Commission des affaires économiques

Réunion du 8 novembre 2016 à 17h50

Résumé de la réunion

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La réunion

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La réunion est ouverte à 17 h 50.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Nous avons le plaisir d'accueillir M. Christophe Sirugue, secrétaire d'État chargé de l'industrie auprès du ministre de l'économie et des finances.

Permettez-moi d'abord, monsieur le secrétaire d'État, de vous féliciter pour votre prise de fonction le 1er septembre dernier.

Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2017, la commission souhaite vous entendre sur les incidences budgétaires et fiscales de la politique industrielle dont vous êtes en charge. Les dispositifs d'appui à l'industrie sont dispersés sur de nombreuses lignes budgétaires, au sein de plusieurs programmes et missions. Ils mobilisent également de nombreuses dispenses fiscales, de sorte qu'il n'est pas facile d'appréhender globalement l'effort financier de la Nation envers ce secteur moteur de l'économie et de l'innovation. Nous comptons donc sur vous pour nous apporter un éclairage budgétaire et fiscal d'ensemble.

Au-delà de ces considérations directement liées à l'examen du projet de loi de finances, nous souhaitons également vous entendre sur la politique industrielle menée par le Gouvernement, sur l'ambition de la France dans ce domaine et sur les avancées du programme Industrie du futur.

Enfin, nous vous entendrons sur un certain nombre de dossiers dont l'impact géographique est important pour les membres de cette commission. Je pense à l'avenir d'Alstom, à la situation de STX, mais également aux questions d'énergie.

Debut de section - Permalien
Christophe Sirugue, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'industrie

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je viens aujourd'hui vous présenter les enjeux du projet de loi de finances pour 2017 sur les thématiques que j'ai en charge : l'industrie, les services et la concurrence. Je vous présenterai le cadre global budgétaire et fiscal inscrit dans le projet de loi de finances pour 2017 en faveur du développement des entreprises au travers bien évidemment de la mission « Économie », mais pas uniquement.

Pour répondre à votre sollicitation, monsieur le président, j'évoquerai également les grandes lignes de la politique industrielle de notre pays et les mesures mises en oeuvre depuis 2012.

Les politiques industrielles ont constitué, au cours de ce quinquennat, l'une des priorités du Gouvernement. Cette priorité s'est traduite, dans un premier temps, par la mise en place de mesures visant à favoriser la compétitivité-coût de nos entreprises. Je pense au CICE, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, et au pacte de responsabilité, bien sûr, mais également aux dispositions en faveur de l'innovation. Le crédit d'impôt recherche et le statut de Jeune entreprise innovante ont ainsi été sanctuarisés tout au long de la mandature. Le crédit d'impôt innovation a été mis en place.

Ces mesures permettent aujourd'hui à la France d'avoir un coût horaire de la main-d'oeuvre dans l'industrie plus faible qu'en Allemagne, soit 36,4 euros contre 37,3 euros. Elles offrent un cadre particulièrement favorable à la recherche, le crédit d'impôt recherche étant un élément extrêmement attractif à l'échelon européen et mondial.

Ces mesures ont aussi permis d'améliorer les marges de nos entreprises, dont le taux est passé de 29,4 % de la valeur ajoutée en 2014 à 31,3 % à la fin de 2015. Le projet de loi de finances pour 2017 poursuit et amplifie ce mouvement. Le CICE sera renforcé, son taux passant de 6 % à 7 %. Le projet de loi de finances prévoit également une réduction de l'impôt sur les sociétés pour les PME réalisant moins de 75 000 euros de bénéfice annuel, dont le taux d'imposition sera désormais plafonné à 28 %.

Nous dégageons ainsi des moyens très importants - plusieurs dizaines de milliards d'euros par an - en faveur de notre économie, tout en poursuivant une politique responsable de maîtrise du déficit public, lequel passera sous la barre des 3 % du PIB en 2017. Ces efforts sont indispensables, car ils permettent d'amorcer un cercle vertueux qui bénéficie tant aux salariés qu'aux entreprises.

De façon plus sectorielle, le Gouvernement a souhaité mettre en place en 2016 un mécanisme dit de « compensation carbone » visant à rembourser aux entreprises électro-intensives le coût carbone de leur électricité afin de ne pas les pénaliser dans la compétition internationale. C'est un dispositif prévu par les textes européens que certains pays, notamment l'Allemagne, appliquent de longue date. Il sera en augmentation de 24 millions d'euros par rapport à 2016 pour tenir compte de la hausse du prix du carbone et figurera désormais au sein de la mission « Économie », et non plus de la mission « Écologie », afin de rendre plus lisible notre action en faveur de l'industrie.

Je vais évoquer maintenant le deuxième pilier de notre action économique : les mesures en faveur de la compétitivité hors coût.

Je pense d'abord au choc de simplification lancé en 2013, qui a pour objectif de raccourcir et d'uniformiser les procédures administratives et de permettre ainsi aux entreprises de se concentrer sur le coeur de leur activité.

Je pense ensuite aux mesures mises en oeuvre depuis le début du quinquennat en matière d'intervention publique auprès des entreprises pour faciliter leur quotidien. L'État a adapté son champ d'intervention pour tenir compte du rôle désormais clarifié des collectivités locales, en particulier des régions, en matière de développement économique. Cela s'est traduit par une rationalisation du rôle du réseau déconcentré de l'État.

L'État a par ailleurs procédé à un regroupement progressif de l'essentiel de son action en faveur des entreprises au sein de deux organismes publics, contre six précédemment : Bpifrance pour le financement, Business France pour l'accompagnement à l'international. L'année 2017 verra ce mouvement se parachever avec le transfert au 1er janvier des garanties en faveur du commerce extérieur de Coface à Bpifrance.

Toutes ces démarches sont sources d'économies et permettent à notre ministère de contribuer de manière exemplaire à l'effort de réduction des dépenses budgétaires de l'État.

L'action de régulation économique est un autre élément clé en faveur de la compétitivité hors coût, indispensable au développement des entreprises. Elle a été étendue dans plusieurs textes récents, en particulier dans la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. Cette action est conduite par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, et la Direction générale des entreprises, la DGE, ainsi que par plusieurs autorités indépendantes, au premier rang desquelles l'Autorité de la concurrence, et par des organismes dont nous parlons moins souvent mais dont l'action est tout aussi essentielle, tels que l'AFNOR et l'Institut national de la propriété industrielle, l'INPI. Les moyens dans ce champ sont préservés dans le projet de loi de finances pour 2017, ce qui se traduit notamment par une stabilisation des emplois de la DGCCRF et de l'Autorité de la concurrence.

D'autres mesures au profit de l'industrie peuvent également être citées. C'est le cas des taxes affectées aux centres techniques industriels, les CTI, et aux comités professionnels de développement économique, les CPDE, dont le plafond s'établit à 142 millions d'euros dans le projet de budget, ce qui permet une stabilisation de leurs moyens globaux.

Ce projet de loi de finances vise également à renforcer l'attractivité de la France par l'extension à huit ans de la durée du bénéfice du régime des impatriés fiscaux et par l'exonération de taxe sur les salaires des primes d'impatriation.

Afin de coordonner au mieux ces différentes mesures et de les diffuser au sein de notre économie et de notre tissu industriel, nous avons mis en place une structure d'ensemble, la Nouvelle France industrielle. Cette structure s'articule autour de neuf grandes solutions qui visent à moderniser les produits et les services qu'offre notre industrie.

Les moyens qui y sont dédiés sont importants. Je pense, par exemple, à la solution mobilité écologique : 70 millions d'euros seront consacrés au soutien à la recherche et au développement dans le secteur aéronautique sur le programme 190 de la mission « Écologie » et 350 millions d'euros à l'aide à l'acquisition de véhicules propres, également appelé « bonus automobile », retracé sur un compte d'affectation spéciale dédié.

Les pôles de compétitivité, tout comme les comités stratégiques de filière, ont quant à eux pour but d'articuler au mieux les différents acteurs. À cet égard, je tiens à souligner tout particulièrement le maintien dans le projet de loi de finances pour 2017 d'un volume d'engagement de 80 millions d'euros en faveur des projets des pôles de compétitivité au travers du Fonds unique interministériel, le FUI. Un soutien ciblé en faveur des gisements de compétitivité majeurs a été mis en place, en complément du cadre transversal que je viens de décrire. C'est toute la démarche du programme des investissements d'avenir, qui avait été initié sous la précédente mandature, et que nous avons redynamisé avec un deuxième volet en 2014, puis un troisième de 10 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2017, dont 3,6 milliards d'euros seront plus spécifiquement destinés à l'industrie.

Au global, l'ensemble des crédits de la mission « Économie » sont stables par rapport à 2016, à 1,6 milliard d'euros, une fois retraités les effets de périmètre, comme le sont, au sein de la mission, ceux du programme 134, « Développement des entreprises et du tourisme », à 1 milliard d'euros. Quant aux emplois, ils seront en réduction de 136 équivalents temps plein en 2017, dont 22 sur le programme 134.

Au-delà de cette mission, le programme 192 de la mission « Recherche et enseignement supérieur », qui finance les aides à l'innovation, ainsi que les grandes écoles sous tutelle du ministère, verra ses moyens stabilisés en autorisations d'engagements à 780 millions d'euros, avec des crédits de paiement en baisse de 25 millions d'euros, pour tenir compte du rythme de versement effectif de certaines aides à l'innovation.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les principaux éléments relatifs au projet de loi de finances pour 2017 que je souhaitais évoquer devant vous.

Je précise que, dans le domaine fort vaste des politiques industrielles, nous distinguons plusieurs enjeux.

Le premier est d'expression collective : il faut sortir de l'habituel discours décliniste. Nos actions, dont certaines ont été enclenchées sous la précédente législature, visent à renforcer la compétitivité de nos entreprises et à moderniser notre capacité industrielle. Pour les mener à bien, nous avons des outils, tels Bpifrance et BusinessFrance, et aussi la volonté d'animer les filières industrielles. J'ai donc souhaité multiplier les rencontres avec les comités stratégiques de filières, au sein desquels sont représentés les industriels, les partenaires sociaux et les services de l'État.

Le deuxième enjeu est l'aide aux entreprises en difficulté. En la matière, l'État peut avoir un rôle d'incitateur ou d'accompagnateur, mais jamais de spectateur. Les politiques industrielles ont besoin de stratégies, lesquelles peuvent être mises en place avec les acteurs du monde industriel. L'État doit y prendre sa part à la place qui est la sienne, parfois en tant qu'actionnaire. Mais ce n'est pas la qualité d'actionnaire qui conditionne l'effet levier. C'est dans le dialogue avec les responsables d'entreprises que l'État peut participer à cet effort commun.

Le troisième enjeu est la valorisation du monde industriel. Les projets « vitrines de l'industrie du futur » font partie, à cet égard, du message porté par l'État et que j'entends diffuser dans le cadre de mes fonctions.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

Ma première remarque porte sur la lisibilité des crédits de la mission « Économie ». Il faut tout le talent des administrateurs de notre commission pour mettre au jour la traçabilité de ces crédits d'une année à l'autre !

La mission connaît, dans le présent projet de loi de finances, d'importants transferts de crédits en provenance d'autres missions. Par exemple, les mesures de soutien des entreprises électro-intensives renforcent la dotation du programme 134 à hauteur de 116,7 millions d'euros. Cela représente une augmentation faciale, considérable, de plus de 10 % en crédits de paiement et de 20 % en autorisations d'engagement. Malgré tout, les crédits de la mission stagnent, et diminuent même de 0,7 % si l'on enlève le titre II relatif aux frais de personnel.

Par ailleurs, de nouvelles baisses de crédits vont affecter nos territoires. Les crédits du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce, le FISAC, tombent à 10 millions d'euros, soit presque rien. Quant aux recettes des chambres de commerce et d'industrie, les CCI, elles sont de nouveau ponctionnées. Je sais que ces questions ne relèvent pas du périmètre de votre secrétariat d'Etat, mais je souhaitais en faire état.

J'en viens aux politiques industrielles. L'emploi industriel a atteint son plus bas niveau, soit 12 % des actifs. La production manufacturière française a encore baissé au premier trimestre 2016. Notre industrie continue donc de souffrir. Or l'État actionnaire détient, dans de grandes entreprises industrielles, des participations qui pourraient être des leviers d'intervention. Ne pourrait-il les utiliser pour développer une véritable politique industrielle ?

Enfin, le Conseil de la simplification pour les entreprises annonce régulièrement des trains de mesures, sans doute utiles, mais dont l'effet n'est pas ressenti sur le terrain, comme l'a constaté la délégation sénatoriale aux entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Notre lecture des crédits cette mission ne doit pas se focaliser sur les seuls chiffres spécifiques à l'industrie. Lorsque les crédits du CICE passent de 6 % à 7 %, cela bénéficie à l'industrie !

À l'occasion de la mission commune d'information sur la désindustrialisation des territoires, nous avions qualifié le coût du travail dans notre pays, comparé à celui de l'Allemagne, de problème majeur. Ce retard, nous l'avons comblé.

L'impôt sur les sociétés, qui était très lourd pour les PME, a été réduit.

On constate également une volonté politique d'agir en faveur de la simplification.

La politique de suramortissement, qui a été très bénéfique, prendra fin en avril 2017. Je connais plusieurs entreprises, notamment des PME, pour lesquelles cette aide a été très importante.

Vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État, l'idée essentielle est d'engager une politique d'investissement de grande ampleur, à l'heure où l'Allemagne met en place sa politique d'industrie 4.0 et où la digitalisation de l'économie devient une question essentielle.

L'INSEE observe, pour la première fois, que la diminution de l'emploi industriel et de la place de l'industrie dans notre économie est arrêtée. Il faut désormais regagner des parts de marché. Nous ne pourrons le faire qu'en encourageant la compétitivité et la modernisation de nos entreprises. Notre retard dans le domaine de la robotique, par exemple, pose problème.

Comment passer d'une politique visant à mettre fin à la désindustrialisation à une autre, volontariste, destinée à redonner à l'industrie française la place qui devrait être la sienne ?

Les neuf grandes solutions tendant à moderniser notre industrie sont, à cet égard, essentielles. Quant aux pôles de compétitivité, ils seront soutenus, à la fois, par l'État et par les collectivités territoriales, notamment les régions. Comment utiliser au mieux toutes ces politiques industrielles pour regagner des parts de marché ?

On a rarement vu, lors de l'examen de cette mission, autant de crédits en faveur de l'industrie. Pour autant, l'investissement a du mal à redémarrer.

Comment faire pour que les nouvelles marges dont bénéficie l'industrie favorisent l'investissement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Vaugrenard

La concurrence est beaucoup plus forte dans le domaine industriel que dans n'importe quel autre secteur économique, et confine parfois à la déloyauté. Il est nécessaire, de ce fait, que les entreprises soient très compétitives. Dans ce contexte, il ne peut y avoir de politique industrielle sans volontarisme politique.

Vous l'avez souligné, l'État peut intervenir directement ou indirectement, accomplir son devoir de vigilance, mais il ne saurait rester spectateur.

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez dit récemment : « L'industrie du futur est l'enjeu central de la reconquête industrielle ». Je partage ce point de vue. Je ne pense pas forcément à une industrie nouvelle, comme celle du numérique, mais à une industrie traditionnelle modernisée, adaptée à l'air du temps.

Je citerai l'exemple des chantiers navals STX de Saint-Nazaire. On y a construit l'un des plus grands portiques du monde - le plus grand au niveau européen -, d'une valeur de 300 millions d'euros. Dans le même temps, une somme identique a été investie dans les commandes numériques et robotiques. Avec ces deux investissements, l'un plus traditionnel et l'autre plus innovant, nous avons un coup d'avance sur nos concurrents.

Ces chantiers sont actuellement en vente. Le 4 novembre dernier, en Corée, des offres d'achat ont été déposées devant le tribunal compétent. L'État, partenaire de STX France à hauteur de 33,3 % du capital, compte-t-il exercer son droit d'intervention en tant qu'actionnaire minoritaire ? J'ajoute qu'il s'agit d'un secteur stratégique et que l'État pourrait aussi intervenir à ce titre. Mettra-t-il tout en oeuvre pour que soit respectée notre logique industrielle, plutôt que la logique financière des Coréens ?

Pouvez-vous nous donner des informations sur ces acheteurs potentiels ? Nous sommes, pour notre part, plutôt favorables à un rachat par le groupe Damen et par les croisiéristes MSC et Royal Caribbean Cruise Line - pourquoi pas avec la participation de DCNS ? -, qui sont les acheteurs des navires construits à Saint-Nazaire.

J'ai demandé lors d'une audition au directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, Pierre-René Lemas, si, en cas de crise financière majeure, une entrée de la Caisse au capital de STX était envisageable. Il m'a répondu que les chantiers navals étaient « une entreprise intéressante », autrement dit que cette hypothèse n'était pas à écarter.

Le 11 novembre prochain, des informations nous parviendront de Corée. Pouvez-vous, d'ores et déjà, nous en dire plus ?

Pouvez-vous réaffirmer la détermination de l'État à l'endroit de notre industrie navale, l'un des fleurons de l'industrie française ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Nous partageons votre objectif de regain de compétitivité et de modernisation des entreprises, mais du point de vue budgétaire les choses sont plus compliquées.

Le budget présenté est stable. Or, pour les aides à l'investissement et à la création d'entreprise, le plus gros financeur n'est pas l'État, mais les collectivités locales, c'est-à-dire aujourd'hui les régions.

Pour ce qui concerne l'aide aux entreprises, ce budget est en diminution. Avec une participation de l'État à hauteur de 16 % et des régions à hauteur de 36 %, le compte n'y est pas. Par ailleurs, les compétences et le chef de filât sont basculés vers les régions, alors qu'elles n'ont pas les moyens budgétaires de mener cette politique d'accompagnement et de se substituer à l'aide auparavant assumée par les départements.

L'année 2016 était de transition. Comment allez-vous faire en 2017 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

Mes questions porteront sur l'industrie du futur. On peut se retrouver autour des objectifs relatifs à la robotique, au big data, aux objets connectés, au calcul intensif et à la réalité augmentée, car ces secteurs sont stratégiques.

Premier point : les pôles de compétitivité. Avec Michel Houel, nous avions insisté, dans un rapport, sur la nécessaire articulation entre une politique stratégique industrielle au niveau national et une politique territoriale de consolidation. Quelle est votre position sur le nécessaire soutien à la structuration des écosystèmes émergents, ou en consolidation dans les territoires via les pôles de compétitivité ?

Je reprendrai trois remarques faites par la Cour des comptes. Du point de vue des compétences économiques, comment envisagez-vous l'articulation entre les pôles de compétitivité et les régions ? N'est-il pas nécessaire de regrouper la compétence et la gestion des pôles au sein du ministère de l'industrie ? De quel soutien actif ces écosystèmes pourraient-ils bénéficier ?

Deuxième point : le crédit d'impôt recherche et le CICE. En 2017, environ 40 milliards d'euros seront consacrés à ce titre aux entreprises. C'est considérable. Je citerai deux exemples de la situation sur le terrain.

Dans mon territoire, l'entreprise Wipro, qui avait racheté New Logic en 2006, a bénéficié en mai 2009 d'un crédit d'impôt recherche de 5 millions d'euros ; le mois suivant, elle fermait son site, où travaillaient 62 salariés.

La société Intel a décidé - après IBM, Samsung, Nvidia et Texas Instruments - de restructurer ses centres de recherche en Europe. Elle les a implantés en Allemagne, fermant plusieurs sites français, y compris dans ma circonscription. Plus de 360 salariés, à 95 % des chercheurs, sont concernés. Je suis un fervent soutien du CICE et du CIR, mais ne serait-il pas temps de prévoir un dispositif pour récupérer ces fonds publics lorsque les entreprises qui en ont bénéficié licencient dans ces proportions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Tandonnet

La filière française de l'eau, qui est très compétitive, a fait l'effort de regrouper ses pôles de compétitivité. Le Gouvernement envisagerait de les diviser et de transférer la compétence aux régions. Cette solution ne paraît pas adaptée : ces entreprises, qui travaillent essentiellement à l'étranger, ont besoin d'avoir une vision nationale pour agir à l'international.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Où en est la filière nucléaire ? Le Gouvernement a annoncé son intention de recapitaliser EDF et Areva. Confirmez-vous cette information ? Pour quel montant ? Quelle sera la stratégie à la clé pour ces deux grandes entreprises ?

Où en est le dossier Hinkley Point après le feu vert du gouvernement britannique ? Ce projet a suscité des critiques, y compris au sein d'EDF, au vu de la situation financière de l'entreprise.

Selon l'Agence internationale de l'énergie, aucune nouvelle centrale polluante ne devrait voir le jour si l'on veut tenir l'objectif de limiter à 2 degrés le réchauffement. EDF et Engie ont certes annoncé qu'il n'y aurait plus d'ouverture de centrale à charbon, mais ces entreprises détiennent encore une cinquantaine de centrales de ce type en activité dans le monde. Elles ne semblent pas vouloir les fermer, mais les vendre, ce qui reviendrait à prolonger leur durée de vie. Quel est l'avis du Gouvernement sur ce sujet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Bataille

Pouvez-vous faire un point sur la stratégie industrielle du Gouvernement à la suite de l'annonce par le groupe Alstom de fermer le site de Belfort ? Cette situation aurait impacté la course au contrat du RER nouvelle génération. Le groupe franco-canadien Bombardier a remis son offre. C'est une bonne nouvelle pour les salariés d'Alstom et de Bombardier, qui disposent d'une expérience commune dans la construction de métros, RER et TGV, mais aussi pour le Nord où sont installées deux usines, l'une de 1 200 et l'autre de 2 000 salariés.

C'est une bonne nouvelle, enfin, pour l'ensemble des sites. Cela permettra, à la fois, d'éviter de grandes difficultés dans la filière ferroviaire et des licenciements.

Pouvez-vous nous confirmer le calendrier d'attribution du marché, qui devrait débuter en janvier prochain ? Quelles sont les perspectives pour le groupe à moyen et long terme ?

Pour ce qui concerne le secteur de l'automobile, on entend de nombreux commentaires sur la participation de l'État au capital de PSA et de Renault. Pouvez-vous nous en dire plus sur le rôle de l'État actionnaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Les PME innovantes sont confrontées au problème des copies. Le secteur de la lunette souffre beaucoup de ce fait. Quant aux entreprises du jouet, elles sont confrontées à la concurrence de pays où la main-d'oeuvre est moins chère, et qui sortent des copies de leurs produits dans des délais de six à neuf mois.

Les crédits dédiés à la recherche et à l'innovation sont-ils suffisants pour aider ces entreprises ? Face au problème des copies, notre pays ne pourrait-il être plus protecteur ? Les PME de ce secteur, si importantes pour notre monde rural, doivent sans cesse inventer de nouveaux modèles pour continuer à exister sur le marché !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Avant de vous donner la parole, monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi de vous transmettre une question sur les entreprises électro-intensives, que souhaitait vous poser notre collègue Jean-Pierre Vial, qui n'est pas membre de la commission des affaires économiques.

À partir du 1er janvier 2017 va s'appliquer un dispositif relatif à l'effacement qui suscite des interrogations, voire de l'incompréhension, parmi les industriels et certains représentants de la Commission européenne. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce mécanisme ?

Debut de section - Permalien
Christophe Sirugue, secrétaire d'État

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vais tenter de répondre à vos questions le plus précisément possible.

Il est vrai, madame Lamure, que la configuration du budget a évolué, mais dans un esprit de rationalisation du secteur industriel. Ainsi, la cible de la compensation carbone, que vous avez citée, est d'abord l'industrie. Elle vise en effet à rembourser aux industriels une partie du coût du carbone répercutée dans le prix de leur électricité.

Ce budget est globalement stable, nonobstant notre participation à l'effort demandé à chaque ministère pour tenir l'objectif de réduction des dépenses publiques. Il faut mettre tous ces éléments en perspective.

Vous avez évoqué la diminution des crédits consacrés au FISAC et aux CCI, qui ne relèvent pas directement de mon secrétariat d'État.

La baisse des crédits de paiement du FISAC est faciale : elle résulte essentiellement de l'apurement du stock des dernières années, lequel s'achèvera en 2016. Les autorisations d'engagement seront maintenues par rapport à 2016.

Pour ce qui concerne les CCI, le débat est complexe. Les baisses de taxes qui leur sont affectées correspondent aux capacités d'économies réelles du réseau. La diminution importante du nombre de structures rend possible la baisse de 60 millions d'euros proposée dans le projet de loi de finances pour 2017. L'apprentissage est sanctuarisé, car il bénéficie de fonds dédiés.

S'agissant des éléments d'intervention, je rappelle l'importance du dispositif France Expérimentation. Les entreprises n'ont jamais le sentiment que les efforts de simplification administrative se traduisent concrètement. Il s'agit d'être pragmatique face aux difficultés des entreprises et de trouver des solutions interministérielles pour simplifier leur quotidien. Dans le cadre des premiers appels à candidature, 50 dossiers ont été déposés. Nous les examinons pour répondre concrètement à ces enjeux essentiels. Par ailleurs, la mise en place de la déclaration sociale nominative permettra également de simplifier les formalités des entreprises.

Je vous confirme, monsieur Bourquin, que le suramortissement prendra fin en avril 2017. L'ensemble de l'effort engagé n'est pas sans résultat, loin s'en faut.

À cet égard, madame Lamure, le tableau que vous avez dressé me paraît bien sombre. Je rappelle quelques éléments importants. L'investissement privé a augmenté de 7 % entre 2015 et 2016. Les marges se rétablissent, retrouvant le niveau qui était le leur avant la crise. On observe aussi un rétablissement des trésoreries, lié aux dispositifs mis en place. Enfin, 140 000 emplois ont été créés grâce au CICE.

Le rétablissement des marges et des trésoreries, c'est autant d'emplois qui n'ont pas été supprimés !

La proposition gouvernementale de porter le taux du CICE de 6 % à 7 % participe de cette ambition, même si le parcours est complexe. Le rétablissement de la situation des entreprises ne se fait pas en quelques mois. Il nous faut poursuivre l'effort, mais l'engagement est pris.

J'en viens au projet Industrie du futur. En amont du dernier Conseil « compétitivité » à Bruxelles, nous avons rencontré nos partenaires allemands, qui ont mis en place le dispositif Industrie 4.0. Le Parlement européen a réaffirmé la nécessité d'une politique industrielle à l'échelle communautaire. Je m'en réjouis, car c'est un enjeu déterminant.

Il faut avoir à l'esprit que, dans certains pays européens, l'industrie n'existe plus. Leur objectif n'est pas le développement de politiques industrielles, mais de politiques d'achat de produits manufacturés au plus bas prix.

Avec l'Allemagne, la Belgique, le Royaume-Uni, l'Italie, nous soutenons cet enjeu de politique industrielle européenne. Je suis très satisfait, à cet égard, qu'ait été réaffirmé l'objectif de 20 % du PIB consacré aux enjeux industriels, car il nous permettra de mener ensemble ces politiques.

Il est vrai, monsieur Vaugrenard, que nous sommes confrontés à une concurrence parfois déloyale. Il faut se réjouir que l'Europe, face à l'agressivité du secteur chinois de l'acier, ait défini 37 mesures qui sont autant d'outils donnés à nos industriels pour lutter à armes égales.

Redresser l'industrie nécessite d'analyser lucidement la situation industrielle. Il ne s'agit pas d'en revenir aux bassins industriels que nous avons connus dans le passé, par exemple à l'est de la France. Il faut travailler sur l'enjeu de modernisation, car toutes les industries sont confrontées à des révolutions, qu'elles soient écologiques ou numériques. Cela signifie non pas qu'il faille tout réduire à l'industrie du numérique, mais que toutes les entreprises, y compris celles qui sont ancrées dans les territoires, doivent intégrer le numérique dans leur outil de production.

Les pôles de compétitivité sont importants, car ils mobilisent les acteurs autour d'une même ambition et d'une thématique industrielle forte. Nous devons veiller à ne pas les démobiliser. Porter une appréciation qualitative sur ces pôles, selon qu'ils sont d'échelon régional ou national, c'est ubuesque au regard de la capacité économique et industrielle conférée aux régions par le législateur !

Il faut être cohérent. On ne peut pas, à la fois, dire que les régions sont les animateurs essentiels des politiques économiques et considérer qu'un pôle maintenu à l'échelon régional est sous-coté. Si l'on n'évolue pas sur cette question, on raisonnera toujours en termes de pôles nationaux « vertueux » et de pôles régionaux qui le seraient moins.

Arrêtons donc de parler de pôles nationaux ou régionaux. Il existe des pôles dans le domaine agricole, dans ceux de la défense ou de l'industrie. Pourquoi les crédits d'animation ne pourraient-ils pas être gérés au niveau régional ? En revanche, la Direccte doit participer à la gouvernance des pôles de compétitivité et l'État doit être garant de la stratégie. Il doit aussi conserver sa capacité à intervenir. Cessons donc de considérer le national comme plus important que le régional et soutenons les pôles de compétitivité, quitte à leur faire des remarques s'ils ne sont pas assez dynamiques. En tous cas, nous ne proposons pas de dé-labellisation.

En ce moment, je suis le dossier STX quasi-quotidiennement. Le 4 novembre, quatre offres ont été déposées devant le tribunal de commerce de Séoul. Deux présentent la vocation industrielle dont la France souhaite, pour des raisons stratégiques évidentes, que le repreneur soit doté. J'ai reçu l'ambassadeur de Corée pour lui expliquer notre position et lui rappeler que nous disposons de deux leviers : notre minorité de blocage et le dispositif sur les investissements étrangers. J'ai passé le même message au ministre de l'industrie coréen, que j'ai eu au téléphone la semaine dernière. Cela dit, c'est le tribunal de commerce de Séoul qui procède à la vente, et c'est à lui que la décision revient. Nous saurons le 11 novembre si les dossiers déposés sont recevables et le calendrier, ensuite, sera plus ou moins rapide. Je n'entrerai pas dans la question de la composition du consortium, mais il ne serait pas anormal que DCNS participe à cette réflexion industrielle.

La stabilité globale des moyens concerne les crédits de l'État, monsieur Gremillet, et suppose que le budget des collectivités territoriales n'augmente pas dans le même temps. L'État assume clairement son rôle. Le Gouvernement a mobilisé 40 milliards d'euros pour soutenir les entreprises : qu'on ne dise pas qu'il reste en-deçà ! D'aucuns lui reprochent d'ailleurs d'en faire trop.

Le nombre de priorités pour l'industrie du futur est en effet passé à neuf. Nous souhaitons une gouvernance partagée entre les industriels et l'État ; 500 entreprises sont engagées dans l'industrie du futur, autour de 1 000 projets, soutenus à hauteur de 1,9 milliard d'euros. Lancé en avril 2015, ce dispositif est en développement. J'ai participé au comité de pilotage il y a quelques jours. Le fait que BPI France renforce d'un milliard d'euros son enveloppe de prêts à destination des PME révèle bien notre mobilisation en leur faveur. Elles en ont besoin pour les accompagner dans l'innovation, qui peut représenter un risque important pour elles.

J'ai rencontré le président de l'ARF, et lui ai dit que nous souhaitons réaffirmer la place de chacun : l'État n'entend pas se dessaisir des pôles de compétitivité, mais les régions demeurent leurs interlocuteurs privilégiés.

Debut de section - Permalien
Christophe Sirugue, secrétaire d'État

Je me suis engagé à maintenir le niveau de crédits de 2016, et celui du FUI, dont les autorisations d'engagements sont maintenues. L'échelon national est celui où doit être définie la stratégie industrielle. C'est le rôle de l'État. Celui des régions est de la mettre en oeuvre.

Debut de section - Permalien
Christophe Sirugue, secrétaire d'État

Je suis prêt à ce que les moyens d'animation soient transférés aux régions, car je ne suis pas sûr que l'État soit compétent pour les gérer, tant ils sont finement ventilés. Je consulte actuellement mes collègues sur ce point. Bien sûr, l'État doit en conserver une part pour pouvoir faire des appels à projets.

Debut de section - Permalien
Christophe Sirugue, secrétaire d'État

Nous souhaitons aussi que l'État continue à piloter le programme d'investissements d'avenir et le FUI. Vous l'avez compris : je considère que l'État ne doit pas être spectateur des stratégies industrielles, et que celles-ci doivent faire l'objet d'un portage partenarial.

Sur la récupération des crédits, je suppose que vous songiez à Intel...

Debut de section - Permalien
Christophe Sirugue, secrétaire d'État

Le principe de non-rétroactivité fiscale s'impose, mais quand je reçois les responsables de ces entreprises, je ne me prive pas de leur rappeler la participation des fonds publics à l'évolution de l'appareil de production, et de leur entreprise.

Il y a bien trois pôles de l'eau, monsieur Tandonnet. La réforme ne vise pas à les régionaliser mais à mieux les articuler.

La filière nucléaire a connu de longues années de difficulté. Issu d'un territoire concerné par ces questions, j'ai dit plusieurs fois que je suis extrêmement heureux que l'État ait décidé de la restructurer, et de faire d'EDF son chef de file. Comme vous, j'ai connu cette période grandiose où les responsables d'EDF et d'Areva communiquaient difficilement. Ce n'était guère fructueux. La restructuration passe par un effort de recapitalisation d'EDF et d'Areva. Les engagements pris par l'État à cet égard seront tenus. Une participation a été annoncée pour le premier trimestre 2017. Quant aux craintes sur la situation financière d'EDF, elles doivent nous inspirer la plus grande vigilance, mais les efforts internes, la vente d'actif et la recapitalisation prévue devraient conduire à une stabilisation.

Je me réjouis que le projet d'Hinkley Point continue. Si nous n'avions pas été retenus, nous aurions perdu non seulement un marché mais aussi la capacité à proposer notre savoir-faire. Pour moi, Hinkley Point constitue un nouveau démarrage pour notre filière nucléaire. Il fallait tirer les enseignements des difficultés en Finlande et à Flamanville. Nous l'avons fait et, forts de ces leçons, nous avons remporté le marché, pour ainsi dire, deux fois, puisque Mme May aurait pu changer complètement les exigences du Gouvernement britannique. Or, les conditions qu'elle a posées - stabilité du pacte d'actionnaires avant la mise en oeuvre, vigilance sur l'entrée d'investisseurs étrangers après - ne sont nullement irrecevables. Après tout, nous avons aussi un dispositif de vigilance susceptible d'être mobilisé dans la reprise de STX. Ce projet est donc un élément positif, tant pour EDF que pour Areva, qui devra fournir deux chaudières nucléaires et les systèmes de contrôle, ce qui représente 50 % de la charge de l'usine du Creusot dans les deux prochaines années, et 25 % de celle de Chalon / Saint-Marcel. Quant à EDF, son ingénierie sera considérablement mobilisée, tout comme les sous-traitants d'Alstom et GE à Belfort. En tout 4 500 emplois sont concernés par ce projet, qui suit son cours sans susciter, fort heureusement, d'inquiétudes majeures.

Le Gouvernement n'instaurera pas unilatéralement, par le PLF, de prix-plancher pour le carbone mais la programmation pluriannuelle de l'énergie prévoit la fermeture des centrales à charbon, avec un date-butoir fixée à 2023. Nous devons l'étaler dans le temps et faire un travail d'anticipation, dès aujourd'hui, pour éviter la multiplication de plans sociaux. Je ne crois pas qu'Engie ait choisi de vendre parce qu'il s'agissait de centrales à charbon. L'objectif était plutôt de se recentrer sur certaines missions.

Le dossier d'Alstom est l'un des premiers que j'ai eus à traiter. Oui, tous ceux qui s'intéressent au ferroviaire savaient que le carnet de commandes n'était pas suffisamment rempli. Pour autant, l'on ne pouvait pas deviner que l'entreprise choisirait de fermer le site de Belfort. Mon propos à l'égard de M. Poupart-Lafarge a donc moins été de lui donner des leçons de gestion de son entreprise - ce n'est pas mon rôle - que de m'étonner des conditions dans lesquelles il a fait cette annonce. Une fois cette explication franchement effectuée, il y a eu une volonté partagée de réfléchir à une solution ayant un sens industriel. M. Poupart-Lafarge souhaitait de la visibilité non seulement pour le site de Belfort, mais pour les autres. Je lui ai proposé de chercher des commandes, mais lui ai précisé qu'une commande publique impliquait de sa part un investissement crédible sur les sites d'Alstom en France.

La discussion s'est nouée dans de bonnes conditions et, avec le Secrétaire d'État aux Transports, nous avons passé en revue les commandes en cours. Certaines avaient été décidées, comme les TGV italiens ou les 30 TER. Nous avons travaillé sur la commande de 15 rames de TGV pour le corridor Sud. Nous n'avons pas inventé cette commande, elle existait déjà, et l'État aurait dû de toute façon acheter ces rames. Nous avons simplement décidé de sauter la phase des trains inter-cités. Honnêtement, il y a en France maints exemples de TGV roulant sur des voies non prévues pour la grande vitesse... Il fallait faire un effort pour accompagner un projet industriel que nous avons co-construit avec Alstom, l'État a pris ses responsabilités. D'ailleurs, ce projet a été présenté aux syndicats à Belfort conjointement par le président-directeur général d'Alstom et moi-même, et les collectivités territoriales s'y sont associées, puisque la communauté d'agglomération, le département et la région y participent. Bref, nous avons réussi à mettre tous les acteurs autour de la table. Reste à mettre en oeuvre ce projet, sous l'autorité du comité de pilotage local, présidé par le préfet, et du comité de pilotage national, codirigé par M. Vidalies et par moi-même. Nous avons veillé, en tous cas, à ne pas déshabiller Pierre pour habiller Paul.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Je ne puis m'empêcher de vous signaler que les nez des TGV sont fabriqués dans une petite commune rurale de l'Orne. On voit ainsi, en pleine campagne, des nez de TGV attendant d'être montés... On parle souvent des grands sites industriels, mais ils ne sont pas les seuls à avoir suivi cette affaire avec intérêt !

Debut de section - Permalien
Christophe Sirugue, secrétaire d'État

C'est vrai qu'on pense toujours aux emplois directs, mais une multitude de PMI et de PME sont concernées, dans le bassin de Belfort comme dans d'autres. C'est pourquoi le calcul qui ramène le coût de l'investissement aux seuls 450 salariés du site de Belfort est très périlleux.

L'État a toujours dit que son intention était de revenir à un niveau de participation au capital de Renault de 15 %. Il n'est monté au-delà que par nécessité. La cession de 4,5 % se fera au meilleur moment : il n'y a pas urgence. Je plaide pour que notre vision des participations de l'État ne soit pas seulement patrimoniale mais stratégique. S'il faut donner un coup de main, soit. Mais il faut savoir récupérer les capitaux, par exemple pour recapitaliser EDF ou Areva. Bref, il faut avoir le courage de conduire une gestion dynamique du portefeuille de l'État. Notre cession de 4,5 % de Renault ne devra donc pas être vécue comme un abandon.

L'État est entré au capital de PSA pour accompagner la restructuration de l'entreprise et lui permettre de se développer. L'atmosphère était bien différente au mondial de l'automobile il y a deux ans ! La stratégie de l'État, élaborée en partenariat avec l'industriel, a eu des résultats positifs. Nous avons veillé à préserver l'équilibre de l'actionnariat, et continuerons à le faire. Rien n'est inscrit dans le marbre, mais lorsque nous vendrons une partie de notre participation, nous serons vigilants sur l'identité de l'acquéreur.

Oui, les PME sont un élément essentiel, et je regrette qu'on ait tendance, lorsqu'on parle de politique industrielle, à n'évoquer que les grands groupes. Nous savons qu'elles sont fragiles, notamment si elles n'ont qu'un seul client.

Debut de section - Permalien
Christophe Sirugue, secrétaire d'État

Par exemple. Mes services suivent cette entreprise avec attention, et nous cherchons des solutions. Un client unique peut connaître des difficultés, ou changer de stratégie industrielle.

Il faut donc un accompagnement spécifique des PME. Cela passe par un cadre fiscal adapté - d'où l'évolution du taux vers 28 % - par l'action ciblée de BPI-France, et par l'ouverture sur l'export, qui peut sembler effrayante mais dont l'expérience prouve qu'elle réussit parfois magnifiquement - je l'ai constaté la semaine dernière en Inde. Certes, la prise de risque est importante pour une PME. D'où la nécessité d'un accompagnement, d'autant qu'il peut être difficile d'entrer sur certains marchés. À cet égard, Business France fait un travail important.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bertrand

Sur la ruralité et l'hyper-ruralité, avez-vous une stratégie, ou non ?

Debut de section - Permalien
Christophe Sirugue, secrétaire d'État

La politique industrielle tient compte des implantations des entreprises. Il y a des industries dans le monde rural, par exemple à Gueugnon ou Bourbon-Lancy, dans mon département. Elles doivent être plus accompagnées qu'ailleurs, car les collectivités territoriales n'y ont pas toujours les mêmes moyens. Mais les régions doivent jouer un rôle déterminant pour animer les territoires ruraux qui ont une histoire industrielle. Certains ont aussi une ambition économique, reposant souvent sur des PME, parfois artisanales. Cela n'a rien d'évident, car les infrastructures ne sont pas toujours adaptées, et l'éloignement des noeuds de communication pose problème. Du coup, il est clair que le partenariat entre mon ministère et celui de l'aménagement du territoire doit être maintenu ! Nous pouvons vider nos campagnes, mais que deviendront ces territoires ? Certes, il est devenu difficile d'implanter ou de sauvegarder des activités industrielles dans des zones rurales ou de petites villes, car les exigences des investisseurs ont évolué. Nous devons donc faire preuve de réalisme, mais aussi de volonté !