Les crédits de la mission représentent 3,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP). La hausse des CP atteint 5,2 % en valeur et 0,9 % en volume, lorsqu'elle est corrigée de l'inflation.
Trois grands postes sont concernés par cette hausse. Ainsi, les dépenses de personnel augmentent de 64 millions d'euros, les contributions internationales de 55 millions d'euros et les dépenses immobilières de 24 millions d'euros.
De manière générale, en ce qui concerne les dépenses de personnel, j'ai noté un relâchement - voire un effacement - des efforts antérieurs, ce que je regrette. D'abord, de nouvelles mesures catégorielles, cumulées depuis 2022, entraînent une augmentation des dépenses de 30 millions d'euros. De plus, nous constatons une hausse similaire de l'indemnité de résidence à l'étranger (IRE) en 2023. Lors d'un précédent travail de contrôle des dépenses de personnel, nous avions pointé le problème représenté par cette IRE ; deux ans plus tard, rien n'a changé et l'IRE réelle continue d'être déconnectée de l'IRE théorique. Enfin, le budget prévoit la création d'environ 100 équivalents temps plein (ETP), effaçant ainsi un tiers des efforts réalisés dans le cadre d'Action publique 2022.
J'en viens aux contributions internationales, pour lesquelles nous observons un effet de la dépréciation de l'euro, qui entraîne une augmentation de 52 millions d'euros sur les contributions versées en dollar ou en franc suisse. Cependant, nous voudrions décerner un satisfecit au ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MAE), qui a enclenché le mécanisme de couverture de change très tôt, permettant ainsi d'éviter d'importantes pertes de change, qui pourraient s'élever à environ 20 millions d'euros si les paiements avaient lieu dans trois mois.
Enfin, l'importante augmentation des dépenses immobilières est due aux effets de l'inflation et à une programmation dynamique. Il s'agit en premier lieu de dépenses courantes d'entretien, qui augmentent sous l'effet de la hausse des prix de l'énergie. En second lieu, les dépenses d'investissement à l'étranger augmentent pour mettre en oeuvre le schéma directeur. Nous pourrons vous en dire davantage lorsque nous aurons terminé la mission de contrôle budgétaire que nous conduisons sur cette question. Nous rendrons probablement nos conclusions début 2023, après avoir effectué une visite à Madrid, où nous observerons les mesures prises dans un pays où les choses sont bien faites en la matière.
Je voudrais terminer en faisant part de mon appréciation globale des crédits de la mission. D'abord, je regrette que la culture de la recherche d'économies soit peu développée au MAE. À titre d'exemple, les crédits de la communication augmentent de 2,5 millions d'euros pour financer la lutte contre la désinformation. Certes, le sujet est important et la somme n'est pas énorme, mais nous aurions pu la trouver ailleurs afin d'éviter cette augmentation. De la même manière, 5,4 millions d'euros ont été ajoutés pour financer l'exposition universelle d'Osaka quand d'autres lignes budgétaires auraient pu servir.
Par ailleurs, le relâchement quant aux dépenses de personnel me semble critiquable.
Enfin, je doute de la crédibilité de la trajectoire de la programmation. Nos interlocuteurs du ministère semblaient découvrir la programmation des finances publiques sur les cinq prochaines années comme l'évolution de leur budget, qui prévoit 100 millions d'euros d'économies d'ici 2025. Ils n'ont pas indiqué comment celles-ci seraient réalisées.
Je suis donc réservé quant aux crédits de cette mission.
Les crédits de la diplomatie culturelle et d'influence - hors Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) - s'élèvent à 296,8 millions d'euros en CP, ce qui représente une hausse de 11,7 millions d'euros.
Cette augmentation s'explique notamment par le financement de 5,4 millions d'euros consacrés à l'exposition universelle d'Osaka. Chaque année, nous découvrons un événement exceptionnel à financer et il est difficile de juger de la rigueur du montant dégagé. Par ailleurs, la campagne Destination France entraîne un financement de 5,8 millions d'euros, dont je m'étonne. En effet, la compétence tourisme a été transférée au ministère de l'économie et des finances et Atout France ne fait plus partie de la diplomatie culturelle et d'influence.
En ce qui concerne les Instituts français à l'étranger, les moyens sont stables, ce qui représente une source d'inquiétude puisqu'une perte de ressources en volume est à prévoir en raison de l'inflation, souvent plus élevée encore dans les pays concernés qu'en France. De plus, ces Instituts présentent un déficit d'environ 43 millions d'euros en 2022. Enfin, certaines dépenses, liées notamment aux salaires, augmentent de manière significative. La stabilité des crédits en euro courant permettra-t-elle de préserver un niveau d'activité correct ? Cette question nous intéressera au cours de l'année et les sénateurs représentant les Français à l'étranger y seront sans doute attentifs.
En outre, les crédits dédiés au financement des bourses pour les étudiants et chercheurs étrangers s'élèvent à 59 millions d'euros, comme en 2022. Cependant, ce montant stable ne doit pas cacher que ces crédits sont sous-consommés, année après année. Ce phénomène peut être considéré de deux façons. D'une part, on peut s'intéresser à la marge de manoeuvre budgétaire qu'il permet, y compris pour encaisser les effets de l'inflation. D'autre part, on peut regretter le manque de volontarisme politique en la matière.
Enfin, les crédits du réseau consulaire - hors bourses aux élèves de l'AEFE -s'élèvent à 285,9 millions d'euros et connaissent une hausse de 2 %. Cependant, n'oublions pas que l'essentiel de cette enveloppe est consacré aux services consulaires, notamment à leurs dépenses de personnel pour un montant de 193 millions d'euros. De plus, contrairement à 2022, aucun crédit n'est dédié en 2023 à l'organisation d'élections.
Par ailleurs, ce programme 151 a supporté pendant des années la plus grande part des efforts de maîtrise des effectifs de la mission, ayant entraîné la suppression de 169 ETP entre 2018 et 2021.Cette baisse s'étant avérée difficilement soutenable, le ministère a recréé 136 ETP et lancé le service France Consulaire, pour mutualiser la prise en charge des appels aux postes consulaires sur un site du Quai d'Orsay situé à la Courneuve. Ainsi, une grande part des efforts réalisés dans le cadre d'Action publique 2022 pour diminuer le nombre d'emplois d'agents publics à l'étranger a été annulée. On pourrait considérer qu'il est dommage d'annuler si brutalement un effort considérable ou conclure, comme je le fais, que ces efforts étaient si déraisonnables que le Gouvernement doit revenir dessus.
En ce qui concerne l'AEFE, ses moyens sont renforcés, mais plusieurs points d'alerte demeurent. En effet, la subvention pour charges de service public, en hausse de 28 millions d'euros, atteint 441,2 millions d'euros, dont 10 millions d'euros correspondent à une partie de l'aide française versée au Liban, à travers le soutien à l'enseignement français dans le pays.
De plus, les crédits pour les bourses aux élèves de l'AEFE augmentent de 10 millions d'euros. Néanmoins, n'oublions pas qu'il s'agira aussi de faire face à une très forte inflation qui touche les frais de scolarité dans certains pays du monde, l'impact de ces hausses sur les bourses n'ayant pas été inscrit dans le budget. En outre, si le surplus nécessaire pour le versement des bourses aux élèves a été pris en charge ces dernières années par la soulte de l'AEFE, la réserve n'est plus aujourd'hui que de 15,5 millions d'euros et devrait être épuisée fin 2023. La question de l'augmentation de ces crédits se posera donc en 2024.
Pour conclure, je souhaiterais rappeler qu'il nous faut considérer cette mission avec attention, parce qu'elle subit à la fois l'inflation et le risque de change, ce qui est assez singulier.
À court terme, les crédits, qui restent très contraints, demeurent stables en valeur et diminuent modérément en volume.
À moyen terme cependant, une baisse en volume de l'ordre de 100 millions d'euros est prévue d'ici 2025 sur l'ensemble de la mission. Nos interlocuteurs au ministère ne semblent pas penser que cette contraction s'appliquera réellement.
En plus de n'être pas crédible, cette baisse ne serait pas souhaitable. En effet, les économies antérieures ont mis en tension le réseau et il apparaît désormais nécessaire de redonner les crédits et effectifs suffisants.
Enfin, je m'interroge sur l'intégration de la dimension affaires étrangères au bloc de priorités régaliennes, sur notre volonté de développer notre politique d'influence dans le monde durant ce quinquennat, sur notre capacité à faire face à l'objectif de doublement des élèves dans le réseau d'enseignement français à l'étranger, non pas tant avec ce budget 2023, que nous pourrions approuver, mais en considérant la programmation établie pour l'ensemble du quinquennat. En effet, tous les efforts d'augmentation sont inscrits pour 2023, et seules des économies sont prévues pour les années suivantes.
Malheureusement, l'État revient sur ce qu'il avait défendu lors du quinquennat précédent. Le « en même temps » semble ici préjudiciable, à la fois pour les acteurs concernés, mais aussi pour l'image de la France dans son action extérieure. Cela me semble regrettable.
La France affiche une grande ambition en matière d'action extérieure de l'État et cherche à développer son influence. Face aux ambitions d'augmentation du nombre de locuteurs du français à travers le monde, qui doit passer de 300 à 500 millions, les crédits dédiés sont-ils suffisants ?
De plus, je nourris quelques inquiétudes en ce qui concerne les crédits liés à l'accompagnement des investissements. J'ai visité le lycée Jean Mermoz de Buenos Aires, dans lequel le précédent Président de la République avait lancé les travaux de restructuration. Or rien ne s'est passé depuis. Les besoins importants en la matière peuvent-ils être couverts ? Peut-on accompagner la création de nouveaux lycées dans le monde pour accroître l'influence française ? La façon dont s'organise l'enseignement du français à l'étranger vous semble-t-elle pertinente ? Comment pourrait-on l'améliorer ?
L'état des établissements français à l'étranger est en effet calamiteux. Non seulement les déficits sont considérables, mais les établissements manquent de soutien quand ils rencontrent des problèmes. La francophonie n'est plus soutenue. Nous avons discuté avec l'AFD pour que l'aide au développement soit aussi consacrée au soutien de ces écoles, dans lesquels les élèves ne sont pas seulement français, mais aussi locaux. Ainsi, dans ces établissements, on se demande aujourd'hui à quel moment on va devoir fermer parce que les moyens manquent et parce qu'il est de plus en plus difficile de recruter des enseignants, qu'ils soient locaux ou français. Nous peinons à soutenir la concurrence face aux établissements américains, anglais, allemands ou chinois.
La France cherche à être présente partout, mais elle n'en a pas les moyens et, à force de demi-mesure, la francophonie s'effondre et nos établissements français à l'étranger n'ont plus les moyens de fonctionner. Il faut interpeller le Gouvernement sur ce sujet.
Je soutiens les moyens financiers consacrés aux écoles libanaises, car il s'agit là d'un moyen de faire rayonner la francophonie.
Je voudrais revenir sur le centre appels qui a ouvert l'an dernier pour les Français de l'étranger et semble subir un grand afflux. Est-il prévu de pérenniser cette expérimentation ? Et si oui, à quel coût ?
En ce qui concerne l'apprentissage de la langue française, différents dispositifs existent, qu'ils soient liés à l'Alliance française, à l'AEFE ou aux postes diplomatiques. Cependant, au total, les crédits sont stables, ce qui représente même une diminution en volume. Le passage de 300 à 500 millions de locuteurs ne sera donc pas financé par ces crédits.
Sur l'enseignement français à l'étranger et les établissements scolaires, je serai moins sévère que Roger Karoutchi, même si nombre d'établissements auraient besoin de travaux immobiliers importants, qui sont difficiles voire impossibles à réaliser aujourd'hui, compte tenu du mode de financement et du statut de l'AEFE. C'est pourquoi je soutiens, comme le font le MAE et l'Agence, la possibilité d'avoir recours à des capacités d'emprunt pour financer les opérations immobilières à mener. Cependant ce recours est aujourd'hui interdit par la loi et Bercy y est hostile.
Quant à la plateforme téléphonique France Consulaire, elle concerne une douzaine de pays d'Europe. Ce dispositif semble fonctionner et a permis d'offrir à nouveau un accueil téléphonique de qualité, pour nos citoyens qui appelaient les postes consulaires sans obtenir de réponse, les agents étant devenus trop peu nombreux. Vincent Delahaye et moi avons visité le centre d'appels situé à la Courneuve. Le dispositif de mutualisation nous a semblé utile, puisqu'il permet de répondre aux questions simples et de renvoyer vers les postes consulaires les questions plus compliquées. Le ministère envisage de le développer.
Enfin, j'en viens aux postes consulaires. Dans un certain nombre de pays, la situation rappelle celle que nous avons évoquée ce matin en examinant les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ». En effet, de la même manière, la dématérialisation éloigne un certain nombre de personnes de l'administration, retarde des procédures comme le renouvellement des papiers d'identité et il devient difficile d'avoir un accès direct au consulat, comme pour d'autres à la préfecture.
Michel Canévet a eu la chance de se rendre à Buenos Aires, nous sommes allés à la Courneuve... Ce n'est pas la même destination, mais nous avons été très bien accueillis ! Le dispositif mis en place doit être développé puisqu'il permet à la fois de réaliser des économies et d'offrir un meilleur service. Cependant, son évolution demeure trop lente, parce que nous prenons des précautions et que certains postes consulaires émettent des inquiétudes.
Nous n'avons pas les moyens de nos ambitions, que ce soit pour le développement de l'AEFE, l'augmentation du nombre de francophones ou le maintien du réseau, dont l'appauvrissement commence à se faire sentir dans certains endroits. En outre, Alliances françaises et Instituts français se font parfois concurrence et ne travaillent pas ensemble. Tout cela est préoccupant et les inquiétudes sont bien réelles sur le réseau. Des décisions fortes doivent être prises.
Par ailleurs, je partage les propos du rapporteur général. En effet, nous avons fourni des efforts pendant des années et nous revenons dessus sans bien comprendre pourquoi. Ainsi, des moyens supplémentaires sont donnés au début du quinquennat, tout en rappelant qu'il faudra faire des économies les années suivantes.
Mon avis est mitigé. Je m'en remettrai à la sagesse de notre commission et m'abstiendrai sur le vote des crédits.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».
EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ
Article 41 A (nouveau)
Nous proposons l'amendement FINC.1, qui vise à la suppression de cet article. En effet, cet article introduit par le Gouvernement est sans lien avec la loi de finances.
De plus, s'il était maintenu, il entraînerait un bouleversement profond du système de l'enseignement français à l'étranger puisqu'un comité de gestion largement co-piloté par les parents serait créé, ce qui représenterait une forme de démantèlement de l'AEFE.
Par ailleurs, je ne suis pas non plus favorable au procédé employé. En effet, il ne s'agit pas d'une question dont on peut décider de cette façon, au détour d'une loi de finances. Cet amendement n'a semble-t-il même pas été discuté en séance à l'Assemblée nationale et il pourrait être censuré par le Conseil constitutionnel.
La suppression de ce cavalier rassurera aussi les acteurs de l'enseignement français à l'étranger, qui se sont émus à sa découverte.
L'amendement FINC.1 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter l'article 41 A.
Avant d'entrer dans le détail de la mission, je souhaite rappeler que les crédits demandés - environ 8 milliards d'euros en AE et 5,9 milliards d'euros en CP - ne représentent qu'une partie de l'aide publique au développement engagée par la France.
En 2022, la France se situe au cinquième rang des pays donateurs après les États-Unis, l'Allemagne, le Japon et le Royaume-Uni. Cependant, le montant global de l'aide, qui s'élève à 13,1 milliards d'euros, représente 0,51 % du revenu national brut (RNB). Pourtant, selon la loi de programmation du 4 août 2021 relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, l'objectif à atteindre est de 0,7 % du RNB en 2025.
Il nous faudra sans doute revoir cet objectif devenu trop ambitieux, au regard des contraintes qui pèsent sur nos finances publiques. En effet, pour atteindre un tel niveau, nous devrions accroître l'aide publique au développement de 10 milliards d'euros en deux ans, ce qui semble trop élevé.
En ce qui concerne les pays bénéficiaires, l'aide publique au développement de la France est principalement tournée vers l'Afrique. J'en profite pour annoncer que désormais, la France n'engage plus de crédits d'aide en Chine, comme c'était encore le cas il y a peu de temps. De plus, si la Turquie perçoit 41,4 millions d'euros, il s'agit de crédits versés pour financer le mécanisme d'accueil des réfugiés syriens.
Par ailleurs, le principal opérateur de l'aide publique au développement en France est l'Agence française de développement (AFD), dont le portefeuille d'activités correspond à un montant d'environ 12 milliards d'euros.
Cet opérateur ne perçoit aucune subvention de fonctionnement de la part de l'État, mais des crédits qui compensent à la fois la part concessionnelle des prêts accordés et les subventions versées sans contrepartie.
L'AFD et ses tutelles négocient en ce moment le prochain contrat d'objectifs et de moyens, dont l'un des buts principaux sera de resserrer le nombre des indicateurs de suivi, afin de rendre le pilotage plus stratégique ; cette idée nous semble intéressante.
Par ailleurs, le rapport présente pour la première fois les développements concernant l'aide engagée par les collectivités territoriales. Si elle reste encore modeste avec un montant d'environ 145 millions d'euros, cette aide est en progression depuis 2018.
D'après le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, que nous avons adopté la semaine dernière, les CP de la mission devraient atteindre 7 milliards d'euros en 2025, soit une augmentation d'1 milliard d'euros. Cet objectif devra probablement être questionné.
Toutefois, en 2023, les crédits augmentent fortement. Ainsi, les AE connaissent une hausse de 1,4 milliard d'euros et les CP de plus de 819 millions d'euros.
Le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », qui relève du MAE, concentre les hausses les plus importantes. Ainsi, le montant des crédits demandés augmente de 837 millions d'euros en AE et de 383,1 millions d'euros en CP, notamment pour renforcer les capacités de gestion de crise et soutenir les politiques de santé au niveau mondial, comme cela était déjà le cas en 2022.
En matière de santé, les crédits augmentent de 336,4 millions d'euros en AE, en raison de la mobilisation de 256,7 millions d'euros pour la reconstitution du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme et du financement consacré à l'alliance Gavi, à hauteur de 94,7 millions d'euros.
Par ailleurs, la création d'un mécanisme de réserve pour les crises majeures explique une hausse de 270 millions d'euros des crédits demandés sur ce programme. Cette enveloppe viendra compléter les 460 millions d'euros en AE et CP déjà dédiés aux opérations de gestion et de sortie de crise.
La création d'un mécanisme de réserve pour crise majeure paraît bienvenue puisqu'elle permettra de donner aux responsables de programmes des marges de manoeuvre pour financer des dispositifs d'urgence, sans mettre en cause le financement d'opérations déjà engagées.
Toutefois, nous nous interrogeons sur les garanties qui seront apportées par le Gouvernement, afin que ces crédits ne constituent pas une réserve de budgétisation par temps calme et qu'ils donnent bien lieu à des annulations ou à des reports en fin de gestion.
Sur le programme 110, qui relève du ministère de l'économie et des finances, le montant des crédits demandés pour 2023 connait une forte augmentation, de 632 millions d'euros en AE et de 475 millions d'euros en CP.
Cette hausse s'explique principalement par la persistance d'un important besoin de crédits pour participer aux cycles de refinancement des fonds internationaux. Par ailleurs, les effets de la hausse des taux d'intérêts sur le coût des opérations de bonification de prêts jouent aussi un rôle.
En effet, afin de permettre à l'AFD de prêter à des taux concessionnels aux bénéficiaires de l'aide au développement, l'État prend en charge, par le versement de crédits de bonification, la différence entre le coût de financement de l'AFD et le taux auquel elle prête.
Or, dans le contexte de remontée des taux d'intérêts au niveau mondial, les coûts de financement de l'AFD ont augmenté alors même que, pour être considérés comme concessionnels, les taux proposés doivent rester inférieurs à un seuil fixé par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Ainsi, afin de maintenir le niveau d'aide publique au développement généré par les prêts de l'AFD, le ministère de l'économie et des finances a pris la décision d'accroître le montant des crédits dédiés à la bonification des prêts de 390 millions d'euros en 2023.
Par ailleurs, des crédits importants sont demandés au titre du programme 110, afin de participer à la reconstitution des ressources de divers fonds internationaux tel que le Fonds vert pour le climat.
Enfin, le programme 365 est dédié à la recapitalisation de l'AFD. Comme l'année dernière, les 190 millions d'euros demandés correspondent à une opération de conversion de ressources financières de l'AFD en crédits budgétaires, une opération totalement neutre pour le budget de l'État. Il ne s'agit donc ni d'accroître les engagements de l'État envers l'AFD ni de lui permettre d'augmenter son volume d'activité, figé à 12 milliards d'euros.
Merci à nos deux rapporteurs pour ces explications sur les moyens, les contraintes, les difficultés et la trajectoire retenue il y a peu de temps. Néanmoins, il me semble que pour le budget 2023, à l'exclusion du domaine régalien, nous souhaitons réaliser des économies. Au regard de la situation et des contraintes extrêmes subies en matière de dépenses énergétiques, je souhaiterais interroger les rapporteurs sur notre capacité à tenir la trajectoire retenue. Il s'agit pour moi d'un budget sur lequel nous pourrions temporairement infléchir la trajectoire. C'est la raison pour laquelle j'émets des réserves sur les crédits présentés.
Ce budget est compliqué parce qu'il mélange beaucoup de choses : frais d'écolage, frais d'accueil des demandeurs d'asile, prêts et dons, aides bilatérale et multilatérale.
La France se place effectivement à la cinquième position du classement des pays donateurs, mais je précise qu'on ne retient ici que les pays membres de l'OCDE. En effet, la Chine et la Russie se trouvent largement devant nous.
Les crédits connaissent donc une nette augmentation, ce qui semble logique puisque la loi de programmation du 4 août 2021 prévoyait une hausse très nette dans le cadre d'une trajectoire qui est désormais revue par le Gouvernement. En effet, l'objectif à atteindre de 0,7 % du RNB en 2025 est descendu à 0,6 %.
Dans ce budget, deux points me semblent importants. D'abord, la loi du 4 août avait mis en place des conseils de développement pays par pays, à la main de nos diplomates. Ainsi, le budget consacré à l'aide directement géré par les ambassadeurs a augmenté.
De la même façon, l'enveloppe budgétaire gestion et sortie de crise connait une augmentation considérable de 145 %, passant de 297 millions d'euros à 730 millions d'euros. Grâce à cette augmentation, la France rattrape un peu son retard en la matière, mais reste septième par rapport aux autres bailleurs européens. À titre de comparaison, les Allemands consacrent 2 milliards d'euros à ces dépenses importantes. En effet, la dégradation de la situation internationale et la multiplication des conflits nécessitent une intervention grandissante des pays, notamment du nôtre.
Pour conclure, si la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées n'a pas encore discuté de ce budget, la tendance serait plutôt à l'accepter.
Je n'avais pas voté la loi de programmation du 4 août 2021 pour trois raisons, que je retrouve un peu ici. D'abord, les objectifs sont trop ambitieux et nous n'avons pas les moyens de les atteindre. L'augmentation ici présentée me semble déraisonnable. Certes, nous pouvons continuer ainsi, mais que se passera-t-il le jour où l'on cessera de nous prêter ?
Ensuite, je suis opposé au projet du nouveau siège de l'AFD, qui doit coûter 1 milliard d'euros, ce qui paraît déraisonnable. Par ailleurs, je n'ai pas bien compris le tour de passe-passe comptable qui rend neutre le renforcement des fonds propres de l'AFD. Ces renforcements correspondent-ils à la somme nécessaire pour acquérir le siège ?
Enfin, il me semblait que les crédits et nos efforts n'étaient pas forcément tournés vers les pays qui en avaient le plus besoin. J'ai du mal à m'y retrouver dans les crédits de cette mission, car il est difficile de distinguer entre prêts et subventions. J'aurais aimé retrouver cette distinction dans la synthèse, ainsi que la répartition géographique des subventions afin que l'on s'assure qu'au moins les trois quarts des subventions sont bien versés aux pays les plus pauvres de la planète.
La France est le cinquième pays en matière d'aide au développement, mais quel est l'objectif recherché ?
Il y a quelques semaines, j'ai remis un rapport présentant les conclusions de la mission de contrôle budgétaire que j'ai menée sur les forces de souveraineté. J'avais été frappé par la manière dont mes interlocuteurs indiquaient que lorsqu'ils devaient entretenir des coopérations avec les pays voisins - autour du canal du Mozambique par exemple -, l'AFD était absente, alors qu'il s'agit de pays potentiellement éligibles à son aide, de pays dont nous avons besoin en matière de coopération, notamment pour travailler sur les questions de sécurité et de trafic.
Par ailleurs, quels liens entretenons-nous avec les pays candidats à notre aide, dont les ressortissants sont par ailleurs candidats à un accueil en France ?
Enfin, quel retour attendons-nous des opérations menées ? Qu'exigeons-nous des entreprises françaises qui pourraient vouloir travailler sur ces projets financés par l'État ?
Je souhaiterais commencer par une mise en perspective : nous parlons ici d'humanité et l'indice de développement humain a subi une très sévère dégradation au cours de l'année passée, pour la première fois depuis 32 ans. La pandémie en est responsable, mais aussi la situation géopolitique et ses conséquences en matière de sécurité alimentaire.
Pour répondre à ces crises humanitaires, la France joue sa part, en répondant aux besoins vitaux des populations, mais aussi en assurant une politique de développement.
Nous émettons de nombreuses critiques, mais le système fonctionne plutôt bien quand les États sont organisés et suffisamment structurés, que l'on dispose dans les pays bénéficiaires d'un levier pour accompagner leur développement.
Par ailleurs, nous observons une hausse significative des crédits, qui ne sont pas à la hauteur de ce qui figurait dans la loi de programmation, mais respectent néanmoins la trajectoire au regard de ses orientations.
En outre, je remarque que la part des prêts est plus importante que celle des dons. Il nous faut mesurer les conséquences de cette répartition au regard du contexte financier international de hausse prix et des problématiques de taux de change, qui peuvent accroître les difficultés de certains pays. Il nous faut donc anticiper et envisager dès aujourd'hui d'être confrontés, dans les années qui viennent, à des problématiques d'annulation de dettes.
Je souhaiterais enfin poser deux questions. D'abord, la Chine n'apparaît pas comme pays donateur dans le rapport ; comment se situe-t-elle par rapport à la France en matière de volume d'aide ? En effet, on entend beaucoup parler de sa présence, notamment en matière de développement des infrastructures.
Ensuite, quelle proportion représente la coopération décentralisée par rapport à la coopération globale nationale ? Comment s'articulent les deux ? Que pourrait-on améliorer dans ce domaine ?
L'AFD, c'est un État dans l'État, son budget est considérable et ses décisions souvent non contrôlées. Le président Larcher et moi recevons pratiquement chaque semaine des délégations d'assemblées et de sénats, africains ou asiatiques. Tous nous confient qu'il leur manque un correspondant politique, que nous avons besoin d'un ministre de la coopération qui soit politiquement responsable des crédits de l'aide au développement pour que cela fonctionne. Les ministres et présidents de ces États ne peuvent pas avoir comme correspondants des gens qui sont certes de qualité, mais n'ont aucune responsabilité politique. De manière plus générale, des personnes nommées ne peuvent pas décider de l'affectation de milliards d'euros sans contrôle politique.
Par ailleurs, comme l'a dit Patrice Joly, nous avons accordé beaucoup de prêts que de nombreux États ne sont pas en mesure de rembourser. Ainsi, non seulement nous augmentons les crédits pour 2023, mais il faut aussi s'attendre à ce qu'un certain nombre de remboursements prévus n'aient pas lieu dans les années à venir.
Je voudrais revenir sur la question du siège de l'AFD. Vous ne le mentionnez pas dans votre synthèse, mais il n'existe toujours pas et il est toujours contesté. Dans Le Journal du dimanche de la semaine dernière, j'ai découvert une pétition signée par des gens aussi divers que Stéphane Bern et Sandrine Rousseau, par des élus de droite comme de gauche. Ce siège coûte effectivement très cher. Je suis élu parisien et la ville de Paris a accompagné l'État dans ce projet. Est-il sécurisé aujourd'hui ? Reste-t-il des recours juridiques ? La somme prévue d'1 milliard d'euros a-t-elle déjà été dépensée par l'AFD ? Ce projet arrivera-t-il à terme ? Si ce n'est pas le cas, quel sera l'impact pour l'AFD ?
Je voudrais évoquer l'AFD en France, comme banque de développement des territoires ultramarins. Cette implantation est-elle encore raisonnable ? Ne faudrait-il pas mettre fin à certaines missions pour retrouver des fonds propres ? Quand une banque de développement est bien gérée, on n'a pas recours à la recapitalisation. Et quand c'est le cas, il faut nous expliquer pourquoi.
Je voudrais évoquer les moyens humains. Quels sont les effectifs liés à cette mission, en France et à l'extérieur ? Par ailleurs, comment fonctionne la gouvernance de l'AFD ?
Quels sont les pays bénéficiaires ? Comment les choisit-on ? Selon une vision géopolitique ? Pour soutenir le développement de la francophonie ? Quels sont les retours pour nos entreprises ?
D'abord, en ce qui concerne le siège, je fais partie de ceux qui pensent que la dépense d'1 milliard d'euros pour des locaux ne représente pas une priorité raisonnable.
Par ailleurs, l'aide au développement prévoit des crédits pour l'adaptation au changement climatique - 5 milliards au moment de la COP 21, si je ne me trompe pas. Il s'agit là d'un sujet majeur. Vous avez mentionné le financement d'1 milliard d'euros dans le cadre du Fonds vert ; comment cette somme s'articule-t-elle aux sommes destinées à l'adaptation ? Enfin, je partage l'idée selon laquelle le politique devrait guider l'affectation de l'aide, et cela semble important pour répondre à la question des inégalités territoriales face au dérèglement climatique.
Je suis perplexe. En effet, cette mission devrait emporter l'unanimité puisqu'elle touche au régalien pur, qu'elle porte les valeurs de notre pays et devrait nous permettre de répondre au premier des deux grands défis qui nous attendent : l'immigration qui ne va cesser d'augmenter et le déficit du commerce extérieur. Cependant, nous traversons une période de tension financière et l'argent public doit être dépensé de façon utile. Ces milliards sont-ils utilisés judicieusement ? Pourrait-on mieux distribuer ces crédits en accordant plus de place au politique et moins à l'administration ?
Enfin, quand ils arrivent à maturité, les prêts sont-ils tous transformés en subventions ou une partie est-elle remboursée ?
Les chefs d'entreprises français, industriels en particulier, qui réalisent des équipements d'infrastructure dont ont besoin les pays qui sont nos partenaires dans le cadre de l'AFD, aimeraient eux aussi avoir un interlocuteur politique. En effet, l'AFD ne semble pas se préoccuper du soutien à l'industrie française d'exportation. Les industriels s'entendent dire qu'il s'agit de financements mixtes internationaux et qu'il y a des règles d'appels d'offres. Néanmoins, tous les pays européens, dont le Royaume-Uni par exemple, mais aussi la Belgique, soutiennent leurs industries dans le cadre des projets de coopération pour la réalisation d'infrastructures de développement. À ce titre, l'expertise mondialement reconnue de la ville universitaire de Nancy en matière d'eau, n'a jamais été utilisée par l'AFD. J'avais pourtant cru comprendre que l'eau était un préalable au développement...
D'abord, en ce qui concerne la trajectoire, la loi de programmation du 4 août prévoyait d'atteindre 0,55 % du RNB en 2022 et nous sommes déjà en retard. Parvenir à l'objectif de 0,7 % supposerait d'augmenter l'aide publique de 10 milliards d'euros supplémentaires, ce qui n'est pas au goût du jour.
Ensuite, pour répondre à Roger Karoutchi, je voudrais dire qu'il y a bien une secrétaire d'État au développement international et que nous avons rencontré son cabinet.
J'en viens aux prêts, qui sont concédés à des taux préférentiels et sont assez largement remboursés, sauf quand les États font faillite.
Quant à la Chine, elle n'est pas comptabilisée parmi les principaux donateurs, car son aide est souvent liée alors que l'aide publique au développement est par principe déliée. En outre, elle ne fait pas partie de la liste des pays du Comité d'aide au développement de l'OCDE qui comptabilise l'effort réalisé en aide au développement.
Pour répondre à Marc Laménie, la mission comporte 1 462 ETP, qui sont répartis entre le MAE et Bercy. Quant à l'AFD, elle emploie 2 700 agents.
Enfin, l'aide attribuée par les collectivités locales représente 145 millions euros en coopération décentralisée.
Certains ont évoqué le coût très élevé du siège de l'AFD. La décision de réaliser l'opération a été prise en février 2020 et les travaux devaient s'achever en 2025. Par ailleurs, le sujet est aujourd'hui purgé de tout recours et l'opération aura donc bien lieu, dans le quartier d'Austerlitz. Sur les 50 000 mètres carrés prévus, 30 000 seront dédiés à l'AFD et nous ignorons à quoi servira la surface restante, ce qui constitue un sujet de préoccupation. Nous suivons ce dossier de près.
En ce qui concerne les prêts et subventions, l'essentiel de l'action internationale de la France prenait jusqu'à présent la forme de prêts, ce qui a conduit au développement considérable du budget de l'AFD et posé des problèmes de capitalisation. La loi de programmation du 4 août 2021 prévoit une réorientation et une hausse de la part des subventions. Par ailleurs, la décision a été prise de contingenter la capacité d'intervention de l'AFD en termes de prêts à 12 milliards d'euros, mettant ainsi un frein pour éviter de possibles dérapages.
Dominique de Legge a évoqué le lien entre les pays aidés et les ressortissants candidats à l'accueil. Beaucoup reste à faire en la matière. Quand la France intervient à l'étranger, elle offre un accompagnement pour faire face aux situations d'urgence, notamment en matière de sécurité alimentaire. Nous devons vérifier que les choses se passent correctement sur ce plan.
Nous avons évoqué la question des entreprises françaises avec l'ensemble de nos interlocuteurs...
nous avons même reçu des entreprises qui nous ont fait part de leurs récriminations.
Pour rappel, l'aide au développement doit être déliée, c'est la philosophie de l'OCDE. Cependant, nous ne pouvons pas être les ennemis de nos propres intérêts et nous devons nous montrer attentifs à ce que l'aide ne serve pas à remplir les poches des dirigeants ou des intermédiaires, mais aussi à ce que les entreprises françaises y trouvent leur intérêt. Au sein de l'AFD, la filiale Proparco a vocation à accompagner les entreprises françaises dans les actions de développement à l'étranger. Cependant, il reste beaucoup à faire pour que les intérêts français soient mieux préservés dans les opérations financées, comme cela se passe dans nombre de pays.
Par ailleurs, en matière de gouvernance, je rappelle que deux sénateurs siègent au conseil d'administration de l'AFD - il manque d'ailleurs deux suppléants, qui n'ont pas encore été nommés par le Sénat. Selon nos interlocuteurs, le conseil d'administration, qui a récemment changé de présidence, travaille sérieusement.
En outre, la recapitalisation prévue en 2023 concerne en réalité la transformation d'une créance en prise de participation. C'est entièrement neutre pour l'État en comptabilité nationale puisque la contrepartie des crédits engagés est la détention d'une participation au capital de l'AFD. À plus long terme, la question du renforcement des fonds propres pourrait être posée puisque que l'AFD intervient dans des pays considérés comme étant à très haut risque. En effet, les normes prudentielles pour intervenir dans ces pays requièrent la présence de fonds propres significatifs. Ces opérations sont donc liées à l'essence même de l'activité de l'Agence.
En ce qui concerne les effectifs, je voudrais préciser qu'une partie des 2 700 employés se trouvent au siège à Paris, mais que l'AFD compte aussi 90 implantations à travers le monde. La loi du 4 août 2021, ayant pour objectif de rationaliser la coordination des différents intervenants à l'étranger, elle a prévu la mise en place des conseils locaux de développement, qui se déroule plutôt bien, afin que l'action de la France soit unifiée.
Quant au retour sur les aides, évoqué par Sébastien Meurant, il faudrait qu'il advienne.
J'en viens au montant d'1 milliard d'euros dédié au fonds vert et confirme, Daniel Breuiller, qu'il est bien amplifié par d'autres actions. La doctrine d'intervention de l'AFD rend nécessaire le respect des accords de Paris. Ainsi, les projets choisis doivent être compatibles à 100 % avec les cibles fixées en matière de santé, d'égalité hommes-femmes et d'environnement. Les membres du conseil d'administration veillent bien à ce respect.
Je voudrais enfin dire à Christian Bilhac que nous ne sommes pas tout à fait dans le régalien pur... En effet, les collectivités territoriales interviennent aussi à hauteur de 145 millions d'euros.
Je voudrais préciser que pendant longtemps les rapporteurs spéciaux de la commission des finances siégeaient au conseil d'administration de l'AFD. Cela a été modifié pour que nous ne soyons pas juges et parties.
Une dernière précision quant aux pays pour lesquels le remboursement de la dette est problématique. En Argentine, au Sri Lanka, au Pakistan, en Zambie et au Tchad, des questions se posent sur la situation d'enlèvement et des remises de dette seront sans doute à prévoir. Cela se fera dans le cadre des accords de Paris et non pas de façon unilatérale.
Notre avis sur les crédits est favorable.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Aide publique au développement ».
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».
Nous examinons maintenant le rapport de nos collègues Thierry Cozic et Frédérique Espagnac, rapporteurs spéciaux sur la mission « Économie » et sur le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
Comme vous le savez sans doute, l'examen des crédits de la mission « Économie » est marqué cette année par un amendement du Gouvernement intégré au texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, qui augmente de 4 milliards d'euros les crédits initialement demandés pour 2023. Cette hausse doit financer des aides exceptionnelles aux entreprises pour le paiement de leurs factures de gaz et d'électricité l'année prochaine.
Mais avant d'aborder ce sujet, nous vous proposons d'analyser les crédits initialement demandés pour 2023, qui financent les différentes politiques de la mission.
Par rapport à 2022, les crédits initialement demandés augmentent de 3,3 % en autorisations d'engagement, tandis que les crédits de paiement baissent de 3,2 %. Néanmoins, la mission connait en réalité d'importantes évolutions de périmètre pour 2023.
D'une part le programme 367 « Financement du compte d'affectation spéciale «Participations financières de l'État» », n'est pas abondé cette année, alors qu'il l'était de 748 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2022. D'autre part, la mission connaît plusieurs transferts de crédits rattachés auparavant à d'autres missions, pour un solde cumulé entrant d'environ 335 millions d'euros.
Finalement, à périmètre constant, hors programme 367, les autorisations d'engagement augmentent d'environ 520 millions d'euros en autorisations d'engagement (soit une hausse de 20 %) et d'environ 280 millions d'euros en crédits de paiement (soit une hausse de 8,5 %).
Comme l'année dernière, l'essentiel des crédits se trouve concentré sur les grandes administrations économiques de la mission et sur trois dispositifs. Tout d'abord, les compensations au groupe La Poste au titre de ses différentes missions de service public. Ensuite, la compensation carbone des sites électro-intensifs, dont le coût augmente d'ailleurs très significativement par rapport à 2022, de 512 millions d'euros. Enfin, le plan France Très haut débit.
Nous souhaitons, en premier lieu, évoquer la situation des administrations et des opérateurs de la mission. Globalement, leurs emplois et moyens sont préservés pour 2023, comme l'année dernière, après plusieurs années de baisse.
S'agissant de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), nous sommes satisfaits de constater qu'après avoir été réduits d'un quart en quinze ans, ses effectifs augmentent légèrement cette année. Comme nous l'indiquions dans notre rapport de contrôle présenté il y a un peu plus d'un mois sur le sujet, une légère hausse des effectifs était indispensable au bon accomplissement des missions de cette administration, sur l'ensemble du territoire. En 2023, le plafond d'emplois augmente de 13 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Il nous faudra rester vigilants quant à l'effectivité de cette hausse en cours d'exécution et aux évolutions les années suivantes.
Les effectifs de la direction générale du Trésor (DGT) augmentent également légèrement, pour la première fois depuis 2015, hors présidence française de l'Union européenne. Le plafond d'emplois augmente ainsi de 18 ETPT, tandis que son réseau à l'étranger est préservé pour la deuxième année consécutive. Sur ce sujet, nous avions constaté dans notre rapport du printemps 2021 que les fortes baisses d'effectifs ne pouvaient continuer sans mettre en danger la diplomatie économique.
Par ailleurs, la mission est marquée cette année par l'intégration d'un nouvel opérateur, désormais rattaché exclusivement au ministère de l'économie et des finances. Il s'agit d'Atout France, l'opérateur de l'État en charge du développement touristique de la France. Il en résulte un transfert entrant de crédits dédiés à la dotation versée à cet opérateur (pour environ 30 millions d'euros) et de crédits destinés à développer le tourisme en France.
En outre, en 2023, un effort financier est déployé en faveur des exportations et de l'internationalisation des entreprises via la hausse des subventions de Business France et de Bpifrance Assurance Export, respectivement de 16 millions d'euros et de 28 millions d'euros.
Plusieurs autres administrations ou opérateurs connaissent une légère hausse ou une stabilisation de leurs moyens. Les crédits de l'Insee sont ainsi en légère hausse et ses effectifs se stabilisent cette année, après plusieurs années de baisse. De même, les effectifs de la direction générale des entreprises, de l'Agence nationale des fréquences (ANFR) et de l'Autorité de la concurrence augmentent très légèrement. Enfin, les effectifs de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) restent quasi-stables.
À l'inverse, deux opérateurs voient leurs moyens être contraints. Les recettes propres de l'Institut national de la propriété intellectuelle (INPI) restent plafonnées à 94 millions d'euros, comme en 2022. Ce plafond, s'il permet de contraindre l'INPI à utiliser sa trésorerie à court terme, n'apparaît pas viable à moyen terme. En outre, la Banque de France voit sa dotation se réduire de 17 millions d'euros.
Nous souhaitons tout d'abord aborder les compensations financées par la mission « Économie » et versées à La Poste au titre de ses différentes missions de service public.
Trois compensations sont pérennisées pour 2023.
En premier lieu, la compensation pour financer le transport postal de la presse par La Poste est maintenue et sera de 40 millions d'euros en 2023. De même, la dotation pour le service postal universel sur l'ensemble du territoire national ne connait pas de modification et sera de 500 à 520 millions d'euros en 2023. Enfin, comme l'année dernière, une dotation au fonds postal national de péréquation territoriale est prévue pour la mission d'aménagement et de développement du territoire de La Poste, qui consiste à maintenir des points de contact dans l'ensemble du pays. Cette dotation devait initialement être maintenue à 74 millions d'euros.
Néanmoins, la réforme proposée de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) en 2023 aboutit à une baisse du produit de l'abattement sur celle-ci dont bénéficie par ailleurs le fonds de péréquation. En conséquence, le Gouvernement a intégré au texte transmis par l'Assemblée nationale une hausse complémentaire de 31 millions d'euros de la compensation.
Surtout, en 2023, une nouvelle compensation au groupe La Poste intègre la mission « Économie ». En effet, la Banque postale est chargée par la loi d'une mission d'intérêt général d'accessibilité bancaire. Elle se matérialise par l'obligation pour cet établissement d'ouvrir gratuitement à toute personne qui le demande un Livret A fonctionnant comme un quasi-compte courant. Cette mission vise un objectif d'insertion bancaire et sociale en permettant aux personnes dont les besoins spécifiques ne sont pas couverts par les autres dispositifs d'avoir accès à un support bancaire simple dont le mode de fonctionnement est adapté à leurs besoins : montant minimum des retraits faible et absence de moyens de paiement notamment.
En 2021, la Banque postale recensait environ 1 million de clients relevant de la mission d'accessibilité bancaire. Cette mission représente un coût pour la Banque postale, qui s'explique par la consommation accrue de services de guichet liée, d'une part, à l'absence de moyens de paiement associés à ce type de livrets A et, d'autre part, au besoin d'un accompagnement humain renforcé.
En contrepartie de cette mission d'intérêt général, la Banque postale reçoit donc une compensation. Celle-ci est jusqu'ici débudgétisée : c'est le fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations qui en assume la charge. Cette compensation suit une trajectoire dégressive pour inciter la Banque postale à assurer l'efficience de sa mission : d'un montant de 338 millions d'euros en 2021, elle sera de 303 millions en 2023 et s'établira à 252 millions d'euros en 2026.
L'article 43 du projet de loi de finances (PLF) pour 2023 prévoit la budgétisation de cette compensation au sein du budget général de l'État, et plus précisément de la mission « Économie ».
Cette réforme nous apparaît opportune pour plusieurs raisons.
Premièrement, elle soulage le fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations d'une charge importante qui ne rentre pas dans le cadre de sa mission principale, le financement du logement social. Deuxièmement, la budgétisation de la compensation met en cohérence l'objectif du dispositif, une mission d'intérêt général, et le financeur, l'État. Elle offre en outre une plus grande portée au vote des crédits par le Parlement. Troisièmement, nous observons qu'en principe, la réforme sera globalement neutre pour l'État d'un point de vue budgétaire ; en effet, l'État pourra prélever le surplus de fonds propres que génèrera le fonds d'épargne à la suite de cette réforme. Nous resterons toutefois particulièrement vigilants quant à l'effectivité de la neutralité budgétaire de cette réforme.
Nous proposerons l'adoption de l'article 43 sans modification.
Outre ces sujets de compensation au groupe La Poste, nous avons également souhaité centrer une partie de nos travaux sur le plan France Très haut débit (FTHD).
Le programme 343 porte en effet une part substantielle de la participation de l'État au financement du plan, qui devrait s'élever au total à 3,64 milliards d'euros d'ici fin 2023. Ce plan vise à contribuer à atteindre l'objectif d'une couverture intégrale du territoire en fibre optique à l'horizon 2025 en subventionnant les réseaux d'initiative publique (RIP), qui sont mis en oeuvre dans les zones dans lesquelles le déploiement n'est pas rentable pour les opérateurs. Les RIP sont des réseaux de très haut débit mis en place dans le cadre de projets des collectivités territoriales, qui doivent s'associer à l'échelle départementale pour bénéficier d'un soutien de l'État, via le FTHD.
Il ressort de notre analyse que ce plan a eu des conséquences très positives sur les déploiements du très haut débit dans les zones concernées. La dynamique est forte avec près de 1 500 000 nouvelles prises de fibre optique déployées sur le premier semestre 2022 dans les RIP, soit 64 % des déploiements sur l'ensemble du territoire sur la période.
Mais nous tenons à évoquer plusieurs points d'alerte s'agissant du déploiement de la fibre optique dans les autres zones.
Tout d'abord, contrairement à ce que l'on pense parfois, les difficultés d'accès à la fibre optique ne concernent pas uniquement les territoires ruraux. Dans les zones très denses, où le déploiement relève de l'initiative des opérateurs, le rythme insuffisant constaté ces derniers semestres perdure. En outre, il existe une forte disparité dans l'avancement du déploiement dans ces zones.
Par ailleurs, dans les zones d'appel à manifestation d'intention d'investissement (Amii), dans lesquels les opérateurs privés ont pris des engagements de déploiement vis-à-vis de l'État, ces derniers ne sont pas atteints. De plus, la dynamique de déploiement des opérateurs ralentit dans ces zones.
Enfin, nos inquiétudes portent également sur les zones d'appel à manifestation d'engagement local (Amel), dans lesquelles les opérateurs ont également pris des engagements de déploiement, sur le modèle des zones Amii. À ce jour, seulement un tiers des locaux à rendre raccordables en zone Amel l'a été et le respect des échéances prévues dans chacun des cas n'apparaît pas assuré, loin de là.
Nous considérons, dans ces conditions, que l'Autorité de régulation (Arcep) doit impérativement se saisir de son pouvoir de sanction, afin de contraindre les opérateurs à atteindre leurs objectifs en zones Amii et en zones Amel. Comme nous l'indiquions déjà l'année dernière, l'Arcep ne doit pas attendre d'être saisie par les collectivités elles-mêmes pour agir. Celles-ci ne sont pas vraiment en position de force vis-à-vis des opérateurs pour lancer une procédure de sanction de la part de l'Arcep.
Par ailleurs, alors que les réseaux sont aujourd'hui en phase de déploiement, il nous apparaît nécessaire d'anticiper les coûts liés à l'entretien des réseaux, ainsi qu'à la réalisation des raccordements complexes.
Le financement de ces raccordements complexes doit permettre de sécuriser l'éligibilité de tous nos concitoyens à la fibre. C'est l'alerte que nous avions lancée l'année dernière. Le Gouvernement a annoncé en fin d'année dernière la mobilisation de 150 millions d'euros de crédits pour financer ces raccordements complexes, dont 89 millions d'euros en 2022. La seconde tranche de ce plan est prévue dans le présent budget pour 2023, pour 61 millions d'euros. L'appel à projets correspondant a été lancé en avril 2022.
Si nous nous satisfaisons de l'ouverture de crédits d'un montant identique à ce que nous avions proposé par amendement l'année dernière, nous serons vigilants quant aux résultats obtenus et sur le fait de savoir si ce montant sera suffisant.
Nous souhaitons également aborder un troisième sujet, que nous connaissons bien au Sénat : le fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac). Alors que les difficultés touchent de plein fouet l'économie de nos territoires, l'artisanat et le commerce, nous proposons un amendement n° 1 visant à rétablir, au sein de la mission, le Fisac, pour un montant de 30 millions d'euros.
Face à la situation actuelle, il me semble qu'il faut nettement distinguer ce qui relève des dispositifs d'urgence pour sauver les entreprises, notamment en matière énergétique, et les outils d'intervention qui permettent d'aider spécifiquement à la création, à la transmission, au maintien ou à la modernisation des entreprises et des commerces dans les territoires les plus fragiles.
Le Fisac doit permettre aux commerces des territoires d'être préservés et surtout de se moderniser en développant de nouveaux outils. Je pense notamment aux artisans qui pourraient renforcer leur recours aux dispositifs numériques.
Nous voudrions par ailleurs évoquer le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers et à des organismes privés ».
En 2023, les crédits de ce compte s'établissent à 275 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 495 millions d'euros en crédits de paiement. Ces crédits financent notamment les prêts du fonds de développement économique et social (FDES), pour 75 millions d'euros en 2023, auxquels s'ajouteront des reports de crédits.
Sur ce sujet du FDES, nous souhaiterions d'ailleurs que les conséquences de la prolongation de l'encadrement temporaire des aides d'État pour 2023, résultant de la décision de la Commission européenne du 28 octobre 2022, soient tirées, s'agissant du dispositif des prêts bonifiés. En effet, la décision de la Commission européenne ouvre la porte à la prolongation en 2023 du dispositif des prêts bonifiés au bénéfice des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) touchées par les conséquences économiques de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. En l'état, le projet annuel de performance du programme 877 correspondant ne prévoit pas la prolongation du dispositif, alors que des crédits non consommés demeurent. Ils étaient de 158 millions d'euros à l'été 2022, sur les 500 millions d'euros de dotation initiale. Nous encourageons donc le Gouvernement à prolonger l'application de ces prêts bonifiés en 2023 en utilisant les crédits non consommés en 2022, sans qu'il n'y ait besoin d'adopter un amendement.
En effet, nous voudrions également vous faire part de notre proposition de prolonger, par un amendement n° 2, les prêts participatifs au profit des petites entreprises. Ce dispositif, financé par le FDES et donc par le compte de concours financiers, avait été mis en place à l'initiative du Sénat lors de la crise sanitaire ; il a été prolongé plusieurs fois, notamment à notre initiative et à celle du rapporteur général.
Le prêt participatif est un moyen de financement intermédiaire entre le prêt à long terme et la prise de participation. Ce dispositif offre des possibilités de prêts aux entreprises de moins de 50 salariés qui rencontrent des difficultés de financement, qui n'ont pas obtenu un prêt garanti par l'État à hauteur d'un montant suffisant pour financer leur exploitation et enfin, qui justifient de perspectives réelles de redressement.
La loi borne aujourd'hui ces prêts à la fin de l'année 2022. Or ils restent utiles dans un contexte d'accès au crédit pouvant rester très contraint pour les petites entreprises. En 2021, environ 19 millions d'euros ont ainsi été octroyés au titre de ces prêts participatifs selon les documents budgétaires.
Notre amendement n° 2 propose donc de prolonger le dispositif jusqu'au 31 décembre 2023. Cette prolongation pourra être financée par les crédits dont il est déjà prévu l'ouverture au profit du FDES pour l'année 2023.
Pour finir sur le sujet du compte de concours financiers, nous soulignons la nécessité de le dépoussiérer en amorçant la suppression des programmes dont l'existence n'apparaît plus justifiée.
Le programme 868 « Prêts et avances pour le développement du commerce avec l'Iran » en est un parfait exemple. Ce programme a été créé par la loi de finances pour 2018 dans le but de permettre à l'État d'accorder des prêts à Bpifrance pour financer le dispositif que cet établissement était en train de mettre en place pour soutenir les entreprises françaises souhaitant exporter leurs produits en Iran. Toutefois, l'entrée en vigueur de sanctions économiques américaines contre l'Iran à compter du mois de novembre 2018 a conduit Bpifrance à suspendre le projet, son directeur général estimant que les conditions n'étaient plus réunies pour le mettre en oeuvre. En conséquence, le programme 868 n'a jamais connu de consommation de crédits depuis sa création.
Nous vous proposons donc, par un amendement n° 3, de supprimer ce programme. En outre, j'invite le Gouvernement à enclencher la suppression du programme 861 « Prêts et avances pour le logement des agents de l'État », dont l'utilisation est presque nulle : 50 000 euros sont ouverts annuellement depuis 2019, ce qui est trop faible pour justifier son maintien. À défaut, j'estime qu'il reviendra au Parlement d'être à l'initiative de sa suppression au profit d'autres instruments budgétaires plus proportionnés.
Enfin, le Gouvernement a déposé à l'Assemblée nationale un amendement rehaussant de 4 milliards d'euros les crédits du programme 134 « Développement des entreprises et régulations ». Cette hausse vise à financer une partie des deux dispositifs d'aides aux entreprises en matière énergétique pour 2023, confirmés par le Gouvernement le 27 octobre dernier, pour un coût total de 7 milliards d'euros.
S'agissant des factures d'électricité, un guichet d'aide au paiement des factures d'électricité et de gaz a été ouvert à l'été 2022. En 2023, ce guichet sera maintenu pour les entreprises de taille intermédiaire et les grandes entreprises. Les très petites entreprises (TPE) et les PME se verront quant à elles appliquer, comme les collectivités, un nouveau dispositif d'« amortisseur électricité ». Celui-ci se matérialisera par une aide forfaitaire sur 25 % de la consommation, permettant de compenser l'écart entre le prix plancher de 325 euros par mégawattheure et un prix plafond de 800 euros par mégawattheure.
S'agissant des factures de gaz, le guichet d'aide ouvert à l'été 2022 restera ouvert pour 2023 pour l'ensemble des types d'entreprises.
Dans ce contexte, une hausse de 3 milliards d'euros des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » vise à financer la mise en place de « l'amortisseur électricité ».
La hausse des crédits de la mission « Économie » de 4 milliards d'euros vise, quant à elle, à financer le guichet d'aides pour le paiement des factures d'électricité et de gaz des entreprises. Selon les informations disponibles, cette somme s'ajoute aux 3 milliards d'euros dont était déjà doté le guichet en 2022. Les rapporteurs spéciaux, qui sont favorables à ces aides, ne peuvent toutefois que constater qu'au 4 novembre de cette année, sur les 6 milliards d'euros ouverts sur le programme 134 en 2022, seul 1,44 milliard d'euros a été consommé, soit moins d'un quart. Le projet de loi de finances rectificative pour 2022, que nous allons prochainement examiner, prévoit d'ailleurs l'annulation de 245 millions d'euros en crédits de paiement.
Ces éléments laissent transparaître un enjeu quant au rythme de décaissement des aides, probablement du fait de critères d'éligibilité trop stricts ou complexes par rapport à l'ambition financière du dispositif. De nouveaux critères d'éligibilité simplifiés devraient être prochainement publiés selon le Gouvernement. C'est un enjeu fort pour l'effectivité des aides annoncées.
En conclusion, nous sommes favorables à l'adoption des crédits de la mission « Économie », sous réserve de l'adoption de l'amendement n° 1 relatif au rétablissement du Fisac.
Nous serons également favorables à l'adoption de l'article 43 rattaché, sans modification.
Par ailleurs, nous vous proposerons un amendement n° 2 portant article additionnel après l'article 43, afin de permettre la prolongation en 2023 des prêts participatifs pour les petites entreprises.
Enfin, nous sommes favorables à l'adoption des crédits du compte de concours financiers, sous réserve de l'adoption de l'amendement n° 3 supprimant le programme 868 « Prêts et avances pour le développement du commerce avec l'Iran ».
La commission des affaires économiques n'a pas encore examiné officiellement, pour avis, les crédits de cette mission, mais je vais tenter de vous livrer en quelques mots le sentiment général qui se dégage du travail déjà réalisé au sujet des crédits concernant le commerce et la consommation, et notamment des auditions conduites jusqu'à présent. Je note tout d'abord que la stabilité apparente des crédits de cette mission masque en réalité, dans le détail, une augmentation forte liée à la compensation carbone et à la rebudgétisation de prestations réalisées par la Banque postale, et une diminution forte liée à l'absence d'abondement du programme 367 qui permet d'alimenter le compte de l'État actionnaire.
En tout état de cause, le commerce et l'artisanat continuent d'être les parents pauvres de cette mission : il n'y a quasiment plus aucun crédit à ce sujet, le Gouvernement ayant fait le choix de s'en remettre essentiellement à 1'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) pour développer l'activité commerciale dans nos territoires. J'ai donc fait le choix de me pencher plus particulièrement sur l'inadéquation entre les missions et les effectifs de la DGCCRF, et sur le mouvement consumériste.
Rarement une administration n'aura vu, en quelques années, ses missions et ses outils se développer à un tel rythme. Les lois relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire et portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets étendent le champ de son contrôle : allégations environnementales à vérifier, garanties sur les biens et services numériques, contrôle des prix de référence en cas de promotion, encadrement du démarchage téléphonique, contrôle des relations commerciales et de l'application de pénalités logistiques sont autant de nouvelles tâches qu'elle doit réaliser. On aurait donc pu imaginer qu'en parallèle, le Gouvernement lui octroierait les moyens nécessaires pour absorber une telle hausse de sa charge de travail.
Or, ainsi que l'a montré le contrôle budgétaire des rapporteurs spéciaux en septembre, ainsi qu'un rapport de la commission des affaires économiques publié au mois de juin et qui concernait alors le sujet spécifique de l'information aux consommateurs, les effectifs ont fondu en dix ans. Il existe un vrai effet ciseaux dont les victimes principales, au-delà des agents de la DGCCRF, sont les consommateurs et les PME.
Pour la première fois, en 2023, il semblerait que l'hémorragie cesse ; mais les 50 équivalents temps plein (ETP) prévus ne sont que l'épaisseur du trait, eu égard à l'ampleur de la réduction d'effectifs en une décennie, et ils seront bien insuffisants pour absorber toutes ces nouvelles missions. Certes, le transfert de la police sanitaire des aliments vers le ministère de l'agriculture va permettre de redéployer certains effectifs vers ces missions, mais là aussi le diable se cache dans les détails.
Puisque 60 emplois sont transférés, mais que seule une vingtaine d'agents se portent volontaires, une quarantaine de personnes se retrouveront au-dessus du plafond d'emplois en 2023. Autrement dit, afin de respecter ce plafond, il y a tout à craindre que la DGCCRF soit contrainte de baisser le nombre de places ouvertes à son concours de septembre 2023, alors que 150 départs en retraite sont attendus.
Il nous paraît donc nécessaire, pour ne pas dire d'une impérieuse urgence, d'augmenter les moyens de la DGCCRF en la matière ! C'est le sens d'un amendement que je présenterai à mes collègues de la commission des affaires économiques, et dont l'adoption conditionnera la validation, pour nous, de ces crédits.
Par ailleurs, j'ai souhaité examiner les subventions publiques réparties par l'État entre les associations de défense des consommateurs. Ces dernières sont au nombre de 15, ce qui morcelle souvent inutilement le mouvement consumériste. En tout état de cause, il sera nécessaire de redéfinir et clarifier les critères à l'aune desquels sont réparties ces subventions, et de porter une attention particulière à la situation de l'Institut national de la consommation, qui est aujourd'hui déficitaire en raison de la baisse des ventes en kiosque de son magazine 60 millions de consommateurs.
Je salue la qualité du rapport présenté par nos deux rapporteurs spéciaux et souscris aux propos qu'ils ont tenus sur les effectifs de la DGCCRF, car je considère que nous devons éviter d'émettre des demandes contradictoires. J'ai entendu également les propos de notre rapporteur pour avis qui a décrit toutes les nouvelles missions qui incombent aux services de la DGCCRF, mais je pense que la réorganisation entreprise constitue déjà un début de réponse aux problèmes pointés par le précédent rapport. Toutefois nous devons rester vigilants car les chiffres peuvent masquer certains déséquilibres.
S'agissant des amendements, je ne suis pas favorable à la restauration du Fisac dans ces conditions, car il existe des dispositifs existants, comme les contrats de ruralité portés par l'ANCT, ou encore le programme « Petites villes de demain », qui peuvent concourir à la vitalité économique et de commerce dans les territoires.
À l'inverse, je suis favorable à l'amendement portant article additionnel après l'article 43 qui correspond à un dispositif que la commission des finances a porté, dans la droite ligne de sa philosophie.
Enfin, j'opterai pour une attitude d'abstention vis-à-vis de la suppression du programme 868 « Prêts et avances pour le développement du commerce avec l'Iran », car je considère que ce sujet mérite une expression publique des ministres. Il en va même, pour les programmes qui connaissent une très faible consommation des crédits, comme le programme 861 « Prêts et avances pour le logement des agents de l'État ».
Je partage l'avis du rapporteur général sur la question du Fisac aujourd'hui : il n'est pas pertinent de le rétablir. L'action en direction des commerçants et des artisans doit relever davantage d'une action régionale en lien avec les EPCI que nationale.
S'agissant de la DGCCRF, je m'interroge sur la répartition des effectifs. Je me réjouis que les recommandations de nos rapporteurs aient été suivies d'effets. Le transfert de 60 ETPT vers la direction générale de l'alimentation (DGAL) correspond finalement à moins d'un ETPT par département, ce qui paraît très faible. Quelles en seront les modalités ?
J'ai également noté qu'une partie des postes créés était justifiée par la tenue des jeux Olympiques et Paralympiques à Paris : ces jeux nécessitent-ils qu'il y ait de la part DGCCRF des moyens supplémentaires ?
Enfin, si le remplacement des agences de La Poste par des agences postales ne pose pas de problème de principe, la compensation financière versée aux collectivités gérant ces agences postales n'est pas à la hauteur du coût des dépenses engendrées. Peut-on envisager d'augmenter ces compensations ?
Je souhaite avoir l'avis des rapporteurs sur le transfert de la compétence « tourisme » de la mission « Action extérieure de l'État » vers la mission « Économie ». De plus, savent-ils pourquoi le plan « Destination France », doté de plus de 5 millions d'euros, est resté attaché la mission « Action extérieure de l'État » ? S'agit-il d'une ambition plus forte pour le tourisme de la part du Gouvernement ou au contraire d'une volonté de réduire les crédits ?
Les rapporteurs connaissent-ils la date d'achèvement envisagée du plan France Très haut débit et du déploiement de la fibre ? Les objectifs sont aujourd'hui loin d'être atteints, en zones Amii comme Amel.
S'agissant de l'accessibilité bancaire, je souhaite évoquer également l'accessibilité au numéraire, au regard de la disparition progressive des distributeurs automatiques de billets (DAB). En effet, ne faudrait-il pas reconnaître l'existence d'un service répondant à une mission particulière d'intérêt général pour garantir le maillage du territoire en DAB ? Des transporteurs de fonds prennent le relais des banques, mais en faisant payer très cher aux collectivités l'installation et l'entretien.
Deuxièmement, les rapporteurs ont-ils des informations sur les contentieux engagés par l'État et les collectivités locales dans le cadre du déploiement de la fibre ?
Enfin, je déplore que le Fisac ait été supprimé. Ce dispositif était particulièrement utile au niveau local. De même, comment certains départements pourraient-ils ne pas se sentir abandonnés lorsqu'ils ne comptent plus qu'une poignée d'agents de la DGCCRF et de la direction générale des finances publiques (DGFiP) ?
Les écarts entre les besoins des territoires et les crédits accordés sont énormes. S'agissant de La Poste, l'Arcep estimait que l'accomplissement de sa mission de service public d'aménagement du territoire coûtait entre 230 et 240 millions d'euros. Or l'État ne lui accorde que 74 millions d'euros. On est loin du compte ! De même pour la presse, avec 40 millions d'euros accordés contre 500 millions d'euros de besoins chiffrés. Les maires se plaignent de La Poste, mais celle-ci n'a peut-être pas les moyens d'assurer ses missions.
Je souhaite connaître l'avis des rapporteurs sur l'évolution de la participation financière de l'État au groupe La Poste. Je partage leur constat : on compte de moins de moins d'agents de l'État sur le terrain pour accompagner les entreprises. Il en est de même pour les chambres consulaires qui voient leurs effectifs et leurs ressources décliner. Par ailleurs, quelles sont vos analyses sur l'évolution du nombre d'intervenants en matière de financement sur le sujet du très haut débit ?
Au vu de la dégradation du service de La Poste, je souhaiterais savoir si la dotation d'équilibre versée pour service rendu que celle-ci perçoit est bien justifiée si l'on pense à la nullité du service, qui ne cesse de se dégrader !
S'agissant du Fisac, je souhaite éclaircir un point à la suite de l'intervention du rapporteur général. Premièrement le dispositif « Petites villes de demain » ne répond pas suffisamment spécifiquement, loin de là, aux besoins d'aide du commerce et de l'artisanat ; il en va de même pour les contrats de ruralité. Le secteur du commerce et de l'artisanat sera aussi touché par la suppression des exonérations d'impôt dans les ZRR annoncée pour le 31 décembre 2023. Le Fisac était ainsi le seul à pouvoir réellement financer un certain nombre d'actions territoriales : aider le dernier commerce ou café de la commune à se maintenir, faciliter la transmission d'un local commercial ou d'un hôtel, soutenir la mise aux normes des stations-services dans les zones rurales, etc. Aucun dispositif régional ou national ne le relaye, et avec la fin des avantages fiscaux des ZRR, on s'apprête à dégrader encore la situation pour les commerces et l'artisanat dans les zones rurales.
En ce qui concerne la compensation par La Poste des collectivités, il faut savoir que les investissements des collectivités pour maintenir une agence postale ne sont pas compensés à leur juste hauteur. Elles ne pourront bientôt plus assurer ce service de proximité. Mais la situation est complexe, car la Poste fait face à la concurrence d'Amazon pour la distribution de colis. L'entreprise doit assurer des fonctions de service public de plus en plus étendues et le service se dégrade. Elle est victime de critiques, mais le bureau de poste est souvent le dernier service qui reste. Les DAB ferment. Le service proposé par les transporteurs de fonds est onéreux, les communes n'ont pas toujours les moyens de le financer. Finalement, les populations rurales se sentent de plus en plus isolées.
S'agissant de la DGCCRF, je ne serais pas favorable à une forte hausse des effectifs pour 2023. En effet, nous avons souhaité fixer, dans notre rapport, un objectif d'effectif socle par département, que nous avons chiffré à sept ; nous souhaitons que la hausse se fasse progressivement. L'objectif étant également de ménager une respiration salvatrice pour cette administration, qui a connu de nombreuses réformes ces dernières années, et de préserver le sens du travail pour les agents. La ministre compétente a d'ailleurs exprimé son intérêt s'agissant des conclusions du rapport.
Pour répondre à la question sur le transfert de la police sanitaire des aliments vers le ministère de l'agriculture, le transfert prévu concerne 60 ETP de la DGCCRF vers la DGAL, tandis que 90 postes supplémentaires seront créés dans cette dernière direction générale, pour un total de 150 ETP. Le problème est que ce type de transfert ne se fait pas du jour au lendemain. Il faut aussi noter que la sécurité alimentaire ne représente qu'une petite partie des missions de la DGCCRF et qu'elle n'occupe à temps plein des agents que dans un nombre très limité de cas.
Enfin, s'agissant de la DGCCRF, 84 ETP doivent être créés pour répondre aux nouvelles missions concernant les Jeux Olympiques et Paralympiques et le handicap.
Nous n'avons pas de réponse précise à apporter à la question du transfert de la compétence « tourisme » de la mission « Action extérieure de l'État » vers la mission « Économie », en dehors d'une volonté claire de Bercy de récupérer cette compétence, qui faisait l'objet d'une cotutelle avec le ministère des affaires étrangères depuis l'époque où Laurent Fabius était ministre des affaires étrangères ; mais le programme « Destination France » est resté attaché au ministère des affaires étrangères en raison de sa nature internationale.
Enfin, s'agissant du Plan Très haut débit, il existe effectivement un problème d'atteinte des objectifs : les cartes de l'Arcep sont d'ailleurs parfois trompeuses, car il suffit dans certains cas qu'une seule maison soit couverte pour que tout le bourg soit considéré comme l'étant aussi... Il existe aussi un problème d'entretien des réseaux de plus en plus prégnant, à mesure qu'il se développe.
Par ailleurs, face aux retards constatés, les collectivités ont pendant longtemps eu peur de saisir l'Arcep en raison des chantages menés par les opérateurs, mais cette situation devrait changer. Enfin, je ne peux que souscrire aux propos de M. Bilhac sur la sous-compensation des missions d'aménagement du territoire.
Article 27 (État B)
L'amendement n° 1 vise à rétablir les crédits du Fisac à hauteur de 30 millions d'euros.
L'amendement n° 1 n'est pas adopté.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Économie ».
EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
Article 43
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 43.
Après l'article 43
L'amendement n° 2 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de son article additionnel après l'article 43.
Article 29 (État D)
Nous passons au vote sur les crédits du compte d'affectation spéciale « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
Le programme 868 « Prêts et avances pour le développement du commerce avec l'Iran » a été créé par la loi de finances pour 2018 au sein du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », mais ce compte n'a jamais servi, comme nous l'a confirmé Bpifrance. Le but de l'amendement est donc de le supprimer pour dépoussiérer le compte de concours financier et d'inciter au passage le Gouvernement à rationaliser à l'avenir l'utilisation de l'ensemble de ses programmes.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », ainsi modifiés.
La réunion est close à 19 h 10.