Nous examinons les amendements au texte de la commission sur le projet de loi organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire.
Auparavant, je souhaite affirmer que les conditions de travail qui nous sont imposées sont lamentables.
Alors que nous avons fait la démonstration que ce texte, dans cette rédaction, pouvait attendre quelques jours, nous nous sommes débrouillés pour déposer des amendements après avoir organisé vendredi une réunion de travail au sein de notre groupe qui n'était pas prévue, puis nous avons dû nous retrouver ce lundi matin, malgré les obligations parlementaires ou électorales pesant sur certains d'entre nous, et nous nous sommes organisés en vue de la séance à dix-sept heures. Or le Gouvernement a déposé de nouveaux amendements il y a quelques minutes. J'avais prévu, comme d'autres, d'être présent en séance jusqu'à dix-neuf heures trente ; nous avons donc été contraints d'organiser des remplacements au dernier moment.
C'est un dévoiement de l'activité parlementaire ! Je ne vois qu'une seule de nos collègues présente en visioconférence ; je comprends les autres : encore fallait-il savoir que cette réunion devait se tenir maintenant ! Le compte rendu doit faire état de ces circonstances, lesquelles ne sont pas respectueuses d'une assemblée parlementaire.
J'ai fait les mêmes observations que vous, mon cher collègue, en commission comme en séance, et je partage votre point de vue. Ces conditions sont d'autant moins acceptables que nous ne sommes plus dans une situation d'extrême urgence imposant de prendre des mesures dans des délais très courts. L'état d'urgence sanitaire se prolonge jusqu'au 10 juillet, nous avons donc tout le temps de légiférer. L'inscription de ce texte à l'ordre du jour prioritaire dans des conditions acrobatiques tient en partie au souhait du Gouvernement de faciliter son examen par le Conseil constitutionnel, auquel on en vient à accorder plus de temps qu'au Parlement, et singulièrement au Sénat.
J'ai dit cela très clairement lors de la dernière Conférence des présidents, ce qui a donné lieu à un échange, d'autant plus vif que le Président du Sénat a appuyé ma position, avec le ministre chargé des relations avec le Parlement. De plus, alors que le contenu de ce texte est très contradictoire avec son propre titre comme avec la communication du Gouvernement, le ministre des solidarités et de la santé a cru bon de ne pas venir en audition parce que son emploi du temps ne le lui permettait pas. M. Marc Fesneau nous a répondu de ne pas hésiter à l'alerter pour qu'il exerce les prérogatives attachées à ses fonctions, ce que j'ai fait immédiatement quand j'ai appris que le ministre envisageait d'arguer d'obligations, partagées par certains d'entre nous, pour se faire remplacer ce soir par la secrétaire d'État qui lui est attachée. Sur un sujet d'une telle importance politique, qui fait l'objet de tant d'attentes de nos concitoyens, il m'a semblé qu'il appartenait bien au ministre lui-même d'être présent pour défendre la position du Gouvernement. Celui-ci a finalement accepté d'être là ce soir.
Je partage donc le sentiment que la représentation nationale n'est pas traitée comme elle devrait l'être.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Article additionnel avant l'article 1er
L'amendement n° 2 rectifié bis est contraire à la position de la commission.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2 rectifié bis.
Article 1er
Nous avons déjà examiné ce matin les amendements identiques n° 13, 15 et 17 de suppression de l'article 1er, qui seront au coeur du débat en séance. Ils sont contraires à la position de la commission.
L'amendement n° 18 vise à supprimer l'alinéa de l'article 1er qui autorise une réglementation de la circulation des personnes et des véhicules. Or cela nous semble pouvoir être utile pendant quelque temps encore. En revanche, offrir la seule possibilité d'une interdiction, comme le propose le Gouvernement par l'amendement n° 23, est contraire à notre position.
L'amendement n° 19 de suppression de l'alinéa 3 est contraire à la position de la commission.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 19.
Par l'amendement n° 24, le Gouvernement entend préciser qu'il peut ordonner la fermeture provisoire de certaines catégories d'établissements recevant du public (ERP). Nous ne le souhaitons pas, d'autant qu'un tel copié-collé d'une mesure de l'état d'urgence sanitaire dans le droit commun encourt un risque d'inconstitutionnalité en raison de sa disproportion au regard des circonstances susceptibles de la fonder.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 24.
L'amendement n° 25 du Gouvernement vise à subordonner tout voyage en avion à la présentation du résultat d'un examen de biologie médicale. Or nous ne pouvons accepter cela qu'en cas de provenance d'une zone encore infectée par le virus, comme nous l'avons indiqué ce matin.
Cet amendement vise également à rétablir la faculté accordée au Gouvernement d'imposer la réalisation de tests et la possibilité de prescrire des mesures de quarantaine. Dans la mesure où il ne s'agit pas d'une obligation, mais bien d'une faculté, en quoi est-ce contraire à la position de la commission ?
Nous avons précisé que cette faculté ne pourrait s'exercer que s'agissant de voyageurs en provenance de zones encore infectées. À défaut, nous nous trouverions dans une situation paradoxale : des obligations pèseraient sur les voyageurs en provenance des collectivités d'outre-mer, mais pas sur les ressortissants de l'espace Schengen, qui sont pourtant des étrangers.
Il me semble que certains de nos collègues ultramarins adhèrent à la position du Gouvernement.
D'autres souhaitent pouvoir se rendre plus facilement en métropole. L'idée d'accorder de tels pouvoirs au Gouvernement en dehors de l'état d'urgence sanitaire suscite des inquiétudes.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 25.
L'amendement n° 5 rectifié bis est contraire à la position de la commission.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 5 rectifié bis.
L'amendement n° 22 vise à préciser qu'un dépistage virologique, et non sérologique, est requis. Je ne saurais arbitrer ce débat et je propose que nous nous en remettions à l'avis du Gouvernement.
La commission demande l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 22.
L'amendement n° 4 rectifié bis est contraire à la position de la commission.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4 rectifié bis.
L'amendement n° 20 tend à supprimer le régime de contrôle parlementaire renforcé. Il faut au contraire le maintenir.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 20.
Je suis favorable à l'amendement n° 11, qui vise à imposer la publicité sans délai des avis du comité de scientifiques. Il est en effet arrivé que ces avis ne soient publiés qu'après trois ou quatre jours.
Je suis très sensible à cette position. Ce comité de scientifiques a été créé dans des conditions qui ont pu donner lieu à débat et des décisions sont prises sur la base de ses avis. Si ceux-ci n'étaient pas immédiatement rendus publics, cela traduirait un manque de transparence inacceptable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 11.
L'amendement n° 21 tend à supprimer toute sanction pénale en cas de violation des règles. Je n'y suis pas favorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 21.
L'amendement n° 3 rectifié bis prévoit que les conditions dans lesquelles sont mis en oeuvre les tests préalables au placement à l'isolement sont déterminées par décret. Il semble que, dans certaines collectivités ultramarines, on peine à réaliser des tests. Toutefois, ce problème relève d'un manque de moyens et non de l'intervention du pouvoir réglementaire.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3 rectifié bis.
La commission émet un avis favorable à l'amendement de clarification n° 26.
Articles additionnels après l'article 1er
L'amendement n° 14 postule la suppression de l'article 1er, à laquelle nous sommes défavorables.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 14.
L'amendement n° 9 se heurte à l'article 45 de la Constitution : il concerne le droit du travail.
L'amendement n° 9 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Article 1er bis A
Le Gouvernement entend supprimer par l'amendement n° 29 cet article, que notre commission a introduit.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 29.
Article 1er bis
Je suis favorable à la clarification que vise à apporter l'amendement n° 27.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 27.
Monsieur Sueur, je vous proposerai de retirer l'amendement n° 12 : l'application du contrôle parlementaire en cas de nouvelle déclaration d'état d'urgence est en effet déjà prévue dans la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19.
Nous le retirerons en séance, mais seulement après y avoir entendu cette explication. S'agissant des droits du Parlement, il est préférable que les choses soient dites en séance publique.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 12.
La commission émet un avis favorable à l'amendement de clarification n° 28.
Article 2
Il me semble que les auteurs des amendements identiques de suppression n° 1 rectifié bis et 16 ont réagi sur le texte du Gouvernement plutôt que sur celui qui découle des travaux de l'Assemblée nationale, lequel ne concerne plus que les données pseudonymisées et à finalité de recherche ou d'épidémiologie. Ce système me paraît acceptable.
Article 3
Les amendements qui suivent sont présentés par nos collègues néo-calédoniens et polynésiens. Ils tendent à permettre l'adoption en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française de mesures plus contraignantes que celles qui découleraient de l'état d'urgence sanitaire.
Je ne suis pas certain que tel soit leur objectif. Les deux amendements principaux visent à imposer que les décisions en cette matière soient prises conjointement par le représentant de l'État, le Haut-commissaire dans chacune de ces collectivités, et le Congrès de Nouvelle-Calédonie ou le Gouvernement de la Polynésie française. Les deux amendements de repli tendent à imposer au moins une consultation de ces instances.
L'enjeu politique est de taille : la compétence santé est depuis longtemps confiée au Congrès de Nouvelle-Calédonie et au gouvernement de Polynésie française. Ceux-ci font observer que, étant compétents, il est normal qu'ils participent à la décision. Ils font toutefois la différence entre le pouvoir de police de l'État et sa mise en oeuvre dans le domaine de la compétence santé, qui leur appartient. En Nouvelle-Calédonie, le débat est important : la codécision est une question de principe et sa non-application serait vécue comme un retour en arrière. Le Congrès a récemment adopté à l'unanimité la nécessité que soit reconnue la complémentarité des compétences entre l'État et la Nouvelle-Calédonie. Or vous savez qu'un référendum aura lieu début octobre, il me semblerait adroit de ne pas créer un sujet de friction dont certains feront argument pour affirmer que la collectivité ne dispose pas de véritables pouvoirs, puisque, en cas de crise, l'État pourrait décider seul. Trouver une modalité susceptible d'intégrer au texte leur point de vue ne me semblerait donc pas inutile.
Je suis sensible à votre point de vue et attaché à l'autonomie de ces collectivités, qui sont, certes, compétentes en matière de santé, mais pas en matière de libertés. Pour cette raison, les mesures relatives à la quarantaine relèvent des compétences de l'État, lesquelles s'exercent après consultation. J'aimerais pouvoir adresser aux représentants de nos compatriotes d'outre-mer un signal positif, mais je suis retenu par le fait que la rédaction proposée tend à accorder expressément à ces collectivités la possibilité de prendre des mesures plus contraignantes encore que celles qui découlent de l'état d'urgence.
Vous avez raison sur ce point, néanmoins je me permets de vous transmettre l'avis du Congrès de Nouvelle-Calédonie, qui vous permettra peut-être de faire évoluer votre position d'ici à vingt et une heures trente.
Je vous remercie de nous avoir éclairés sur ce point. Je ne voudrais pas que l'excès de cette rédaction se retourne contre ces bonnes intentions. À ce stade, je maintiens mon avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 6.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 7.
En revanche, l'amendement n° 10 me semble paradoxal : il vise à rétablir la possibilité d'augmenter les durées de quarantaine et d'isolement alors que les deux collectivités concernées sont parmi les moins touchées par l'épidémie et n'ont donc pas besoin de telles mesures.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 10.
Article 4
L'amendement n° 8 rectifié tend, une fois encore, à supprimer les sanctions pénales. Je ne comprends pas la logique qui gouverne la rédaction de ces amendements : l'un vise à durcir les mesures, l'autre à supprimer les sanctions !
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 8 rectifié.
La commission a donné les avis suivants aux amendements de séance :
La réunion est close à 19 h 30.