La commission procède tout d'abord à l'audition de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, et de M. Alain Marleix, secrétaire d'Etat à l'intérieur et aux collectivités territoriales, à l'occasion du rapport évaluant l'impact de la réforme des finances locales (« clause de revoyure ») remis par le Gouvernement au Parlement en application de l'article 76 de la loi de finances pour 2010.
Madame le ministre de l'économie et Monsieur le secrétaire d'Etat aux collectivités territoriales, nous souhaitions vous entendre sur le rapport qu'en vertu de la « clause dite de revoyure » prévue par la loi de finances pour 2010, le Gouvernement devait remettre au Parlement le 1er juin, sur le sujet qui nous intéresse particulièrement de la réforme des finances locales, en particulier sur la mise en place de la contribution économique territoriale après la suppression de la taxe professionnelle.
L'article 76 de la dernière loi de finances dispose, en effet, que le Gouvernement transmet, avant le 1er juin 2010, « un rapport présentant, par catégorie de collectivités et pour chaque collectivité, des simulations détaillées des recettes ». Un rapport conjoint des inspections générales des finances et de l'administration nous a bien été transmis le 10 juin, puis les simulations ont été communiquées sur un CD-Rom séparé, le 18 juin, aux présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances des deux assemblées.
L'article 76 précise que ce rapport mettra en évidence « les conséquences (de la réforme) sur l'autonomie financière et fiscale des collectivités, ainsi que l'évolution des prélèvements locaux sur les entreprises et les ménages ». Or, si le rapport des inspections générales traite de l'autonomie financière, il ne dit mot de l'autonomie fiscale, pas plus que des conséquences de la réforme sur les prélèvements locaux qui pèsent sur les entreprises et sur les ménages.
L'article 76 indique encore que ce rapport « présente les résultats des analyses et des simulations complémentaires demandées par les commissions des finances » des deux assemblées. Or, nous constatons que toutes les questions que nous avons posées début mars ne trouvent pas de réponse dans ce rapport. Il devait également proposer « les ajustements nécessaires des transferts d'impositions entre niveaux de collectivités territoriales et des critères de répartition du produit des impositions en vue de garantir, pour chaque collectivité, le respect des objectifs de la réforme » : les inspections générales abordent à peine ce point.
Nous attendions encore du rapport du Gouvernement, qu'il « propose les évolutions nécessaires du fonctionnement du fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France (FSRIF) et des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) » : les inspections évoquent les principes et suggèrent de mettre en place de nouveaux instruments de péréquation au niveau communal, sur le modèle du FSRIF. Alain Marleix nous a également communiqué des informations en séance publique pour nous indiquer que le projet de loi de finances pour 2011 contiendrait des dispositions relatives aux FDPTP.
L'article 76 précise encore que le rapport « envisage différentes solutions pour faire évoluer le dispositif de garantie de ressources » et qu'il « tire les conséquences de la création de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux sur les collectivités et en particulier celles accueillant des installations nucléaires ainsi que sur l'équilibre financier des entreprises assujetties » : si certains aspects sont développés, nous ne trouvons pas mention dans le rapport des inspections générales d'une évolution du dispositif de garantie de ressources ni du cas spécifique des collectivités accueillant des installations nucléaires.
Nous attendions également que ce rapport « analyse la faisabilité d'une évolution distincte de l'évaluation des bases de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les entreprises, d'une part, et pour les ménages, d'autre part » : encore un point qui n'est pas abordé.
Il avait été précisé que l'avis du comité des finances locales serait joint : d'après nos informations, le comité se prononcera définitivement après une réunion prévue le 6 juillet prochain.
La loi de finances pour 2010 prévoit encore que, au vu de ce rapport et avant le 31 juillet 2010, « la loi précise et adapte le dispositif de répartition des ressources des collectivités territoriales et des EPCI à fiscalité propre ». Dès le 1er avril, nous avions pris acte que ce rendez-vous législatif serait reporté, en constatant que les simulations n'étaient pas fiables, alors qu'elles sont indispensables pour améliorer la péréquation. Le Gouvernement a annoncé qu'il tiendrait compte de la nouvelle contribution économique territoriale : le rendez-vous est donc reporté à la loi de finances pour 2011, voire pour 2012.
C'est toujours un plaisir de venir s'exprimer devant votre commission des finances, d'autant plus grand quand elle est ouverte à tous les sénateurs !
Je plaide coupable pour tous les maux dont vous semblez m'accabler... Mes services ont joint leurs forces à celles de l'IGF et de l'IGA, qui ensemble sont parvenues à rédiger un rapport lisible et accessible à tous, sans rien sacrifier de leur qualité d'expertise. Le document devait vous être remis avant le 1er juin, nous vous l'avons communiqué le 10, car nous tenions à l'accompagner de l'avis du comité des finances locales. Le rapport que nous avons transmis aux présidents des deux assemblées a bien été accompagné de cet avis.
Je plaide coupable, encore, si nous n'avons pas répondu avec assez de détail aux quarante questions que vous nous avez posées début mars : il nous semblait que le rapport et surtout les annexes, nombreuses, répondaient à ces questions, mais, si tel n'est pas suffisamment le cas, je vous assure de toute la coopération de mes services.
Le comité des finances locales a prévu, le 6 juillet, d'entendre les membres de la mission parlementaire et, semble-t-il, c'est seulement après qu'il statuera sur ce rapport.
Je ne maîtrise pas le calendrier du comité, mais j'ai ici copie de la délibération de sa séance du 1er juin, consacrée à la présentation du rapport des missions d'inspection générale, et signée par son Président, Gilles Carrez.
J'évoquerai d'abord la méthode que nous avons suivie pour cette réforme importante : nous avons voulu le plus de transparence et de coopération possibles avec le Parlement. C'est pourquoi j'ai demandé une mission commune de l'IGF et de l'IGA, présidée par M. Bruno Durieux, avec pour objet précis d'évaluer l'impact de la réforme de la fiscalité locale. Cette mission m'a remis son rapport ; il a été examiné le 1er juin par le comité des finances locales ; nous l'avons transmis le 10 juin aux présidents des deux assemblées, puis nous vous avons communiqué, le 18 juin, sur CD-rom, les simulations que vous nous aviez demandées pour chaque collectivité territoriale.
Le Premier ministre a également nommé six parlementaires en mission, dont vos collègues MM. Buffet, Chatillon et Guené, pour suivre au plus près du terrain le fonctionnement des nouveaux mécanismes de péréquation. Les deux missions ont travaillé en bonne intelligence ; votre commission a contribué à la réflexion par ses travaux, qui ont bénéficié de toute la sagacité du rapporteur général.
J'ai mis à disposition toutes les informations possibles, y compris les simulations mises à jour, et nous avons créé un simulateur pour que les entreprises mesurent les effets de la réforme sur leur propre situation et puissent calculer leur CET.
Tous les décrets d'application ont été communiqués le plus en amont possible. Sur les douze décrets prévus, sept sont publiés, les cinq autres ne sont pas impératifs avant l'an prochain.
Le comité des finances locales auditionnera effectivement les six parlementaires en mission le 6 juillet, avant de statuer définitivement sur le rapport dont il a pris acte le 1er juin.
La réforme de la fiscalité locale avait deux objectifs principaux. D'abord, celui de réduire le poids de la fiscalité sur les investissements productifs des entreprises : la contribution économique territoriale remplace la TP, avec un volet foncier et un volet économique ; sa perspective d'évolution est plus dynamique que la TP et plus cohérente avec l'activité dans les territoires. Second objectif, celui sécuriser et de rationaliser la fiscalité des collectivités territoriales : les bases sont rénovées, plus dynamiques, plus lisibles et plus cohérentes avec les missions des collectivités territoriales.
Le rapport Durieux constate que la réforme allège la charge fiscale locale qui pèse sur les entreprises et que la suppression de la TP bénéficie d'abord aux PME, au secteur industriel, notamment l'automobile et les entreprises de biens intermédiaires, ainsi qu'au secteur agroalimentaire : l'allègement de fiscalité locale peut atteindre 60%. Le rapport, cependant, juge que des ajustements sont nécessaires sur l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER), en particulier celles qui concerne France Télécom et les installations éoliennes : il ne faut pas décourager les initiatives d'équipement dans ces secteurs.
Le rapport Durieux note que les bases fiscales de la nouvelle contribution économique territoriale sont plus dynamiques, de 0,3 point, que celles de la TP.
Comment peut-il être aussi précis sans connaître l'avenir ? Sa méthode consiste-t-elle à faire des projections à partir des données valant pour les années précédentes ?
Oui, ce ne sont pas des hypothèses de stress test comme pour les banques, mais l'application des nouvelles règles de la CET aux données recueillies par le passé.
Le Conseil constitutionnel avait estimé que la réforme respectait cette autonomie ; le rapport Durieux constate qu'elle la renforce même, puisque les bases sont plus dynamiques, ce qui signifie des recettes en hausse, et que les baisses sont évitées grâce à la garantie de ressources : il n'y a donc que des gagnants à la réforme, même si certaines collectivités sont plus gagnantes que d'autres, et toutes sont assurées que leurs ressources fiscales seront au moins égales à celles de 2010.
Enfin, le rapport Durieux estime que des progrès restent à faire pour la péréquation, qui, selon ses estimations, réduira de 2 % les écarts de richesse entre 2010 et 2015 pour les régions et de 6% pour les départements tandis que, pour les communes, le système actuel est maintenu.
Pour conclure, je retiens que les objectifs sont atteints pour les entreprises, quoique des ajustements de l'IFER soient requis, et que la réforme conforte l'autonomie financière des collectivités locales, grâce à des bases d'imposition plus stables et plus dynamiques, même si des progrès restent à faire pour la péréquation. Cependant, en matière de péréquation, nous nous heurterons toujours à la dichotomie entre les collectivités dites riches, et celles qui ne le sont pas.
La limite est floue : à partir de quand une collectivité est-elle riche ?
Certes, mais nous ne pouvons nier que certaines départements sont dans une situation financière très difficile.
Conformément à la « clause de revoyure », le Gouvernement a remis le rapport Durieux le 10 juin, après avis du comité des finances locales, et je salue le travail des deux inspections générales, réalisé en relation étroite avec la mission des six parlementaires, qui, elle, aura un rôle très important pour la péréquation.
Quels sont les effets de la réforme ? Globalement, les deux inspections générales montrent que l'État a tenu ses engagements vis-à-vis des collectivités territoriales. Leur autonomie financière est respectée : l'essentiel de la compensation est assurée par l'impôt, le niveau de ressources fiscales de chaque catégorie de collectivités est maintenu à court et à moyen termes, les nouvelles recettes fiscales sont plus dynamiques. Le rapport note une spécialisation accrue des impôts entre collectivités : je sais que cette évolution ne fait pas l'unanimité, mais j'y vois l'avantage d'un lien plus fort entre l'activité économique et les territoires.
Le rapport identifie des points à améliorer, en particulier pour l'IFER sur les opérateurs téléphoniques et sur les entreprises d'éoliennes.
Le bilan, cependant, montre le chemin parcouru depuis notre dernière audition de septembre 2009 devant votre commission : grâce à l'implication de tous, nous sommes parvenus à faire de la réforme des finances locales une réalité.
Sur la péréquation, des progrès doivent être réalisés. C'est d'abord une exigence constitutionnelle. Le problème est moins de définir de nouveaux outils, que de bien calibrer ceux dont nous disposons.
Le rapport Durieux propose des pistes, que nous avons à explorer pour la prochaine loi de finances. D'abord celle d'adapter nos outils de mesure des écarts de richesse entre collectivités, pour mieux prendre en compte les nouvelles ressources dont elles vont disposer. Le sujet est technique, mais il est incontournable pour que les dotations répondent plus justement aux situations locales : il faut adapter les notions de potentiel fiscal et de potentiel financier, nous avons à faire ce travail ensemble.
Le rapport propose encore d'améliorer le dispositif de péréquation entre les échelons régional et départemental via la répartition et la croissance de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Le Parlement a prévu que 25% de cette croissance serait répartie en fonction des charges pesant sur les niveaux départemental et régional : c'est la péréquation sur stock. S'y ajoute une péréquation sur flux, avec une part de la croissance de la CVAE prélevée sur le produit bénéficiant aux collectivités les plus riches. Le rapport Durieux estime qu'il faut renforcer ce dispositif. Il remarque que la péréquation sur stock est retardée par la compensation à l'euro près : une région qui verrait en 2011 sa part de CVAE diminuée du fait de moindres charges, verrait aussi cette diminution compensée par la garantie de ressources à l'euro près et il faudrait attendre 2012 pour voir jouer l'effet de péréquation. Quant à la péréquation sur flux, son abondement est progressif par construction. Enfin, sont apparus des cas où la réforme accentue les inégalités : il faut les corriger dès la loi de finances pour 2011.
Le rapport Durieux propose encore de renforcer les masses concernées par la péréquation, et de fondre les deux dispositifs de péréquation sur stock et sur flux. J'y suis plutôt favorable, mais je préfère attendre l'avis de la mission des six parlementaires, et nous aurons à en rediscuter dès cet été.
Le temps n'est-il pas venu de traiter simultanément la péréquation effectuée dans le cadre de la DGF et la péréquation liée à la réforme de la fiscalité locale ? Des décalages important sont constatés, il faut y remédier...
Tout à fait, nous devons renforcer la cohérence des dispositifs.
Faut-il étendre la péréquation entre communes et entre intercommunalités ? La loi de finances pour 2010 invite à adapter la péréquation communale. C'est particulièrement intéressant en Île-de-France, où les écarts de richesse sont très importants : le fonds de solidarité de la région Île-de-France doit s'adapter aux nouvelles ressources des collectivités locales et la péréquation doit être maintenue au moins au niveau de cette année. Cela vaut aussi pour le fonds départemental de péréquation de la TP, dont une partie a été intégrée à la garantie des ressources.
La réforme de la TP est l'occasion d'aller plus loin. Les inspections générales proposent un nouveau mécanisme de péréquation horizontale pour les communes et les intercommunalités. Le Parlement a tout son rôle à jouer dans la définition d'un tel dispositif, en particulier dans la détermination du panier de la péréquation et dans le calibrage entre la péréquation nationale et la péréquation locale. Les critères de la péréquation doivent être suffisamment génériques et simples pour que leur cohérence apparaisse bien. Nous devrons aussi déterminer comment organiser la péréquation des « blocs locaux » d'intercommunalité.
Sur tous ces sujets, le Gouvernement s'engage à la plus grande transparence. C'est le sens du rapport Durieux et des relations étroites avec la mission des six parlementaires. Nous sommes ouverts au dialogue, pour prendre des mesures dès la prochaine loi de finances.
Enfin, les simulations sont un préalable indispensable, je remercie Christine Lagarde d'avoir mobilisé ses services pour que ces simulations intègrent les dernières données disponibles. C'est nécessaire pour que chaque collectivité évalue les ressources dont elle disposera avec la réforme.
Merci pour ces précisions. Nous avons bien noté les contraintes ayant présidé à l'élaboration de ce rapport, et les rendez-vous annoncés avant la prochaine loi de finances. Nous tenterons d'innover cette année encore, en utilisant l'ordre du jour de la semaine de contrôle, en octobre ou en novembre, pour organiser le débat thématique de première partie de la loi de finances relatif aux collectivités locales.
Mais je m'interroge. Combien cette réforme coûte-t-elle ? On l'avait d'abord évaluée à 4,3 milliards ; d'après les évaluations transmises par le Gouvernement, la transformation de la taxe professionnelle en CET réduirait de 8,7 milliards la charge des entreprises ; le poids de l'IFER serait de 1,5 milliard ; cette réduction nette de 7,2 milliards de la charge qui pèse sur les entreprises entraînerait un surcroît d'impôt sur les sociétés que l'on pourrait estimer à 1,8 milliard. Soit, en définitive, un coût à la charge de l'État de 5,3 milliards. Une partie significative de l'écart d'un milliard d'euros par rapport à la prévision initiale est due à la décision du Conseil constitutionnel relative à l'imposition à la CET des professions libérales.
Le Conseil constitutionnel a modifié en profondeur le régime applicable aux BNC. Le chiffrage initial, en réalité 4,8 milliards, avait en outre été effectué sur la base des déclarations antérieures. Le coût de la réforme sera de 5,3 milliards en régime de croisière et de 12,9 milliards en 2010, compte tenu des modalités d'application de la réforme.
Il faudra compenser une réforme qui se traduit par une aggravation de 5 milliards du déficit structurel de l'État. Comment la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle s'articulera-t-elle avec l'enveloppe fermée de l'État aux collectivités locales ? Est-ce une mesure de périmètre dont le montant s'ajoute à l'enveloppe fermée ? Pouvez-vous nous confirmer - une question importante - que la DCRTP ne servira pas de variable d'ajustement à l'enveloppe fermée ? Dans ce cas, la réforme ne serait plus compensée à l'euro près.
Les documents transmis montrent la différence entre la dotation de compensation estimée initialement à 800 millions pour 2010 et le chiffre retenu par le rapport Durieux, soit 2,5 milliards. Les explications que vous avez fournies à ce sujet ne sont pas satisfaisantes. En effet, vous retenez un montant initial de 800 millions d'euros correspondant à l'effet de la réforme sur l'ensemble des dotations budgétaires de l'Etat, DCRTP et DGF. Or, lors des débats comme dans l'avis du comité des finances locales, ce montant correspond à la seule DCRTP, à l'exclusion de la DGF. Expliquer une partie du surcoût par le transfert entre la taxe sur les surfaces commerciales (TaSCom) et la DGF à hauteur de 600 millions d'euros n'est donc pas pertinent.
En 2011, la DCRTP sera une mesure de périmètre ; sa création ne pèsera donc pas sur les autres concours financiers de l'État aux collectivités territoriales. Il en avait été de même pour la compensation relais en 2010.
Le Gouvernement réaffirme que la compensation s'effectuera à l'euro près car le niveau de recettes sera garanti post réforme. Puis la DCRTP évoluera comme les autres dotations de l'État aux collectivités, c'est-à-dire selon le principe de la stabilité en valeur.
Le FCTVA et la DCRTP ne seront donc pas inclus dans l'enveloppe fermée ?
La DCRTP ne sera pas une variable d'ajustement. Quant à l'écart de chiffrage, il s'explique par l'utilisation de données plus récentes ainsi que par la décision du Conseil constitutionnel.
Je m'interroge sur l'objectif de cette réunion ouverte à tous nos collègues : avant de penser à la préparation de la loi de finances pour 2011, il conviendrait de regarder ce qui se passe. A cet égard, la réunion signe selon moi l'acte de décès de l'article 76 de la loi de finances pour 2010. Nous n'aurons pas de simulations alors que la clause de revoyure seule avait incité certains de nos collègues à voter le texte.
Le groupe socialiste en avait pris acte dès le 2 juin en constatant que nous n'avions rien vu venir. Le groupe UMP, qui a déposé une proposition de résolution le vendredi 18 juin, dresse le même constat. Cette proposition dit explicitement - je le souligne à l'intention de nos collègues nommés par le Premier ministre - que, sur la fameuse valeur ajoutée, et s'agissant des simulations, nous ne pourrons y voir clair qu'au 31 juillet. Le Gouvernement n'a pas tenu ses engagements. La commission avait présenté des demandes détaillées, dans lesquelles les nôtres avaient été intégrées. Quand nous voulons que la taxe d'habitation prenne en compte le revenu, on nous accuse d'irréalisme ; nous avions donc demandé des simulations. Or nous n'avons pas de retour sur nos demandes. Qui plus est, vos simulations, déjà lacunaires, reposent sur une évolution des bases liée à des hypothèses de croissance dont vous dites qu'elles sont « audacieuses ».
Ambitieuses et un peu audacieuses.
Vos 2,5% de croissance ne sont pas réalistes ! L'on pourrait s'engager dans un débat technique - nous savons faire -, mais les collectivités locales sauront peut-être quelque chose le 31 décembre 2010... Quant à la péréquation, quoiqu'essentielle, nous n'en connaîtrons les termes qu'à l'automne 2011. Que proposez-vous pour la prochaine loi de finances ? Comme cela s'était dit à mots couverts durant les tables rondes organisées par la commission, le dispositif est renvoyé à l'après-2012. En attendant, on demande au budget de l'État de compenser, ce qui va ajouter de nouveaux déficits.
Il faut vérifier qu'il y a compensation à l'euro près au titre de 2010, et cela n'est possible qu'au 31 décembre. Peut-être n'avait-on pas cela suffisamment à l'esprit en votant l'article 76. Chacun devra être vigilant. Les rôles complémentaires seront-ils pris en compte ?
Oui ! Nous disposerons des valeurs ajoutées le 30 juin ; les trois sénateurs en mission rendront leurs appréciations fin juin-début juillet et une réunion du comité des finances locales est prévue le 6 juillet. La concertation menée par le Budget sur les bases foncières reprend le 1er juillet - l'on commencerait plutôt par le foncier commercial.
Il y aurait un taux différent pour les deux fonciers, celui des entreprises et celui des ménages ?
La réflexion s'engage.
Je vous mets en garde : si la réévaluation n'est pas simultanée, il y aura trois fonciers, pour la contribution foncière des entreprises, pour les entreprises et pour les ménages. Cela ferait beaucoup.
Je dois dire à Mme Bricq que, malgré les difficultés de l'année 2010, la péréquation verticale continue, comme l'a souhaité le président de la République. La DSU augmente de 70 millions d'euros, la DSR de 26 millions d'euros et la dotation nationale de péréquation de 10 millions d'euros, soit, au total, 106 millions d'euros.
Mes propos n'expriment pas une critique mais le souci de comprendre car, en dehors du monde virtuel, dans lequel nous sommes ici, il y le monde réel, où nous travaillons. Nous sommes toujours très optimistes sur les délais de mise en oeuvre quand nous votons des nouvelles taxes. Les 10 millions que j'attendais de l'écotaxe auraient permis d'attendre la clause de revoyure mais elle a finalement été retardée. Tout en comprenant le décalage dans le temps, je me demande si l'on pourra se revoir d'ici trois ans car, si on ne trouve pas de solution assez rapidement, certains départements seront dans le rouge en 2010, quelques-uns en 2011 et les autres dans deux ans.
La péréquation est un exercice socialement et financièrement enrichissant mais n'a rien d'urgent. J'admire ceux qui proposent une mise à niveau dans les cinq ans : on sera alors en-dessous du niveau de la mer !
Oui, les ressources sont dynamiques. Mais cela ne changera rien pour mon département puisqu'il faut compenser ceux qui ont des ressources moins dynamiques et, avec les taux les plus bas de France, je ne peux rien faire, quoi que l'on dise de l'autonomie fiscale. Il faut connaître les conséquences de la réforme : la revoyure est donc nécessaire, mais dans cinq ans, nous ne serons peut-être plus tous là... Le cinquième risque est à mon avis quelque chose de plus intéressant pour nous que la clause de revoyure. Ne peut-on récupérer dans le budget des sommes qui ont été fléchées pour les départements, pour le RSA chapeau et la CSG ?
Eric Doligé l'a dit, les départements français sont en grande difficulté. Il y a deux ans, le mien avait deux années de ratio de solvabilité ; Dominique Bussereau est passé à huit ans et ce n'est pas sa faute. Le cas n'est pas unique. Il faut interrompre cette spirale destructrice.
Je n'écrirai plus sur la péréquation dont j'avais traité avec Jean François-Poncet. Voilà en effet le plus beau numéro d'hypocrisie tous gouvernements confondus depuis vingt-et-un ans. Elle représente moins de 2% de la masse publique locale et il n'est pas très facile de prendre dans la poche de ceux qui n'ont plus assez pour donner à ceux qui n'en ont jamais eu suffisamment.
L'IFER est un objet fiscal non identifié. Mieux vaudrait être au point pour le 31 décembre. La Direction de la législation fiscale n'est pas en mesure de répondre aux questions. Il faut pourtant que l'on sache ce que les mots veulent dire. De France Télécom aux opérateurs d'éoliennes en passant par les opérateurs alternatifs, les entreprises de réseau entretiennent des armées de lobbyistes dans nos maisons. J'ai fait une expérience sur ma commune au vu des simulations publiées sur internet en fin d'année : j'ai une IFER qui ne rapportera que 4 040 euros à ma commune, à partager pour moitié avec le département ; nous avons pourtant un réseau de chaleur de 15 mégawatts, exploité par une entreprise qui ne déclare rien ; le poste source d'EDF, 24 mégawatts, n'est pas plus déclaré que le central téléphonique : zéro ! Le malheureux opérateur alternatif qui est installé dans ma commune, lui, a déclaré une antenne sur le château d'eau. Les grands groupes déclarent ce qu'ils veulent et vos services ignorent la réalité locale. Je m'en suis ouvert à la responsable de ceux-ci dans ma commune. L'IFER exige que les grands exploitants soient honnêtes : on ne doit pas plaisanter avec ces affaires-là.
Qu'est-ce que le « bloc communal » ? Nul ne le sait.
Je crois aux énergies alternatives, ce qui est peut-être naïf. Le Gouvernement a eu raison de développer l'énergie photovoltaïque et les éoliennes en s'engageant sur des prix de rachat pour vingt ans. Cependant, alors que le rapport du photovoltaïque pour une collectivité locale est passé de 28 000 à 4 000 euros pour un mégawatt, qui réclame trois hectares de terrain, le prix garanti de 32 centimes est resté le même ! Avec un taux de retour de 12 % à 14 %, les entreprises sont en mesure de financer les retombées locales, même si elles sont plus étroites d'épaule que certains grands groupes. Je suis stupéfait de l'incohérence de ce que je découvre. Pourquoi voulez-vous, dans ces conditions, qu'un maire se batte pour l'installation d'un champ d'éoliennes qui enrichiront ceux qui n'en ont pas besoin ? Tous ces sujets doivent être traités de manière globale et dans la clarté, sans précipitation mais vite.
Merci d'avoir souligné le caractère quelque peu artificiel de l'économie administrée des énergies renouvelables, développées grâce à une niche sur l'ISF.
Je comprends la difficulté qui est la vôtre. Le rapport, très global, réserve une grande inconnue : personne ne sait ce que va donner la CVAE. Le Conseil constitutionnel a joué un mauvais tour en suppriment la taxation des BNC. Envisagez-vous de la rétablir et quand ?
En matière de dotation de compensation, vous nous proposez un rebasage de 800 millions à 2,5 milliards d'euros qui ne sera pas strictement proportionnel à tous les niveaux. Il y aura donc des gagnantes et des perdantes parmi les collectivités. Que ferez-vous, en particulier, au niveau des départements ?
Tout le monde parle de la péréquation. Ne pourrait-on pas profiter des difficultés actuelles pour donner de la souplesse aux groupements de communes volontaires et leur permettre de percevoir la totalité de la DGF pour assurer eux-mêmes la péréquation ? Il est temps de sortir de cette méfiance générale : on ne voit pas tout de Paris. Pourquoi ne pas mener une expérimentation ? Enfin, ne l'oublions pas, la péréquation est souvent associée au saupoudrage - nous nous étions aussi heurtés aux droits acquis lorsque nous avions voulu concentrer la DSU sur les communes qui en avaient le plus besoin.
Je ne partage pas du tout la proposition de M. Fourcade sur la DGF versée à l'intercommunalité ! Je rejoins en revanche Mme Bricq à propos de la clause de revoyure, qui avait été un élément important lors du vote de la réforme. Le ministre a dit que l'un des objectifs était de permettre aux entreprises de ne pas se sentir handicapées par la TP quand elles investissent. Lors des auditions, ces dernières ont expliqué que la CVAE ne créait pas les conditions de l'investissement productif.
Les collectivités locales, qui subissent une énorme transformation, manquent de visibilité. Le rapport Durieux dit que la CVAE a un meilleur dynamisme que la taxe professionnelle mais qu'elle est aussi plus dépendante de la conjoncture économique - et celle-ci ne s'améliore pas.
J'ai bien entendu ce qu'a dit le ministre de la DSU. Le supplément représente un petit apport pour les plus gros bénéficiaires. En réalité, la péréquation suppose une masse financière importante et l'on ne s'en est pas donné les moyens. L'annonce sur la modification des bases foncières m'inquiète fortement car le foncier de ma commune est pour moitié industriel et j'ai très peu de capacité de me retourner vers le foncier des ménages.
Enfin, comme M. Belot, je m'interroge sur le bloc communal. Comment traiter de l'intercommunalité et comment traiter des communes ? On avait, lors de la composition des intercommunalités, une richesse fiscale qu'on ne peut plus mesurer. Il va donc falloir travailler et assurer une vraie visibilité.
Sur cette réforme extrêmement importante, je commencerai par souligner que l'engagement d'une compensation à l'euro près a été tenu par le Gouvernement. Les documents transmis sont clairs. Je ne m'associe pas à ce qui a été dit sur l'établissement du budget des collectivités car il serait absurde de gager les choses sur des simulations. Attendons de connaître les recettes d'une année : la meilleure clause de revoyure sera une année de recettes réelles.
L'IFER, qui est extrêmement nouveau, repose sur une base déclarative que ne connaît pas l'administration fiscale. Il faut une péréquation entre départements sur la valeur ajoutée. On en est à 25%, pourquoi ne pas aller jusqu'à 50% ?
Si l'on évalue à 5,3 milliards le coût de la réforme de la taxe professionnelle pour l'État, on ne mesure pas le désastre que cette réforme représente pour les départements. Parce qu'elle augmentait de 3 à 4 % l'an, la taxe professionnelle permettait de faire face à la croissance de 5 à 6 % des dépenses sociales. Sans cette garantie, nous allons dans le mur : je serai dans le rouge en 2012 et dans l'écarlate en 2013. Je comprends qu'on ne peut respecter la clause dite de revoyure tout de suite, mais comment voter les budgets départementaux si l'on ne dispose des chiffres qu'au 31 décembre ? On remet toujours au lendemain ce qui a été promis. Un jour, la plupart des départements de France seront en faillite.
Le rebasage de la dotation de compensation ne perturbe pas la compensation à l'euro près puisque le fonds de garantie individuelle de ressources interviendra après les dotations. Je précise à M. Fourcade que l'article 34 quater du projet de réforme des collectivités locales, que députés et sénateurs ont voté, permet à un EPCI de recevoir la totalité de la DGF, sur délibération concordante de l'organe délibérant et de chacun des conseils municipaux, sur la base du volontariat.
La situation des départements est indépendante de la réforme de la taxe professionnelle. Le Gouvernement n'est pas inactif et le Premier ministre a pris sur le cinquième risque des engagements devant le bureau de l'Association des départements de France ; un rendez-vous interviendra très rapidement, le 1er janvier prochain. Sans tomber dans l'optimisme, je rappelle que les départements bénéficient de 48,5% du produit de la nouvelle cotisation et qu'ils profitent du dynamisme réel de cette ressource. Les droits de mutation à titre onéreux ont augmenté de 40 % depuis le 1er janvier.
De 16 % seulement chez moi, ce qui ne compense pas les pertes de l'année dernière !
Selon le rapport conjoint de l'IGF et de l'IGA, les recettes des départements resteront dynamiques et seront supérieures de 20 % en 2015 à leur niveau de 2010.
C'est une vision optimiste... Je vous mets en garde sur les droits de mutation, car, les taux d'intérêt étant particulièrement bas, des transactions immobilières sont dénouées par anticipation, avant que ces taux ne remontent.
Les départements bénéficient d'une garantie de ressources. Vous savez exactement ce dont vous disposez alors que vous n'étiez pas prémunis contre une baisse de taxe professionnelle. Il faut examiner indépendamment de la réforme l'évolution comparée des besoins et des bases.
Mme Bricq a fait référence à nos hypothèses ambitieuses et un peu audacieuses de croissance. Il est normal que le rapport Durieux les retienne. Nous y reviendrons sur la base des informations que nous aurons sur le deuxième trimestre 2010. Nous aborderons le débat avec des bases revues, éventuellement à la hausse, car les chief economists de certaines banques nous situent même au-dessus de nos hypothèses.
Je n'ai pas la réponse sur le RSA et la CSG, mais nous répondrons à M. Doligé.
Vous me demandez, monsieur Belot, plus de travail sur l'assiette et les déclarations des entreprises de réseau, nous allons nous y attaquer. Il s'agit de clarifier les concepts, l'appréhension et le calibrage. Nous devrons arbitrer entre la nécessité d'un rééquilibrage fiscal et les incitations aux énergies alternatives. Je vous remercie de vos encouragements et de votre vigilance.
Nous sommes malheureux, monsieur Fourcade, d'avoir été retoqués sur les bénéfices non commerciaux par le Conseil constitutionnel. Nous cherchons une taxation appropriée et prenons l'attache des professionnels.
Il y avait une injustice flagrante pour les professionnels exerçant en société.
Le débat est déjà engagé.
Si vous interrogez le président d'une grande société, madame Beaufils, il vous assurera toujours qu'il faut plus de réductions d'impôt. La DSU, qui a plus que doublé depuis cinq ans, représente 1,2 milliard.
Le BTP est un secteur extrêmement sensible aux prescriptions des élus locaux. Si vous vous plaignez de ne pouvoir boucler votre budget et que vous diminuez vos investissements, il embauchera moins et prendra moins d'apprentis. J'attire votre attention sur cet enjeu en vous rappelant que vous disposez d'une garantie pour 2011. C'est important pour l'emploi : il s'agit d'amorcer un cercle vertueux ou un cercle vicieux.
Monsieur de Montgolfier a raison : il faudra prendre les faits en compte sur la répartition de la péréquation. Nous serons attentifs aux propositions du rapport Durieux.
On ne modifiera pas dès maintenant la loi de finances votée à l'automne dernier ; toute modification n'aura d'effet qu'en 2011 : nous ne prenons donc pas de retard en attendant l'échéance de la loi de finances pour 2011. Je m'engage à organiser toutes les réunions ouvertes nécessaires pour la préparer et je remercie Mmes Bricq et Beaufils de leur sollicitude pour ceux qui avaient voté ce projet de loi avec à l'esprit un rendez-vous à l'été.
Nous nous reverrons bientôt, madame la ministre : nous sommes preneurs de nouvelles simulations. Nous avons dès à présent un rendez-vous le 8 juillet pour le débat d'orientation budgétaire ; peut-être, en application du principe de précaution, établirons-nous nos propres hypothèses. Nous persisterons dans nos propositions en faveur de la croissance et la compétitivité.
Après avoir lancé un appel d'offre, nous avons retenu Public Evaluation System et l'Institut Thomas More pour nous présenter une étude comparative sur les différents systèmes de péréquation fiscale et financière entre les collectivités territoriales dans divers pays.
Nous avons publié en janvier 2009 une étude sur les réformes territoriales en Europe, puis nous sommes intervenus à diverses reprises dans différents colloques et travaux. Vous avez souhaité nous confier une mission pour étudier les mécanismes étrangers de péréquation.
En France, la fiscalité locale est vécue comme le support de l'autonomie : la taxe professionnelle représentait ainsi 16% des recettes de fonctionnement des régions et des départements en 2008. La péréquation est donc le complément indispensable de l'autonomie et elle figure d'ailleurs à l'article 72-2 de la Constitution qui lie la question du financement des collectivités aux principes d'autonomie financière, de compensation et de péréquation. Or, les revendications à l'égalité territoriale se sont accrues alors que la taxe professionnelle était supprimée, que les concours financiers de l'État aux collectivités stagnaient et qu'étaient remis en question le montant des compensations aux transferts de compétence.
Dès lors, comment respecter les impératifs constitutionnels et mettre en oeuvre une péréquation dynamique, alors que les recettes fiscales sont moins dynamiques ?
Pour mener à bien cette étude, nous avons sélectionné divers pays de l'Union européenne et nous avons également retenu le Japon.
Nous avons examiné diverses situations : chaque système territorial répond à un ensemble de contraintes géographiques, démographiques, sociales et historiques. De 2000 à 2008, les parts de fiscalité et de transferts dans les budgets des collectivités ont connu des évolutions variables, tandis que des réformes de financement intervenaient dans la quasi-totalité des pays. Nous avons donc retenu onze Etats, dont la France, bien sûr.
Ces onze pays se caractérisent tous par un haut degré de décentralisation. Dans les pays de l'OCDE, les collectivités engagent 33 % des dépenses publiques, dont 22 % des dépenses de santé et 40 % des dépenses d'enseignement. Les collectivités perçoivent 17 % des recettes fiscales prélevées. Il y a donc un décalage entre la part des dépenses publiques prises en charge par les collectivités territoriales et les recettes qui leur sont attribuées. La fiscalité acquittée par les entreprises représente 19 % des recettes fiscales des collectivités. Les États centraux doivent ainsi financer certaines compétences portées par les collectivités.
La définition de la péréquation est plurielle et elle lie ses objectifs à son financement. La péréquation est un mécanisme de redistribution : elle vise à égaliser les niveaux de vie et les capacités. Très souvent, le terme de péréquation fait référence à la notion de compensation ce qui, dans le débat français, ne simplifie pas les choses. L'égal accès aux services publics sous-tend les systèmes étudiés dès lors que les collectivités assument des compétences telles que la protection sociale ou l'enseignement. Le financement de la péréquation repose sur la collecte de l'impôt mais elle ne rompt pas tout lien avec la territorialisation des ressources. Enfin, la péréquation ne vise pas à égaliser les offres de services : le niveau d'imposition reflète, in fine, les choix et les engagements pris par les exécutifs locaux. Ainsi, la péréquation, l'égalité d'accès au service et le niveau d'imposition sont liés. La péréquation ne doit pas masquer l'adéquation entre le niveau d'imposition et l'offre de service.
Le rapport pose cinq questions qui nourrissent, sans les épuiser, les débats sur les réformes à l'étranger. Le financement des collectivités peut-il comporter une norme de dépense ? Les fonds de péréquation doivent-ils être ciblés sur quelques compétences ? La péréquation garantit-elle un égal accès aux services publics ? La stabilisation des ressources des collectivités passe-t-elle par la péréquation ? Enfin, comment mettre en oeuvre une péréquation sans clivages ?
Tout d'abord, le maillage communal : dans six pays, dont la France, l'Allemagne, l'Italie et la Suisse, plus de 25 % de la population habite dans des communes de moins de 10 000 habitants. En France et en Suisse, moins de 25 % de la population vit dans des communes de plus de 50 000 habitants. On est encore loin des métropoles ! A l'inverse, l'Espagne, la Suède, la Finlande et la Hollande se caractérisent par une concentration de la population dans des villes de plus de 50 000 habitants.
Derrière le vocable région, il faut distinguer les grandes régions - équivalentes au nôtres - et les petites régions - qui seraient comparables à nos départements. A l'instar des pays les plus peuplés, la France est maillée de régions de grande taille qui se caractérisent par des écarts de densité modérés. La péréquation devra en tenir compte. En revanche, dans les pays à petites régions, l'homogénéité n'est pas toujours de mise.
Nous avons retenu l'indicateur courant de PIB par habitant : les distorsions entre départements sont très grandes en France alors qu'elles ont tendance à s'atténuer entre régions.
Les revenus fiscaux représentent rarement la majorité des ressources des collectivités. En revanche, les transferts de fonctionnement et d'investissement sont le plus souvent majoritaires. Lorsqu'on est en présence de fiscalité partagée, la distinction entre dotation et ressource fiscale est beaucoup plus difficile à définir.
Enfin, la situation économique doit être prise en compte : comment prévoir de la péréquation quand les recettes fiscales diminuent et que les dotations budgétaires sont gelées ? Des choix politiques devront être faits.
Dans le rapport, tous les fonds péréquateurs ont été recensés. La France se caractérise, comme la plupart des pays unitaires, par la mise en oeuvre de la péréquation à tous les échelons des collectivités, même si les volumes sont plus importants au niveau communal. En France, l'ensemble des mécanismes verticaux représentent 2,7 % des dépenses publiques tandis que la péréquation horizontale représente moins de 0,5 %. Dans certains pays, les transferts se concentrent au niveau régional, comme en Italie, en Espagne, en Suisse, en Autriche ou en Allemagne.
Sur quels critères de richesse établir la péréquation ? L'opposition entre ressources et charges résiste mal à l'analyse. La distinction s'opère davantage sur la question : comment articule-t-on les richesses et les charges ? En France, aux Pays-Bas et en Suisse, le critère de ressources détermine l'éligibilité. Dans d'autres pays, comme l'Espagne, le Japon et l'Italie, on estime les besoins en fonction des compétences des collectivités. Puis, les besoins financiers sont comparés aux ressources fiscales estimées en potentiel. Un dernier groupe de pays se caractérise par une fiscalité partagée en amont et qui irrigue la péréquation en aval : en Allemagne, en Autriche et en République Tchèque, les critères de répartition sont définis au cas par cas.
Selon que l'on se situe dans une logique de répartition ou de compensation, le système est différent. La France, comme les Pays-Bas ou l'Autriche, suit une logique de répartition : une enveloppe est prédéfinie et les collectivités en ont droit à une partie. Le critère de répartition est déterminé par le Gouvernement. Pour les pays qui relèvent d'une logique de répartition, le montant de l'enveloppe n'est pas défini a priori. Ce sont les montants des besoins qui importent et la fiscalité s'adapte en fonction de ces besoins. Il en est ainsi en Espagne, en Finlande, en Italie, au Japon et en Suède. Dans ce dernier pays, un objectif de dépense est fixé sur le fonds de péréquation, comme cela se pratique en France avec l'ONDAM. Si le montant de l'enveloppe est dépassé, chaque collectivité devra consentir un effort ; s'il y a un excédent, il sera réparti entre elles.
La plupart des pays, et notamment la France, l'Autriche, les Pays-Bas et la République Tchèque, ont construit leur système de péréquation sur une logique de répartition verticale. Mais la péréquation dans une optique de compensation appelle des solutions horizontales, sans exclure des financements verticaux complémentaires ou des ajouts de fiscalité partagée, comme en Allemagne, en Suisse ou en Espagne. En Suisse, la péréquation repose sur des critères de ressources pour les trois-quarts de l'effort total. L'apport des cantons est moindre que celui de la Confédération qui participe très largement au système et prend en charge 60 % du total de la péréquation sur ressources.
Nous souhaitons maintenant vous proposer quelques pistes de réflexion pour engager le débat.
La compensation française est souvent héritée d'un coût historique qui est intégré à la DGF. La péréquation et l'orientation des dépenses des collectivités sont de plus en plus encadrées. Dans divers pays, on essaye d'assurer un égal accès aux services plutôt que de préserver l'autonomie fiscale des collectivités territoriales. En France, une telle orientation serait quelque peu contraire à la Constitution, mais peut être faudrait-il l'envisager.
Enfin, alors que les contraintes budgétaires vont croissantes, il convient de rendre les finances publiques soutenables. Plusieurs pays ont défini des coûts standards de service public, ce qui permet de réduire les montants.
Cette étude a été menée entre mai et juin. Nous avons rencontré de nombreux interlocuteurs que je tenais à remercier pour leur accueil.
En France, on utilise les notions de péréquation et de compensation, mais les autres pays appellent péréquation ce que nous nommons compensation.
A un moment donné, on a compensé la perte d'un impôt et on a figé le dispositif, rendant par là même impossible une quelconque péréquation.
La compensation à l'étranger, ce serait la péréquation à la française, mais actualisée chaque année.
Pouvez-vous porter un jugement sur les pratiques françaises par rapport à ce qui se passe à l'étranger ? Y a-t-il quelque part des règles plus simples, plus claires, plus justes ?
La péréquation produit des effets réels dès lors qu'elle est un pilier incontournable des finances publiques : il faut qu'elle soit un des principaux modes de financement des collectivités, mais indexée annuellement.
La réforme de 2010 a été marquée par de la compensation, plus que par de la péréquation, puisque l'État s'est engagé à compenser à l'euro près.
J'ai lu les conclusions de votre rapport, notamment les pages 57 et 58 :« si à l'avenir les dotations sont gelées, il sera de plus en plus malaisé de poursuivre la croissance de quelques dotations aux volumes discrets dans le budget des collectivités ». Qu'entendez-vous par là ?
Vous écrivez aussi : « La transition vers un système horizontal de redistribution implique une modification substantielle des équilibres là où la péréquation horizontale représente moins de 0,5 % des dépenses publiques des collectivités et l'ensemble des mécanismes verticaux 2,7 % ». Pouvez-vous développer ?
Enfin, vous estimez que la dissociation des mécanismes de compensation et de péréquation apparaît très artificielle. Bref, vous estimez que la péréquation égale la compensation et inversement.
Rapportée à la DGF, l'enveloppe de la DSU ou de la DSR a un impact financier assez peu structurant : ces dotations ont donc un faible impact pour atténuer les inégalités. Si l'on veut réduire significativement les inégalités, l'enveloppe normée ne doit concerner que la péréquation. Mais en retenant un critère tel que l'euro par habitant pondéré par des strates démographiques, on fait déjà de la péréquation. On estime en effet que des économies d'échelle peuvent être réalisées lorsqu'on passe d'une ville de 5 000 habitants à 10 000 ou 20 000. Ainsi, en République Tchèque, les critères de répartition ne tiennent compte que des strates de population.
Des mécanismes de péréquation verticaux ou horizontaux purs n'existent pas. Avec la suppression de la taxe professionnelle et la mise en place d'une péréquation sur la CVAE, on nous présente la péréquation horizontale comme une solution miracle a coût zéro pour le Gouvernement. Les exemples étrangers le démentent : la péréquation horizontale a toujours un coût pour un Gouvernement parce qu'il doit apporter son concours financier, d'une façon ou d'une autre.
Le problème de la péréquation horizontale, c'est qu'elle est visible : il y a des gens qui payent et d'autres qui reçoivent. Si vous identifiez les pauvres et les riches, le débat politique s'envenime automatiquement. Il est donc préférable d'instaurer des prélèvements à la source. En Autriche, les fonds de péréquation sont alimentés par une partie des ressources fiscales qui devaient revenir aux communes. En Suisse, en revanche, il y a des contributeurs et des bénéficiaires. Le système a été accepté car on lui a ajouté une péréquation sur les charges qui concernent plutôt les zones urbaines.
En ce qui concerne la distinction entre péréquation et compensation, elle n'est pas évidente à établir. Dans de nombreux pays, la compensation, c'est non pas de continuer à compenser une réforme votée il y a dix ans, mais de compenser géographiquement des inégalités au sein d'un même État.
Les distinctions opérées par la Direction générale des collectivités locales résistent mal aux analyses étrangères.
Je ne comprends pas que vous ayez du mal à décrire ce phénomène ! En France, la compensation consiste à figer des situations au profit de ceux qui ont levé le plus d'impôts : on récompense les mauvais gestionnaires. Par exemple, plus vous avez voté une vignette automobile élevée, plus vous percevez de compensation.
La péréquation n'a rien à voir ! Il suffit de regarder les déséquilibres. Mais la France n'a jamais eu le courage de faire de la péréquation. Il y a même des collectivités riches qui perçoivent de la péréquation !
Le cas japonais est intéressant. Il prône l'égal accès aux services publics sur le territoire du pays, rural ou urbain. On évalue le coût du service et on redistribue en fonction des besoins. Cela suppose un outil statistique puissant et une revalorisation des bases tous les trois ans, ce qu'on ne fait pas en France.
Dans d'autres pays, le système est différent : le prix du service public est estimé au plus bas et si une collectivité en veut plus, libre à elle de le financer en augmentant les impôts locaux.
En Allemagne, la Fédération des communes a accepté les réductions budgétaires à l'horizon 2020, mais elle a demandé à ce que les obligations qui pèsent sur elles soient allégées d'autant.
Nous réclamons également de revoir le système des normes imposées par l'État qui coûtent fort cher aux collectivités.
Il y a un an, pour répondre à M. Charasse, nous avions fait remarquer que l'Espagne pouvait être considérée comme un modèle car des collectivités avaient poursuivi l'État en justice et elles avaient gagné. Plusieurs collectivités françaises se sont engagées dans cette voie.
La question est de savoir quel est le modèle transposable en France. En Suède, le système à l'air de fonctionner à la satisfaction de tous. Les 350 communes jouent leur rôle de médiateur, d'intermédiaire.
Dans la diapositive numéro 9, vous faites référence à cinq questions. Vous êtes déjà revenus sur la troisième : je ne m'y attarderai donc pas. En ce qui concerne la quatrième question, je souhaiterais que vous développiez : la stabilisation des ressources des collectivités passe-t-elle par la péréquation ? Si les collectivités ont des charges évolutives à recettes constantes, on ne fera que creuser le déficit.
Les effets conjoncturels sont-ils plus ressentis dans certaines collectivités que dans d'autres ? Avec la péréquation, on va essayer de compenser certaines variations conjoncturelles. Peut-on espérer que la péréquation vienne en aide à des collectivités touchées par la crise ?
Aujourd'hui, les collectivités disposent de compétences incontournables sur la santé, l'éducation, la protection sociale. Lorsqu'il s'agit de trouver des moyens pour financer ces politiques, on a le plus souvent recours à de la fiscalité partagée. Pour inciter les collectivités à développer leur territoire, il faut que le lien entre les recettes fiscales et les ressources propres demeure. Or, avec la péréquation, les collectivités sont de plus en plus souvent exposées aux aléas de la conjoncture.
Il est donc dangereux d'indexer les ressources des collectivités sur les recettes fiscales collectées. Enfin, l'OCDE estime qu'il ne faut pas faire faire à la péréquation autre chose que de la péréquation.
Quand on parle de stabilisation, il faut bien avoir à l'esprit que le coût d'un service ne doit pas être figé à un instant T. Chaque année, les critères doivent être revus en fonction de statistiques reflétant le coût standard, actualisé, et non pas historique. Si le coût standard évolue à la hausse, le transfert doit également évoluer à la hausse.
En 2009, l'Italie a voté une loi instaurant une péréquation à tous les échelons de collectivités. Que se passe-t-il si vos recettes fiscales ne suivent pas, leur a-t-on demandé ? La réponse a été très floue, ce qui illustre les contradictions d'un tel système.
Gilles Carrez nous a récemment dit que plus une communauté avait d'argent, plus elle dépensait.
Dans tous les systèmes de péréquation que nous avons étudiés, il n'a jamais été question de niveau de dépenses constatées. On est toujours sur un potentiel de ressources. La Suisse estime que son potentiel équivaut au revenu de ses concitoyens, lissé sur les trois dernières années pour éviter tout à-coup. Tous les pays retiennent des coûts standards. Quelques pays ont fait référence au coût historique, mais ils ont arrêté assez rapidement, comme le Danemark en 1993.
L'idéal, dans une démocratie décentralisée, c'est de lever l'impôt au plus près des prises de décision, mais l'impôt sur la production ou sur l'investissement pose de vrais problèmes et risque de pénaliser l'emploi. En définitive, les impôts locaux sont surtout payés par les ménages et le problème est de trouver une assiette acceptable pour éviter toute délocalisation fiscale. Le bon impôt, c'est l'impôt national, mais il faut ensuite en répartir le produit aux échelons locaux. Ce disant, j'ai bien conscience de fendre le coeur de Philippe Adnot.
Vous m'incitez à la contestation, monsieur le Président ! Je plaide pour un taux faible sur une assiette large.
Pour le contribuable, le bon impôt est celui que l'on ne paye pas ! Pour jouer en équipe de France, il faudrait payer ses impôts en France...
Nous allons en rester là. Nous sommes à la recherche d'une formule miracle et je remercie nos intervenants d'avoir fait le maximum pour nous en donner la recette. Il va néanmoins falloir poursuivre la réflexion.