Nous poursuivons nos travaux sur l'état des lieux des soins palliatifs en France avec l'audition de sociétés savantes.
Nous entendons les professeurs Fabrice Michel et Gérard Audibert, réanimateurs et membres du comité éthique de la Société française d'anesthésie et de réanimation ; le docteur Claire Fourcade, présidente, et Mme Anne-Marie Colliot, déléguée générale, de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) ; le professeur René Robert, chef du pôle urgences-réanimation-anesthésie du centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers, de la Société de réanimation de langue française (SRLF).
Nous avons déjà posé le constat d'une insuffisante connaissance et diffusion des dispositions législatives existantes et d'une répartition territoriale très inégalitaire des lits de soins palliatifs.
Notre objectif, aujourd'hui, est de recueillir votre analyse sur la mise en oeuvre effective des textes et les situations auxquelles ils ne répondraient pas de façon suffisante.
Dr Claire Fourcade, présidente de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs. - Cette audition porte sur un sujet important. Souvent, on ne parle des soins palliatifs dans l'espace public qu'en se focalisant sur l'euthanasie. Or il nous semble nécessaire, aussi, de se pencher sur le développement des soins palliatifs, l'accès à ces soins et l'application des lois existantes en la matière. C'est un débat central : les outils existent - nous avons les textes et les institutions - ; ce sont les moyens qui manquent. Le droit à l'accès aux soins palliatifs n'est pas effectif dès lors que seulement 30% des patients qui auraient besoin de soins palliatifs y accèdent.
J'ajoute simplement à cette présentation que je travaille avec l'Agence régionale de santé (ARS) de Bretagne, tandis que ma collègue est basée en Occitanie. Nous serons donc peut-être en mesure de vous apporter des éléments précis sur les différences de fonctionnement entre ARS.
Pr Fabrice Michel, réanimateur et membre du comité éthique de la Société française d'anesthésie et de réanimation. - Ayant déjà participé aux auditions sur la proposition de loi visant à établir le droit à mourir dans la dignité, nous sommes très contents, avec Gérard Audibert, de participer à ce débat parallèle. Effectivement, le débat sur l'euthanasie ne doit pas occulter la question d'une bonne prise en charge. Nous avons une approche particulière en matière d'anesthésie-réanimation, dont nous vous ferons part, travaillant en lien avec les médecins en amont de la réanimation.
Pr Gérard Audibert, réanimateur et membre du comité éthique de la Société française d'anesthésie et de réanimation. - Du fait du caractère multidisciplinaire des soins palliatifs, il importe qu'il y ait une représentation de toutes ces disciplines. Comme l'indiquait Claire Fourcade, les outils existent et ils sont bien connus des réanimateurs. Mais la diffusion de ces connaissances est bien moins réelle dès que l'on sort des services de réanimation, et encore moins lorsque l'on sort de l'hôpital. Je pense en particulier au secteur médico-social, où les moyens et la culture manquent cruellement.
Pr René Robert, chef du pôle urgences-réanimation-anesthésie du CHU de Poitiers, de la Société de réanimation de langue française. - Comme vous le savez, les réanimateurs sont, depuis longtemps, très investis sur la problématique de la fin de vie. C'est une problématique qu'ils abordent à trois niveaux : la réanimation en tant que telle, domaine dans lequel les pratiques ont progressé significativement ; les situations aux frontières de la réanimation, pour lesquelles des réflexions sont engagées et, enfin, un investissement sur le sujet en tant que citoyens.
Quel est votre sentiment sur l'état de l'offre de soins palliatifs et d'accompagnement de la fin de vie en France ? Comment expliquez-vous que les objectifs du plan national pour le développement des soins palliatifs et l'accompagnement en fin de vie 2015-2018 n'aient pas été atteints en termes de couverture du territoire ? En matière de coordination entre la ville et l'hôpital, avez-vous connaissance de communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) qui se saisissent du sujet de la continuité de la prise en charge ? Toutes les personnes éligibles à une prise en charge palliative à l'hôpital font-elles bien l'objet d'un codage soin palliatif ? Avez-vous le sentiment que le caractère contraignant des directives anticipées est bien effectif ? Les décisions médicales en matière de fin de vie sont-elles bien acceptées et comprises par les familles et les proches ? Avez-vous connaissance de difficultés rencontrées par les équipes soignantes, par exemple lors de la mise en place d'une sédation profonde et continue jusqu'au décès ?
Certaines voix affirment que la médecine concourt parfois à créer des situations de fin de vie irréversibles. Qu'en pensez-vous ? Quelle est la place, selon vous, des équipes de soins mobiles ? Au-delà de la formation des réanimateurs, la formation vous paraît-elle suffisante ?
Je vous remercie d'avoir souligné, dans vos propos liminaires, que les outils existent, mais que nous manquons de moyens ; qu'il ne faut pas opposer l'aide active à mourir et les soins palliatifs ; et qu'il faut de la pluridisciplinarité et aussi - pour reprendre des propos que nous avons entendus hier - de l'humilité. Je souhaiterais vous entendre plus précisément sur les directives anticipées : voilà un outil qui existe, mais qui, semble-t-il, est mal utilisé.
Pr Fabrice Michel. - Notre comité s'est réuni pour préparer nos réponses aux nombreuses questions que vous nous avez transmises. Il faut clairement dire que nous ne sommes pas compétents pour répondre à certaines d'entre elles, en tout cas en tant qu'anesthésistes-réanimateurs - nous pourrions avoir un avis, mais en tant que citoyens. Nous avons donc préféré nous focaliser sur les problématiques que nous connaissons.
On le sait, toutes les unités de soins palliatifs, mobiles ou pas, sont en difficulté du fait du manque de moyens, en particulier dès que l'on sort de l'hôpital. Nous le ressentons bien en tant qu'anesthésistes-réanimateurs. Nous prenons en charge des personnes en provenance des soins de ville, pour lesquelles les situations de fin de vie n'ont pas été clairement identifiées ou aucune réflexion n'a été menée quant au risque d'obstination déraisonnable - va-t-on trop loin ? Fait-on certaines choses qu'il ne faudrait pas faire ? Ce sont effectivement des questions qui se posent. Il y a donc le manque de moyens, mais aussi, peut-être, des façons différentes de travailler selon les acteurs de la fin de vie.
On parle beaucoup des directives anticipées dans notre milieu. Elles constituent une réelle avancée, en laissant une place à l'autonomie du patient. Mais on sent bien que tout n'est pas parfait. Les personnes valides ont beaucoup de mal à formuler des directives anticipées. En revanche, celles-ci deviennent un outil lorsque l'on entre dans un parcours de soins, avec des problèmes sérieux.
Encore faut-il que les personnes qui font part de leurs directives anticipées soient bien informées des parcours de soins, des enjeux de chacun des traitements. Ne pas être accompagné fait courir un risque d'erreur par la suite aux médecins. Il peut arriver que des patients soient pris en charge en dépit de leurs directives anticipées. Il est donc essentiel de trouver une solution préservant l'autonomie de choix du patient.
Le caractère contraignant des directives est bien assimilé, sachant qu'il est possible de ne pas les appliquer si elles ne sont pas adaptées, sous réserve du respect d'une procédure collégiale. Les réanimateurs, dans leur ensemble, sont conscients de leur importance, même si peu de gens les ont rédigées.
Faudrait-il les porter dans un registre ? Ce qui est certain, c'est qu'elles ne sont pas facilement accessibles.
Pr Gérard Audibert. - La médecine, en particulier la réanimation, crée des situations de fin de vie irréversibles. Ma spécialité, la neuroréanimation, m'amène à m'occuper de patients de type « Vincent Lambert ». Confrontée à un tel cas, l'équipe soignante aurait tenté de le réanimer dès sa prise en charge ; et comment faire autrement ? Il faudra ensuite un certain temps pour arriver à une situation de fin de vie irréversible. La loi Claeys-Leonetti nous permet déjà de régler ce genre de situation, pour peu qu'il y ait convergence d'analyse entre l'équipe médicale et la famille, ce qui est le plus courant. Et c'est pour lever les situations conflictuelles qu'il va falloir compléter la loi.
Au travers de votre questionnaire, j'ai pu mesurer que les directives anticipées avaient une grande importance, chacun entendant, et c'est louable, maîtriser les conditions de sa fin de vie. Or imaginer tous les possibles d'une fin de vie est très difficile, même pour un médecin. C'est pourquoi la rédaction de directives anticipées est plus facile pour une personne malade : c'est en ce sens que la Haute Autorité de santé (HAS) a établi deux modèles de documents, correspondant à deux types de situations.
Ce qui est essentiel, alors, c'est la désignation de la personne de confiance, surtout si le patient admis en réanimation n'est pas capable de s'exprimer. Partant, il faut affiner les modalités de communication aux médecins de ces directives, par exemple au moyen du dossier médical partagé. Autant on peut avoir du mal à rédiger des directives anticipées, autant désigner une voire plusieurs personnes de confiance est facile.
J'ajoute que la personne de confiance doit pouvoir être jointe 24 heures sur 24.
Pr René Robert. - Le codage des actes de prise en charge palliative est insuffisamment étoffé. Quand le patient concerné séjourne dans une unité de soins palliatifs, le codage est bien répertorié par les directions administratives ; en revanche, certaines prises en charge à visée palliative ne sont pas codées, situation qu'il conviendrait d'améliorer.
Sur les directives anticipées, je rejoins ce qui a été dit : c'est un sujet complexe. Penser que les rédiger est une solution à tout relève du fantasme, tellement cet exercice est difficile, non seulement quand on est en bonne santé, mais également quand on est très malade, étant entendu qu'on peut toujours changer d'avis et qu'on ignore tout des thérapies possibles. Claires et bien rédigées, les directives anticipées sont un outil très intéressant pour les médecins, étant entendu qu'elles sont aussi un moyen pour inciter nos concitoyens à aborder la question de leur fin de vie avec leurs proches. Pour autant, ne cherchons pas à fixer un pourcentage de gens qui les auraient rédigées. Il faudrait presque mettre sur pied des consultations pour aider à leur rédaction.
Les difficultés à prendre une décision, avec les proches, au sujet de la fin de vie font partie du quotidien du réanimateur. La plupart du temps, ces derniers comprennent bien ce qu'il en est, à condition qu'on leur explique de quoi il retourne. Pour autant, dire à l'un de ses proches qu'on va mettre fin à la réanimation d'un malade est très violent, très stressant, surtout que sa compréhension de la situation est altérée. Prendre du temps pour expliquer est donc essentiel.
Dans les unités moins confrontées, au quotidien, avec la mort, on comprend bien que les sessions de formation soient moins intenses et que les situations soient donc plus complexes à gérer.
Apprendre à ne pas faire, c'est le quotidien du réanimateur. Nous disposons de techniques parfois très spectaculaires, comme la ventilation artificielle, qui a acquis une certaine notoriété avec la crise de la covid. La question qui se pose est toujours celle-ci : faut-il réanimer ce patient compte tenu de son état clinique, recourir à des techniques invasives, ou bien, au contraire, ne rien faire ? Et nous avons appris à ne pas faire ! La difficulté, c'est que nous disposons de peu d'éléments objectifs nous permettant de nous déterminer. De fait, la collégialité s'impose.
Concernant les unités mobiles de soins palliatifs (UMSP), les équipes travaillant en soins palliatifs qui y interviennent ont des échanges avec leurs collègues sur le modèle de ce qui existe en cancérologie, à savoir la réunion de concertation pluridisciplinaire. Au même titre que leurs collègues des soins palliatifs, les réanimateurs sont également amenés à intervenir pour dire si un malade relève ou non de la réanimation. Il faudrait que cette concertation pluridisciplinaire entre les activités hospitalières, au moins, soit reconnue par la loi.
Le champ d'action des UMSP est immense. Ces unités interviennent de plus en plus hors de l'hôpital, notamment dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Sans doute faudrait-il créer des « référents » en matière de soins palliatifs impliquant des gériatres et des médecins généralistes, sachant que, s'agissant de ces derniers, les patients en fin de vie représentent un faible part de leur patientèle. C'est pourquoi s'investir dans une formation en soins palliatifs ne va pas de soi pour eux.
Enfin, la formation des étudiants en soins palliatifs a enregistré des progrès, même si elle reste insuffisante. Elle doit être complétée par les formations propres qui existent au sein de chaque discipline. Cette formation doit également s'adresser aux personnels des hôpitaux, des Ehpad, très demandeurs. Ainsi, la SFAP dispense des formations à distance très intéressantes. Nous devons tous nous y mettre !
Dr Claire Fourcade. - Contrairement aux patients admis en réanimation, nos patients communiquent et le plus souvent, ils participent donc aux décisions. Nous exerçons une médecine lente, complexe. Parler de ce dont on a peur, notamment de la maladie grave et de la mort, ne peut se faire que sur un temps long, et aucun dispositif législatif ne pourra apporter de solution simple.
Si nous sommes moins concernés par les directives anticipées, nous pratiquons les discussions anticipées. Nous abordons les questions, notamment du choix entre deux voies thérapeutiques, au fur et à mesure de l'évolution de la maladie. Par ailleurs, la fiche « Urgence Pallia » permet de faire le lien avec les services d'urgence et de leur indiquer les souhaits, en particulier des patients qui sont pris en charge à domicile.
Les nouvelles prises en charge proposées en oncologie nous poussent à nous reposer la question de l'obstination déraisonnable. Si la formation des soignants est primordiale, il faut préciser que l'obstination déraisonnable est davantage le fait des patients et des familles que des équipes soignantes. C'est pourquoi il est important d'en débattre au sein de la société.
Le codage emporte un enjeu de valorisation financière, car la facturation des séjours en dépend. Lorsqu'un patient qui est en soins palliatifs fait une aplasie médullaire, il est plus intéressant financièrement pour l'établissement de le coder en aplasie médullaire qu'en soins palliatifs. Tant que le codage en soins palliatifs ne sera pas valorisant, nous n'apparaîtrons pas dans les radars et nous ne disposerons pas d'une juste évaluation du nombre de patients en soins palliatifs, et donc, des besoins réels.
La formation est essentielle. Faire changer les mentalités nécessite du temps. Les questions liées à la mort font peur à tout le monde, y compris aux soignants. Si les textes prévoient un stage de cinq jours en soins palliatifs pour chaque étudiant, à ma connaissance seule la faculté de Montpellier en propose effectivement. Ainsi, chaque semaine, la même unité de soins palliatifs accueille à Montpellier cinq étudiants en médecine. C'est une démarche très intéressante, mais très chronophage pour cette toute petite équipe.
Cela suppose des moyens, or nos moyens ont été réduits de 30 % sur les deux dernières années. C'est ce qui explique notamment que le plan ne soit pas effectif. Il est frustrant de constater que les outils sont disponibles, que les soignants sont motivés et que les patients ont besoin d'être pris en charge, mais qu'il manque du carburant pour faire fonctionner la machine. Je me permets donc d'insister.
Notre corps de métier est le parcours patient. De ce point de vue, il est très important de mener un travail de coordination entre le domicile - ou l'Ehpad - et l'hôpital.
Au-delà des moyens, dont nous manquons évidemment, je souhaite insister sur la difficulté de trouver des soignants formés aux soins palliatifs dans le contexte de pénurie que nous connaissons. L'ARS a financé une équipe mobile sur un secteur sanitaire breton, mais nous n'avons trouvé ni médecin, ni psychologue, ni infirmière.
De plus, la prise en charge des malades à domicile suppose également la disponibilité d'auxiliaires de vie, car il faut bien remplir le frigo. Il faut valoriser leur métier, car sans ces professionnels le maintien à domicile est impossible.
Le repérage précoce des patients permet d'investiguer les possibilités. En région Bretagne, nous avons mis en place des réunions pluridisciplinaires de concertation comme cela se pratique déjà en oncologie. Cela prouve bien que ce n'est pas une utopie. Ces réunions permettent de réunir, au besoin en visioconférence, les différents professionnels qui interviennent dans le parcours patient.
La circulaire du 25 mars 2008 relative à l'organisation des soins palliatifs est notre Bible, mais encore faut-il pouvoir l'appliquer, c'est-à-dire disposer d'équipes mobiles qui font le lien entre l'hôpital et le domicile et qui permettent aussi des allers-retours entre un lit identifié et le domicile. C'est très rassurant pour les patients, et cela permet d'éviter des hospitalisations en urgence ou en médecine pour traiter des symptômes d'inconfort qui peuvent être angoissants.
La mutualisation des moyens et la coordination locale sont essentielles pour pallier le turnover qui fragilise les équipes.
Il faut également promouvoir le métier d'infirmier en pratique avancée pour les soins palliatifs. La SFAP a fait des propositions en ce sens dans le cadre du plan national.
Je suis interrogée dans mon département par de nombreuses familles sur les unités de soins palliatifs qui pourraient être dédiées aux jeunes et aux enfants. De telles unités existent-elles ? Quel est votre avis sur cette question ?
Tous les départements ne sont pas pourvus d'unités de soins palliatifs. Aux difficultés que vous avez évoquées s'ajoute donc une immense inégalité territoriale. La France se situe au 10e rang mondial en termes de soins palliatifs, au 5e rang pour la qualité des soins et au 22e rang en termes d'accès aux soins. C'est donc peu de dire que nous avons des efforts à faire, notamment quant aux moyens.
Le manque de professionnels doit nous interroger, car au-delà de la suppression du numerus clausus, il faut donner aux facultés les moyens de former les professionnels et cesser de fermer les établissements, car c'est autant de possibilités de stages en moins.
Que pensez-vous des inégalités entre départements ? Quel budget l'État devrait-il selon vous dégager pour la création d'unités de soins palliatifs dans chaque département ?
Pr Fabrice Michel. - Les soins palliatifs pédiatriques soulèvent de grandes difficultés, pour plusieurs raisons. Le monde de la pédiatrie est assez différent de la médecine pour adultes : la prise en charge des familles est, de fait, un impératif et la relation avec les parents est toujours assez étroite.
On ne peut pas imaginer de structures extra-hospitalières dédiées : assez peu d'enfants sont concernés, et heureusement. Des unités de soins palliatifs pédiatriques disposant de lits commencent à voir le jour ici et là, mais elles sont en général assez éloignées du domicile des familles. En conséquence, nous travaillons à la prise en charge de ces enfants à domicile.
Pour ce qui concerne le plan de développement des soins palliatifs, les médecins spécialistes de la question seront bien mieux placés que nous pour vous répondre. Ce qui est certain, c'est que l'on observe de fortes inégalités. En tant que citoyen, j'ai été confronté à une situation insupportable de non-réponse, de mauvaise prise en charge et de défaillance du système, face à la volonté de décéder à domicile. De tels exemples confirment le sentiment de mal mourir en France.
Le manque de moyens est massif, alors même que la prise en charge d'une personne en fin de vie, a fortiori à domicile, demande beaucoup de temps et n'est pas du tout valorisée. Tout repose sur la bonne volonté des soignants, comme très souvent en France malheureusement, car on sait que les médecins n'abandonnent pas leurs patients.
Les médecins généralistes et les infirmières à domicile ne sont que rarement confrontés à ces situations : on est donc face à un problème de compétences et de formation. Dans certains cas, on constate que personne ne sait apposer une sonde gastrique à domicile : l'équipe soignante doit donc se tourner vers la famille. Il y a un travail monumental à accomplir à cet égard.
Il existe bien des lits identifiés de soins palliatifs pédiatriques, qui sont souvent au sein des services d'onco-hématologie. Le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV) vient d'ailleurs de lancer une enquête qualitative au sujet des lits de soins palliatifs en France. Nous participons activement à cette étude.
Les enfants peuvent aussi être accompagnés au sein des unités de soins palliatifs, quel que soit l'âge, surtout dès lors que des équipes mobiles pédiatriques peuvent jouer un rôle d'accompagnement. Dans notre région, trois antennes de l'équipe mobile pédiatrique de soins palliatifs accompagnent les enfants susceptibles d'arriver dans ces unités de soins palliatifs, si c'est le souhait des parents, pour des raisons de proximité.
L'accompagnement des enfants suppose la formation des soignants. L'intervention des équipes pédiatriques n'en est que plus importante, pour que ces deux mondes puissent travailler ensemble.
La nouvelle Fédération française des équipes de soins palliatifs, qui vient d'être créée, travaille également avec nous.
Au cours de ma carrière, j'ai vu la situation se transformer : aujourd'hui, les parents peuvent concevoir d'accompagner leur enfant à domicile, avec l'accompagnement des équipes ressources de soins palliatifs. C'était inenvisageable il y a trente-cinq ans. Surtout, le monde hospitalier avait très peur de laisser dans la nature un enfant qui allait mourir.
Dr Claire Fourcade. - Je sais que vous allez auditionner la toute nouvelle société française de soins palliatifs pédiatriques ; nous travaillons en lien étroit avec ses responsables - nous avons répondu ensemble aux questionnaires, du moins sur les points qui nous concernent collectivement - et ils seront en mesure de vous répondre très précisément sur ces sujets.
Au total, vingt-six départements n'ont pas d'unité de soins palliatifs : c'est considérable. À l'inverse, certains départements, comme le Nord et le Pas-de-Calais, sont historiquement très bien dotés. On a aussi besoin d'un accompagnement de proximité.
Pour ce qui concerne le recrutement médical, nous avons un vaste travail collectif à accomplir : souvent, les médecins viennent aux soins palliatifs en seconde partie de carrière, à un moment où ils ressentent peut-être le besoin d'être davantage dans l'accompagnement, dans la relation avec le patient, et moins dans la technique. Il faut faciliter ces parcours. En outre, pour les quelques personnes intéressées dès le stade des études, le fonctionnement actuel de la médecine palliative ne donne aucune perspective de carrière : faute de postes hospitalo-universitaires, elles resteront toujours sous l'autorité d'un professeur d'une autre spécialité.
Exactement !
Dr Claire Fourcade. - Ce sont des jeux de pouvoir au sein des CHU. Or il s'agit d'un véritable enjeu pour que les soins palliatifs deviennent une véritable discipline structurée.
Au sujet des disparités territoriales, je précise que quatre ARS - Île-de-France, Nouvelle Aquitaine, Bretagne et Centre-Val de Loire - ont créé une cellule régionale des soins palliatifs. Ces structures, qui comprennent deux personnes, permettent à l'ARS d'avoir un regard neutre de l'organisation retenue dans leur territoire. Elles lui permettent de savoir précisément qui fait quoi, à quel niveau. Il s'agit apparemment d'un très bon outil. Les régions Occitanie, Rhône-Alpes-Auvergne et Grand Est demandent d'ores et déjà la création de telles cellules.
Dr Claire Fourcade. - Nous espérons que le prochain plan permettra la généralisation de ces cellules régionales.
Pr René Robert. - Premièrement, pour ce qui concerne les disparités territoriales, le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV) a édité la nouvelle version de son atlas. C'est un document de base pour réagir. On ne peut plus se voiler la face : l'hétérogénéité existe et il faut susciter les vocations afin de combler les manques.
Deuxièmement, pour ce qui concerne la pédiatrie, j'assume aussi des responsabilités dans l'établissement où je travaille et je le confirme : la prise en charge pédiatrique palliative spécifique existe et les parents sont désormais associés. C'est un enjeu extrêmement important dans tous nos centres hospitaliers.
Dr Claire Fourcade. - C'est important de pouvoir déconnecter le sujet des soins palliatifs de la question de l'euthanasie. Ce choix philosophique personnel exige un débat. En revanche, on ne peut pas proposer l'euthanasie faute de moyens : c'est inacceptable.
Très belle conclusion !
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Les groupes Union Centriste et Les Républicains ont demandé l'inscription à l'ordre du jour du mardi 25 mai de la proposition de loi n° 232 tendant à revoir les conditions d'application de l'article L. 122-1 du code pénal sur la responsabilité pénale des auteurs de crimes et délits, présentée par Nathalie Goulet et plusieurs de ses collègues et de la proposition de loi n° 486 relative aux causes de l'irresponsabilité pénale et aux conditions de l'expertise en matière pénale, présentée par Jean Sol et plusieurs de ses collègues. Ces deux textes seront examinés par la commission des lois le mercredi 19 mai.
Je vous propose que nous nous saisissions pour avis de ces deux textes, le second étant issu de travaux communs avec la commission des lois. Je vous propose également, à titre exceptionnel, de désigner Jean Sol comme rapporteur pour avis, car il a beaucoup travaillé sur ce sujet.
La commission désigne M. Jean Sol rapporteur pour avis de la proposition de loi n° 232 (2019-2020) tendant à revoir les conditions d'application de l'article L. 122-1 du code pénal sur la responsabilité pénale des auteurs de crimes et délits, présentée par Nathalie Goulet et plusieurs de ses collègues, et de la proposition de loi n° 486 (2020-2021) relative aux causes de l'irresponsabilité pénale et aux conditions de l'expertise en matière pénale, présentée par Jean Sol et plusieurs de ses collègues.
Le groupe RDPI a décidé de demander l'inscription de deux textes à l'ordre du jour de son espace réservé du 27 mai prochain. Ils seront examinés en commission le mercredi 19 mai.
La commission désigne M. Martin Lévrier rapporteur de la proposition de loi n° 459 (2020-2021), adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à sécuriser les droits à protection sociale des assistants maternels et des salariés des particuliers employeurs.
La commission désigne M. Xavier Iacovelli rapporteur de la proposition de loi n° 291 (2019-2020), adoptée par l'Assemblée nationale, visant à améliorer l'accès à certaines professions des personnes atteintes de maladies chroniques.
La commission désigne Mme Annie Le Houerou rapporteure de la proposition de loi n° 430 (2020-2021) relative à la protection sociale globale, présentée par M. Rachid Temal et plusieurs de ses collègues.
Je rappelle que les auditions des rapporteurs sont en principe ouvertes à l'ensemble des membres des commissaires intéressés, mais à eux seuls. En particulier, l'auteur du texte n'a pas vocation à participer aux auditions, s'il n'est pas membre de notre commission. Il me semble que l'information des groupes est largement assurée par la désignation, propre à notre commission, d'un rapporteur membre du groupe auteur.
La réunion est close à 12 h 20.