Nous accueillons cet après-midi M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, pour examiner les conditions de la mise en oeuvre de la stratégie vaccinale contre la covid-19.
En cette première réunion de notre commission de l'année 2021, je vous adresse tous mes voeux de santé et de prospérité. Je salue les commissaires qui assistent à cette réunion à distance.
La durée de ce temps d'échange est d'une heure. Nous devrons quitter la salle à dix-huit heures afin de permettre à nos collègues de la commission des lois de se réunir dans cette même salle, dans le respect des règles prescrites par la situation sanitaire.
J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site du Sénat, qui sera ensuite disponible en vidéo à la demande.
Afin de conserver à nos échanges un caractère interactif, je demanderai à nos collègues d'exposer leur question de la manière la plus concise possible et à M. le ministre de bien vouloir répondre brièvement, après chaque intervenant.
Monsieur le ministre, nous avons accepté la stratégie vaccinale présentée au Sénat le 17 décembre dernier et, avec elle, la priorisation des bénéficiaires du vaccin en fonction de leur exposition au risque de développer une forme grave de la maladie.
Comparé à certains de nos voisins, en particulier l'Allemagne, le déploiement de la campagne vaccinale a cependant souffert de lenteurs, liées à des faiblesses déjà identifiées lors de la première vague à propos des équipements de protection et de la chaîne logistique.
Vous avez eu recours au cabinet McKinsey pour être conseillé, ce qui ne me pose pas de difficulté de principe. Mais pouvez-vous nous indiquer quels ont été les conseils qui vous ont été donnés, qui a été chargé de les mettre en oeuvre au sein de l'État et selon quel calendrier ? Ces conseils sont-ils d'ores et déjà appliqués ou sont-ils en passe de l'être ?
Permettez-moi tout d'abord de vous adresser, à mon tour, mes meilleurs voeux.
Un système de carrousel a été mis en place depuis plusieurs années en ce qui concerne le soutien que peuvent apporter des cabinets privés à l'action de l'État. Le cabinet McKinsey, comme cela se fait partout ailleurs en Europe, nous appuie dans la conduite du projet en lien avec la task force chargée de mettre en place la stratégie logistique. L'aide de ce cabinet porte donc sur les aspects opérationnels de la stratégie vaccinale, notamment en termes logistiques, et sur la conduite de travaux de comparaison. Il a vocation à aider d'autres ministères que le mien dans l'application de la stratégie vaccinale. Nous avons tout intérêt à utiliser toutes les compétences dont nous disposons, publiques et privées. Je vous remercie, madame la présidente, d'avoir souligné que cela ne vous choquait pas. Ce mode de fonctionnement est traditionnel pour l'État.
Ces conseils sont extrêmement variés. Il s'agit, par exemple, de solliciter très régulièrement les 100 hôpitaux pivots pour vérifier que les livraisons de vaccins ou de seringues se déroulent dans de bonnes conditions. Je pense aussi à la chaîne logistique entre les plateformes du flux A et celles du flux B. Ce travail de fourmi est absolument indispensable. Le cabinet McKinsey n'a pas eu à intervenir dans la stratégie scientifique vaccinale et n'a pris aucune décision en matière de publics prioritaires, par exemple. Toutes les grandes décisions de politique publique relèvent du ministère de la santé, sur la base de recommandations d'autorités scientifiques indépendantes. Ces conseils ne concernent que le cadre purement opérationnel.
L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), plutôt dominé par l'opposition, bien que présidé par M. Villani, a souligné que la stratégie vaccinale, depuis l'ouverture de la vaccination aux soignants, lui semblait satisfaisante. Gérard Longuet, vice-président de l'Opecst, s'est même interrogé sur le fait de savoir si ceux qui critiquent aujourd'hui le Gouvernement auraient forcément été plus malins. Mais il s'agit d'une autre question...
Maintenant que la stratégie est en place, il faut un planning de vaccination. On sent aujourd'hui que la population française a beaucoup plus envie de se faire vacciner qu'il y a seulement huit jours. Pensez-vous être en mesure de garantir que les plus de soixante-quinze ans qui le souhaiteront pourront tous être vaccinés d'ici à Pâques ?
L'Opecst a mené un très gros travail, notamment en termes d'auditions. Son avis, que je vous remercie d'avoir rappelé, m'est extrêmement précieux.
Nous avons effectivement décidé d'ouvrir la vaccination aux 5 millions de Français de plus de soixante-quinze ans. Nous nous donnons plusieurs semaines pour y parvenir. Nous disposons aujourd'hui d'un million de doses de vaccins ; 500 000 doses supplémentaires seront livrées entre cet après-midi et demain. Le rythme des livraisons va s'accroître, semaine après semaine.
À partir de jeudi, les personnes qui le souhaitent pourront prendre rendez-vous en ligne ou par téléphone. Il est fondamental d'ouvrir l'accès à la vaccination aux personnes de soixante-quinze ans et plus en ville. Bien évidemment, tout le monde ne pourra pas être vacciné d'un coup. Des milliers de professionnels de santé sont mobilisés, des centaines de centres de vaccination sont opérationnels sur tout le territoire national. Nous vaccinerons au maximum de nos capacités le maximum de personnes. J'espère que nous parviendrons à proposer la vaccination à ces 5 millions de personnes d'ici à Pâques. J'espère même que nous aurons commencé à la proposer à d'autres Français, toujours par tranches d'âge. Tout cela dépendra également de la validation, par les autorités sanitaires européennes, d'autres vaccins. Je pense notamment à celui développé par AstraZeneca, dont une validation d'ici à février nous permettrait de renforcer nos stocks de 3 millions de doses en février, puis de 6 millions en mars et de 4 millions en avril... Nous pourrions alors potentiellement disposer de 77 millions de doses avant la fin du mois de juin. Cette montée en puissance progressive ne doit rien à la logistique, mais aux commandes passées par la Commission européenne depuis plusieurs mois et qui nous seront livrées progressivement.
Après les différentes pénuries rencontrées depuis bientôt un an, nous comprenons votre souci de bien gérer le flux de vaccins livrés sur le territoire national.
Une fois reconstitué, le vaccin Pfizer-BioNTech présente un volume de 2,25 millilitres. Selon le laboratoire, on pouvait utiliser cinq doses par flacon. Vous avez autorisé l'utilisation d'une sixième dose le week-end dernier, le flacon contenant en fait sept doses et demie. C'est une bonne chose, puisque cette sixième dose représente potentiellement 20 % de vaccinés supplémentaires. Avec sept doses, ce serait 40 %. Dès lors, pourquoi ne pas autoriser le prélèvement d'une septième dose ?
Dans le document qu'il a publié le 8 décembre dernier, Pfizer affirme ne disposer d'aucune donnée sur l'interchangeabilité de son vaccin avec d'autres vaccins contre la covid-19. En savez-vous plus aujourd'hui sur cette question ?
Quelle place pensez-vous donner aux différents professionnels de santé de ville - médecins, infirmiers, biologistes, pharmaciens, etc. - dans cette campagne de vaccination en direction des personnes de plus de soixante-quinze ans ? Je ne suis pas certaine que les centres de vaccination qui vont être mis en place dans les départements à partir de la semaine prochaine soient l'unique réponse à apporter, car beaucoup des plus de soixante-quinze ans qui vivent encore à leur domicile ne pourront sans doute pas se déplacer. Envisagez-vous d'associer les professionnels de ville à cette campagne de vaccination, dans une logique de proximité ?
L'utilisation d'une sixième dose a été autorisée par l'Agence européenne des médicaments (AEM) ; mais sans attendre cette autorisation, les professionnels de santé qui s'étaient rendu compte que c'était possible s'en étaient servis. Quant à une septième dose, même si nous avons quelques retours, elle serait absolument exceptionnelle ; c'est dommage, car cela nous aurait permis de gagner 40 % de vaccinés en plus.
Les personnes vaccinées recevront le même vaccin lors de leur rappel vaccinal : il n'y aura pas d'interchangeabilité.
Concernant l'organisation de la vaccination pour les personnes âgées isolées, il revient aux territoires de s'organiser : je suis très girondin en la matière. Je me suis entretenu avec les associations d'élus en début d'après-midi : l'innovation a déjà commencé, avec des binômes médecin-infirmier qui se déplacent pour vacciner ; des collectivités m'ont demandé si elles avaient le droit d'organiser le transport individuel ou collectif de personnes âgées isolées identifiées dans leur fichier canicule : évidemment ! C'est du bon sens, et le bon sens doit prévaloir ; nous faisons appel à toutes les bonnes volontés. Je sais que les élus sont extrêmement mobilisés aux côtés des professionnels.
À Grenoble, le Conseil de l'Ordre des médecins a organisé des vaccinations à partir de 18 heures jusque très tard pour les libéraux qui travaillent toute la journée. Nous comptons sur tous les professionnels, qu'ils soient étudiants ou retraités. Lorsque nous aurons des vaccins plus simples, qui ne sont pas à utiliser dans les quatre ou cinq jours et qui peuvent voyager plus de douze heures sans casser des brins d'ARN, j'espère vivement que nous pourrons nous appuyer sur le réseau des officines de ville, des médecins libéraux, des infirmiers, de tous les soignants qui peuvent vacciner. Nous savons vacciner 5 millions de Français contre la grippe en une semaine, il n'y a pas de raison que nous n'y arrivions pas avec un vaccin d'utilisation identique.
La question du calendrier est essentielle. Le 17 décembre dernier, vous avez recueilli un large soutien sur votre stratégie vaccinale, qui consiste à cibler d'abord les personnes vulnérables, celles qui risquent de saturer le système hospitalier, voire de mourir du covid, à la fois pour sauver des vies et permettre à notre société de reprendre ses activités. En novembre et décembre, les documents de la Haute Autorité de santé (HAS) prévoyaient la vaccination de 14 à 15 millions de personnes au premier trimestre ; puis la campagne a démarré très lentement et cet objectif est devenu moins crédible. Vous venez cependant d'annoncer que nous disposerions au premier semestre de 77 millions de doses. Sachant qu'il en faut entre 25 et 30 pour vacciner les personnes vulnérables, celles-ci seront-elles vaccinées à la fin du premier trimestre ou plutôt pendant le second ? C'est très important, car cela correspond au calendrier de régression des mesures de restriction d'activité.
Avec 77 millions de doses, nous dépassons largement la vaccination des personnes vulnérables ; envisagez-vous, dans une seconde étape, de promouvoir une stratégie d'élimination du virus par la vaccination d'une fraction beaucoup plus importante de la population ? Si oui, à quelle échéance ?
Nous cherchons à vacciner le maximum de personnes dans le temps le plus court possible, parce que c'est le moyen de protéger les populations et de retrouver le cours de notre vie. Nous faisons le choix de protéger en priorité les personnes qui sont les plus fragiles face au virus. Mais il y a des zones d'incertitudes qui sont de nature non pas politique, mais scientifique, comme la validation du vaccin AstraZeneca, la date de cette validation et le public pour lequel il serait validé. Imaginons que fin janvier, AstraZeneca soit validé uniquement pour les moins de 65 ans, nous aurions alors deux circuits parallèles, l'un réservé aux personnes âgées et l'autre aux personnes plus jeunes. Ces questions relèvent du verdict des autorités sanitaires européennes. Mais si tous les vaccins que nous avons achetés sont validés en temps et en heure par les autorités sanitaires, nous aurons alors 9 millions de vaccins fin février et 21 millions fin mars, ce qui signifie que nous aurons pu démarrer la vaccination d'une dizaine de millions de Français et engagé le processus de la seconde dose pour une partie d'entre eux.
L'objectif est de vacciner un maximum de personnes, donc d'éliminer la circulation du virus. Mais je ne sais pas aujourd'hui si ces vaccins empêchent la contamination ou s'ils protègent uniquement des formes graves. Monsieur le sénateur, je sais que vous êtes médecin et que vous consultez les études scientifiques : vous savez donc comme moi que le vaccin Moderna - mais il n'y a pas de raison qu'il soit le seul - commence à montrer des signes de réduction des contaminations, ce qui serait une formidable nouvelle, car cela signifierait l'opportunité pour l'homme de reprendre le contrôle sur un environnement devenu hostile.
La vitesse de livraison des doses dépend-elle uniquement de la capacité de production des laboratoires, ou dépend-elle aussi du prix des vaccins extrêmement variable d'un vaccin à l'autre ?
Nous n'avons pas mis tous nos oeufs dans le même panier : lorsque les commandes ont été passées avant l'été dernier par la Commission européenne, c'était à l'aveugle. Certains pays ont d'ailleurs fait le choix de ne commander qu'un seul vaccin, comme la Corée, pourtant souvent citée en exemple, qui n'a voulu acheter que de l'AstraZeneca. Savez-vous combien de Coréens ont été vaccinés à ce jour ? Aucun ! La campagne vaccinale ne commencera pas avant la fin du mois prochain. Et contrairement à ce que l'on croit, le nombre de cas augmente en Corée. Nous avons une chance en France : nous ne sommes pas un, mais vingt-sept. Lorsque nous avons mis en place un consortium de quatre pays - avec l'Italie, l'Allemagne et les Pays-Bas - et que nous avons commencé à contractualiser avec des laboratoires, la Commission européenne nous a demandé de la laisser faire. Le fait de précommander à l'échelle européenne nous a permis d'acheter les doses par centaines de millions et donc de devenir prioritaire par rapport à d'autres États, de disposer de plus de doses que l'Europe n'a d'habitants et surtout de diversifier les commandes auprès des principaux laboratoires. Le prix a été le reflet de cette capacité à négocier. D'autres pays ont fait le choix de se lancer dans l'aventure avec un seul laboratoire, parfois avec succès, comme Israël, parfois sans succès.
J'ai appris ce matin dans le journal local la livraison au centre hospitalier universitaire (CHU) de Reims de vaccins Moderna. Celle-ci remplace-t-elle la livraison des vaccins Pfizer ou vient-elle en complément ? Le passage de trois à six semaines du délai entre les deux injections me préoccupe. Sur quelle base scientifique vous êtes-vous fondé pour prendre cette décision ?
La livraison de Moderna vient en complément : voyez-y un geste à destination des territoires dans lesquels le virus circule beaucoup, comme le Grand Est, la Bourgogne-Franche-Comté et Nice. Nous avons décidé d'y concentrer les 50 000 premières doses de vaccins Moderna qui s'ajoutent aux livraisons de Pfizer.
Quant à la seconde injection, selon les laboratoires comme Pfizer, elle devait se faire entre 21 et 28 jours - donc potentiellement quatre semaines après la première injection -, mais l'Agence européenne des médicaments a indiqué dans ses recommandations que l'on pouvait aller jusqu'à 42 jours, au motif qu'il n'y avait pas de raison de penser que ce serait moins efficace. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), pourtant connue pour sa prudence, a établi que ce n'était pas gênant dans un certain nombre de situations. Certains pays ont déjà entériné cette pratique, comme le Canada ou le Danemark. La Grande-Bretagne a fait le choix de repousser la seconde injection à 12 semaines. La HAS a été saisie sur la question d'en faire une règle générale. Dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) néanmoins, nous avons fait le choix de conserver l'injection de la deuxième dose trois semaines après la première.
Sur la base des analyses des data, des études qui ont été faites, des réactions chez les patients qui ont reçu ce vaccin après 3, 4 ou 6 semaines. Si l'Agence européenne des médicaments, l'ANSM, la direction générale de la santé (DGS) et si un certain nombre d'États ont déjà pris le parti de passer à 6 semaines, c'est que, vraisemblablement, l'analyse scientifique des données a montré que c'était possible. Mais ce n'est pas la pratique générale en France.
Certains d'entre nous se sont fait vacciner et on leur a dit de revenir dans six semaines...
Pour l'instant, ce n'est pas une règle générale.
On critique fréquemment la stratégie vaccinale pour n'avoir pris en compte que des critères éthiques et sanitaires, au détriment des aspects logistiques. Alain Fischer a d'ailleurs récemment déclaré qu'il n'était pas du tout un spécialiste de ces questions. Vous m'avez rassurée lorsque vous avez dit que les élus locaux seraient maintenant concernés : c'est une bonne nouvelle. Le Lot-et-Garonne, comme le reste de la France, reste désemparé devant l'impréparation qui caractérise la campagne de vaccination française.
Hier matin, notre rencontre hebdomadaire avec le préfet n'a pas été très optimale. Le Lot-et-Garonne fait face à une double difficulté : les doses de vaccin sont insuffisantes, si bien que les congélateurs prêts à recevoir les injections restent majoritairement vides, et, comme beaucoup d'autres départements français, il compte des déserts médicaux, avec des médecins généralistes déjà saturés. Vous venez de dire que les médecins généralistes retraités pourront aussi vacciner, c'est une bonne chose - et c'était la demande faite par le Conseil de l'Ordre du département ; mais avez-vous envisagé des solutions annexes pour fluidifier la vaccination dans les territoires ruraux ?
La ruralité fait tellement partie de nos priorités que j'ai fait un choix différent de nos voisins : non pas déployer 50 vaccinodromes à l'échelle du pays, mais des centaines de petits centres de vaccination à l'échelle des territoires, avec, à terme, 5 à 7 centres de vaccination par département, même si certains départements ont déjà dépassé allègrement ce quota. La répartition des vaccins se fera en fonction des besoins et des vaccins dont nous disposons. Ce n'est pas parce qu'un élu me dira qu'il n'a pas assez de vaccins dans son congélateur qu'on en prendra aux départements voisins pour les lui donner...
Samedi dernier, je n'étais pas dans le Lot-et-Garonne, madame la sénatrice, mais j'étais à Tarbes...
avec le Premier ministre. Le maire, le président de département et la présidente de région sont mobilisés pour mettre en place des équipes départementales, ont développé des centres de vaccination avec des médecins libéraux, des infirmières, des médecins de ville. Les choses se déroulent bien, avec l'engagement de chacun. Nous ne fixons aucune limite aux élus pour fluidifier les choses. C'est la clé du succès et cela va dans le sens de ce que vous m'aviez demandé lors du débat parlementaire.
L'objectif était d'avoir trois centres par département à la fin de cette semaine et jusqu'à six à la fin du mois. Avec 200 centres ouverts le mardi de la deuxième semaine, je crains plutôt qu'il n'y en ait trop, et qu'ils aient des difficultés à tenir toute une semaine avant la prochaine livraison.
Quelles recommandations ont-elles été faites quant à la collecte et au traitement des déchets consécutif à la vaccination ?
Certains nous reprochent d'envoyer des documents copieux pour établir un certain nombre de bonnes pratiques... Un cahier des charges a été envoyé aux préfets et aux agences régionales de santé (ARS), reproductible pour chaque centre de vaccination, qui comporte un chapitre consacré à la « gestion des Dasri », c'est-à-dire les déchets d'activités de soins à risques infectieux. Sur ce sujet, les hôpitaux pivots sont au centre de tout.
Les masques et les tests l'avaient montré, les vaccins le confirment : la logistique est dans notre pays un problème épineux. J'y vois la conséquence du démantèlement de la logistique publique d'État, au demeurant antérieur au pouvoir actuel.
Résultat : vous faites appel à l'un des plus gros cabinets de conseil au monde, McKinsey, pour, tout de même, 130 000 euros la semaine... Sur quel budget cet argent sera-t-il pris : celui de votre ministère, celui de l'Élysée, celui de la sécurité sociale ?
Ces fonds relèvent du budget de fonctionnement du ministère des solidarités et de la santé ; en aucun cas ils ne seront supportés par la sécurité sociale.
Je revendique que nous fassions appel à toutes les compétences disponibles. Elles sont d'ailleurs nombreuses dans le secteur public. Ainsi, un général est chargé de la logistique au sein de mon ministère, épaulé par deux lieutenants-colonels et plusieurs dizaines de logisticiens.
Plus largement, derrière un terme comme « technostructure », des milliers de personnes sont à l'oeuvre, au sein du ministère et en dehors. Elles se sentent parfois montrées du doigt, alors qu'elles mobilisent toute leur énergie et travaillent bien - en réseau, notamment.
Peut-être la France n'est-elle pas, au départ, le pays le mieux équipé sur le plan logistique, mais nous pouvons compter sur des ressources admirables. Je renouvelle mon soutien à toutes ces équipes.
On évoque un taux de perte de 30 % dans les centres de vaccination. Les doses non administrées à des personnes prioritaires ne pourraient-elles pas l'être à d'autres, sans considération de critères, pour éviter les pertes ?
Croit-on que les médecins, les pharmaciens, les infirmiers manquent de bon sens ? Il n'est pas besoin de consignes écrites pour que les quelques doses restantes à la fin d'une journée soient proposées aux personnes présentes.
Nous avons malgré tout formalisé ces consignes - dans un guide devenu célèbre... -, pour que les doses non administrées soient proposées aux personnes sur place, notamment dans les Ehpad.
Les 30 % sont un taux de perte théorique, lié notamment au transport. En pratique, nous en sommes très loin aujourd'hui, ce qui est une excellente nouvelle. En tout cas, nous ne voulons pas jeter de doses de vaccin, car c'est un bien précieux.
Encore faut-il que la population soit avertie de cette possibilité de vaccination...
Nous parlons de toutes petites quantités - une dose ou deux dans un flacon ouvert. Il y a toujours sur place un soignant de moins de cinquante ans, un proche d'une personne vaccinée ou un personnel de l'Ehpad qui peut en bénéficier. On ne m'a signalé aucun cas où, faute de candidats, des vaccins auraient dû être jetés...
La vaccination s'accélère pour les publics prioritaires, comme les aides à domicile, mais les bénévoles des établissements médico-sociaux ne sont pas encore inclus parmi les populations cibles.
Dans le cadre du système régulé au niveau européen, la France reçoit son quota de vaccins précommandés par l'Union européenne. Il semble que certains pays, plus en retard que nous sur le plan logistique, aient libéré des quantités résiduelles de vaccins : font-elles également l'objet d'une régulation européenne ?
Si ce n'est pas le cas, le Parlement et le public doivent avoir accès aux contrats d'achat direct souscrits par la France. Ainsi, un registre public des contrats signés pourrait être mis en place. Vous engagez-vous à la transparence en la matière, comme le demande l'Opecst ?
La transparence est un facteur essentiel pour gagner la confiance des élus et de la population : le succès de notre stratégie vaccinale en dépend !
Lorsque la Commission européenne passe de nouveaux contrats avec des laboratoires auprès desquels elle a déjà précommandé des doses, la règle habituelle s'applique : chaque pays peut commander au prorata de sa population. Si un pays ne souhaite pas acquérir les doses qui lui reviennent, celles-ci sont à nouveau soumises à répartition. La France est extrêmement attentive au respect de ce principe d'équité.
En cas d'achat direct de ces quantités résiduelles, les contrats seront-ils rendus publics ?
Il n'y a pas de contrat d'achat direct : les marchés sont conclus uniquement par la Commission européenne, qui procède à la répartition. Ce mécanisme est parfaitement transparent, et ses règles ont été approuvées par les députés européens.
Je serai direct comme on sait l'être dans le Gard : en matière de stratégie vaccinale, qui décide ? Le pouvoir politique, l'administration - pour ne pas dire la bureaucratie ! - ou trente-cinq citoyens tirés au sort ?
La politique vaccinale est conduite par le ministère de la santé, sous l'autorité du Premier ministre et du Président de la République. Quant à la stratégie d'acquisition des vaccins, elle est conduite conjointement par Agnès Pannier-Runacher et Clément Beaune. Nous suivons les recommandations des autorités scientifiques indépendantes, à commencer par le conseil vaccinal ; grâce à ces instances qui fonctionnent bien, nous sommes outillés pour définir notre stratégie.
Néanmoins, pour répondre à la demande, d'ailleurs relayée au Sénat, d'intégration citoyenne et de démocratie sanitaire, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a proposé que des citoyens tirés au sort suivent la politique vaccinale. J'ignore si le tirage au sort a déjà eu lieu.
Toujours est-il que la politique vaccinale est menée de la manière que j'ai dite. J'ai le privilège d'en rendre compte à échéances régulières devant le Parlement ou lors de réunions d'élus. Du point de vue de la transparence, je crois donc que nous remplissons les critères.
Puisque le nombre de vaccins paraît aujourd'hui suffisant, ne serait-il pas judicieux d'intégrer assez rapidement aux publics prioritaires les sujets jeunes, mais très fragilisés, notamment immunodéprimés et greffés ?
Par ailleurs, nous connaissons maintenant la capacité de mutation du virus. D'ailleurs, nous ne pouvons exclure l'apparition d'un mutant à l'égard duquel les vaccins seraient moins efficaces, voire inefficaces, ce qui rend encore plus nécessaire de vacciner plus vite. La France va-t-elle accélérer le séquençage pour repérer les variants, et comment ce travail influera-t-il sur la politique vaccinale ?
Le professeur Alain Fischer est chargé d'établir la liste des comorbidités exposant particulièrement au risque de formes graves. Les personnes de moins de soixante-quinze ans présentant ces comorbidités - au total, plusieurs centaines de milliers de Français - pourront bénéficier de la vaccination à partir de lundi prochain.
La liste n'aura pas l'exhaustivité que certains souhaiteraient, mais elle sera rigoureusement fondée sur le plan scientifique. On peut imaginer qu'y figureront, par exemple, les patients souffrant d'hémopathie maligne ou d'un cancer en cours de traitement. Les bénéficiaires d'une greffe d'organe sont également au coeur des préoccupations sanitaires.
En matière de séquençage génomique, nous développons, sous l'égide de ma collègue Frédérique Vidal, des plateformes unifiées regroupant les centres nationaux de référence, l'institut Pasteur, les instituts hospitalo-universitaires et les laboratoires publics et privés, afin d'augmenter nos capacités.
Le professeur Bruno Lina, un éminent virologue, m'a expliqué avoir travaillé sur des milliers de tests PCR réalisés jeudi et vendredi derniers. En utilisant une plateforme Thermo Fischer et en procédant au séquençage des cas suspects, il a trouvé environ 1 % de variants d'origine anglaise parmi les tests positifs, sans concentration géographique particulière. Cette opération permettant de surveiller la croissance des variants et l'apparition de clusters sera renouvelée tous les sept à dix jours environ.
Quel est, à six semaines, le taux de protection assuré par le vaccin ? Les scientifiques ne semblent pas d'accord sur la question. Certains affirment que la protection monte en puissance pendant les trois premières semaines, avant d'atteindre un palier, puis éventuellement de baisser. Dans ce cas, une seconde injection à six semaines ne conférerait pas une immunité suffisante.
L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé considère qu'un report de la seconde dose du vaccin Pfizer à six semaines serait sans conséquence. L'Agence européenne des médicaments va dans le même sens.
J'ai néanmoins décidé que, pour les résidents des Ehpad, la seconde injection se ferait à trois semaines. Pour certaines personnes, dont les soignants de plus de cinquante ans, j'ai également ouvert la possibilité qu'elle soit pratiquée à partir de la quatrième semaine.
L'autorisation de mise sur le marché (AMM) encadre les règles de prescription par les médecins ; nous n'allons pas sur-encadrer par rapport à ce que proposent les agences sanitaires.
J'ai dit précédemment que j'avais saisi la Haute Autorité de santé de cette question ; en réalité, elle s'en est autosaisie, au travers de la commission technique des vaccinations (CTV). Quand je disposerai de recommandations affinées de la HAS, je vous en ferai part, ainsi que des conclusions que nous en tirons.
Les contrats passés avec les différentes firmes bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché comportent-ils des clauses de non-recours ?
Il n'y a pas de clause de non-responsabilité qui protégerait les laboratoires. C'est le droit commun qui s'applique : si le produit commercialisé présente un défaut de fabrication, le laboratoire en est entièrement responsable.
En revanche, si une personne est victime d'un effet indésirable grave lié à un aléa thérapeutique, c'est-à-dire sans faute du laboratoire, c'est la solidarité nationale qui jouera, via l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam) - celui-ci pouvant se retourner contre le professionnel de santé ayant procédé à l'acte en cas de faute manifeste, ce qui est très rare.
Ce système est donc protecteur pour les soignants, mais pas pour les laboratoires.
Je salue à travers M. le ministre tous nos personnels soignants, mais aussi administratifs ; ces derniers servent souvent de boucs émissaires, ce qui ne résout rien.
Mon collègue Richard Yung demande quelles orientations pourraient être arrêtées pour la vaccination des Français établis hors de France.
Je pose la même question pour les étrangers résidant dans notre pays : entreront-ils dans les procédures françaises ?
Enfin, plusieurs plateformes de prise de rendez-vous médical ont été retenues par l'État pour la phase grand public. Trop de possibilités ne risquent-elles pas de tuer les possibilités ? Comment cette phase sera-t-elle organisée ?
Trois prestataires privés ont été choisis : Keldoc, Maiia et Doctolib - cette dernière plateforme, française, gère les carnets de rendez-vous pour l'Allemagne. Toutefois, un système national uniforme sera mis en place via sante.fr, en sorte que les usagers ne verront aucune différence. Ce site sera actif pour la prise de rendez-vous d'ici à jeudi prochain.
Les Français de l'étranger peuvent se faire vacciner localement ; s'il y a une convention entre la France et l'État où ils résident, les frais seront pris en charge. Ils peuvent aussi venir se faire vacciner en France, dans les mêmes conditions que quiconque.
Quant aux étrangers résidant dans notre pays, ils peuvent se faire vacciner sur le sol français. S'il y a une convention de sécurité sociale, les frais seront pris en charge.
Quels sont le rôle et la place des élus locaux dans l'organisation et le déploiement de la campagne de vaccination ? Comment les avez-vous consultés et associés à ce processus ?
Nos élus sont prêts à s'investir, comme ils l'ont fait dès le début de l'épidémie, et connaissent parfaitement leur territoire et leur population. Comment peuvent-ils faire connaître leurs besoins ? Par exemple, dans le Calvados, il y a une commune de plus de 8 000 habitants sans centre de vaccination.
J'échange très régulièrement avec les élus locaux, notamment lors de mes nombreux déplacements. On ne peut pas avoir un centre de vaccination partout. Nous en voulons cinq ou six par département, ce qui assurera un bon maillage.
Si les élus veulent organiser des transports collectifs ou individuels, contacter les personnes isolées, mettre à disposition des centres de vaccination des personnels de mairie, promouvoir la vaccination auprès de la population ou mobiliser toute ressource permettant d'enrichir la campagne, ils le peuvent ; ils sont même incités à le faire.
Par ailleurs, les élus locaux participent aux cellules départementales de coordination de la mise en place de la vaccination, avec les préfets et les agences régionales de santé. Leur mission est fondamentale ; partout où je suis allé, j'ai constaté qu'ils la prenaient à bras-le-corps.
Ce fourmillement collectif, au-delà des étiquettes, est essentiel. Les critiques peuvent être légitimes, comme les encouragements à faire plus vite, mieux ou différemment, mais nous devons être soudés comme jamais pour faire face à l'enjeu de la confiance. Car la France ne peut pas avoir un taux d'adhésion à la vaccination moindre que les autres pays. Je n'y crois d'ailleurs pas une seconde : si les Français réfléchissent avant d'agir, ils font, en définitive, le bon choix.
Chacun dans son rôle, donnons leur confiance et accompagnons-les vers ce bon choix !
Dans le temps très contraint dont nous disposions, tous nos collègues n'auront pas pu poser leur question.
Si vous aviez respecté l'ordre d'inscription, madame la présidente, j'aurais peut-être pu poser la mienne...
Ce n'est pas moi qui ai fixé la durée d'une heure. J'ai fait en sorte que tous les groupes politiques puissent s'exprimer.
Je vais continuer d'aller à la rencontre des directions, des pharmaciens, des médecins, des 100 hôpitaux pivots, des directeurs généraux d'ARS et des préfets. Je reste également à la disposition du Parlement. Je serai présent au Sénat demain pour la séance de questions d'actualité au Gouvernement. Vous pouvez aussi m'adresser des questions par l'intermédiaire de mon cabinet ; je me fais fort d'y répondre dans les quarante-huit heures.
Merci, monsieur le ministre, pour vos réponses précises à nos questions précises, posées sans intention polémique : nous souhaitons que la stratégie vaccinale réussisse !
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 18 h 5.