D'emblée, je suis dans une disposition plutôt favorable à ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, en tout cas à court terme, dans cette période charnière où nous nous trouvons, entre les déficits importants du passé et un avenir qui s'annonce un peu meilleur, sous réserve des hypothèses macro-économiques retenues. La Cour des comptes en doute, mais nous ne sommes pas assurés du pire. Sous réserve des appréciations de fond de la commission des affaires sociales, votre rapporteur pour avis est donc, je le répète, plutôt bien disposé.
Le Gouvernement a revu à la baisse ses ambitions en matière de redressement des comptes publics, celui-ci reposant désormais essentiellement sur la maîtrise des dépenses publiques. Or la sécurité sociale représente environ la moitié de ces dépenses. En retenant les hypothèses d'évolution tendancielle de la dépense publique de la Cour des comptes (1,6 % dont 1,7 % pour la sphère sociale), le respect de la trajectoire de dépense du Gouvernement implique la mise en oeuvre l'an prochain de près de 14 milliards d'euros d'économies, dont la moitié pour la sphère sociale.
La part des économies portées par les administrations de sécurité sociale serait donc en ligne avec leur poids dans la dépense publique. Dans le champ des organismes de sécurité sociale, l'année 2019 marquerait le retour à l'équilibre après 18 années de déficit. L'ensemble des régimes obligatoires de base et le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) dégageraient un excédent de 0,4 milliard d'euros, à l'issue d'une consolidation de l'ordre d'un milliard d'euros par rapport à 2018.
Cette consolidation est de plus faible ampleur que les précédentes, puisque le déficit de la sécurité sociale a diminué de 2,2 milliards d'euros en 2017 et de 3,4 milliards d'euros en 2018.
Le régime général est excédentaire depuis 2018. En 2019, cet excédent doublerait pour atteindre 2,5 milliards d'euros. Ce n'est pas irréaliste, mais optimiste.
Je souligne deux points de vigilance. En premier lieu, l'amélioration des soldes ne doit masquer ni la dégradation de la branche vieillesse, qui voit son excédent diminuer, ni le déficit persistant de la branche maladie, qui ne se réduirait que de 400 millions d'euros entre 2018 et 2019.
En second lieu, la réduction des déficits ne repose pas sur une diminution des dépenses, puisqu'en 2018, celles-ci augmentent de 2,4 %, dépassant de 900 millions d'euros le plafond prévu en loi de financement. Le redressement des comptes résulte donc entièrement de la forte progression des recettes, de l'ordre de 3,5 % en 2018. La Cour des comptes le souligne, l'amélioration du solde de la sécurité sociale est avant tout conjoncturelle.
En effet, le recul de l'âge légal de la retraite mis en oeuvre par la réforme de 2010 ayant cessé de produire ses effets, les dépenses de la branche vieillesse devraient fortement augmenter dans les années à venir. De même, les dépenses de la branche maladie, notamment celles des soins de ville, demeurent extrêmement dynamiques.
En 2019, avant les mesures prévues par ce projet, cette hausse des dépenses entrainerait une dégradation de 3 milliards d'euros du solde des régimes de base et du FSV. Le solde tendanciel s'établirait donc à - 3,7 milliards d'euros. Pour ramener à l'équilibre les comptes de la sécurité sociale, le PLFSS prévoit 6,1 milliards d'économies, dont les deux tiers, soit 3,8 milliards d'euros, proviendraient de l'Ondam fixé à 2,5 %. La Cour des comptes a déjà souligné que cet objectif serait « difficile à tenir », puisque certaines mesures reconduisent ou majorent des économies prévues pour 2017 qui n'ont jamais été réalisées et qu'en parallèle les dépenses nouvelles seront très dynamiques, avec notamment la mise en oeuvre du reste à charge « zéro ».
Plus du tiers des économies restantes, soit 2,2 milliards d'euros, résulterait du quasi-gel des prestations sociales sur les deux prochaines années. La commission des affaires sociales devrait se saisir de ce sujet. Ce coup de rabot généralisé permettrait de maitriser artificiellement et temporairement la progression des dépenses d'assurance vieillesse au prix d'une diminution du pouvoir d'achat des familles et des retraités, dénoncée sur tous les bancs. Pour une personne seule percevant une pension de retraite mensuelle de 1 330 euros, la désindexation entraînerait une perte de 192 euros par an.
Cette mesure s'ajoute à la hausse du taux de CSG votée l'an dernier et à laquelle je m'étais vigoureusement opposée. Selon les dernières estimations, près de 7 millions de ménages, représentant un peu plus de 10 millions de retraités, seraient perdants du fait de la hausse de CSG sur les revenus issus de leur pension. Pour le même retraité percevant une pension mensuelle de 1 330 euros, la hausse de la CSG entraînerait une perte de 288 euros par an.
Le Gouvernement, conscient des effets délétères de cette mesure, prévoit, dans ce projet, de l'atténuer, en lissant les effets de la hausse du taux de CSG sur les retraités. Ainsi, seuls les retraités dont le revenu fiscal de référence dépasse le seuil d'assujettissement durant deux années consécutives seront assujettis à la CSG à taux normal. Si cette démarche va dans le bon sens, elle ne devrait concerner que 350 000 foyers, soit seulement 3 % des retraités touchés par la hausse de la CSG. Le redressement des comptes de la sécurité sociale est un objectif louable, qui doit être accompli par le biais de réformes d'envergure, non de coups de rabots ponctuels. Pour l'instant, ce n'est pas ce que nous voyons.
Telle que votée en loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en réduction de cotisations sociales employeur prévoyait, à compter du 1er janvier 2019, un allègement des cotisations d'assurance maladie et un renforcement des allègements généraux.
Alors que la réduction des cotisations patronales maladie entrera en vigueur au 1er janvier 2019, le Gouvernement a fait le choix de retarder au 1er octobre 2019 le renforcement des allègements généraux portant sur les contributions d'assurance chômage. Ce décalage entraînerait une économie de 2,3 milliards d'euros pour le budget de l'État.
L'entrée en vigueur des allègements généraux rend moins attractifs plusieurs dispositifs spécifiques d'exonérations. Le PLFSS supprime ou modifie un certain nombre de dispositifs, dont celui applicable aux travailleurs occasionnels et demandeurs d'emploi (TO-DE).
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale instaure une exonération totale de cotisations sociales salariales vieillesse sur les heures supplémentaires et complémentaires.
La mesure correspondrait à une exonération de 11,31 points de cotisations, représentant un gain moyen de pouvoir d'achat de 200 euros par an pour les salariés.
Je salue l'adoption de mesures destinées à rendre le travail plus rémunérateur. Je regrette que le dispositif retenu se limite à une désocialisation partielle des heures supplémentaires, alors que la défiscalisation totale des heures supplémentaires a fait la preuve de son efficacité. Attendons le projet de loi de finances (PLF) !
J'en viens à l'avenir des relations financières entre l'État et la sécurité sociale. Le projet tire les conséquences du rapport de MM. Charpy et Dubertret sur la rénovation des relations financières entre l'État et la sécurité sociale, et esquisse plusieurs pistes quant au devenir des excédents dégagés par la sécurité sociale.
Ces excédents futurs permettraient de résorber définitivement la dette sociale, somme de la dette portée par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) et des déficits cumulés du régime général, conservés par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss). Il y a un débat entre l'ancien directeur de l'Acoss et la Cour des comptes, qui divergent sur l'estimation de la dette résiduelle. En tout cas, l'arbitrage rendu est très clair : 15 milliards d'euros seront transférés.
Le résidu de dette non transféré à la Cades serait amorti par les excédents futurs de la sécurité sociale : c'est assez optimiste, mais il faut y croire ! Les nouvelles relations financières entre l'État et la sécurité sociale s'articuleraient autour du principe de solidarité financière entre les deux sphères. Cela aurait deux conséquences majeures.
En premier lieu, cette solidarité financière impliquerait un partage du coût des allègements de charges entre l'État et la sécurité sociale, du jamais vu ! Ainsi, les baisses de prélèvements obligatoires décidées en lois financières ne donneront pas lieu à compensation, ce qui représente une perte de 2 milliards d'euros pour la sécurité sociale en 2019.
En second lieu, conformément aux prévisions de la loi de programmation des finances publiques 2018-2022, les excédents de la sécurité sociale auraient vocation à être restitués à l'État. Cette restitution serait réalisée dans le cadre d'une réduction progressive de la fraction de TVA affectée à la sécurité sociale. Ces excédents demeurent très hypothétiques. On entre dans une autre période de financement de la sécurité sociale. S'ils étaient inférieurs à 13,4 milliards d'euros en 2022, les transferts en faveur de l'État se traduiraient par de nouveaux déficits pour la sécurité sociale.
Selon toute vraisemblance, le Gouvernement devra renoncer à l'un de ses objectifs : le partage du coût des allègements généraux avec la sécurité sociale, le transfert d'une partie des excédents dégagés par les régimes obligatoires de base à l'État par la minoration de la fraction de TVA, l'amortissement concomitant de la dette portée par la Cades et de celle détenue par l'Acoss.
Si la courbe d'amortissement progressif de la dette se poursuit, la Cades se retrouvera en 2024 avec une « cagnotte ». Ne soyons pas naïfs, mais regardons la bouteille à moitié pleine ! Souvenons-nous des grands doutes qui ont accompagné la mise en place de la Cades. Nous voyons aujourd'hui que cela ne s'est pas si mal passé ! Que faire ensuite ? Structurer une autre opération d'amortissement de dette ? Une autre solution sera-t-elle trouvée ? La question se posera en 2024...
Sous réserve de l'adoption des amendements que je vais présenter dans un instant, et sous réserve des initiatives que prendra la commission des affaires sociales, je vous propose de donner un avis favorable aux articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 dont la commission des finances s'est saisie.
Je vous remercie pour cet avis sur ce budget considérable, et même supérieur au projet de loi de finances. L'amélioration est due davantage au dynamisme des cotisations qu'à de réelles économies et il demeure des sujets importants, notamment la désindexation des pensions, qui entraîne des conséquences, non seulement sur la sécurité sociale, mais aussi sur le budget. Notre avis ne peut donc qu'être en cohérence avec celui de la commission des affaires sociales. Si la commission des affaires sociales revenait sur la non-indexation des pensions, cela concernerait également celles des fonctionnaires. Par ailleurs, certaines prestations, telles l'aide personnelle au logement, la prime d'activité, l'allocation aux adultes handicapés sont désindexées. Le lien entre ces deux projets de loi financiers implique une coordination avec la commission des affaires sociales.
Je soutiens vos amendements, avec le même regret que celui que vous avez exprimé sur les exonérations de cotisations sociales relatives aux heures supplémentaires : je regrette qu'il faille différer cette mesure, certes couteuse, jusqu'à la fin de l'année, car elle représente un réel gain de pouvoir d'achat. La suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires fut l'une des toutes premières mesures du collectif qui a suivi l'alternance et certain ont reconnu après que c'était une erreur.
Voit-on déjà, dans le PLFSS, des signes précis du plan Santé décliné par le président de la République, au-delà des intrications entre le PLF et le PLFSS ?
Je suis très sensible, comme tout le monde, aux chiffres qui nous sont annoncés, mais heureusement que l'on ne confond pas l'équilibre financier et la qualité. Faites un tour dans certains hôpitaux en région parisienne ou en province, écoutez Alain Milon parler des services d'urgence...Je veux bien que l'on rééquilibre les comptes des hôpitaux, mais je ne suis pas sûr que les malades y trouvent leur compte !
Quelle est cette société qui, pour arriver à l'équilibre, désindexe les pensions, soigne moins bien les gens, considère que l'essentiel, c'est le solde financier, sans mettre en cause le système même de financement de la santé en France ? C'est une méthode de gouvernement un peu curieuse...
Mme la ministre de la santé a dit qu'elle voulait absolument mettre en place le dossier médical partagé (DMP), une idée d'une dizaine d'années de Philippe Douste-Blazy, abandonnée ensuite, qui représenterait une manière d'être mieux soigné et un gain sur l'équilibre financier. A-t-on une idée réelle de ce gain ?
Les déficits des hôpitaux publics se sont fortement creusés : ils ont doublé entre 2012 et 2017, il est question d'un milliard d'euros pour tous les établissements de France, et cela serait encore aggravé dans l'année qui vient. Quel lien entre l'amélioration du compte santé et l'aggravation du déficit des structures ? Les moyens nécessaires à leur fonctionnement sont-ils assurés ?
Je soutiens l'analyse d'Alain Joyandet sur la désindexation des pensions. Confirmez-vous qu'aucune action n'est possible pour les pensions de bas niveau, en raison de l'article 40 ?
Dans le plan Borloo du début de l'année, qui n'a finalement pas été annoncé, puis dans le plan pauvreté, figurait une mesure spécifique de tiers payant pour la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE). Actuellement, pour accéder à l'emploi, pour les femmes, les familles, on est obligé d'avancer la somme totale de la garde, avec un décalage de l'ordre de deux mois, d'où la faiblesse du recours à ce système, en dépit de la priorité que représente l'accueil du jeune enfant. Cela a-t-il été discuté ?
Cette présentation montre les liens croissants entre le PLFSS et le budget général, d'où la nécessité d'aborder différemment ce débat à l'avenir. Monsieur le rapporteur pour avis, vous vous êtes déclaré plutôt croyant dans le but à atteindre, l'équilibre ; je suis plutôt dans le doute, quant à 2020. La désindexation montre que l'on finance l'amélioration du pouvoir d'achat de certains par la baisse du pouvoir d'achat d'autres.
Quant aux hôpitaux, en situation de déficit, comment trouver un équilibre alors que leur tarification baisse ? J'aurais un avis plutôt négatif sur ce texte compte tenu de son effet récessif et des autres problèmes posés par les mesures proposées.
Je tiens à remercier le rapporteur pour avis pour sa clarté et son optimisme. Il faut en effet se féliciter du retour à l'équilibre, après 18 ans de déficit, ce qui n'est pas rien, même s'il reste des problèmes importants, à l'hôpital en particulier. Mes questions, même si les amendements y répondent en partie, portent sur la compensation pour les TO-DE, la fin du CICE et la CSG. J'écouterai avec intérêt la présentation des amendements. Globalement, j'ai une opinion favorable sur le texte.
Je me suis intéressée au fonds de réserve pour les retraites, qui alimente la Cades et s'élève à près de 36 milliards d'euros. Ce fonds souverain, géré par la CDC, atteint une performance annuelle de 7,16 %, suffisante pour assurer le remboursement annuel de la Cades, soit 2,5 milliards d'euros d'intérêts. Ce fonds, à l'apurement de la dette gérée par la Cades, peut constituer une enveloppe intéressante à affecter.
On s'est demandé comment le budget pourrait absorber les 35 milliards d'euros de dette de la SNCF. Je me demande si vous avez des pistes sur l'éventuelle affectation de ce fonds.
Je partage l'analyse et le commentaire de Roger Karoutchi sur la situation très alarmante des hôpitaux. On continue à leur infliger une sacrée saignée, méthode qui ne fait pas partie des soins modernes...
L'an dernier, les conseils départementaux souhaitaient récupérer l'allocation de rentrée scolaire (ARS) pour les mineurs placés par l'aide sociale à l'enfance, qui continue à être versée aux parents, alors que ceux-ci n'assument aucun frais lié à la rentrée scolaire. A la veille du congrès de l'ADF, avez-vous des éléments sur cette question financière non négligeable ?
Un mémorandum d'information de l'Acoss de mars 2018 porte sur une émission d'euro commercial paper de 40 milliards d'euros, bien notée par les agences Fitch, Moody's, Standard and Poor's. Parmi les banques intervenant dans l'affaire, dealers en anglais, figure comme pilote général ou « arrangeur » du programme, la banque UBS Limited. Connait-on le montant de sa rémunération ? Confier la gestion de la dette de la sécurité sociale à une banque comme celle-là pose un sacré problème éthique.
Comment maintenir la qualité des soins avec des hôpitaux en déficit, pour au bout du compte apporter un bénéfice ? C'est la quadrature du cercle. Beaucoup d'entre nous ont été ou sont présidents ou membres de conseils d'administration d'établissements hospitaliers et force est de reconnaître que l'on est « à l'os ». On a fait depuis de nombreuses années des réformes importantes. On nous demande d'augmenter l'activité, puisqu'on est payé au chiffre d'affaires et chaque année, la facturation diminue à qualité des soins constante. Président de mon hôpital départemental depuis 23 ans, je pense que l'on est au bout des économies, d'où l'amélioration des comptes due à cette gestion de plus en plus contrainte. Étant ici à la commission des finances, je me suis efforcé de m'en tenir à l'aspect financier, sans faire de commentaire sur la qualité des soins. J'y suis néanmoins très sensible, tout comme vous, et je m'y serai appesanti si j'étais à la commission des affaires sociales.
Jean-François Rapin, sur le plan Santé, nous n'avons pas beaucoup de données, mais 0,2 point ont été accordés en plus sur l'Ondam, pour commencer à faire face aux conséquences financières de ce plan pour le PLFSS 2019.
Nous ne nous sommes pas saisis de la question du dossier médical partagé. Je ne sais pas quelles économies en sont attendues, mais la mise en place d'un tel monstre informatique peut faire peser des doutes sur la rentabilité immédiate...Nous avons l'expérience, dans nos hôpitaux, des systèmes informatiques, où les gains ne sont pas toujours au rendez-vous, avant une longue période en tout cas.
Fabienne Keller, nous ne nous sommes pas saisis non plus de la PAJE. La désindexation des retraites est un sujet de fond que la commission des affaires sociales devrait traiter. Je ne me suis pas senti en responsabilité pour vous présenter un amendement qui coûterait 3 à 3,5 milliards d'euros...
Thierry Carcenac, pourquoi ne pas être croyant, dans un cadre très laïc ? Tout à fait d'accord sur les rapports entre PLF et PLFSS, il faudrait des passerelles, tant les sujets financiers sont entremêlés, mais nous devons tenir compte de la LOLF : nous sommes encadrés par notre règle.
Sur la tarification, nous ne pourrons pas aller plus loin. Pour l'avenir, je reste droit dans mes bottes. On doit pouvoir trouver la quadrature du cercle entre une qualité des soins pour nos concitoyens et l'équilibre de l'ensemble du système.
Sur les TO-DE, je vais vous proposer un petit amendement. L'Assemblée nationale est allée jusqu'à 1,15 SMIC. Mon amendement propose d'aller jusqu'à 1,25 SMIC, ce qui n'a pas un coût exorbitant. Ce serait plus raisonnable, car la mesure générale de baisse des charges n'est pas compensée par le coefficient de 1,15. Dans certaines régions qui recourent en nombre aux travailleurs saisonniers, j'ai rencontré des professionnels qui m'ont montré qu'à 1,15 SMIC, le compte n'y est pas. La dépense supplémentaire est de l'ordre de 150 euros par travailleur saisonnier, ce qui représente des sommes très importantes pour des entreprises employant beaucoup de saisonniers.
Que faire, Sylvie Vermeillet, de cette « cagnotte » technique qui restera après l'amortissement de la dette ? Pourquoi ne pas contribuer à réduire la dette de l'État ? Ce ne serait pas scandaleux ! On pourrait consolider une nouvelle structure ou reprendre celle qui existe, pour amortir d'autres dettes importantes, comme celle de la SNCF ou d'autres encore. Ne soyons pas béats non plus : n'écartons pas l'hypothèse que nous ayons besoin de cette cagnotte si les prévisions optimistes du Gouvernement ne se réalisaient pas. En tout cas, gardons à l'esprit que nous aurons cela, en 2024, pour faire face à diverses situations.
Antoine Lefèvre, nous avions l'an dernier cosigné un amendement sur l'allocation de rentrée scolaire, auquel le Gouvernement a donné un avis défavorable, ce qui n'empêche pas de recommencer...
Éric Bocquet, a priori, les 15 milliards d'euros transférés de l'Acoss à la Cades laissent un résidu qui ne serait pas une dette mais plutôt un besoin en fonds de roulement (BFR) pour faire face au décalage entre les recettes encaissées et les dépenses sorties. On n'est pas sûr qu'il ne puisse y avoir en plus un peu de dette, d'où, Sylvie Vermeillet, la prudence qui s'impose à ne pas utiliser dans tous les sens cette réserve.
Sur l'UBS, je n'ai pas de commentaires à faire, ni d'éléments sur la rémunération de cette entreprise. Les fonctionnaires que nous avons dans ces caisses d'amortissement de dettes sont de très haut niveau et font un travail remarquable, et remarqué, au niveau mondial, puisque nous avons recours au marché mondial pour financer nos échéances. Nos émissions rencontrent un très grand succès et nous permettent d'emprunter à des taux négatifs : on peut gagner de l'argent en remboursant ainsi notre dette !
Certes, ce n'est pas structurel, mais on peut ainsi, conjoncturellement, récupérer du BFR, en remboursant notre dette, au moyen d'un nouvel emprunt. Nos hauts fonctionnaires, souvent décriés, ont fait, je le répète, un travail remarquable, sous l'autorité des différents ministres qui se sont succédé.
Article 8
J'ai présenté l'amendement n° 16 en répondant à la question sur les TO-DE.
Article 11
L'amendement n° 17 exonère de CSG sur les revenus fonciers les retraités dont le revenu fiscal de référence ne dépasse pas 11 018 euros pour une personne seule, seuil retenu pour la première part du quotient familial, moyennant 2 942 euros pour chaque demi-part supplémentaire.
J'ai rencontré une personne veuve, femme de commerçant depuis cinquante ans, qui perçoit 150 euros de retraite et des revenus fonciers de 600 euros par mois, soit 750 euros par mois pour vivre et on lui envoie, sur les 600 euros de revenus fonciers, une facture de 1 118 euros, soit 18 % de prélèvements sociaux.
Ne pourrait-on pas, ce qui a un faible coût, exonérer les personnes dans cette situation de CSG ?
Je suis un peu embarrassé, car nous supprimons des niches fiscales et là, on en crée une. Le revenu fiscal de référence, mentionné dans l'exposé des motifs de l'amendement, intègre les revenus fonciers...
Oui, mais le revenu fiscal de référence n'est pas visé dans le dispositif de l'amendement, il faudrait le rajouter dans le texte, pour qualifier le seuil de 11 018 euros...
Je suis enclin à m'abstenir, en raison de la création d'une niche fiscale supplémentaire...
Ce n'est pas une niche pour riches, mais plutôt une niche pour pauvres...
Le revenu de référence est très bas, je suis d'accord, mais pourquoi exonérer seulement les revenus fonciers ?
Parce que la CSG est particulièrement assise sur les revenus fonciers, avec un taux de 9,9 %. Je ne propose pas d'exonérer d'éventuels autres revenus. Cet amendement répond aux cas de personnes qui n'ont pas du tout de retraite mais qui ont un petit bien, telle la maison dont cette veuve a l'usufruit. Le loyer est un remplacement partiel de retraite...
Cette mention ne figure pas dans votre amendement. Peut-être les renvois au code de la sécurité sociale l'y incluent-ils ?
Avec le prélèvement à la source, qu'advient-il des revenus de l'avant-dernière année ?
Vous pourrez en tout état de cause préciser votre amendement en séance.
Article 13
L'amendement n° 18 ouvre aux collectivités territoriales le dispositif simplifié de déclaration et de recouvrement de cotisations et contributions sociales. Il pourrait être utile à nos collectivités de recourir à ce chèque emploi service.
L'amendement n° 18 est adopté.
Les amendements que nous venons d'adopter seront bien évidemment complétés par ceux de la commission des affaires sociales, c'est en ce sens que notre avis peut être favorable.
Sous réserve de l'adoption de ses amendements, la commission a émis un avis favorable aux articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 dont elle s'est saisie.
Les crédits de la mission augmentent de 3,5 %, après la hausse exceptionnelle de 10 % en 2018, pour atteindre 1,423 milliard d'euros. La mission comporte deux programmes. Année après année, le programme 204, qui finance les missions de santé publique de l'État, est raboté, alors que le programme 183, qui correspond à l'aide médicale d'État (AME), c'est-à-dire l'assistance aux immigrés en situation irrégulière, ne cesse d'être abondé, quasiment sans compter. Pourquoi ?
Les crédits du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » sont passés de 635 millions d'euros à 479 millions d'euros entre 2013 et 2019 quand ceux du programme « Protection maladie », naguère de 744 millions d'euros, atteindront 943 millions d'euros en 2019 et sont une hausse de 53 millions d'euros par rapport à 2018.
Entre 2009 et 2017, l'aide de droit commun, qui constitue l'essentiel de l'AME, a vu son coût croître de 47 % et le nombre de ses bénéficiaires, de 46 %. Dans le même temps, on demande chaque année aux quatre opérateurs du programme 204, survivants d'un processus ininterrompu de fusions et de rapprochements, de rogner quelques points de pourcentage sur leurs frais de fonctionnement. Cette année, c'est - 5 %, et - 2,5 % sur les effectifs ! Certes, il n'est pas mauvais de pousser à l'efficience, surtout pour des organismes qui consomment 328 millions d'euros par an...
Cette année, le périmètre de la mission change peu. Cette stabilisation est bienvenue. De plus, la sincérité que nous demandons depuis des années est présente. Enfin, l'évolution des crédits se situe dans l'épure décidée par les lois de programmation.
Mais depuis 2013, après la suppression du ticket modérateur, les crédits des programmes de santé publique ont été diminués de 25 %, et ceux de l'AME ont augmenté de 27 % ! Je salue les efforts de gestion réalisés par les opérateurs. Pour autant, malgré la hausse de 3 % des crédits de la mission, la diminution constante de leur budget a pour résultat que les objectifs ne sont pas atteints. Ainsi, du dépistage du cancer colorectal : le Gouvernement avait fixé pour objectif de dépister 50 % de la population concernée, et on atteint péniblement les 35 % en exécution 2017. Évidemment : les agences qui font la promotion de ce dépistage voient leurs crédits baisser de quelques points de pourcentage chaque année.
J'estime qu'on ne pourra pas continuer ainsi à réduire sans cesse les moyens des opérateurs de la santé publique. Et, tant que nous n'aurons pas réformé en profondeur l'AME, comme l'a proposé Roger Karoutchi en 2015 - et mis en place une gestion sérieuse des flux migratoires - la situation ne s'améliorera pas. Comme l'Angleterre, l'Italie, l'Espagne et l'Allemagne, nous devons revenir sur les règles et les limites de notre AME. On pourrait, par exemple, la limiter aux situations d'urgences, aux grossesses et à la santé des enfants et renforcer les actions de pédagogie. J'estime enfin que la suppression du timbre fiscal de 30 euros a été une erreur. La somme ainsi payée par des immigrés en situation irrégulière les sensibilisait au fait que la gratuité n'existe pas. Il est vrai que cela ne rapportait que 5 millions d'euros, mais c'est justement le montant dont on rabote cette année le programme 204 !
Je vous propose deux amendements. Le premier, d'appel, propose comme l'an dernier de réduire les crédits de l'AME de 300 millions d'euros. Son coût serait ainsi ramené à celui que nous connaissions entre 2007 et 2009. Le second propose de remettre en place un ticket modérateur de 30 euros. Sous réserve de leur adoption, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Santé ».
La mission « Santé » est marquée par la hausse permanente du coût de l'AME, en effet. Voilà des années que nous en parlons, et que nous souhaitons réformer ce programme. J'avais proposé la création d'un groupe de travail au Sénat, associant la commission des finances et celle des affaires sociales, afin d'élaborer des propositions pour encadrer ces dépenses de guichet, sur lesquelles l'État n'a aucune maîtrise. Les propositions du rapporteur vont dans le bon sens, mais un travail sérieux aboutirait à des propositions plus précises : si le Gouvernement ne les mettait pas en oeuvre, nous ne voterions pas les crédits. Une coupe de 300 millions d'euros est plus brutale. Je voterai les amendements du rapporteur et, s'ils ne sont pas adoptés, voterai contre l'adoption des crédits de la mission.
Il y avait fin 2017 une dette de 50 millions d'euros. A-t-elle été absorbée en 2018 ? Les crédits pour 2019 en tiennent-ils compte ? Sinon, cela poserait un problème de sincérité budgétaire.
Il faudra un jour, au-delà des déclarations incantatoires et des postures idéologiques, se mettre autour d'une table pour réformer l'AME. En 2015, j'avais dit à Mme Touraine que, si nous ne faisions rien en ce sens, les crédits de l'AME exploseraient dans les trois prochaines années, jusqu'à atteindre le milliard d'euros. Elle m'avait répondu avec assurance qu'au contraire, les mesures de maîtrise des dépenses qu'elle mettrait en place contiendraient le coût de ce programme en-deçà de 500 millions d'euros. Beau succès ! Si nous ne rationalisons pas ce dispositif pour maîtriser cette dépense, il finira par être supprimé. Chaque année, le Gouvernement est incapable de prévoir son coût, qui atteint désormais quasiment le milliard d'euros. Je voterai les amendements du rapporteur.
Cette mission comporte en effet deux programmes, et les crédits enlevés à l'un abondent l'autre. Vous évoquez page 24 la mutualisation entre agences sanitaires, qui devrait être renforcée, et vous indiquez qu'une ordonnance prise en janvier 2017 prévoit un décret en Conseil d'État. Où en sommes-nous ?
Le nombre de bénéficiaires de l'AME a augmenté. La reconstitution d'une dette pose un problème de sincérité budgétaire, certes, sans parler de son effet sur les finances des établissements hospitaliers qui assument la plus grosse part de ce programme - en Guyane, par exemple.
Vous dites qu'il y a des contrôles. Pouvez-vous nous donner des précisions ?
Le fait que le nombre de bénéficiaires de l'AME soit passé de 195 000 à 315 000 doit nous inciter à refuser la baisse de 300 millions d'euros que vous proposez. Je ne voterai pas davantage le rétablissement du timbre fiscal, à l'heure où nous supprimons toutes les petites taxes !
Sur les 315 000 bénéficiaires de l'AME, 30 000 vivent outre-mer, soit 9,2 %. Leur nombre augmente en Guyane. Qu'en est-il à Mayotte, ou à Saint-Martin ? L'État va recentraliser la gestion du RSA à Mayotte et en Guyane. Pour en bénéficier, il faudra désormais quinze ans de présence régulière sur le territoire, et non plus cinq. Tant vaut dire qu'il n'y aura presque plus de RSA servi aux étrangers établis en Guyane. Cela pose un problème de droits de l'Homme ! Nos 750 kilomètres de frontières poreuses - sans parler de celles de Mayotte - ne changent rien au fait que nous avons une Constitution. Nous devons débattre de cette durée de quinze ans, tout comme de l'articulation du RSA avec l'AME, de manière apaisée.
Il serait bon en effet d'effectuer un travail de fond, en rassemblant au maximum, ce qui ne serait pas facile car certains considèrent qu'il ne faut rien changer et que la France, sur ce point, doit dépenser sans compter - ce qui est une opinion parfaitement respectable. Le Gouvernement n'a pas annoncé de remise en cause de l'AME, dont acte. Mais certains parlementaires voudraient agir avant qu'on atteigne les deux milliards d'euros...
En effet, il y a une dette, malgré l'inscription de crédits supplémentaires en loi de finances initiale. Les 50 millions d'euros que vous évoquez résultent d'un manque de 11 millions d'euros, auquel s'est ajouté un déficit de 38 millions d'euros. Pour l'heure, il n'y a pas de solution. Cela aussi devrait nous conduire à débattre d'une réforme de l'AME, car cette dette pose la question de la sincérité des comptes.
Certains hôpitaux assument une grande partie de l'AME, à Marseille, à Paris et dans sa couronne, en Guyane, aussi... La facturation des actes a été réformée et ne se fait pas à la T2A, et l'AME d'urgence, qui coûte environ 60 millions d'euros, fait l'objet d'un paiement forfaitaire. D'où la nécessité de limiter les abus.
Nous n'avons que peu d'information sur les contrôles : nous connaissons leur nombre, mais pas leurs résultats ! Les objectifs en la matière ne concernent pas non plus leurs résultats. Cela en dit long...
Pas de caricatures ! Il n'y a pas des bons d'un côté, qui défendraient de manière irresponsable l'accueil et l'humanité, et des méchants, qui refuseraient de soigner des personnes en détresse. Nous devons promouvoir la fraternité et l'accueil, mais en nous montrant responsables. Sinon, si le coût pour la collectivité nous indiffère, il faudrait ne plus limiter les crédits du programme 204 aussi ! Comment peut-on baisser les crédits de l'agence qui lutte contre le cancer et augmenter ceux de l'AME ?
Nous devons accueillir et bien soigner, tout en préservant les intérêts supérieurs de la Nation.
Quant à Mayotte, je n'ai pas les chiffres, mais je suppose que ce sont les crédits dédiés à la maternité qui dominent.
Article 39
État B
L'amendement n° 1 est adopté.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Santé », sous réserve de l'adoption de son amendement.
Article additionnel après l'article 81
L'amendement n° 2 est adopté et devient un article additionnel.
Les crédits de paiement de la mission ont augmenté de 1,62 %, ce qui excède la trajectoire triennale, comme l'an dernier. Les 2 378 ETPT créés constituent la plus forte hausse, sur une année, de celles prévues pendant le quinquennat pour atteindre les 7 500 ETP promis par le Président de la République à la Police nationale et les 2 500 ETPT promis à la Gendarmerie nationale.
La hausse des crédits s'accompagne cependant d'une nouvelle dégradation du rapport entre les dépenses de personnel et les dépenses de fonctionnement et d'investissement. En 2006, les dépenses de personnel représentaient 80 % des crédits et les crédits de fonctionnement et d'investissement, 20 %. Depuis, les sommes affectées aux dépenses de personnel ont crû de 34,53 % tandis que les autres ont diminué de 6,53 %. En cause, les revalorisations générales, et notamment l'application des protocoles d'accord signés en mai 2016, dont la Cour des comptes a estimé qu'ils entraîneraient 200 millions d'euros de dépenses supplémentaires en 2018, et 92 millions d'euros en 2019.
Nous avons fait des comparaisons internationales, qui montrent qu'avec un gendarme ou un policier pour 280 habitants, notre pays est dans une moyenne raisonnable. Cette proportion est d'un effectif de police/gendarmerie pour 273 habitants en Allemagne, d'un pour 427 en Angleterre, d'un pour 220 en Italie et d'un pour 292 en Espagne. Encore ce chiffre ne tient-il pas compte des polices municipales, ni des 7 000 militaires déployés dans le cadre du plan Vigipirate. Ainsi, avec 151 000 policiers et 96 000 gendarmes, nous ne manquons pas d'effectifs.
Avec des dépenses de personnel qui représente 87,5 % des crédits de la mission, les crédits de fonctionnement sont insuffisants, et n'augmentent que de 0,88 %. Les crédits d'investissement, eux, baissent de 13,37 % !
Des efforts ont pourtant été faits, comme l'a montré le rapport de la Cour des comptes sur l'équipement des forces de sécurité - le Sénat a aussi constitué une commission d'enquête sur l'état des forces de sécurité intérieure -, pour faire face au terrorisme et à la crise migratoire. Par exemple, pour que les primo-intervenants sur une scène d'attentat soient bien équipés, chaque brigade anti-criminalité dispose maintenant d'une arme lourde et d'une protection assortie.
Mais 0,88 %, vu l'augmentation des effectifs, c'est insuffisant. En tous cas, la Cour des comptes a mis fin à une polémique entre Parlement et Gouvernement sur l'état des équipements dans son rapport de septembre. Elle dénonce aussi le manque de formation : en 2017, seuls 51 % des policiers et gendarmes ont effectué leurs trois séances de tir par an. Quant au vieillissement du parc automobile, la multiplication des plans ne l'a pas enrayé et, sur ce point, le contraste entre les chiffres avancés et la réalité est flagrant : en 2017, sur 3 000 véhicules annoncés, seuls 1 500 sont arrivés sur le terrain. Depuis 2010, le nombre de véhicules achetés ne permet pas de garantir le maintien à niveau de la flotte. Dans la police nationale, un véhicule doit être remplacé après 170 000 kilomètres ou huit ans - niveau que 14 000 véhicules sur 30 000 auront bientôt atteint. Dans la gendarmerie, c'est 121 000 kilomètres ou 7,4 ans. Or, il s'agit d'un outil de travail essentiel pour les forces de sécurité intérieures.
L'état du parc immobilier, aussi, est très préoccupant. Dans la gendarmerie, l'état des logements influe sur le moral des troupes et, dans la police, le délabrement est tel qu'il faudrait des crédits d'investissement de 650 millions d'euros - et de 300 à 400 millions d'euros dans la gendarmerie. Or, le niveau de ces crédits est respectivement de 165 et 100 millions d'euros. Dans la police nationale, 536 bâtiments nécessitent une réhabilitation lourde.
Certaines réorganisations ont mis à mal les dispositifs opérationnels. En particulier, la directive européenne de 2003 sur le temps de travail, applicable au ministère de la défense et à la gendarmerie nationale depuis le 1er septembre 2016, implique la création de 4 000 ETPT dans la gendarmerie nationale - alors que seuls 2 500 sont prévus pour le quinquennat.
Pour la police nationale, les protocoles de mai 2016, jugées sévèrement par la Cour des comptes, conduisent à l'application aux forces opérationnelles de la vacation forte. Cela améliore le moral des troupes, qui peuvent disposer d'un week-end sur deux, au lieu d'un sur six. Mais c'est une bombe à retardement. Le directeur général de la police nationale (DGPN), qui avait pourtant assisté le ministre dans la préparation de cette réforme, nous a indiqué que son application sur 11 % des effectifs, malgré la création de 433 ETPT, était difficile, et qu'il avait dû décréter un moratoire, dans l'attente d'un rapport de l'IGA et de l'IGF en mars 2019. Selon lui, il faudrait créer 4 160 ETPT et mobiliser 205 millions d'euros supplémentaires pour mettre en oeuvre la vacation forte. On nous dit qu'elle ne serait pas applicable sur le territoire de la Préfecture de police, ce qui inquiète l'élu parisien que je suis. L'expérimentation menée à Boissy-Saint-Léger a été immédiatement abandonnée, et remise sine die.
Le stock d'heures supplémentaires a cru de 18 % en trois ans pour atteindre 21,7 millions. Ce problème ne concerne pas les gendarmes, qui sont sous statut militaire et disposent d'un logement de fonction. C'est une véritable épée de Damoclès, nous a dit le DGPN, sur la capacité opérationnelle de la police nationale, car ces congés sont pris avant le départ à la retraite, ce qui peut priver le service d'un fonctionnaire pendant une année entière sans qu'il soit remplacé.
Les tâches indues, enfin, demeurent constantes. Ainsi, de la garde de 24 préfectures, qui mobilise 150 ETPT, ou de celle des palais de Justice, qui en emploie 450, sans parler des ivresses publiques manifestes ou des pertes de papiers d'identité. En tout, ces tâches mobilisent 5 % des effectifs.
Votre exposé est très clair. Nous sommes bien placés parmi les pays en termes d'effectifs de police/gendarmerie pour mille habitants. Nous connaissons un problème d'organisation et d'équipement. Comme la Cour des comptes l'a noté, l'administration considère souvent qu'un poste budgétaire coûte moins qu'un véhicule. Je suis sidéré de constater, une fois de plus que les policiers et les gendarmes sont sous-équipés face à ceux qu'ils poursuivent. Ce budget n'est pas à la hauteur des enjeux.
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, programme « Gendarmerie nationale ». - Lors de son audition, le directeur général de la gendarmerie, le général Richard Lizurey, nous a dit que seuls 16 000 des 24 000 véhicules prévus avaient été remplacés entre 2011 et 2017. Un rattrapage s'impose donc. Pourtant, il n'a pu acheter que 1 600 voitures sur les 3 000 prévues cette année. Il y a donc un sacré trou dans la raquette, même s'il existe des reliquats dans les budgets qui ont été gelés.
Autre problème : la réserve dans la gendarmerie. Il a manqué 900 réservistes dans les brigades territoriales cet été, ce qui pose de réels problèmes lors des animations et des festivals prévus car les collectivités ou les associations doivent s'adresser à des sociétés privées pour assurer la sécurité, d'où des coûts supplémentaires. La réserve opérationnelle est absolument indispensable à la gendarmerie pour tourner dans les territoires ruraux.
Les crédits manquent pour former les jeunes dans les écoles de la gendarmerie : nous constatons une lente dégradation par rapport à l'an passé.
Le ministère veut créer une grande direction du numérique. La gendarmerie a été novatrice en ce domaine, en se dotant de tablettes et de smartphones. Or, le risque de dilution dans cette direction est réel.
Au regard de ce budget, je ne suis pas très optimiste pour l'avenir.
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, programme « Gendarmerie nationale ». - Le rapport de la commission d'enquête présidée par Michel Boutant et signé par François Grosdidier a démontré les grandes difficultés rencontrées par la gendarmerie. Comme pour les infirmiers à l'hôpital, les heures supplémentaires non payées font partir bien des gendarmes avant l'âge de la retraite.
Pourquoi ne pas prévoir un plan pluriannuel de programmation pour renouveler le matériel de la police et de la gendarmerie, comme cela se fait dans l'armée ?
Le moral de nos forces de l'ordre n'est pas au beau fixe : il serait important que tous les parlementaires, quelles que soient leurs appartenances politiques, se montrent solidaires. Le taux de suicide est le plus élevé de toutes les catégories socio-professionnelles françaises, y compris les agriculteurs.
Nous avons interrogé le général Lizurey sur la directive européenne : au début, il s'est montré assez rassurant, rappelant que le président de la République s'était engagé à ce qu'elle n'ait pas de répercussion dans notre pays. Mais la suite de sa réponse a démontré quand même l'étendue des problèmes : sans même appliquer strictement la directive, il faudrait quand même recruter 4 100 ETP.
Lorsqu'on se compare à nos voisins, les effectifs de nos forces de sécurité semblent assez confortables. Ne faudrait-il pas comparer ces chiffres à ceux de la criminalité ? Quid du temps de travail chez nos voisins ? De même, quel est le pourcentage de policiers sur le terrain par rapport aux effectifs globaux ? Peut-être connaissons-nous aussi un problème de répartition des policiers sur le territoire : à Bondy, nous avons 100 policiers alors qu'en appliquant le ratio national, il devrait y en avoir 303... Ne pourrait-on affiner tous ces chiffres ?
En 1998, j'ai introduit dans le budget de la région Ile-de-France un chapitre « Sécurité ». Depuis lors, ce chapitre a plutôt prospéré, quelle que soit l'étiquette politique de la majorité en place. Nous avions signé diverses conventions avec le ministère de l'intérieur pour construire des casernes, des commissariats, des antennes de police. Aujourd'hui, nous avons proposé d'acheter des véhicules pour la police nationale mais, pour des raisons qui m'échappent, nous ne parvenons pas à signer de conventions avec l'État. Quel est le problème ?
Dispose-t-on d'un état des lieux complet de l'immobilier de la gendarmerie ?
Les collectivités doivent-elles continuer à investir dans des casernes alors que les gendarmes semblent souhaiter des logements individuels ? En outre se pose un problème de sécurité : évitons la concentration de gendarmes dans un même lieu.
Comme lors du quinquennat précédent, les effectifs vont continuer à croître, bien que dans des proportions moindres. En revanche, les investissements diminuent, ce qui réduit d'autant l'efficacité de la politique de recrutement. Sans véhicules supplémentaires, impossible de renforcer les contrôles sur le terrain.
Dispose-t-on d'un état des lieux des commissariats ? En tant qu'élu parisien, je suis sidéré par l'état de certains commissariats.
Enfin, la ville de Paris avait proposé de participer à l'achat de véhicules pour les brigades anti-criminalité (BAC). Cette proposition ne semble pas avoir reçu l'assentiment de la préfecture de police de Paris. Pourquoi ?
J'ai été surpris cette année par l'absence de statistiques fiables dans le domaine de la coopération internationale. La Cour des comptes est venue nous détailler quatre séries d'équipements après un an et demi d'enquête : elle n'a pu obtenir le coût d'un véhicule, d'une arme, de munitions dans les pays voisins. Je me suis rendu à la direction de la coopération internationale pour demander les raisons de cette rétention d'informations. Il m'a été répondu que ce n'était pas le rôle de cette direction. Je ne sais pas qui au ministère de l'intérieur pourrait nous fournir ces données qui nous permettraient de nous comparer à nos voisins. Nous avons du mal à savoir comment sont organisés les services à l'étranger : le nombre de policiers par patrouilles, les moyens mis à disposition des policiers. Enfin, il faut prendre en compte la part des effectifs opérationnels sur le terrain et la part de ceux qui restent dans les bureaux. Même remarque pour les véhicules : il y a ceux qui vont en opération et ceux réservés au ministère. La comparaison internationale est donc difficile, et n'y figurent ni les militaires, ni les polices municipales.
Concernant les réticences à laisser les collectivités financer des investissements, je me souviens que le général Favier, prédécesseur du général Lizurey, craignait d'être lié à une collectivité lorsque cette dernière construisait une caserne. Il préférait que l'État ordonnance l'investissement du parc immobilier, pour conserver une certaine liberté d'affectation de ses brigades. Avec l'éclosion des polices municipales, la situation a évolué. De même, je note l'utilisation de plus en plus fréquente des véhicules saisis. Des BAC utilisent les voitures mises à disposition par le ministère de la justice. En revanche, je ne vois aucune volonté de faire financer en partie le parc automobile par les collectivités, bien que la Cour des comptes ait signalé que du fait du vieillissement des véhicules, il fallait recourir à de nouvelles méthodes. Le directeur général de la police nationale a rappelé que les voiture ont moins besoin d'être équipées qu'auparavant, du fait du développement des tablettes numériques et de la téléphonie mobile. Comme le font les Anglais, pourquoi ne pas louer la flotte ? À Berlin, les voitures sont changées tous les quatre ans : à Paris, c'est plutôt huit ans. Certes, le statut de la préfecture de police de Paris complique la donne : l'état du parc immobilier et des véhicules est particulièrement préoccupant. En outre, les agents ne pensent qu'à être mutés le plus rapidement possible.
Le plus simple serait d'en revenir aux ratios des autres pays, comme l'Espagne ou la Grande-Bretagne : 80 % du budget est consacré aux frais de personnel et 20 % à l'équipement. En France, nous en sommes à 87,5 % et 12,5 %...
Après les attaques terroristes, nos agents ont été suréquipés : chaque véhicule comprend désormais un fusil d'assaut lourd sécurisé et chaque policier doit être doté de protections, d'un gilet pare-balle et d'un casque lourd. Les voitures deviennent très lourdes et ne peuvent engager de poursuites. Les intervenants sur le terrain réclament des véhicules plus puissants. La BAC de Marseille a été équipée de breaks, mais ils ne pouvaient circuler dans les petites rues... Le moral des agents dépend en grande partie des équipements fournis.
Fin septembre, le président de la quatrième chambre de la Cour des comptes a évoqué devant nous la paupérisation des forces de police.
Je vais donc vous proposer le rejet des crédits de cette mission. L'an dernier, j'avais proposé un amendement, mais le ministre de l'intérieur l'avait mal interprété.
En 2017, après trois années consécutives de hausse - une première depuis 45 ans ! - la mortalité routière recule à nouveau. 3 600 tués ont été dénombrés en métropole et dans les départements d'outre-mer, soit 55 décès de moins qu'en 2016. Cette embellie est cependant fragile, malgré les résultats encourageants des neuf premiers mois de 2018. En effet, le nombre d'accidents et de blessés hospitalisés a continué à croître en 2017.
En outre, le nombre de tués par milliard de kilomètres parcourus se situe désormais au niveau de la moyenne européenne mais s'avère toujours nettement supérieur à ceux de plusieurs de nos voisins tels que l'Allemagne, le Royaume-Uni et la Suisse.
Les crédits du programme 207 « Sécurité et éducation routières » de la mission « Sécurités », qui ne représente que 0,2 % du montant de la mission « Sécurités », augmentent de 3,9 % pour s'établir à 41,4 millions d'euros.
Le point saillant de ce programme concerne le permis de conduire, dont les coûts d'organisation représentent plus de la moitié des crédits de ce programme. La réforme de cet examen, initiée en 2014, s'essouffle : les indicateurs de performance stagnent tandis que l'opération « permis à un euro par jour », qui apparaît de nouveau surbudgétée, connaît un succès mitigé.
L'architecture du compte d'affectation spéciale « Radars » est toujours aussi tarabiscotée. Sur son arborescence, une nouvelle branche vient se greffer en 2019. Elle se dirige vers le Fonds médical pour les établissements de santé publics et privés (FMESSP), qui va recueillir le surplus estimé des amendes engendré par l'abaissement de la vitesse maximale de 90 à 80 km/h sur les routes bidirectionnelles, sans séparateur central.
Encore une fois, il me paraît hautement souhaitable de simplifier cette architecture peu lisible, ce qu'a d'ailleurs aussi souligné la commission des finances de l'Assemblée nationale lorsqu'elle a examiné cette mission. Il conviendrait donc de fusionner ces deux sections et de supprimer l'enchevêtrement de ces flux croisés qui diffèrent selon les types d'amendes.
L'estimation du produit total des amendes de la police de la circulation et du stationnement n'a jamais été aussi élevée (1 867 millions d'euros). Cette estimation me semble pour le moins prudente : en effet le montant du produit réalisé en 2017 (1 978 millions d'euros) s'est avéré nettement supérieur à l'estimation de la loi de finances initiale pour 2018 (1 848 millions d'euros).
Le produit des amendes forfaitaires (AF) radars - 1 036 millions d'euros - dépasse pour la première fois le produit des autres amendes forfaitaires et des amendes majorées.
Les crédits demandés au titre des quatre programmes du CAS, qui s'élèvent à 1 296 millions d'euros, baissent pour la deuxième année de suite, et diminuent d'environ 3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2018. Ces crédits représentent plus des deux tiers du produit total des amendes de la police de la circulation et du stationnement.
Seul le programme 751 « Structures et dispositifs de sécurité routière » voit ses crédits augmenter de plus de 10 %. Cette hausse est principalement destinée, comme l'an passé, à couvrir le besoin de financement des nouveaux radars. En effet, le comité interministériel de la sécurité routière (CISR) réuni le 9 janvier 2018 n'a pas remis en cause la stratégie arrêtée par le Gouvernement Valls lors du précédent CISR de 2015, à savoir la poursuite de la stratégie de déploiement de nouveaux équipements afin de porter le parc de radars automatiques à 4 700, la modernisation des fonctionnalités des radars (radars vitesse moyennes, discriminants, double face, feux rouges...), l'augmentation de la part des équipements mobiles et déplaçables (radars chantiers, voitures radars) et la multiplication des itinéraires sécurisés par des dispositifs de radars « leurres » afin de renforcer l'imprévisibilité des contrôles.
Or, il s'avère que le plan de déploiement de ces nouveaux équipements prend, semble-t-il, un sérieux retard, ce qui m'interroge sur la nécessité d'augmenter encore les crédits du programme 751. En effet, la réalisation de l'objectif de 4 700 radars, initialement prévue au 31 décembre 2018, est décalée d'un an. Au 1er septembre 2018, le parc compte 34 équipements de moins qu'au 31 décembre 2017 et, surtout, 288 radars de moins que l'objectif fixé par la loi de finances initiale au 31 décembre de cette année.
L'objectif 2019, tel qu'il est présenté, me semble donc difficilement soutenable, du moins sur le plan technique, d'autant plus que la répartition par type d'équipement affichée dans le projet annuel de performances diffère sensiblement de l'existante. Par exemple, le Gouvernement souhaitait implanter 400 radars « tourelles » en 2018, alors qu'au 1er septembre, on en dénombre seulement 10, installés à titre expérimental. Je serais donc étonné que l'objectif de 400 radars « tourelles », qui est de nouveau annoncé pour 2019, soit atteint dans un an. Les crédits prévus pour 2019 me semblent donc trop importants, alors que vraisemblablement, les crédits de 2018 n'auront pas été entièrement consommés.
En outre, bien que je vous propose d'approuver les crédits du compte d'affectation spéciale, je demeure réservé quant à l'efficacité de ce plan de déploiement de nouveaux radars. Son impact positif sur l'accidentalité routière est encore difficile à mesurer, et s'avère très lié au choix des lieux d'implantation de ces équipements.
De même, je porte un jugement très mesuré sur l'abaissement de la vitesse maximale autorisée. Une application moins systématique, davantage ciblée sur les routes les plus accidentogènes, m'aurait semblé préférable.
S'agissant des autres programmes, à la différence de l'an passé, le programme 755 « Désendettement de l'État » (dont je trouve le libellé ambigu dans la mesure où ce programme ne sert pas directement à diminuer la dette) voit sa dotation diminuer de 7 %, à l'instar du programme 754 « Collectivités territoriales », sachant que les communes bénéficient, depuis janvier 2018, de la décentralisation du stationnement payant et du produit du forfait « post-stationnement ».
Pour conclure sur une touche positive, je note que le comité interministériel de janvier 2018 a adopté plusieurs mesures (qui ont d'ailleurs été totalement éclipsées par l'abaissement de la vitesse !) qui vont dans le sens des recommandations du rapport de contrôle de notre collègue Vincent Delahaye de 2017. À titre d'exemple, une carte des radars, qui devrait bientôt intégrer celle de l'accidentalité, est désormais publiée sur internet.
Compte tenu de ces éléments, je vous propose donc d'adopter les crédits du compte d'affectation spéciale. S'agissant de la mission « Sécurités », le programme 207 dont je suis rapporteur ne représente que 0,2 % de ses crédits...
Mon intervention ne servira à rien mais elle me permettra d'exprimer mon amertume. En France, il y a assez de radars ! Dans nos communes rurales, les radars ne sont pas placés dans les endroits dangereux mais sur les lignes droites. En arrivant à Aurillac, il y a 15 km sans virages, et des radars... Il faudrait installer les radars là où se produisent les accidents et non pas seulement là où ils piègent les automobilistes. Cette année, ils vont rapporter encore plus qu'avant !
Enfin, je suis farouchement contre la décision sur le 80 km/h qui a été prise sans aucune concertation. A Paris, on voir les choses de loin, mais c'est bien différent quand on est en province. Il aurait fallu laisser le 90 km/h, même pour les routes avec une bande blanche au milieu, sachant que sur les autres routes secondaires, il est difficile de rouler à plus de 80 km/h !
À combien se monte la baisse de la contribution aux collectivités territoriales ?
Comment se fait-il que l'opération « permis de conduire à un euro par jour » s'essouffle ? Est-ce parce que des collectivités financent en partie le permis des jeunes en contrepartie de travaux d'intérêt général ?
Le montant de la dotation au programme 754 « Collectivités territoriales » a diminué de 517 millions d'euros, dans la loi de finances initiale pour 2018, à 478 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2019. L'an dernier, nous avions déposé un amendement pour réduire la baisse de la contribution aux collectivités territoriales (qui avait déjà diminué de 148 millions d'euros par rapport à la loi de finances précédente) et qui leur sert à réaliser des aménagements destinés à améliorer la sécurité routière. À l'époque, en effet, nous ne savions pas quels seraient les résultats de la décentralisation du stationnement payant. Le ministre nous avait dit que les collectivités s'y retrouveraient largement. C'est effectivement le cas, d'où la nouvelle diminution pour les collectivités qui désormais peuvent fixer librement le tarif des amendes : dans certaines communes, il est passé de 17 à 60 euros.
À cet égard, je voulais souligner que l'Agence de financement des infrastructures de France (AFITF), qui manquait de ressources du fait de l'abandon de l'écotaxe, bénéficie du solde des recettes des amendes forfaitaires, une fois qu'elles ont abondé le programme 751, dans la limite d'un certain plafond. Le montant de la contribution des amendes radars à l'AFITF devrait augmenter de 450 à 500 millions d'euros entre 2018 et 2019, sur un budget total de 2,4 milliards d'euros.
S'agissant du permis de conduire, le Premier ministre a, par décret du 3 août 2018, chargé deux députés de dresser un bilan des réformes mises en oeuvre au cours des trois dernières années et d'envisager des évolutions possibles pour améliorer les dispositifs en place. Cette mission aura notamment pour objet de réfléchir à l'essoufflement du « permis à un euro par jour », sachant qu'avant même la mise en place de cette opération, certaines collectivités prenaient déjà en charge le coût du permis de conduire des jeunes.
Jean-Claude Requier a raison : compte tenu d'une hausse très marquée des contraventions en juillet, mois d'entrée en vigueur de l'abaissement de la vitesse à 80 km/h, la barre des 2 milliards d'euros sera sans doute dépassée cette année. La croissance du produit des amendes de police de la circulation et du stationnement est donc supérieure à celle du PIB...
Vincent Delahaye s'était penché sur l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (Antai) que j'ai eu l'occasion de visiter il y a quelques mois. Cet établissement est très bien organisé : l'agence compte moins de 40 salariés et travaille, dans la cadre de marchés publics, avec plusieurs prestataires, parmi lesquels Docapost, société du groupe La Poste. Son fonds de roulement important est dû au fait qu'elle perçoit les versements de l'État selon un rythme trimestriel, ce qui nécessite qu'elle dispose de plusieurs mois de trésorerie.
En 2019, les crédits du programme « Sécurité civile » connaissent une baisse de 393,97 millions en autorisations d'engagements (AE) et de 6,86 millions en crédits de paiement (CP) par rapport à la loi de finances initiale pour 2018 soit une hausse de 1,29 % en CP et une baisse de 46,15 % en AE. Cette baisse de crédits s'explique par la passation, en 2018, d'un marché de remplacement de la flotte de Tracker par six avions multi-rôles Dash 8. Si on neutralise l'impact de cette acquisition dans le projet de loi de finances pour 2018, le programme « Sécurité civile » est en légère augmentation de 1,64 % en AE et en baisse de 4,51 % en CP pour 2019.
Les crédits du programme « Sécurité civile » pour 2019 sont inférieurs à la programmation triennale de près de 10 millions en crédits de paiement. Cette différence s'explique principalement par des économies réalisées à l'occasion de la passation du marché de renouvellement des Tracker.
La situation des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) me semble préoccupante. Leur importance est pourtant capitale ; ils ont réalisé en 2017, près de 4,6 millions d'interventions, soit une croissance de 2 % par rapport à l'année précédente, avec des disparités selon les départements. Leurs interventions ne sont pas toujours de leur ressort. Ainsi, les pompiers transportent les personnes en alcoolémie avancée. Dans certains départements, les secours à personne augmentent de plus de 10 % par an.
Les budgets des SDIS sont de nouveau en légère hausse, de 1,6 % en valeur. Toutefois, leurs dépenses d'investissement ont connu une baisse importante, de près de 20 % entre 2008 et 2017. Cette baisse apparait d'autant plus préoccupante que le soutien de l'État aux investissements structurants des SDIS s'est récemment affaibli. La dotation de soutien aux investissements structurants des SDIS, dont le financement s'élevait à 25 millions en 2017, n'est dotée que de 10 millions en 2019, comme en 2018. Cette faible dotation est d'autant plus incompréhensible que les crédits prévus par le PLF sont inférieurs à la programmation pluriannuelle.
La moitié de cette dotation est prévue pour financer le projet de système d'information unifié des SDIS et de la sécurité civile « SGA-SGO/NexSIS », qui constitue, à juste titre, un élément clé de la stratégie du ministère de l'intérieur. De l'avis général, son montant est nettement insuffisant. Il me parait indispensable de réévaluer cette dotation dans les années à venir.
Outre un problème de financement, les SDIS vont devoir faire face à une transformation récente du droit européen de nature à remettre en cause le modèle français de secours. À la suite d'un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 21 février 2018 relatif à un sapeur-pompier volontaire belge, la directive européenne de 2003 relative au temps de travail pourrait s'appliquer aux sapeurs-pompiers volontaires français. Le développement et la pérennité du modèle français de distribution des secours, qui repose de façon significative sur les sapeurs-pompiers volontaires, constitue un enjeu majeur pour la sécurité civile : 79 % des sapeurs-pompiers français sont en effet des volontaires, et leur proportion peut aller jusqu'à 90 % dans les départements les moins peuplés. Selon la directive de 2003, la durée maximale de travail hebdomadaire ne peut dépasser 48 heures et le repos journalier de sécurité doit être de 11 heures consécutives. Si cette directive devait s'appliquer, le sapeur-pompier volontaire qui rentrerait chez lui ne pourrait repartir en intervention avant un intervalle de onze heures. De même, parti en intervention la nuit, il ne pourrait reprendre son travail le lendemain. La CJUE a considéré que les sapeurs-pompiers volontaires devaient être traités comme des travailleurs au sens de la directive, que les période de garde devaient être comptabilisées comme du temps de travail et que les périodes d'astreintes pouvaient être exclues du temps de travail dès lors que les contraintes ne sont pas excessives et ne peuvent être assimilées à celles découlant d'un travail.
L'application de la directive aux sapeurs-pompiers volontaires français entraînerait un accroissement de moitié du coût des services d'incendie et de secours, de nature à remettre en cause le modèle français de secours. On parle tout de même de 2,5 milliards d'euros !
La préservation du statut de sapeur-pompier volontaire appelle une initiative forte de la part du Gouvernement français vis-à-vis de la Commission européenne. En outre, pour remplacer un sapeur-pompier volontaire « ancienne génération », il en faut aujourd'hui deux à trois, tout comme pour les médecins libéraux.
Le budget 2018 est marqué par la poursuite du déploiement du système d'alerte et d'information des populations (SAIP), dont les choix stratégiques, fortement contestables, ne sont toujours pas remis en cause. Je vous avais alerté, par le biais de mon rapport d'information, sur le fait que ce projet concentrait près de 80 % des crédits prévus sur le volet « sirènes », alors même que leur impact apparaît beaucoup plus faible que celui de la téléphonie mobile, qui ne bénéficiait pourtant que de 3 % des crédits consommés ou prévus pour ce projet.
Après un an de fonctionnement et à la suite des recommandations formulées dans mon rapport, l'application smartphone, dont j'avais relevé les insuffisances, a fait l'objet d'une évaluation par l'inspection générale de l'administration et a finalement été abandonnée le 29 mai 2018, sans qu'aucun projet de remplacement ne soit prévu. Le volet « téléphonie mobile » aura ainsi coûté 1,6 million d'euros sans faire preuve de la moindre utilité. Il me semble nécessaire de procéder à une réorientation stratégique plus large de ce projet avant que l'affectation des crédits de la phase 2, qui débute en 2020, ne soit effectuée.
L'arrêt de la CJUE nous met en difficulté, tant pour les pompiers que pour la réserve dans la gendarmerie. Devant le risque colossal que court la sécurité civile, il est souhaitable que le Gouvernement réagisse.
Les 10 millions d'euros de l'État pour les investissements des SDIS sont absolument dérisoires par rapport au montant global dont ils bénéficient.
Dans les départements urbains, le système de sécurité civile est à bout de souffle : 80 % des interventions concernent des secours à personne, en remplacement du sanitaire. Nous avons des véhicules surdimensionnés, trop de personnel, et nous devons transporter dans l'urgence, alors que le plus souvent ce n'est pas nécessaire. Les départements ne pourront pas continuer à augmenter les budgets des SDIS. Nous devons solliciter le ministre de l'intérieur pour adapter les conditions d'intervention des pompiers pour les secours à personne, pour éviter une dégradation des services offerts.
Le turn over des sapeurs-pompiers volontaires est important. Dispose-t-on du montant des crédits destinés à leur formation ?
Durant les dix-neuf ans où j'ai présidé le SDIS de mon département, j'ai constaté des reports d'intervention du SAMU, notamment pour des transports sanitaires, sur les SDIS, car il y avait pénurie d'ambulanciers privés. Beaucoup de patients déclaraient des douleurs thoraciques pour être rapidement pris en charge, mais une fois les pompiers arrivés, la douleur avait disparu, ce qui permettait d'empêcher une facturation par le SDIS au SAMU. En outre, la population n'a plus accès à la médecine de ville et les résidents de maisons de retraite demandent à être pris en charge. Une réorganisation globale est donc nécessaire.
Je ne sais pas quel est le montant des crédits destinés à la formation : il y a vingt ans, la durée d'engagement des sapeurs-pompiers volontaires était de 17 ou 18 ans. Actuellement, la durée d'engagement approche des dix ans. Des plateformes de formation à distance sont mises en place par des SDIS pour réduire les coûts. Enfin, certaines femmes sapeurs-pompiers volontaires ne sont plus, à leur demande, formées sur les feux, ce qui réduit d'autant les coûts de formation.
Cela dit, les secours à personne doivent être remis à plat. Chacun doit intervenir dans ses propres domaines de compétence.
En tant que conseiller départemental, je suis depuis une dizaine d'années administrateur du SDIS de mon département. Le budget SDIS de l'Isère dépasse 105 millions d'euros. Alors, que dire de la participation de l'État qui se monte à 10 millions d'euros pour tout le territoire ? Ce n'est pas en doublant l'intervention de l'État que l'on va régler le problème... Cela dit, vu de l'Isère, il me semble que l'on a digéré la départementalisation des SDIS, après quelques années de grandes difficultés.
On peut comparer les 10 millions d'euros aux plus de 4 milliards d'euros de frais de fonctionnement de l'ensemble des SDIS. Il serait d'ailleurs intéressant de savoir combien l'État encaisse de TVA sur les frais de fonctionnement des SDIS.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Sécurités » et d'adopter, sans modification, les crédits du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».
La mission « Économie » porte sur l'ensemble des dispositifs en faveur des entreprises, notamment des PME dans les secteurs de l'artisanat, du commerce et de l'industrie. Elle porte aussi sur les crédits des administrations, autorités administratives indépendantes et opérateurs chargés de la mise en oeuvre de ces politiques, ainsi que ceux de l'Insee et des services économiques du Trésor à l'étranger.
Le budget 2019 est en forte baisse. Les crédits diminuent de 5,2 %, soit 98 millions d'euros, pour s'établir à 1,8 milliard d'euros au total. Il faut distinguer ce qui relève des dispositifs de ce qui relève des acteurs. Les dépenses de fonctionnement baissent de 7 millions d'euros, ce qui est trop peu au regard des marges existant en matière d'immobilier et d'optimisation de la fonction achats.
La plus grande partie de l'effort repose sur les dispositifs qui prennent la forme de crédits d'intervention inscrits sur le programme 134, dont la baisse atteint 18 % en un an, soit 63 millions d'euros. Entre 2014 et 2019, le montant total des dispositifs d'intervention a été considérablement réduit, passant de 235 millions d'euros en 2014 à 65 millions d'euros en 2019, soit une baisse de 73 %.
Cette diminution est considérable. Elle correspond à un mouvement de rationalisation progressive des instruments de soutien de l'État aux TPE/PME, qui sont multiples : aides directes ou indirectes, prêts, garanties, actions collectives de formation, de promotion ou de mutualisation des moyens à l'échelle d'une filière. Ils portent sur des secteurs très divers, allant de la petite industrie aux métiers d'arts, en passant par les commerces de centre-ville, les services à la personne ou encore les jeunes PME innovantes. Le plus souvent, il s'agit d'aides indirectes versées à des intermédiaires.
Certes, il était nécessaire de mettre de l'ordre. L'accumulation progressive de ces dispositifs, leur sédimentation, leur hétérogénéité et leur gestion « en silo » avaient fini par les rendre illisibles et impropres à incarner les priorités politiques d'un Gouvernement, quel qu'il soit. Toutefois, le budget qui nous est soumis appelle quelques réserves.
Premièrement, la « rationalisation » affichée se résume trop souvent à une logique de « rabot » année après année. Or, par définition, un coup de rabot ne fait pas une politique. En fin de compte, les réductions proposées et le statu quo s'exposent aux mêmes critiques : ils ne permettent pas de distinguer entre les dispositifs utiles et les dispositifs qui pourraient être supprimés.
Deuxièmement, la logique sous-jacente, quoique non explicite, est celle d'un désengagement progressif de l'État en matière de soutien aux petites entreprises, aux commerçants, aux artisans. Le message est le suivant : c'est le rôle des collectivités locales, et singulièrement celui des régions depuis la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe). Or, dans un contexte budgétaire contraint pour les collectivités, le maintien de dispositifs ponctuels, et au demeurant très modestes, constitue une forme de soutien complémentaire, et pour ainsi dire de « plan B » lorsqu'il n'existe pas de « plan A » à l'échelon local. Ce n'est pas grand-chose pour l'État, mais c'est beaucoup pour les territoires.
L'exemple le plus significatif est celui du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce, le FISAC : après avoir vu sa dotation passer de 78 millions d'euros en 2010 à seulement 16 millions d'euros en 2018, et le nombre d'opérations financées d'environ un millier à seulement 114, le FISAC sera placé en « gestion extinctive » à partir de 2019. En clair, il est supprimé, seuls 6,1 millions étant ouverts en crédits de paiement pour financer le stock d'opérations déjà décidées.
C'est d'abord surprenant : certes, le Gouvernement n'a jamais eu l'intention d'inverser la tendance, mais il présentait encore au début de l'année le FISAC comme un instrument appelé à jouer un rôle important pour la cohésion des territoires. C'est surtout regrettable et incompréhensible : nombre de petits commerces de proximité ont été sauvés grâce au FISAC. À cela, le Gouvernement répond par le programme « Action coeur de ville », lancé début 2018. Mais ce programme, dont les contours sont encore flous, est conçu pour des villes moyennes - 222 communes ont été sélectionnées -, alors que 64 % des subventions accordées par le FISAC le sont pour des opérations rurales. La cible n'est donc pas la même.
La situation est d'autant plus préoccupante que de nombreuses communes rurales ont vu leurs dotations baisser du fait de la recomposition de la carte intercommunale, ce qui limite leur capacité d'intervention. Les fusions ont malheureusement aussi sorti un certain nombre de communes des zones de revitalisation rurale (ZRR), privant ainsi les petites entreprises d'avantages fiscaux.
En outre, la fin du FISAC entraînerait ipso facto la fin de dispositif du soutien aux stations-service de proximité, pour lequel nous étions nombreux à nous être mobilisés l'année dernière. Après la suppression du Comité professionnel de distribution des carburants (CPDC), le Gouvernement s'était engagé à inclure les stations-service dans le droit commun du FISAC. Que signifie aujourd'hui cette promesse ? Voilà dix ans, il y avait encore 33 000 stations-service de proximité, contre 5 000 aujourd'hui.
Nous vous proposons donc un amendement n° 1 tendant à rétablir le FISAC, en doublant sa dotation par rapport à l'année dernière, à hauteur de 30 millions d'euros. Sur ce montant, 5 millions d'euros seraient réservés aux stations-service de proximité. Bien entendu, cela ne signifie nullement qu'il ne faille pas faire évoluer les critères du FISAC pour éviter les risques de saupoudrage. Il pourrait être ciblé, par exemple, sur les zones rurales.
J'en viens maintenant aux acteurs. Là aussi, l'effort est important, voire inédit : 264 postes seront supprimés en 2019 sur le périmètre de la mission, dans le cadre d'un « recentrage » sur certaines actions prioritaires. La direction générale des entreprises (DGE) se concentrera sur l'accompagnement des entreprises en difficulté, les filières stratégiques et l'innovation. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) préservera ses missions en matière de sécurité sanitaire. La direction générale du Trésor poursuivra la rationalisation de son réseau à l'étranger, dont les effectifs ont déjà été réduits d'un quart en dix ans.
En fait, il apparaît que le « recentrage » des missions est surtout un « resserrement » des réseaux, notamment dans les territoires avec une suppression importante d'effectifs dans les Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte). On ne peut que souscrire à la nécessité de mieux cibler les missions de l'État, de supprimer les doublons avec les collectivités et de réaliser des gains d'efficience. Mais, là encore, il semble que la contrainte budgétaire précède la vision stratégique.
La remarque vaut aussi pour les chambres de commerce et d'industrie (CCI). La taxe qui leur est affectée devrait connaître une nouvelle baisse de 100 millions d'euros cette année, après plusieurs diminutions successives, aboutissant à une division par deux de leur ressource fiscale depuis 2012. La « revue » de leurs missions est toujours en cours. Mais elles doivent déjà se préparer à supprimer 2 000 postes et à mettre fin à de nombreuses actions et investissements. À tout le moins pourrait-on reporter la baisse de 100 millions d'euros à l'année prochaine.
Je terminerai par quelques mots sur le plan France Très haut débit. Le programme 343 porte sur la participation de l'État, soit au total 3,3 milliards d'euros, afin d'assurer la couverture de 100 % du territoire d'ici à 2022. Sur le plan budgétaire, il n'y a rien à redire : les crédits sont là, l'échéancier suit son cours, et des crédits de paiement sont pour la première fois prévus en 2019. Sur le terrain, en revanche, les choses sont un peu différentes. Seuls 10 % des locaux situés dans la zone d'initiative publique sont, à ce jour, éligibles à la fibre optique, contre 56 % des locaux de la zone d'initiative privée, plus dense, donc plus rentable. Les causes de ces retards peuvent se trouver à toutes les phases d'un projet : constitution du dossier et sécurisation des financements, instruction par les services de l'État, phase d'études trop longue, pénurie de fibre optique. Surtout, il semble que les collectivités, disposant de moyens limités, ont dû faire face à d'importantes difficultés de pilotage.
Je me limiterai à trois remarques. D'abord, à court terme, la possibilité d'obtenir de la part des opérateurs des engagements contraignants, y compris dans la zone d'initiative publique, doit être saluée. Il faut maintenant surveiller si les promesses sont tenues, et nous avons constaté que les outils manquaient à ce stade.
Ensuite, et toujours à court terme, la priorité doit être accordée à la couverture d'un maximum de locaux, plutôt qu'au déploiement de la technologie la plus performante. Là encore, on peut se féliciter de la création d'un « guichet cohésion numérique » doté de 100 millions d'euros, pour financer des technologies alternatives dans les zones où la fibre optique ne peut pas être déployée. Il conviendra toutefois d'être très vigilant : la subvention de 150 euros par équipement, sous forme de préfinancement de l'abonnement, ne s'accompagne d'aucun engagement des opérateurs à maintenir un tarif attractif au-delà d'un certain délai.
Enfin, il faut dès aujourd'hui se poser la question de l'après-2022 : comment financer la couverture du territoire en 100 % fibre optique, et non pas seulement en 100 % très haut débit ? Il ressort des entretiens que nous avons menés que la date de 2025 est une échéance réaliste. Le regain de l'initiative privée devrait permettre de limiter la participation de l'État à environ un milliard d'euros. Mais selon quelles modalités ? Avec quels objectifs et quelle gouvernance ? Ces questions sont ouvertes, et il faudra très vite y répondre.
Si la mission « Économie » se caractérise par une multitude de dispositifs d'ampleur modeste dont le format tend à se réduire au fil des années, elle porte aussi sur les crédits de certaines politiques bien identifiées, pour des montants significatifs.
La plus importante concerne un dispositif de soutien à l'internationalisation des entreprises, notamment des TPE et des PME, qui ne disposent pas des mêmes moyens que les grands groupes. La France compte 125 000 entreprises exportatrices, contre 360 000 en Allemagne et 200 000 en Italie. Je passe rapidement le volet financier du dispositif : aujourd'hui, l'enjeu n'est pas tant le financement de l'exportation, qui est entre les mains d'un acteur reconnu, Bpifrance, que l'accompagnement à l'exportation. Les PME et les PMI pâtissent d'un manque non pas de financement, mais d'expertise.
Le déficit commercial de la France était de 61,7 milliards d'euros l'année dernière. Les 100 premières entreprises françaises n'ont pas de problèmes, mais les opérations que ces dernières réalisent à l'international ne bénéficient pas à notre pays. Les PME, les ETI et les TPE ont un potentiel méconnu. La politique économique de la France semble déterminée par rapport aux 100 plus grandes entreprises.
Pour accompagner les entreprises à l'export, les moyens des chambres de commerce et d'industrie ne suffisent pas. Pour un territoire comme le nôtre, seulement 400 conseillers pour le commerce extérieur, c'est insuffisant. Les grandes entreprises, elles, ont leur propre service export.
Une grande partie de ce manque a été comblée par la création de Business France, qui rassemble en son sein un certain nombre de compétences, à l'intérieur comme à l'extérieur du territoire. Les objectifs qui avaient été fixés pour la période 2015-2017 ont été atteints. Ce service public à l'exportation constitue donc un dispositif intéressant. À nos yeux, Bpifrance est une banque, tandis que Business France est un véritable cabinet de conseil à l'exportation pour les PME et les PMI.
Paradoxalement, le coeur du problème résidait en France. Nous avons une richesse incroyable d'entreprises commerciales, artisanales, industrielles, agricoles, qui ont des capacités de création reconnues, mais nous n'arrivons pas à les amener à l'international.
Nombre de PME et d'ETI qui exportent passent par des entreprises beaucoup plus grandes ; elles n'ont pas leur propre service export. Si la grande entreprise décide de changer de fournisseur, c'est une perte pour elles, avec des conséquences sociales importantes.
Dans ce contexte, le Gouvernement a lancé au mois de février dernier une vaste réforme du dispositif d'accompagnement des entreprises à l'international. Cette réforme reprend les recommandations formulées par Christophe Lecourtier, directeur général de Business France, dans un rapport remis au Gouvernement à la fin de l'année 2017. Quelques semaines plus tôt, notre rapport budgétaire était allé dans le même sens. Cette réforme consiste à faire travailler ensemble les CCI, les régions, et tous les acteurs qui peuvent apporter leur contribution, avec Business France comme tête de pont. Les résultats sont bons, mais on peut aller encore plus loin.
Nous avons constaté que les diplômés de nos écoles de commerce ou d'ingénieur partaient à l'étranger ou dans les grandes entreprises, mais ne travaillaient pas pour nos TPE ou PME. Nous proposons donc qu'ils puissent être mis à la disposition de la Team France Export, soit dans le cadre d'un cursus universitaire ou d'un apprentissage, soit sous forme d'un Volontariat international en entreprise (VIE).
Enfin, le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » comporte trois programmes significatifs en 2019.
Le programme 869 a été créé l'année dernière, suite à la décision du Gouvernement de financer le projet de liaison Charles-de-Gaulle Express par un prêt de l'État, et non plus par un emprunt privé, comme le prévoyait le schéma d'origine. Toutes les autorisations d'engagement ont été ouvertes en 2018, à hauteur de 1,7 milliard d'euros. Les premiers décaissements sont prévus pour 2019, avec l'inscription de 275 millions d'euros en crédits de paiement.
Le programme 868 permet à l'État d'accorder des prêts à Bpifrance dans le cadre de son dispositif de soutien à l'exportation en Iran. Nous recommandons de conserver les 100 millions inscrits sur le programme, malgré le contexte actuel.
Le programme 862 porte les crédits du Fonds pour le développement économique et social (FDES), qui permet à l'État d'accorder des prêts à des entreprises rencontrant des difficultés. Il ne s'agit pas de renflouer à perte des entreprises irrémédiablement condamnées. Cela dit, à côté d'une série de prêts d'un montant modeste, entre 100 000 euros et 500 000 euros, deux situations particulières nous interpellent. L'État a prêté 35 millions d'euros à Asco Industries en 2014, et cette somme n'a pas été entièrement remboursée à ce jour. Il est permis d'avoir quelques doutes, quand on connaît les difficultés de l'actionnaire de l'aciérie Ascoval de Saint-Saulve. Surtout, le plus gros bénéficiaire du FDES, de loin, est Presstalis : l'État vient de lui accorder un nouveau prêt de 90 millions d'euros, alors que ni celui de 2012 ni celui de 2015, de 30 millions d'euros, n'ont été remboursés.
L'article 85, rattaché au compte de concours financiers, permet au ministre chargé de l'économie d'accorder des abandons de créance du FDES à hauteur de 10 millions d'euros par une simple décision plutôt que d'avoir à passer par une loi de finances. Nous n'y sommes pas opposés sur le fond : la capacité à agir rapidement est souvent déterminante pour rassurer les repreneurs potentiels. Mais le seuil, 10 millions d'euros, nous semble tout de même important.
Nous vous proposons donc un amendement n° 2, visant, d'une part, à ramener à 5 millions le seuil maximum applicable aux abandons de créance par voie de décision ministérielle et, d'autre part, à préciser que cette limite constitue un montant maximum par entreprise, les autres abandons de créances devant alors être autorisés par une mesure en loi de finances, selon la procédure de droit commun.
Je soutiens les amendements qui nous sont proposés, qu'il s'agisse de l'abaissement du seuil à 5 millions d'euros ou du relèvement des crédits du FISAC ; je suppose que l'idée d'affecter 5 millions d'euros aux stations-service plaira à notre collègue Jean-Claude Requier. Je crains en revanche que les problèmes de commerce extérieur de notre pays ne dépassent malheureusement le cadre de la seule mission « Économie ».
La diminution des ressources des chambres de commerce et d'industrie consacre la fin du modèle français au profit d'un modèle à l'anglo-saxonne. Le ministre de l'économie a indiqué que cela représenterait 100 millions d'euros par an pendant quatre ans, soit 400 millions d'euros au total. Si j'ai bien compris, il y aurait une baisse de cotisation foncière des entreprises, ce qui me paraît à la fois curieux et difficile à mettre en oeuvre. Avez-vous des informations plus précises à cet égard ?
Nous n'avons pas eu de retour précis pour le moment. Je le rappelle, l'an dernier, le Premier ministre avait dit qu'il n'y aurait plus de nouvelle baisse. Cette année, nous découvrons qu'elle est maintenue, et pour quatre ans... Il me paraît un peu difficile pour les chambres de commerce et d'industrie, à qui on demande par ailleurs de licencier des personnels, de remplir les missions qui leur sont assignées.
Dans nos recommandations, nous demandons un report d'un an de la mesure, pour permettre aux chambres de commerce et d'industrie de procéder à leur restructuration.
La Poste est aujourd'hui en situation de monopole sur un certain nombre de ses missions, avec une contrainte de service public. Pour autant, dès que certains de ses agents sont en grève - je ne remets évidemment pas en cause le droit de grève, qui est constitutionnel -, ce qui est le cas dans les Hauts-de-Seine depuis plus de sept mois, le courrier n'est plus distribué. Cela a des conséquences très fortes sur la vie des entreprises, notamment des plus petites, qui n'ont pas de code cedex. Il faudrait trouver des solutions pour que le tissu économique ne soit pas pénalisé dans ce type de cas.
Je pense que nous aurons ce débat lors de l'examen du projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE).
La LOLF ne nous permet pas de transférer comme cela des crédits d'une mission du projet de loi de finances à une autre...
L'amendement n° 1, présenté par la rapporteure spéciale, est adopté.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Économie » sous réserve de l'adoption de son amendement. Elle décide également de proposer l'adoption sans modification du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
L'amendement n° 2, présenté par le rapporteur spécial, est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 85 ainsi modifié.
La réunion est close à 18 heures.