sociales pour tous les organismes sociaux. Cela a été tenté et réfléchi. Cessons d'exporter la complexité de notre système sur les entreprises et laissons Bercy s'en démêler !
Nous voulons favoriser le développement des entreprises. Mais si l'on compte uniquement sur la croissance organique, les résultats ne seront pas rapidement au rendez-vous. Il faut faciliter les fusions-acquisitions et créer un abattement fiscal sur les plus-values de cession lors de la cession des fonds de commerce réalisée au cours d'une vie professionnelle et pas seulement à l'occasion d'un départ à la retraite.
La vie de l'entreprise est un cycle : la croissance, mais aussi la disparition. Le principe de l'erreur est que l'on ignore que c'en est une au moment où on la commet. Il nous arrive aussi d'avoir de fausses bonnes idées. Aux États-Unis, un échec entrepreneurial est une expérience ; en France, c'est toujours une faillite. À cet égard, je salue les associations d'aide au rebond : elles contribuent à faire évoluer les mentalités. Nous avons un droit des entreprises en difficulté particulièrement complexe : il privilégie le maintien de l'emploi - souvent de façon illusoire - au détriment des créanciers et met l'accent sur la prévention. L'opportunité de le simplifier a été donnée par le Président de la République, en annonçant une unification du droit franco-allemand pour ce qui concerne la faillite, mais encore faut-il rapidement se mettre au travail avec les Allemands... À l'occasion de la transposition du projet de directive du 22 novembre 2016, il faudra rendre notre droit plus favorable aux créanciers, les regrouper en classes, permettre de passer outre la résistance des actionnaires : s'inspirer, en somme, du Chapter 11 de la loi sur la faillite des États-Unis. Efficace.
Si ma société était installée en France et que je décédais subitement, ma compagne se trouverait dans l'incapacité de payer les droits de succession et l'entreprise devrait être vendue. Aussi, je propose d'abroger les droits de succession des entreprises non cotées, comme cela se pratique chez nos voisins européens, pour permettre à celles-ci de rester dans le giron familial et participer ainsi à l'écosystème des territoires, comme nous l'observons en Allemagne. Ce serait simple et répondrait à l'attente des nombreux sénateurs qui comptent des ETI sur leurs territoires. Quand une ETI disparaît, vous le savez, c'est tout l'écosystème qui s'effondre avec elle.
Enfin, pour fermer rapidement une entreprise, je propose de nous inspirer de la procédure de « turbodissolution » en vigueur aux Pays-Bas, en créant une procédure de liquidation simplifiée, qui permettrait un rebond rapide de l'entrepreneur. On peut créer une entreprise en vingt-quatre heures, on devrait aussi pouvoir la fermer dans le même délai. Simple, efficace et économique
Le Gouvernement affiche sa priorité pour changer l'environnement législatif des entreprises, mais le calendrier du projet de loi pour un plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), qui devrait être présenté le 2 mai prochain au conseil des ministres, ne prévoit qu'une lecture avant l'été au Parlement. Le Sénat ne devrait l'examiner qu'en septembre. Pour autant, et comme l'a indiqué le Président du Sénat dans son intervention à l'occasion de la troisième journée des entreprises, il faut éviter une nouvelle fois un recours excessif aux ordonnances. Il serait en effet paradoxal que le Gouvernement, après avoir vanté un mode de conception participatif et avoir mis en place un « Bercylab », prive à nouveau le Parlement d'un débat de fond. Les 348 sénateurs sont prêts à contribuer à la loi PACTE, tout autant que les 7 778 participants qui ont déposé 12 819 contributions et émis 63 683 votes pendant trois semaines.
Les entrepreneurs n'en peuvent plus d'un environnement où leurs entreprises ne peuvent travailler, se développer en toute sérénité et se battre à armes égales avec la concurrence. Pour eux et pour les salariés qui cherchent à s'épanouir dans leur entreprise, je vous présente ce rapport sur le cycle de vie des entreprises intitulé Pour une France libre d'entreprendre et sa trentaine de propositions. Je les ai testées lors de la journée des entreprises et elles y ont reçu un accueil très favorable. L'expertise et l'analyse du Sénat sont très attendues.
Nous vous remercions pour la présentation de votre rapport, qui mérite le qualificatif de « décapant ». Je vous propose de prendre connaissance avec attention des propositions sur lesquelles il nous revient de nous prononcer. Certaines, particulièrement audacieuses, n'ont pas été intégrées au rapport.
J'ai effectivement renoncé à certaines préconisations, notamment la liberté, pour une entreprise, d'adhérer ou non à une chambre de commerce et d'industrie ou à une convention collective.
Mon objectif, au travers de ces propositions, est d'offrir aux entreprises françaises des avancées significatives. Je vous l'indiquais dans ma présentation : l'essentiel des mesures proposées est déjà à la disposition des sociétés installées en Grande-Bretagne. Je souhaite ardemment que les entreprises françaises puissent profiter de mesures comparables, afin qu'elles puissent aborder la concurrence à armes égales.
Je comprends très sincèrement les réticences qui pourraient se manifester à l'égard de certaines propositions, mais ayez conscience que notre pays appartient à l'Union européenne où des règles plus favorables s'appliquent bien souvent. Mes propositions n'abordent toutefois pas le droit du travail. Une mesure particulièrement novatrice concerne les aides à l'exportation, que je vous propose de remplacer par une modulation du taux de l'impôt sur les sociétés en fonction de la part des exportations dans le chiffre d'affaires de l'entreprise. Les entreprises françaises installent des filiales à l'étranger pour y fiscaliser leurs plus-values et, ainsi, assurer leur compétitivité : il est temps de rapatrier en France cette valeur ajoutée. Mieux vaut en effet, pour l'État, récupérer 15 % d'impôt sur les sociétés plutôt que rien. Tel fut le choix des Pays-Bas. La Bulgarie a, pour sa part, établi son taux d'impôt sur les sociétés à 10 % et la Hongrie à 9 %.
Dans leur rapport d'information intitulé Moderniser la transmission d'entreprise en France : une urgence pour l'emploi dans nos territoires, ainsi que dans leur proposition de loi visant à moderniser la transmission d'entreprise, nos collègues Michel Vaspart et Claude Nougein n'ont pas souhaité proposer une exonération totale des droits de succession sur les entreprises non cotées. Pourtant, il n'est guère de mystère : si les ETI sont si dynamiques en Allemagne, cela tient à la facilité avec laquelle elles peuvent se transmettre au sein d'une famille. Souvenez-vous, lorsque le président-directeur général de la Biscuiterie Saint-Michel est brutalement décédé dans un accident de voiture en 1994, la société, compte tenu du montant astronomique des frais de succession, est entrée dans le giron de l'allemand Bahlsen. Avec une telle réglementation, nous pénalisons nos entreprises !
L'exonération intégrale est, à notre connaissance, inconstitutionnelle, raison pour laquelle nous ne l'avons pas proposée.
Si nos propositions sont utiles à la France, alors modifions la Constitution, c'est l'actualité !
Vos propositions sont pragmatiques. Si toutes ne pourront s'appliquer dans l'immédiat, elles portent une vision pour l'avenir : nous devons fluidifier notre économie pour limiter les installations d'entreprises françaises à l'étranger et la perte de valeur qui en résulte.
Certaines propositions apparaissent éminemment logiques : instaurer un guichet unique, diriger l'épargne vers les PME... Je m'étonne cependant que le rapport n'aborde nullement l'actionnariat salarié. Dans le cadre des travaux de la mission commune d'information sur Alstom, nous nous sommes rendus en Allemagne, où il fonctionne particulièrement bien. Les salariés ne sont pas les ennemis de l'entreprise ; direction et salariés doivent s'unir pour en assurer le succès ! Vous n'évoquez pas non plus la nécessaire facilitation de l'ouverture du capital des PME, très insuffisante en France. Les ETI y sont trop peu nombreuses car les PME familiales craignent, en ouvrant leur capital pour se développer, de perdre leur majorité. Louis Schweitzer faisait d'ailleurs récemment état de cette difficulté devant la mission commune d'information précitée. Que proposez-vous enfin s'agissant des impôts de production, mal français s'il en est ? Ils gênent la compétitivité de nos entreprises et pourraient utilement être remplacés par une fiscalité plus ambitieuse sur le carbone.
Je pense, par exemple, à la cotisation foncière des entreprises (CFE). En Allemagne, par exemple, la taxe professionnelle n'a jamais porté que sur les bénéfices. Le cercle de l'industrie réclame ardemment une telle réforme.
Prenons garde à ses conséquences sur les finances des collectivités territoriales !
La France a, je vous le rappelle, le taux de taxe carbone le moins élevé d'Europe... Par ailleurs, il me semble que la commande publique, grâce à des appels d'offres simplifiés, devrait profiter plus avant aux PME. La règlementation française fixe un seuil de mise en concurrence à 25 000 euros depuis octobre 2015. Dans le rapport d'information que j'avais présenté en 2015 avec Philippe Bonnecarrère pour la mission commune d'information sur la commande publique, nous proposions de le relever à 40 000 euros. Il pourrait également être envisagé de prendre en considération l'empreinte carbone dans les critères de sélection des offres. Cette disposition est prévue par la législation européenne ; transposons-la !
Ma proposition n° 18 vise, pour favoriser l'actionnariat salarié, à supprimer l'assujettissement des dividendes à cotisations sociales. Elle traite également des stock-options. Lorsque Google ou Samsung s'installent en France, ils attirent les meilleurs ingénieurs, alors qu'une PME ne peut offrir que l'attractivité de son projet et des stock-options pour leur faire concurrence. J'aurais effectivement pu, monsieur Bourquin, mentionner les impôts de production, mais il m'a semblé que cette problématique s'éloignait quelque peu du sujet de mon rapport, qui ne traite pas de la compétitivité mais du cycle de vie des entreprises. Dans ce cadre, nous pourrions également réfléchir à faire évoluer les formes d'imposition, par exemple en taxant l'espace qu'occupe une entreprise sur un territoire.
Il n'empêche que la question de la taxe carbone doit être posée rapidement.
Certes, mais elle n'en demeure pas moins éloignée du thème de mon rapport d'information. J'ai, en outre, évoqué dans ma présentation les enjeux liés à la commande publique lorsque j'ai cité les propos que m'avait tenus, en 1996, le délégué général pour l'armement. Depuis, hélas, nous n'avons guère progressé...
Dans notre rapport d'information et dans notre proposition de loi portant sur la transmission des entreprises, nous n'avons pas non plus abordé, avec Claude Nougein, le dépôt de bilan, qui ressort, en France d'un système pervers défavorable à la reprise d'entreprise. Ce sujet demanderait un travail approfondi qu'il conviendrait de mener, notamment, avec la commission des lois. Nous nous sommes, en revanche, penchés sur la transmission d'entreprise, de la TPE à l'ETI. Dans ce cadre, nous n'avons effectivement pas proposé d'exonérer intégralement, comme cela existe en Allemagne et en Grande-Bretagne, certaines transmissions de droits de succession. Nous sommes restés dans la philosophie du pacte dit Dutreil en limitant cette exonération à 90 % dès lors que les parts de l'entreprise sont conservées pendant huit ans, disposition par ailleurs constitutionnellement acceptable. Nous pourrions certes, comme le propose Olivier Cadic, modifier la Constitution, mais cette solution ne m'apparaît pas des plus aisées... Sur le principe néanmoins, je soutiens sa proposition d'une exonération totale.
Dans nos échanges relatifs à la compétitivité des entreprises comme dans le projet de loi dit PACTE, il n'est jamais fait mention de l'état d'esprit des entrepreneurs français. Je vous livre à ce propos une anecdote : lorsque je dirigeais une entreprise de prêt-à-porter féminin haut-de-gamme, nous nous sommes intéressés au marché américain. Avec d'autres entrepreneurs, je suis rentré enthousiaste d'un voyage de prospection aux États-Unis. Mais il est rapidement apparu que nos entreprises étaient individuellement trop limitées dans leur capacité de production pour assurer seules des commandes d'envergure. Hélas, nous avons échoué à nous unir et les Italiens ont remporté le marché... Je connais, par ailleurs, une entreprise de mon département qui exporte beaucoup en Chine. Figurez-vous que son patron n'a jamais pensé à faire profiter les entrepreneurs de sa région de son réseau sur place...
Le CIR représente un outil particulièrement utile. La commission d'enquête sur la réalité du détournement du CIR de son objet et de ses incidences sur la situation de l'emploi et de la recherche dans notre pays, présidée par Francis Delattre et dont la rapporteure était Brigitte Gonthier-Maurin, n'a, en 2015, pas adopté de rapport car il n'était pas question, pour la majorité sénatoriale, de remettre en cause ce dispositif. Il peut certes exister des abus, mais la mesure n'en demeure pas moins essentielle à la compétitivité des entreprises. Il conviendrait, en revanche, de retravailler certains aspects, notamment s'agissant de son contrôle.
Ma proposition n° 23 prévoit d'organiser la transformation du CIR et du crédit d'impôt en faveur de l'innovation en allégements de charges, sur le modèle du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), mais l'objectif essentiel est de sécuriser les entreprises innovantes. Sortons de situations ubuesques, telle que celle que je décrivais dans ma présentation. Vous trouverez d'ailleurs, en annexe de mon rapport, la liste interminable des pièces demandées à une entreprise pourtant considérée comme « stratégique » dans le domaine de la cyberdéfense lors de son contrôle fiscal.
Le projet de loi PACTE traitera des sujets relatifs à l'export, mais je m'inquiète de n'observer aucune corrélation entre les mesures proposées et la balance commerciale... Pour ce qui me concerne, je propose un taux d'impôt différencié sur les sociétés en fonction de la part des exportations dans le chiffre d'affaires, afin d'inciter les entreprises à rester ou à revenir en France. Mais il est vrai que les freins à l'export tiennent aussi à l'état d'esprit de nos entreprises.
Quant à la question de l'exonération de droits de succession, je citerais le commentaire publié aux Nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel sur sa décision du 31 juillet 2003 relative à la loi sur l'initiative économique : « dans les dix années à venir, quelque 500 000 entreprises vont en effet changer de dirigeants pour des raisons démographiques. Dans une telle perspective, veiller à ce que les transmissions d'entreprises se passent dans des conditions permettant de garantir la pérennité de l'appareil productif et la sauvegarde de l'emploi relève de l'intérêt national. Ce motif d'intérêt général justifie l'octroi d'un avantage fiscal déjà admis pour le décès du dirigeant et calculé de la même façon et sous les mêmes réserves ». Usons de cet argument pour obtenir l'exonération intégrale que nous appelons de nos voeux et portons-la à l'occasion de l'examen du projet de loi PACTE !
Mon rapport d'information constitue justement une boîte à outils dans la perspective, notamment, de l'examen de ce projet de loi.
Certaines propositions que vous formulez sont effectivement intéressantes ; d'autres méritent d'être plus finement expertisées. Prenons garde notamment à ne pas toucher au CIR !
Je ne propose nullement la suppression du CIR ; je prône sa transformation, afin de sécuriser les entreprises.
Quant au lien entre les impôts de production et le résultat de l'entreprise, prenons garde à ses conséquences sur les finances locales. Les entreprises ne doivent pas être tentées d'échapper à l'impôt par une optimisation fiscale.
Dans le cadre de la commission d'enquête précitée sur le CIR, qui avait mené de très nombreuses auditions, nous nous étions attachés à conserver le dispositif et à en préserver les fondements. Nous souhaitions, en revanche, une simplification des contrôles, qui relèvent à la fois du ministère de la recherche et de celui des finances.
Les entreprises ne sont pas sereines de ce fait, c'est pourquoi je propose de les sécuriser en transformant le dispositif en allègements de charges.
Si, initialement, le critère d'innovation applicable au CIR était relativement fermé, il a depuis été élargi, permettant à de nombreuses entreprises de bénéficier du dispositif. Il représente un atout majeur pour leur compétitivité. Ne laissons donc pas croire, par un message inapproprié, que nous prônons sa suppression !
Le système actuel favorise par trop les très grandes entreprises, y compris les Google, Amazon, Facebook et Apple (GAFA), alors qu'il était conçu pour encourager les PME innovantes. Peut-être devrait-on imaginer un dispositif différencié selon la taille de l'entreprise, qui serait simplifié pour les plus petites ? Certaines renoncent à son bénéficie par crainte des contrôles...
Vous évoquez la nécessité de sécuriser les entreprises et de faire évoluer la mentalité des entrepreneurs : il faut, à cet effet, leur redonner confiance en garantissant la pérennité des mesures établies en leur faveur.
Les entreprises sont effectivement désireuses d'une plus grande stabilité de la réglementation. Soutenez-vous, mes chers collègues, les propositions présentées par Olivier Cadic ?
Le rapport de notre collègue est particulièrement intéressant, notamment s'agissant des mesures proposées en matière de simplification. Sur les autres sujets, ma position sera celle d'une abstention positive... Je conclurais en appelant de mes voeux une harmonisation des taux de l'impôt sur les sociétés en Europe. Certains pays poursuivent une politique du moins disant fiscal - je pense notamment à l'Irlande - et mettent ainsi notre industrie en danger !
Le CIR, dont le coût s'établit à 5,7 milliards d'euros, ne peut être comparé au paradis fiscal, évalué à 17 milliards d'euros, que constitue l'Irlande pour Google !
L'Irlande est un petit pays excentré qui se bat avec les arguments dont il dispose... L'Estonie, pour sa part, a fixé, sous certaines conditions, un impôt sur les sociétés nul. Une harmonisation fiscale européenne ne me paraît pas très réaliste.
Nous vous remercions, cher collègue, pour la qualité de votre travail et le dynamisme de votre présentation.
À l'issue du débat, la délégation adopte le rapport.
La troisième édition de la journée des entreprises s'est tenue au Sénat le 29 mars 2018. Nous pouvons nous féliciter de la qualité des échanges auxquels elle a pu donner lieu concernant tant le cycle de vie de l'entreprise, sujet du rapport d'information d'Olivier Cadic, que les problématiques afférentes à la rencontre entre offres et demandes d'emplois. La séquence du déjeuner, où nous avons rendu hommage aux jeunes de l'Équipe de France des métiers, médaillés lors de la 44ème compétition mondiale qui s'est tenue à Abu Dhabi en octobre dernier, et pu constater leur enthousiasme, a également été fort appréciée.
Environ trente-cinq sénateurs ont participé à la journée des entreprises, et je remercie ceux d'entre vous qui se sont rendus disponibles pour accueillir au Sénat les entreprises que nous avions invitées. Elles étaient originaires de quarante-et-un départements, diversité qui constitue un motif de satisfaction. Je salue particulièrement le département de Saône-et-Loire, dont quatorze entreprises étaient présentes, ainsi que les Côtes d'Armor et le Finistère, représentés pour la première fois. Nous avons également accueilli un entrepreneur guyanais. Ce résultat, dont je me réjouis, représente sans doute le fruit de nos déplacements de terrain.
Nous avons cependant eu la déception de constater l'absence de près de trente entreprises inscrites, situation à laquelle nous n'avions pas été confrontés lors des deux premières éditions. Il peut s'agir d'entreprises que nous connaissons pour les avoir déjà rencontrées dans les territoires ou, plus majoritairement, d'entreprises recommandées par nos collègues. Leur absence lors du déjeuner représente notamment un coût non négligeable. Je souhaitais en conséquence vous sensibiliser à la nécessité de faire valoir aux entreprises que vous invitez qu'il importe d'honorer leur engagement lorsqu'elles ont annoncé leur participation.
De conviendrait-il pas alors, afin de s'assurer d'être prévenus d'une éventuelle absence, d'exiger des entreprises inscrites une participation financière d'un montant symbolique ?
Je ne suis pas favorable à cette solution : nous invitons des entreprises, il me semble en conséquence normal d'en assumer les frais, exception faite toutefois des transports.
Des entreprises invitées du département de la Drôme ont-elles renoncé à se présenter ? Il serait intéressant que les sénateurs soient informés des absences s'agissant des entreprises de leur département, afin de pouvoir les contacter.
Je retiens votre suggestion et vous invite à une réflexion commune sur la méthode qu'il conviendra d'employer l'année prochaine pour éviter un semblable niveau d'absence.
J'ai eu l'occasion, lors de la journée des entreprises, de m'entretenir avec plusieurs entrepreneurs et je puis vous assurer que le message délivré par notre collègue Olivier Cadic a été fort apprécié. Les entreprises espèrent beaucoup de notre délégation !
Partageons alors, pour les convaincre, nos propositions auprès de l'ensemble des sénateurs !
La réunion est close à 10 h 15.