Monsieur l'ambassadeur, nous sommes très heureux de vous accueillir. Vous êtes ambassadeur pour le partenariat oriental de l'Union européenne et de la mer Noire depuis 2016 et coprésidez le groupe de Minsk en tant que représentant de la France.
Vous avez été par ailleurs ambassadeur en Lettonie et consul général de France à Munich.
Le Sénat a récemment autorisé la ratification de l'accord de partenariat global et renforcé entre l'Union européenne et l'Arménie, sur le rapport de notre collègue Joël Guerriau.
À cette occasion, plusieurs d'entre nous ont souhaité faire un point sur la question lancinante du Haut-Karabagh, qui fait partie des conflits que l'on dit « gelés », issus de l'héritage post-soviétique, à propos desquels on craint toujours de voir repartir une crise dans une région qui en connaît déjà tant.
Depuis maintenant trente ans, le Haut-Karabagh revient régulièrement dans l'actualité sans qu'aucune solution durable ne se dessine. Vous assurez avec vos homologues russe et américain la coprésidence du Groupe de Minsk, constitué en 1992 au sein de l'OSCE pour superviser le processus de paix dans ce conflit.
Après un regain de violence en 2016, la situation semble aujourd'hui stabilisée. Vous nous direz ce qu'il en est.
L'arrivée au pouvoir d'un nouveau Premier ministre en Arménie, en 2018, est-elle un facteur d'apaisement ? Quel est l'état d'esprit du président azerbaïdjanais ? Ces deux dirigeants se sont rencontrés à Vienne en mars 2019. Cette rencontre a suscité des espoirs de réconciliation, mais qu'en est-il concrètement ressorti ?
Le processus politique semble bloqué : une feuille de route avait été établie à partir des principes dits « de Madrid ». Un retour à ces principes est-il envisageable ?
Quel rôle les grandes puissances, notamment la Russie, mais aussi la Turquie et l'Iran, jouent-elles dans ce conflit ?
Enfin, comment évaluez-vous la situation sur le plan humanitaire, notamment pour les centaines de milliers de personnes déplacées ?
Mesdames et messieurs les sénateurs, je suis honoré par votre invitation à venir vous parler du conflit du Haut-Karabagh. Je souhaite avant tout vous adresser mes meilleurs voeux pour cette année 2020, qui s'ébauche dans un contexte de très fortes turbulences.
Le Haut-Karabagh est une enclave montagneuse située en Azerbaïdjan. Certains territoires entourant cette entité sont occupés depuis le cessez-le-feu et servent, selon ce pays, de zones de protection contre d'éventuelles attaques de l'Azerbaïdjan.
Le Haut-Karabagh n'est officiellement reconnu ni par l'Arménie ni internationalement. L'Arménie et l'Azerbaïdjan mènent une diplomatie multivectorielle en essayant de ne pas s'aliéner leurs puissants voisins, la Russie, l'Iran et la Turquie, dont ils ont été suzerains au fil des siècles.
La Syrie, qui est proche, compte une forte communauté arménienne. Suite à la guerre, quelques réfugiés syriens d'origine arménienne se sont installés sur les territoires entourant le Haut-Karabagh, ce qui suscite le mécontentement de Bakou, qui y voit une nouvelle preuve de la colonisation et d'une annexion rampante.
On est ici au coeur d'un système qui est en « mouvement tectonique », pour reprendre l'expression récente du ministre des affaires étrangères azerbaïdjanais, ce qui explique un calme relatif sur le terrain.
Vous avez parlé, monsieur le président, d'un conflit « gelé ». On parle aussi souvent de conflit « territorial ». Ce n'est en fait réellement ni l'un ni l'autre. Hier encore, un soldat azerbaïdjanais était tué par un sniper arménien, tout près de la frontière avec la Géorgie, au cours de travaux de fortification et il est à craindre que l'Azerbaïdjan prenne des mesures de représailles.
Le faible niveau de violence s'explique selon moi par les craintes géopolitiques que ces petits pays intègrent dans leur environnement. Ce n'est pas le bon moment pour se déclarer la guerre, mais le conflit ne s'arrête jamais, les événements de 2016 l'ont montré.
Est-ce un conflit territorial ? Oui et non. Pour les Azerbaïdjanais, la perte de leur unité territoriale leur fait un peu penser à celle de l'Alsace-Lorraine. Pour Bakou, le conflit durera jusqu'à ce que les territoires soient libérés et restitués.
Il s'agit des suites d'une guerre, mais c'est avant tout un dossier identitaire. Pour les Arméniens, même au-delà des frontières de la République d'Arménie, le Haut-Karabagh est une terre sacrée. C'est le seul territoire où a existé durant quelques années, au XVIIIe siècle, un petit état arménien indépendant. Il faut donc absolument le défendre contre la menace que représente l'Azerbaïdjan.
Pour l'Azerbaïdjan, cette zone fait partie d'anciens territoires (Khanats) qui furent mongols sous Tamerlan, longtemps ottomans et encore plus longtemps persans. Ils ont connu des situations complexes. Pendant deux siècles, la population, majoritairement arménienne, a connu l'autonomie, sous l'autorité d'un suzerain de la dynastie Kadjar.
Historiquement, il est très difficile de donner raison à l'un ou à l'autre du fait des mouvements de populations.
Ce qui est intéressant c'est la spécificité de ce dossier et son caractère géopolitique. Je pense aux grandes puissances et aux puissances de regain - comme la Russie, la Turquie, dont les initiatives créent des interrogations, l'Iran - ou à la perception d'un intérêt moins marqué par les Américains dans cette région. On a ici un concentré de puissances qui s'affrontent, ce qui n'est pas l'approche de l'Union européenne, ce qui nous donne un avantage, j'y reviendrai.
Ce qui est intéressant, c'est le format des négociations. Ainsi que vous avez mentionné, monsieur le président, le groupe de Minsk comprend une quinzaine d'États. La coprésidence, chargée de faciliter les négociations sur la base d'un mandat de 1997, est composée des États-Unis, de la Russie et de la France, membres permanents du Conseil de sécurité qui - c'est le reproche que nous adressent parfois la Turquie et l'Azerbaïdjan - hébergent de nombreux citoyens d'origine arménienne. Ils nous considèrent parfois comme un club chrétien, peu impartial et peu objectif, favorisant le statu quo arménien et plaidant pour l'annexion, ce qui est évidemment totalement faux.
Ce format fonctionne parfaitement. Je ne sais pas s'il serait aujourd'hui possible de réunir un Russe, un Américain et un Français. Nous sommes toujours ensemble et sommes reçus par Sergueï Lavrov, parfois par le président Poutine ou à la Maison Blanche, au National security council (NSC), etc. C'est un exemple unique, avec l'exploration de l'espace, où les États-Unis, la Russie et la France travaillent conjointement, sans tenir compte des contingences géopolitiques.
Nous sommes aidés sur place par une petite équipe de l'OSCE, le long de la ligne de contact, qui enregistre les violations du cessez-le-feu des deux côtés et aide parfois - sans que cela ne se sache trop - à ramener le corps des soldats tombés dans le no man's land. Tout cela demande des jours de négociations.
Troisième spécificité : ce dossier est exclusivement géré par les deux dirigeants. Il n'y a pas de diplomatie parallèle, quasiment aucun contact entre les sociétés civiles. Nous négocions la moindre décision en direct avec les ministres des affaires étrangères, mais les arbitrages finaux reviennent personnellement aux deux dirigeants.
Les populations avaient pourtant l'habitude de vivre ensemble. 400 000 Arméniens habitaient Bakou et partageaient les mêmes immeubles, la même langue, prenaient leur douche ensemble à l'armée. Aujourd'hui il n'y a plus de contacts entre eux, si ce n'est pas l'intermédiaire des humbles serviteurs que nous sommes, qui tentent de faciliter un minimum de dialogue, ce qui rend les choses très compliquées.
Quand un incident éclate, on nous appelle pour nous dire que quelqu'un est mort et que l'alerte est maximum. Ils ne se parlent pas seuls. C'est très personnalisé, et notre travail - c'est ce qui le rend intéressant - consiste à faciliter les relations et les échanges entre les deux dirigeants.
Où en est la négociation ? Elle est aujourd'hui quelque peu paralysée, pour plusieurs raisons, la principale étant que les deux acteurs campent sur des positions qui ont rarement été aussi maximalistes, chacun considérant que le temps joue pour lui et renforce ses cartes.
L'Azerbaïdjan s'est économiquement beaucoup redressé, a acquis des systèmes d'armement sophistiqués en grand nombre, mène des exercices militaires majeurs, bénéficie de l'appui diplomatique de nombreux pays, y compris au sein de l'Union européenne, parce qu'il promeut le principe de l'intégrité territoriale, principe évidemment fondamental dans les relations internationales et que la France promeut dans ce dossier, comme dans d'autres, sans aucune ambiguïté. Dans le cas du spécifique du Haut-Karabagh, ce principe est nécessairement équilibré, dans le projet de règlement, par un autre principe d'Helsinki, le droit des peuples à l'autodétermination. Et il n'est de secret pour personne que certains partenaires sont plus sensibles au premier principe qu'au second.
Les Arméniens estiment quant à eux, que même si leur situation économique, qu'ils espèrent voir évoluer favorablement, n'est pas comparable, l'impératif pour eux est la sécurité. Les territoires où est déployée leur armée forment une zone tampon. Certains pensent à Erevan et Stepanakert que viendra un jour où cette situation de fait pourrait être reconnue par une partie de la communauté internationale. Ils sont convaincus eux aussi que le temps joue pour eux.
Bien évidemment, les deux parties jouent un jeu dangereux car seul le temps et les évènements déterminent les gagnants et les perdants, et les lignes de fracture sont difficiles à prévoir.
La base du règlement sur laquelle nous travaillons, qu'on appelle le « plan Lavrov », est d'origine russe, même si mon collègue russe n'aime pas qu'on l'appelle ainsi. Sergueï Lavrov a, en effet, en grande partie rédigé ces documents de sa propre main, sur la base des fameux principes de Madrid et de ceux tirés de la charte finale de l'acte d'Helsinki.
La dynamique sur ce dossier doit s'ajuster aux changements intervenus, notamment en Arménie, M. Pachinian ayant déclaré qu'il ne se sentait pas entièrement lié par les négociations menées par ses prédécesseurs. La nouvelle équipe, qui veut plus de transparence, s'interroge sur les principes de Madrid.
L'Azerbaïdjan affirme avoir joué la carte de l'attentisme, que certains à Bakou qualifient de « bienveillant », en espérant une relance plus favorable des nouvelles autorités arméniennes.
Sous les auspices des coprésidents du Groupe de Minsk, les contacts entre les ministres et les deux dirigeants se poursuivent dans un climat suffisamment cordial pour que l'on puisse travailler. Nous réfléchissons à un prochain sommet, le moment venu. J'ai transmis l'invitation de principe du Président de la République à accueillir un sommet en France lorsque les deux dirigeants estimeront que les conditions sont réunies.
Paradoxalement, le bilan en termes de morts et de blessés est le meilleur des 26 dernières années. Jusqu'à hier matin, on comptait neuf morts sur l'ensemble de l'année, contre 30 à 40 auparavant. En avril 2016, lors de l'offensive azerbaïdjanaise, on a officiellement dénombré 180 morts. On pense qu'il y en a eu en réalité beaucoup plus, et ce pour un gain territorial somme toute limité.
Quels sont les enjeux ? Pour la France, le premier enjeu demeure la stabilité et la prospérité des peuples de la région, dans un esprit de justice conforme aux grands principes du droit. Notre mandat est clair, il est, aux côtés de la Russie et des Etats-Unis, d'aider les parties à résoudre ce conflit. Nous ne ménageons ni nos efforts ni nos initiatives en ce sens. Mais il est clair que les décisions relèvent de la seule volonté politiques des parties.
Par ailleurs, pour la France, notre implication, active dans ce format, aux côtés des Russes et des Américains, illustre la capacité de nos trois Etats à travailler ensemble. Nous montrons que nos trois pays, lorsqu'ils se concertent en confiance et pour une cause importante pour notre sécurité peuvent s'exprimer d'une seule voix. La tradition, lors des G8, était d'ailleurs d'avoir une déclaration commune entre le président Poutine et les présidents français et américain qui étaient sur place. Lors de notre dernière visite à Washington, nos interlocuteurs nous ont dit qu'il serait formidable d'y parvenir dans d'autres secteurs et que le monde s'en porterait sûrement bien mieux.
Nous n'avons pas de visées géopolitiques directes dans la région. Cela donne plus de valeur à la voix de la France. Même si nous n'avons pas les leviers militaires des Russes, ni le même degré d'influence, notre autorité et notre réputation d'équilibre et de probité nous sert.
La France a toujours été engagée et active sur ce dossier du Haut-Karabagh et ce au plus haut niveau. Le Président Chirac était très impliqué dans les négociations à la fin des années 1990 et début 2000. Ses successeurs l'ont été également.
Enfin, la France est considérée comme chef de file dans différentes enceintes. Je pense à l'Union européenne. Vous mentionniez le traité d'amitié et de coopération renforcée avec l'Arménie. Les institutions bruxelloises négocient un texte parallèle avec l'Azerbaïdjan. Le sujet du Haut-Karabagh constitue un point extraordinairement difficile dans ses aspects rédactionnels.
L'OTAN elle-même nous interroge au sujet des coopérations entre ces deux pays. C'est également vrai à New York, aux Nations unies, où je me rends régulièrement.
Je me rends à Genève après-demain pour préparer une prochaine réunion entre les deux ministres, à huis clos, fin janvier, pour reprendre langue. Cette information n'est pas encore publique.
Dans la Ville lumière ! Nous nous rendons sur place régulièrement, mais rencontrons aussi les ministres et les présidents à l'OSCE, à Vienne, à Genève, aux Nations unies lors de l'assemblée générale, lorsque les présidents et les premiers ministres se déplacent. Nous avons aussi le devoir d'informer les capitales des pays membres du groupe de Minsk. Nous effectuons beaucoup de déplacements. C'est parfois à Paris que les ministres se rencontrent, notamment au Quai d'Orsay. J'ai à l'esprit la rencontre du 16 janvier 2019, dans les salons de l'Hôtel du Ministre où a été lancée l'initiative de « préparation des populations pour la paix », endossée par le Président Aliyev et le Premier ministre Pachinian.
Comment passe-t-on de l'Arménie au Haut-Karabagh ? Existe-t-il un couloir ?
On compte en réalité trois couloirs.
Le Haut-Karabagh est protégé à l'Est par la province d'Agdam. Toute la zone entre l'Arménie et le Haut-Karabagh est occupée. Il existe donc une continuité territoriale de facto. Il s'agit de zones très montagneuses. En plein hiver, on met huit heures pour se rendre au Haut-Karabagh, dans des conditions difficiles. Le corridor de Latchin constitue la plus courte. Dans nos accords - c'est un point vital -, il est prévu que ce couloir restera, dans des conditions à définir, sous contrôle de l'OSCE et des forces arméniennes.
Il existe aussi une ancienne route remontant à l'époque soviétique qui, au Sud, longe la frontière iranienne et se dirige vers le Haut-Karabagh. Cette route est en mauvais état. On l'emprunte en 4x4. Elle comporte des mines. Tous les villages et la voie ferrée qui existaient à l'époque soviétique ont été détruits.
Enfin, les Arméniens ont construit dans le district de Kalbajar une route humanitaire bien plus facile d'accès sur la base d'une ancienne route soviétique qu'ils ont poursuivi jusqu'en Arménie. Elle est empruntée par les camions et nous l'utilisons également lorsque nous sommes pressés par le temps. On peut ainsi aller d'Erevan à Stepanakert en 4 heures environ. C'est ce qu'on appelle la route du Nord, la plus fréquentée, qui passe par la plaine.
Nous rencontrons les mêmes problèmes au sein de l'Union interparlementaire (UIP), dont je suis membre du Bureau.
Est-il envisageable de tout remettre sur la table pour essayer de « détricoter » ces problèmes ?
Monsieur l'ambassadeur, le groupe d'amitié France-Arménie, que je préside, vous avait reçu en mars 2018, avec le groupe d'amitié France-Caucase, présidé par Alain Houpert. Depuis, il s'est passé beaucoup de choses. En octobre, le Sénat a accueilli une délégation de députés arméniens, dont la majorité est issue du parti de Nikol Pachinian.
La Russie était alors en train de s'activer en Syrie et était très préoccupée par les propos tenus par les Turcs, repris par le pouvoir azerbaïdjanais, auxquels on ne prête pas toujours attention. Par ailleurs, ils ont beaucoup insisté sur la coopération décentralisée, nous encourageant à la développer. Pourquoi l'État s'obstine-t-il à dénoncer les démarches des collectivités territoriales ? Si je pose la question, c'est en effet que ma commune est concernée...
D'autre part, le Haut-Karabagh va connaître au printemps une élection présidentielle. Est-elle de nature à changer la donne ? Nikol Pachinian a dit qu'il représentait l'Arménie, mais ne se sent pas le droit de parler au nom du Haut-Karabagh. Dans ces conditions, comment ce dernier est-il associé à la médiation ?
Selon certains articles, Nikol Pachinian souhaite tout compte fait aller vers la paix avec l'Azerbaïdjan. Comment est-ce perçu par le Haut-Karabagh ? Comment évolue la confiance entre le Haut-Karabagh et l'Arménie ? Sur le dos de qui la paix peut-elle se faire ?
Nous recevons de très fréquentes visites de parlementaires en provenance de ces deux pays.
J'étais en Arménie il y a deux ans au moment de la révolution. Je me trouvais dans le bureau du président Sarkissian avec notre ambassadeur, Jonathan Lacôte, et le ministre des affaires étrangères Nalbandian. Il était étonnant de voir qu'au moment où l'Arménie basculait, le ministre avait pour seule préoccupation de savoir qui allait chanter pour la France lors du sommet de la francophonie. L'histoire se passe parfois sous les yeux de ceux qui l'ont créée mais qui ne la comprennent pas !
Au moment de ce déplacement, je me suis également rendu à Goris, ville proche du Haut-Karabagh, pour découvrir le Centre français cardiovasculaire, qui existe grâce au soutien de notre collègue Jean-Noël Guérini. Ce centre a déjà sauvé 1 500 vies.
Quand on passe le long de la frontière, la tension est palpable. Cette pression présente un coût humain pour l'Arménie : les jeunes doivent effectuer deux ans de service militaire dans le Haut-Karabagh pour protéger les territoires, et cela pèse sur le développement.
Si on veut se projeter dans le futur, il faut parfois regarder le passé. Or le conflit est gelé depuis 1995 et l'Arménie abrite toujours 3 millions d'habitants, alors que l'Azerbaïdjan, qui était auparavant à 7 millions d'habitants en compte à présent plus de dix millions.
La croissance de l'Arménie demeure plate contrairement à celle de l'Azerbaïdjan, qui s'arme par ailleurs. Pour qui le temps joue-t-il donc ?
Merci pour les propos me concernant.
Il m'arrive deux à trois fois par an, à titre privé, de me rendre en Arménie. La question la plus épineuse concerne le statut du Haut-Karabagh, à propos duquel les deux parties ont adopté des positions de plus en plus intransigeantes, chacune insistant sur le fait qu'elle doit exercer sa souveraineté sur le territoire.
Certains d'entre vous l'ont dit : il existe une certaine marge d'optimisme, le Premier ministre arménien ayant estimé que la solution au conflit doit être acceptable pour les Azerbaïdjanais comme pour les Arméniens.
On peut lire dans la presse que certaines discussions, à Bakou, portent en coulisses sur l'autonomie qui pourrait être accordée à un Haut-Karabagh dominé par l'Arménie, même s'il ne revient jamais dans le giron de l'Azerbaïdjan.
Quel est votre point de vue ? Pouvez-vous nous en dire plus ? Arrivera-t-on un jour à une solution ?
Vous dites qu'on ne peut pour le moment savoir comment ce problème va se résoudre et que le principal objectif est celui du statu quo, avec le risque de voir la bombe à retardement exploser un jour ou l'autre, compte tenu de la situation géopolitique et du risque d'embrasement. On peut donc se demander pour qui joue le temps.
Dans ce cadre difficile, les principes de Madrid restent-ils intangibles ? Vous avez dit qu'on ne connaissait pas la position de l'actuel président arménien. Quelle initiative supplémentaire pourrait-on prendre ?
S'agissant des coopérations décentralisées, la réaction française paraît extrêmement dure. Lors du dîner devant le Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF), l'an dernier, le Président de la République a fait une réponse peu diplomatique, provoquant beaucoup d'incompréhensions. Pourquoi dénoncer systématiquement les chartes d'amitié, qui ne sont pas vraiment des coopérations décentralisées mais des initiatives symboliques et modestes ?
Monsieur l'ambassadeur, un million de déplacés azerbaïdjanais se trouvent dans des camps devenus de véritables villages, avec cliniques, écoles, etc. Ces gens nourrissent encore l'espoir de rentrer au Haut-Karabagh, après en avoir été expulsés de manière violente par les militaires.
Le conflit ne pourrait-il être résolu par la restitution de certaines provinces alentour ? Un geste dans ce sens pourrait-il arrondir les angles ?
Quelques clarifications tout d'abord à propos des autorités de facto de Stepanakert, ville que les Azerbaïdjanais dénomment Khankendi. Le Haut-Karabagh a déclaré son indépendance en 1991, dans la foulée des déclarations d'indépendance de l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Depuis, ni cette indépendance ni les autorités qui l'incarnent ne sont reconnues par aucun État, en dehors de l'Abkhazie, autre territoire sécessionniste.
Il apparait clairement qu'une reconnaissance officielle par l'Arménie de cette entité signifierait la fin des négociations et la reprise de la guerre. Je rappelle que la France ni aucun pays au monde ne la reconnaissent.
Cela ne veut pas dire que nous n'avons pas, avec l'accord de l'Azerbaïdjan, de contact avec les représentants de facto, dans le cadre du mandat que nous exerçons avec mes collègues américain et russe.
Tout le monde comprend qu'il n'y aura aucune solution sans que les principaux intéressés la valident.
La participation aux négociations de Karabatsis est prévue depuis le début dans les textes.
Lorsqu'ils participaient, ainsi que des représentants de la communauté azerbaïdjanaise (jamais lors des sommets), le dialogue était heurté et l'on n'arrivait à rien.
Tous les projets de règlement sur la table et en cours de discussion prévoient une consultation des autorités de facto, une fois que les grands principes et l'architecture de la solution auront été approuvés dans un document cadre qui convienne à la fois à Bakou et à Erevan.
Quant aux initiatives, elles ne manquent pas. Les trois pays co-présidents du Groupe de Minsk les soumettent régulièrement aux plus hautes autorités des deux parties. Nos propositions concernent à la fois la substance du règlement, y compris les approches possibles pour surmonter les divergences les plus aiguës et des mesures d'ordre humanitaire destinées à renforcer la confiance et soulager les populations.
Nous sommes parvenus à ce que des visites croisées de journalistes soient organisées en décembre dernier. La France appuie aussi avec vigueur l'activité du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour le sort des détenus et l'identification future des soldats disparus lors du conflit dans les deux camps. Nous incitons les parties à se monter coopératives et ne relâcherons jamais nos efforts.
Mesdames, Messieurs les Sénateurs, comme pour d'autres conflits, c'est dans la volonté politique des parties belligérantes que réside avant tout une perspective de paix.
Je vous remercie de votre attention.
Merci. Ceci nous permet de mieux comprendre la problématique de la région. C'est un sujet que nous surveillons de près.
La commission nomme rapporteurs :
- M. Richard Yung sur le projet de loi n° 199 (2019-2020) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil Fédéral suisse relative à la reconnaissance réciproque des poinçons officiels apposés sur les ouvrages en métaux précieux et les ouvrages multimétaux ;
- Mme Hélène Conway-Mouret sur le projet de loi n° 202 (2019-2020) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif aux modalités de financement des infrastructures et de l'acquisition des outils de formation dans le cadre de la coopération franco-allemande dans le domaine du transport tactique aérien ;
- M. Hugues Saury sur le projet de loi autorisant la ratification du deuxième protocole additionnel à la convention européenne d'extradition, du troisième protocole additionnel à la convention européenne d'extradition et du quatrième protocole additionnel à la convention européenne d'extradition (sous réserve de son dépôt).
Mes chers collègues, à la suite des décisions du Bureau de la commission, il nous reste des rapporteurs à désigner pour les deux rapports d'information de la commission sur les sujets « défense ». Je rappelle que ces rapports ne donneront pas lieu à des déplacements lointains.
Pour l'avion de combat du futur, le SCAF, j'ai reçu la candidature de Ronan Le Gleut et Hélène Conway-Mouret, ce qui est logique, ce rapport étant une déclinaison du rapport sur l'Europe de la défense. Ils sont donc désignés comme rapporteurs. Olivier Cadic sera associé, à sa demande, aux auditions.
Les deux rapporteurs sont donc également désignés pour participer à la prochaine réunion franco-allemande qui devrait avoir lieu à Berlin le 2 mars. Au nom du groupe de l'Union centriste, c'est M. Jean-Marie Bockel qui y participera s'il le souhaite.
Pour le rapport sur l'« Après porte-avions Charles de Gaulle », Olivier Cigolotti et Gilbert Roger seront les rapporteurs. Seront associés aux auditions, suivant leur demande, Cédric Perrin, Pascal Allizard, Philippe Paul, Bruno Sido et Richard Yung.
Il n'y a pas d'opposition ? Il en est ainsi décidé.
Le compte rendu sera publié ultérieurement.
La réunion est close à 12 h 05.