Nous examinons ce matin le rapport pour avis sur le projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.
Le bureau de notre commission a en effet décidé de rendre un avis sur ce texte transmis au fond à la commission des lois, mais dont quelques dispositions nous intéressent tout particulièrement : l'article 20 relatif au « passeport talent » et à la mobilité des chercheurs étrangers ; l'article 21 relatif à la mobilité des étudiants étrangers et à l'autorisation provisoire de séjour qui leur permet aujourd'hui de rester 12 mois supplémentaires sur le territoire après l'obtention de leur diplôme, pour chercher un emploi ou créer une entreprise ; l'article 22 relatif à la mobilité des jeunes au pair ; l'article 33 quater, qui traite d'une question liée à la scolarisation obligatoire.
Vous vous souvenez peut-être de nos débats de 2015 sur le projet de loi relatif au droit des étrangers, rapporté par Guy-Dominique Kennel. C'est dans cette loi qu'avait été créé (et nous y étions favorables) le « passeport talent », une carte de séjour pluriannuelle destinée aux talents étrangers qui peuvent contribuer, par leur venue sur notre territoire, au développement et au rayonnement de la France. Plus de 30 000 passeports ont été délivrés depuis le 1er novembre 2016 aux dix catégories de « talents » étrangers visés par la loi : chercheurs, salariés de start-up, investisseurs, artistes, sportifs, etc.
Nous avions marqué en 2015 notre attachement à ce dispositif d'immigration choisie. La récente audition de Mme Béatrice Khaiat, directrice générale de Campus France, nous a bien rappelé à quel point le « marché » - car c'en est un - de la mobilité internationale est en expansion : on compte 4,6 millions d'étudiants en mobilité aujourd'hui, ce chiffre pourrait atteindre 9 millions dans moins de 10 ans. C'est un marché hyperconcurrentiel : 47 % des étudiants qui ont choisi la France ont hésité entre plusieurs autres pays. Et de nouveaux acteurs particulièrement puissants émergent, Pays-Bas, Turquie, Arabie Saoudite, Émirats arabes unis.
La France peut s'enorgueillir d'accueillir plus de 73 000 étudiants étrangers chaque année, soit 325 000 étudiants étrangers présents à ce jour sur notre territoire, ce qui la place au quatrième rang mondial et au premier rang des pays non anglophones. Mais alors même qu'en termes absolus nous accueillons de plus en plus d'étudiants, notre « part de marché mondiale » se réduit d'année en année.
Pour l'accueil des chercheurs étrangers, nous sommes bien placés également avec près de 12 500 chercheurs étrangers hors Union européenne accueillis, ce qui nous place au deuxième rang européen derrière le Royaume-Uni.
En 2015, nous avions émis une réserve : il ne faudrait pas que les différents dispositifs d'immigration choisie constituent un « aspirateur à talents » qui vienne encore appauvrir les pays émergents et en développement. C'est un véritable risque et je ne méconnais pas la difficulté de poser le bon curseur entre « concurrence internationale pour les talents étrangers » et « préservation des ressources humaines des pays tiers ». Je compte interroger cet après-midi M. le ministre d'État Gérard Collomb pour connaître les mesures prises pour assurer un codéveloppement des talents internationaux.
Le développement des dispositifs d'immigration légale choisie doit se faire avec rigueur. En ces temps de pression migratoire forte sur les pays de l'Union européenne, les risques de détournement des dispositifs doivent être bien appréciés et l'immigration légale doit aussi être contenue.
Pourquoi remettre l'ouvrage sur le métier à peine un an et demi après le lancement de cette carte ? Parce qu'une directive dite « enseignants-chercheurs » de 2016 (adoptée après notre loi sur le droit des étrangers) apporte des novations, que la France doit impérativement transposer avant le... 23 mai 2018.
C'est le cas notamment des règles relatives à l'entrée et au séjour des étudiants et des chercheurs étrangers dits « en mobilité », c'est-à-dire susceptibles d'étudier ou de conduire leurs travaux de recherche dans plusieurs États membres de l'Union européenne, soit qu'ils relèvent d'un programme de l'Union européenne, soit qu'ils relèvent d'un programme multilatéral comportant des mesures de mobilité dans au moins deux États membres, soit qu'ils relèvent d'une convention entre deux établissements d'enseignement supérieur ou deux organismes de recherche dans au moins deux États membres.
La directive de 2016 prévoit qu'ils doivent bénéficier d'un titre de séjour à leur arrivée dans le premier État membre, mais qu'ensuite, pour entrer et séjourner dans un deuxième État membre, ils sont exemptés de titre de séjour.
La directive de 2016 prévoit également que les étudiants et les chercheurs étrangers ont le droit de poursuivre leur séjour une fois leur diplôme obtenu ou leurs travaux de recherche achevés, pendant une durée minimale de 9 mois, afin de rechercher un emploi ou créer leur entreprise. Notre « autorisation provisoire de séjour » (APS), d'une durée de 12 mois, est cependant réservée aux étudiants. Il convient donc de la modifier pour y faire entrer les bénéficiaires prévus par la directive.
La France transpose donc aujourd'hui ces dispositions et je vous proposerai bien entendu d'y être favorables, en revoyant toutefois les dispositifs proposés afin de rester au plus près des conditions posées par la directive. Ce sera l'objet de deux de mes amendements, l'un à l'article 20 (pour les chercheurs étrangers en mobilité) et l'autre à l'article 21 (pour les étudiants étrangers en mobilité).
La directive de 2016 prévoyait aussi des dispositions relatives aux jeunes au pair afin de leur donner un statut, avec des droits et des devoirs. La transposition de ces dispositions était facultative, mais la France a choisi, dans l'article 22, de les transposer. Il n'y a pas de changement majeur par rapport à l'état actuel du droit applicable sur notre territoire, qui était régi par un accord de 2009 et dont la directive reprend les grandes lignes. Je vous proposerai d'être favorable à cette transposition sous réserve de deux amendements.
Lors de nos débats de 2015, nous nous étions opposés à la suppression de la visite médicale des étudiants étrangers primo-arrivants par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Celle-ci était en effet très utile pour détecter des maladies infectieuses avant leur propagation dans une salle de TD ou un amphithéâtre de 250 places. La loi de 2016 sur le droit des étrangers a confié la responsabilité du « suivi sanitaire préventif » de ces étudiants aux établissements d'enseignement supérieur, mais sans transfert des moyens de l'OFII. La situation sur le terrain n'est pas satisfaisante et les risques pour la santé publique ne sont pas nuls. C'est pourquoi je vous proposerai de supprimer la responsabilité des établissements d'enseignement supérieur dans le suivi sanitaire préventif des étudiants étrangers (tout en rappelant qu'ils ont bien entendu accès comme tout étudiant, sans condition de nationalité, aux actions de promotion de la santé menées dans les établissements) et de demander au Gouvernement de rétablir la visite médicale par les médecins de l'OFII qui sont de particulièrement bons connaisseurs des maladies infectieuses.
Enfin, l'Assemblée nationale a introduit un article 33 quater qui prévoit qu'en cas de refus d'un maire d'inscrire un enfant en âge scolaire dans une école publique de la commune, et sans attendre l'intervention du préfet (qui doit enjoindre au maire de procéder à l'inscription ou y procéder d'office lui-même), le directeur académique des services de l'éducation nationale (Dasen) peut inscrire provisoirement les enfants à l'école. Plusieurs refus de maire se sont déjà produits s'agissant d'enfants étrangers primo-arrivants ; et le défenseur des droits ainsi que le juge se sont prononcés à plusieurs reprises sur de tels cas. L'initiative des députés part d'une bonne intention, mais je vous proposerai néanmoins la suppression de cet article. Non pour conforter le maire dans son refus (en tant qu'agent de l'État, il doit inscrire ces enfants sur la liste scolaire), mais dans le but d'enjoindre aux services de l'État (le préfet et le Dasen) d'agir rapidement et de concert pour l'inscription des enfants. Il me semble de très mauvaise législation de prévoir des dispositifs de substitution à tiroirs comme cela nous est proposé. L'autorité de l'État est unique : le préfet doit agir, sans qu'il soit besoin de prévoir le Dasen en doublure.
Pour le groupe socialiste et républicain, les articles soumis à notre avis vont dans le bon sens. L'extension du « passeport talent » en 2016 répondait aux exigences européennes : de nouvelles catégories de talents sont créées tandis que d'autres sont étendues. Ainsi, l'article 20 prévoit quatre extensions du « passeport talent » : pour les salariés d'une entreprise innovante, pour les fonctions exercées par un salarié qui s'inscrivent dans le cadre du projet de développement économique de l'entreprise, pour toute personne susceptible de participer de façon significative et durable au rayonnement de la France, pour les enfants du couple formé par le titulaire de la carte et son conjoint et non plus seulement pour les enfants du titulaire de la carte. Il est également prévu la création d'une carte pour les chercheurs.
L'article 21 procède à la transposition fidèle de la directive du 11 mai 2016 relative aux étudiants et aux chercheurs. Toutefois, ce projet de loi prévoit la création d'une carte temporaire recherche d'emploi ou création d'entreprise pour les étudiants titulaires d'un master qui souhaitent travailler ou créer leur entreprise. Elle remplace l'autorisation provisoire de séjour. Nous avons déposé un amendement visant à opérer une distinction entre ces deux situations, qui ne sont pas identiques.
Quant à l'article 22, il crée un nouveau statut pour les jeunes au pair qui bénéficiaient jusqu'à présent d'une carte de séjour étudiant, ce qui ne correspond pas forcément à leur réalité. C'est là encore la transposition de la directive de 2016. Le projet de loi leur confère un statut plus avantageux que ce que requiert le texte européen.
Enfin, nous sommes favorables à l'article 33 quater dans sa rédaction actuelle.
Je vais vous parler avec le coeur. En menant des prospections dans le désert syrien en tant qu'archéologue, j'ai été accueilli, avec mon collègue syrien, dans un village où l'on nous a offert l'hospitalité pour la nuit. Le matin, à notre réveil, nous avons constaté que la famille chez qui nous logions avait dormi dehors.
J'ai retrouvé ce collègue syrien, laïque et critique de la dictature syrienne, qui a fui à la fois Daech et le régime de Bachar al-Assad. J'ai eu honte de la manière indigne dont notre pays l'avait accueilli, lui, sa femme et ses deux enfants. Il est francophone, il a fait ses études ici. La France représente encore à ses yeux et aux yeux d'intellectuels du monde entier un pays humaniste, un pays qui défend la liberté d'expression et la liberté de conscience. Je ne retrouve pas cet esprit dans le projet de loi. Je ne peux imaginer de considérer ces gens du seul point de vue utilitariste, en me demandant ce qu'ils vont pouvoir nous apporter. J'aimerais que notre République des lettres et de la libre conscience soit présente dans ce texte. Je pense notamment à ces milliers d'intellectuels turcs qui fuient la dictature et qui réclament protection.
Je fais miens les propos de Mme Lepage et de M. Ouzoulias. Le « passeport talent », les facultés accordées aux enseignants chercheurs, c'est bien pour l'immigration choisie. Mais il ne faut pas évacuer la question de l'immigration subie, liée aux différentes crises géopolitiques. Doit-on mener seulement une politique migratoire utilitariste ? Les articles 20, 21 et 22 apportent des progrès. En revanche, je n'ai pas tout compris de l'article 33 quater, sur la répartition des rôles entre le maire, le préfet et le Dasen.
Nous sommes globalement satisfaits. Nous étudierons avec attention les amendements.
Nous sommes favorables aux articles 20, 21 et 22. Nous souhaitons également quelques précisions sur l'article 33 quater.
Les outre-mer sont dans une situation atypique. Nous subissons une immigration clandestine, non de demandeurs d'asile mais de personnes qui savent que nous sommes l'Europe en Amérique du Sud et dans l'océan Indien. Ils viennent chercher une vie meilleure, ce qui peut se comprendre. Officiellement, la Guyane compte 250 000 habitants ; officieusement, ce chiffre doit être de 350 000, dont 40 000 ou 50 000 personnes venues d'ailleurs (15 000 d'entre elles sont arrivées ces deux dernières années, dont 97 % sont des demandeurs d'asile). Lorsqu'il s'agit d'enfants ou d'étudiants, il faut envisager la question différemment. Ayant été moi-même directeur d'une structure de formation continue, j'ai traité le cas de jeunes arrivés en Guyane déjà diplômés, qui ont suivi des formations sur place, qui travaillent maintenant - certains sont ingénieurs au centre spatial guyanais.
De même, il faut accueillir à l'école les enfants de 11 ou 12 ans, qu'ils soient francophones on non. Sinon, ils deviendront des mules ou des délinquants.
Nous partageons l'analyse du rapporteur pour avis sur les articles 20, 21 et 22. Ces dispositifs sont pertinents et fonctionnent même si les chiffres montrent, en particulier pour le « passeport talent », qu'il existe encore des marges de développement.
En revanche, nous nous interrogeons sur l'article 33 quater. Quelle est la répartition des rôles entre le préfet et le Dasen, à qui l'Assemblée nationale a confié un rôle opérationnel ? Ce rôle est-il consultatif, la décision revenant au préfet, comme semble le dire le rapporteur pour avis ? Faut-il compléter cet article sur ce point, comme le donnent à penser les déclarations de certains maires, qui s'apparentent plus à des opérations de communication ?
Nous sommes tous favorables ici, me semble-t-il, à l'accueil des talents et des compétences. Le but de ce texte est d'accompagner l'accueil des étrangers en situation régulière, même si les contours de l'immigration sont parfois difficiles à appréhender. Notre groupe est favorable à ce texte, qui prévoit des mesures de bon sens, compte tenu des amendements qui seront discutés en séance.
Les articles dont nous sommes saisis s'inscrivent dans un projet de loi dont la tendance générale n'est pas celle de l'accueil, au contraire. C'est pourquoi nous le combattrons dans son ensemble. Certes, la situation des jeunes au pair et des étudiants étrangers est légèrement améliorée, les possibilités d'accueil sont - un tout petit peu - élargies, mais sans ambition, avec une vision de court terme, dans un but systématiquement utilitariste. Il n'y a pas de volonté de créer une vraie politique d'accueil, tenant compte à la fois de nos besoins et des besoins de codéveloppement. Un exemple, celui des médecins étrangers : beaucoup d'hôpitaux de proximité ne fonctionneraient pas sans eux ; or leur recrutement se tarit, d'une part, parce que nous rendons de plus en plus difficile leur accueil, d'autre part, parce que nous menons une politique à courte vue, sans nous préoccuper de la situation des pays d'origine.
Nous soutiendrons les dispositions de ce texte lorsqu'elles améliorent l'existant, mais elles ne remplacent pas une politique ambitieuse. L'action de Mamoudou Gassama ne change guère le regard que nous portons sur la situation de ces personnes. À Paris a lieu en ce moment une nouvelle et nécessaire opération d'évacuation, et nous ne sommes pas capables de créer un centre de premier accueil dans cette ville après la fermeture du camp de la porte de la Chapelle.
Monsieur Laurent, nous sommes en effet le pays des droits de l'homme, mais nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde, qui déferlerait comme un tsunami. Vous parlez en quelque sorte d'exploitation clientéliste ; mais il existe des droits et des devoirs. Cet homme qui a sauvé ce petit garçon est un symbole : quand on vient sur notre territoire, on a des devoirs. Ces étudiants étrangers qui viennent étudier en France pourront peut-être par la suite faire des choses merveilleuses ici ou dans leur pays d'origine. Les conditions de vie de ces migrants évacués ce matin de Paris étaient en effet effrayantes. Je le vois en Essonne : certains parents jettent leurs gamins à la mer, en lui disant qu'ils les rejoindront par la suite.
On ne peut pas accueillir toute la misère du monde ; en revanche on peut bien piller tous les talents du monde !
S'agissant des jeunes au pair, je suis un peu gênée. On a entendu récemment le récit de certains d'entre eux, qui étaient exploités. Comment les protéger contre certaines formes d'esclavage ? A contrario, comment contrôler l'assiduité aux études ?
En termes d'attractivité, serons-nous en situation de non-concurrence avec nos partenaires européens ? Allons-nous rétablir une sorte d'équilibre ? On parle de certains maires qui refusent de scolariser les enfants. A contrario, il arrive qu'un préfet décide de déplacer un enfant (par exemple parce qu'un logement est proposé ailleurs), alors même que celui-ci et ses parents sont parfaitement intégrés à l'école, au sein de la communauté éducative. Si l'objectif de la scolarisation est de permettre une intégration à terme de l'enfant, ces situations devraient être traitées avec attention. Le maire peut se retrouver en porte-à-faux vis-à-vis de ces enfants et de leurs familles.
Certes, ces articles présentent des avancées ou confortent des avancées précédentes. Mais c'est insuffisant. Il n'y a pas si longtemps, la circulaire Guéant disait au monde que les étudiants et les chercheurs étrangers n'étaient pas les bienvenus en France. La France - c'est un atout - est considérée comme un pays pouvant accueillir avec générosité, fraternité et universalisme les étrangers ; or nous perdons cette tradition. Qu'on ne se méprenne pas : la question n'est pas d'attirer un futur entrepreneur ici ou là. Quand les grands artistes venaient s'établir à Paris, ils savaient que leurs talents et leur liberté créative y seraient favorisés. Ce projet de loi ne va pas dans ce sens. On peut certes parler de marché, mais je souhaiterais que la commission de la culture, pour sa part, aborde la question des étudiants, qui sont des êtres humains, par un autre biais.
Madame Darcos, croyez-vous vraiment que l'on puisse parler de « tsunami » ? Et quand vous citez Michel Rocard, citez-le entièrement : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre sa part. » Pensez-vous que les Italiens doivent faire face seuls aux flux migratoires ? Quid de la solidarité européenne ? Quitte à ce que les fascistes arrivent au pouvoir ! Un pays de 60 millions d'habitants ne peut-il pas accueillir 30 000 réfugiés ? Ceux qui se trouvaient au campement du Millénaire ont droit à l'asile !
Pour attirer les étudiants et les chercheurs étrangers en France, il faut des lieux d'accueil, des formations, mais il faut aussi restaurer cette image par le droit et par les valeurs que nous défendons ensemble, qui ont fait la grandeur de notre pays dans le monde.
Madame Lepage, je vous remercie d'avoir apporté des précisions que je n'avais pas mentionnées sur l'article 20.
Monsieur Ouzoulias, vous avez parlé avec votre coeur et vous avez raison de souligner que ces personnes ne sont pas une marchandise. Mais il faut également montrer à ceux qui sont frileux que c'est une chance pour la France d'accueillir des étudiants étrangers. Le « passeport talent » est ouvert aux cas dont vous faites état ; les chercheurs étrangers devraient donc pouvoir bénéficier d'un titre de séjour pluriannuel leur permettant de faire venir leur famille.
Madame Laborde, monsieur Karam, monsieur Lafon, sur l'article 33 quater, dans le cas d'un refus du maire de délivrer le certificat d'inscription sur la liste scolaire, l'article L. 2122-34 du code général des collectivités territoriales prévoit que le préfet de département demande au maire d'y procéder, voire y procède d'office lui-même ou par délégation spéciale. Le tribunal administratif de Paris a estimé que lorsque le maire refuse illégalement d'inscrire des enfants à l'école, le préfet est dans l'obligation de se substituer à lui pour procéder à l'inscription d'office.
L'Assemblée nationale a adopté un amendement qui instaure une sorte de « procédure d'urgence » en cas de refus du maire de délivrer le certificat d'inscription. Il s'agit, dans l'esprit de l'auteure de l'amendement, de contrer rapidement l'éventuel refus par le maire de la commune concernée d'inscrire un enfant étranger primo-arrivant en âge scolaire, sans avoir à attendre les effets de la procédure de substitution par le préfet.
Le droit en vigueur prévoit déjà une procédure d'inscription dans le premier degré de l'enseignement scolaire en cas de refus du maire. Il n'y a pas lieu de prévoir une procédure d'urgence supplémentaire ; la responsabilité doit échoir au préfet. Si elle échoit au Dasen, pourquoi ne pas ensuite la confier au directeur d'école, au professeur d'école ? Il appartient au préfet et à ses services de mettre en oeuvre les prérogatives qu'ils tirent de la loi avec toute la diligence nécessaire.
Monsieur Karam, nous avons en effet trop souvent tendance à oublier cette partie importante du territoire national qu'est la Guyane. Nous devons accueillir dans nos écoles tous les enfants de la République.
Madame Mélot, je vous remercie de votre soutien.
Monsieur Laurent, ces quatre articles ne symbolisent pas l'esprit général du texte, en effet. J'ai moi-même prévu d'interroger le ministre Gérard Collomb sur le pillage des talents.
Je m'interroge sur la promesse faite à Ouagadougou par le Président de la République d'autoriser les étudiants étrangers diplômés en France à y revenir pendant quatre ans après leur diplôme pour y chercher un emploi. Cela pose question en matière de fuite des cerveaux. L'idéal, c'est que les étudiants enrichissent de leurs compétences leur pays d'origine...
Je partage le rappel aux droits et aux devoirs fait par Mme Darcos. Le projet de loi prévoit des éléments très précis pour les jeunes au pair, afin que ceux-ci ne soient pas exploités et puissent si nécessaire déposer une plainte. Madame de la Provôté, le texte transpose une directive : tous les Etats membres respecteront les mêmes règles. Je suis par ailleurs favorable à une meilleure communication entre le préfet, le maire, l'école, afin de trouver pour chaque enfant la meilleure solution. Enfin, je veux dire à M. Assouline que le passeport talent a été accordé à de nombreux artistes, scientifiques, sportifs,... Ils ne sont pas oubliés par le droit français !
Les médecins qui possèdent la nationalité française mais ont obtenu leur diplôme à l'étranger, hors de l'Union européenne, ne peuvent venir en France pour exercer comme internes et faire leur spécialité. Ils ne sont pas traités à égalité avec un étudiant étranger ! J'ai rencontré un couple de médecins, elle algérienne, qui pouvait exercer temporairement chez nous, lui franco-algérien, qui n'avait pas cette possibilité. Cela fait dix ans que je me bats pour qu'il soit mis fin à ces différences de traitement : en vain. La commission de la culture devrait se saisir de cette question, d'autant que notre pays a besoin de médecins.
J'ai maintenant compris le sens de l'article 33 quater et je soutiens la proposition du rapporteur : que le préfet prenne des dispositions immédiatement, sans intermédiaire !
J'avais commencé à dresser une liste des doubles nationalités qui entraînent des problèmes en France. Il faut effectivement traiter ce point, comme nous nous sommes penchés sur la situation des Américains accidentels il y a quelques semaines.
J'ai toujours entendu Mme Darcos tenir des propos réfléchis et mesurés : j'ose penser que le terme de « tsunami » a dépassé sa pensée. Ou peut-être est-ce vrai dans certaines régions ? Mais comme historien-géographe, je sais que le pourcentage d'étrangers dans la population vivant sur le territoire a parfois été, dans notre histoire, bien supérieur à ce qu'il est aujourd'hui. Avec cette remarque, chère collègue, vous faites fort ! L'apport des étrangers fut souvent bénéfique sur les plans technique, scientifique, culturel, artistique.
J'en conviens tout à fait. Du reste, j'ai beaucoup oeuvré, depuis longtemps, pour la scolarisation des enfants étrangers. J'ai tissé des liens très forts avec une famille syrienne, en Essonne et, en toute modestie, je peux affirmer que nous n'en serions pas là si tout le monde s'était autant occupé de l'accueil matériel des familles. Je n'aurais pas dû employer le terme de tsunami, il est exagéré, mais je réagissais aux propos de M. Laurent : à l'entendre, nous n'accueillons les étrangers que pour les exploiter ! Je rappelle que chacun a des droits et des devoirs. Bien sûr, les apports des étrangers ont toujours été bénéfiques, dans tous les domaines.
Pour rebâtir leurs pays aujourd'hui en guerre, il faudra à ces personnes une formidable énergie, et je serais heureuse que la France les aide.
Je veux moi aussi relayer la demande de Mme Lepage. Aux Sables d'Olonne, nous avons eu pendant un an un médecin étranger venu se spécialiser en cardiologie ; la famille n'a pu être réunie, même pour un séjour de vacances, l'administration craignant qu'elle veuille rester en France ! Il y a là un vrai problème.
Mme Darcos a répondu à mes propos en affirmant que la France ne pouvait accueillir toute la misère du monde : ce n'est pas ce que je disais ! En revanche, fonder le projet de loi sur l'idée que nous avons besoin de talents, c'est-à-dire que quelques-uns peuvent rester parce qu'ils sont susceptibles de créer des start-up, c'est renforcer l'idée que l'immense majorité doit repartir. Nous nous privons de bien des richesses humaines ! Il ne faut donc pas caricaturer mon propos. Ce projet de loi est une catastrophe, même si l'on pourrait envisager de sauver ces articles qui sont les meilleurs.
Ce texte sur les étudiants étrangers élargit aussi le cadre, ne l'oublions pas, des coopérations bilatérales. Nous avons toujours sur ces sujets un dialogue fructueux avec les autorités lors de nos déplacements à l'étranger, comme en Inde l'année dernière.
J'ai entendu les propos de Mmes Lepage et Laborde sur les médecins. Le Gouvernement précise dans le texte qu'une carte de séjour pluriannuelle peut être accordée à des étrangers de renommée internationale, y compris ceux dont la présence favorise l'aménagement du territoire : la catégorie est large.
Je connais l'engagement très fort de Mme Darcos et sa vie personnelle : seuls les impressionnants orages d'hier soir lui auront inspiré la formule qu'elle a employée ! Quant à Mme Billon, je reconnais que nous avons parfois été trompés par des dispositions qui paraissaient convenables, mais ce projet de loi est ouvert : c'est aussi ce que je veux dire à M. Laurent.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 20
L'amendement COM-16 clarifie la rédaction du premier cas de délivrance d'un passeport talent, en distinguant le salarié qualifié et le salarié embauché par une start-up.
En outre, au lieu de conserver deux définitions de l'entreprise innovante - en visant d'une part celles qui remplissent les critères du code général des impôts, d'autre part celles qui seraient reconnues par un organisme public selon des critères fixés par décret - ma rédaction ne retient que la seconde, charge au Gouvernement de reprendre les critères du code des impôts dans le décret.
Il faut un minimum de temps pour étudier ces amendements, c'est pourquoi le groupe socialiste ne prendra pas part aux votes ce matin.
Je le comprends. Mais le rapporteur pour avis doit présenter nos amendements à la commission des lois, nous ne pouvions reporter leur examen.
Je suis troublé par la formule « entreprise innovante » reconnue. Si la perception d'un crédit d'impôt recherche figure parmi les critères, Carrefour entrera dans cette catégorie !
Il existe déjà un statut de « jeune entreprise innovante », auquel sont associées des règles particulières, fiscales et sociales. C'est très important pour l'écosystème innovant.
Mais l'amendement évoque des critères spécifiques.
L'amendement COM-16 est adopté, les groupes socialiste et républicain, RDSE, CRCE et La REM ne prenant pas part au vote.
L'amendement COM-15 sépare les dispositions relatives aux chercheurs étrangers en mobilité et celles touchant le passeport talent. Il prévoit une carte de séjour spécifique « chercheur-programme de mobilité ». Elle sera délivrée ainsi qu'à la famille dès la première admission. Un régime d'exemption de titre de séjour s'appliquera aux chercheurs en mobilité qui disposent déjà d'un titre de séjour dans un autre État membre.
Cela n'est pas adapté pour les étudiants de grade master qui entrent en thèse.
Nous parlons ici des chercheurs, on ne cherche pas en première année... ou bien on cherche sa voie.
Des étudiants sont accueillis en master pour se familiariser avec le parcours de recherche.
Les étudiants chercheurs qui sont en France pour faire un doctorat changent de statut après le master.
L'amendement COM-15 est adopté.
L'amendement COM-17 harmonise les définitions de l'entreprise innovante et du projet économique innovant : dans les deux cas, la reconnaissance est confiée à un organisme public, les critères étant définis par décret.
L'amendement COM-17 est adopté.
Article 21
L'amendement COM-18 regroupe les dispositions relatives aux étudiants étrangers en mobilité. Ceux-ci recevraient une carte de séjour « étudiant-programme de mobilité » à la première admission au séjour, avec un régime d'exemption pour ceux disposant déjà d'un titre dans un autre État membre.
L'amendement COM-18 est adopté.
Article additionnel après l'article 21
Les visites médicales des étudiants étrangers primo-arrivants à l'OFII, ont été supprimées, mais le suivi médical préventif ne peut être efficacement assuré par les établissements d'enseignement supérieur. Il faut donc rétablir la responsabilité de l'OFII en la matière.
Il y a aussi une exigence de centralisation des informations sanitaires, par exemple pour la surveillance des risques d'épidémies. Je songe à la tuberculose, aux méningites...
Cela fait trop longtemps que l'on se refile le bébé, si vous me pardonnez l'expression, et pendant ce temps, les visites médicales sont inexistantes dans les établissements d'enseignement supérieur.
Cela me dérange que l'on parle seulement des jeunes étrangers. Il y a aussi des maladies infectieuses chez les Français. Les visites médicales pour les étudiants devraient être obligatoires.
Les établissements s'inquiètent des risques d'épidémies, la Conférence des présidents d'université nous a fait part de sa préoccupation à ce sujet.
L'amendement COM-22 est adopté.
Article 22
L'amendement COM-19 clarifie les conditions auxquelles est soumis le jeune qui sollicite une carte de séjour temporaire « jeune au pair ».
L'amendement COM-19 est adopté.
L'amendement COM-20 prévoit que la convention mentionne non seulement les droits et devoirs du jeune au pair, mais aussi ceux de la famille d'accueil.
Article 33 quater (nouveau)
Voici le fameux article 33 quater... L'Etat indivisible doit prendre ses responsabilités, via le préfet. L'amendement COM-21 supprime l'article.
L'amendement COM-21 est adopté.
Nous sommes donc favorables aux articles que nous avons examinés, sous réserve de l'adoption de ces amendements. Je vous propose, comme c'est l'usage, d'autoriser notre rapporteur pour avis à procéder aux éventuels ajustements nécessaires lors de la réunion de la commission des lois la semaine prochaine. Si notre rédaction n'était pas retenue, notre rapporteur pourrait redéposer nos amendements pour la séance publique.
Il en est ainsi décidé.
Voici un point sur le calendrier des travaux de la commission. Un mois nous sépare de la fin de la session ordinaire ; nous siégerons très certainement en juillet pour la suite de l'examen des nombreux projets de loi déposés sur le bureau des assemblées.
Je pense en particulier, pour notre commission, au projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN). Le calendrier prévisionnel diffusé la semaine dernière indiquait que l'examen du rapport pour avis de notre collègue Jean-Pierre Leleux aurait lieu le 13 juin. Compte tenu du retard pris à l'Assemblée nationale, notre avis sera sans doute décalé d'une ou deux semaines, sans que je puisse vous indiquer une date précise dès à présent. La prochaine conférence des présidents, le 20 juin, précisera le calendrier.
Le mercredi 20 juin, nous entendrons Denis Rapone, nouveau président de la Hadopi. La ministre, en marge du Festival de Cannes, a rappelé l'importance de la lutte contre le piratage. Des adaptations légales sont envisagées par la Hadopi. Le rapport Hervé-Bouchoux reste d'actualité...
Ensuite, le lundi 25 juin après-midi, nous nous rendrons à Versailles pour une rencontre avec Catherine Pégard, présidente de l'établissement public et ses équipes ; la rencontre sera suivie d'une visite. Le secrétariat de la commission vous adressera un courrier à ce sujet. Notre collègue versaillais Alain Schmitz suivra de près l'organisation de ce déplacement.
Le 12 juillet, pour préparer l'examen de la loi audiovisuelle, nous organiserons un colloque sur l'avenir de l'audiovisuel public, ses missions, son financement, sa gouvernance, comme nous l'avons fait pour les fausses informations.
Enfin, tous les travaux de contrôle sont bien engagés ; je souhaite que les rapporteurs nous présentent leurs conclusions avant la fin de la session extraordinaire, car en septembre, nous débuteront d'autres travaux.
La réunion est close à 10 h 45.