Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire

Réunion du 4 novembre 2014 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • PPRT
  • dérogation
  • habilitation
  • éoliennes

La réunion

Source

La commission procède à l'examen des amendements aux articles 8 et 11 bis du texte n° 60 (2014-2015), adopté par la commission des lois, sur le projet de loi n° 771 (2013-2014) relatif à la simplification de la vie des entreprises.

La réunion est ouverte à 14h20.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Filleul

Nous devons nous prononcer uniquement sur les amendements qui visent des articles qui nous ont été délégués au fond par la commission des lois, c'est-à-dire les articles 8, 11 et 11 bis, ainsi que sur les amendements portant articles additionnels se rapportant à ces articles ou aux compétences de notre commission.

Quatre amendements ont été déposés sur ces articles. Je passe la parole au rapporteur Gérard Cornu.

Article additionnel après l'article 8

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Cet amendement porte sur un sujet souvent débattu dans cette assemblée et bien connu de notre commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, celui des dérogations à la loi Littoral de 1986, et plus spécifiquement de la construction d'éoliennes sur nos rivages.

Avant tout, j'aimerais faire un court rappel du droit en vigueur. Afin de lutter contre le mitage des côtes et éviter le développement anarchique d'îlots de constructions, l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme prévoit que l'extension de l'urbanisation doit se réaliser en continuité avec les agglomérations et villages existants. Or, un arrêt récent du Conseil d'État a confirmé que la construction d'éoliennes doit être regardée comme une extension de l'urbanisation et doit donc être implantée en continuité d'une agglomération ou d'un village existant (CE, 14 novembre 2012, Société Néo Plouvien). En application de la loi Littoral, les éoliennes semblent donc ne pouvoir être construites que dans le prolongement des constructions existantes.

Ces règles se heurtent cependant aux dispositions issues de la loi Grenelle II de 2010 : le code de l'environnement impose aux éoliennes dont les mâts dépassent 50 mètres d'être implantées à plus de 500 mètres des constructions à usage d'habitation. La lecture combinée de ces dispositions conduit donc à ne pouvoir implanter des éoliennes sur les littoraux qu'en continuité des zones urbanisées non destinées à l'habitation, comme par exemple les zones industrielles ou les installations portuaires.

L'amendement déposé par notre collègue Joël Labbé prévoit de permettre l'implantation d'éoliennes en dérogation du principe d'urbanisation en continuité. Je vous proposerai d'émettre un avis défavorable sur cet amendement.

Ainsi que l'avait souligné l'excellent rapport d'Odette Herviaux et Jean Bizet sur la loi Littoral, la situation juridique actuelle n'est pas un signe d'incohérence des politiques publiques. Elle est bien le fruit d'une hiérarchisation des priorités. L'objectif de protection de nos littoraux prime, à ce jour, le développement de l'éolien terrestre. Le rapport ne recommandait d'ailleurs pas de revoir l'ordre de ces priorités. Bien plus qu'une simple mesure de simplification de la vie des entreprises, nous sommes ici face à une véritable question d'aménagement du territoire.

Le débat aura de toute façon lieu dans le cadre du projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte : le gouvernement y a fait adopter à l'Assemblée nationale un amendement allant dans le même sens que celui de Joël Labbé, à l'article 38 bis A. Nous aurons donc l'occasion d'en rediscuter à ce moment-là.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Je croyais que l'amendement du Gouvernement au projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte n'avait pas été adopté. Je tiens à préciser qu'il ne faut pas confondre implantation d'éoliennes et urbanisation. Nous sommes tout de même aujourd'hui dans une situation kafkaïenne dont il faudra sortir. D'autant que les gisements de vent sont plutôt sur le littoral. Je voterai l'amendement de mon collègue Joël Labbé même si j'entends l'avis du rapporteur.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 67.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Nous en venons maintenant à l'amendement n° 85 déposé par le Gouvernement. Cet amendement, portant lui aussi article additionnel après l'article 8, a été déposé hier soir par le Gouvernement. Il sollicite une habilitation pour modifier les dispositions législatives du code de l'environnement relatives au régime des plans de prévention des risques technologiques (PPRT).

Je l'ai déjà dit et je le répète : je déplore la méthode retenue par le gouvernement dans le cadre de la préparation de l'examen de ce texte. À aucun moment dans nos échanges le gouvernement ne nous a indiqué vouloir modifier le régime des PPRT. Or, cette habilitation prévoit d'une part, de modifier les règles applicables aux entreprises en matière de réduction de l'exposition au risque, d'autre part, de « préciser, clarifier et adapter » l'ensemble du régime relatif aux PPRT.

Cette habilitation est particulièrement large et je n'ai bien évidemment pas été destinataire d'un éventuel projet d'ordonnance. Si le régime de PPRT peut être amélioré, et nous sommes prêts à y réfléchir en travaillant avec le gouvernement, il n'est pas possible de le faire dans ces conditions, littéralement à l'aveuglette, et dans des délais aberrants.

C'est pourquoi je vous proposerai de donner un avis défavorable à l'adoption de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Je partage à 200 % les propos du rapporteur. Je trouve cette méthode absolument scandaleuse. D'autant que le Gouvernement aurait tout à fait pu, s'il souhaitait modifier le régime des PPRT, le faire dans son projet de loi initial. Si nous donnons un avis favorable à cette demande d'habilitation, cela équivaudrait à dire que le Parlement n'a plus lieu d'être.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Je suis d'accord avec le rapporteur sur la forme, mais sur le fond, c'est vrai qu'il y a un vrai problème. La dernière partie de la justification de l'amendement m'interpelle puisqu'il s'agit de permettre dans certains lieux et à certains moments, non pas d'assouplir le PPRT lui-même mais de réfléchir à des solutions alternatives. Pour avoir fait le tour de France à l'occasion de mon rapport sur les ports décentralisés, je peux vous assurer que sur l'ensemble des ports décentralisés, il n'y en a qu'un qui a finalisé son PPRT, tant les procédures sont compliquées. Je prends un exemple dans un des ports que j'ai visités : un hangar se situait dans le périmètre jugé le plus dangereux. Autorisation avait été donnée au port de conserver le hangar pour stocker les marchandises, à condition d'installer des piliers de soutènement tous les deux ou trois mètres, ce qui rendait le stockage des marchandises impossible. À ce compte-là, autant raser le bâtiment...

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

On ne peut pas légiférer par ordonnances sur le sujet de la prévention des risques. Cet amendement propose de revenir sur la loi votée à l'époque sur la prévention des risques, dont on sait aujourd'hui que nous n'avons pas les moyens de l'appliquer. Or, dans le budget de cette année, les crédits qui y sont dédiés sont encore en baisse, alors même qu'on sait qu'il faudrait augmenter le nombre d'inspecteurs. C'est le rôle du Parlement, et surtout du Sénat au regard de sa compétence en matière de collectivités, de légiférer sur le sujet de la prévention des risques.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Je ne suis pas allergique aux ordonnances en soi, mais le Gouvernement aurait pu nous faire part de ses intentions avant, d'autant que l'habilitation sollicitée est très large et dépasse l'exemple donné par Odette Herviaux. Je pense qu'il faut mettre un coup d'arrêt à cette méthode qui dessaisit le Parlement de son rôle de législateur. Cela n'empêche que sur le fond, il y a peut-être des choses à rectifier. Nous aurons l'occasion de le faire lors de l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 85.

Article 11 bis

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Nous avons là deux amendements identiques, le 35 et 62, qui visent à supprimer l'article 11 bis. Cet article, qui a été inséré par la commission spéciale à l'Assemblée nationale, vise à autoriser, par dérogation, le convoyage par motoneige de la clientèle des restaurants d'altitude. Notre commission a adopté cet article avec une modification de coordination, pour quelques raisons simples. Nos stations de ski sont en concurrence avec des stations étrangères, dans lesquelles ce convoyage est autorisé (plus de 400 stations sont concernées, principalement dans les Alpes), ce qui pèse donc sur leur attractivité et donc sur leur compétitivité économique. Par ailleurs, le service nocturne de ces établissements représente une part importante de leur chiffre d'affaires : jusqu'à 45 % d'après les chiffres communiqués par le Gouvernement. Enfin, cette mesure serait une mesure favorable à l'activité et à l'emploi dans les stations.

En revanche, et c'est bien l'inquiétude qui est exprimée par ces amendements, cette dérogation devra être strictement encadrée par le décret prévu. L'impact environnemental de cette dérogation devra être pris en compte. Et aussi l'impératif de sécurité. Le Gouvernement nous a déjà indiqué que le décret prévoirait notamment que les motoneiges ne pourraient pas circuler dans les zones de réserve naturelle, ni hors des pistes déjà utilisées par les dameuses.

C'est pourquoi je vous proposerai d'émettre un avis défavorable à cet amendement. Je souhaite néanmoins que le Gouvernement soit plus spécifique sur les précautions qui seront prises dans la mise en oeuvre de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Où est l'étude d'impact environnemental de cette mesure ? Il s'agit d'une fausse simplification. Évidemment, la tendance aujourd'hui est à considérer que seule compte l'économie et que l'écologie passe par pertes et profits. Je pense que cette mesure va conduire à une augmentation du contentieux. Les associations veilleront à ce que l'exercice encadré de cette nouvelle possibilité soit respecté et déposeront des recours. Pour les mêmes raisons que le rapporteur avançait à l'amendement précédent, je trouve que l'introduction de cet article à l'Assemblée nationale est extrêmement légère. Je donnerai un avis favorable à ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Miquel

Je rejoins tout à fait l'analyse du rapporteur sur ce sujet. Nous ne pouvons pas pénaliser nos entreprises par rapport à celles qui travaillent dans des conditions similaires dans les pays voisins. Quant à la faune sauvage, on en a partout. Pourquoi ne pas interdire aussi la circulation automobile dans ces conditions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Médevielle

Je pense aussi que cet article posera des problèmes certains. Je suis aussi élu de montagne. L'utilisation de ces motoneiges la nuit va poser des problèmes de circulation sur les pistes réservées aux dameuses, aux heures où le trafic est le plus important. Cela posera aussi des problèmes en termes d'environnement. D'un point de vue économique enfin, je ne vois pas où est la difficulté : les repas servis dans les restaurants d'altitude ne seront pas servis dans les stations. Cela créera un désordre certain avec les associations de protection de la nature, y compris hors des parcs naturels régionaux. Évitons à tout prix ce surplus de fonctionnement sur les pistes nocturnes.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Je précise que l'article ne prévoit que le convoyage des clients par motoneige.

- Présidence de M. Hervé Maurey, président - 

La commission émet un avis défavorable aux amendements n° 36 et 62.