Monsieur le député, cher Younous Omarjee, je vous remercie de nous recevoir. La délégation sénatoriale aux outre-mer que je préside mène une étude sur les enjeux financiers et fiscaux européens outre-mer en 2020. En effet, nous sommes actuellement en période de négociation du cadre financier pluriannuel, de réexamen de certains dispositifs concernant les RUP, ainsi que les PTOM. S'ajoutent à cela les enjeux et conséquences du Brexit. La délégation a nommé comme rapporteurs de cette étude Mme Vivette Lopez, sénatrice du Gard, MM. Gilbert Roger, sénateur de Seine-Saint-Denis, et Dominique Théophile, sénateur de Guadeloupe.
Il est dans les principes de notre délégation d'associer ultramarins et hexagonaux, majorité et opposition, hommes et femmes, pour travailler en toute transversalité sur les sujets intéressant les outre-mer. Nous nous sommes rendus aujourd'hui à Bruxelles pour mesurer les enjeux des relations entre nos outre-mer et l'Union européenne, et comprendre ce que nous pourrions proposer comme amélioration pour la prise en compte de leurs spécificités. Nous avons, la semaine dernière, auditionné le Secrétariat général aux affaires européennes (SGAE) à Paris et nous venons de la Représentation permanente de la France à Bruxelles. Merci de consacrer une partie de votre temps pour nous éclairer sur ces problématiques. Je vais vous laisser nous les exposer, puis je donnerai la parole à mes collègues.
Je souhaite la bienvenue à la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne. Vous faites votre déplacement à un moment important car il intervient après le renouvellement institutionnel de 2019. La Commission européenne prend ses marques, avec de nouveaux commissaires, une évolution des priorités, une équipe et un programme qui tient pour beaucoup à des initiatives françaises. Le moment n'est pas facile, ce qui nécessite une forte mobilisation pour la défense des intérêts de la France.
En effet, plusieurs défis importants attendent la Commission. Il faut d'abord finaliser la négociation sur le cadre financier pluriannuel. L'équation est très complexe avec le départ du Royaume-Uni, qui deviendra un pays tiers le 1er février. Des négociations s'ouvriront par la suite pour établir le nouveau partenariat avec le Royaume-Uni, et donc avec les anciens PTOM britanniques, c'est le deuxième défi.
La Commission a, par ailleurs, lancé un grand nombre d'initiatives, à commencer par le Pacte vert (New Green Deal) pour la lutte contre le changement climatique. Ce sont des défis considérables mais aussi des opportunités. Elle poursuivra avec d'autres initiatives et des propositions concernant aussi la politique industrielle et la révision de la politique agricole commune (PAC).
La Commission se fixe également des objectifs géopolitiques, qui sont notamment portés par l'espagnol Josep Borrell. Ces objectifs répondent pour une grande part à une impulsion française. Les outre-mer sont au coeur des ambitions géopolitiques européennes, par leur présence géographique, par leurs atouts, par ce qu'elles peuvent apporter à l'Union européenne. Un sommet est prévu au printemps dans le Pacifique et nous essayons de mobiliser l'UE à ces sujets.
Le moment est difficile mais nous sommes pleinement engagés. Une période s'ouvre ensuite avec une présidence allemande au second semestre 2020 puis une présidence portugaise. Puis ce sera le tour de la Slovénie et enfin de la France au premier semestre 2022, l'occasion pour notre pays de prendre de nouvelles initiatives.
Puisque nous sommes limités par le temps, j'irai droit au but. Je suis, comme vous le savez, président de la Commission du développement régional qui est en charge des politiques de cohésion qui sont prioritaires pour les questions touchant aux régions ultrapériphériques. Nous sommes à un moment crucial, où les décisions qui vont être prises dans les semaines et mois à venir impacteront la vie de nos citoyens pour les dix ans à venir. La bataille qui est devant nous est d'abord budgétaire.
La problématique actuelle est la suivante : l'Union européenne doit renégocier son cadre financier pluriannuel. Le Parlement européen a fait une proposition qui est, selon nous, de nature à donner une ambition pour l'Europe ainsi que pour les différentes politiques sectorielles. Effectivement, la négociation est difficile du fait du Brexit et de la nécessité de financer de nouvelles politiques tout en maintenant les politiques actuelles. La proposition du Parlement me paraît être une proposition sérieuse et nous demandons au Conseil de ne pas sacrifier son ambition pour l'Europe. Nous sommes choqués que les positions du Conseil, et notamment la proposition de la présidence finlandaise, fassent à la fois le deuil des ambitions du Parlement européen, mais aussi celui des ambitions du Conseil européen : c'est une mauvaise proposition.
La Commission européenne a proposé, pour la politique de cohésion, un budget en baisse. C'est sans précédent, jamais le budget de la politique régionale n'avait baissé auparavant, et la Commission européenne ne nous a pas aidés, par ses positions, pour négocier avec le Conseil européen.
Au Conseil européen, la France joue un rôle crucial. Le président du Conseil européen, M. Charles Michel, débute actuellement les discussions avec les États membres pour trouver des compromis budgétaires permettant de satisfaire les enjeux évoqués au début. Or, je suis étonné de la position d'entre-deux du Président de la République et de la diplomatie française sur la question de la cohésion. Vous êtes des observateurs assidus des négociations européennes, et vous voyez bien qu'il s'agit d'une histoire qui se répète. Le budget de la politique agricole commune (PAC) est menacé, et le Président de la République rentrera en France en se vantant d'avoir sauvé cette politique agricole commune. La France semble prioriser la défense de la PAC, ce qui est extrêmement important, mais pour nous, c'est tout le budget proposé qui est inacceptable, et en particulier la baisse pour la politique de cohésion. Nous attendons donc de la France, et du Président de la République en particulier, qu'elle se range clairement du côté des pays « amis de la cohésion ». J'entends ici et là qu'il n'y aurait pas d'avantage politique à tirer du sauvetage de la politique de cohésion. En effet, ses bénéficiaires sont difficilement identifiables : ce sont souvent des institutions, comme les régions, et non des groupes comme les agriculteurs comme dans le cas de la PAC, qui sont très bien organisés, tandis qu'il est très difficile de mobiliser un « lobby de la cohésion ».
J'estime que le Président de la République doit, pour diverses raisons, se ranger du côté des « amis de la cohésion ». Premièrement, nous avons plus que jamais besoin de cohésion en Europe. Avec le Brexit, il nous faut renforcer davantage les convergences. Deuxièmement, la cohésion a permis de soutenir les investissements, la croissance et l'emploi, et je laisse de côté la participation de la politique de cohésion à certains nouveaux objectifs de l'Union : nous n'avons pas attendu le New Green Deal pour, dans la période 2014-2020, engager 40 milliards d'euros sur les objectifs climatiques. Nous avons investi près de 60 milliards pour l'environnement, 120 milliards au total sur les objectifs de la période. Lorsque nous avons proposé la concentration thématique des fonds, j'ai entendu beaucoup de critiques venant des institutions, des régions, etc., nous reprochant de vouloir flécher des objectifs alors qu'il y a encore beaucoup de retard sur de nombreux aspects. C'était pourtant important.
Si le budget de la cohésion diminue, ce sera de l'argent en moins pour ces objectifs, pour la formation professionnelle, pour la construction des lycées, pour l'aide aux petites et moyennes entreprises à travers le FEDER... Ce sera aussi des marchés en moins pour les entreprises françaises. En effet, sur les 350 milliards de fonds, beaucoup de ces crédits sont alloués à des infrastructures en Europe. Je pense notamment aux pays de l'Est qui ont encore des retards à rattraper. Je suis par exemple allé visiter les grands chantiers en Bulgarie, qui sont pour beaucoup d'entre eux confiés à de grandes entreprises italiennes, allemandes et françaises.
Enfin, la diminution des crédits sera catastrophique pour les RUP qui, en raison de leur retard de développement, émargent plus que d'autres régions aux fonds de cohésion.
Évidemment, nous avons déjà commencé à travailler avec la Commission européenne, pour que l'impact sur les régions les moins développées soit le plus faible possible si les baisses de la politique de cohésion se confirment. En revanche, pour les régions en transition, ce qui concerne beaucoup de régions françaises, la diminution des fonds sera considérable. La France y a donc un intérêt. Et dans les rapports de force au sein du Conseil, le rôle du Président de la République sera important. Le Portugal a décidé d'organiser un sommet des pays « amis de la cohésion » le 2 février prochain. J'avais suggéré au Premier ministre portugais de le faire sur le modèle des pays de Visegrád qui ont fait un sommet avant le dernier Conseil européen. J'aurais aimé que la France réponde à l'invitation qui lui a été envoyée. Je m'y rendrai pour donner le point de vue de notre commission, et le 5 février, le Premier ministre portugais viendra ici, à Bruxelles. Le Portugal est un État important, car en plus d'être un « ami de la cohésion », il possède des RUP : les Açores et Madère. La France ne peut pas se dissocier des pays qui ont des RUP comme elle. Pour nous autres ultramarins, l'absence de la France à ce sommet sera incomprise. Je vous prie donc de faire passer ce double message au Président de la République et au Gouvernement.
Pourquoi les États membres sont-ils aussi peu réceptifs aux demandes que nous formulons pour que le budget soit porté à un niveau qui permette de financer les politiques ? Je pense que c'est parce que plus l'on augmente le budget, plus cela génère des contraintes nationales en raison du cofinancement. La France étant un contributeur net, elle regarde les choses de façon prudente. Pour ma part j'ai la responsabilité de défendre la politique régionale et je le répète, c'est une priorité centrale.
On ne pourra pas faire mieux dans la programmation future avec des crédits en diminution. Il faudra couper dans les allocations, avec des conséquences pour les projets dans lesquelles elles sont déployées. Je suis très surpris que dans le cadre des élections municipales, personne n'aborde ce sujet, alors que ces fonds financent des équipements structurants au niveau local.
Concernant l'avenir, la Commission présidée par Mme Ursula von der Leyen a lancé le New Green Deal, 1 000 milliards d'euros avec des effets de levier. Je ne vais pas rejeter une orientation qui est une révolution de nature positive en termes de message politique. Mais là encore, la priorité qui est la mienne est que les RUP émargent avec une intensité plus forte pour ce New Green Deal, parce qu'il doit aussi être un Blue Green Deal, pour coïncider avec l'objectif d'autonomie énergétique pour les îles françaises. Avec ces budgets, il serait possible de continuer les projets pilotes et d'investir dans différents domaines. Toutefois, la difficulté est qu'il ne s'agit pas de subventions. Il manque souvent le savoir-faire pour utiliser ces financements. Je l'ai vu lors de la mise en oeuvre du plan Juncker : j'ai demandé à ce que l'on ait une évaluation de la mise en oeuvre de celui-ci en outre-mer. Vous seriez surpris du résultat : il a bien marché là où l'on avait pris un peu d'avance pour l'accueil de ce plan, comme à La Réunion. Mais ce n'est pas extraordinaire, voire inexistant, ailleurs.
Dans le cadre du New Green Deal, le premier règlement vient d'être adressé au Parlement européen et concerne le fonds de « transition juste ». Celui-ci, d'un montant de 100 milliards d'euros avec des effets de levier, et 7 milliards d'euros prélevés sur les fonds européens vise à aider les régions charbonnières à accomplir cette transition. La Commission européenne a fait le choix d'ouvrir ce fonds à l'ensemble des États membres. C'est une bonne chose, mais certains pays, comme l'Allemagne ou la Pologne, vont pouvoir bénéficier de crédits très importants. Là encore, je vais veiller à ce que ce fonds de « transition juste » permette des investissements dans les outre-mer. Nous restons en effet très dépendants des énergies fossiles. S'il y a des crédits permettant de financer les énergies renouvelables, il faut les mobiliser.
Je vous laisse la parole, mais beaucoup de sujets restent à aborder, comme l'octroi de mer, la PAC, le Poséi, les accords commerciaux, pour lesquels nous avions passé un premier accord avec le Vietnam dans lequel j'avais pu obtenir des garanties concernant le sucre. Je vous ferai noter, que dans les accords passés avec l'Équateur et les Pays andins, les clauses de sauvegarde n'ont pas été activées par la Commission. J'ai reçu il y a deux jours un courrier cosigné par M. Phil Hogan, le nouveau commissaire au commerce, et le nouveau commissaire pour l'agriculture, M. Janusz Wojciechowski, qui me disent que les conditions ne sont pas réunies, alors que nous estimons, avec Eurodom, que les seuils ont été dépassés et qu'il fallait les activer.
Monsieur l'ambassadeur, mes premiers mots seront pour vous remercier de votre accueil. La Délégation sénatoriale aux outre-mer a été créée en 2011, et dispose depuis 2017 d'un statut législatif comme la délégation homologue à l'Assemblé nationale. Elle est composée de 21 sénateurs ultramarins et 21 sénateurs hexagonaux reflétant la représentation politique du Sénat. Elle est chargée d'informer le Sénat sur les problématiques propres aux outre-mer. Dans nos rapports, nous faisons des préconisations. Concernant les sujets européens par exemple, nous avons émis des propositions sur le foncier, ou encore sur les normes dans les domaines du BTP ou encore sur la filière canne-sucre-rhum, qui ont été entendues et ont porté leurs fruits.
Le sujet qui nous amène à Bruxelles est une étude sur les enjeux financiers et fiscaux européens pour les outre-mer en 2020. Les trois rapporteurs nommés sont Vivette Lopez, sénatrice LR du Gard, Dominique Théophile, sénateur LREM de la Guadeloupe et Gilbert Roger, sénateur SOC de Seine-Saint-Denis. Dans le cadre de cette mission, nous avons déjà auditionné le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE). Il était pour nous important de venir à Bruxelles pour vous entendre. Nous souhaitons en effet savoir comment la France défend à Bruxelles les dossiers ultramarins. Nous avons des questions d'abord sur le cadre financier pluriannuel et sur la future Décision d'association outre-mer (DAO) pour les PTOM. Nous vous interrogerons aussi sur la problématique fiscale avec l'avenir de l'octroi de mer et de la taxation du rhum. Enfin, nous avons des inquiétudes sur le Brexit. Les enjeux de pêche après le Brexit ne concernent pas seulement les pêcheurs hexagonaux, mais aussi la pêche dans la Caraïbe !
M. le Président, je note à travers votre propos une vraie inquiétude pour l'avenir et un risque de diminution des fonds. Je relève également un besoin d'engagement de l'État français à vos côtés. Il nous intéresserait aussi de connaître votre avis sur la situation des PTOM. J'ai juste un mot à ajouter sur les accords commerciaux, le Sénat s'était particulièrement impliqué dans les accords sur le sucre, notamment en ce qui concerne La Réunion. Nous nous étions aussi intéressés aux accords avec l'Amérique centrale. Je laisse la parole à Gisèle Jourda, également membre de la commission aux affaires européennes.
Permettez-moi de vous présenter mes collaborateurs : Timothée Truelle s'occupe de la pêche et des questions outre-mer, Marjorie Thomas des questions des ACP et PTOM, et Florent Guérin suit les questions de cohésion pour les RUP. Nous avons aussi un conseiller fiscal, qui n'a pas pu hélas être présent. Mais nous sommes tous mobilisés sur les questions fiscales.
Merci, Monsieur le Président. Hier, en commission des affaires européennes, le président Jean Bizet nous a présenté un projet de résolution européenne sur le cadre financier pluriannuel. Il a évoqué la PAC comme axe stratégique, également le fait de donner aux fonds de cohésion une priorité pour les préserver. Nous avons mis en avant les régions ultrapériphériques pour que les budgets soient préservés, ainsi que les PTOM.
J'ajouterai un bémol au sujet du Pacte vert. Les modalités annoncées, et le fonds de transition juste, appellent de notre part une certaine vigilance. Nous soutenons cette initiative, mais nous ne souhaitons pas qu'elle vienne amputer les fonds de cohésion, vitaux pour nos régions. Nous avons voté cette résolution à l'unanimité de la commission.
Le Brexit est une question qui nous préoccupe, nous nous demandons tous comment cela va se concrétiser. Y aura-t-il selon vous une vraie rupture avec les Britanniques, et si oui, quelles conséquences cela aura-t-il sur les territoires ultramarins ? Deuxième question : y aura-t-il une redistribution des financements à destination de la Grande-Bretagne ou y aura-t-il une dilution ? Quelles conséquences aura le développement des routes de la soie pour les outre-mer ? Comment, après le Brexit, la France appréhende-t-elle cette nouvelle donne ?
Je vous réponds de suite sur le fonds de transition juste. Nous avions demandé à la Commission que l'on n'empiète pas sur le budget de la cohésion. Effectivement, ils empiéteront sur la PAC ! Toutefois, que ce soit la PAC ou le budget de la cohésion, ce ne sont pas des fonds nouveaux. Ce ne sera vraiment une plus-value que si nous avons des budgets qui ne diminuent pas. Je suis très prudent sur ce fonds qui relève de la compétence de ma commission, et je ne peux pas en tant que Président m'exprimer sur celui-ci.
J'ai aussi de nombreuses questions. S'agissant du cadre financier pluriannel 2021-2027, la Commission a évoqué une baisse du budget consacré au Poséi (Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité). Quelle est la stratégie de la France face à cette perspective ? Concernant les PTOM, l'intégration du FED au budget de l'UE va-t-elle se traduire par une diminution des fonds européens à destination des PTOM ? Une proposition de la Commission serait de consacrer 3 % des fonds alloués aux PTOM à l'intégration régionale. Cette part n'est-elle pas trop faible ?
Sur les enjeux fiscaux, nous nous demandons si l'octroi de mer est toujours en sursis ou si l'objectif de la France est de l'ancrer dans le temps ? Quelle est la position de la France notamment sur la composition de la liste des 84 produits locaux supplémentaires bénéficiant de réduction ou de suppression de la taxe d'octroi de mer ?
Je vous remercie beaucoup pour ces questions, qui sont précisément celles sur lesquelles nous travaillons. Concernant le Brexit, il y a une tension entre la rupture nécessaire, car ce choix doit avoir des conséquences qui ne sont pas punitives - c'est simplement l'application des règles du marché intérieur - et le maintien de coopérations entre l'UE et le Royaume-Uni. Mais M. Boris Johnson a aujourd'hui une position ambiguë. Si le Royaume-Uni souhaite conserver des ancrages avec l'UE, il doit respecter un certain nombre de règles. La rupture est nécessaire, on ne peut pas avoir le Brexit sans les conséquences qui y sont associées. Mais l'enjeu est d'assurer l'unité des Européens. Le 1er février, le Royaume-Uni sortira des institutions de l'Union, il ne participera plus aux décisions. S'ouvrira alors une période de transition, que le Royaume-Uni n'a pas souhaité prolonger. Mais notre intérêt est cependant que ce pays reste dans un cadre européen.
Les enjeux budgétaires liés au Brexit sont nombreux. C'est la difficulté principale de ces négociations. Le Royaume-Uni étant un contributeur net, il y aura une perte sèche pour l'UE. Pour vous donner des ordres de grandeur, avec le même niveau d'ambition que le précédent CFP, il faudrait après le départ du Royaume-Uni, faire passer le budget de l'UE à 1,16 % du RNB des États membres alors que la proposition de la Commission est à 1,11 %. Or le cadre budgétaire de la France est très contraint. La France souhaiterait arriver à une solution intermédiaire. Pour financer ce budget et desserrer la contrainte sur les contributions nationales, la Commission propose par ailleurs de créer de nouvelles ressources propres.
La France a indiqué ses priorités sur le CFP 2021-2027, sans lesquelles il n'y aurait pas d'accord de sa part. Elle entend tout d'abord défendre la PAC, qui contribue à la sécurité alimentaire de l'UE. Elle souhaite également le maintien du budget de la cohésion, qui est capitale pour les RUP. Sur l'intégration du FED au budget européen, la France pose des conditions ; celle-ci n'est donc pas acquise. La France défend aussi des priorités dans le domaine de la défense, de l'espace et de la recherche. Pour défendre ces priorités, nous avons des alliés et des atouts. S'agissant des PTOM, nous perdons cependant le Royaume-Uni, ce qui implique une mobilisation accrue.
Sur les routes de la soie, nous avons développé une stratégie avec la Chine. Un document de travail définit notre stratégie : la Chine est un partenaire, un concurrent (notamment économique) et un rival systémique sur certains sujets. Accroître les échanges à travers les routes de la soie n'est pas mauvais en soi, mais il faut que ce soit un développement équilibré. Pour assurer un tel développement, le Président de la République souhaite promouvoir un axe indopacifique.
Sur les instruments spécifiques, nous sommes attentifs au Poséi. Nous demandons le maintien de la PAC (puisqu'il y a un lien entre les deux) et dans la boîte de négociations, nous défendons le Poséi.
Je voudrais vous livrer un dernier message. Il faut qu'à Paris, on comprenne ce qui se passe au Parlement européen. Je suis au Parlement depuis très longtemps, et je vois les choses changer, législature après législature. Mais nous avons ici une Commission qui a été élue à neuf voix près, dans des conditions difficiles. Vous avez un Parlement qui est convaincu de la nécessité d'utiliser ces pouvoirs, et d'aller jusqu'au bout dans le rapport de force avec le Conseil. Le Conseil doit bien mesurer que le contrôle des gouvernements nationaux, derrière la scène, sur le vote du budget ne marche pas. Si le Conseil européen présente un mauvais budget, il sera rejeté. Ce sera une crise institutionnelle. Nous avons pris des dispositions, nous avons demandé à la Commission un régime transitoire pour la PAC, j'ai demandé à la Commission la même chose pour la politique de cohésion pour couvrir la période 2021, car nous nous préparons au rejet du budget. J'ai pris la décision hier de suspendre les négociations sur la totalité des règlements des fonds : aussi bien le fonds FEAMP et le fonds Asile, Migration et Intégration (FAMI), le FEDER, INTERREG... Nous sommes dans cette logique-là.
Pour ce qui est du Brexit, gardez à l'esprit que le Royaume-Uni raffine du sucre, et que se posera la question de l'entrée sur le marché européen de ce sucre. Va-t-on avoir une concurrence supplémentaire pour les outre-mer ? Le président Michel Barnier a été très vigilant sur ces questions, mais les négociations s'ouvriront par la suite. Il faut prendre en compte les conséquences pour les PTOM : le Royaume-Uni en possédait, et elle participait aux conférences des PTOM.
s, président. - Juste un mot avant de conclure : j'entends les messages que vous nous transmettez. Nous sommes là pour les porter. La caractéristique de notre délégation est d'être transpartisane. L'État français est représenté à Bruxelles par la Représentation permanente, qui est liée au SGAE. Et les députés européens ? Lorsqu'un message comme celui que vous délivrez aujourd'hui est envoyé, y a-t-il un relais auprès de la Représentation permanente ?
D'abord on espère que la PAC ne va pas diminuer. Ensuite si elle baisse, nous négocierons.
Nous travaillons en effet avec l'ensemble des Représentations permanentes et l'ensemble des Gouvernements. Le discours que je tiens devant vous, je l'ai aussi tenu devant le ministre de l'économie allemand ! Nous aurons une présidence croate, puis une présidence allemande. L'Allemagne a donc un rôle très important. Je tiens le discours nécessaire vis-à-vis de la France, et il est évident que moi-même défendant les régions françaises, j'attends que le Président de la République soit au côté des régions françaises, y compris d'outre-mer. Je lui ai adressé un courrier à ce sujet, auquel il m'a fourni une réponse intéressante, rassurante, et j'ai vu Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État chargée des affaires européennes, une rencontre concernant les RUP entre Portugal, Espagne et France s'est tenue au niveau ministériel. C'est très positif, et il faut maintenir cette dynamique. Je pense qu'il faut construire des rapports de force à l'intérieur du Conseil européen et que la France prenne sa place dans le groupe des pays « amis de la cohésion ». Je comprends qu'il y ait des arguments pour la France de ne pas le faire, mais à la place qui est la mienne, vous comprenez que j'appelle la France à sortir de cet entre-deux.
Aujourd'hui on n'imagine pas d'alternative à un maintien de la PAC pour arriver au maintien du Poséi.
J'ai aussi entendu votre message sur le débat des municipales. Il faut comprendre que nos communes sont davantage dans une interaction directe avec les collectivités départementales et régionales, et c'est difficile pour elles de s'inscrire dans le débat.
Je vous remercie de votre propos et de la qualité de notre échange.
La France veut le maintien de la PAC. Si on entre dans une négociation où la PAC diminue, on défendra le Poséi. Mais ce n'est pas notre position. Le Poséi ne sera pas une variable d'ajustement. Le nouveau Commissaire qui a le portefeuille de l'agriculture et qui est polonais n'est pas forcément informé des sujets concernant les RUP. La France a cependant un atout en la personne de Mme Catherine Geslain-Lanéelle, cheffe adjointe du cabinet du Commissaire à l'agriculture, très mobilisée sur ces sujets.
S'agissant du budget bénéficiant aux PTOM, l'enveloppe nominale semble diminuer mais en réalité cette baisse n'est que la conséquence mécanique du Brexit. La DAO inclut désormais le Groenland. Avec le Danemark, nous avons des intérêts partagés. Un premier accord, obtenu sur la DAO, est protecteur de nos intérêts mais l'enveloppe budgétaire finale n'est pas encore actée.
Vous êtes optimiste sur le Groenland ? C'est un grand territoire et le Danemark est un grand pays.
Nous avons l'optimisme de la volonté. Il faut éviter dans un premier temps la concurrence avec les Danois. Il faut d'abord défendre avec eux une enveloppe globale, et ensuite négocier la répartition.
Les PTOM ont accès à un autre instrument de voisinage : le pilier thématique et celui de réponse aux crises. Il est en cours de négociation. On a obtenu que les PTOM puissent également bénéficier de programmes comme Horizon 2020, le programme européen pour la recherche et l'innovation.
La France n'a pas encore accepté la budgétisation du FED, certaines conditions devant être examinées attentivement, notamment les priorités pour les pays ACP. Sur la fiscalité, il faut savoir que la Commission européenne traite ensemble la question de l'octroi de mer et celle de la taxation du rhum. Cela n'est pas à notre désavantage. S'agissant du rhum, une étude a été commandée. L'objectif pour la France est de rendre possible une augmentation régulière du contingent.
Quant à l'octroi de mer, il s'agit d'un dispositif critiqué à la Commission. L'audit commandé par la Commission doit permettre d'évaluer les avantages et les inconvénients du système, les justifications, les produits couverts. Il faut arriver à avoir les bons arguments, pour les défendre à la direction compétente, la DG Taxud. Il est à noter qu'un Français est à la tête de la Direction générale de la Concurrence, M. Olivier Guersent. Nous avons donc une oreille attentive sur ces sujets.
À la Commission, les dérogations fiscales des RUP forment un paquet de mesures. L'étude demandée par la Commission à un cabinet italien évalue à la fois le dispositif de l'octroi de mer et les régimes fiscaux, appliqués notamment dans les Canaries espagnoles. Nous pouvons donc nous associer à l'Espagne sur ces questions et constituer un front commun.
Il est à noter que nous avons obtenu sans difficulté de la Commission l'ajout des 84 produits sur la liste d'exemption ou de réduction d'octroi de mer.
Ensuite, la question de la répartition des contingents de rhum est une question franco-française. Les modalités sont fixées au niveau national, et la Commission n'a pas à donner son avis.
Il ne faut pas oublier que l'octroi de mer remplit une double mission. Il est utile pour le financement des collectivités et il soutient la production locale.
Tout à fait. Nous avons beaucoup échangé avec le cabinet italien mandaté par la Commission pour l'évaluation de l'octroi de mer. La Commission prendra aussi en compte les débats français et les missions en cours. La France entend faire front commun avec l'Espagne et le Portugal pour obtenir le renouvellement de ces dérogations. Une déclaration commune a d'ailleurs été faite en novembre 2019 avec ces deux pays.
J'aurai une autre question sur l'octroi de mer. Je suis toujours surpris que le sujet revienne périodiquement. La parole du Président de la République (« moderniser l'octroi de mer mais non le supprimer ») ne donne-t-il pas une assurance quant à la reconduction du dispositif ?
Certes, cette parole donne une assurance forte. Il n'en demeure pas moins que ce dispositif est encadré par les traités européens. Il s'agit d'une dérogation, et à ce titre, elle ne peut être prolongée que si son efficacité est démontrée. Il convient d'examiner en particulier la proportionnalité du dispositif.
Notre programme est très chargé et nous ne pourrons aborder toutes les questions que nous nous posons. Je voudrais vous faire part d'une autre de mes inquiétudes. Concrètement comment les questions ultramarines sont-elles traitées à la Représentation permanente ? Quels sont vos moyens humains ? Y a-t-il une cellule outre-mer à la représentation ? Comment défendez-vous les intérêts des outre-mer à Bruxelles ?
Je serais très heureux de venir à Paris pour vous en parler. Il est cependant difficile de quitter Bruxelles où nous sommes en première ligne pour défendre les dossiers. Quelques mots sur la Représentation permanente. Elle travaille sur un mode interministériel. Nous avons une équipe, dont vous n'avez vu qu'une pointe avancée. Nous travaillons au jour le jour avec la Commission, et nous avons des relations avec les autres représentations.
Quand un dossier est envoyé d'un territoire ultramarin, est-ce que vous intervenez dans son accompagnement ?
Je veux vous rassurer. Nous intervenons de manière globale. Nous pesons avec tout notre poids au Conseil. Ensuite, il y a les représentations avec lesquelles nous sommes en contact régulier.
Je m'interroge toujours de savoir si le poids de la France est suffisamment fort quand elle tape sur la table et si l'implication de la France ne se limite pas aux fameuses NAF (notes des autorités françaises).
Nous sommes mobilisés. Les mots sont une chose, l'engagement auprès des institutions en est une autre. Nous négocions, nous faisons des alliances. Nous tapons sur la table avec notre poing s'il le faut, mais nous nous en servons aussi pour serrer des mains.
- Présidence de M. Michel Magras, président -
Monsieur le député, cher Younous Omarjee, je vous remercie de nous recevoir. La délégation sénatoriale aux outre-mer que je préside mène une étude sur les enjeux financiers et fiscaux européens outre-mer en 2020. En effet, nous sommes actuellement en période de négociation du cadre financier pluriannuel, de réexamen de certains dispositifs concernant les RUP, ainsi que les PTOM. S'ajoutent à cela les enjeux et conséquences du Brexit. La délégation a nommé comme rapporteurs de cette étude Mme Vivette Lopez, sénatrice du Gard, MM. Gilbert Roger, sénateur de Seine-Saint-Denis, et Dominique Théophile, sénateur de Guadeloupe.
Il est dans les principes de notre délégation d'associer ultramarins et hexagonaux, majorité et opposition, hommes et femmes, pour travailler en toute transversalité sur les sujets intéressant les outre-mer. Nous nous sommes rendus aujourd'hui à Bruxelles pour mesurer les enjeux des relations entre nos outre-mer et l'Union européenne, et comprendre ce que nous pourrions proposer comme amélioration pour la prise en compte de leurs spécificités. Nous avons, la semaine dernière, auditionné le Secrétariat général aux affaires européennes (SGAE) à Paris et nous venons de la Représentation permanente de la France à Bruxelles. Merci de consacrer une partie de votre temps pour nous éclairer sur ces problématiques. Je vais vous laisser nous les exposer, puis je donnerai la parole à mes collègues.
Puisque nous sommes limités par le temps, j'irai droit au but. Je suis, comme vous le savez, président de la Commission du développement régional qui est en charge des politiques de cohésion qui sont prioritaires pour les questions touchant aux régions ultrapériphériques. Nous sommes à un moment crucial, où les décisions qui vont être prises dans les semaines et mois à venir impacteront la vie de nos citoyens pour les dix ans à venir. La bataille qui est devant nous est d'abord budgétaire.
La problématique actuelle est la suivante : l'Union européenne doit renégocier son cadre financier pluriannuel. Le Parlement européen a fait une proposition qui est, selon nous, de nature à donner une ambition pour l'Europe ainsi que pour les différentes politiques sectorielles. Effectivement, la négociation est difficile du fait du Brexit et de la nécessité de financer de nouvelles politiques tout en maintenant les politiques actuelles. La proposition du Parlement me paraît être une proposition sérieuse et nous demandons au Conseil de ne pas sacrifier son ambition pour l'Europe. Nous sommes choqués que les positions du Conseil, et notamment la proposition de la présidence finlandaise, fassent à la fois le deuil des ambitions du Parlement européen, mais aussi celui des ambitions du Conseil européen : c'est une mauvaise proposition.
La Commission européenne a proposé, pour la politique de cohésion, un budget en baisse. C'est sans précédent, jamais le budget de la politique régionale n'avait baissé auparavant, et la Commission européenne ne nous a pas aidés, par ses positions, pour négocier avec le Conseil européen.
Au Conseil européen, la France joue un rôle crucial. Le président du Conseil européen, M. Charles Michel, débute actuellement les discussions avec les États membres pour trouver des compromis budgétaires permettant de satisfaire les enjeux évoqués au début. Or, je suis étonné de la position d'entre-deux du Président de la République et de la diplomatie française sur la question de la cohésion. Vous êtes des observateurs assidus des négociations européennes, et vous voyez bien qu'il s'agit d'une histoire qui se répète. Le budget de la politique agricole commune (PAC) est menacé, et le Président de la République rentrera en France en se vantant d'avoir sauvé cette politique agricole commune. La France semble prioriser la défense de la PAC, ce qui est extrêmement important, mais pour nous, c'est tout le budget proposé qui est inacceptable, et en particulier la baisse pour la politique de cohésion. Nous attendons donc de la France, et du Président de la République en particulier, qu'elle se range clairement du côté des pays « amis de la cohésion ». J'entends ici et là qu'il n'y aurait pas d'avantage politique à tirer du sauvetage de la politique de cohésion. En effet, ses bénéficiaires sont difficilement identifiables : ce sont souvent des institutions, comme les régions, et non des groupes comme les agriculteurs comme dans le cas de la PAC, qui sont très bien organisés, tandis qu'il est très difficile de mobiliser un « lobby de la cohésion ».
J'estime que le Président de la République doit, pour diverses raisons, se ranger du côté des « amis de la cohésion ». Premièrement, nous avons plus que jamais besoin de cohésion en Europe. Avec le Brexit, il nous faut renforcer davantage les convergences. Deuxièmement, la cohésion a permis de soutenir les investissements, la croissance et l'emploi, et je laisse de côté la participation de la politique de cohésion à certains nouveaux objectifs de l'Union : nous n'avons pas attendu le New Green Deal pour, dans la période 2014-2020, engager 40 milliards d'euros sur les objectifs climatiques. Nous avons investi près de 60 milliards pour l'environnement, 120 milliards au total sur les objectifs de la période. Lorsque nous avons proposé la concentration thématique des fonds, j'ai entendu beaucoup de critiques venant des institutions, des régions, etc., nous reprochant de vouloir flécher des objectifs alors qu'il y a encore beaucoup de retard sur de nombreux aspects. C'était pourtant important.
Si le budget de la cohésion diminue, ce sera de l'argent en moins pour ces objectifs, pour la formation professionnelle, pour la construction des lycées, pour l'aide aux petites et moyennes entreprises à travers le FEDER... Ce sera aussi des marchés en moins pour les entreprises françaises. En effet, sur les 350 milliards de fonds, beaucoup de ces crédits sont alloués à des infrastructures en Europe. Je pense notamment aux pays de l'Est qui ont encore des retards à rattraper. Je suis par exemple allé visiter les grands chantiers en Bulgarie, qui sont pour beaucoup d'entre eux confiés à de grandes entreprises italiennes, allemandes et françaises.
Enfin, la diminution des crédits sera catastrophique pour les RUP qui, en raison de leur retard de développement, émargent plus que d'autres régions aux fonds de cohésion.
Évidemment, nous avons déjà commencé à travailler avec la Commission européenne, pour que l'impact sur les régions les moins développées soit le plus faible possible si les baisses de la politique de cohésion se confirment. En revanche, pour les régions en transition, ce qui concerne beaucoup de régions françaises, la diminution des fonds sera considérable. La France y a donc un intérêt. Et dans les rapports de force au sein du Conseil, le rôle du Président de la République sera important. Le Portugal a décidé d'organiser un sommet des pays « amis de la cohésion » le 2 février prochain. J'avais suggéré au Premier ministre portugais de le faire sur le modèle des pays de Visegrád qui ont fait un sommet avant le dernier Conseil européen. J'aurais aimé que la France réponde à l'invitation qui lui a été envoyée. Je m'y rendrai pour donner le point de vue de notre commission, et le 5 février, le Premier ministre portugais viendra ici, à Bruxelles. Le Portugal est un État important, car en plus d'être un « ami de la cohésion », il possède des RUP : les Açores et Madère. La France ne peut pas se dissocier des pays qui ont des RUP comme elle. Pour nous autres ultramarins, l'absence de la France à ce sommet sera incomprise. Je vous prie donc de faire passer ce double message au Président de la République et au Gouvernement.
Pourquoi les États membres sont-ils aussi peu réceptifs aux demandes que nous formulons pour que le budget soit porté à un niveau qui permette de financer les politiques ? Je pense que c'est parce que plus l'on augmente le budget, plus cela génère des contraintes nationales en raison du cofinancement. La France étant un contributeur net, elle regarde les choses de façon prudente. Pour ma part j'ai la responsabilité de défendre la politique régionale et je le répète, c'est une priorité centrale.
On ne pourra pas faire mieux dans la programmation future avec des crédits en diminution. Il faudra couper dans les allocations, avec des conséquences pour les projets dans lesquelles elles sont déployées. Je suis très surpris que dans le cadre des élections municipales, personne n'aborde ce sujet, alors que ces fonds financent des équipements structurants au niveau local.
Concernant l'avenir, la Commission présidée par Mme Ursula von der Leyen a lancé le New Green Deal, 1 000 milliards d'euros avec des effets de levier. Je ne vais pas rejeter une orientation qui est une révolution de nature positive en termes de message politique. Mais là encore, la priorité qui est la mienne est que les RUP émargent avec une intensité plus forte pour ce New Green Deal, parce qu'il doit aussi être un Blue Green Deal, pour coïncider avec l'objectif d'autonomie énergétique pour les îles françaises. Avec ces budgets, il serait possible de continuer les projets pilotes et d'investir dans différents domaines. Toutefois, la difficulté est qu'il ne s'agit pas de subventions. Il manque souvent le savoir-faire pour utiliser ces financements. Je l'ai vu lors de la mise en oeuvre du plan Juncker : j'ai demandé à ce que l'on ait une évaluation de la mise en oeuvre de celui-ci en outre-mer. Vous seriez surpris du résultat : il a bien marché là où l'on avait pris un peu d'avance pour l'accueil de ce plan, comme à La Réunion. Mais ce n'est pas extraordinaire, voire inexistant, ailleurs.
Dans le cadre du New Green Deal, le premier règlement vient d'être adressé au Parlement européen et concerne le fonds de « transition juste ». Celui-ci, d'un montant de 100 milliards d'euros avec des effets de levier, et 7 milliards d'euros prélevés sur les fonds européens vise à aider les régions charbonnières à accomplir cette transition. La Commission européenne a fait le choix d'ouvrir ce fonds à l'ensemble des États membres. C'est une bonne chose, mais certains pays, comme l'Allemagne ou la Pologne, vont pouvoir bénéficier de crédits très importants. Là encore, je vais veiller à ce que ce fonds de « transition juste » permette des investissements dans les outre-mer. Nous restons en effet très dépendants des énergies fossiles. S'il y a des crédits permettant de financer les énergies renouvelables, il faut les mobiliser.
Je vous laisse la parole, mais beaucoup de sujets restent à aborder, comme l'octroi de mer, la PAC, le Poséi, les accords commerciaux, pour lesquels nous avions passé un premier accord avec le Vietnam dans lequel j'avais pu obtenir des garanties concernant le sucre. Je vous ferai noter, que dans les accords passés avec l'Équateur et les Pays andins, les clauses de sauvegarde n'ont pas été activées par la Commission. J'ai reçu il y a deux jours un courrier cosigné par M. Phil Hogan, le nouveau commissaire au commerce, et le nouveau commissaire pour l'agriculture, M. Janusz Wojciechowski, qui me disent que les conditions ne sont pas réunies, alors que nous estimons, avec Eurodom, que les seuils ont été dépassés et qu'il fallait les activer.
M. le Président, je note à travers votre propos une vraie inquiétude pour l'avenir et un risque de diminution des fonds. Je relève également un besoin d'engagement de l'État français à vos côtés. Il nous intéresserait aussi de connaître votre avis sur la situation des PTOM. J'ai juste un mot à ajouter sur les accords commerciaux, le Sénat s'était particulièrement impliqué dans les accords sur le sucre, notamment en ce qui concerne La Réunion. Nous nous étions aussi intéressés aux accords avec l'Amérique centrale. Je laisse la parole à Gisèle Jourda, également membre de la commission aux affaires européennes.
Merci, Monsieur le Président. Hier, en commission des affaires européennes, le président Jean Bizet nous a présenté un projet de résolution européenne sur le cadre financier pluriannuel. Il a évoqué la PAC comme axe stratégique, également le fait de donner aux fonds de cohésion une priorité pour les préserver. Nous avons mis en avant les régions ultrapériphériques pour que les budgets soient préservés, ainsi que les PTOM.
J'ajouterai un bémol au sujet du Pacte vert. Les modalités annoncées, et le fonds de transition juste, appellent de notre part une certaine vigilance. Nous soutenons cette initiative, mais nous ne souhaitons pas qu'elle vienne amputer les fonds de cohésion, vitaux pour nos régions. Nous avons voté cette résolution à l'unanimité de la commission.
Je vous réponds de suite sur le fonds de transition juste. Nous avions demandé à la Commission que l'on n'empiète pas sur le budget de la cohésion. Effectivement, ils empiéteront sur la PAC ! Toutefois, que ce soit la PAC ou le budget de la cohésion, ce ne sont pas des fonds nouveaux. Ce ne sera vraiment une plus-value que si nous avons des budgets qui ne diminuent pas. Je suis très prudent sur ce fonds qui relève de la compétence de ma commission, et je ne peux pas en tant que Président m'exprimer sur celui-ci.
Pour autant, j'ai bien noté dans vos propos que le New Green Deal ne sera pas un versement d'aides sous forme de subventions, mais davantage sous forme de prêts, ce qui est une tendance actuelle, mais qui pourrait pour nos collectivités, souvent surendettées, être un frein plus qu'un encouragement.
Il me semble que M. Younous Omarjee a lancé un appel au secours. Il nous faut le rassurer sur nos intentions, avec les précautions d'usage quant à notre latitude. Nous comprenons la nécessité de solliciter une mobilisation plus importante de l'Exécutif au regard des enjeux de nos territoires.
Je voudrais vous livrer un dernier message. Il faut qu'à Paris, on comprenne ce qui se passe au Parlement européen. Je suis au Parlement depuis très longtemps, et je vois les choses changer, législature après législature. Mais nous avons ici une Commission qui a été élue à neuf voix près, dans des conditions difficiles. Vous avez un Parlement qui est convaincu de la nécessité d'utiliser ces pouvoirs, et d'aller jusqu'au bout dans le rapport de force avec le Conseil. Le Conseil doit bien mesurer que le contrôle des gouvernements nationaux, derrière la scène, sur le vote du budget ne marche pas. Si le Conseil européen présente un mauvais budget, il sera rejeté. Ce sera une crise institutionnelle. Nous avons pris des dispositions, nous avons demandé à la Commission un régime transitoire pour la PAC, j'ai demandé à la Commission la même chose pour la politique de cohésion pour couvrir la période 2021, car nous nous préparons au rejet du budget. J'ai pris la décision hier de suspendre les négociations sur la totalité des règlements des fonds : aussi bien le fonds FEAMP et le fonds Asile, Migration et Intégration (FAMI), le FEDER, INTERREG... Nous sommes dans cette logique-là.
Pour ce qui est du Brexit, gardez à l'esprit que le Royaume-Uni raffine du sucre, et que se posera la question de l'entrée sur le marché européen de ce sucre. Va-t-on avoir une concurrence supplémentaire pour les outre-mer ? Le président Michel Barnier a été très vigilant sur ces questions, mais les négociations s'ouvriront par la suite. Il faut prendre en compte les conséquences pour les PTOM : le Royaume-Uni en possédait, et elle participait aux conférences des PTOM.
s, président. - Juste un mot avant de conclure : j'entends les messages que vous nous transmettez. Nous sommes là pour les porter. La caractéristique de notre délégation est d'être transpartisane. L'État français est représenté à Bruxelles par la Représentation permanente, qui est liée au SGAE. Et les députés européens ? Lorsqu'un message comme celui que vous délivrez aujourd'hui est envoyé, y a-t-il un relais auprès de la Représentation permanente ?
Nous travaillons en effet avec l'ensemble des Représentations permanentes et l'ensemble des Gouvernements. Le discours que je tiens devant vous, je l'ai aussi tenu devant le ministre de l'économie allemand ! Nous aurons une présidence croate, puis une présidence allemande. L'Allemagne a donc un rôle très important. Je tiens le discours nécessaire vis-à-vis de la France, et il est évident que moi-même défendant les régions françaises, j'attends que le Président de la République soit au côté des régions françaises, y compris d'outre-mer. Je lui ai adressé un courrier à ce sujet, auquel il m'a fourni une réponse intéressante, rassurante, et j'ai vu Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État chargée des affaires européennes, une rencontre concernant les RUP entre Portugal, Espagne et France s'est tenue au niveau ministériel. C'est très positif, et il faut maintenir cette dynamique. Je pense qu'il faut construire des rapports de force à l'intérieur du Conseil européen et que la France prenne sa place dans le groupe des pays « amis de la cohésion ». Je comprends qu'il y ait des arguments pour la France de ne pas le faire, mais à la place qui est la mienne, vous comprenez que j'appelle la France à sortir de cet entre-deux.
J'ai aussi entendu votre message sur le débat des municipales. Il faut comprendre que nos communes sont davantage dans une interaction directe avec les collectivités départementales et régionales, et c'est difficile pour elles de s'inscrire dans le débat.
Je vous remercie de votre propos et de la qualité de notre échange.
- Présidence de M. Michel Magras -
conseillère au cabinet de Mme Élisa Ferreira, Commissaire européenne à la cohésion et aux réformes. - Mme Élisa Ferreira, Commissaire européenne, regrette de ne pas pouvoir vous recevoir aujourd'hui. Avant de rejoindre son cabinet, j'ai travaillé longtemps à la DG Régio. J'ai compris que vous vous intéressiez aux propositions de la Commission qui concernent les outre-mer.
Au nom de la délégation, je vous remercie de nous recevoir en l'absence de Mme Élisa Ferreira, commissaire européenne à la cohésion et aux réformes, et de répondre aux questions que mes collèges souhaitent vous poser.
Notre délégation s'est saisie cette année des enjeux financiers et fiscaux européens pour les outre-mer. Nous sommes accompagnés du président de la commission des affaires européennes, M. Jean Bizet et nous venons à votre rencontre pour comprendre ce qui va changer avec le nouveau cadre financier et évaluer les risques pour les outre-mer avec cette nouvelle donne européenne.
J'étais cette semaine à Zagreb et nous avons eu ce matin une réunion avec Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État aux affaires européennes. Nous savons que le président du Conseil européen, M. Charles Michel, a décidé de prendre la question du cadre financier plus fortement en main. La question va d'abord être celle du bon curseur entre les différentes propositions émises par rapport au revenu brut annuel. On sait que pour les politiques traditionnelles, notamment la politique de cohésion et la PAC, il y aura des arbitrages qui auront des effets induits sur les outre-mer. Le second point est qu'à la suite du Brexit un certain nombre de PTOM et RUP vont sortir de la sphère européenne. Comment allez-vous en prendre la mesure ? Sur l'octroi de mer, on arrive au terme d'une forme de contrat. Avez-vous pensé à une autre approche, plus dynamique, plus constructive, voire plus pertinente ? Avec le Brexit, la position de la France va devenir importante par un effet de vases communicants, pour ces territoires. Comment allez-vous le prendre en compte ?
La Commission a fait une proposition équitable et raisonnable pour les 7 années à venir. Il y a 2 ans, le contexte était avec l'annonce du Brexit la perte de recettes d'environ 10 milliards par an et de nouveaux défis à lancer. La commission a fait une proposition de légère baisse du budget pour la politique de cohésion mais vu les tensions sur cette politique, la proposition était tout à fait raisonnable. Entre les politiques traditionnelles et les nouvelles, on a besoin de tenir compte des données disponibles au moment de la proposition.
Il y a un retard de 5 % sur la période précédente en termes de programmation, ce qui n'a pas aidé à défendre pour la prochaine période le maintien ou l'augmentation du budget de la cohésion. L'allocation spécifique pour les régions ultrapériphériques a été cependant maintenue et s'établit à 1,02 milliard avec une répartition entre FEDER et FSE (alors qu'elle ne concernait auparavant que le FSE). À l'allocation spécifique RUP, s'ajoutent les différents programmes couvrant les RUP. Ceux-ci bénéficient de taux de cofinancement les plus élevés. La Commission a cependant proposé une baisse des taux de cofinancement.
Deux raisons principales expliquent ce choix. D'abord, il s'agit de revenir au niveau d'avant la crise. La programmation 2014-2020 avait commencé à être établie en 2011, et ces taux de cofinancement élevés étaient justifiés par la situation économique. La deuxième raison de cette baisse est la volonté de maintenir le niveau du budget global de la cohésion. Alors que l'UE doit faire face à de nouvelles priorités et donc à de nouvelles dépenses, le seul moyen d'afficher un maintien (ou une faible baisse) du budget de la cohésion était de diminuer les taux de cofinancement.
Un autre élément important des propositions de la Commission pour 2021-2027 est la concentration thématique. La Commission veut concentrer les investissements sur des types d'investissement qui changent les structures économiques et qui participent à la modernisation. Les RUP, même si elles font partie des pays les plus riches (c'est le cas pour les RUP françaises), bénéficient des concentrations thématiques les moins élevées. Elles s'établissent à 65 % (dans les concentrations 1 et 2 : « une économie plus intelligente » et « une Europe plus verte »). Les spécificités des RUP sont bien prises en compte : une allocation spécifique leur est accordée, les taux de cofinancement sont adaptés et les concentrations thématiques 1 et 2 sont aménagées, permettant aux RUP de garder d'importantes marges de manoeuvre
Ces propositions sont sur la table. Les questions liées au budget sont mises de côté dans la boîte de négociation (question des taux de cofinancement, concentration thématique). On a abouti sur trois blocs : la programmation, les conditions d'habilitation et le système de gestion et de contrôle. Il y encore 4 blocs. Nous n'arriverons pas à terminer les règlements avant qu'il y ait un accord du point de vue financier.
Il y aura un nouveau Conseil européen fin février. La présidence finlandaise n'a pas permis d'avancer ; un grand nombre d'États membres n'ayant pas été satisfait de ses propositions. Charles Michel essaie de trouver un accord pour fin février. Si un accord est trouvé fin février, la finalisation des règlements pourrait être obtenue d'ici la fin de l'année. Dans le cas contraire, des règlements de transition pourraient être mis en oeuvre. L'annualité budgétaire, qui serait alors mise en place, ne serait pas satisfaisante pour régler les problèmes de la politique de cohésion. Certains contributeurs pourraient même profiter de cette période transitoire pour proposer de baisser encore le futur budget pluriannuel.
Tout le monde communique ses lignes vertes et ses boîtes rouges pour qu'on puisse obtenir un accord d'ici fin février.
Nos territoires ultramarins seraient particulièrement touchés par ces baisses puisqu'ils sont plus dépendants que d'autres territoires des programmes européens. A-t-on donc des raisons d'être inquiets ?
Ce qui est important est que tous les éléments soient mis sur la table. La Commissaire à la cohésion souhaite que le budget de la cohésion soit à la hauteur. Pour ce faire, il faut augmenter les ressources propres. Le Parlement a décidé la suspension des négociations sur les règlements tant qu'il n'y a pas d'avancées sur les ressources propres. La Commission a fait des propositions, reste à savoir si les États membres s'entendront sur les quotas carbone et les autres ressources propres.
Ces ressources propres ne représenteraient que 10 % du budget, ce n'est pas énorme.
En effet. Pour revenir à votre interrogation, les acteurs locaux pourraient effectivement se trouver en difficulté s'il n'y a pas d'accord.
Le nouveau Parlement européen veut exister, du fait de sa nouvelle composition. Je pense que la partie de bras de fer va durer longtemps. La conséquence en est que les territoires risquent d'en pâtir.
S'agissant du scénario de budget transitoire, celui-ci est très difficile à envisager pour des programmes pluriannuels. Auparavant, je travaillais à la DG Régio sur l'Espagne et le Portugal. L'Espagne refuse de négocier tant qu'elle ne connaît pas son enveloppe globale. Nos services n'ont pas encore travaillé sur des scénarios transitoires concrets. À mon avis, il est peu probable de valider des programmes opérationnels sans avoir d'accord sur le budget.
Vous proposez la baisse du FEAMP, du Poséi, de l'enveloppe FED et des taux de cofinancement. Comment justifiez-vous ces baisses ? Cela est-il dû à une mauvaise consommation des fonds ? Est-ce pour approvisionner le nouveau Pacte Vert ? Nous avons du mal à voir quelle est la vision stratégique de l'Europe.
Je procéderai par élimination. Ce n'est pas lié à une mauvaise utilisation des enveloppes. Comme je vous le disais, la baisse des taux de cofinancement résulte de l'alignement sur l'objectif général de maintien de l'enveloppe totale allouée à la politique de cohésion. Par ailleurs, la stratégie actuelle de la Commission est de faire mieux et plus avec moins d'argent. Cela se répercute à tous les échelons des politiques européennes.
Les RUP n'ont pas la possibilité d'obtenir ailleurs les financements que l'UE envisage de leur retirer. C'est un choix stratégique dangereux pour nos RUP.
Nous sommes pris en étau, me semble-t-il, entre la rigueur des pays du Nord et les propositions de nouvelles priorités formulées par la Commission.
Avec le départ du Royaume-Uni, un contributeur net quitte l'Union européenne. Il y a donc une perte sèche pour le budget de l'Union. Cependant, le Royaume-Uni bénéficiait de toute une série d'aides et de financements. Continuera-t-elle longtemps à percevoir ces fonds ? Par ailleurs, la France a été invitée au sommet des pays « amis de la cohésion », qui doit se tenir début février au Portugal. Pourquoi la France n'y participera-t-elle pas ?
Je ne peux pas vous répondre sur votre dernière question mais je veux revenir sur les taux de cofinancement et vous préciser que ce n'est pas une préoccupation spécifique aux RUP. C'est une préoccupation de l'ensemble des régions les moins développées de l'UE. Les négociations permettront peut-être un relèvement des taux puisque cela ne coûte pas plus cher aux contributeurs nets. En effet, la seule conséquence est que l'UE financera moins de projets, mais cela n'aura pas pour conséquence d'augmenter le budget de la politique cohésion et donc la contribution des États membres.
S'agissant des fonds destinés au Royaume-Uni, le pays continuera à bénéficier des programmes lancés sur 2014-2020. C'est le principe de l'apurement des programmes. Et il ne s'agit que de programmes cofinancés entre l'UE et le Royaume-Uni.
Sur l'octroi de mer, allez-vous modifier les différentiels des taux ? Il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'une recette majeure pour nos régions. Sur la taxation du rhum, quelle est votre position ?
L'octroi de mer va être révisé puisque son échéance arrive en 2020. La DG Taxud pourra vous en dire davantage.
Je voudrais vous remercier pour ces échanges. Je ne sais pas cependant si nous sortons rassurés ou non de cet entretien.
Vous avez des amis à la Commission. Au sein de la DG Régio, les services se battent également pour reconduire les dérogations propres aux RUP. Par ailleurs, vous pouvez être rassurés sur la prise en compte des spécificités des RUP. Comme je vous l'ai indiqué, la Commission a intégré des dérogations pour respecter leurs spécificités. Un dernier point enfin sur la coordination entre FEDER et zones de voisinage. Il est nécessaire de renforcer ces liens. Or, la Commission propose de renforcer la fongibilité des fonds des programmes de voisinage avec le FEDER, pour permettre un meilleur développement des RUP et de leur voisinage. C'est un point positif.
- Présidence de M. Michel Magras, président -
DG Mare, chef d'unité Support structurel Atlantique, mer du Nord, Baltique et régions ultrapériphériques. - Bienvenue à vous. Je suis responsable de l'unité FEAMP à la DG Mare et je gère la coopération pour l'Atlantique, la mer du Nord, la Baltique et les régions ultrapériphériques. Je suis accompagnée de Mme Céline Frank, chargée de mission France auprès de la DG Mare, de M. Christophe Cazanave Pin, responsable de programmes « Belgique, France, Luxembourg, Pays-Bas » à la DG Agri et coordonnateur pour les RUP françaises et enfin de Mme Katalin Fokas, de l'unité « programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité » (Poséi) à la DG Agri.
Notre délégation a souhaité cette année s'intéresser à la question des enjeux européens pour les outre-mer. Cette année 2020 est celle des négociations du nouveau cadre financier pluriannuel, qui s'établira pour 2021-2027. Des dérogations fiscales arrivent à échéance. Par ailleurs, le Royaume-Uni quitte l'Union européenne et ce départ a des conséquences pour nos outre-mer. Enfin la Commission a été renouvelée et de nouveaux choix politiques ont été faits. Il existe un risque que le financement des nouvelles politiques se fasse au détriment des politiques traditionnelles, pourtant capitales pour nos territoires.
Nous avons déjà auditionné le SGAE, la RPUE, M. Younous Omarjee, président de la commission du développement régional, les représentants des bureaux des régions et le représentant de l'association des PTOM, M. Olivier Gaston. Nous avons aussi rencontré une conseillère auprès de la Commissaire à la Cohésion et aux réformes. Nous souhaitons aborder avec vous les problématiques de la PAC, du Poséi, de la pêche. Les trois rapporteurs de notre étude sont Dominique Théophile, sénateur de Guadeloupe, Vivette Lopez, sénatrice du Gard, et Gilbert Roger, sénateur de Seine-Saint-Denis.
Je vous propose d'abord de présenter le contexte de notre action avant de répondre plus précisément à vos questions. Vous savez qu'en 2017 a été adoptée une nouvelle stratégie pour les RUP. Elle comportait une longue liste d'actions.
Nous avons commencé à mettre en oeuvre les points qui nous concernaient. Le premier a été la tenue en 2018 d'un forum sur les affaires maritimes et la pêche dans les RUP. Un deuxième forum de ce type a eu lieu en 2019. Nous comptons en faire une troisième à la fin du mois de juin. Nous réunirons les différents RUP et les différents services de la Commission. À titre d'exemple, nous avons discuté l'année dernière de l'impact climatique et de ses conséquences pour les RUP, mais aussi des besoins de développement des secteurs d'économie bleue permettant des emplois durables, sans se focaliser sur la pêche et l'aquaculture. Le premier forum était davantage scientifique. Il a rencontré beaucoup de succès de la part des participants et nous comptons le répéter.
Le 24 et 25 mars, il y aura à Bruxelles un autre forum sur les RUP, où sera présent M. Virginijus Sinkevièius, le commissaire à l'environnement, aux océans et à la pêche. La présidente de la Commission, Mme Ursula Van der Leyen, sera également probablement présente. Il faut établir un dialogue entre les RUP et l'UE pour développer des liens qui dépassent les simples plans de compensation, et qui s'intéressent aussi au développement de l'économie bleue.
Nous avons engagé un dialogue avec vos représentants à Bruxelles, pour mieux programmer les fonds à destination des RUP. Le FEAMP en fait partie. Nous voulons développer les secteurs de l'offshore, le tourisme durable, l'aquaculture durable, avec une stratégie en termes de planification de l'espace maritime. Nous lançons des « guidelines » pour savoir comment s'y prendre, en coopérant avec toutes les parties prenantes au niveau local et les États membres. Cette stratégie d'économie bleue permettra des investissements plus structurels, au-delà de la compensation des surcoûts.
Concernant le prochain FEAMP pour les RUP, il s'agit toujours d'un budget spécifique. Nous avons proposé un budget minimum pour les six RUP françaises. Il a été fixé à 131 millions d'euros. Nous voulons encourager d'autres secteurs de l'économie bleue et pour ce faire, nous proposons que les plans de compensation des surcoûts (PCS) ne dépassent pas 50 % des crédits FEAMP alloués à chaque RUP. Nous avons apporté un résumé de ce que le nouveau FEAMP prévoit pour les RUP des trois pays membres concernés. Sera institué un plan d'action détaillé pour chaque RUP, où figurent outre les plans de compensation les projets de développement rural de la pêche, de l'aquaculture, et de l'économie bleue.
Les modalités de distribution des fonds entre les RUP est une affaire nationale. Il est très important que les deux niveaux engagent la discussion dès maintenant, de sorte que les besoins soient bien pris en compte dès le début.
La plan comporte aussi le maintien d'aides préférentielles pour les RUP, avec des taux d'aides de 85 % ; et allant jusqu'à 100 % pour le FEAMP dans le cadre de la petite pêche côtière.
L'approche de la Commission sur le futur FEAMP a changé. Le fonds actuel est très prescriptif, avec des règles très détaillées et très contraignantes. Nous avons donc proposé pour le futur FEAMP une approche beaucoup plus ouverte, qui permettra aux États membres de soutenir les projets qu'ils souhaitent. Nous offrons aux pays membres la possibilité de développer leurs propres approches du FEAMP parmi les quatre priorités suivantes : pêche durable et aquaculture durable ; industrie de transformation ; économie bleue et gouvernance internationale des océans et sécurité maritime. Il n'y aura plus de subdivisions parmi ces priorités. Nous maintenons des objectifs mais il revient aux États membres de fixer les mesures concrètes et les projets qui contribuent à ces objectifs.
La petite pêche côtière est une priorité pour les tous pays qui ont ce type d'activités sur leurs côtes. Nous avons proposé qu'il y ait un plan spécifique sur ce type de pêche.
Nous avons aussi entrepris l'année dernière une étude sur la mise en oeuvre du FEAMP dans les régions ultrapériphériques, qui a conduit à de nombreuses recommandations. Parmi celles-ci figurent des demandes des bénéficiaires eux-mêmes s'agissant de l'accessibilité des aides. Par manque de connaissance ou de structuration des secteurs, les acteurs concernés ne bénéficient pas de certaines aides du FEAMP. Il faut donc mettre en place un accompagnement au niveau régional pour aider les porteurs de projets à pouvoir bénéficier pleinement du FEAMP.
Les 131 millions d'euros représentent-ils une baisse ou une augmentation par rapport au programme précédent ? Si j'ai bien compris, l'État français, qui disposera de cette enveloppe de 131 millions d'euros, devra ensuite la répartir entre ses RUP, proposer des projets d'utilisation des fonds, et ces projets devront à terme être approuvés par l'Union européenne ?
C'est bien cela. Le montant global du FEAMP pour les RUP françaises ne change pas par rapport au cadre précédent, à la différence des autres pays où ce montant baisse. C'est donc une bonne nouvelle. La seule nouveauté est que la Commission propose le plafonnement à 50 % des plans de compensation des surcoûts (PCS). Ce plafonnement peut néanmoins être contourné si l'État décide d'augmenter le montant pour les RUP.
Vous nous avez aussi listé une diversification des projets à mettre en oeuvre avec le FEAMP.
Tous ces projets ne sont pas prescriptifs, c'est à l'État membre de décider lesquels il souhaite soutenir.
responsable de programmes « Belgique, France, Luxembourg, Pays-Bas » à la Direction générale de l'agriculture et du développement rural (DG Agri). - S'agissant de la PAC, il convient de bien faire la distinction entre le premier et le deuxième pilier. Pour la prochaine période de programmation, un plan stratégique national avec 9 objectifs stratégiques est prévu. Le budget global du nouveau Cadre financier est toujours en discussion. La Commission a proposé une réduction de 3,9 % des montants du premier pilier de la PAC (qui comprend le Poséi) et une réduction plus importante encore sur le développement rural (de l'ordre de 15 % pour le deuxième pilier, qui finance le FEADER - Fonds européen agricole de développement agricole).
S'il n'y a qu'un seul plan stratégique national, la Commission sera cependant très sensible à ce que toutes les spécificités des RUP y soient mentionnées. Ce plan sera adopté par la Commission et nos services regarderont attentivement ce qui sera prévu concernant les RUP.
Pour le Poséi, une baisse de 3,9 % est en effet prévue dans les propositions de la Commission. Cependant, suivant l'évolution des négociations, la Commission sera prête à soutenir un maintien du budget Poséi. Pour la France, il s'agit d'un budget très important, avec 270 millions d'euros par an environ. Pour le reste, aucun changement n'intervient pour la prochaine programmation. La structure reste la même, tout comme la façon de programmer avec des modifications annuelles possibles.
Toutefois, une coordination avec le Plan stratégique de développement durable doit se mettre en place. Une coordination avec le Pacte Vert, qui est un programme transversal, est nécessaire. Nous devons ainsi encourager les États-membres à intégrer dans leurs programmes les nouvelles priorités de la Commission. C'est le message que je dois vous faire passer.
S'agissant de la consommation, nous sommes satisfaits : 99 % des fonds sont consommés. Nous souhaitons maintenir ces résultats pour la prochaine programmation.
Sur la simplification, il faut reconnaitre que les conditions d'éligibilité des fonds du Poséi France sont nombreuses et complexes. Pour chaque modification des critères, il faut consulter tous les services compétents de la Commission. Nous souhaitons donc simplifier, avec moins de critères d'éligibilité.
Nous soutenons aussi la simplification de notre côté.
La complexité est un défaut assez français : nous aimons ajouter des couches au mille-feuilles. J'ai une autre inquiétude pour le Poséi. Il y avait jusqu'alors un organisme, à la fois organisateur et payeur du Poséi, l'ODEADOM. La loi de finances pour 2020 a prévu la suppression des « petites structures » et donc la fusion de l'ODEADOM dans FranceAgriMer. Cette démarche consiste à fusionner les organismes publics de moins de 100 salariés pour simplifier la gestion de l'État français. Mais FranceAgriMer devra gérer des problèmes communs à l'ensemble de la France, et l'on risque de perdre la spécialisation qui existait pour les outre-mer.
Je souhaite donc qu'au sein de la structure FranceAgriMer, la gestion de l'ODEADOM puisse être différenciée. Il y aura sinon un risque que les RUP françaises manifestent leur mécontentement sur la gestion du Poséi.
Le développement de l'économie bleue figurera-t-il dans les budgets FEAMP ? Si j'ai bien compris, le budget FEAMP va peut-être baissé. Or, si le développement de l'économie bleue y est ajouté, comment sera-t-il financé ?
Je comprends ce que vous dites. Évidemment, il serait impossible que les ports, les grandes infrastructures maritimes soient financés tous sur le FEAMP parce qu'alors il ne resterait rien pour les mesures spécifiques à la pêche. C'est donc pour cela que l'on insiste tellement sur une stratégie de l'économie bleue bien plus large afin de distinguer dès l'origine les fonds européens, nationaux, régionaux les plus appropriés pour mettre en place cette stratégie.
L'objectif est bien de promouvoir des structures et des secteurs plus durables, de voir plus large, et de ne plus dépendre uniquement d'une pêche artisanale et d'un peu d'aquaculture. À La Réunion, un projet a été financé directement par la Commission à travers le FEAMP actuel : océan metiss. Ce projet a été déposé dans le cadre d'un appel sur la planification de l'espace maritime. Il a été pris comme base par la région pour développer une vision bien plus large, pour encourager le développement de secteurs maritimes prometteurs.
Nous retenons de notre journée que le budget européen 2021-2027 n'est pas encore voté, et qu'il n'est pas prêt de l'être... Nous avons perçu un certain nombre de tensions entre les trois instances européennes.
Il est vrai que le budget n'est pas encore voté. Le cadre n'existe pas encore. Cependant, comme nous l'avons répété devant le Comité de suivi français la semaine dernière, cela n'empêche pas d'avancer. L'important est de repérer les besoins, de développer la stratégie globale. Ces orientations ne changeront pas. Une fois le budget général adopté et les montants fixés, il faudra seulement décider où mettre les priorités et adapter les moyens à la marge en fonction des montants. Si l'on attend que tout soit fixé, rien ne sera prêt à temps.
L'Europe est trop éloignée des Européens, et plus particulièrement des citoyens des RUP. Cela fait dix ans que je me bats pour que l'Europe comprenne ce que représente la pêche dans nos régions ! Je vous invite à venir nous voir dans nos territoires !