Mes chers collègues, nous entendons cet après-midi Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, à propos de l'assurance chômage.
Cette audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site du Sénat. Elle sera ensuite disponible en vidéo à la demande.
La réforme de l'assurance chômage emprunte un chemin long et difficile. La dernière convention d'assurance chômage du 14 avril 2017 aurait dû en principe prendre fin le 30 septembre 2020.
En application de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui prévoit que le Gouvernement définit dans une lettre de cadrage les paramètres de la négociation à venir, l'exécutif a tracé les grandes lignes d'une future convention.
Les partenaires sociaux n'ont pas réussi à s'accorder dans le cadre de cet exercice imposé, et nous vivons depuis sous le régime d'un décret dit de carence et d'un cadre supposé provisoire, dans l'attente de la conclusion d'une nouvelle convention.
Dans ce contexte, le Conseil d'État, saisi en référé, a suspendu le 22 juin dernier l'entrée en vigueur de nouvelles règles relatives au calcul de l'allocation chômage, qui se trouvent donc reportées à une date à déterminer.
Cette décision est motivée par les incertitudes économiques, et une décision au fond est attendue dans quelques mois.
Dans l'intervalle, ce sont les règles prévues par la convention d'assurance chômage de 2017 qui continuent à s'appliquer. En revanche, certaines dispositions du décret sur les conditions d'éligibilité à l'allocation d'assurance et la dégressivité de l'allocation pour les plus hauts revenus entrent bien en vigueur à compter du 1er juillet 2021.
Madame la ministre, nous souhaiterions que vous puissiez cet après-midi faire le point sur les règles qui s'appliquent à partir de demain, 1er juillet, mais surtout sur les perspectives de ce régime en termes de règles applicables, de gouvernance et de financement.
Pensez-vous notamment que les partenaires sociaux puissent raisonnablement s'accorder sur une solution avec une dette dépassant les 60 milliards d'euros d'un régime dont 40 % des ressources sont désormais apportées par l'impôt ?
Comme vous le savez, notre commission a fait des propositions sous forme d'une proposition de loi organique pour tirer les conséquences de la réforme de 2018, qui a largement donné la main à l'État.
Nous serions bien sûr intéressés par votre avis sur ce texte.
Madame le ministre, vous avez la parole, avant que je ne la donne aux collègues qui souhaiteront vous interroger.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les sénateurs, nous avions échangé, le 7 mai dernier sur la présentation de la stratégie de sortie de crise et sur l'évolution des aides d'urgence déployées.
Je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui à nouveau pour cette audition afin de faire le point sur la réforme de l'assurance chômage, à la veille de son entrée en vigueur.
La mesure de bonus-malus applicable aux employeurs entrera en vigueur dès demain, 1er juillet, date à partir de laquelle le comportement des entreprises commencera à être observé. La dégressivité des allocations et les critères d'éligibilité évolueront quant à eux dès que les clauses de retour à meilleure fortune seront remplies.
Seule la mise en oeuvre des nouvelles règles de calcul de l'allocation chômage a été suspendue suite à la décision du Conseil d'État, le 22 juin.
Je vais revenir en premier lieu sur le contenu de cette décision rendue mardi dernier, qui valide les principes de la réforme.
Aucun des arguments au fond soulevé par les organisations syndicales n'a été retenu. En revanche, cette décision questionne la temporalité d'un des éléments de la réforme. Le Conseil d'État nous dit que ce n'est pas le bon moment pour modifier le mode de calcul de l'allocation chômage.
Pour que les demandeurs d'emploi continuent de percevoir leurs indemnités, nous avons donc prolongé à titre conservatoire jusqu'au 30 septembre les règles actuelles de calcul de l'allocation chômage par un décret publié ce matin.
Si le Conseil d'État nous demande de repousser l'application de cette partie de la réforme, c'est parce qu'il estime que la conjoncture économique est encore incertaine.
Je voudrais en premier lieu souligner que le recours aux contrats courts est un phénomène largement indépendant de la conjoncture économique. Il s'agit là, pour l'essentiel, d'habitudes des acteurs. En revanche, les paramètres de l'assurance chômage sont un facteur déterminant de ces habitudes et comportements. À titre d'exemple, la durée minimale d'emploi ouvrant droit à l'assurance chômage influence directement la durée des contrats proposés par les employeurs. Les études montrent que le passage, en 2019, de six mois à quatre mois pour l'ouverture des droits s'est traduit par une forte augmentation des contrats de quatre mois.
Pour ma part, je constate par ailleurs que l'économie repart. C'est sur ce point également que nous souhaitons rassurer le Conseil d'État. L'Insee a publié son enquête de conjoncture de juin, qui met en évidence une très nette amélioration du climat des affaires, qui atteint même un niveau supérieur à celui de l'avant-crise. Les signaux sont également positifs sur le marché de l'emploi, puisque les intentions d'embauche des entreprises en 2021 sont dynamiques et supérieures à ce qu'elles étaient en 2019.
Nous avons atteint au mois de mai un niveau d'embauches inégalé depuis quinze ans. Logiquement, sur ce même mois, nous assistons à une baisse de près de 135 000 demandeurs d'emploi sans activité. Je rappelle que la réouverture de certaines activités n'est pourtant intervenue que partiellement.
D'ores et déjà, de nombreux secteurs, notamment la restauration, le bâtiment ou encore l'industrie, font état de difficultés de recrutement, et vous devez toutes et tous le constater dans vos territoires. C'est donc dès maintenant qu'il nous faut faire évoluer les comportements sur le marché du travail. L'objectif de la réforme de l'assurance chômage reste inchangé. Nous voulons en finir avec un système qui encourage le recours excessif aux contrats courts et qui enferme des centaines de milliers de travailleurs dans la précarité.
Avant toute chose, nous souhaitons réformer le système pour le rendre plus juste. Je rappelle que l'allocation est aujourd'hui calculée en fonction des revenus des jours travaillés et non du revenu moyen sur la période.
Cela peut conduire un demandeur d'emploi qui a travaillé précédemment par exemple un jour sur deux à bénéficier d'une allocation quasiment double de celui qui travaille tous les jours à mi-temps, alors que les deux ont travaillé le même nombre d'heures.
Nous devons, en outre, adapter les paramètres de l'assurance chômage pour mettre fin à ces effets pervers qui encouragent le recours aux contrats courts. Nous devons en premier lieu revoir les règles de calcul de l'allocation chômage, tout d'abord parce que nous refusons d'enfermer des demandeurs d'emploi dans des trappes à précarité. Je rappelle que la France possède et conservera après la réforme l'un des systèmes d'assurance chômage les plus protecteurs au monde.
Contrairement à ce que certains répètent à l'envi, aucun demandeur d'emploi actuellement indemnisé ne verra son allocation changer. La réforme du calcul des allocations n'aura également aucun impact sur les salariés qui se retrouvent ponctuellement au chômage après avoir travaillé de façon continue sur la période précédente.
Le montant global des droits auxquels peuvent prétendre les demandeurs d'emploi restera inchangé. Si le montant mensuel de l'allocation pourra être moins élevé, le demandeur d'emploi sera indemnisé plus longtemps, ce qui lui donnera le temps de se tourner vers un emploi plus stable.
Par ailleurs, nous avons entendu les organisations syndicales et avons introduit un plancher dans la règle de calcul en dessous duquel les allocations ne pourront descendre, mais les règles doivent aussi évoluer, car le rôle de l'assurance chômage n'est pas de financer le besoin en flexibilité des entreprises.
D'aucuns disent que notre réforme repose sur l'idée que les chômeurs optimiseraient leur temps de travail. Je veux le dire ici très clairement : la réforme ne repose absolument pas sur ce présupposé. S'il y a un point sur lequel beaucoup d'études et de témoignages concordent, c'est bien le fait que les règles actuelles de l'assurance chômage réduisent la capacité de négociation des salariés. Ces derniers ne sont en effet pas incités à prétendre à des contrats plus longs.
Plus grave, certains employeurs n'hésitent pas à demander à leurs salariés en contrats courts de rester disponibles entre les missions, instituant ainsi une sorte d'astreinte, qu'ils ne financent même pas : c'est l'assurance chômage qui se retrouve devoir la prendre en charge.
Autrement dit, le système actuel déresponsabilise les entreprises quant à la précarité qu'elles imposent à leurs salariés. C'est cette logique que nous voulons remettre en cause.
Je rappelle par ailleurs que cette alternance entre contrats courts et périodes de chômage n'est pas viable pour l'équilibre financier du régime, puisqu'elle coûte 2 milliards d'euros chaque année à l'Unédic.
Au-delà des règles de calcul de l'allocation chômage, nous allons d'autre part imposer un bonus-malus aux employeurs pour les inciter à proposer des contrats plus longs.
Je sais que la majorité sénatoriale a toujours accueilli avec une certaine fraîcheur le dispositif de bonus-malus, et cela depuis l'examen de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel de 2018.
Ce bonus-malus entrera bien en vigueur dès demain, 1er juillet, date à partir de laquelle le comportement des entreprises commencera à faire l'objet d'une observation, avec un premier impact sur leurs cotisations en septembre 2022.
Je tiens à préciser que l'application de ce bonus-malus a vocation à se poursuivre à l'issue du décret de carence, en novembre 2022, selon des modalités qui sont d'ores et déjà explicitées au sein de ce décret, en application de la loi de septembre 2018.
Du fait de leur situation particulière, les entreprises qui ont fait l'objet de fermeture administrative dans le cadre de la crise sanitaire ne seront pas concernées par le bonus-malus pour la première période d'observation. Cela touche par exemple le secteur de l'hôtellerie, café, restauration et du tourisme.
Quant à celles qui sont concernées, et qui recevront prochainement à ce titre un message des Urssaf, elles seront bien évidemment accompagnées et bénéficieront, si elles le souhaitent, de la prestation de conseil en ressources humaines proposée par les services de mon ministère.
Plus globalement, nous allons intensifier la lutte contre l'utilisation excessive des contrats courts, en lien étroit avec les branches concernées.
La mission que le Premier ministre a confiée à votre collègue Xavier Iacovelli et au député Jean-François Mbaye vient de s'achever. Dans le rapport qui nous a été remis, les parlementaires proposent une nouvelle régulation des CDD d'usage qui pourrait permettre d'avancer vers une meilleure sécurisation des travailleurs précaires.
Nous travaillons dans cette optique sur un nouveau plan d'action de lutte contre le recours excessif aux microcontrats. Il est nécessaire d'ouvrir rapidement le dialogue avec les branches professionnelles les plus concernées, afin de les engager à améliorer la qualité de l'emploi offert. Il s'agit là d'une contrepartie indispensable à l'accompagnement dont elles bénéficient depuis le début de la crise.
Nous accompagnerons donc les entreprises dans cette démarche de régulation renforcée, éventuellement en les aidant à développer des solutions alternatives recommandées par le rapport Iacovelli-Mbaye, comme le CDI intérimaire ou les groupements d'employeurs.
Du reste, je pense que le Gouvernement n'a plus à démontrer sa volonté de lutter contre la précarité. Nous avons agi très tôt et très fort, dès le début de la crise, en déployant des aides d'urgence à destination des demandeurs d'emploi. Ainsi, 830 000 personnes arrivées en fin de droits ont bénéficié d'une prolongation de leur allocation entre novembre et fin juin, pour un montant de 3 milliards d'euros.
Pôle Emploi a pu s'appuyer à cet effet sur des moyens renforcés, avec 2 150 recrutements supplémentaires votés en loi de finances, et je remercie une nouvelle fois Mme la sénatrice Frédérique Puissat d'avoir soutenu ces recrutements dans le cadre du projet de loi de finances 2021.
Nous avons également mis en place, dès novembre, une garantie de revenu minimum de 900 euros pour l'ensemble des travailleurs qui enchaînaient des contrats courts et des contrats saisonniers et qui, du fait de la crise sanitaire, n'ont pu travailler suffisamment pour recharger leurs droits au cours de l'année 2020. Cette garantie est prolongée jusqu'à la fin du mois d'août, ce qui aura protégé plus de 600 000 travailleurs précaires, pour un montant total de 1,3 milliard d'euros entre novembre et août. Comme vous le voyez, notre action de protection des plus précaires dans la crise a été immédiate et à la hauteur.
Mesdames et messieurs les sénateurs, vous l'aurez compris : tout en prenant acte de la décision du Conseil d'État, l'ambition sociale du Gouvernement reste intacte. Nous voulons à la fois accompagner la reprise de notre économie en répondant aux besoins de recrutement des entreprises et faire reculer durablement la précarité sur le marché du travail.
Pour que la relance de notre économie s'accompagne d'emplois durables et de qualité, nous reviendrons prochainement devant le Conseil d'État pour une mise en oeuvre complète et rapide de la réforme.
Je vous remercie.
Madame la ministre, merci pour ces propos liminaires.
La réforme de l'assurance chômage - je pense que nous en conviendrons tous dans cette salle - est une réforme qui a fait couler beaucoup d'encre, et qui a donné lieu à beaucoup de débats dans l'hémicycle du Sénat. Nous pouvons avoir, les uns et les autres, une appréciation différente, mais là n'est pas le problème.
Vous n'êtes pas, madame la ministre, à l'initiative de cette réforme de l'assurance chômage, même si vous la portez aujourd'hui et que vous la mettez en application. La vraie difficulté vient du fait qu'elle n'a pas été négociée avec les partenaires sociaux. J'utilise ces termes à dessein, bien qu'il y ait eu un certain nombre de réunions, on a finalement tranché sans compromis. Nous nous retrouvons donc avec d'un côté les représentants salariaux, de l'autre les représentants des employeurs, qui ne sont pas d'accord, et on assiste à un certain nombre de procédures qui donnent lieu à des retards et nuisent au fonctionnement de notre démocratie.
J'ai présenté ce matin un rapport sur la négociation collective et le dialogue social. J'ai invité les gouvernements à être davantage en lien avec les partenaires sociaux et à mieux respecter l'esprit de la loi Larcher. Ne considérez-vous pas, avec du recul, que cette réforme est un bel exemple de ce que nous ne devrions pas reconduire pour l'avenir dans d'autres secteurs d'activité ?
Ma question suivante portait sur les secteurs concernés par le bonus-malus, mais j'ai appris lors des questions d'actualité que vous avez sorti un décret. Je n'ai pas encore eu le temps de le regarder, mais tout cela doit y être précisé.
Je voulais cependant revenir sur les propos de Muriel Pénicaud qui, le 21 mai, considérait que le calendrier d'application du dispositif n'était peut-être plus le bon du fait de la crise.
Vous l'avez dit, on enregistre une certaine reprise, mais le secteur de la restauration et de l'hôtellerie a des difficultés à recruter et risque d'en avoir pour conclure un certain nombre de contrats, bien que vous ayez mis en place des dispositifs de formation, etc. Ce qui vaut pour la restauration et l'hôtellerie vaut peut-être aussi pour d'autres secteurs : le moment choisi pour mettre en place le bonus-malus est-il le bon ?
Enfin, le président de la République, lorsqu'il était candidat, parlait de l'« assurance chômage universelle ». Nous avons voté cette réforme, même si ce n'est pas notre texte qui est finalement passé dans la loi consacrée à la liberté de choisir son avenir professionnel. Elle tendait à mettre en place une allocation d'assurance chômage pour les indépendants. Nous étions sceptiques à l'époque, car ce n'était pas véritablement une revendication des indépendants. Or on est passé à côté du dispositif, et très peu d'indépendants y ont eu recours. Pensez-vous qu'il faille le réajuster ou le revoir complètement ?
Madame la ministre, vous avez répondu par avance à certaines de mes interrogations.
Cependant, l'une de mes questions, qui rejoint celle de Frédérique Puissat, concerne la formation. Je crois au rebond économique, qui me paraît cette fois-ci solide, et même très solide. Toutefois, la difficulté des entreprises est aujourd'hui de recruter, et les salariés n'ont pas toujours la formation souhaitée.
Dispose-t-on de chiffres qui démontreraient que la formation a été beaucoup plus utilisée et qu'elle peut participer au rebond ?
Madame le Ministre, merci pour vos propos.
Certains secteurs d'activité sont aujourd'hui en pleine croissance, et l'on comprend tout l'intérêt de la réforme en matière d'incitation. D'autres secteurs sont en grandes difficultés. Peut-être le décret va-t-il nous apporter d'autres précisions au sujet des secteurs concernés, mais la question est aujourd'hui celle du calendrier.
Par ailleurs, si les populations locales pourraient trouver un emploi à proximité de chez eux, il existe un vrai problème de formation et d'adaptation. Comment pousser la réforme et proposer des outils de formation et surtout de gestion prévisionnelle des emplois sur les territoires ?
Enfin, comme vous l'avez dit, le Sénat n'apprécie guère le principe du bonus-malus. N'aurait-il pas mieux valu recourir à l'incitation plutôt que de partir dans une démarche qui peut apparaître difficile pour certaines entreprises ?
Madame Puissat, je suis pour que l'on responsabilise les partenaires sociaux. La situation que j'ai trouvée lorsque je suis arrivée à la tête de mon ministère, ne me semble pas satisfaisante : l'État est le seul à avoir la main, les partenaires sociaux demeurant sur le banc de touche sans prendre part au débat, ou se réservant de critiquer les propositions gouvernementales
Si on en est là, c'est que les partenaires sociaux n'ont pas trouvé d'accord.
Cela nous amène à réfléchir à la façon dont on peut faciliter la recherche d'un accord. À cet égard, je suis convaincue que l'on devrait passer davantage de temps en amont pour partager le diagnostic non seulement de l'équilibre de l'assurance chômage, mais aussi de l'impact de tous les paramètres de l'assurance chômage sur le marché du travail.
Or j'entends peu nos interlocuteurs s'en préoccuper. Je le disais, quand on est passé d'une période d'éligibilité à six mois à une période d'éligibilité à quatre mois, la durée des CDD s'est ajustée sur quatre mois. Je pense donc que les paramètres de l'assurance chômage ont une part de responsabilité dans l'explosion des contrats courts à laquelle on a assisté ces dernières années.
Vous connaissez les chiffres : 250 % d'augmentation des CDD de moins d'un mois en quinze ans, avec dix fois plus de recours aux CDD courts en France qu'en Allemagne. Je ne pense pas que notre économie se soit à ce point transformée en quinze ans ni qu'elle soit à ce point différente de celle de notre voisin allemand. Je pense donc essentiel de pouvoir partager en amont ce diagnostic, sans même parler du fait que notre pays présente une certaine singularité dans la persistance d'un haut niveau de chômage, y compris dans les périodes de reprise économique, qui coexistent avec des difficultés de recrutement de nos entreprises.
Cela fait partie du chantier que nous avons ouvert avec les partenaires sociaux sur la gouvernance de l'assurance chômage. Il faudra à l'avenir prendre le temps du diagnostic. Je suis convaincue que si on le partage, cela permettra de trouver un compromis entre l'État et les partenaires sociaux.
S'agissant du système de bonus-malus, on est parti du taux de séparation, c'est-à-dire le nombre de fins de contrats qui se traduisent par une inscription des ex-salariés à Pôle emploi rapporté aux effectifs globaux de l'entreprise. On constate que certains secteurs se singularisent. Si la norme est à 100, quelques-uns sont à 350 et d'autres à 50.
Le principe qui a été retenu est de mettre en place ce système de bonus-malus pour les secteurs au-dessus de 150 si la moyenne est à 100. Cela me paraît très sain, sans aller jusqu'à ce qui peut se pratiquer aux États-Unis, où malus et bonus sont liés au comportement de chaque entreprise. Plus vous mettez fin à des contrats qui conduisent des salariés à s'inscrire à Pôle emploi, plus vos choix d'employeurs coûtent à l'assurance chômage.
Le raisonnement par secteur permet de comparer des entreprises a priori dans le même marché. Il ne s'agit pas de pénaliser les entreprises, mais de soutenir les pratiques d'employeurs les plus vertueuses.
Je pourrais vous en faire passer la liste mais, comme vous l'avez dit, l'arrêté a été publié au Journal officiel de ce matin. L'industrie agroalimentaire se trouve être le secteur qui a le taux de séparation le plus élevé. On pourrait aussi parler de la logistique.
On a fait le choix de ne pas soumettre au bonus-malus les entreprises ayant fait l'objet d'une fermeture administrative. On peut en effet comprendre que leur recrutement va être perturbé au redémarrage. Les secteurs de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH) que vous mentionniez sont en plein redémarrage et connaissent de nombreuses incertitudes, notamment en Île-de-France, du fait de leur dépendance vis-à-vis du tourisme international.
On a bien tenu compte du fait qu'il existait des secteurs plus fragiles ou plus affectés que d'autres par la crise sanitaire. On a donc reporté d'un an la mise en place du dispositif de bonus-malus pour ces secteurs.
Vous avez également souligné, alors que notre économie repart, que beaucoup d'entreprises connaissaient des difficultés de recrutement. Je pense que personne, dans notre pays, ne peut se satisfaire d'une situation dans laquelle on trouve encore près de 6 millions de demandeurs d'emploi dans les catégories A, B et C, alors qu'il existe des entreprises qui n'arrivent pas à recruter.
Cela rejoint les questions posées par Martin Lévrier : on passe beaucoup de temps dans des débats passionnants sur les modes de calcul de l'allocation chômage, ce qui a l'air de motiver un certain nombre de nos interlocuteurs, mais je pense que l'on gagnerait à passer bien plus de temps sur les modalités d'accompagnement et de formation des demandeurs d'emploi. Au-delà de l'intérêt que peut avoir le mode de calcul de l'allocation chômage d'un demandeur d'emploi, notre premier devoir vis-à-vis est d'abord de lui proposer le meilleur accompagnement, la meilleure formation pour pouvoir retrouver le plus rapidement possible une activité durable.
Quelques chiffres pour répondre aux questions qui ont été posées à propos de la formation. Aujourd'hui, les entrées en formation se déroulent très bien. Je rappelle que l'investissement massif dans les compétences décidé par le Président de la République depuis le début du quinquennat représente 15 milliards d'euros.
Il s'agit d'une compétence des régions, mais l'État a décidé d'apporter 15 milliards d'euros. Ils font naturellement l'objet d'une contractualisation avec les régions et permettent de quasiment doubler l'effort de celles-ci en termes de formation des demandeurs d'emploi.
Il est important d'avoir une vision d'ensemble. Elle traduit notre volonté d'accompagner et de former les demandeurs lorsque c'est nécessaire afin qu'ils puissent retrouver un emploi.
Depuis le début de l'année 2021, 356 000 personnes en recherche d'emploi sont entrées en formation. On est légèrement au-dessus de 2019. On mobilise notamment les préparations opérationnelles à l'emploi collectives (POEC), qui permettent de réagir rapidement en cas de tensions dans le recrutement. Nous avons fortement rehaussé leur budget, passant de 135 millions d'euros en 2018 à 235 millions d'euros cette année.
Quelques secteurs sont très identifiés au niveau national, comme les métiers du soin, notamment du grand âge, sur lesquelles nous travaillons avec Brigitte Bourguignon depuis un moment, le secteur des hôtels-cafés-restaurants avec la reprise, le secteur du bâtiment. Il s'agit d'une mobilisation nationale de Pôle emploi. J'ai demandé aux préfets de travailler avec les branches professionnelles, les collectivités, localement, pour identifier les métiers en tension et mener les démarches sur les trois secteurs que j'ai évoqués.
Quant à l'assurance chômage universelle et la possibilité désormais offerte aux travailleurs indépendants et aux démissionnaires de bénéficier d'une allocation chômage, je reconnais que les chiffres ne sont pas à la hauteur de ce qu'on avait imaginé, puisqu'environ 1 000 travailleurs indépendants ont pu bénéficier à ce stade de l'allocation pour les travailleurs indépendants (ATI). Évidemment, la conjoncture ne simplifie pas la mise en oeuvre de cette réforme. Cela vaut aussi pour les démissionnaires, puisqu'on est moins incité à envisager un autre projet professionnel dans le contexte de la crise sanitaire.
Au-delà, nous travaillons avec Alain Griset à des simplifications qui pourraient être apportées à ce dispositif pour permettre à des indépendants dont l'entreprise est en difficulté de bénéficier d'un accompagnement et de s'inscrire à Pôle emploi avec 800 euros d'allocation pendant six mois.
Madame la ministre, Annick Jacquemin m'a chargée de vous poser deux questions.
Que faire lorsque le salarié exige un CDD, alors qu'un CDI est proposé par l'entreprise ?
En deuxième lieu, quelles sont les pistes pour que le Conseil d'État valide en totalité la réforme de l'assurance chômage ? Vous y avez partiellement répondu dans votre intervention liminaire, mais je pose néanmoins la question.
Madame la ministre, il faut rappeler que la lettre de cadrage adressée aux partenaires sociaux dans le cadre de la négociation sociale exigeait 3,9 milliards d'économies sur trois ans. C'est ce cadre budgétaire qui, selon moi, explique que nous n'ayons pas obtenu d'accord. L'objectif était en effet d'abord budgétaire et non la lutte contre les contrats courts, que vous mettez en avant.
Vous avez par ailleurs estimé que les paramètres relatifs aux indemnités étaient dotés d'un degré d'élasticité étonnant. Moi qui suis économiste, je n'en ai jamais connu d'aussi fort. En 2019, on est passé de six mois à quatre mois, même si, en 2020, le contexte économique a été particulier. Les exemples que vous vous prenez sont toutefois de moins d'un mois. Un mois, ce n'est pas quatre mois.
Je vous rappelle que, depuis 200, l'ensemble des paramètres concernant la qualité de l'emploi se dégradent. Je ne pense pas que le fait que les embauches se fassent essentiellement sous forme de CDD soit dû à l'indemnité chômage. L'explosion des contrats très courts, de moins d'un mois, n'a rien à voir avec le chômage.
Vous estimez qu'il aurait fallu s'entendre préalablement sur le diagnostic. En tant qu'économiste, je puis vous assurer que j'ai lu beaucoup de choses sur le fait qu'il n'existait aucune corrélation entre ces sujets.
S'agissant du Conseil d'État, je remarque que la Banque de France estime que les défaillances d'entreprises ont certes reculé, mais surtout grâce aux aides exceptionnelles de l'État. L'OFCE estime quant à lui que 180 000 emplois auront disparu d'ici 2021 en raison des faillites. Pour la Coface, 22 000 entreprises devraient faire faillite d'ici 2022.
Le Conseil d'État juge que cette réforme procède d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation. Vous dites qu'il ne s'agit pas d'une critique sur le fond, mais ils n'ont pas décidé sur le fond : ils ont reporté leur appréciation.
Est-il par ailleurs bien raisonnable de prévoir un décret pour le 1er octobre dans ces conditions ? Cela paraît constituer une obstination déraisonnable. Cette réforme est totalement inappropriée dans son contexte.
Vous avez exclu certains secteurs du calcul du bonus-malus. On constate toutefois une certaine dissymétrie dans les rapports de force entre les acteurs. Je veux bien admettre que quelques salariés refusent un CDI, mais c'est quand même l'employeur qui décide.
Vous estimez que les pratiques de recrutement sont perturbées : allez-vous exclure toute contrepartie pour les salariés des secteurs exclus du bonus-malus ?
Vous opposez souvent à la baisse des droits le fait que l'allongement de la durée d'indemnisation permet au chômeur de toucher au bout du compte la même chose : le chômage de longue durée ne finit-il pas par faire partie de vos hypothèses ? Il s'agit de proposer une indemnisation digne permettant de rebondir le plus vite possible.
Enfin, vous opposez temps plein et mi-temps, mais le problème est de savoir si le mi-temps est contraint ou non. Vous dites qu'il est injuste que les salariés à mi-temps touchent moins que ceux à temps plein. Toutefois, pour vous, l'équité consiste à vous baser sur les moins couverts.
Enfin, qu'est-ce qui vous permettra de dire qu'on est revenu à meilleure fortune ? C'est une notion difficile à apprécier, faute d'indicateurs.
L'assurance chômage est un outil de solidarité et de justice sociale, un pilier de notre République sociale qui permet d'absorber les accidents de parcours professionnel et complète ainsi les autres mécanismes de sécurité sociale.
Pour la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), le régime contribue - je cite - « de façon primordiale à la stabilisation du niveau de vie des Françaises et des Français ». C'est justement cet outil de redistribution auquel vous vous attaquez, madame la ministre.
Je vous le demande une nouvelle fois : trouvez-vous, après la crise pandémique, sociale, économique que nous vivons de vivre et qui continue à secouer le pays, qu'il est urgent de mener une telle réforme ?
Le désaveu qui vous a été infligé par le Conseil d'État, dites-vous, ne porte pas sur le fond. Il est quand même à mettre à l'actif des mobilisations sociales et syndicales. Je voudrais bien comprendre pourquoi vous semblez déterminée à passer outre de façon inflexible ! La seule décision que vous prenez, c'est finalement de décaler l'entrée en vigueur de la mesure, en passant le 1er octobre au lieu du 1er juillet. C'est l'ensemble de votre réforme qui est profondément injuste et qui ne s'attaque absolument pas, comme vous le prétendez, à réduire les contrats courts !
Madame la ministre, j'ai été étonnée de vous entendre dire que certains feraient mieux de se préoccuper d'autre chose que du calcul de l'indemnité des demandeurs d'emploi. Je suis d'accord avec le fait qu'un certain nombre d'entreprises ne trouvent aujourd'hui pas de salariés. Il faut donc se poser les bonnes questions sur les métiers proposés et les formations mais, pour autant, je considère qu'il est tout à fait normal de se préoccuper d'une réforme qui, quoi que vous en disiez, va conduire à une baisse mensuelle de l'indemnité versée aux demandeurs d'emploi.
On sait que la plupart de ces nouveaux demandeurs d'emploi subiront une période de chômage à cause du Covid. C'est la double peine : on perd son emploi parce qu'on est victime du Covid. Je pense notamment à beaucoup de salariés dans le domaine du commerce, qui auront du mal à retrouver du travail.
Tout le monde le dit aujourd'hui : tout le domaine commercial est le train de changer de physionomie. Les salariés qui travaillaient dans des commerces physiques auront énormément de mal à retrouver des emplois. La formation est donc à prévoir mais, dans un premier temps, il me paraît logique de les indemniser à la hauteur de ce qui se fait jusqu'à maintenant.
Par ailleurs, j'abonde dans le sens de ce qu'a dit Laurence Cohen. Même si l'économie repart, on sait qu'on va peut-être subir une quatrième vague de l'épidémie à l'automne. Elle sera sûrement moins importante que les précédentes, mais elle risque de retarder encore un peu un retour à une dynamique économique normale.
Pour un certain nombre de nos concitoyens, on est encore dans une phase anxiogène. Or tout ce que nous propose le Gouvernement, ce sont des réformes qui vont rajouter de l'anxiété aux mêmes types de salariés. La réforme de l'assurance chômage n'est que reportée. On parle à nouveau de la réforme des retraites. Si elle était votée dans les termes prévus aujourd'hui, elle pénaliserait les salariés les plus âgés et qui ont hâte de s'arrêter, c'est-à-dire ceux qui ont les plus petits salaires et parfois les métiers les plus pénibles.
J'ai l'impression que ce Gouvernement avance envers et contre tout, sans entendre le désarroi de ceux qui se sont manifestés il y a deux ans ni le silence des urnes. Pouvez-vous me rassurer à ce sujet ?
Madame la ministre, vous dites que cette réforme du chômage a pour objet de lutter contre la précarité. Je ne fais pas la même analyse que vous, et je pense qu'elle va au contraire renforcer la précarité. Ceux qui vont pâtir de cette réforme resteront les contrats courts, les intérimaires ou les travailleurs saisonniers.
J'entends bien que vous mettez en place le bonus-malus dès demain. C'est plutôt une bonne chose, mais je pense que ceci ne va pas modifier les habitudes des entreprises du jour au lendemain. Pour autant, le calcul de l'indemnité chômage pour les personnes en contrat court va être modifié immédiatement. Ce sont toujours les mêmes, les plus précaires, qui vont être pénalisés par cette réforme.
Vous avez dit que vous mettez en place un système de protection jusqu'à fin août. Je ne suis pas sûre d'avoir bien compris, et j'aimerais que vous le confirmiez. Vous estimez par ailleurs que ce système va toucher 600 000 travailleurs précaires, notamment des saisonniers. Votre objectif est de lutter contre la précarité, mais ce texte aura l'effet inverse et conduira à davantage de précarité.
S'agissant du bonus-malus, pouvez-vous rappeler les secteurs d'activité qui sont exclus de ce dispositif ?
Madame la Ministre, lors des questions d'actualité, vous avez dit qu'il fallait travailler plus longtemps.
D'autre part, vous avez estimé qu'il était important de reconsidérer la pénibilité et le travail des seniors. Je suppose que vous avez des pistes de travail pour prendre en compte les difficultés des personnes dites d'expérience qui arrivent en fin de carrière. Quelles sont-elles ? On sait qu'une personne sur deux qui liquide sa retraite n'est plus en activité, ce qui pose un certain nombre de problèmes.
Enfin, connaissez-vous le rapport que nous avons commis, Monique Lubin et moi-même, sur la problématique des seniors ?
Madame la ministre, nous avons auditionné la semaine dernière la Fédération française du bâtiment au sujet des enjeux de la règle de représentativité patronale. C'est un autre sujet, et nous partageons d'ailleurs votre point de vue d'ailleurs en la matière : il faut que les partenaires sociaux se mettent d'accord.
La Fédération a évoqué les enjeux du choc des prix sur les matériaux et vous a adressé un certain nombre de demandes, réclamant une prise en charge à 100 % de l'activité partielle, notamment pour y faire face. Pouvez-vous nous faire un retour à ce sujet ?
Sur ce dernier point, cela fait quelques mois que la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) et la Fédération française du bâtiment (FFB) nous alertent sur la pénurie de matériaux et sur l'augmentation des prix. C'est un sujet de marché. La pénurie pourrait conduire à arrêter certains chantiers.
Cela fait partie des conséquences de la crise. La prise en charge à 100 % n'existe plus à partir du 1er juillet, mais l'activité partielle de longue durée permet de gérer la situation des entreprises qui peuvent être durablement affectées par les conséquences de la crise sanitaire. Un accord dans ce secteur, comme celui qui a été récemment signé avec les hôtels, cafés et restaurants et une soixantaine de branches professionnelles permettra d'accompagner les soubresauts du redémarrage, dont on espère qu'ils vont se stabiliser le plus vite possible.
Je rappelle que l'activité partielle de longue durée permet une prise en charge sur une durée de 24 mois, avec un reste à charge de 15 % pour les entreprises et le maintien d'une rémunération de 84 % du salaire net pour le salarié. Je pense qu'il s'agit là d'une solution adaptée.
J'ai fait le point récemment avec des entreprises qui l'ont mobilisée rapidement après la création du dispositif. C'est un système extrêmement flexible. Ces entreprises me disaient qu'elles ajustent leur niveau d'activité à la semaine. Ce n'est certes pas simple mais les entreprises du secteur aéronautique, par exemple, qui ont des activités extrêmement fluctuantes d'une semaine à l'autre, ont pu ainsi s'adapter, avec une très forte prise en charge des salariés qui n'ont pas suffisamment d'activité.
Un autre dispositif me tient à coeur, c'est celui de la formation. Il va de pair avec la prise en charge de la rémunération des salariés pendant les périodes durant lesquelles ils ne travaillent pas. On a mobilisé un milliard d'euros de FNE-Formation dans le cadre du plan de relance pour que les périodes non travaillées puissent être utilisées pour former des salariés. On sait qu'avec la transition écologique et la transition numérique, il est plus que jamais nécessaire de le faire.
C'est la réponse que j'ai faite aux branches professionnelles qui nous ont alertés sur ce point. L'objectif est d'abord de ne pas se retrouver avec des activités à l'arrêt alors qu'on sort de la crise sanitaire et qu'il existe des commandes à cause de pénuries de matériaux. Le but est que l'économie puisse tourner le plus normalement possible.
Concernant les questions posées par Mmes Poncet-Monge, Cohen, Lubin et Le Houerou, je ne peux laisser dire qu'on ne s'est pas préoccupé des personnes en difficulté durant la crise ou en sortie de crise.
Je rappelle que, depuis le début, le Gouvernement a mis en place des mesures d'urgence massives. Pour le ministère du travail, ce sont 40 milliards d'euros qui auront été mobilisés sur les années 2020 et 2021 au titre de l'activité partielle ou de l'activité partielle de longue durée afin de protéger les emplois.
Je pense qu'on en voit les résultats. À l'issue de la crise de 2008-2009, on avait connu une augmentation de 25 % du nombre de demandeurs d'emploi de catégorie A. Aujourd'hui, la hausse est contenue à 6 %, et j'espère bien, avec la reprise de notre économie, qu'on va ainsi permettre à ces demandeurs d'emploi de retrouver du travail au plus vite.
J'ai indiqué dans mon intervention - mais, manifestement tout le monde ne l'a pas entendu -, que nous avons accompagné depuis le mois de novembre 830 000 demandeurs d'emploi en fin de droits. Je vous vois secouer la tête : peut-être cela ne vous semble-t-il pas grand-chose, mais ces derniers ont vu leur allocation prolongée jusqu'à la levée des restrictions sanitaires.
Nous avons pour ce faire mobilisé 3 milliards d'euros. Peut-être n'a-t-on plus très bien en tête ce que les milliards veulent dire, mais c'est un engagement très fort de la collectivité, nécessaire pour soutenir les demandeurs d'emploi arrivés en fin de droits.
S'agissant des travailleurs précaires, je n'ai pas très bien compris votre raisonnement, madame la sénatrice. On constate que ce mode de fonctionnement du marché du travail, qui va de pair avec notre système d'assurance chômage, a poussé à une augmentation de 250 % des contrats de moins d'un mois en quinze ans, je le répète. Il a mis en grande difficulté tous ceux qui, auparavant, enchaînaient des contrats courts et des périodes de chômage ou des contrats saisonniers et des périodes de chômage.
Cela devrait nous inciter à être plus que jamais d'accord sur le fait que ce système d'assurance chômage n'est pas satisfaisant et qu'il nous faut le modifier pour faire cesser cette explosion des contrats courts à laquelle on assiste depuis quinze ans.
Nous avons, dès le mois de novembre dernier, décidé d'accompagner ces travailleurs précaires dans la crise. Nous le ferons jusqu'à fin août, en garantissant un revenu minimum de 900 euros à ceux dont les droits peuvent être très faibles ou qui n'ont plus de droits.
Ce sont plus de 600 000 demandeurs d'emploi qui sont accompagnés grâce à cette aide exceptionnelle. Nous mobilisons 1,3 milliard d'euros à cette fin. Je ne peux donc laisser dire que nous n'entendons pas les difficultés qui sont vécues par un certain nombre de nos concitoyens. Je veux bien entendre la contradiction, mais je ne suis pas d'accord.
Je ne partage pas l'appréciation selon laquelle nous ferions preuve d'obstination en voulant mener à bien cette réforme de l'assurance chômage, et je m'étonne que certains puissent penser que le système actuel est idéal.
Ce n'est pas ce que l'on dit, ne caricaturez pas ! Nous proposons des alternatives que vous n'entendez pas
Je pense qu'on peut tous s'accorder pour dire que ce système n'est pas satisfaisant. J'ai à coeur de faire évoluer les règles pour arrêter ces dysfonctionnements sur le marché du travail.
Peut-être ne dispose-t-on pas des mêmes études. Je tiens les miennes à votre disposition, madame la sénatrice. Il s'agit d'une étude sur la réforme intervenue en 2009 et le passage de l'éligibilité de six mois à quatre mois. On a maintenant un certain recul. L'étude est bien documentée et démontre que cela a conduit à faire augmenter la part des CDD à quatre mois.
Quant aux pistes sur l'emploi des seniors, on a souhaité ouvrir une discussion avec les partenaires sociaux. C'est inscrit à l'agenda social. Les seniors sont sans doute ceux qui ont été le plus protégés pendant la crise. Ils sont en effet souvent en CDI, contrairement aux jeunes, qui rentrent dans le marché du travail avec des CDD, des périodes d'alternance de contrats et de chômage. Le taux d'emploi des seniors augmente sur la fin de 2020 par rapport à l'année précédente.
Pour autant, trop d'entreprises recourent encore des ruptures conventionnelles. On sait que, dans le cadre des PSE, les critères d'ordre protègent par ailleurs les seniors. Cela n'empêche pas les entreprises de proposer des ruptures conventionnelles, voire des préretraites avec des arguments qui doivent forcément nous interpeller sur le fait que les compétences des seniors n'auraient pas été actualisées où seraient périmées.
Comme vous l'avez souligné, on sait aussi que, dans certains métiers, on est souvent en invalidité avant d'atteindre l'âge de la retraite. C'est ce champ qu'il me semble important d'aborder, tout comme la formation tout au long de la vie, qui est une de mes priorités.
J'ajoute que nous avons aussi développé, dans le cadre de la crise sanitaire, le dispositif transition collectif afin d'accompagner certaines reconversions, mais le compte personnel de formation (CPF) me semble aussi très important pour permettre des évolutions professionnelles en cours de vie pour des métiers qu'on ne peut pas nécessairement exercer durant de très nombreuses années.
C'est autour de ces pistes que l'on souhaite pouvoir échanger le moment venu avec les partenaires sociaux. Je n'ai pas lu le rapport sur l'emploi des seniors, mais nous allons le regarder et nous pourrons échanger avec vous sur ce sujet.
Est-il possible d'avoir un premier bilan sur la plateforme « Un jeune, une solution » ?
Cela nécessiterait beaucoup de temps.
En deux mots, 1,8 million de jeunes ont été embauchés en CDD de plus de trois mois ou en CDI depuis le mois d'août dernier, quasiment autant que dans la période précédente. On affine les chiffres de l'apprentissage, mais plus de 520 000 contrats ont été signés au cours de l'année 2020.
C'est un record absolu. On a incité les entreprises à embaucher des apprentis et décidé de renouveler le dispositif, car je souhaite que la rentrée 2021 soit à l'image de la rentrée 2020.
Plus de 400 000 jeunes sont entrés dans des parcours d'accompagnement vers l'emploi depuis le début de l'année. Notre objectif est d'accompagner un million de jeunes, que ce soit au titre de la garantie jeunes, des emplois aidés ou des écoles de la deuxième chance. 400 000 jeunes ont déjà pu bénéficier de ces dispositifs.
Je me tiens à votre disposition pour parler plus longuement de ce plan.
Merci, madame la ministre.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 17 heures 35.